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LA VILLE DE HULL 201<br />
LECTURE NO 16<br />
Un épisode de l'histoire de Riel<br />
Après les difficultés du ord-Ouest, en 1871, Louis Riel avait été élu député<br />
du comté de Provencher. L'opinion orangiste était déjà fort montée contre lui<br />
<strong>et</strong> plusieurs Canadiens-Français de Hull s'étaient préoccupés du danger qui le<br />
menaçaient.<br />
Le Dr Beaudin, de notre ville, qui connaissait bien Louis Riel, pour l'avoir<br />
eu comme condisciple à Montréal, alla le rencontrer à la gare de la rue Broad <strong>et</strong><br />
l'engagea à se r<strong>et</strong>irer à Hull sous la protection d'amis nombreux <strong>et</strong> sûrs: ce à quoi<br />
Riel acquiesça. Au bout de quelques jours, il se rendit au Parlement <strong>et</strong> signa<br />
son nom dans le registre des députés. Il ne fallait que c<strong>et</strong>te révélation de sa<br />
présence pour ameuter contre lui toute la haine du parti ontarien. Un détective,<br />
du nom de McCarthy jura, "à peine d'y perdre son honneur", qu'il m<strong>et</strong>trait la<br />
main sur Riel. Celui-ci ne sortait qu'entouré d'une garde de quelques amis dont<br />
deux le précédaient, un l'accompagnait, les deux autres fermaient la marche. Il<br />
changeait de demeure tous les jours pour dépister les recherches. Il assistait<br />
presque tous les soirs aux séances de la Chambre, non de son siège de député,<br />
mais de la galerie des spectateurs. Tantôt, il s'y rendait habillé comme un<br />
gentleman, le "tuyau de castor" sur la tête, la chaîne de montre au bedon, la<br />
canne à la main; tantôt, il se déguisait en bon "habitant", avec des habits râpés<br />
<strong>et</strong> des "souiers de bœu' " aux pieds.<br />
McCarthy dont l'acharnement doublait avec le peu de succès de ses démarches<br />
le recherchait partout. Un soir, en sortant de la Chambre, le Dr Beaudin le<br />
vit <strong>et</strong> en avertit Riel. Celui-ci sans se troubler alla parler à McCarthy <strong>et</strong> lui<br />
emprunta même une "chique", sans que le détective se doutât du nom de son<br />
interlocuteur. Entre temps à Hull, on était toujours aux agu<strong>et</strong>s <strong>et</strong> une centaine<br />
d'hommes s'étaient donné le mot pour accourir au secours de Riel dans le cas<br />
où on aurait attenté à sa personne: ils étaient convenus de se rassembler au son<br />
du porte-voix du gardien de la pompe à feu, Pariseau, de la rue Leduc. Il est<br />
certain que les détectives anglais ne seraient pas sortis vivants de l'échauffourée,<br />
car "pour nos gâs, se battre c'était comme aller aux noces".<br />
Au bout de quelque temps cependant, McCarthy commençait à publier, sur<br />
les allées <strong>et</strong> venues de Riel, des données qui montraient que le limier avait flairé<br />
la piste.<br />
Je crus bon alors d'avertir le Dr Beaudin <strong>et</strong> de lui suggérer d'amener le chef<br />
des Métis chez mon père à l'Ange-Gardien (Angers) . Nous l'y conduisîmes <strong>et</strong> mon<br />
père ne fut pas peu surpris d'avoir à rendre un service si nouveau. Riel demeura<br />
là une quinzaine de jours, dans notre maison, qui est aujourd'hui un hangar sur<br />
la propriété de M. Trefflé Mongeon. A son tour un "habitant" de la Pointe-<br />
Gatineau donna l'hospitalité au Métis, qui quitta enfin les environs pour Montréal<br />
<strong>et</strong> l'Ouest.<br />
(Récit fait par M. ADRillN MONCION, 224 rue<br />
Montcalm. - M. Moncion née en 1852, avait<br />
au moment de ces événements, une vingtaine<br />
d'années.)