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À quoi sert l'analyse des controverses ?

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Ces réflexions sur l’enjeu que constitue, pour les acteurs impliqués<br />

dans une controverse, son degré de confinement 20 , peuvent fournir<br />

un éclairage sur certaines différences qui ont été mises en lumière<br />

dans le présent recueil. Différences, d’abord, entre les <strong>controverses</strong><br />

d’Ancien Régime et celles d’aujourd’hui : il se pourrait qu’un <strong>des</strong><br />

écarts principaux entre les deux tienne, comme on vient de le suggérer,<br />

d’une part, à la multiplication d’espaces différenciés de production<br />

<strong>des</strong> savoirs jouissant d’une autonomie relative (c’est-à-dire<br />

dans lesquels un public de pairs peut juger souverainement) et, d’autre<br />

part, au développement <strong>des</strong> médias de masse, capables de rendre les<br />

<strong>controverses</strong> nées dans de tels espaces différenciés, visibles et appropriables<br />

– non sans malentendus et multiples retraductions – par<br />

le plus grand nombre. Différences ensuite entre <strong>controverses</strong> en<br />

sciences sociales et en sciences « dures » : sur ce plan, l’écart semble<br />

tenir au fait qu’en raison <strong>des</strong> compétences spécifiques au jugement à<br />

chaque fois mobilisées, les profanes peuvent se sentir plus facilement<br />

autorisés à opiner sur <strong>des</strong> différends apparus en sciences sociales<br />

qu’en sciences « dures ». En d’autres termes, il se pourrait que les<br />

chercheurs en sciences sociales puissent plus aisément faire appel au<br />

jugement <strong>des</strong> profanes (journalistes, éditeurs, décideurs politiques,<br />

lecteurs, etc.) pour acquérir <strong>des</strong> soutiens dans leurs <strong>controverses</strong><br />

entre pairs. D’où, par conséquent, un confinement moins grand <strong>des</strong><br />

<strong>controverses</strong> en sciences sociales, c’est-à-dire aussi une moindre<br />

autonomie institutionnelle de ces sciences 21 .<br />

<strong>À</strong> ce stade, deux premières implications de méthode paraissent<br />

pouvoir être tirées. En premier lieu, il semble judicieux de privilégier<br />

une approche en termes de dynamique de publicisation et de confine-<br />

grandeur philosophique, Paris, Presses de Sciences-po, 2002. Il serait tentant, à ce propos,<br />

d’étendre au cas <strong>des</strong> <strong>controverses</strong> la thèse qu’a développée John B. Thompson<br />

concernant les effets du développement <strong>des</strong> médias de masse sur la « nature » <strong>des</strong><br />

scandales : jadis, le plus souvent localisés et limités à un réseau d’interconnaissance ;<br />

aujourd’hui, presque systématiquement médiatisés et délocalisés (cf. Political scandal :<br />

Power and visibility in the Media Age, Cambridge, Polity Press, 2000).<br />

20. Nous reprenons cette notion à Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick<br />

Barthe qui l’ont théorisée dans Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie<br />

technique, Paris, Le Seuil, 2001.<br />

21. Tout ceci reste bien sûr relatif, dans la mesure où les chercheurs en sciences<br />

dures sont aujourd’hui pris eux aussi dans <strong>des</strong> dispositifs « dialogiques » qui les amènent<br />

à composer davantage qu’autrefois avec <strong>des</strong> intérêts et <strong>des</strong> points de vue « profanes<br />

». Cf. M. Callon, P. Lascoumes, Y. Barthe, op. cit.; ainsi que Janine Barbot, Les<br />

mala<strong>des</strong> en mouvements, Paris, Balland, 2002, et Nicolas Dodier, Leçons politiques sur<br />

l’épidémie de sida, Paris, Éd. de l’EHESS, 2003.<br />

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