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À quoi sert l'analyse des controverses ?

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trise de soi dans le déroulement de ce type de conflits pourrait nous<br />

inviter à examiner de plus près les processus par lesquels les acteurs<br />

acquièrent, à ce sujet, les « bonnes » attitu<strong>des</strong> : apprentissage de<br />

l’autocontrainte (admettre d’être critiqué, accepter de se corriger,<br />

savoir prendre sur soi pour se taire et ne pas répondre 30 , savoir retenir<br />

ses coups ou les réserver pour d’autres espaces ou d’autres<br />

moments, etc.), mais aussi apprentissage de la combativité (acquérir<br />

le culot de marquer publiquement un désaccord avec un maître,<br />

savoir provoquer l’adversaire et le contredire publiquement, maîtriser<br />

les moyens de convaincre et de mobiliser le public par l’argumentation<br />

et la production de preuves, etc.). C’est tout un programme<br />

de recherche qui s’ouvre ici concernant la culture de la<br />

controverse observable dans tel ou tel milieu social ou espace institutionnel<br />

de production <strong>des</strong> savoirs – un programme qui passe par<br />

l’analyse <strong>des</strong> dispositifs organisationnels, <strong>des</strong> règles pratiques, <strong>des</strong><br />

interdits, <strong>des</strong> rituels et <strong>des</strong> techniques scripturaires, orales ou gestuelles<br />

qui caractérisent une telle culture et ses mo<strong>des</strong> de transmission<br />

31 . La question du contrôle <strong>des</strong> pulsions agressives et de leur<br />

canalisation pourrait sans aucun doute servir ici de fil conducteur.<br />

La violence, verbale et même physique, constitue en effet l’horizon<br />

constant de toute controverse, même si, précisément, c’est l’œuvre de<br />

toute culture de la controverse que de conjurer ce risque de la violence<br />

en l’enserrant dans un corset de civilité. Ainsi, le chercheur<br />

enquêtant sur la façon dont est défendu et transmis, dans un milieu<br />

social ou une institution, un certain art de la controverse, aura intérêt<br />

à porter prioritairement son attention sur les dérapages, attaques<br />

ad hominem ou autres « polémiques anonymes » ainsi que sur les<br />

éventuels rappels à l’ordre qu’ils suscitent. Plus généralement, on a<br />

sans doute beaucoup à gagner en tentant de mieux comprendre<br />

gieuses au XIII e siècle : Alain Boureau, « De l’enquête au soupçon. La fondation de<br />

la discipline théologique à l’université de Paris (1200-1350) », in Jean-Claude<br />

Passeron et al. (eds.), Qu’est-ce qu’une discipline ?, Paris, Éd. de l’EHESS, 2006. Sur<br />

le rôle formateur reconnu à la controverse à l’Âge classique, cf. l’article d’A. Lilti ici<br />

même.<br />

30. Comme le fait par exemple le philologue Americo Castro qui s’interdit de<br />

répondre en public aux attaques frontales de son contradicteur Sanchez-Albornoz<br />

pour <strong>des</strong> raisons qu’analyse ici Matthieu Bernier.<br />

31. Programme qui pourrait être comparatif comme le suggère la démarche de<br />

J.-L. Fabiani dans un article où il met en regard la culture de la controverse dans les<br />

sciences avec celle qui prévaut en philosophie. Cf. « Controverses scientifiques,<br />

<strong>controverses</strong> philosophiques. Figures, positions, trajets », Enquête, 5, 1997, p. 11-34.<br />

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