Les noces enchantées du "post-féminisme" - Prochoix
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liliane kandel<br />
<strong>Les</strong> <strong>noces</strong> <strong>enchantées</strong><br />
<strong>du</strong> "<strong>post</strong>-féminisme" et de l’archéo-machisme<br />
<strong>Les</strong> "féministes et le garçon arabe" ou le discours de la confusion<br />
Sociologue, et féministe depuis les années 1970, Liliane Kandel a<br />
lu pour nous <strong>Les</strong> féministes et le garçon arabe de Nacéra Guénif-<br />
Souilamas et Eric Macé, deux auteurs se revendiquant <strong>du</strong> <strong>post</strong>-féminisme<br />
et de la sociologie. Son analyse est sans appel : ce livre<br />
est consternant, tant <strong>du</strong> point de vue sociologique que <strong>du</strong> point<br />
de vue féministe. Pourtant ses analyses, ses «oublis», et ses confusions<br />
(volontaires ou non) sont partagées aujourd’hui par bon<br />
nombre de militants altermondialistes, anti-racistes et, même, par<br />
quelques... féministes.<br />
"Il nous faut voir, dans le trio formé par les figures <strong>du</strong> queer, <strong>du</strong><br />
garçon arabe et de la fille voilée, non pas les ennemis de la modernité,<br />
mais les acteurs incandescents de l’hypermodernité indivi<strong>du</strong>aliste<br />
et démocratique contemporaine". Cette déclaration<br />
singulière, extraite <strong>du</strong> livre récent d’Eric Macé et Nacéra Guénif-<br />
Souilamas "<strong>Les</strong> féministes et les garçon arabe" 1 , résume, pour<br />
l’essentiel, les thèses qu’y développent ces deux auteurs. Leur<br />
succès dans certains media 2 , les réactions qu’elles ont provoqué<br />
sur le Net, leur proximité avec les discours d’une extrême-gauche<br />
préten<strong>du</strong>ment "<strong>post</strong>-coloniale", nous ont donné envie d’examiner<br />
de plus près leurs analyses. On verra que celles-ci, bien moins féministes<br />
et certainement moins nouvelles que leurs auteurs ne le<br />
laissent penser, n’en contribuent pas moins à accroître la confusion,<br />
déjà considérable, qui entoure aujourd’hui les questions <strong>du</strong><br />
genre, des sexualités, et de leur rapport au politique. C’est donc<br />
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comme un symptôme de cette pensée, largement répan<strong>du</strong>e parmi<br />
nombre d’intellectuels et de militants d’extrême-gauche, que nous<br />
en avons tenté ici le décryptage.<br />
1. Table (presque) rase<br />
Allons au plus simple, à commencer par la surprenante ignorance<br />
dont les auteurs font preuve quant à l’histoire <strong>du</strong> mouvement de<br />
libération des femmes en France. D’entrée de jeu Eric Macé nous<br />
apprend l’existence, jusque-là inédite, <strong>du</strong> "manifeste des 120 salopes"<br />
(note 4 p. 101). Il s’agit bien évidemment de l"Appel de 343<br />
femmes" publié le 5 avril 1971 par le Nouvel Observateur et surnommé<br />
par Charlie Hebdo, avec un incontestable succès, le Manifeste<br />
des 343 salopes.<br />
Nul n’est à l’abri d’une faute de frappe, d’imprimerie ou d’inattention<br />
et, même si j’ai sursauté en voyant ce curieux "manifeste"<br />
mentionné dans les toutes premières pages <strong>du</strong> livre, je n’y serais<br />
sans doute pas revenue si la même désinvolture historique ne courait<br />
tout au long de l’ouvrage. Ainsi, ce "féminisme pro-femme"<br />
dont nous parle Eric Macé, par où il identifie aussi bien le discours<br />
de l’ex-groupe "Psychanalyse et Politique" (aujourd’hui Alliance des<br />
femmes) et de son leader Antoinette Fouque, que celui, "apaisé"<br />
et hétérophile des journaux féminins actuels. Or, non seulement<br />
ces deux discours ne sont pas superposables, mais celui <strong>du</strong> groupe<br />
groupe "Psychanalyse et Politique" (qui ne s’est et n’a jamais été<br />
nommé "pro-femme") s’est toujours distingué par ses attaques,<br />
d’une virulence extrême, contre le féminisme, ou ce qu’il considérait<br />
comme tel. <strong>Les</strong> controverses, les polémiques, les luttes même<br />
(et les ruptures) furent, sur ce point, meurtrières 3 .<br />
Eric Macé, lui, l’ignore — ou veut l’ignorer —, il rebaptise à sa<br />
guise les différents courants <strong>du</strong> mouvement des femmes des années<br />
70 4 , il les amalgame sans l’ombre d’une hésitation au discours<br />
des media d’aujourd’hui. Et, là encore, je n’aurais pas mentionné<br />
ces bizarreries si l’ignorance (voulue ou non) de l’histoire, des luttes<br />
et des analyses <strong>du</strong> mouvement féministe n’entraînait chez les<br />
deux auteurs la certitude d’inventer ou de populariser un nouveau<br />
féminisme, radicalement nouveau : le <strong>post</strong>-féminisme queer, lequel<br />
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<strong>Les</strong> <strong>noces</strong> <strong>enchantées</strong> <strong>du</strong> <strong>post</strong>-féminisme ...<br />
est supposé fonder l’essentiel de leurs analyses. A les en croire,<br />
nul auteur en France avant eux (à part Marie-Hélène Bourcier),<br />
nul texte féministe avant les écrits queer, n’aurait entrepris de<br />
déconstruire le sexe, et encore moins le genre 5 . Aussi leur programme<br />
politique, inédit et révolutionnaire, est-il tout bonnement<br />
de "se déprendre des catégories "homme" et "femme" (p. 51) de<br />
les "désessentialiser", les "dénaturaliser" et les "repolitiser". (p.<br />
42).<br />
Oubliés les slogans ravageurs <strong>du</strong> MLF : "Je suis une femme,<br />
pourquoi pas vous?", "Un homme sur deux est une femme" , "Une<br />
femme sans homme, c’est comme un poisson sans bicyclette",<br />
"Avez-vous choisi d’être hétérosexuel/le ?", et bien d’autres. Ignorés<br />
les travaux pionniers de Colette Guillaumin, Nicole-Claude Mathieu,<br />
Evelyne Peyre et Joelle Wiels, les débats acharnés autour<br />
des thèmes de la "maternitude" ou de la "féminitude". Balayés<br />
les innombrables séminaires, colloques, recherches et ouvrages<br />
consacrés à la critique, précisément, de l’"évidence-fétiche" 6 de<br />
la différence des sexes 7 .<br />
Que les auteurs nous présentent comme inédites des analyses<br />
acquises depuis quelques lustres parmi les féministes 8 , que leur<br />
livre ne soit, pour partie, qu’une laborieuse reprise des critiques,<br />
aussi anciennes que le MLF, de l’idéologie de la différence des<br />
sexes 9 n’aurait en soi qu’un intérêt restreint. Ce qui importe ici,<br />
c’est l’instrumentalisation et, davantage encore, le détournement,<br />
de ces analyses et de cette critique au bénéfice d’une cause inatten<strong>du</strong>e<br />
: la défense inconditionnelle des "garçons arabes" (et des<br />
filles voilées) contre, précisément,... les féministes. Car telle est<br />
la thèse centrale <strong>du</strong> livre : au nom de ce "<strong>post</strong>-féminisme queer",<br />
démontrer que tout le malheur des jeunes garçons des Cités (et,<br />
accessoirement, des jeunes filles), vient... des féministes. Précisément<br />
: a) d’un discours féministe universaliste, "laïciste", et<br />
"aveugle aux discriminations" ; b) <strong>du</strong> discours "féministe" apaisé<br />
et hétérophile des media ; c) <strong>du</strong> discours enfin de ce mouvement<br />
des "femmes d’en bas", mouvement "réactionnaire", "opportuniste"<br />
et, "hétérosexuel" (sic) que serait le mouvement Ni Putes Ni<br />
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Soumises.<br />
Face aux difficultés et aux violences subies (et dénoncées) par<br />
les jeunes filles des Cités, face également aux polémiques suscitées<br />
par la question <strong>du</strong> foulard, nous disent les auteurs, les média<br />
et les féministes, relayés par Ni Putes Ni Soumises auraient fabriqué<br />
de toutes pièces un bouc émissaire idéal : "le garçon arabe"<br />
(Le singulier est bien évidemment destiné à souligner qu’il s’agit<br />
non pas des jeunes français musulmans et/ou arabes réels, habitant<br />
ou non les périphéries des métropoles, mais d’un idéal-type<br />
unique, mélange de préjugés, de stéréotypes et de fantasmes tout<br />
à la fois racistes et sexistes, qui peuplerait les discours des hommes<br />
politiques, les pages des journaux — notamment féminins —,<br />
et l’imagination des féministes). Et, confrontés à ce stéréotype <strong>du</strong><br />
macho viriliste, délinquant, voleur et violeur, les "p’tits gars des<br />
Cités" n’auraient d’autre ressource que de mettre effectivement<br />
en scène, de jouer, d’être sans cesse dans la représentation — la<br />
"performance" disent les queer — <strong>du</strong> stigmate qui leur colle à la<br />
peau 10 .<br />
2. <strong>Les</strong> nouveaux damnés de la terre<br />
Lisons attentivement ce livre : le "garçonarabe" ne viole pas, il<br />
met en scène, il "performe" la scène <strong>du</strong> viol, éventuellement collectif,<br />
dénoncée par les "féministes"; il ne vole pas, il se soumet<br />
au stéréotype <strong>du</strong> délinquant, diffusé par les media 11 ; il ne roule<br />
pas, de son propre chef, des mécaniques, il est simplement dans<br />
la "performance" <strong>du</strong> personnage caricatural de macho archaïque<br />
voire bestial que la société a forgé pour se protéger de ses propres<br />
interrogations identitaires. La description que donne Nacéra Guénif<br />
de cette contrainte au machisme est accablante : les "garçons<br />
arabes" sont "condamnés à en faire trop sur le registre de la virilité<br />
brutale, donc vaincue" (p. 70); ils sont "tenus d’écraser leurs<br />
pulsions", "interdits de part maudite, confinés par d’autres méprisants<br />
dans le ré<strong>du</strong>it d’une hétérosexualité violente" et "ré<strong>du</strong>its au<br />
machisme mimétique" (p. 73), "confinés dans une enveloppe viriliste<br />
trop étroite", "contraints de se conformer à une sexualité exacerbée"<br />
(p.74), "prisonniers d’un virilisme aliénant" (p.77) et "relais<br />
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<strong>Les</strong> <strong>noces</strong> <strong>enchantées</strong> <strong>du</strong> <strong>post</strong>-féminisme ...<br />
de la représentation homophobe <strong>du</strong> monde" (p. 75). Et l’auteur<br />
d’affirmer qu’il s’agit là de "l’ultime enfermement dans une identité<br />
ré<strong>du</strong>ite à sa seule enveloppe corporelle, à sa stricte dimension<br />
virile, à son expression la plus étriquée : le sexe, substitut physique<br />
de l’impuissance sociale" (p. 62) 12 .<br />
Ce discours compassionnel, pour classique qu’il soit, appelle<br />
plusieurs remarques. D’une part, il évoque, presque terme à<br />
terme, les dénonciations féministes classiques des stéréotypes<br />
misogynes les mieux ancrés, depuis celui de la femme-objet des<br />
pubs sexistes ou de la "bombe sexuelle", ré<strong>du</strong>ite à sa seule sexualité<br />
exhibée, jusqu’à ceux de la "pute" humiliée dans les Cités (et<br />
ailleurs), ou à l’hétérosexuelle épanouie, interdite de tout désir<br />
hors norme, notamment lesbien. Il n’est pas jusqu’aux mécanismes<br />
de la contrainte à l’hétérosexualité, décrits depuis longtemps par<br />
Adrienne Rich comme prescrits (aux femmes) par l’idéologie patriarcale<br />
et par le pouvoir masculin, qui ne se trouvent transposés<br />
ici dans ceux d’une symétrique contrainte au virilisme. Il y a là un<br />
étonnant renversement mimétique, où les assignations de genre<br />
se trouvent littéralement inversées : c’est aujourd’hui le "garçonarabe"<br />
qui tiendrait le rôle <strong>du</strong> prisonnier impuissant <strong>du</strong> stigmate<br />
sexuel hétérosexiste. <strong>Les</strong> filles dans tout cela ? les voilà devenues<br />
au mieux inexistantes, au pire complices — ou instruments dociles<br />
— de l’oppression des garçons.<br />
Et, même si les auteurs reconnaissent par moments que certains<br />
de ces "garçons arabes" en font vraiment un peu trop, qu’ils en rajoutent<br />
sur le modèle, la démonstration reste fondamentalement<br />
la même : le machisme extrême dont ils font preuve est exogène à<br />
leur culture, surimposé de l’extérieur par les dominants : occidentaux,<br />
blancs, bourgeois, universalistes, racistes, et... féministes.<br />
Eric Macé et Nacéra Guénif ne vont certainement pas jusqu’à<br />
justifier ainsi le viol — dont ils rencontrent, parfois, le réel (et non<br />
plus seulement la "performance" fantasmée). Mais un réel une fois<br />
de plus étrange, comme dans le cas de Samira Bellil, violée (disentils)<br />
parce que, "en s’adonnant à la frime, l’insulte la vulgarité, la<br />
sé<strong>du</strong>ction et le vol, toutes activités bien connues pour procéder <strong>du</strong><br />
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monde masculin", elle aurait "transgressé les frontières sexuées".<br />
Le viol serait donc ici "le rappel brutal des filles à la nature féminine",<br />
"la conséquence d’une mise en concurrence sauvage des filles<br />
et des garçons de milieu populaire en régime de rareté" (sic) (p.<br />
91). Je tra<strong>du</strong>is : la punition infligée à Samira pour avoir transgressé<br />
son assignation de genre. Que dire alors de toutes les filles qui ont,<br />
elles, parfaitement intériorisé cette assignation, et qui furent, sont<br />
et seront néanmoins violées sans l’ombre d’une hésitation ? Pour<br />
celles-là, le livre n’apporte aucune réponse — et ne témoigne non<br />
plus la moindre empathie.<br />
Opprimés, donc innocents... mais inexistants<br />
Il faut revenir sur la notion, récurrente, d’impuissance propre à<br />
nombre d’analyses de la domination rencontrées ces dernières années.<br />
"Contraints", "confinés", "interdits", "prisonniers", tels sont<br />
les "p’tits gars des cités" décrits par Nacéra Guénif et Eric Macé :<br />
ni responsables ni coupables, les voilà en réalité dépouillés de tous<br />
les attributs (initiative, décision, révolte et autonomie) <strong>du</strong> sujet,<br />
et de l’acteur social et politique 13 . Leurs actes, leurs paroles, leur<br />
violence, leurs délits (s’il y a lieu) ne leur appartiennent pas, ils<br />
ne sont que les conséquences, les résultats, les effets inéluctables<br />
<strong>du</strong> stigmate de genre imposé par des dominants tout-puissants -<br />
comme si en fin de compte c’étaient Valérie Toranian, Elisabeth<br />
Badinter ou Fadela Amara qui harcelaient et violaient les jeunes<br />
filles des Cités, par "garçonarabe" interposé.<br />
On aura reconnu ici le discours désormais familier de la transmutation<br />
de l’agresseur en victime — et dont nous savons qu’il n’aboutit,<br />
paradoxalement, qu’à affirmer le peu d’existence des opprimés<br />
14 . Mais le plus important dans ce théâtre d’ombres, ce face à face<br />
fantasmatique entre "féministes" d’une part, "garçonarabe" de<br />
l’autre c’est ce qu’il occulte, cette fois volontairement : d’une part<br />
l’existence — et l’influence — des discours, des prédicateurs et des<br />
télévisions satellites islamistes, peu connus pour leur engagement<br />
féministe ou homophile 15 ; et, surtout, les contraintes de genre subies<br />
par les filles de la part, précisément, de leurs frères, cousins,<br />
pères ou maris. Contraintes et interdits dont le voile n’est que le<br />
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<strong>Les</strong> <strong>noces</strong> <strong>enchantées</strong> <strong>du</strong> <strong>post</strong>-féminisme ...<br />
signe le plus visible. Un de ces "oublis" parmi cent : Eric Macé, protestant<br />
contre la loi sur les lignes religieux à l’école, énonce que<br />
celle-ci frappera des jeunes filles déjà doublement victimes "non<br />
seulement <strong>du</strong> sexisme de la société française, mais également de<br />
son racisme anti-arabe". En clair : seule est sexiste "la société<br />
française", seules sont victimes les filles voilées. Le sexisme des<br />
petits caïds ? Celui des cousins et/ou des imams ? Le harcèlement<br />
et les menaces à l’encontre des jeunes filles qui refusent le voile ?<br />
Fantasme "laïciste", "universaliste" (et/ou "sécuritaire") que tout<br />
cela ?<br />
3. L’ennemie principale<br />
Exonérer le "garçonarabe" de tout soupçon et de toute responsabilité,<br />
en faire la victime d’une idéologie raciste et "féministe"<br />
ne suffit pas : encore faut-il, pour convaincre les lecteurs, disqualifier<br />
radicalement les préten<strong>du</strong>s responsables de cette construction<br />
symbolique — et ils sont tout désignés.<br />
Le procès <strong>du</strong> féminisme "d’en haut" 16 , universaliste, "laïciste",<br />
(voire raciste), ainsi que celui des media 17 est vite bouclé : les uns<br />
et les autres sont instigateurs (où, à tout le moins complices) des<br />
discours et stratégies de stigmatisation des Cités, des "garçons<br />
arabes" et des filles voilées, les uns et les autres refusent obstinément<br />
de reconnaître en ceux-ci les "acteurs incandescents de<br />
l’hypermodernité indivi<strong>du</strong>aliste et démocratique contemporaine".<br />
Mais l’ennemi principal, prioritaire, sur lequel reviennent sans<br />
relâche les deux auteurs, reste le mouvement Ni Putes Ni Soumises,<br />
auquel ils réservent l’essentiel de leur réquisitoire — et de leurs<br />
insultes. Il s’agit là, disent-ils, d’une "curiosité anthropologique",<br />
un "avatar de l’ordre moral universaliste abstrait hétérosexuel"<br />
(p. 81) (je répète : m o r A l/u n i v e r sA l i st e/A b s t r A i t/h é t é ros e xu e l — rien<br />
de moins, lk !), un mouvement "réactionnaire", faisant preuve<br />
d’"opportunisme politique" et de "soumission à une religion civile<br />
républicaniste", rassemblant des "femmes arabes [qui] incarnent<br />
idéalement les supplétifs zélés de la modernité et de ses valeurs".<br />
Vous avez bien lu : SUPPLETIFS — et on imagine mal que les<br />
auteurs aient choisi par hasard un des termes les plus connotés,<br />
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les plus sensibles, de la guerre d’Algérie, de ceux qui ne peuvent<br />
que blesser, profondément, leurs préten<strong>du</strong>(e)s adversaires. Non,<br />
Eric Macé et Nacéra Guénif ne disent nulle part que Ni Putes Ni<br />
Soumises sont des harki(e)s (ni d’ailleurs des "collabos") : ils se<br />
contentent seulement de l’insinuer, à chaque détour de phrase. Et<br />
c’est là une position logique pour un ouvrage qui préfigure, à sa<br />
manière, l’appel récent des "indigènes de la République" lequel,<br />
précisément, décrit la France contemporaine comme une société<br />
composée d’ex-colonisateurs et d’ex colonisés (ou leurs descendants),<br />
les Cités comme des ré<strong>du</strong>its d’"indigènes", et l’Etat de droit<br />
comme par essence, par structure (et par vocation), l’auteur des<br />
massacres coloniaux. (J’ajoute que même les agressions les plus<br />
féroces que nous eûmes à subir lors de la campagne sur le viol,<br />
dans les années 70 18 , n’ont jamais atteint la densité de haine distillée<br />
dans ce livre).<br />
4. "S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche !"<br />
Pourtant, tel n’est pas le grief principal des deux auteurs à l’égard<br />
des Ni Putes Ni Soumises — et le livre atteint là, par moments, quelques<br />
sommets comiques inatten<strong>du</strong>s. Ce qu’ils leur reprochent en<br />
effet est un crime autrement plus impardonnable : avoir créé, tout<br />
simplement... un mouvement de femmes 19 , et d’avoir ce faisant ravivé<br />
la "guerre des sexes". Scélérates en effet, ces jeunes filles en<br />
révolte contre les harcèlements et violences des hommes à leur<br />
égard, mais qui se montrent définitivement "incapables de dépasser<br />
leur assignation de genre" (p. 14), qui "ne contestent pas l’ordre<br />
hétérosexuel binaire" (p.89), qui sont en réalité "l’expression<br />
réactionnaire d’une modernité dépassée" (p. 18), et "les derniers<br />
supplétifs (bis) d’une vulgate essentialiste hétérosexuelle" (p. 82).<br />
A preuve, Fadela Amara qui, primée par l’auteur des Monologues<br />
<strong>du</strong> vagin, ne "désenclave pas le mot [vagin] et l’organe pour les<br />
resignifier", et accepte, donc "cette norme hétérosexuelle de la<br />
procréation", au lieu de se livrer à sa remise en cause subversive,<br />
"ce qu’aurait permis un éloge improvisé et appuyé <strong>du</strong> clitoris" (p.<br />
89) 20 . A preuve encore, le silence des Ni Putes Ni Soumises "sur le<br />
mariage homosexuel, sur l’homoparentalité, ou la reconnaissance<br />
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<strong>Les</strong> <strong>noces</strong> <strong>enchantées</strong> <strong>du</strong> <strong>post</strong>-féminisme ...<br />
par le droit des transsexuels" (p. 94). En bref, concluent-ils, ce<br />
mouvement "n’est pensable et possible que dans un monde hétérosexuel"<br />
(p. 82).<br />
Celui-ci aurait donc disparu ? Un autre monde aurait-il existé ?<br />
Un autre monde est possible, nous l’avons rencontré. <strong>Les</strong> deux<br />
auteurs l’affirment sans hésiter, et se livrent dès lors à une description<br />
saisissante de ces meilleurs des mondes non hétérosexistes,<br />
modèles auxquels pourraient aspirer, si seulement ils lisaient<br />
leurs articles, les garçons et les filles des Cités.<br />
Premier modèle : celui de "l’ars erotica <strong>du</strong> récit masculin, arabe<br />
et musulman" (p. 65), caractérisé par "la valorisation <strong>du</strong> plaisir<br />
et sa recherche discursive et existentielle", "sa tolérance voire<br />
sa familiarité avec l’homosexualité", ou encore d’une "pédérastie<br />
considérée comme l’expression la plus haute de l’amour". Et<br />
d’ajouter : "Ces doigts croisés, ces mains nonchalamment nouées,<br />
ces accolades chaleureuses, ces baisers appliqués sur des joues<br />
rugueuses ou imberbes, ces enlacements mesurés ou énergiques,<br />
autant de gestes qui lient et relient les corps d’hommes dans le<br />
monde arabe, nouent et dénouent masculin et féminin (p. 73)...<br />
Nacéra Guénif-Souilamas remonte même à la période anté-islamique,<br />
plus tolérante que ses contemporains chrétiens, où la virilité<br />
reconnaissait, "sa part androgyne, homosexuelle ou bisexuelle",<br />
période qui était, dit-elle, "queer avant l’heure" (p. 67). Et de regretter<br />
que le "garçonarabe" soit coupé aujourd’hui de cette tradition<br />
ancestrale, tradition de la "proximité des corps d’hommes",<br />
des "amitiés viriles libératrices" (p. 70), niée et détruite par la modernité<br />
occidentale.<br />
Je ne discute pas l’exactitude de cette description des relations<br />
entre hommes musulmans, ni de cet idyllique âge d’or arabe, queer<br />
sans le savoir. Je m’étonne simplement que, là encore, l’auteure<br />
"oublie" de se demander si ces relations masculines lumineuses,<br />
complexes et homophiles n’étaient (et ne sont) pas payées d’un<br />
prix exorbitant... par les femmes. L’idée que l’affection, le contact<br />
physique, l’accolade, l’amour entre hommes puisse se doubler<br />
d’une solide haine misogyne et d’institutions de sujétion sexiste<br />
extrêmes ne l’effleure manifestement pas 21 : le malheur d’être<br />
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femme, et même tout simplement l’existence des femmes, sont (re)<br />
devenus invisibles, comme aux beaux temps de l’extrême-gauche<br />
d’avant le Mouvement. De ce point de vue, le livre n’est ni <strong>post</strong>-féministe,<br />
ni même anti-féministe, il est tout simplement anté-féministe.<br />
Deuxième modèle opposé au virilisme forcé <strong>du</strong> "garçonarabe" :<br />
celui, non moins saugrenu, des relations de genre dans la société<br />
française "d’en haut". Ne craignant nullement les contradictions,<br />
les auteurs, féroces quand ils détaillent la persistance en France<br />
des discriminations sexistes, n’en décrivent pas moins à quelques<br />
paragraphes de distance, un monde d’où les assignations de genre<br />
seraient désormais éliminées, et projetées sur le seul groupe des<br />
"garçons arabes", "derniers bons élèves d’un machisme ringardisé".<br />
Ceux-là seuls seraient, dans la France d’aujourd’hui, "interdits<br />
de part maudite", de "complexité sexuée", et de vacillement identitaire,<br />
sans place possible pour "l’androgynie ou le brouillage des<br />
frontières sexuées". A l’inverse, les hommes occidentaux seraient,<br />
eux, désormais "soucieux d’afficher une masculinité aux contours<br />
brouillés, affranchie de sa raideur toute phallique, heureux d’exprimer<br />
une sensualité allusive, d’offrir toute sa place à une affectivité<br />
trop longtemps et injustement (sic) réservée aux femmes" (p. 73)...<br />
Et d’ajouter : "Nous vivons à l’heure des différences poreuses entre<br />
les sexes, à l’époque d’une atténuation des différenciations sociales<br />
entre sexes, sous le signe d’une euphémisation des différences<br />
biologiques, sexuées , persistantes, voire d’une confusion des genres,<br />
tous ces processus étant activés, catalysés par la dénonciation<br />
de la domination millénaire des femmes par les hommes..." (p. 63)<br />
Une seule solution : la confusion des genres.<br />
En somme, dans la France "d’en haut", et c’est la révélation<br />
qu’apporte le livre, les frontières de genre sont en voie de dépérissement<br />
accéléré 22 . Seuls subsistent dans les Cités quelques<br />
ré<strong>du</strong>its machistes, et quelques "garçons arabes" contraints à la<br />
"performance" des caricatures virilistes ringardisées ailleurs (!) —<br />
mais dont Eric Macé et Nacéra Guénif nous indiquent dès à présent<br />
l’antidote : "en régime populaire disqualifié, nous disent-ils,<br />
48<br />
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Liliane Kandel<br />
<strong>Les</strong> <strong>noces</strong> <strong>enchantées</strong> <strong>du</strong> <strong>post</strong>-féminisme ...<br />
une salutaire confusion des genres 23 pourrait prendre la place d’un<br />
repli des identités sexuées et de leur asymétrie <strong>du</strong>rable". Et de<br />
rêver d’un monde où "les significations de genre seraient vraiment<br />
<strong>post</strong>sexuées" et où par exemple Marianne (laquelle n’est point une<br />
femme, mais une "allégorie"), enfin dénaturalisée et désessentialisée,<br />
aurait les traits d’un homme. Où, aussi, Eric Macé, qui ne<br />
se considère ni comme un "homme", ni comme un "gay" ou un<br />
"transgenre", pourrait enfin affirmer en toute sérénité : "je suis<br />
une lesbienne" (p. 105).<br />
Marie-Antoinette, qui était elle aussi, sans doute, queer sans le<br />
savoir, fut prophétique : ils demandent <strong>du</strong> pain ? Qu’ils mangent<br />
donc de la brioche. Elles (et ils) demandent <strong>du</strong> respect ? Qu’elles<br />
s’affichent donc, dans leur cité, lesbiennes, de préférence butch;<br />
— et que les garçons se retrouvent en masse à la gay pride dans le<br />
cortège des drag queens. Et ce sera le Grand Soir de l’abolition définitive<br />
des classes de sexe. En réponse à ce sympathique conte de<br />
fées "<strong>post</strong>-féministe", je rappelle seulement l’a<strong>post</strong>rophe lancée<br />
par Kaïna Benziane 24 aux femmes politiques présentes le 8 mars<br />
2002 à Matignon : "Vous vous battez pour la parité, pendant que<br />
nous nous battons, nous, pour la survie". Et encore, ses interlocutrices<br />
n’étaient-elles pas toutes, à ma connaissance <strong>du</strong> moins, des<br />
militantes" <strong>post</strong>sexuées", queer ou transgenre.... 25<br />
5. <strong>Les</strong> discours de la confusion volontaire<br />
Mais enfin m’a-t-on demandé, que reprochez-vous aux auteurs<br />
de ce livre ? En effet. Ils sont anti-essentialistes et anti-naturalistes.<br />
Je le suis également, depuis toujours, par conviction autant<br />
que par nécessité. Ils dénoncent les stéréotypes et les rôles sexistes,<br />
les assignations de genre imposées. Avec nombre d’autres<br />
féministes, je n’ai cessé et ne cesse de le faire, dans les chroniques<br />
<strong>du</strong> Sexisme ordinaire 26 , au "MLF" et ailleurs. Ils souhaitent<br />
un monde <strong>post</strong>sexiste, où genres et sexualités ne seraient plus des<br />
marqueurs identitaires figés et immuables. Une grande partie <strong>du</strong><br />
mouvement féministe s’y est employée depuis quelques lustres,<br />
avec des succès non négligeables. Et pourtant, le fossé qui nous<br />
sépare est sans doute, aujourd’hui, presque infranchissable. Faut-<br />
49<br />
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ProChoix<br />
n° 32 - Mars 2005<br />
il penser alors que le refus de l’essentialisme et <strong>du</strong> naturalisme, la<br />
contestation <strong>du</strong> genre, éléments moteurs de transformation de la<br />
société française à la fin <strong>du</strong> vingtième siècle, seraient, à l’aube <strong>du</strong><br />
troisième millénaire, impuissants à fonder une politique ? La question<br />
en tout cas mérite d’être posée.<br />
Nous savons aujourd’hui que la critique <strong>du</strong> sexisme (et de l’hétérosexisme)<br />
peut accompagner aussi bien un refus des violences<br />
extrêmes, des systèmes de terreur, des dictatures ou des totalitarismes,<br />
qu’un aveuglement radical à ceux-ci, voire leur déni. Le<br />
"point de vue des femmes" — ou, plus largement, des opprimés —,<br />
l’affirmation de la continuité de la domination masculine, avaient<br />
permis autrefois à nombre de chercheur(e)s et de politiques de<br />
gommer les distinctions entre l’Allemagne nazie, et la République<br />
de Weimar ou les pays européens voisins : n’étaient-ils pas tous<br />
misogynes et machistes ? Il a permis, plus récemment d’amalgamer<br />
dans une identique et vertueuse réprobation "anti-sexiste" le<br />
mal-être des femmes-patrons ou préfets, l’absence de parité dans<br />
les assemblées élues, la publicité sexiste, et... l’imposition <strong>du</strong> voile<br />
aux jeunes filles dans les cités ou les violences à leur encontre :<br />
ne sont-ils pas tous l’illustration de la domination masculine, d’un<br />
même et millénaire "continuum patriarcal" ? 27<br />
Ainsi le malaise des femmes cadres ou préfets a pu servir à faire<br />
taire les femmes des cités. Ainsi un discours "antisexiste" et "féministe"<br />
a pu être retourné contre les femmes les plus exposées à la<br />
violence. Ainsi la critique des assignations de genre a pu accompagner,<br />
sans états d’âme, la représentation publique la plus contraignante<br />
et ostentatoire de la différence/hiérarchie entre les sexes.<br />
A la fin de leur livre, Eric Macé et Nacéra Guénif souhaitent voir<br />
établie une "salutaire symétrie entre les performances de genre<br />
que constituent le port <strong>du</strong> foulard et le port <strong>du</strong> ‘Wonderbra’ ou <strong>du</strong><br />
string". Ils ne sont pas les seuls : cette "symétrie" fut omniprésente<br />
dans les media, sous les signatures les plus diverses et parfois<br />
les plus inatten<strong>du</strong>es 28 : certains considéraient qu’entre le string et<br />
le voile, celui-ci était même "plus digne que celui-là" et, récemment<br />
encore, une conseillère municipale communiste de Mantes<br />
déclarait en réunion publique que "la minijupe est plus aliénante<br />
50<br />
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Liliane Kandel<br />
<strong>Les</strong> <strong>noces</strong> <strong>enchantées</strong> <strong>du</strong> <strong>post</strong>-féminisme ...<br />
que le voile". La réponse, définitive, vint <strong>du</strong> psychanalyste Michel<br />
Schneider : "Faut-il choisir entre deux oppressions ? Sans doute,<br />
et en fonction <strong>du</strong> seul critère possible : la liberté d’y résister" 29 .<br />
C’est ce refus de distinguer suggestion ou injonction (résistibles),<br />
et contrainte, imposition, violence (parfois mortelles), de différencier<br />
les systèmes de pensée — et de gouvernement — politiques,<br />
idéologiques, théologiques qui légitiment les unes et les autres,<br />
qui me sépare aujourd’hui des auteurs de ce livre — et, aussi, de<br />
la plupart des contempteurs de la loi sur les signes religieux à<br />
l’école 30 .<br />
Par delà ses outrances et ses provocations, son alliance paradoxale<br />
<strong>du</strong> "<strong>post</strong>-féminisme" et de l’archéo-machisme, son mélange<br />
insolite d’anté-féminisme, d’anti-féminisme (et même, parfois,<br />
de féminisme), sa rhétorique systématique de confusion, d’amalgame<br />
et de banalisation, l’ouvrage nous confronte à une question<br />
bien réelle : la contestation <strong>du</strong> naturalisme, celle des assignations<br />
de genre peuvent-elles — plus exactement : peuvent-elles encore,<br />
aujourd’hui —, fonder une politique ? Et, même, une politique féministe<br />
?<br />
A lire <strong>Les</strong> féministes et le garçon arabe, à écouter leurs allié(e)s,<br />
"féministes" on non, on serait tenté d’en douter.<br />
51<br />
Liliane Kandel<br />
Ré f é R e n c e s<br />
Askolovitch C. (2004), Laïcité : le sursaut des antiracistes, le Nouvel Observateur,<br />
jeudi 8 janvier , n°2044<br />
Badiou A (2004), Derrière la Loi foulardière, la peur, Le Monde, 22 février<br />
Cassen B (2004), Ces altermondialistes en perte de repères, Politis, 20<br />
janvier 2005..<br />
Charest D (1994), Madonna , ou les boucles, in Dion M. (éd) Madonna. Erotisme<br />
et pouvoir, Paris, Kimé<br />
Feher M. (2002), <strong>Les</strong> divisions de la gauche mouvementée, Vacarme, n°<br />
20, été.<br />
Fontenay E. de (2004), Préface à Kandel L. Féminismes et nazisme, Paris,<br />
O. Jacob<br />
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ProChoix<br />
n° 32 - Mars 2005<br />
Fourest C., Venner F. (2003), Tirs croisés, La Laïcité à l’épreuve des intégrismes<br />
juif, chrétien et musulman, Paris, Calmann-Lévy<br />
Fourest C. (2004), Gauche contre gauche, <strong>Prochoix</strong> n° 28, printemps<br />
Gardey D., Löwy I. (2000), L’invention <strong>du</strong> naturel. <strong>Les</strong> sciences et la fabrication<br />
<strong>du</strong> féminin et <strong>du</strong> masculin, Editions des archives contemporaines<br />
Glucksmann A. (2002), Dostoïevsky à Manhattan, Paris, Robert Laffont.<br />
Glucksmann A. (2004), Le discours de la haine, Paris, Plon<br />
Guillaumin C. (1992), Sexe, race et pratique <strong>du</strong> pouvoir. L’idée de Nature,<br />
Côté Femmes<br />
Hurtig M-C., Pichevin Marie-France (dir) (1986), La différence des sexes :<br />
questions de psychologie, Paris, Tierce<br />
Hurtig Marie-Claude, Kail M., Rouch H. (dir) (1991), Sexe et genre. De la<br />
hiérarchie entre les sexes, Paris, Editions <strong>du</strong> CNRS<br />
Kandel L. (2000), Sur la différence des sexes, et celle des féminismes, <strong>Les</strong><br />
Temps modernes, n° 609, Juin-Juillet-Août<br />
Kandel L. (2002), Au pays <strong>du</strong> silence déconcertant, <strong>Les</strong> Temps modernes<br />
n° 618, Mars-Avril-Mai,<br />
Kandel L. (2004), "On ne naît pas innocent, on le devient", in L. Kandel<br />
(ed), Féminismes et nazisme, Paris, Odile Jacob<br />
Mathieu N-C (1989), Identité sexuelle/sexuée/de sexe, repris in Mathieu<br />
1991<br />
Mathieu N-C. (1991), L’anatomie politique. Catégorisations et idéologies de<br />
sexe, Côté-Femmes.<br />
Mathieu N-C. (1994), Dérive <strong>du</strong> genre/stabilité des sexes, in Dion M. (éd)<br />
Madonna. Erotisme et pouvoir, Paris, Kimé<br />
Obin J-P & al (2004), <strong>Les</strong> signes et manifestations d’appartenance religieuse<br />
dans les établissements scolaires, rapport remis au Ministère de<br />
l’é<strong>du</strong>cation nationale,de l’enseignement supérieur et de la recherche, Juin<br />
2004,<br />
Peyre E., Wiels J. (1997), Le sexe biologique et sa relation au sexe social,<br />
<strong>Les</strong> Temps Modernes n°593, avril-mai<br />
Picq F. (1984), Qu’est-ce que le "féminisme bourgeois" ? in Stratégies des<br />
femmes, Paris, Tierce<br />
Picq F. (1993), Libération des femmes. <strong>Les</strong> années mouvement, Paris,<br />
Seuil<br />
Rich A. (1981), "La contrainte à l’hétérosexualité et l’existence lesbienne",<br />
Nouvelles Questions Féministes, n°1, mars<br />
Ringart N. (1979), <strong>Les</strong> conseilleurs ne sont pas les payeurs, <strong>Les</strong> Temps<br />
modernes, n° 391, février<br />
52<br />
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Taguieff P.-A. (2002), La nouvelle judéophobie, Mille et Une nuits<br />
Taguieff P.-A. (2004), Prêcheurs de haine. Paris, Mille et une nuits<br />
Thalmann Rita (1998), Le racisme est-il soluble dans l’oppression de genre<br />
? Supplément au Bulletin de l’Anef n° 26, Printemps - Eté<br />
Turcotte L.(1996), Théorie queer : transgresion ou régression ? in Amazones<br />
d’hier, lesbiennes d’aujourd’hui n° 24, octobre : Contestation de la<br />
famille.<br />
no t e s<br />
1 2004, éd. de l’Aube, p. 21<br />
2 Et notamment sur France-Culture.<br />
3 Cf. F. Picq, Libération des femmes, les années-mouvement, Seuil, 1993, et Chroniques<br />
d’une im<strong>post</strong>ure, Mouvement pour les luttes féministes, 1980<br />
4 C’est évidemment son droit, encore fallait-il le préciser.<br />
5 A l’exception de Monique Wittig, partiellement (et rapidement) citée par E.M.<br />
6 Cf. N-C. Mathieu, 1991.<br />
Liliane Kandel<br />
<strong>Les</strong> <strong>noces</strong> <strong>enchantées</strong> <strong>du</strong> <strong>post</strong>-féminisme ...<br />
7 Cf. notamment Gardey et Lowy 2000, Guillaumin 1992, Hurtig, Kail et Rouch 1991,<br />
Kandel 2000, Mathieu,.1991, Peyre et Wiels 1997<br />
8 Je dis bien les féministes, et non les avocates <strong>du</strong> salaire maternel, ou de la<br />
"géni(t)alité des femmes". D’ailleurs Eric Macé lui-même est bien forcé d’accorder,<br />
parfois, que les "féministes" (mais desquelles parle-t-il, alors ?) avaient contesté<br />
"le rapport social de genre" (p. 43)<br />
9 Cf. notamment dans l’ouvrage les pages 42 et suivantes.<br />
10 La "performance de genre" est définie comme "à la fois une représentation théatrale<br />
des attributs atten<strong>du</strong>s <strong>du</strong> "féminin" et <strong>du</strong> "masculin", et la repro<strong>du</strong>ction instituée<br />
d’une différence de sexe et de genre".<br />
11 Faut-il rappeler les analyses de Sartre sur la "performance" <strong>du</strong> rôle <strong>du</strong> voleur<br />
chez Jean Genêt (ou <strong>du</strong> garçon de café, chez le garçon de café), analyses autrement<br />
nuancées et subtiles - et largement antérieures à celles de nos sociologues<br />
queer, qui n’ont manifestement pas pris la peine de les lire ?<br />
12 C’est moi qui souligne tous ces vocables employés par l’auteure pour signifier<br />
l’absolue impuissance identitaire, symbolique et sociale <strong>du</strong> "garçonarabe" face aux<br />
stigmates qui lui sont accolés.<br />
13 Dans la même veine, ils nous expliqueront plus loin que les récents procès d’homosexuels<br />
dans le monde musulman, et notamment en Egypte ne sont en réalité<br />
qu’un "signe d’occidentalisation"...<br />
14 Ce fut le même que nous lûmes à longueur d’articles et d’ouvrages lors des attentats<br />
<strong>du</strong> 11 septembre à Manhattan (cf. Taguieff 2002 et 2004, Glucksmann 2002)<br />
15 Eric Macé et Nacéra Guénif pensent-ils vraiment que ceux-ci n’existent pas ?<br />
qu’ils ne véhiculent aucun message viriliste ? pensent-ils vraiment que la "performance"<br />
de rôle <strong>du</strong> nouveau militant islamiste, enjoint de surveiller jalousement<br />
53<br />
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la tenue de ses sœurs, cousines et voisines soit commanditée par les media, les<br />
féministes et Ni Putes Ni Soumises ?<br />
16 Dit aussi autrefois, et dans la même perspective anti-féministe et misogyne, "fé-<br />
minisme bourgeois" (cf. F. Picq, 1984)<br />
17 Notamment de l’hebdomadaire Elle, dénoncé pour avoir publié en décembre 2004,<br />
un appel de personnalités féministes au Président de la République, en faveur de la<br />
loi sur les signes religieux à l’école.<br />
18 Cf. Ringart 1979.<br />
19 Pourtant NPNS, mouvement mixte, compte un nombre important de garçons<br />
20 Tout de même ! L’article d’Anne Koedt" : "Le mythe de l’orgasme vaginal", celui de<br />
Christiane Rochefort : "Le mythe de la frigidité féminine", l’un et l’autre véritables<br />
"monologues <strong>du</strong> clitoris" à leur manière, sont parus dans Partisans... à l’été 1970. La<br />
hardiesse de la réflexion "<strong>post</strong>-féministe", trente-cinq ans plus tard, fait rêver.<br />
21 Sur la sujétion et la haine des femmes dans les sociétés masculines, cf. notam-<br />
ment Mathieu 1989 et, récemment, Glucksmann, 2004, ch.5.<br />
22 Question : à quoi alors sont dûes les "discriminations" persistantes dénoncées<br />
par les auteurs ?<br />
23 Je souligne<br />
24 Kaïna est la soeur de Sohane Benziane, brûlée vive quelques mois plus tôt à Vitry<br />
par un petit caïd dont elle refusait les avances.<br />
25 Ce n’est pas le lieu d’aborder ici une discussion de la queer theory, moins caricaturale<br />
<strong>du</strong> reste que nos deux auteurs ne le laisseraient supposer. Pour une critique<br />
féministe de ces positions, cf. notamment Charest (1994), Mathieu (1994), et Turcotte<br />
(1996).<br />
26 Seuil, 1979<br />
27 Continuum patriarcal qu’Elisabeth de Fontenay caractérise, d’une excellente formule,<br />
comme une pure et simple "pleurnicherie apologétique", permettant de masquer<br />
la diversité (et les contradictions) des situations et des stratégies politiques.<br />
28 Par exemple celle d’Alain Badiou.<br />
29 Libération, 8-9.11. 2003<br />
ProChoix<br />
n° 32 - Mars 2005<br />
30 Et c’est là aussi, pour l’essentiel, le sens de la fracture, de plus en plus explicite,<br />
qui traverse aujourd’hui la Gauche, l’extrême-gauche, les mouvements altermondialistes<br />
ou antiracistes et, tout récemment, le mouvement féministe. Parmi les<br />
nombreux textes publiés à ce sujet, voir en particulier Askolovitch 2004, Cassen<br />
2004, Feher 2002, Fourest 2004, Taguieff 2002 et 2004.<br />
54<br />
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