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Conclusion - Claude ROCHET

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266 Politiques publiques<br />

La question cruciale est, en fin de compte et à la fin du voyage que vous a proposé<br />

ce livre, la suivante : les institutions – et donc les élites – sont-elles capables<br />

d’apprendre 2 ?<br />

Pour en rester à la France, les enquêtes menées sur la modernisation de l’État<br />

laissent l’impression que celui-ci « tombe en marche » grâce à la capacité d’initiative<br />

des acteurs et à leur capacité d’innovation opérationnelle. En dépit d’un maquis ahurissant<br />

de procédures, l’administration en France ne marche pas si mal en raison de la<br />

qualité de son capital humain. On retrouve cela dans la confiance des citoyens dans<br />

leur administration (Figure 3.7), ce qui tend, au regard de notre schéma générique<br />

(Figure 1) à montrer que l’efficacité est une valeur qui est bien plus valorisée que<br />

l’efficience, même si ses défaillances sont ressenties.<br />

Par contre, cette qualité ne se retrouve pas au niveau institutionnel : le passage<br />

à un pilotage par les résultats en France au travers du dispositif de la LOLF n’est<br />

pas à ce jour géré comme une occasion de définir de nouvelles règles du jeu permettant<br />

de passer à un pilotage par les résultats. Nous avons été frappés au cours de nos<br />

enquêtes par la méconnaissance, par la majorité des parlementaires, de la réalité de<br />

l’administration, de l’État et des grands enjeux de politique publique 3 .<br />

Le parlementarisme rationalisé instauré par la V e République avait pour objectif<br />

de donner de la latitude à un État fort porteur d’une vision stratégique, dans une<br />

conjoncture où il fallait donner un coup de collier décisif pour faire entrer la France<br />

dans l’ère de la production de masse face à l’incurie du « régime des partis ». Ce fut<br />

l’époque des schémas directeurs, comme celui de la région parisienne avec Paul<br />

Delouvrier où l’on veillait à équilibrer les zones d’activités, les zones d’habitation et<br />

les réseaux de transport et à éviter son développement en tache d’huile avec la création<br />

des villes nouvelles. L’époque également du Plan qui fut abandonné au mythe du<br />

marché autorégulateur.<br />

Une gestion dynamique du système public aurait voulu qu’une fois ces<br />

inflexions données, on redonne au Parlement sa capacité de délibération sur les<br />

grands enjeux stratégiques. Il n’en est rien. Les parlementaires ont fort peu de prises<br />

sur l’exécutif et ceux qui y parviennent sont d’anciens fonctionnaires. Ainsi, le député<br />

Gilles Carrez, rapporteur général de la Commission des finances, qui déclare : « J’ai<br />

été fonctionnaire jusqu’en 1993 et je faisais des lois. Depuis 1993 je suis parlementaire<br />

et je n’en fais plus. »<br />

La couche intermédiaire qui devrait être occupée par les cabinets et les directeurs<br />

de programme ne joue pas son rôle d’interface entre le politique et le gestionnaire<br />

2 Apprendre, cela commence par se saisir du doute de Saint Augustin, qui, malgré son pessimisme<br />

quant à la nature humaine, ne lui déniait pas la capacité de se penser elle-même, indépendamment<br />

de tout déterminisme : « Je ne puis saisir tout ce que je suis. L’esprit serait-il donc trop<br />

étroit pour se posséder lui-même ? Mais où donc peut se trouver ce qui de son être lui échappe ? En<br />

dehors de lui et non en lui ? Mais comment ne le saisit-il pas ? Voilà bien un sujet de grand étonnement<br />

pour moi. » (Confessions, X, VIII, 15).<br />

3 Un de nos interlocuteurs, parlementaire de la majorité, en 2004, a évalué à 25 – dont lui – (sur<br />

577) le nombre de députés comprenant ce qu’étaient l’État et les enjeux de politique publique, et à<br />

environ 40 ceux qui comprennent comment fonctionne une entreprise.

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