20.09.2013 Views

Bulletin n°102 - Cler Amour et Famille

Bulletin n°102 - Cler Amour et Famille

Bulletin n°102 - Cler Amour et Famille

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

BULLETIN M A O<br />

1<br />

Octobre 2007<br />

CONNAISSANCE DE LA FERTILITÉ ET RÉGULATION DES NAISSANCES<br />

PAR LES MÉTHODES D’AUTO-OBSERVATION<br />

N° 102<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


2<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


EDITORIAL<br />

LES ACTES DU COLLOQUE DU 1 er MAI 07 A LYON<br />

Parmi les lecteurs du bull<strong>et</strong>in, certains sont venus au colloque organisé par « les<br />

Cigognes »* à Lyon, le 1 er mai 2007. Ils r<strong>et</strong>rouveront ici les textes des interventions<br />

données ce jour-là autour du thème : « Pourquoi les méthodes naturelles ? Quels mots<br />

pour annoncer une vision chrétienne de la sexualité « ? Ceux qui n’ont pu se déplacer se<br />

consoleront avec c<strong>et</strong> aperçu de ce qui s’y est dit .<br />

Disons-le de suite : ce n’est pas le « comment « (la technique, l’efficacité) qui était<br />

recherché, mais le « pourquoi » : oui, pourquoi aujourd’hui choisir la PFN (Planification<br />

Familiale Naturelle) ?<br />

Nous transm<strong>et</strong>tons ici uniquement les conférences, ce qui s’est vécu en ateliers étant<br />

difficile à transcrire.<br />

Vous trouverez donc dans les pages suivantes le texte de Mgr Duthel sur « l’humanisme<br />

intégral », puis celui de Charles-Daniel Maire à propos de « l’approche fonctionnelle <strong>et</strong><br />

symbolique de la sexualité humaine ». Yves Gavault vous parlera ensuite autour du<br />

thème : « sphère publique, sphère privée ». Le bull<strong>et</strong>in vous présente, après cela, les<br />

notes prises lors des conférences d’Isabelle <strong>et</strong> René Ecochard. Vous pourrez trouver<br />

les diaporamas ayant servi d’appui pour ces conférences sur le site « lescigognes.fr «.<br />

Isabelle nous présente « l’arbre à cigognes » (sur quels critères choisir la PFN, <strong>et</strong> quels<br />

bénéfices en espérer), <strong>et</strong> René approfondit le thème « alliance <strong>et</strong> filiation ».<br />

Nous finirons par le « testez vos connaissances », même si la courbe proposée n’était<br />

pas commentée lors du colloque !<br />

Bonne lecture, <strong>et</strong> que celle-ci rende plus fructueux votre engagement, c<strong>et</strong>te année,<br />

auprès des couples qui ont fait ou vont faire le choix des méthodes naturelles.<br />

N’oubliez pas, si ce n’est fait, de vous inscrire au WE de formation continue des<br />

moniteurs, qui aura lieu à Paris les 19-20 janvier 08, le tract sera dans ce bull<strong>et</strong>in.<br />

* « Les Cigognes » est un groupe informel de personnes réfléchissant sur l’anthropologie des méthodes naturelles.<br />

3<br />

Véronique VERKIMPE<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


L’HUMANISME INTEGRAL<br />

RENCONTRE LYON<br />

1 er mai 2007<br />

4<br />

Mgr. François DUTHEL<br />

Je voudrais tout d’abord faire mémoire du Docteur John BILLINGS, décédé le 31 mars dernier. Depuis<br />

1953, il avait consacré sa vie à l’enseignement <strong>et</strong> à la promotion des méthodes naturelles du contrôle des<br />

naissances. On ne peut donc pas oublier l’engagement qui fut le sien aux côtés de sa femme Evelyn.<br />

Au cours de mon intervention, je voudrais faire apparaître quelques lignes forces de l’anthropologie<br />

chrétienne utiles pour votre réflexion sur les méthodes naturelles de fécondité, quelles que soient les<br />

méthodes qui sont promues en ce domaine. L’anthropologie chrétienne tire sa source de l’anthropologie<br />

biblique. En ce qui concerne la sexualité, la source première est bien évidemment la conception de la<br />

création telle qu’elle est développée dans les deux premiers chapitres du livres de la Genèse. C’est donc<br />

de là que je partirai, me référant aussi à d’autres livres bibliques.<br />

Dès le livre de la Genèse, on nous montre l'anthropologie chrétienne du corps <strong>et</strong> de la sexualité, qui est<br />

le point de départ de la théologie de l'Église, de sa pédagogie <strong>et</strong> de la spiritualité conjugale <strong>et</strong> familiale.<br />

On peut dire que la perspective essentielle du livre de la Genèse est ce que l'on peut appeler une<br />

intelligence du corps humain, une anthropologie <strong>et</strong> une théologie du corps. Dans la création, le corps de<br />

l'homme apparaît comme le somm<strong>et</strong> de la création <strong>et</strong> le fruit de l'acte créateur de la Trinité tout<br />

entière. En eff<strong>et</strong>, contrairement aux autres étapes de la création, lorsqu'il s'apprête à créer l'homme,<br />

Dieu dit : «Faisons». Dieu réfléchit <strong>et</strong> Dieu parle au pluriel, en tant que Trinité créatrice. C'est toute la<br />

Trinité qui est engagée dans la création du corps de l'homme.<br />

Notre nature, c'est d'être incarné, c'est-à-dire d'avoir un corps <strong>et</strong> de vivre dans ce corps <strong>et</strong> avec ce<br />

corps, qui me représente au monde, ce corps qui est aussi le lieu de la glorification du Créateur, puisqu'il<br />

a été voulu comme le somm<strong>et</strong> de la création. Plus encore, le mystère chrétien fait apparaître aussi<br />

l’incarnation. Le corps humain est essentiel <strong>et</strong> il est considéré par Dieu comme un lieu important pour<br />

l’être humain, au point que le Verbe se soit fait chair. Cela donne une densité extraordinaire à la chair<br />

humaine. En même temps, les textes du protévangile font apparaître les normes éthiques quant au corps<br />

<strong>et</strong> à sa relation aux autres corps. Il serait terrible de penser que le mystère de l'Incarnation <strong>et</strong> de la<br />

Rédemption n'ait pas une incidence positive sur l'acte de chair, comme si nous ne proclamions pas notre<br />

foi en la résurrection de la chair. Puisque tel est le cas, la chair participe à la glorification de Dieu. Qu'il<br />

suffise de se rappeler ce que dit saint Paul : «Glorifiez Dieu dans votre corps» (1 Co 6, 20), ou encore<br />

François de Sales : «Le chrétien doit aimer son corps comme une vivante image de celui du Sauveur<br />

incarné» [1] . Le regard sur le livre de la Genèse perm<strong>et</strong> de r<strong>et</strong>rouver, au delà du péché originel, la beauté<br />

de la création, la joie de la création <strong>et</strong> de la découverte mutuelle de l'homme <strong>et</strong> de la femme, la joie de la<br />

pleine communion, même si, dans l’inconscient collectif, le livre de la Genèse est essentiellement centré<br />

sur le péché originel.<br />

L’anthropologie chrétienne prend aussi en compte la différence sexuelle, qui est, comme le rappelle le<br />

livre de la Genèse, une différence fondatrice d’humanité. En eff<strong>et</strong>, les êtres humains n’existent vraiment<br />

qu’à partir du moment où il y a le masculin <strong>et</strong> le féminin. Auparavant, dans l’indifférenciation, il y avait<br />

l’humain, le «glébeux» pour reprendre un terme de Paul Evdokimov, grand théologien orthodoxe. Le corps<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


sexué est un élément fondateur de l’être <strong>et</strong> de la relation, qui perm<strong>et</strong> de se sortir de l’indifférenciation,<br />

de la confusion originaire.<br />

-Il faut aussi prendre en compte la place de l’engagement dans l’existence. Aujourd’hui, selon un récent<br />

sondage, 44% des Français n’accordent aucune place à l’engagement dans l’existence. Mais, en même<br />

temps, la plupart de nos contemporains aspirent à une relation vraie. Il y a là une sorte d’opposition <strong>et</strong> de<br />

paradoxe. En eff<strong>et</strong>, comment peut-on penser la relation sans l’engagement ? Il nous faut reconnaître que,<br />

aujourd’hui, nous sommes davantage dans une logique des sentiments, qui par définition sont de l’ordre<br />

individuel <strong>et</strong> subjectif, <strong>et</strong> qui sont aussi versatiles. Le sentiment, qui est une composante normale <strong>et</strong><br />

naturelle de l’homme, ne peut pas être l’unique fondement de son existence <strong>et</strong> de sa relation. C<strong>et</strong>te<br />

logique a de la peine à prendre en compte les aspects objectifs. Quand une personne m<strong>et</strong> en avant ses<br />

sentiments, sans vouloir aborder les questions de manière rationnelle, il est difficile d’avancer, car la<br />

personne se sent immédiatement jugée par un discours qui se veut objectif. On le voit par exemple pour<br />

l’avortement. Lorsque vous essayez d’avoir une parole objective, on vous oppose volontiers des cas<br />

particuliers, tel le viol. La casuistique a pour une part remplacé l’objectivité <strong>et</strong> la rationalité. De plus, en<br />

en restant au niveau des sentiments, du désir, de sa propre expérience, il y a une sorte de refus d’entrer<br />

dans l’objectivité, qui perm<strong>et</strong> de juger correctement de ses décisions <strong>et</strong> de ses actes, <strong>et</strong> qui est, d’une<br />

certaine manière, la négation de l’autre, puisque le pur subjectif devient la référence première, voire<br />

parfois ultime. Une véritable anthropologie doit prendre en compte ce qui est de l’ordre du sentiment, de<br />

l’intelligence <strong>et</strong> de la raison, du coeur profond <strong>et</strong> de la volonté. Ce sont, à mon sens, les 4 composantes de<br />

l’être humain, qui, si elles sont mises en oeuvre en même temps, font que l’homme devient de plus en plus<br />

homme, en d’autres termes que l’homme s’humanise :<br />

* La différence sexuelle, le rythme propre à la sexualité, la procréation humaine, sont des réalités<br />

objectives indépassables pour la personne.<br />

* La différence sexuelle est une réalité essentielle pour la structuration psychologique de l’enfant, car<br />

on ne peut se structurer que sur des images identificatoires qui reconnaissent la différence<br />

fondamentale, que ce soit en positif ou en négatif.<br />

* La différence sexuelle introduit dans l’ordre de la loi, car il y a un interdit, à savoir une parole entre les<br />

êtres, une non confusion. La parole structure l’être dans sa vie personnelle : un être sans parole est un<br />

être insensé, au sens fort du terme, à savoir un être qui n’a pas de sens. La parole structure aussi la vie<br />

relationnelle du suj<strong>et</strong>. Si l’on regarde dans la Bible, il n’y a de suj<strong>et</strong> humain qu’à partir du moment où<br />

l’homme s’émerveille de l’autre <strong>et</strong> où il lui parle <strong>et</strong> la reconnaît comme de même nature que lui, donc<br />

infiniment digne de respect. C’est au moment où l’être humain est en mesure de prendre soin de l’autre<br />

que la différence sexuelle devient fondatrice de relation <strong>et</strong> d’unité. La parole fait passer de la confusion<br />

de Babel à l’ordre juste <strong>et</strong> dynamique de la Pentecôte. Une sexualité sans parole est une sexualité qui est<br />

dans l’ordre de l’animalité, de la violence, voire du viol de l’autre. Une parole sur la vie sexuelle au sein du<br />

couple est essentielle à l’humanisation de la pratique de la sexualité. Les méthodes naturelles ont cela<br />

qu’elles exigent la parole échangée.<br />

* La différence sexuelle introduit dans l’ordre du don, car elle invite à la relation, au don de soi.<br />

Cependant, il faut aussi reconnaître que tout au long de son histoire, l’Église est gênée par la question du<br />

plaisir sexuel. Le premier grand théologien du mariage était saint Augustin, qui parlait des 3 biens du<br />

mariage: paroles, fides, sacramentum ; les enfants, la foi jurée entre époux <strong>et</strong> le sacrement. Augustin<br />

reste marqué par la conception philosophique platonicienne («le corps est un tombeau» sôma, sêma) <strong>et</strong><br />

par sa propre expérience sexuelle. Dans la définition de saint Augustin, il n'y a pratiquement pas de place<br />

faite au corps <strong>et</strong> à l'acte sexuel, même si l'on ne trouve pas chez saint Augustin de condamnation du<br />

corps, il demeure une réticence à l'intégrer dans la théologie du mariage. Ce qui le gêne c'est le plaisir<br />

attaché à l'acte sexuel, comme si en soi ce plaisir était mauvais <strong>et</strong> réduisait la valeur morale de l'acte<br />

sexuel. Le plaisir n'est qu'un remède au désir, évitant ainsi que les conjoints s'adonnent trop au plaisir<br />

5<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


sexuel. Au XIII° siècle, saint Bonaventure parlera du mariage comme d'une «excuse». Ainsi l'union<br />

sexuelle évite d'être un péché [2] . Saint Thomas d'Aquin fera varier les choses en parlant de fins<br />

primaires, de fins secondaires <strong>et</strong> de fins accidentelles du mariage. Les Papes Jean-Paul II <strong>et</strong> Benoît XVI<br />

renouvelleront le regard que nous portons sur la sexualité. Il suffit en particulier de relire la première<br />

encyclique de Benoît XVI Deus caritas est pour découvrir l’harmonisation entre l’amour eros <strong>et</strong> l’amour<br />

agapè, harmonisation qui prend en compte la chair, le corps. Benoît XVI rappelle qu’un amour humain est<br />

vraiment possible, à condition qu’il ne soit pas un amour d’attachement, mais un amour de don, autrement<br />

dit qu’eros sans agapè est un amour aveugle. Le véritable amour est celui qui associe les deux termes <strong>et</strong><br />

qui est de soi diffusif. Un tel amour se déploie au sein d’un troisième terme, l’altérité, pour les chrétiens<br />

Dieu. L’amour devient le nom propre de Dieu <strong>et</strong> Dieu peut être loué comme amour [3] . Nous sommes donc<br />

dans une perspective totalement différente de celle des anciens, notamment de Platon, pour lequel les<br />

deux parties de l’amour apparaissent antagonistes : désir/offrande, égoïsme/altruisme,<br />

charnel/spirituel, érotisme/charité. Le propre de la révélation biblique est de lier les deux [4] .<br />

Les pulsions sont de soi désordonnées, ce qui correspond à leur nature <strong>et</strong> cela n'a aucune connotation<br />

morale négative. C'est à l'homme, qui n'est pas qu'un pur animal, de savoir les ordonner <strong>et</strong> les gérer.<br />

L’homme est le seul être dont la sexualité n’est pas gérée par la nature, mais par le suj<strong>et</strong> lui-même. Il<br />

faut aussi d'emblée affirmer que les pulsions, l'instinct sexuel, l’amour humain sont des dons de Dieu,<br />

dont l'homme peut faire le don à une autre personne dans le mariage ou à Dieu dans la chast<strong>et</strong>é parfaite.<br />

Il ne saurait être question d'un acte fortuit. Seule une personne peut aimer une personne.<br />

Dans l’Église, le mariage est un sacrement, ce qui donne toute sa valeur à la vie sexuelle au sein de<br />

l’engagement. Cela veut dire que ce qui en constitue l'essence pousse à faire des actes du mariage les<br />

lieux mêmes de la marche sur la voie de la saint<strong>et</strong>é <strong>et</strong> une participation spécifique à l’œuvre de la<br />

création. Ne parle-t’on pas d’ailleurs à ce propos de la génération d’enfants comme de la pro-création,<br />

l’exercice de la sexualité, notamment dans l’ouverture à la vie, prolonge la création. Cela ne contredit pas<br />

cependant la théologie des biens du mariage, mais pointe sur des aspects nouveaux, intégrant toute la vie<br />

conjugale dans une démarche de foi <strong>et</strong> de spiritualité. L'amour des époux est au cœur de leur relation<br />

comme du sacrement <strong>et</strong> de l'institution du mariage. Il convient donc de réinterpréter sans cesse le<br />

sacrement à la lumière de l'amour conjugal dans toutes ses dimensions <strong>et</strong> de la communauté de vie, car<br />

c'est c<strong>et</strong> amour qui est le signe de l'amour de Dieu pour son peuple <strong>et</strong> du Christ pour l'Église. Ce n'est<br />

pas simplement un amour désincarné, c'est un amour qui m<strong>et</strong> en jeu le corps dans toutes ses<br />

composantes.<br />

Il suffit de relire le Concile Vatican II : «Le Christ Seigneur a comblé de bénédictions c<strong>et</strong> amour aux<br />

multiples aspects, issu de la source divine de la charité, <strong>et</strong> constitué à l'image de son union avec l'Eglise.<br />

De même en eff<strong>et</strong> que Dieu prit autrefois l'initiative d'une alliance d'amour <strong>et</strong> de fidélité avec son<br />

peuple, ainsi, maintenant, le Sauveur des hommes, Époux de l'Église, vient à la rencontre des Époux<br />

chrétiens par le sacrement de mariage. Il continue de demeurer avec eux pour que les Époux, par leur<br />

don mutuel, puissent s'aimer dans une fidélité perpétuelle, comme lui-même a aimé l'Église <strong>et</strong> s'est livré<br />

pour elle. L'authentique amour conjugal est assumé dans l'amour divin <strong>et</strong> il est dirigé <strong>et</strong> enrichi par la<br />

puissance rédemptrice du Christ <strong>et</strong> l'action salvifique de l'Église, afin de conduire efficacement à Dieu<br />

les Époux, de les aider <strong>et</strong> de les affermir dans leur mission sublime de père <strong>et</strong> de mère. C'est pourquoi<br />

les Époux chrétiens, pour accomplir dignement les devoirs de leur état, sont fortifiés <strong>et</strong> comme<br />

consacrés par un sacrement spécial en accomplissant leur mission conjugale <strong>et</strong> familiale avec la force de<br />

ce sacrement, pénétrés de l'Esprit du Christ qui imprègne toute leur vie de foi, d'espérance <strong>et</strong> de<br />

charité, ils parviennent de plus en plus à leur perfection personnelle <strong>et</strong> à leur sanctification mutuelle ;<br />

c'est ainsi qu'ensemble ils contribuent à la glorification de Dieu» [5] . Paul VI, dans l'encyclique Humanae<br />

6<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


vitae va encore plus loin que le Concile puisqu'il associe les deux valeurs de l'acte conjugal, en parlant de<br />

«la double signification, unitive <strong>et</strong> procréative» [6] <strong>et</strong> évoque dans le fameux discours aux Équipes Notre<br />

Dame (4 mai 1970) le sens du mariage comme vocation <strong>et</strong> authentique voie de saint<strong>et</strong>é. On ne peut donc<br />

être plus clair sur le sens <strong>et</strong> la valeur du mariage <strong>et</strong> de la sexualité dans l'Église.<br />

Comme le rappelait récemment Benoît XVI parlant de l'amour d'agapè, une personne ne se découvre<br />

comme personne <strong>et</strong> ne se réalise que dans le don d'elle-même, <strong>et</strong> non pas dans l'affirmation de soi. C'est<br />

d'ailleurs une des difficultés dans la sexualité, notamment du côté masculin. L'homme, plus que la femme,<br />

pense que, dans la relation sexuelle, s'exerce de sa part une affirmation de lui-même, de sa virilité, de<br />

son pouvoir. Ce n'est pas à proprement parler de l'amour, mais au contraire un désir de puissance <strong>et</strong> de<br />

domination sur la femme. Le véritable amour d'agapè est un don de soi à l'autre <strong>et</strong> la découverte que<br />

c'est dans le don de soi que l'on offre le maximum de plaisir à l'autre <strong>et</strong> que l'on trouve aussi son propre<br />

plaisir. C'est d'ailleurs ce que rappelle saint Paul citant Jésus : «Il y a plus de joie à donner qu'à<br />

recevoir» (Ac 20, 35) [7] . Comme le rappelait encore Karol Wojtyla : «Goûter le plaisir sexuel sans traiter<br />

pour autant la personne comme obj<strong>et</strong> de jouissance, voilà le fond du problème moral sexuel» [8] .<br />

Venons-en maintenant aux textes bibliques. Pour cela, je m’appuierai sur le livre d’Yves SEMEN, que je<br />

ne peux que vous conseiller de lire, car il est très éclairant (La sexualité selon Jean-Paul II, Paris,<br />

Presses de la Renaissance, 2004, 230). Je commencerai donc par le Livre de la Genèse, reprenant au<br />

passage certains aspects de la lecture qu’en a faite Jean-Paul II dans les premières catéchèses du<br />

mercredi de son pontificat :<br />

I - Dans ce livre, il est question de la solitude originelle («Il n'est pas bon que l'homme soit seul» (Gn 2,<br />

18). C'est dans l'expérience du face à face <strong>et</strong> de la communion que l'homme se découvre <strong>et</strong> se connaît<br />

comme personne.<br />

Dans le récit le plus récent, le récit élohiste, l'auteur m<strong>et</strong> en scène la création de Dieu: «Faisons<br />

l'homme à notre image» (Gn 1, 26-28). On peut essayer de voir quelques détails du texte qui intéressent<br />

notre suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> qui sont l'expression de l'anthropologie biblique :<br />

A - La création est un vaste ensemble <strong>et</strong> Dieu crée successivement tous les êtres, l'homme y compris.<br />

Mais l'homme reçoit une mission spécifique, celle de gouverner la terre. L'homme est donc mis au-dessus<br />

de toutes les créatures, avec un pouvoir qui manifeste ce qui, en lui, est supérieur: son intelligence, sa<br />

raison, sa volonté.<br />

B - L'homme a une autre particularité. Contrairement à toutes les autres créatures, il est le seul à être à<br />

l'image <strong>et</strong> à la ressemblance de Dieu. Il ne ressemble en rien aux animaux. Deux mots qui disent deux<br />

réalités de la ressemblance entre Dieu <strong>et</strong> l'homme: l'image manifeste la ressemblance dans l'être, c'està-dire<br />

la ressemblance statique, ontologique. La ressemblance manifeste l'aspect dynamique. Dans ce<br />

qu'il fait, l'homme ressemble à Dieu. Notez qu’en français, on dit: être à l’image de, mais ressembler. Il<br />

n’y a qu’un verbe pour deux réalités.<br />

C - On peut noter une sorte de rupture dans la création lorsque l'on en arrive à l'homme. Pour les<br />

différentes phases de la création, on trouve «Dieu dit: que...» Quand Dieu parle il fait. Mais lorsque l'on<br />

arrive à l'homme, on trouve une parole originale: «faisons». On a l'impression que Dieu rentre en luimême,<br />

dans le mystère trinitaire, qu'il se parle à lui-même, avant de créer l'homme. De plus, il dit<br />

«faisons», le mot est le signe que Dieu parle au pluriel <strong>et</strong> non pas comme un être solitaire, qu'il fait<br />

r<strong>et</strong>our sur sa propre intimité trinitaire. C'est sans aucun doute le pluriel qui exprime l'ensemble des<br />

personnes divines dans la Trinité. On peut donc dire que c'est la Trinité dans sa totalité qui est à<br />

7<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


l'oeuvre dans la création de l'homme <strong>et</strong> de la femme. De plus, c'est dans la différence homme-femme<br />

que l'homme est à l'image de Dieu, comme si dès la création la différence sexuelle qui conduit à l'union<br />

était le signe de la ressemblance à la Trinité. Et «l’amour est le suprême intelligible puisque, seul, il rend<br />

compte <strong>et</strong> de la diversité <strong>et</strong> de la communion» [9] .<br />

D - Notez aussi que la différence sexuelle n'est mentionnée que pour l'homme, jamais pour les animaux.<br />

Elle est donc, dans l'esprit de l'auteur biblique, fondatrice de quelque chose d'original dans l'humanité.<br />

La différence sexuelle est une bénédiction de Dieu. Elle apparaît donc comme une réalité bonne. Notez<br />

aussi que Dieu crée immédiatement l'homme, homme <strong>et</strong> femme. Contrairement à ce que l’on pense dans<br />

l’inconscient collectif, il n'y a pas de distance entre la création des deux. Ce n'est que dans un deuxième<br />

temps que la différence sexuelle est précisée comme signe de l'image de Dieu. On peut donc affirmer<br />

que l'être humain, avec ses caractères sexuels <strong>et</strong> ses organes génitaux, est image de Dieu, icône de Dieu.<br />

Les caractères sexuels humains ne sont donc pas perçus du côté de l'animalité [10] .<br />

Si l'on se reporte maintenant au deuxième texte, le récit Yahviste, plus archaïque, on a à faire à une<br />

vision plus anthropomorphique. Dieu est comme un potier qui modèle la création. Mais il y a une partie<br />

fort intéressante (Gn 4b-7; 18-20), manifestation de la première expression de la conscience en<br />

l'homme.<br />

A - Le nom donné au premier homme est adam, avec une minuscule, car ce n'est pas un nom propre, mais<br />

un nom générique, qui désigne l'humanité de manière générale, sans mention d'homme, ni de femme, ni de<br />

sexualité. À la fin du récit, on verra apparaître l'homme <strong>et</strong> la femme, avec deux mots différents en<br />

hébreu (ish <strong>et</strong> isha, qui désignent le masculin <strong>et</strong> le féminin, mais uniquement dans l'espère humaine).<br />

Adam ne comporte pas de féminin.<br />

B - On doit donc reconnaître que dans ce récit primitif, la création de l'homme se fait à l'origine, comme<br />

dans le récit élohiste, sans référence au masculin <strong>et</strong> au féminin. C'est important, car l'homme qui est<br />

dans la solitude originelle de la création n'est encore ni homme ni femme : il est l’adam, l'humanité.<br />

L'apparition de la différenciation sexuelle n'apparaît que lorsque Dieu a crée deux êtres particuliers,<br />

lorsqu'il a tiré d'adam un autre être. Alors l'un s'appelle homme <strong>et</strong> l'autre femme. On ne peut donc pas<br />

tirer du texte biblique une supériorité ni une antériorité de l'homme sur la femme.<br />

C - L'homme a une supériorité sur tous les autres êtres, car il cultive la terre, il gère la création. Ce<br />

n'est pas une supériorité en terme de degré, mais une supériorité radicale, car il est présenté comme un<br />

être totalement différent de tous ceux qui ont été créés auparavant.<br />

D - L'homme a le pouvoir de nommer les animaux. L'homme est établi au jardin d'Eden avec une mission<br />

particulière de la part de Dieu. Si l'homme nomme c'est qu'il a une connaissance sur ce qu'est en réalité<br />

l'être qu'il nomme; il connaît la nature de l'intérieur. Nommer une personne par son nom cela dit quelque<br />

chose de ce qu'elle est, extérieurement, car on la situe dans une famille. Mais si on rajoute le prénom, on<br />

désigne quelqu'un qui est unique, qui est reconnu pour lui-même <strong>et</strong> non pas seulement par rapport à<br />

d'autres membres de sa famille. Appeler quelqu'un par son prénom c'est aussi le signe d'une plus grande<br />

intimité avec la personne en question cf. Is 45, 3-4). Dans la Bible, donner un nom à quelqu'un c'est avoir<br />

sur lui une connaissance parfaite.<br />

E - Dans son pouvoir de donner des noms, l'homme fait l'expérience de la solitude. Il ne trouve pas<br />

d'être qui lui soit assorti (Gn 2, 20). Il ne trouve pas 'être à qui se donner parce que tous les êtres qu'il<br />

rencontre sont des êtres sur lesquels il exerce un pouvoir. Le don de soi suppose de ne pas être dans une<br />

relation de pouvoir, mais de se donner totalement. Il ne peut avoir de communication corporelle avec les<br />

8<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


êtres qu'il nomme, parce qu'il est une personne <strong>et</strong> que seule une personne peut être en relation de don<br />

avec lui. En prenant conscience qu'il n'a pas de vis à vis assorti, il découvre qu'il est un être exceptionnel<br />

dans la création. Il est seul dans toute la création à être une personne. Sa recherche d'une personne<br />

assortie manifeste son désir de se donner, de vivre ce don, <strong>et</strong> en même temps une souffrance de ne pas<br />

pouvoir vivre ce don.<br />

F - La découverte de sa solitude est aussi source de grande angoisse. On peut imaginer la profondeur de<br />

l'angoisse de quelqu'un qui découvre que son accomplissement est dans le don de lui-même à un autre <strong>et</strong><br />

qui ne trouve nulle part quelqu'un qui puisse être l'obj<strong>et</strong> <strong>et</strong> le suj<strong>et</strong> de ce don. C'est le propre du mythe<br />

de Narcisse, qui n'a qu'une solution, c'est de se perdre dans sa propre image. Notons que c<strong>et</strong>te solitude<br />

est une solitude radicale <strong>et</strong> non pas seulement une solitude affective, sentimentale ou sexuelle. À ce<br />

moment l'auteur du texte m<strong>et</strong> dans la bouche de Dieu la formule qui va libérer l'homme : «il n'est pas<br />

bon que l'homme (adam) soit seul». C'est donc Dieu lui-même qui crée le vis à vis sexué de l'homme, sans<br />

que leur nudité sexuelle pose le moindre problème.<br />

II - Mystère de communion <strong>et</strong> d'unité de l'homme <strong>et</strong> de la femme à travers la création de la femme: «os<br />

de mes os», «chair de ma chair» (Gn 2, 21-24).<br />

A - Le sommeil de l'adam n'est ni une entrée dans un rêve, ni un songe. C'est une torpeur, nous dit le<br />

texte. Le mot torpeur est employé 9 fois dans l'Écriture (1 S 26, 12; Gn 2, 21; 15, 12; Is 29, 10; Jb 4, 13;<br />

33, 15; Pv 19, 15; 23, 21; Rm 11, 8). C'est toujours l'œuvre de Dieu soit pour rendre compte d'une alliance<br />

entre Dieu <strong>et</strong> les hommes, soit pour montrer ceux qui n'ont pas su demeurer dans c<strong>et</strong>te alliance. La<br />

torpeur est un appel pour l'homme à correspondre à sa vocation. C'est pour cela qu'elle n'est pas<br />

nécessairement une perte de conscience, mais qu'elle est plutôt liée à un effroi de se trouver devant<br />

Dieu <strong>et</strong> devant l'enjeu du fruit de l'alliance. Car dans l'expérience de l'homme de la Bible, notamment de<br />

Moïse ou d'Élie, on ne peut voir Dieu sans mourir. C'est c<strong>et</strong>te même torpeur que vivront les disciples à<br />

G<strong>et</strong>hsémani. Pour l’adam, nous sommes devant le plus grand enjeu de la création, devant un moment<br />

crucial <strong>et</strong> solennel de la création, la création de l'humanité sexuée. Avant cela, l'homme n'est pas<br />

vraiment image de Dieu. Il ne le sera que lorsqu'il sera homme <strong>et</strong> femme. On voit donc ici la grandeur <strong>et</strong><br />

la beauté de la différenciation sexuelle.<br />

B - On a beaucoup parlé sur la côte d'Adam, cherchant à montrer ici aussi la supériorité de l'homme sur<br />

la femme. Bossu<strong>et</strong> parlait avec humour d'une «funeste côtel<strong>et</strong>te», qui serait à l'origine du péché. Ce<br />

n'est absolument pas de cela dont il s'agit. Mais si au départ l'humanité dans son ensemble est vue<br />

comme l’adam, dans son existence concrète comme image de Dieu, elle est organisée autour de la<br />

différence des sexes. La côte nous rappelle qu'il y a égalité totale d'être entre l'homme <strong>et</strong> la femme. En<br />

d'autres termes, c<strong>et</strong> élément rappelle que l'homme <strong>et</strong> la femme sont de la même humanité <strong>et</strong> qu'il n'y a<br />

pas d'antériorité de l'un sur l'autre. Adam sera homme à partir du moment de la création de la femme.<br />

Avant il n'y a qu'une humanité indifférenciée. C'est la même vie que se partagent ish <strong>et</strong> isha. Ce qui veut<br />

dire qu'il y a égalité entre les deux personnes.<br />

C - Les formules bibliques «os de mes os», «chair de ma chair» sont difficiles à comprendre pour nous.<br />

Mais comme l'hébreu ne connaît ni les comparatifs, ni les superlatifs, il utilise le redoublement des mots<br />

pour les exprimer. C'est la même chose pour le cantique des cantiques. Pour aller encore plus loin, ces<br />

deux expressions ne parlent pas uniquement de l'aspect charnel de l'être, mais de la totalité de l'être. Il<br />

faut se rappeler que l'hébreu est une langue imagée <strong>et</strong> non conceptuelle (être miséricordieux, c'est être<br />

long de nez). Cela veut signifier que la femme est «l'être de son être», qu'il n'y a pas dans l'être de<br />

différence entre les deux personnes. Ce qui est intéressant, c'est que c'est au moment où se créent les<br />

9<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


différences morphologiques <strong>et</strong> sexuelles que l'homme reconnaît l'égalité dans l'être. Et en même temps,<br />

adam célèbre l'autre à partir de son corps, dans les signes de la masculinité <strong>et</strong> de la féminité.<br />

D - Quitter son père <strong>et</strong> sa mère <strong>et</strong> devenir une seule chair. L'acte sexuel est l'acte qui perm<strong>et</strong> le<br />

dépassement de la solitude humaine inhérente à la constitution du corps. Après le chant d'amour de la<br />

reconnaissance («os de mes os»); l'acte sexuel réalise l'unité, il est l'expression de la communion. Et<br />

c'est précisément dans la communion, y compris sexuelle <strong>et</strong> tout particulièrement sexuelle, que l'homme<br />

est image de Dieu. Mais il ne l'était pleinement qu'aux origines, avant l'existence du péché, qui vient<br />

perturber la grandeur <strong>et</strong> la beauté du désir de communion. Ce qui est beau dans ce texte, c'est que c'est<br />

seulement lorsque l'homme sexué est créé que la création est achevée. La sexualité est le signe de la<br />

création achevée <strong>et</strong> complète. Alors l'image de Dieu est présente dans l'humanité <strong>et</strong> dans le monde.<br />

Souvent nous pensons que l'homme est image de Dieu parce qu'il est doué d'esprit ou de raison. Ce n'est<br />

nullement ce que dit la Bible, comme nous venons de le voir. Il est image de Dieu, parce que dans son être<br />

profond comme dans son corps il est apte à la communion totale, y compris dans sa dimension charnelle <strong>et</strong><br />

sexuelle.<br />

De c<strong>et</strong> aspect, nous pouvons tirer plusieurs éléments :<br />

* L'expérience de la sexualité dans le sacrement du mariage constitue une véritable révélation, au sens<br />

fort du terme, du mystère trinitaire.<br />

* Le sexe humain n'est pas un attribut accidentel en l'homme, mais il constitue un élément essentiel de<br />

son être, le lieu de la reconnaissance <strong>et</strong> de la communion des personnes. Nous sommes donc homme ou<br />

femme dans toutes les dimensions de notre être <strong>et</strong> non seulement dans la dimension corporelle. C<strong>et</strong>te<br />

différence est le signe de notre identité en tant qu'être.<br />

* Pour l’homme, aimer n’est pas comme on dit vulgairement «faire l’amour», mais comme le souligne<br />

Gabriel Marcel, aimer de l’ordre de l’être.<br />

* Il ne peut y avoir de véritable communion que dans la reconnaissance de la différence au sein de<br />

l'humanité, différence tant physique que psychologique, affective <strong>et</strong> spirituelle. C'est pour cela que<br />

l'Église ne peut reconnaître la relation homosexuelle comme une relation équivalente à l'hétérosexualité.<br />

Il n'y a don <strong>et</strong> communion qu'au sein de la différence <strong>et</strong> de la complémentarité, source de fécondité<br />

charnelle <strong>et</strong> spirituelle.<br />

III - L'expérience de la nudité qui, à l'origine, n'est pas source de honte.<br />

Le deuxième récit de la création se conclut sur la notation de la nudité. Si elle est ici mentionnée, ce<br />

n'est pas purement par hasard. Cela révèle un état de conscience de l'homme <strong>et</strong> de la femme par rapport<br />

à leur corps. Être nu, c'est se reconnaître vulnérable. L'absence de honte au début de l'humanité montre<br />

que chacun était capable de reconnaître l'autre non pas par rapport à son désir ou à ses pulsions propres,<br />

mais par rapport à l'être de l'autre. Le corps était vu dans une totale transparence, avec une pur<strong>et</strong>é de<br />

regard qui ne fait pas du corps de l'autre un obj<strong>et</strong> de plaisir <strong>et</strong> de désir à posséder ou à acquérir pour<br />

soi. Le corps vu ainsi est mis en valeur, comme lieu de la communion. Aux origines, l'homme avait sur son<br />

corps <strong>et</strong> sur le corps de l'autre un regard paisible, sûr que l'autre ne fera pas de son corps un pur obj<strong>et</strong><br />

de jouissance. Les signes physiques de la sexualité peuvent alors être contemplés dans leur fonction<br />

initiale, dans la beauté de leur finalité première: la communion des personnes. Seule la nudité qui fait de<br />

l'autre un obj<strong>et</strong> est source de honte. Dans le regard sur le corps de l'autre, nous sommes invités à<br />

entrer sans cesse dans une pur<strong>et</strong>é du regard qui ne considère pas le corps de l'autre comme un simple<br />

obj<strong>et</strong> de jouissance, qui avilit la personne <strong>et</strong> la réduit à son corps de chair que l'on s'approprie. Nous ne<br />

sommes plus alors dans l'ordre du don, mais dans l'ordre de la prise, du pouvoir que l'on prend sur<br />

quelqu'un. Dans ce même ordre d’idées, il nous faut aussi nous interroger sur la pudeur, qui n’est pas une<br />

vertu en soi, mais une partie de la vertu de chast<strong>et</strong>é. Elle n’est pas pleinement vertu parce qu’elle<br />

10<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


comporte une part négative. «L’acte psychologique de la pudeur est celui par lequel j’ai honte de mon<br />

animalité. Or celui qui a honte se sépare de ce dont il a honte» [11] .<br />

Ce corps nu est aussi considéré comme n'ayant rien à voir avec l'animalité <strong>et</strong> comme ayant des signes<br />

sexuels qui ne sont pas à cacher. Ce n'est que depuis le péché <strong>et</strong> dans l'être de péché que nous sommes<br />

que le corps <strong>et</strong> le sexe ont perdu leur innocence première, pour devenir aussi le lieu d'une violence de<br />

type animal. La nudité originelle est le signe que pour le Créateur, la sexualité humaine est belle <strong>et</strong> bonne<br />

en soi. L'attrait des sexes est la réalisation du proj<strong>et</strong> divin inscrit au début de la création de l'homme <strong>et</strong><br />

de la femme. L'homme <strong>et</strong> la femme se révèlent l'un à l'autre <strong>et</strong> révèlent Dieu à travers le don de leurs<br />

corps, de leur tendresse, de leur affectivité, de leurs psychologies réciproques; leur fécondité est le<br />

fruit de c<strong>et</strong>te communion profonde. C'est très différent de la sexualité animale qui correspond à<br />

l'impératif biologique de la reproduction <strong>et</strong> qui ne peut être vécue que pendant les périodes où la femelle<br />

est apte à la fécondation. C'est un attrait de l'espèce <strong>et</strong> non de suj<strong>et</strong>s singuliers. Ce n'est en rien une<br />

communion, d'autant que l'union physique entre deux animaux n'est pratiquement jamais dans un face à<br />

face, <strong>et</strong> est un acte rapide sans union des êtres dont l'union des corps est l'expression.<br />

L'érotisme appartient à l'amour nous a redit récemment Benoît XVI, comme une des composantes au sein<br />

du couple de l'amour d'agapè. Il suffit de se reporter au Cantique des cantiques, qui a longtemps gêné<br />

l'Église au point d'avoir supprimé ce texte de la Bible.<br />

A - En lisant ce texte, on voit que l'érotisme n'est pas en soi de l'ordre du mal ni du péché. L'érotisme<br />

peut être rempli d'une grande pur<strong>et</strong>é. Dans le Cantique, le corps est la source de la séduction entre deux<br />

êtres, mais parce qu'il est considéré comme appartenant à une personne dont il manifeste la beauté <strong>et</strong><br />

les qualités. Dans ce cas, le corps, loin d'être une entrave au don devient une source du don <strong>et</strong> le lieu<br />

même du don.<br />

B - L'épouse est vue comme une sœur, manifestant que la relation sexuelle est le rappel de l'unité <strong>et</strong><br />

l'égalité de l'humanité, au delà des différences. C'est un appel à une tendresse désintéressée, non<br />

captative. Dans la création, avant d'apparaître homme <strong>et</strong> femme, les deux êtres apparaissent comme<br />

frère <strong>et</strong> sœur [12] .<br />

C - Autre expression intéressante: «jardin bien clos, fontaine scellée» désigne le fait que la femme est<br />

propriétaire de son corps <strong>et</strong> du mystère qui l'habite, qu'il ne sera jamais possible de dévoiler totalement.<br />

Son époux ne pourra jamais en dévoiler tout le mystère. L'érotisme biblique est contrairement à ce que<br />

beaucoup croient un merveilleux plaidoyer en faveur de la dignité de la femme.<br />

D - «Ne réveillez pas mon bien-aimé». C'est le souvenir du sommeil, de la torpeur initiale, temps de la<br />

création, comme si le véritable érotisme, qui m<strong>et</strong> dans une certaine torpeur, renvoyait à l'unité de la<br />

création initiale. C'est un beau plaidoyer pour un sain érotisme à l'intérieur du couple, qui perm<strong>et</strong> l'union<br />

des corps, célébrant dans un chant érotique la beauté de la création divine. C'est une façon de s'opposer<br />

au péché qui gu<strong>et</strong>te toute relation sexuelle, la faisant passer de relation de don qu'elle doit être à une<br />

relation de pure recherche de jouissance.<br />

E - La vérité de l'amour humain ne peut être séparée du langage des corps. C'est par le corps <strong>et</strong> dans le<br />

corps que s'exprime le véritable amour humain, celui voulu par Dieu dès la création, celui qui a été élevé à<br />

la dignité de sacrement par le Christ <strong>et</strong> par l'Église. C'est donc par leurs corps que les conjoints doivent<br />

trouver les moyens de se dire leur amour, se rappelant que l'éros doit conduire à l'agapè, que l'amour<br />

charnel doit conduire à un amour total, à un amour de don total de soi, pour que la joie de l'autre soit<br />

parfaite. Le corps reste le lieu de la visibilité du don <strong>et</strong> de l'alliance de création entre Dieu <strong>et</strong> l'homme.<br />

11<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


Le corps est capable de rendre visible ce qui est divin, ce qui est invisible. Dans le corps du Christ, Dieu<br />

s'est rendu visible.<br />

À partir de là, on ne peut plus dire que la sexualité vue à travers la Bible se réduit à la fonction<br />

procréatrice, d'ailleurs peu évoquée dans le livre de la Genèse, pour ne pas dire pas du tout.<br />

L'anthropologie biblique nous rappelle essentiellement que le propre de l'être humain c'est de se donner.<br />

Dans c<strong>et</strong>te perspective, la procréation est une surabondance de l'amour, une surabondance du don, qui<br />

prolonge la création <strong>et</strong> l'unité de la création dans l'unité des corps. Ce serait trahir la Bible que de<br />

réduire la sexualité à la fonction procréatrice. La communion est première, la procréation est seconde.<br />

Mais je n'ai pas dit secondaire. Même le Code de Droit canonique le reconnaît ainsi : «L'alliance<br />

matrimoniale, par laquelle un homme <strong>et</strong> une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie,<br />

ordonnée par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu'à la génération <strong>et</strong> à l'éducation des<br />

enfants, a été élevée entre baptisés par le Christ Seigneur à la dignité de sacrement» [13] . Ou encore :<br />

«Du mariage valide naît entre les conjoints un lien de par sa nature perpétuel <strong>et</strong> exclusif; en outre, dans<br />

le mariage chrétien, les conjoints sont fortifiés <strong>et</strong> comme consacrés par un sacrement spécial pour les<br />

devoirs <strong>et</strong> la dignité de leur état» [14] . La fécondité est une authentification de la vérité de la communion,<br />

même si la fécondité n'est pas nécessaire à c<strong>et</strong>te vérité. En eff<strong>et</strong>, le fait de ne pas avoir d'enfant, ne<br />

rem<strong>et</strong> pas en cause la vérité du mariage.<br />

La signification du corps humain <strong>et</strong> de la sexualité humaine demeure, même après le péché. Il reste<br />

toujours une lueur de l'innocence originelle qui se manifeste grâce à notre pur<strong>et</strong>é de cœur <strong>et</strong> à la<br />

capacité de correspondre à notre nature d'être de don. Et plus c<strong>et</strong>te innocence originelle sera grande,<br />

plus la jouissance sera grande. C'est ce que souligne saint Thomas d'Aquin: «Dans l'état d'innocence, il<br />

n'y aurait rien eu dans le domaine de la sexualité qui n'eût été réglé par la raison; non pas que le plaisir<br />

sensible eût été moindre. Car le plaisir sensible eût été d'autant plus grand que la nature était plus pure<br />

<strong>et</strong> le corps plus délicat» [15] . On a souvent pensé que la sexualité n'advenait qu'après le péché originel.<br />

Mais c'est en réalité à un dérèglement de la sexualité que l'on a alors à faire. Il se manifeste de<br />

plusieurs manières dans les relations homme-femme :<br />

1 - Honte du corps. La nudité n'est plus vécue dans la transparence originelle Gn, 3, 6-9. Adam <strong>et</strong> Ève<br />

cherchent alors à cacher les signes physiques de leur sexualité. Le signe premier du péché originel n'est<br />

pas par rapport à Dieu mais dans la relation du corps de l'un à l'autre. Souvent on pense que le péché<br />

originel est le péché sexuel, mais ce n'est pas ce que dit la Bible. La Bible parle de manger le fruit de<br />

l'arbre de la connaissance, <strong>et</strong> non pas la pomme, dans la tentation d'être comme Dieu. C'est-à-dire la<br />

tentation de ne plus vouloir être dans la création, de ne plus vouloir dépendre de Dieu. C'est le refus de<br />

la filiation, de l'alliance, de la vie dans le don, pour être comme le disait Ni<strong>et</strong>zsche causa sui, désir de<br />

chacun d'être sa propre origine. Vouloir cacher son corps dans le domaine de la sexualité, c'est refuser<br />

d'utiliser son corps comme lieu de relation <strong>et</strong> de communion. C<strong>et</strong>te réflexion doit inviter les couples à<br />

voir comment ils vivent dans le domaine de leur relation le rapport à leur propre corps <strong>et</strong> au corps de<br />

l'autre. Cela suppose aussi la prise en compte des temps du corps de l'autre, notamment du corps féminin<br />

qui, dans son rythme, a des périodes fertiles <strong>et</strong> infertiles, <strong>et</strong> n'a sans doute pas les mêmes désirs<br />

sexuels que le corps de l'homme. Autant d'éléments auxquels il importe d'être attentif dans la relation<br />

sexuelle.<br />

2 - Volonté de domination de l'un sur l'autre. Le péché m<strong>et</strong> davantage en avant la fonction de plaisir<br />

personnel de la relation sexuelle, plutôt que la signification de communion; ce qui pervertit le rapport de<br />

l'un à l'autre, rapport qui demande donc en permanence à être purifié pour ne pas se trouver réduit au<br />

rang de rapport animal, donc essentiellement pulsionnel. Pour cela, la relation charnelle doit être intégrée<br />

dans l'ensemble de la vie amoureuse du couple, non pas comme l'unique fin à réaliser, mais comme une des<br />

12<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


fins dans toutes les harmoniques de la vie amoureuse du couple. En d'autres termes, la relation génitale<br />

n'est pas la totalité de la relation amoureuse, ni de l'épanouissement de la personne <strong>et</strong> du couple. Sinon,<br />

les célibataires seraient tous des gens déséquilibrés. Le péché nous porte aussi à penser d'abord à nous,<br />

<strong>et</strong> donc à vouloir une sexualité de plaisir, faisant de l'autre un pur obj<strong>et</strong>, que ce soit de plaisir,<br />

d'appropriation, de valorisation personnelle ou même de procréation. Les signes corporels de la<br />

masculinité <strong>et</strong> de la féminité, qui sont invitation au don, deviennent alors des signes de pur plaisir,<br />

d'enfermement sur soi, de jouissance pour soi. Toute personne dans un couple doit pouvoir s'interroger.<br />

De même, toute personne doit pouvoir s'interroger sur la gestion de son corps <strong>et</strong> de ses pulsions, à la<br />

lumière de l'anthropologie <strong>et</strong> de la théologie que je viens de développer. Un sain regard sur le corps<br />

invite à se préserver <strong>et</strong> à préserver le corps de l'autre de tout ce qui est opposition au don, qui ne peut<br />

se réaliser que dans le don total de soi <strong>et</strong> pour toujours à l'autre. Car une fois que l'on a donné son corps<br />

à quelqu'un on a tout donné, <strong>et</strong> on ne peut pas le reprendre.<br />

3 - Désunion, car au lieu d'être orientée vers la communion, la sexualité a tendance à aller avant tout à la<br />

recherche du plaisir personnel. C'est dans le cœur que tout commence, comme le dit Jésus lui-même (Mt<br />

5, 22-27). L'adultère commence dans le cœur, dit Jésus : c'est le désir de jouissance à travers le regard<br />

que l'on porte sur le corps de l'autre <strong>et</strong> dont on veut user pour trouver le plaisir dont on pense avoir<br />

besoin. Dans une telle démarche, il y a absence d'unification de la personne, qui m<strong>et</strong> en œuvre des désirs<br />

partiels, désirs de jouissance, <strong>et</strong> non un désir plénier, le désir de don. On peut dire qu'il y a alors<br />

distorsion entre le désir <strong>et</strong> l'acte, entre le regard <strong>et</strong> le cœur. Le regard est à la recherche de jouissance<br />

immédiate alors que ce qui comble le cœur est la donation de soi; il y a aussi distorsion entre le corps <strong>et</strong><br />

le cœur. Le corps agit indépendamment du cœur, <strong>et</strong> n'est plus gouverné ni par le cœur ni par la volonté.<br />

«En eff<strong>et</strong>, nous savons que la Loi est spirituelle; mais moi je suis un être de chair, vendu au pouvoir du<br />

péché. Vraiment ce que je fais je ne le comprends pas: car je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce<br />

que je hais. Or si je fais ce que je ne veux pas, je reconnais, d'accord avec la Loi, qu'elle est bonne ; en<br />

réalité ce n'est plus moi qui accomplis l'action, mais le péché qui habite en moi. Car je sais que nul bien<br />

n'habite en moi, je veux dire dans ma chair; en eff<strong>et</strong>, vouloir le bien est à ma portée, mais non pas<br />

l'accomplir : puisque je ne fais pas le bien que je veux <strong>et</strong> comm<strong>et</strong>s le mal que je ne veux pas. Or si je fais<br />

ce que je ne veux pas, ce n'est plus moi qui accomplis l'action, mais le péché qui habite en moi. Je trouve<br />

donc une loi s'imposant à moi, quand je veux faire le bien ; le mal seul se présente à moi. Car je me<br />

complais dans la loi de Dieu du point de vue de l'homme intérieur; mais j'aperçois une autre loi dans mes<br />

membres qui lutte contre la loi de ma raison <strong>et</strong> m'enchaîne à la loi du péché qui est dans mes membres.<br />

Malheureux homme que je suis! Qui me délivrera de ce corps qui me voue à la mort? Grâces soient à Dieu<br />

par Jésus Christ notre Seigneur ! C'est donc bien moi qui par la raison sers une loi de Dieu <strong>et</strong> par la chair<br />

une loi de péché» (Rm 7, 14-25).<br />

C'est aussi la désunion entre les personnes, car il y a absence d'harmonie entre les deux êtres sur le plan<br />

des corps <strong>et</strong> des cœurs. C'est pour cela que les couples doivent travailler à la connaissance <strong>et</strong> à la<br />

reconnaissance du corps <strong>et</strong> du cœur de l'autre, sans peur, sans honte. C'est pour cela aussi que dans le<br />

dialogue conjugal, il importe de rendre compte à l'autre, sans honte, de ce que la vie amoureuse, <strong>et</strong><br />

notamment la relation charnelle, produit. Pouvoir dire ce que l'on ressent, ses peurs, ses plaisirs, ses<br />

joies, ses difficultés, autant d'aspects qui perm<strong>et</strong>tent une plus grande communion, car ils favorisent une<br />

plus grande union. Souvent les hommes ont plus de difficultés à livrer c<strong>et</strong>te intimité à l'autre, en raison<br />

d'une part de leur tendance à se croire supérieurs dans l'ordre de la sexualité. Leur sexe étant<br />

extérieur, <strong>et</strong> pouvant se montrer apparaît comme un attribut de puissance. Et, d'autre part, en raison<br />

d'un manque d'intériorité, contrairement à la femme.<br />

L'union de Sara <strong>et</strong> de Tobie nous montre un autre aspect. Parce qu'avant de s'unir ils prennent le temps<br />

de prier, ils montrent que leur amour n'est pas purement animal mais qu'il s'inscrit dans le cadre de la<br />

13<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


filiation divine, qu'il est le résultat de l'alliance entre Dieu <strong>et</strong> l'homme dans la création, <strong>et</strong> que la<br />

fonction de l'amour, c'est d'être plus fort que la mort, parce qu'il m<strong>et</strong> du côté de Dieu <strong>et</strong> qu'il<br />

correspond à la vocation de l'homme <strong>et</strong> de la femme, s'il est fait non par recherche de plaisir immédiat,<br />

mais par désir de communion. Tobie <strong>et</strong> Sara remercient Dieu de leur avoir donné un corps pour s'aimer.<br />

Le langage des corps devient alors prière de louange <strong>et</strong> d'action de grâces envers le Dieu créateur. Sara<br />

<strong>et</strong> Tobie situent ainsi leur amour dans le cadre de l'alliance éternelle de Dieu, qui le rend plus fort que la<br />

mort (Tb 8, 5-8).<br />

Le summum se trouvera au début de l'Évangile de Jean, qui résume à sa manière l'anthropologie initiale.<br />

En eff<strong>et</strong>, le premier miracle de Jésus se réalise au cours d'un mariage. C'est l'instant où Jésus parle de<br />

son Heure, comme si le mariage était le lieu de l'anticipation de l'Heure de la création <strong>et</strong> de la<br />

Rédemption. D'autre part, l'intervention de Marie auprès de son Fils est extraordinaire. Je ne sais si<br />

vous avez déjà fait attention. Marie ne dit pas : «Ils n'ont plus de vin», ce qui ne serait que la pure<br />

vérité. Mais elle dit : «Ils n'ont pas de vin», soulignant par-là que seule l'activité créatrice <strong>et</strong><br />

rédemptrice du Christ donne le sens ultime de la relation homme-femme, intégrant c<strong>et</strong>te relation dans<br />

tous ses aspects, charnel, tendresse, amitié, don, dans l'acte de Rédemption. Dans l'ordre de la Création<br />

<strong>et</strong> de la Rédemption, le corps humain a une dignité insigne <strong>et</strong> a donc toute sa place. Jésus, grâce à sa<br />

mère, place ce mariage dans le cadre de l'anticipation de l'Heure, de la rédemption, qui donne son sens à<br />

tout geste humain d'amour.<br />

Je pense que la liturgie eucharistique elle-même, parce qu'elle est le don total du Christ, qui par<br />

l'Incarnation a pris chair, pour que notre chair soit glorifiée, nous perm<strong>et</strong> de saisir le sens même de<br />

l'amour humain. L'amour humain vécu dans la ligne du don de son corps par le Christ a c<strong>et</strong>te haute valeur<br />

d'appel à la saint<strong>et</strong>é à travers le don de soi dans l'exercice de la communion des personnes. Le sacrement<br />

de mariage communique une grâce propre aux époux pour la construction de leur vie conjugale <strong>et</strong> pour les<br />

œuvres propres au mariage. Il vient régénérer l'union intime de leurs corps <strong>et</strong> de leurs cœurs.<br />

L'Eucharistie nous montre aussi que dans le don de soi il y a, dans la suite de la Passion <strong>et</strong> Résurrection<br />

du Christ, une rédemption des corps.<br />

La communion des personnes dans l'union charnelle est une pédagogie de la relation à Dieu.<br />

La chast<strong>et</strong>é, y compris dans la vie conjugale, est la route de la liberté <strong>et</strong> de la saint<strong>et</strong>é, pour maîtriser ce<br />

qui a trait à l'excitation <strong>et</strong> à l'émotion.<br />

La norme éthique de la sexualité telle qu'elle est présentée par Humanae vitae consiste à ne jamais<br />

séparer le sens de communion <strong>et</strong> de fécondité.<br />

[1]<br />

Traité de l'<strong>Amour</strong> de Dieu, 3, 8.<br />

[2]<br />

IV Sent. Dist. 26, a 2, q. 2, conclusion.<br />

[3]<br />

Cf. DENYS L’AREOPAGITE, Les noms divins, IV.<br />

[4]<br />

Cf. BENOIT XVI, Deus caritas est, n. 7-8.<br />

[5]<br />

Gaudium <strong>et</strong> Spes, n. 48.<br />

[6]<br />

Humanae vitae nn. 2; 13.<br />

[7]<br />

On peut aussi consulter Jean-Paul II, La boutique de l'orfèvre.<br />

[8]<br />

<strong>Amour</strong> <strong>et</strong> responsabilité, Paris, Éditions Stock (1978) 52.<br />

[9]<br />

LACROIX Jean, Personne <strong>et</strong> amour, Paris, Seuil (1955), p. 25.<br />

[10]<br />

Cf. Le commentaire fait par Jean-Paul II au cours des Audiences générales.<br />

[11] LACROIX Jean<br />

[12] Jean-Paul II, audience générale du 13 février 1980.<br />

[13] C.I.C., n. 1055.<br />

[14] C.I.C., n. 1134.<br />

[15] Somme théologique I, q. 98, a. 2, ad 3.<br />

14<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


APPROCHE FONCTIONNELLE ET SYMBOLIQUE<br />

DE LA SEXUALITE HUMAINE<br />

L'IMPORTANCE DES LOGIQUES CULTURELLES<br />

15<br />

Charles-Daniel MAIRE<br />

La résistance aux méthodes d'intervention mécaniques ou chimiques que nous avons pu observer en<br />

Afrique a corroboré le constat fait dans d'autres domaines : tout emprunt dépend de la logique<br />

culturelle du groupe emprunteur. C<strong>et</strong>te logique est fonction de la situation socio-économique. Elle évolue<br />

en passant du stade de survie à celui d'abondance. Elle dépend aussi de la vision du monde partagée par<br />

le groupe. C<strong>et</strong>te vision du monde révèle le sens de la vie <strong>et</strong> l'idéal qui s'y rattache. Tout naturellement,<br />

l'échelle des valeurs se structure à partir de c<strong>et</strong> idéal. Une économie de survie associée à une forte<br />

mortalité infantile va faire monter la fertilité très haut sur l'échelle des valeurs. En revanche, un faible<br />

taux de mortalité infantile conjugué à la culture d'une société de consommation va placer la fertilité<br />

très bas, voire la considérer comme une maladie sociale. C'est sur c<strong>et</strong> axe qui va du vitalisme africain à la<br />

mentalité contraceptive occidentale que l'on peut situer le premier élément de toute logique culturelle.<br />

Ajoutons que dans notre culture occidentale technicienne, la logique culturelle est fortement marquée<br />

par les critères de facilité <strong>et</strong> d'efficacité. En d'autres termes, la logique culturelle occidentale est<br />

essentiellement pragmatique : du moment qu'une solution technique s'offre pour résoudre un problème<br />

quelconque, elle sera envisagée <strong>et</strong> probablement adoptée si les conditions suivantes sont remplies :<br />

prom<strong>et</strong>-elle d'être efficace ? Son application est-elle perçue comme facile ? Son coût financier est-il à<br />

la portée des intéressés ? Mais on n'a pas encore fait le tour du problème. La culture, en eff<strong>et</strong>, ne peut<br />

pas se réduire à ses aspects fonctionnels.<br />

Prenons l'exemple du chauffage des appartements. Le gaz, le fioul ou l'électricité nécessitent une<br />

infrastructure logistique considérable <strong>et</strong> de nombreux techniciens pour que le client n'ait plus qu'à<br />

régler un thermostat <strong>et</strong>, bien sûr, ses factures de combustible. Le chauffage au bois, par contre,<br />

nécessite un minimum de savoir <strong>et</strong> une disponibilité constante de la part de l'intéressé. Ce dernier pourra<br />

se faire livrer son bois ou aller le couper en forêt, le débiter <strong>et</strong> le transporter lui-même, mais ce sera<br />

toujours lui qui préparera <strong>et</strong> entr<strong>et</strong>iendra le feu. Outre la satisfaction d'adopter un mode de chauffage<br />

plus écologique <strong>et</strong> de jouir d'une atmosphère particulièrement agréable, ceux qui se chauffent au bois,<br />

bénéficient du plaisir de voir danser les flammes dans le foyer <strong>et</strong>, s'il leur arrive de s'écorcher les<br />

mains, ils éprouvent encore d'autres satisfactions. L'art d'entasser le bois, par exemple, d'en stocker un<br />

volume maximum <strong>et</strong> d'en « décorer » une remise, le privilège de respirer l'odeur des bûches fraîchement<br />

coupées, non seulement peuvent procurer un plaisir réel, mais contribuer à renforcer les relations<br />

familiales. Enfants <strong>et</strong> p<strong>et</strong>its enfants sont fiers de participer à des tâches dont le résultat est visible<br />

pour toute la famille.<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


C<strong>et</strong> exemple m<strong>et</strong> en lumière un élément constitutif de toute culture. Les relations que l'être humain<br />

entr<strong>et</strong>ien avec son environnement <strong>et</strong> avec son groupe d'appartenance se construisent sur deux types de<br />

différenciation étrangers l'un à l'autre, mais complémentaires <strong>et</strong> inextricablement liés : les<br />

différenciations fonctionnelles <strong>et</strong> les différenciations symboliques.<br />

DEUX TYPES DE DIFFERENCIATION<br />

L'expression différenciation demande une explication. L'être humain observe son environnement <strong>et</strong> note<br />

les différences qui le frappent : couleur, chaleur, dimension, toucher, goût, <strong>et</strong>c. Il essaie alors de leur<br />

trouver un sens en posant la question : pourquoi ces différences ? Les réponses qu'il donne à c<strong>et</strong>te<br />

question sont précisément ce que nous appelons ici des différenciations.<br />

Il y a d'abord les différenciations fonctionnelles, c'est-à-dire celles qui amènent à la compréhension du<br />

fonctionnement de tout ce qui nous entoure. C<strong>et</strong>te compréhension est souvent assez rudimentaire mais<br />

elle est suffisante pour les buts visés. Si nous revenons à l'exemple du chauffage, nous constatons que le<br />

frottement d'une allum<strong>et</strong>te sur sa boîte, le tirage du foyer en fonction de la section de l'ouverture de<br />

l'air <strong>et</strong> de la hauteur de la cheminée ne requièrent pas d’autres savoirs que celui qui est transmis dans la<br />

famille. Les peuples les plus archaïques ont tous assez de bon sens pour allumer du feu <strong>et</strong> se procurer de<br />

la nourriture. Ces différenciations fonctionnelles sont toujours basées sur l'observation de la nature <strong>et</strong><br />

c'est elle qui fournit les éléments à partir desquels un groupe humain va opérer les différenciations qui<br />

lui perm<strong>et</strong>tent de construire sa culture. La physique <strong>et</strong> la biologie se sont donné les moyens d'observer<br />

ce qui échappe à l'oeil nu, mais tout repose toujours sur un ensemble de différenciations fonctionnelles.<br />

Ensuite, l'observation des hommes révèle un autre type de différenciations. Si le bois bien entassé <strong>et</strong> le<br />

feu qui crépitent dans son foyer ont un côté fonctionnel, ils sont porteurs d'un autre sens : ils<br />

symbolisent les relations que les membres de la famille entr<strong>et</strong>iennent entre eux. Chacun à sa place joue<br />

son rôle au service de tous. Le mot foyer sert d'ailleurs de métaphore pour la famille. Jointe à la<br />

symbolique du feu aussi riche que celle du sang, le foyer symbolise bien la dynamique du groupe familial.<br />

A contrario, le bois mal entassé <strong>et</strong> un feu éteint parce que mal entr<strong>et</strong>enu, trahissent le désordre qui<br />

règne dans le groupe. Les sociétés les plus primitives ne s'y trompent pas : le manquement à l'ordre<br />

requis par la culture est soit le résultat d'un sortilège soit le présage à un malheur. En termes<br />

d'anthropologie culturelle, on dira qu'il s'agit d'une lecture mythique de la réalité. Mais ce n'est pas la<br />

seule lecture symbolique possible : dans une culture comme la nôtre qui privilégie la responsabilité<br />

individuelle, l'ordre des choses <strong>et</strong> l'esthétique de l'environnement disent quelque chose du proj<strong>et</strong> <strong>et</strong> du<br />

style de vie des occupants de la maison.<br />

Les cuisines modernes témoignent d'un sens aigu de l'ergonomie <strong>et</strong> de l'hygiène, deux critères<br />

éminemment fonctionnels. Qu'en est-il de leur symbolique ? La table réduite au minimum perm<strong>et</strong> à deux<br />

personnes de prendre leur p<strong>et</strong>it déjeuner ensemble mais souvent sans se faire face. Tout semble<br />

privilégier une utilisation individuelle. La publicité se plaît à présenter des rec<strong>et</strong>tes de grands-mères <strong>et</strong><br />

des fromages partagés à même une grande table de ferme. C'est peut-être pour exploiter la nostalgie<br />

d'une époque révolue qui privilégiait une symbolique plus communautaire ?<br />

MAITRISE DE LA FECONDITE ET DIFFERENCIATION SYMBOLIQUE<br />

Mais en voilà assez pour introduire ces deux notions qu'il faut bien garder à l'esprit lorsque l'on<br />

réfléchit aux changements sociaux <strong>et</strong> culturels. La culture technicienne privilégie les différenciations<br />

fonctionnelles. Du moment que la Technique procure des solutions efficaces, faciles à appliquer <strong>et</strong><br />

16<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


abordables financièrement, toutes les raisons sont réunies pour qu'elles soient adoptées. Dans le<br />

domaine de la maîtrise de la fécondité, les évaluations se font généralement en fonction de ces seuls<br />

critères. On se demande rarement ce qu'elles font perdre ou ce qu'elles n'apportent pas sur le plan<br />

symbolique. C<strong>et</strong>te absence de différenciations symboliques est lourde de conséquences. Pourquoi<br />

réserver la relation sexuelle au seul conjoint puisqu'elle ne débouche plus sur la procréation ? Pourquoi<br />

observer des temps d'abstinence puisque il existe des techniques qui empêchent la fécondation ? Finis<br />

les vieux tabous ! Quel bonheur de vivre au siècle de la contraception ! L'idée qu'il faille attendre de se<br />

marier pour avoir des relations sexuelles paraît aujourd'hui complètement dépassée. Comme l'affirme<br />

Françoise Héritier, la conquête de la maîtrise de la fécondité par la femme est une révolution plus<br />

importante que la conquête spatiale. Mais, n'y a-t-il plus rien à conquérir pour autant ?<br />

Côté relations conjugales, bien des progrès sont encore possibles <strong>et</strong> l'un des plus important pourrait être<br />

la découverte ou la redécouverte des différenciations symboliques liées à la maîtrise de la fécondité par<br />

des moyens non techniques. Le rôle joué par l'homme y est central <strong>et</strong> pourrait bien lui rendre ce que<br />

symboliquement il a perdu avec la contraception technique. Le sens des rythmes naturels, le fameux cycle<br />

féminin, dans lequel les anciens r<strong>et</strong>rouvaient le cycle lunaire était très riche de symboles. Il ne s'agit<br />

pas, là non plus, de r<strong>et</strong>ourner à une vision mythique de la réalité, mais la prise en compte du cycle avec<br />

ses variations d'humeur pourrait enrichir le registre des relations amoureuses. L'intérêt, enfin, qu'un<br />

époux manifeste pour le cycle de son épouse pourrait ajouter au registre de ses égards, une attitude<br />

inspirée par ce sens éminemment symbolique. Et ces exemples n'épuisent pas les possibilités<br />

d'enrichissement de la vie de couple par de nouvelles différenciations symboliques.<br />

17<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


SPHERE PUBLIQUE, SPHERE PRIVEE<br />

18<br />

Yves GAVAULT<br />

1 mai 2007<br />

Je voudrais vous inviter à partager une intuition, à la mûrir <strong>et</strong> construire une réflexion pour l’action.<br />

Voici donc une réflexion sur le thème « sphère privée, sphère publique ». C’est un écheveau intéressant à<br />

démêler, un chemin à emprunter pour trouver une voie de crête en tant que chrétien <strong>et</strong> faire advenir<br />

c<strong>et</strong>te civilisation de l’amour que Jean Paul II appelait de tous ses vœux.<br />

Quelle est c<strong>et</strong>te intuition qui part d’un constat qui m’étonne toujours ? Dans notre société le religieux<br />

est requis comme devant appartenir quasi exclusivement à la sphère privée, alors que paradoxalement la<br />

sexualité est sortie du privé pour investir la sphère publique. On peut dès lors s’interroger sur c<strong>et</strong>te<br />

grande transformation culturelle qui aboutit à c<strong>et</strong>te situation <strong>et</strong> ainsi, en tant que chrétien, éviter<br />

certains errements de comportement.<br />

C<strong>et</strong>te thématique « sphère privée/sphère publique » se connecte sur la problématique de ce qui relève de<br />

la vie privée <strong>et</strong> de la vie publique : c’est même le titre d’une célèbre émission de télévision. Pourtant la<br />

choses est moins binaire qu’on veut bien le dire. Elle est plus complexe car il convient en fait d’introduire<br />

un troisième terme ; un terme médian, entre sphère privée <strong>et</strong> sphère publique. Il convient de faire une<br />

distinction entre c<strong>et</strong>te sphère publique, pour dire ce qu’elle est, <strong>et</strong> donc ce qu’elle n’est pas, <strong>et</strong> ce<br />

troisième terme, c’est « l’espace social ».<br />

Il y a une vraie question de fond, un vrai enjeu pour construire c<strong>et</strong>te civilisation de l’amour que j’évoquais.<br />

Par exemple, un homme politique chrétien, catholique pratiquant, était interrogé sur l’incidence de sa foi<br />

dans sa vie d’homme politique public, <strong>et</strong> de l’influence que pouvaient avoir sa parole <strong>et</strong> ses décisions pour<br />

les français. Pour réponse, un propos rassurant s’il en était encore besoin : « ne vous inquiétez pas, je<br />

distingue bien les choses, ce qui relève de la religion est de la sphère privée, pour le reste ça n’influence<br />

en rien ma posture d’homme politique » . Un propos qui en substance résume brièvement l’axe de notre<br />

réflexion.<br />

On est en train de poser ici la question de la frontière entre la vie privée <strong>et</strong> la vie publique. C<strong>et</strong>te<br />

frontière énoncée aussi abruptement crée une dichotomie, avec d’un côté la sphère privée <strong>et</strong> de l’autre la<br />

sphère publique. C<strong>et</strong>te sorte de fracture énoncée qui oriente des actes concr<strong>et</strong>s n’a pas toujours existé.<br />

Dans son livre « Parole de Dieu, culture des hommes » Charles Daniel évoque la frontière entre nature <strong>et</strong><br />

culture. Pour ma part je pose la question : où passe la frontière entre sphère privée <strong>et</strong> sphère publique ?<br />

D’un point de vue sociologique on a peu réfléchi à la question. Quelques travaux commencent à le faire,<br />

pour prendre en compte la complexité d’une société qui bouge <strong>et</strong> fait bouger c<strong>et</strong>te frontière qui de<br />

surcroît est floue. Contrairement à l’idée que certains cherchent à nous imposer pour des raisons<br />

idéologiques, c<strong>et</strong>te frontière n’est pas imperméable, bien au contraire.<br />

La sphère privée, telle que définie par les libéraux, est une sphère qui est en opposition à la sphère<br />

publique entendue comme ce qui relève de l’Etat. Il faut dès lors distinguer sphère publique <strong>et</strong> place<br />

publique. La sphère publique relève de l’Etat sous toutes ses formes : les ministères, le gouvernement<br />

mais aussi les grandes administrations. De manière caricaturale c’est la figure de l’Etat comme acteur<br />

majeur de notre société dans un domaine qui lui est propre, notamment le législatif, à savoir voter les<br />

lois.<br />

L’espace social peut être pris au sens de l’Agora, la place publique, centre de la vie sociale où chacun<br />

existe dans son rapport à l’autre sous les yeux de tous mais fondamentalement lieu d’exposition des choix<br />

individuels assumés, exprimés <strong>et</strong> vécus, <strong>et</strong> aussi lieu de débat public. Dès lors on peut considérer que la<br />

sphère privée ne s’oppose pas à la sphère publique, mais que l’espace social est le prolongement de<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


c<strong>et</strong>te sphère privée. C<strong>et</strong>te sphère privée relève plus essentiellement du particulier, de l’intime, de la<br />

famille. Lieu de l’intime, non pas au sens chrétien de l’individu avec son Dieu,<br />

¡mais comme espace réservé qui s’est autonomisé de la communauté. Au plan sociologique on constate<br />

qu’autrefois la société existait sous le visage de la communauté. La sphère de l’intime était alors très<br />

faible ; c’est la communauté qui primait. C<strong>et</strong>te communauté, qu’elle se nomme clan, tribu, <strong>et</strong>hnie, ou<br />

communauté villageoise, exerçait sur l’individu une forte pression sociale. Tout un chacun était sous le<br />

regard des autres <strong>et</strong> par la force des choses chacun était « remis en pace, remis à sa place » par<br />

l’exercice du contrôle social. C<strong>et</strong>te communauté traditionnellement reliée à Dieu vivait dans la<br />

transcendance, laquelle s’incarnait très concrètement dans la culture ; par exemple le roi, représentant<br />

de Dieu sur terre, était au somm<strong>et</strong> de la hiérarchie sociale. Les mentalités <strong>et</strong> les comportements qui en<br />

découlaient ont connu un grand bouleversement sous l’influence des philosophes des Lumières <strong>et</strong> des<br />

philosophes de la mort de Dieu.<br />

Auparavant, la religion dans sa vision transcendantale expliquait le monde, l’univers <strong>et</strong> les hommes.<br />

Aujourd’hui la science a pris le relais <strong>et</strong> prétend expliquer toute chose, l’univers <strong>et</strong> les hommes. Par<br />

exemple, la sociologie explique les faits sociaux relatifs aux hommes vivant en société, mais partant, dans<br />

sa prétention scientifique, a viré au sociologisme scientiste <strong>et</strong> positiviste.<br />

Or dans une communauté où Dieu est présent, la sphère publique, composée d’hommes <strong>et</strong> de femmes<br />

chrétiens qui à la tête de l’Etat agissent en chrétiens, ouvre droit à un espace social qui se constitue <strong>et</strong><br />

se développe dans <strong>et</strong> par une mentalité de la transcendance. Mais lorsque vous évacuez Dieu vous<br />

obtenez un Etat, qui comme le stipule la loi sur la laïcité, n’a pas de reconnaissance officielles des<br />

religions, mais perm<strong>et</strong> en revanche l’exercice des religions dans l’espace social. Or, l’on voit un Etat qui<br />

s’est sécularisé, <strong>et</strong> se sécularisant a produit une société qui se sécularise d’autant plus. Dès lors les<br />

mentalités se construisent sans Dieu. Cela est extrêmement important eu égard au problème de la<br />

frontière privée, publique. On constate que l’exigence de la laïcité va produire un eff<strong>et</strong> pervers : le<br />

religieux va être transféré dans le domaine du privé au prétexte du caractère laïque de la sphère<br />

publique, au mépris du droit à l’exercice du religieux dans l’espace social, lequel dépasse le simple cadre<br />

du parvis de l’église.<br />

En eff<strong>et</strong>, la société s’étant sécularisée, la place publique elle-même est investie d’hommes <strong>et</strong> de femmes<br />

qui ont perdu leur référence à Dieu. Dès lors c<strong>et</strong>te place publique est le lieu de la multiplicité des<br />

cultures tant les uns <strong>et</strong> les autres avons sur la planète des valeurs différentes.<br />

On va donc opposer au chrétien, qui s’exprime comme tel en public, c<strong>et</strong>te fameuse sphère publique laïque<br />

dans laquelle les fondements chrétiens ne sont pas admis pour en fait lui refuser l’accès à l’espace social<br />

<strong>et</strong> renvoyer toute expression religieuse à la sphère privée ; énorme confusion contredisant le droit à la<br />

liberté <strong>et</strong> à l’expression religieuse dans l’espace social.<br />

Si au nom du respect des cultures <strong>et</strong> du droit de chacun toutes les valeurs peuvent être revendiquées<br />

une question se pose : quel socle de valeurs choisir pour fonder le contrat social ? Ayant perdu la<br />

transcendance nous sommes conduits à ce qui semble la seule solution possible : le relativisme culturel ;<br />

ce que prône la sociologie. Le propre de la sociologie c’est de s’ériger en tant que science, donc elle ne va<br />

pas dire ce qui doit être mais ce qui est : celui-ci est comme-ci , l’autre comme ça, l’un mange des pâtes<br />

l’autre de la pizza, l’un considère que le corps est sacré, qu’il est un lieu très privilégié de la<br />

transcendance, l’autre va considérer que l’excision fait partie de la culture <strong>et</strong> à ce titre doit être<br />

respectée, <strong>et</strong>c. Ainsi on voit poindre le conflit culturel car nous sommes dans une situation où chacun a<br />

ses propres idées <strong>et</strong> ses propres ressentis.<br />

A ce propos, lorsqu’on parle de ressenti, de quel ressenti parle-t’on ? le ressent va nous relier plus<br />

fondamentalement aux passions, aux affects, <strong>et</strong> en ce sens risque de nous précipiter à terre au lieu de<br />

nous élever vers le ciel, tant c’est l’intelligence <strong>et</strong> la volonté, qui perm<strong>et</strong>tent à l’homme d’être homme<br />

pleinement. Si dès lors ce sont les affects, les sentiments <strong>et</strong> les émotions qui nous gouvernent <strong>et</strong><br />

fondent notre compréhension du monde, nous allons exiger de l’Etat qu’il prenne en compte nos<br />

individualités. S’en suit un phénomène d’imbrication : ce qui relève de la sphère privée (je reprends<br />

19<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


l’exemple de la sexualité) va investir l’espace social, espace de l’expression publique <strong>et</strong> de la<br />

revendication à destination de la sphère publique : l’Etat. Une seule antienne : donner toute légitimité à<br />

ses ressentis comme source du vivre <strong>et</strong> ainsi s’épanouir pleinement. Ainsi, chacun sur c<strong>et</strong> espace social va<br />

exprimer ses revendications dans la difficulté de se faire entendre parmi toutes les voix qui parlent<br />

fort. La place publique est alors un lieu de confrontation, de contradiction, mais aussi d’oppression ;<br />

particulièrement dans la société dans laquelle nous sommes. Il est aisé de constater que les médias, la<br />

télévision en particulier, vont jouer un rôle essentiel sur c<strong>et</strong> espace social où s’agitent les individus mais<br />

aussi les corps intermédiaires que sont les partis politiques, les syndicats <strong>et</strong> les associations.<br />

Devant les revendications de chacun, l’Etat va rechercher l’intérêt général dans une conception laïque<br />

respectueuse du plus grand nombre, donc dans une logique libérale. En eff<strong>et</strong>, l’intérêt général y est<br />

défini comme la somme des intérêts particuliers. Dès lors, l’Etat, à l’écoute de l’espace social ; prend en<br />

compte plus particulièrement ceux qui parlent le plus fort. Surtout s’ils s’extraient d’un lieu, tel le lieu de<br />

l’intime, où ils se sont sentis oppressés. D’où le fameux slogan des féministes : le privé est politique.<br />

Quand le privé devient politique, l’intime devient politique, la sexualité devient politique, <strong>et</strong> partant<br />

toutes ses revendications. Or, si la sexualité est coupée de sa transcendance pour être fondée sur le<br />

ressenti, le pulsionnel, les revendications prennent des formes nouvelles ; par exemple, les personnes<br />

homosexuelles, en vertu de ce qu’elles ressentent vont exiger de l’Etat, qu’il fasse droit à leur<br />

spécificité. L’Etat, considérant une minorité oppressée, va y répondre positivement dans c<strong>et</strong>te<br />

conception laïque libérale.<br />

En vertu de l’opinion qu’au nom de l’amour tous devraient pouvoir se marier, le mariage est dès lors posé<br />

comme une revendication car il concerne la sphère publique, puisque l’Etat va le prononcer, l’espace social<br />

où il va s’exprimer socialement <strong>et</strong> juridiquement (publication des bans, témoins ...) Pourtant l’amour de<br />

deux individus n’est pas le fondement du mariage civil, lequel recherche l’édification d’une société stable<br />

au nom de l’intérêt général, mais en revanche fondement du mariage religieux.<br />

En ce sens on voit que le modèle conjugal du mariage civil d’un homme <strong>et</strong> d’une femme va être l’expression<br />

de c<strong>et</strong>te société stable. Quand il y a contestation de cela, en vertu de l’opinion que tout se vaut, <strong>et</strong> au<br />

nom de ce que l’individu ressent – l’amour sexuel par exemple – la revendication au mariage homosexuel<br />

devient comme naturelle. C’est la confusion des genres.<br />

Rappelons d’abord qu’au plan historique le mariage n’a pas toujours été fondé sur l’amour mais trouvait en<br />

grande partie sa légitimité dans la transmission du patrimoine. C’est une révolution récente que celle de<br />

l’amour romantique qui nous fait entrer dans le ressenti <strong>et</strong> les affects. De plus, la sphère publique,<br />

contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, n’est pas un lieu de la neutralité, mais le lieu d’une<br />

idéologie, celle du matérialisme.<br />

En conséquence, si nous faisons une incursion vers la question des méthodes naturelles de régulation des<br />

naissances nous comprenons que nous touchons au domaine de l’intime, du privé devenu politique. Or la<br />

question du contrôle de la reproduction a été vue à travers le prisme d’une mentalité techno-scientifique,<br />

aussi l’émancipation de la femme est-elle passée par la pilule.<br />

A partir du moment où par les méthodes naturelles de régulation des naissances nous proposons une<br />

alternative, nous proposons à l’Etat de sortir de l’intérêt général pour promouvoir le bien commun. Ce<br />

n’est pas du tout la même chose, parce que le bien commun va nous réintroduire dans la transcendance. La<br />

doctrine sociale de l’Eglise (pilier de la nouvelle évangélisation voulue par Jean Paul II) nous renseigne<br />

sur le bien commun en stipulant que les devoirs de la communauté politique appartiennent la sphère<br />

publique. Il y est écrit : « la responsabilité de poursuivre le bien commun revient non seulement aux<br />

individus mais, c’est une responsabilité qui incombe aussi à l’Etat, car le bien commun c’est la raison d’être<br />

de l’autorité politique ». On ne peut mieux dire.<br />

Ainsi l’Eglise affirme qu’on ne peut pas avoir un Etat coupé de la transcendance. Contrairement à ce qu’on<br />

nous raconte, l’Etat doit prendre en compte la parole des catholiques qui s’expriment dans l’espace social,<br />

sur la place publique. Les catholiques ne doivent pas avoir honte, ne doivent pas courber l’échine, face à<br />

tous ceux qui disent que la religion doit rester dans la sphère privée, celle de l’intimité. Au contraire,<br />

20<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


malgré l’évolution sociologique de notre société les catholiques doivent revendiquer leur place dans<br />

l’espace social, au nom même de la laïcité qui autorise la liberté religieuse <strong>et</strong> son expression publique. Il<br />

faut donc exprimer haut <strong>et</strong> fort nos idées <strong>et</strong> pratiques sur les méthodes naturelles de régulation des<br />

naissances. Je suis heureux qu’en cela le CLER à Lyon, soit sorti d’une certaine sphère de la<br />

confidentialité, celle des catholiques déjà convaincus, pour s’adresser plus largement à l’espace social,<br />

véritable trésor d’opportunités. Depuis dix ans l’équipe régionale des M.A.O, par la compétence <strong>et</strong> la<br />

bonne volonté de ses monitrices, s’est transportée au salon annuel de « l’écologie <strong>et</strong> des alternatives ».<br />

Ce stand dressé parmi tant d’autres a trouvé toute sa place tant le regard des visiteurs a changé. Au<br />

départ un regard suspicieux qui, au fil des années, s’est transformé en regard de bienveillance conduisant<br />

à ce que les uns <strong>et</strong> les autres fassent un pas. Nombreux sont ceux qui s’approchent <strong>et</strong> disent : « vous<br />

proposez quoi ? ». C’est bien c<strong>et</strong>te rencontre dans l’espace social qui perm<strong>et</strong> effectivement que les<br />

monitrices M.A.O puissent dire qui elles sont, ce qu’elles proposent <strong>et</strong> sur quoi tout cela est fondé. Ainsi<br />

la transcendance est réintroduite dans la sexualité, en prônant une alternative à la contraception <strong>et</strong> à la<br />

pilule en particulier.<br />

Autre point stipulé par la Doctrine sociale de l’Eglise : « pour garantir ce bien commun, le gouvernement<br />

de chaque pays a pour tâche spécifique d’harmoniser avec justice, les divers intérêts sectoriels ». Ainsi<br />

pour l’Etat l’intérêt général n’est-il que la somme des intérêts particuliers. Pour l’Eglise, il faut<br />

rechercher le bien commun, lequel passe par la justice, autre principe de la Doctrine sociale de l’Eglise.<br />

En cela, le bien commun de la société (que l’Etat doit rechercher) n’est pas une fin en soi ; il n’a de valeur<br />

qu’en référence à la poursuite des fins dernières de la personne, <strong>et</strong> au bien commun universel de la<br />

création entière.<br />

En conclusion, aux féministes hérauts du slogan «le privé est politique » j’opposerai Yvonne Kniebiehler,<br />

un autre féministe auteur du livre « Qui gardera les enfants ? ». Toute sa vie, Yvonne Knibiehler, a<br />

refusé de choisir entre profession <strong>et</strong> maternité. Elle rappelle que dans « le deuxième sexe », Simone de<br />

Beauvoir présentait la maternité comme une aliénation. Les féministes n’ayant r<strong>et</strong>enu que ce mot, Yvonne<br />

Knibiehler a lutté toute sa vie contre ce courant féministe qui a forgé une idéologie contre l’homme. Elle<br />

exprime que la venue de l’enfant est essentielle. Aussi est-il selon elle important pour les femmes de<br />

sortir de l’oppression sociale de tradition patriarcale, pour réintroduire la complémentarité de l’homme<br />

<strong>et</strong> de la femme pour <strong>et</strong> par l’enfant. Pour elle la maternité demeure un enjeu central de l'identité<br />

féminine. Cependant nous pensons que pour atteindre un tel objectif il convient de rem<strong>et</strong>tre en cause<br />

l’idéologie contraceptive pour favoriser la régulation naturelle des naissances qui perm<strong>et</strong> de repenser la<br />

perspective en réintroduisant la transcendance. Le chemin est tracé, les ouvrières <strong>et</strong> ouvriers encore<br />

trop peu nombreux mais remplis du désir d’oeuvrer.<br />

21<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


L’ARBRE A CIGOGNES<br />

Notes prises pendant le colloque par P.Chassang<br />

22<br />

Isabelle ECOCHARD<br />

La PFN (Planification Familiale Naturelle) : observation <strong>et</strong> abstinence dans la définition de l’OMS.<br />

Plusieurs méthodes : Billings, sympto-thermique, mais il y en a d’autres.<br />

Dans la société <strong>et</strong> dans l’Eglise il y a un ostracisme qui pèse sur les méthodes naturelles.<br />

Pourtant des utilisateurs en sont heureux !<br />

CRITERES<br />

L’efficacité, l’innocuité, l’acceptabilité <strong>et</strong> la réversibilité sont le SMIC des critères de choix des<br />

méthodes, mais ce n’est pas suffisant pour en vivre.<br />

Plusieurs types de critères de choix sont rencontrés.<br />

Critères humains<br />

Notre attirance naturelle vers le bien le vrai <strong>et</strong> le beau se traduit dans notre domaine à trois niveaux :<br />

o L’autre est une personne, il n’est pas l’obj<strong>et</strong> de ma jouissance. Les MAO perm<strong>et</strong>tent de m<strong>et</strong>tre en<br />

acte ce désir de respecter l’autre comme une personne.<br />

o L’autre n’a pas besoin de se modifier pour moi, je peux l’aimer tel qu’il est.<br />

o La fertilité de l’autre est une richesse, elle n’est pas un risque pour moi.<br />

Critères spirituels qui font choisir les MAO<br />

o Notre corps est le visible de notre esprit. La fertilité est constitutive de la personne, y toucher<br />

c’est toucher à la personne.<br />

o La fonction de reproduction est une fonction du corps humain particulière. C’est elle qui nous<br />

perm<strong>et</strong> d’accéder à un mystère qui nous dépasse. La relation sexuelle, par la procréation, est au<br />

cœur du sacré.<br />

Critères chrétiens<br />

o La fertilité est une fonction particulière. Dans la Genèse c’est la seule fonction qui est décrite<br />

Elle perm<strong>et</strong> à l’homme <strong>et</strong> à la femme d’être co-créateurs.<br />

o Ne pas altérer le sens, la signification de l’unité union – procréation dans la relation sexuelle.<br />

o Dieu ne s’est pas trompé quand il nous a créés ainsi.<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


Les conditions pour le m<strong>et</strong>tre en application<br />

o Il faut une méthode bien codifiée.<br />

o Il faut un suivi : le rôle des moniteurs est très important.<br />

o Il faut un entourage facilitateur : famille, médecin, prêtre ne sont pas toujours facilitateurs…<br />

Les bénéfices<br />

Tendresse, dialogue, louange<br />

Les utilisateurs, par la continence qu’ils acceptent de vivre, sont le signe visible du dessein de Dieu sur le<br />

couple. Dans notre société déchristianisée, on comprend que cela puisse être rej<strong>et</strong>é.<br />

Vous trouverez sur le site « lescigognes.fr » le diaporama qui a servi d’appui à c<strong>et</strong>te conférence.<br />

La maman d’Isabelle ECOCHARD, Geneviève VIAU, est partie<br />

le 21 septembre 2007 vers la maison du Père.<br />

Nous l’assurons, ainsi que toute sa famille, de notre amitié<br />

<strong>et</strong> de notre prière.<br />

23<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


ALLIANCE ET FILIATION<br />

Notes prises pendant le colloque par P.Chassang<br />

A priori : si les gens ne sont pas pour les méthodes naturelles, c’est simplement parce qu’ils ne<br />

comprennent pas la sexualité.<br />

24<br />

René ECOCHARD<br />

La sexualité conjugale est au cœur de la communion conjugale.<br />

L’union charnelle du couple est au croisement entre les générations (vertical) <strong>et</strong> les relations entre les<br />

hommes (horizontal).<br />

La générosité est une vertu qui se travaille.<br />

Alliance <strong>et</strong> filiation sont unies dans la relation charnelle.<br />

Deux familles sont liées par la relation charnelle. La société est liée par les nœuds charnels.<br />

Au fond, l’amour, c’est la qualité de l’alliance.<br />

L’amour est le lien horizontal, la vie est le lien vertical.<br />

L’amour est désir (éros), don (agape), dialogue (philia).<br />

Joie <strong>et</strong> plaisir ne sont pas constitutifs de l’amour, mais en sont la source.<br />

Bien distinguer ce qui est l’amour de ce qui en jaillit.<br />

L’approche mécaniste dissocie tout alors que tout est unifié :<br />

o En biologie, on a le choix de connaître ou de modifier.<br />

o En psychologie, on a le choix de prendre en compte ou on cherche à « avoir » du plaisir, du<br />

dialogue, du désir.<br />

Similitudes <strong>et</strong> différences.<br />

Réaction face à la faiblesse humaine : privilégier ce que l’on veut ou ce que l’on peut. (Sans opposer les<br />

deux, mais en prendre conscience.) Pour la PFN, il faut faire pencher la balance en faveur du vouloir.<br />

Pour annoncer Dieu, il faut le faire au moment qu’il convient.<br />

Actuellement, il n’y a pas de choix.<br />

Il faut former des moniteurs, mais cela ne suffit pas. Ce n’est pas qu’une technique, ni un mode de vie,<br />

mais une compréhension de la vie.<br />

Et il faut introduire la notion de faiblesse dans notre pédagogie, sinon nous mentons. Il faut trouver des<br />

mots. Parler de péché seulement au moment où on annonce Dieu.<br />

Attention, à ne pas passer au permis défendu parce qu’on n’arrive pas à assumer la faiblesse.<br />

Les couples ont un enfant de moins que ce qu’ils désirent.<br />

Vous trouverez sur le site « lescigognes.fr » le diaporama qui étaye c<strong>et</strong>te conférence.<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


TESTEZ VOS CONNAISSANCES<br />

C<strong>et</strong>te femme de 50 ans vient vous voir depuis quelques semaines déjà.<br />

Voici la courbe qu’elle vous présente :<br />

Comment interprétez-vous ce tracé ?<br />

Quels conseils ou commentaires lui faites-vous ?<br />

25<br />

Véronique VERKIMPE<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


REPONSE A « TESTEZ VOS CONNAISSANCES"<br />

- Fertilité pendant les règles : c<strong>et</strong>te femme a plus de 35 ans <strong>et</strong> des cycles courts (22<br />

jours) : puisque le couple ne souhaite pas d’enfants, nous lui déconseillons les unions<br />

pendant toute la durée des règles.<br />

- Elle repère très bien des jours secs après les règles, <strong>et</strong> sa période fertile comporte<br />

plus de 6 jours de glaire sentie (elle ne la voit pas, mais à son âge, c’est fréquent, <strong>et</strong><br />

c’est le cas déjà depuis plusieurs cycles, l’extériorisation de la glaire étant assez rare.<br />

Le couple peut donc avoir des unions les soirs des j. 8,9 <strong>et</strong> 10, » pas deux soirs de<br />

suite ».<br />

- NMB (j.10 à 15) : 36°45.<br />

- Trait haut : elle a déjà eu des décalages à 2 dixièmes, donc nous pouvons tracer à<br />

36°65.<br />

Le 1erJIPO : j.22.<br />

Nous remarquons (<strong>et</strong> ce n’est pas la 1 ère fois) un plateau haut très court. Je lui conseille<br />

de consulter un gynécologue, qui jugera si un traitement progestatif en post-ovulatoire<br />

conviendrait pour elle, autant pour le côté médical (insuffisance du corps jaune) que<br />

pour faciliter la vie du couple, les jours infertiles étant rares.<br />

26<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


27<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007


BULLETIN MAO<br />

OCTOBRE 2007<br />

SOMMAIRE<br />

EDITORIAL …………………………………………………………………………………………………..<br />

Véronique VERKIMPE<br />

L’HUMANISME INTEGRAL ……………………………………………………………………………<br />

Monseigneur François DUTHEL<br />

APPROCHE FONCTIONNELLE ET SYMBOLIQUE DE<br />

LA SEXUALITE HUMAINE ……………………………………………………………………………<br />

Charles-Daniel MAIRE<br />

SPHERE PUBLIQUE, SPHERE PRIVEE …………………………………………………………<br />

Yves GAVAULT<br />

L’ARBRE A CIGOGNES ………………………………………………………………………………………<br />

Isabelle ECOCHARD<br />

ALLIANCE ET FILIATION ……………………………………………………………………………<br />

René ECOCHARD<br />

TESTEZ VOS CONNAISSANCES ………………………………………………………….....<br />

Véronique VERKIMPE<br />

REPONSE AU « TESTEZ VOS CONNAISSANCES » .. ……………………………<br />

28<br />

Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007<br />

3<br />

4<br />

15<br />

18<br />

22<br />

24<br />

25<br />

26

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!