22.08.2013 Views

Qu'est-ce qu'une société démocratique - Collège de France

Qu'est-ce qu'une société démocratique - Collège de France

Qu'est-ce qu'une société démocratique - Collège de France

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE DU POLITIQUE 839<br />

n’entachant pas la qualité <strong>de</strong> la relation. L’indépendan<strong>ce</strong> est une égalité-autonomie ;<br />

elle se définit négativement comme absen<strong>ce</strong> <strong>de</strong> subordination et positivement<br />

come un équilibre <strong>de</strong> l’échange. La concitoyenneté est quant à elle une égalitéparticipation,<br />

c’est la communauté <strong>de</strong> l’appartenan<strong>ce</strong> qui la constitue. L’égalitérelation<br />

s’institue en conséquen<strong>ce</strong> sous les espè<strong>ce</strong>s d’un mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> semblables, d’une<br />

<strong>société</strong> d’individus autonomes et d’une communauté <strong>de</strong> citoyens. Cette typologie a<br />

longuement été détaillée dans le cours.<br />

Une telle catégorisation, a-t-on montré, présente un quadruple avantage<br />

con<strong>ce</strong>ptuel :<br />

– elle conduit à élargir la notion d’égalité <strong>démocratique</strong> en définissant la <strong>société</strong><br />

<strong>démocratique</strong> comme <strong>société</strong> <strong>de</strong>s égaux. Ce critère permet <strong>de</strong> distinguer précisément<br />

la « démocratie ancienne » et la « démocratie mo<strong>de</strong>rne ». Si <strong>ce</strong>lles-ci peuvent être<br />

rapprochées en tant que régimes (comparaison <strong>de</strong>s institutions <strong>de</strong> souveraineté, <strong>de</strong>s<br />

formes <strong>de</strong> délibération ou <strong>de</strong> participation), elles sont nettement distinguées au<br />

regard du critère sociétal. Le régime <strong>de</strong> la Grè<strong>ce</strong> <strong>de</strong> Clisthène ou <strong>de</strong> Périclès peut<br />

être qualifié <strong>de</strong> <strong>démocratique</strong>, <strong>ce</strong> que n’est pas la <strong>société</strong> grecque <strong>de</strong> l’époque ;<br />

– elle offre un cadre comparatif pour traiter les « <strong>société</strong>s primitives » avec les<br />

mêmes outils d’analyse que les <strong>société</strong>s mo<strong>de</strong>rnes. On a commenté à <strong>ce</strong> propos les<br />

pages <strong>de</strong> Mauss sur le don décrivant les échanges d’objets comme relations entre<br />

les hommes ;<br />

– elle permet <strong>de</strong> déconstruire la notion d’égalité <strong>de</strong> droit et la distinction droitslibertés<br />

et droits-créan<strong>ce</strong>s. À partir <strong>de</strong> la notion d’égalité-relation, on peut en effet<br />

élargir <strong>ce</strong>tte catégorisation en parlant <strong>de</strong> droits relationnels ;<br />

– elle permet aussi <strong>de</strong> recon<strong>ce</strong>ptualiser la notion <strong>de</strong> reconnaissan<strong>ce</strong>, en l’insérant<br />

dans le cadre plus large d’une égalité-relation.<br />

Si l’égalité doit être pensée comme une relation, la question <strong>de</strong>s différen<strong>ce</strong>s<br />

économiques admissibles dans un mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> semblables reste essentielle. Le cours<br />

a esquissé à <strong>ce</strong> propos une histoire <strong>de</strong>s per<strong>ce</strong>ptions du problème <strong>de</strong> la secondarisation<br />

<strong>de</strong> <strong>ce</strong>s différen<strong>ce</strong>s.<br />

Penser la similarité, a-t-on en effet souligné, implique <strong>de</strong> qualifier le régime <strong>de</strong>s<br />

différen<strong>ce</strong>s admissibles qui peuvent l’accompagner. Elle ne peut en effet être conçue<br />

que dans la confrontation aux épreuves qui la mena<strong>ce</strong>nt. Une formule <strong>de</strong> Sieyès nous<br />

a guidé pour commen<strong>ce</strong>r <strong>ce</strong>tte recherche. « Les inégalités <strong>de</strong> propriété et d’industrie,<br />

dit-il, sont comme <strong>de</strong>s inégalités d’âge, <strong>de</strong> sexe, <strong>de</strong> taille, etc. Elles ne dénaturent<br />

point l’égalité du civisme ». Le problème pour Sieyès est ainsi que les différen<strong>ce</strong>s qui<br />

subsistent entre les hommes ne s’érigent pas en une contre-nature, c’est-à-dire en un<br />

ordre artificiel (<strong>ce</strong> à quoi correspond justement le privilège). Dans <strong>ce</strong> cas, les<br />

distinctions <strong>de</strong>viendraient effet <strong>de</strong>s « qualités essentielles », pour reprendre les mots<br />

<strong>de</strong> Buffon. Mais où tra<strong>ce</strong>r précisément la ligne <strong>de</strong> partage ? Elle est clairement<br />

<strong>de</strong>ssinée lorsque le privilège est constitué en termes juridiques. Et au-<strong>de</strong>là ? Nous<br />

avons là souligné que le terme <strong>de</strong> privilège avait souvent été entendu, en Fran<strong>ce</strong><br />

comme en Amérique, dans un sens extensif, comme synonyme <strong>de</strong> différen<strong>ce</strong><br />

injustifiable. For<strong>ce</strong> a été <strong>ce</strong>pendant <strong>de</strong> constater que l’on ne peut guère avan<strong>ce</strong>r si on<br />

en reste à une définition essentialiste <strong>de</strong> la similarité. Comment, en effet, théoriser la

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!