Bulletin n°102 - Cler Amour et Famille
Bulletin n°102 - Cler Amour et Famille
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BULLETIN M A O<br />
1<br />
Octobre 2007<br />
CONNAISSANCE DE LA FERTILITÉ ET RÉGULATION DES NAISSANCES<br />
PAR LES MÉTHODES D’AUTO-OBSERVATION<br />
N° 102<br />
Abonnement <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O : France 22 €, Etranger 25 €, 4 numéros par année civile <strong>Bull<strong>et</strong>in</strong> M.A.O n° 102 Octobre 2007
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EDITORIAL<br />
LES ACTES DU COLLOQUE DU 1 er MAI 07 A LYON<br />
Parmi les lecteurs du bull<strong>et</strong>in, certains sont venus au colloque organisé par « les<br />
Cigognes »* à Lyon, le 1 er mai 2007. Ils r<strong>et</strong>rouveront ici les textes des interventions<br />
données ce jour-là autour du thème : « Pourquoi les méthodes naturelles ? Quels mots<br />
pour annoncer une vision chrétienne de la sexualité « ? Ceux qui n’ont pu se déplacer se<br />
consoleront avec c<strong>et</strong> aperçu de ce qui s’y est dit .<br />
Disons-le de suite : ce n’est pas le « comment « (la technique, l’efficacité) qui était<br />
recherché, mais le « pourquoi » : oui, pourquoi aujourd’hui choisir la PFN (Planification<br />
Familiale Naturelle) ?<br />
Nous transm<strong>et</strong>tons ici uniquement les conférences, ce qui s’est vécu en ateliers étant<br />
difficile à transcrire.<br />
Vous trouverez donc dans les pages suivantes le texte de Mgr Duthel sur « l’humanisme<br />
intégral », puis celui de Charles-Daniel Maire à propos de « l’approche fonctionnelle <strong>et</strong><br />
symbolique de la sexualité humaine ». Yves Gavault vous parlera ensuite autour du<br />
thème : « sphère publique, sphère privée ». Le bull<strong>et</strong>in vous présente, après cela, les<br />
notes prises lors des conférences d’Isabelle <strong>et</strong> René Ecochard. Vous pourrez trouver<br />
les diaporamas ayant servi d’appui pour ces conférences sur le site « lescigognes.fr «.<br />
Isabelle nous présente « l’arbre à cigognes » (sur quels critères choisir la PFN, <strong>et</strong> quels<br />
bénéfices en espérer), <strong>et</strong> René approfondit le thème « alliance <strong>et</strong> filiation ».<br />
Nous finirons par le « testez vos connaissances », même si la courbe proposée n’était<br />
pas commentée lors du colloque !<br />
Bonne lecture, <strong>et</strong> que celle-ci rende plus fructueux votre engagement, c<strong>et</strong>te année,<br />
auprès des couples qui ont fait ou vont faire le choix des méthodes naturelles.<br />
N’oubliez pas, si ce n’est fait, de vous inscrire au WE de formation continue des<br />
moniteurs, qui aura lieu à Paris les 19-20 janvier 08, le tract sera dans ce bull<strong>et</strong>in.<br />
* « Les Cigognes » est un groupe informel de personnes réfléchissant sur l’anthropologie des méthodes naturelles.<br />
3<br />
Véronique VERKIMPE<br />
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L’HUMANISME INTEGRAL<br />
RENCONTRE LYON<br />
1 er mai 2007<br />
4<br />
Mgr. François DUTHEL<br />
Je voudrais tout d’abord faire mémoire du Docteur John BILLINGS, décédé le 31 mars dernier. Depuis<br />
1953, il avait consacré sa vie à l’enseignement <strong>et</strong> à la promotion des méthodes naturelles du contrôle des<br />
naissances. On ne peut donc pas oublier l’engagement qui fut le sien aux côtés de sa femme Evelyn.<br />
Au cours de mon intervention, je voudrais faire apparaître quelques lignes forces de l’anthropologie<br />
chrétienne utiles pour votre réflexion sur les méthodes naturelles de fécondité, quelles que soient les<br />
méthodes qui sont promues en ce domaine. L’anthropologie chrétienne tire sa source de l’anthropologie<br />
biblique. En ce qui concerne la sexualité, la source première est bien évidemment la conception de la<br />
création telle qu’elle est développée dans les deux premiers chapitres du livres de la Genèse. C’est donc<br />
de là que je partirai, me référant aussi à d’autres livres bibliques.<br />
Dès le livre de la Genèse, on nous montre l'anthropologie chrétienne du corps <strong>et</strong> de la sexualité, qui est<br />
le point de départ de la théologie de l'Église, de sa pédagogie <strong>et</strong> de la spiritualité conjugale <strong>et</strong> familiale.<br />
On peut dire que la perspective essentielle du livre de la Genèse est ce que l'on peut appeler une<br />
intelligence du corps humain, une anthropologie <strong>et</strong> une théologie du corps. Dans la création, le corps de<br />
l'homme apparaît comme le somm<strong>et</strong> de la création <strong>et</strong> le fruit de l'acte créateur de la Trinité tout<br />
entière. En eff<strong>et</strong>, contrairement aux autres étapes de la création, lorsqu'il s'apprête à créer l'homme,<br />
Dieu dit : «Faisons». Dieu réfléchit <strong>et</strong> Dieu parle au pluriel, en tant que Trinité créatrice. C'est toute la<br />
Trinité qui est engagée dans la création du corps de l'homme.<br />
Notre nature, c'est d'être incarné, c'est-à-dire d'avoir un corps <strong>et</strong> de vivre dans ce corps <strong>et</strong> avec ce<br />
corps, qui me représente au monde, ce corps qui est aussi le lieu de la glorification du Créateur, puisqu'il<br />
a été voulu comme le somm<strong>et</strong> de la création. Plus encore, le mystère chrétien fait apparaître aussi<br />
l’incarnation. Le corps humain est essentiel <strong>et</strong> il est considéré par Dieu comme un lieu important pour<br />
l’être humain, au point que le Verbe se soit fait chair. Cela donne une densité extraordinaire à la chair<br />
humaine. En même temps, les textes du protévangile font apparaître les normes éthiques quant au corps<br />
<strong>et</strong> à sa relation aux autres corps. Il serait terrible de penser que le mystère de l'Incarnation <strong>et</strong> de la<br />
Rédemption n'ait pas une incidence positive sur l'acte de chair, comme si nous ne proclamions pas notre<br />
foi en la résurrection de la chair. Puisque tel est le cas, la chair participe à la glorification de Dieu. Qu'il<br />
suffise de se rappeler ce que dit saint Paul : «Glorifiez Dieu dans votre corps» (1 Co 6, 20), ou encore<br />
François de Sales : «Le chrétien doit aimer son corps comme une vivante image de celui du Sauveur<br />
incarné» [1] . Le regard sur le livre de la Genèse perm<strong>et</strong> de r<strong>et</strong>rouver, au delà du péché originel, la beauté<br />
de la création, la joie de la création <strong>et</strong> de la découverte mutuelle de l'homme <strong>et</strong> de la femme, la joie de la<br />
pleine communion, même si, dans l’inconscient collectif, le livre de la Genèse est essentiellement centré<br />
sur le péché originel.<br />
L’anthropologie chrétienne prend aussi en compte la différence sexuelle, qui est, comme le rappelle le<br />
livre de la Genèse, une différence fondatrice d’humanité. En eff<strong>et</strong>, les êtres humains n’existent vraiment<br />
qu’à partir du moment où il y a le masculin <strong>et</strong> le féminin. Auparavant, dans l’indifférenciation, il y avait<br />
l’humain, le «glébeux» pour reprendre un terme de Paul Evdokimov, grand théologien orthodoxe. Le corps<br />
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sexué est un élément fondateur de l’être <strong>et</strong> de la relation, qui perm<strong>et</strong> de se sortir de l’indifférenciation,<br />
de la confusion originaire.<br />
-Il faut aussi prendre en compte la place de l’engagement dans l’existence. Aujourd’hui, selon un récent<br />
sondage, 44% des Français n’accordent aucune place à l’engagement dans l’existence. Mais, en même<br />
temps, la plupart de nos contemporains aspirent à une relation vraie. Il y a là une sorte d’opposition <strong>et</strong> de<br />
paradoxe. En eff<strong>et</strong>, comment peut-on penser la relation sans l’engagement ? Il nous faut reconnaître que,<br />
aujourd’hui, nous sommes davantage dans une logique des sentiments, qui par définition sont de l’ordre<br />
individuel <strong>et</strong> subjectif, <strong>et</strong> qui sont aussi versatiles. Le sentiment, qui est une composante normale <strong>et</strong><br />
naturelle de l’homme, ne peut pas être l’unique fondement de son existence <strong>et</strong> de sa relation. C<strong>et</strong>te<br />
logique a de la peine à prendre en compte les aspects objectifs. Quand une personne m<strong>et</strong> en avant ses<br />
sentiments, sans vouloir aborder les questions de manière rationnelle, il est difficile d’avancer, car la<br />
personne se sent immédiatement jugée par un discours qui se veut objectif. On le voit par exemple pour<br />
l’avortement. Lorsque vous essayez d’avoir une parole objective, on vous oppose volontiers des cas<br />
particuliers, tel le viol. La casuistique a pour une part remplacé l’objectivité <strong>et</strong> la rationalité. De plus, en<br />
en restant au niveau des sentiments, du désir, de sa propre expérience, il y a une sorte de refus d’entrer<br />
dans l’objectivité, qui perm<strong>et</strong> de juger correctement de ses décisions <strong>et</strong> de ses actes, <strong>et</strong> qui est, d’une<br />
certaine manière, la négation de l’autre, puisque le pur subjectif devient la référence première, voire<br />
parfois ultime. Une véritable anthropologie doit prendre en compte ce qui est de l’ordre du sentiment, de<br />
l’intelligence <strong>et</strong> de la raison, du coeur profond <strong>et</strong> de la volonté. Ce sont, à mon sens, les 4 composantes de<br />
l’être humain, qui, si elles sont mises en oeuvre en même temps, font que l’homme devient de plus en plus<br />
homme, en d’autres termes que l’homme s’humanise :<br />
* La différence sexuelle, le rythme propre à la sexualité, la procréation humaine, sont des réalités<br />
objectives indépassables pour la personne.<br />
* La différence sexuelle est une réalité essentielle pour la structuration psychologique de l’enfant, car<br />
on ne peut se structurer que sur des images identificatoires qui reconnaissent la différence<br />
fondamentale, que ce soit en positif ou en négatif.<br />
* La différence sexuelle introduit dans l’ordre de la loi, car il y a un interdit, à savoir une parole entre les<br />
êtres, une non confusion. La parole structure l’être dans sa vie personnelle : un être sans parole est un<br />
être insensé, au sens fort du terme, à savoir un être qui n’a pas de sens. La parole structure aussi la vie<br />
relationnelle du suj<strong>et</strong>. Si l’on regarde dans la Bible, il n’y a de suj<strong>et</strong> humain qu’à partir du moment où<br />
l’homme s’émerveille de l’autre <strong>et</strong> où il lui parle <strong>et</strong> la reconnaît comme de même nature que lui, donc<br />
infiniment digne de respect. C’est au moment où l’être humain est en mesure de prendre soin de l’autre<br />
que la différence sexuelle devient fondatrice de relation <strong>et</strong> d’unité. La parole fait passer de la confusion<br />
de Babel à l’ordre juste <strong>et</strong> dynamique de la Pentecôte. Une sexualité sans parole est une sexualité qui est<br />
dans l’ordre de l’animalité, de la violence, voire du viol de l’autre. Une parole sur la vie sexuelle au sein du<br />
couple est essentielle à l’humanisation de la pratique de la sexualité. Les méthodes naturelles ont cela<br />
qu’elles exigent la parole échangée.<br />
* La différence sexuelle introduit dans l’ordre du don, car elle invite à la relation, au don de soi.<br />
Cependant, il faut aussi reconnaître que tout au long de son histoire, l’Église est gênée par la question du<br />
plaisir sexuel. Le premier grand théologien du mariage était saint Augustin, qui parlait des 3 biens du<br />
mariage: paroles, fides, sacramentum ; les enfants, la foi jurée entre époux <strong>et</strong> le sacrement. Augustin<br />
reste marqué par la conception philosophique platonicienne («le corps est un tombeau» sôma, sêma) <strong>et</strong><br />
par sa propre expérience sexuelle. Dans la définition de saint Augustin, il n'y a pratiquement pas de place<br />
faite au corps <strong>et</strong> à l'acte sexuel, même si l'on ne trouve pas chez saint Augustin de condamnation du<br />
corps, il demeure une réticence à l'intégrer dans la théologie du mariage. Ce qui le gêne c'est le plaisir<br />
attaché à l'acte sexuel, comme si en soi ce plaisir était mauvais <strong>et</strong> réduisait la valeur morale de l'acte<br />
sexuel. Le plaisir n'est qu'un remède au désir, évitant ainsi que les conjoints s'adonnent trop au plaisir<br />
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sexuel. Au XIII° siècle, saint Bonaventure parlera du mariage comme d'une «excuse». Ainsi l'union<br />
sexuelle évite d'être un péché [2] . Saint Thomas d'Aquin fera varier les choses en parlant de fins<br />
primaires, de fins secondaires <strong>et</strong> de fins accidentelles du mariage. Les Papes Jean-Paul II <strong>et</strong> Benoît XVI<br />
renouvelleront le regard que nous portons sur la sexualité. Il suffit en particulier de relire la première<br />
encyclique de Benoît XVI Deus caritas est pour découvrir l’harmonisation entre l’amour eros <strong>et</strong> l’amour<br />
agapè, harmonisation qui prend en compte la chair, le corps. Benoît XVI rappelle qu’un amour humain est<br />
vraiment possible, à condition qu’il ne soit pas un amour d’attachement, mais un amour de don, autrement<br />
dit qu’eros sans agapè est un amour aveugle. Le véritable amour est celui qui associe les deux termes <strong>et</strong><br />
qui est de soi diffusif. Un tel amour se déploie au sein d’un troisième terme, l’altérité, pour les chrétiens<br />
Dieu. L’amour devient le nom propre de Dieu <strong>et</strong> Dieu peut être loué comme amour [3] . Nous sommes donc<br />
dans une perspective totalement différente de celle des anciens, notamment de Platon, pour lequel les<br />
deux parties de l’amour apparaissent antagonistes : désir/offrande, égoïsme/altruisme,<br />
charnel/spirituel, érotisme/charité. Le propre de la révélation biblique est de lier les deux [4] .<br />
Les pulsions sont de soi désordonnées, ce qui correspond à leur nature <strong>et</strong> cela n'a aucune connotation<br />
morale négative. C'est à l'homme, qui n'est pas qu'un pur animal, de savoir les ordonner <strong>et</strong> les gérer.<br />
L’homme est le seul être dont la sexualité n’est pas gérée par la nature, mais par le suj<strong>et</strong> lui-même. Il<br />
faut aussi d'emblée affirmer que les pulsions, l'instinct sexuel, l’amour humain sont des dons de Dieu,<br />
dont l'homme peut faire le don à une autre personne dans le mariage ou à Dieu dans la chast<strong>et</strong>é parfaite.<br />
Il ne saurait être question d'un acte fortuit. Seule une personne peut aimer une personne.<br />
Dans l’Église, le mariage est un sacrement, ce qui donne toute sa valeur à la vie sexuelle au sein de<br />
l’engagement. Cela veut dire que ce qui en constitue l'essence pousse à faire des actes du mariage les<br />
lieux mêmes de la marche sur la voie de la saint<strong>et</strong>é <strong>et</strong> une participation spécifique à l’œuvre de la<br />
création. Ne parle-t’on pas d’ailleurs à ce propos de la génération d’enfants comme de la pro-création,<br />
l’exercice de la sexualité, notamment dans l’ouverture à la vie, prolonge la création. Cela ne contredit pas<br />
cependant la théologie des biens du mariage, mais pointe sur des aspects nouveaux, intégrant toute la vie<br />
conjugale dans une démarche de foi <strong>et</strong> de spiritualité. L'amour des époux est au cœur de leur relation<br />
comme du sacrement <strong>et</strong> de l'institution du mariage. Il convient donc de réinterpréter sans cesse le<br />
sacrement à la lumière de l'amour conjugal dans toutes ses dimensions <strong>et</strong> de la communauté de vie, car<br />
c'est c<strong>et</strong> amour qui est le signe de l'amour de Dieu pour son peuple <strong>et</strong> du Christ pour l'Église. Ce n'est<br />
pas simplement un amour désincarné, c'est un amour qui m<strong>et</strong> en jeu le corps dans toutes ses<br />
composantes.<br />
Il suffit de relire le Concile Vatican II : «Le Christ Seigneur a comblé de bénédictions c<strong>et</strong> amour aux<br />
multiples aspects, issu de la source divine de la charité, <strong>et</strong> constitué à l'image de son union avec l'Eglise.<br />
De même en eff<strong>et</strong> que Dieu prit autrefois l'initiative d'une alliance d'amour <strong>et</strong> de fidélité avec son<br />
peuple, ainsi, maintenant, le Sauveur des hommes, Époux de l'Église, vient à la rencontre des Époux<br />
chrétiens par le sacrement de mariage. Il continue de demeurer avec eux pour que les Époux, par leur<br />
don mutuel, puissent s'aimer dans une fidélité perpétuelle, comme lui-même a aimé l'Église <strong>et</strong> s'est livré<br />
pour elle. L'authentique amour conjugal est assumé dans l'amour divin <strong>et</strong> il est dirigé <strong>et</strong> enrichi par la<br />
puissance rédemptrice du Christ <strong>et</strong> l'action salvifique de l'Église, afin de conduire efficacement à Dieu<br />
les Époux, de les aider <strong>et</strong> de les affermir dans leur mission sublime de père <strong>et</strong> de mère. C'est pourquoi<br />
les Époux chrétiens, pour accomplir dignement les devoirs de leur état, sont fortifiés <strong>et</strong> comme<br />
consacrés par un sacrement spécial en accomplissant leur mission conjugale <strong>et</strong> familiale avec la force de<br />
ce sacrement, pénétrés de l'Esprit du Christ qui imprègne toute leur vie de foi, d'espérance <strong>et</strong> de<br />
charité, ils parviennent de plus en plus à leur perfection personnelle <strong>et</strong> à leur sanctification mutuelle ;<br />
c'est ainsi qu'ensemble ils contribuent à la glorification de Dieu» [5] . Paul VI, dans l'encyclique Humanae<br />
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vitae va encore plus loin que le Concile puisqu'il associe les deux valeurs de l'acte conjugal, en parlant de<br />
«la double signification, unitive <strong>et</strong> procréative» [6] <strong>et</strong> évoque dans le fameux discours aux Équipes Notre<br />
Dame (4 mai 1970) le sens du mariage comme vocation <strong>et</strong> authentique voie de saint<strong>et</strong>é. On ne peut donc<br />
être plus clair sur le sens <strong>et</strong> la valeur du mariage <strong>et</strong> de la sexualité dans l'Église.<br />
Comme le rappelait récemment Benoît XVI parlant de l'amour d'agapè, une personne ne se découvre<br />
comme personne <strong>et</strong> ne se réalise que dans le don d'elle-même, <strong>et</strong> non pas dans l'affirmation de soi. C'est<br />
d'ailleurs une des difficultés dans la sexualité, notamment du côté masculin. L'homme, plus que la femme,<br />
pense que, dans la relation sexuelle, s'exerce de sa part une affirmation de lui-même, de sa virilité, de<br />
son pouvoir. Ce n'est pas à proprement parler de l'amour, mais au contraire un désir de puissance <strong>et</strong> de<br />
domination sur la femme. Le véritable amour d'agapè est un don de soi à l'autre <strong>et</strong> la découverte que<br />
c'est dans le don de soi que l'on offre le maximum de plaisir à l'autre <strong>et</strong> que l'on trouve aussi son propre<br />
plaisir. C'est d'ailleurs ce que rappelle saint Paul citant Jésus : «Il y a plus de joie à donner qu'à<br />
recevoir» (Ac 20, 35) [7] . Comme le rappelait encore Karol Wojtyla : «Goûter le plaisir sexuel sans traiter<br />
pour autant la personne comme obj<strong>et</strong> de jouissance, voilà le fond du problème moral sexuel» [8] .<br />
Venons-en maintenant aux textes bibliques. Pour cela, je m’appuierai sur le livre d’Yves SEMEN, que je<br />
ne peux que vous conseiller de lire, car il est très éclairant (La sexualité selon Jean-Paul II, Paris,<br />
Presses de la Renaissance, 2004, 230). Je commencerai donc par le Livre de la Genèse, reprenant au<br />
passage certains aspects de la lecture qu’en a faite Jean-Paul II dans les premières catéchèses du<br />
mercredi de son pontificat :<br />
I - Dans ce livre, il est question de la solitude originelle («Il n'est pas bon que l'homme soit seul» (Gn 2,<br />
18). C'est dans l'expérience du face à face <strong>et</strong> de la communion que l'homme se découvre <strong>et</strong> se connaît<br />
comme personne.<br />
Dans le récit le plus récent, le récit élohiste, l'auteur m<strong>et</strong> en scène la création de Dieu: «Faisons<br />
l'homme à notre image» (Gn 1, 26-28). On peut essayer de voir quelques détails du texte qui intéressent<br />
notre suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> qui sont l'expression de l'anthropologie biblique :<br />
A - La création est un vaste ensemble <strong>et</strong> Dieu crée successivement tous les êtres, l'homme y compris.<br />
Mais l'homme reçoit une mission spécifique, celle de gouverner la terre. L'homme est donc mis au-dessus<br />
de toutes les créatures, avec un pouvoir qui manifeste ce qui, en lui, est supérieur: son intelligence, sa<br />
raison, sa volonté.<br />
B - L'homme a une autre particularité. Contrairement à toutes les autres créatures, il est le seul à être à<br />
l'image <strong>et</strong> à la ressemblance de Dieu. Il ne ressemble en rien aux animaux. Deux mots qui disent deux<br />
réalités de la ressemblance entre Dieu <strong>et</strong> l'homme: l'image manifeste la ressemblance dans l'être, c'està-dire<br />
la ressemblance statique, ontologique. La ressemblance manifeste l'aspect dynamique. Dans ce<br />
qu'il fait, l'homme ressemble à Dieu. Notez qu’en français, on dit: être à l’image de, mais ressembler. Il<br />
n’y a qu’un verbe pour deux réalités.<br />
C - On peut noter une sorte de rupture dans la création lorsque l'on en arrive à l'homme. Pour les<br />
différentes phases de la création, on trouve «Dieu dit: que...» Quand Dieu parle il fait. Mais lorsque l'on<br />
arrive à l'homme, on trouve une parole originale: «faisons». On a l'impression que Dieu rentre en luimême,<br />
dans le mystère trinitaire, qu'il se parle à lui-même, avant de créer l'homme. De plus, il dit<br />
«faisons», le mot est le signe que Dieu parle au pluriel <strong>et</strong> non pas comme un être solitaire, qu'il fait<br />
r<strong>et</strong>our sur sa propre intimité trinitaire. C'est sans aucun doute le pluriel qui exprime l'ensemble des<br />
personnes divines dans la Trinité. On peut donc dire que c'est la Trinité dans sa totalité qui est à<br />
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l'oeuvre dans la création de l'homme <strong>et</strong> de la femme. De plus, c'est dans la différence homme-femme<br />
que l'homme est à l'image de Dieu, comme si dès la création la différence sexuelle qui conduit à l'union<br />
était le signe de la ressemblance à la Trinité. Et «l’amour est le suprême intelligible puisque, seul, il rend<br />
compte <strong>et</strong> de la diversité <strong>et</strong> de la communion» [9] .<br />
D - Notez aussi que la différence sexuelle n'est mentionnée que pour l'homme, jamais pour les animaux.<br />
Elle est donc, dans l'esprit de l'auteur biblique, fondatrice de quelque chose d'original dans l'humanité.<br />
La différence sexuelle est une bénédiction de Dieu. Elle apparaît donc comme une réalité bonne. Notez<br />
aussi que Dieu crée immédiatement l'homme, homme <strong>et</strong> femme. Contrairement à ce que l’on pense dans<br />
l’inconscient collectif, il n'y a pas de distance entre la création des deux. Ce n'est que dans un deuxième<br />
temps que la différence sexuelle est précisée comme signe de l'image de Dieu. On peut donc affirmer<br />
que l'être humain, avec ses caractères sexuels <strong>et</strong> ses organes génitaux, est image de Dieu, icône de Dieu.<br />
Les caractères sexuels humains ne sont donc pas perçus du côté de l'animalité [10] .<br />
Si l'on se reporte maintenant au deuxième texte, le récit Yahviste, plus archaïque, on a à faire à une<br />
vision plus anthropomorphique. Dieu est comme un potier qui modèle la création. Mais il y a une partie<br />
fort intéressante (Gn 4b-7; 18-20), manifestation de la première expression de la conscience en<br />
l'homme.<br />
A - Le nom donné au premier homme est adam, avec une minuscule, car ce n'est pas un nom propre, mais<br />
un nom générique, qui désigne l'humanité de manière générale, sans mention d'homme, ni de femme, ni de<br />
sexualité. À la fin du récit, on verra apparaître l'homme <strong>et</strong> la femme, avec deux mots différents en<br />
hébreu (ish <strong>et</strong> isha, qui désignent le masculin <strong>et</strong> le féminin, mais uniquement dans l'espère humaine).<br />
Adam ne comporte pas de féminin.<br />
B - On doit donc reconnaître que dans ce récit primitif, la création de l'homme se fait à l'origine, comme<br />
dans le récit élohiste, sans référence au masculin <strong>et</strong> au féminin. C'est important, car l'homme qui est<br />
dans la solitude originelle de la création n'est encore ni homme ni femme : il est l’adam, l'humanité.<br />
L'apparition de la différenciation sexuelle n'apparaît que lorsque Dieu a crée deux êtres particuliers,<br />
lorsqu'il a tiré d'adam un autre être. Alors l'un s'appelle homme <strong>et</strong> l'autre femme. On ne peut donc pas<br />
tirer du texte biblique une supériorité ni une antériorité de l'homme sur la femme.<br />
C - L'homme a une supériorité sur tous les autres êtres, car il cultive la terre, il gère la création. Ce<br />
n'est pas une supériorité en terme de degré, mais une supériorité radicale, car il est présenté comme un<br />
être totalement différent de tous ceux qui ont été créés auparavant.<br />
D - L'homme a le pouvoir de nommer les animaux. L'homme est établi au jardin d'Eden avec une mission<br />
particulière de la part de Dieu. Si l'homme nomme c'est qu'il a une connaissance sur ce qu'est en réalité<br />
l'être qu'il nomme; il connaît la nature de l'intérieur. Nommer une personne par son nom cela dit quelque<br />
chose de ce qu'elle est, extérieurement, car on la situe dans une famille. Mais si on rajoute le prénom, on<br />
désigne quelqu'un qui est unique, qui est reconnu pour lui-même <strong>et</strong> non pas seulement par rapport à<br />
d'autres membres de sa famille. Appeler quelqu'un par son prénom c'est aussi le signe d'une plus grande<br />
intimité avec la personne en question cf. Is 45, 3-4). Dans la Bible, donner un nom à quelqu'un c'est avoir<br />
sur lui une connaissance parfaite.<br />
E - Dans son pouvoir de donner des noms, l'homme fait l'expérience de la solitude. Il ne trouve pas<br />
d'être qui lui soit assorti (Gn 2, 20). Il ne trouve pas 'être à qui se donner parce que tous les êtres qu'il<br />
rencontre sont des êtres sur lesquels il exerce un pouvoir. Le don de soi suppose de ne pas être dans une<br />
relation de pouvoir, mais de se donner totalement. Il ne peut avoir de communication corporelle avec les<br />
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êtres qu'il nomme, parce qu'il est une personne <strong>et</strong> que seule une personne peut être en relation de don<br />
avec lui. En prenant conscience qu'il n'a pas de vis à vis assorti, il découvre qu'il est un être exceptionnel<br />
dans la création. Il est seul dans toute la création à être une personne. Sa recherche d'une personne<br />
assortie manifeste son désir de se donner, de vivre ce don, <strong>et</strong> en même temps une souffrance de ne pas<br />
pouvoir vivre ce don.<br />
F - La découverte de sa solitude est aussi source de grande angoisse. On peut imaginer la profondeur de<br />
l'angoisse de quelqu'un qui découvre que son accomplissement est dans le don de lui-même à un autre <strong>et</strong><br />
qui ne trouve nulle part quelqu'un qui puisse être l'obj<strong>et</strong> <strong>et</strong> le suj<strong>et</strong> de ce don. C'est le propre du mythe<br />
de Narcisse, qui n'a qu'une solution, c'est de se perdre dans sa propre image. Notons que c<strong>et</strong>te solitude<br />
est une solitude radicale <strong>et</strong> non pas seulement une solitude affective, sentimentale ou sexuelle. À ce<br />
moment l'auteur du texte m<strong>et</strong> dans la bouche de Dieu la formule qui va libérer l'homme : «il n'est pas<br />
bon que l'homme (adam) soit seul». C'est donc Dieu lui-même qui crée le vis à vis sexué de l'homme, sans<br />
que leur nudité sexuelle pose le moindre problème.<br />
II - Mystère de communion <strong>et</strong> d'unité de l'homme <strong>et</strong> de la femme à travers la création de la femme: «os<br />
de mes os», «chair de ma chair» (Gn 2, 21-24).<br />
A - Le sommeil de l'adam n'est ni une entrée dans un rêve, ni un songe. C'est une torpeur, nous dit le<br />
texte. Le mot torpeur est employé 9 fois dans l'Écriture (1 S 26, 12; Gn 2, 21; 15, 12; Is 29, 10; Jb 4, 13;<br />
33, 15; Pv 19, 15; 23, 21; Rm 11, 8). C'est toujours l'œuvre de Dieu soit pour rendre compte d'une alliance<br />
entre Dieu <strong>et</strong> les hommes, soit pour montrer ceux qui n'ont pas su demeurer dans c<strong>et</strong>te alliance. La<br />
torpeur est un appel pour l'homme à correspondre à sa vocation. C'est pour cela qu'elle n'est pas<br />
nécessairement une perte de conscience, mais qu'elle est plutôt liée à un effroi de se trouver devant<br />
Dieu <strong>et</strong> devant l'enjeu du fruit de l'alliance. Car dans l'expérience de l'homme de la Bible, notamment de<br />
Moïse ou d'Élie, on ne peut voir Dieu sans mourir. C'est c<strong>et</strong>te même torpeur que vivront les disciples à<br />
G<strong>et</strong>hsémani. Pour l’adam, nous sommes devant le plus grand enjeu de la création, devant un moment<br />
crucial <strong>et</strong> solennel de la création, la création de l'humanité sexuée. Avant cela, l'homme n'est pas<br />
vraiment image de Dieu. Il ne le sera que lorsqu'il sera homme <strong>et</strong> femme. On voit donc ici la grandeur <strong>et</strong><br />
la beauté de la différenciation sexuelle.<br />
B - On a beaucoup parlé sur la côte d'Adam, cherchant à montrer ici aussi la supériorité de l'homme sur<br />
la femme. Bossu<strong>et</strong> parlait avec humour d'une «funeste côtel<strong>et</strong>te», qui serait à l'origine du péché. Ce<br />
n'est absolument pas de cela dont il s'agit. Mais si au départ l'humanité dans son ensemble est vue<br />
comme l’adam, dans son existence concrète comme image de Dieu, elle est organisée autour de la<br />
différence des sexes. La côte nous rappelle qu'il y a égalité totale d'être entre l'homme <strong>et</strong> la femme. En<br />
d'autres termes, c<strong>et</strong> élément rappelle que l'homme <strong>et</strong> la femme sont de la même humanité <strong>et</strong> qu'il n'y a<br />
pas d'antériorité de l'un sur l'autre. Adam sera homme à partir du moment de la création de la femme.<br />
Avant il n'y a qu'une humanité indifférenciée. C'est la même vie que se partagent ish <strong>et</strong> isha. Ce qui veut<br />
dire qu'il y a égalité entre les deux personnes.<br />
C - Les formules bibliques «os de mes os», «chair de ma chair» sont difficiles à comprendre pour nous.<br />
Mais comme l'hébreu ne connaît ni les comparatifs, ni les superlatifs, il utilise le redoublement des mots<br />
pour les exprimer. C'est la même chose pour le cantique des cantiques. Pour aller encore plus loin, ces<br />
deux expressions ne parlent pas uniquement de l'aspect charnel de l'être, mais de la totalité de l'être. Il<br />
faut se rappeler que l'hébreu est une langue imagée <strong>et</strong> non conceptuelle (être miséricordieux, c'est être<br />
long de nez). Cela veut signifier que la femme est «l'être de son être», qu'il n'y a pas dans l'être de<br />
différence entre les deux personnes. Ce qui est intéressant, c'est que c'est au moment où se créent les<br />
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différences morphologiques <strong>et</strong> sexuelles que l'homme reconnaît l'égalité dans l'être. Et en même temps,<br />
adam célèbre l'autre à partir de son corps, dans les signes de la masculinité <strong>et</strong> de la féminité.<br />
D - Quitter son père <strong>et</strong> sa mère <strong>et</strong> devenir une seule chair. L'acte sexuel est l'acte qui perm<strong>et</strong> le<br />
dépassement de la solitude humaine inhérente à la constitution du corps. Après le chant d'amour de la<br />
reconnaissance («os de mes os»); l'acte sexuel réalise l'unité, il est l'expression de la communion. Et<br />
c'est précisément dans la communion, y compris sexuelle <strong>et</strong> tout particulièrement sexuelle, que l'homme<br />
est image de Dieu. Mais il ne l'était pleinement qu'aux origines, avant l'existence du péché, qui vient<br />
perturber la grandeur <strong>et</strong> la beauté du désir de communion. Ce qui est beau dans ce texte, c'est que c'est<br />
seulement lorsque l'homme sexué est créé que la création est achevée. La sexualité est le signe de la<br />
création achevée <strong>et</strong> complète. Alors l'image de Dieu est présente dans l'humanité <strong>et</strong> dans le monde.<br />
Souvent nous pensons que l'homme est image de Dieu parce qu'il est doué d'esprit ou de raison. Ce n'est<br />
nullement ce que dit la Bible, comme nous venons de le voir. Il est image de Dieu, parce que dans son être<br />
profond comme dans son corps il est apte à la communion totale, y compris dans sa dimension charnelle <strong>et</strong><br />
sexuelle.<br />
De c<strong>et</strong> aspect, nous pouvons tirer plusieurs éléments :<br />
* L'expérience de la sexualité dans le sacrement du mariage constitue une véritable révélation, au sens<br />
fort du terme, du mystère trinitaire.<br />
* Le sexe humain n'est pas un attribut accidentel en l'homme, mais il constitue un élément essentiel de<br />
son être, le lieu de la reconnaissance <strong>et</strong> de la communion des personnes. Nous sommes donc homme ou<br />
femme dans toutes les dimensions de notre être <strong>et</strong> non seulement dans la dimension corporelle. C<strong>et</strong>te<br />
différence est le signe de notre identité en tant qu'être.<br />
* Pour l’homme, aimer n’est pas comme on dit vulgairement «faire l’amour», mais comme le souligne<br />
Gabriel Marcel, aimer de l’ordre de l’être.<br />
* Il ne peut y avoir de véritable communion que dans la reconnaissance de la différence au sein de<br />
l'humanité, différence tant physique que psychologique, affective <strong>et</strong> spirituelle. C'est pour cela que<br />
l'Église ne peut reconnaître la relation homosexuelle comme une relation équivalente à l'hétérosexualité.<br />
Il n'y a don <strong>et</strong> communion qu'au sein de la différence <strong>et</strong> de la complémentarité, source de fécondité<br />
charnelle <strong>et</strong> spirituelle.<br />
III - L'expérience de la nudité qui, à l'origine, n'est pas source de honte.<br />
Le deuxième récit de la création se conclut sur la notation de la nudité. Si elle est ici mentionnée, ce<br />
n'est pas purement par hasard. Cela révèle un état de conscience de l'homme <strong>et</strong> de la femme par rapport<br />
à leur corps. Être nu, c'est se reconnaître vulnérable. L'absence de honte au début de l'humanité montre<br />
que chacun était capable de reconnaître l'autre non pas par rapport à son désir ou à ses pulsions propres,<br />
mais par rapport à l'être de l'autre. Le corps était vu dans une totale transparence, avec une pur<strong>et</strong>é de<br />
regard qui ne fait pas du corps de l'autre un obj<strong>et</strong> de plaisir <strong>et</strong> de désir à posséder ou à acquérir pour<br />
soi. Le corps vu ainsi est mis en valeur, comme lieu de la communion. Aux origines, l'homme avait sur son<br />
corps <strong>et</strong> sur le corps de l'autre un regard paisible, sûr que l'autre ne fera pas de son corps un pur obj<strong>et</strong><br />
de jouissance. Les signes physiques de la sexualité peuvent alors être contemplés dans leur fonction<br />
initiale, dans la beauté de leur finalité première: la communion des personnes. Seule la nudité qui fait de<br />
l'autre un obj<strong>et</strong> est source de honte. Dans le regard sur le corps de l'autre, nous sommes invités à<br />
entrer sans cesse dans une pur<strong>et</strong>é du regard qui ne considère pas le corps de l'autre comme un simple<br />
obj<strong>et</strong> de jouissance, qui avilit la personne <strong>et</strong> la réduit à son corps de chair que l'on s'approprie. Nous ne<br />
sommes plus alors dans l'ordre du don, mais dans l'ordre de la prise, du pouvoir que l'on prend sur<br />
quelqu'un. Dans ce même ordre d’idées, il nous faut aussi nous interroger sur la pudeur, qui n’est pas une<br />
vertu en soi, mais une partie de la vertu de chast<strong>et</strong>é. Elle n’est pas pleinement vertu parce qu’elle<br />
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comporte une part négative. «L’acte psychologique de la pudeur est celui par lequel j’ai honte de mon<br />
animalité. Or celui qui a honte se sépare de ce dont il a honte» [11] .<br />
Ce corps nu est aussi considéré comme n'ayant rien à voir avec l'animalité <strong>et</strong> comme ayant des signes<br />
sexuels qui ne sont pas à cacher. Ce n'est que depuis le péché <strong>et</strong> dans l'être de péché que nous sommes<br />
que le corps <strong>et</strong> le sexe ont perdu leur innocence première, pour devenir aussi le lieu d'une violence de<br />
type animal. La nudité originelle est le signe que pour le Créateur, la sexualité humaine est belle <strong>et</strong> bonne<br />
en soi. L'attrait des sexes est la réalisation du proj<strong>et</strong> divin inscrit au début de la création de l'homme <strong>et</strong><br />
de la femme. L'homme <strong>et</strong> la femme se révèlent l'un à l'autre <strong>et</strong> révèlent Dieu à travers le don de leurs<br />
corps, de leur tendresse, de leur affectivité, de leurs psychologies réciproques; leur fécondité est le<br />
fruit de c<strong>et</strong>te communion profonde. C'est très différent de la sexualité animale qui correspond à<br />
l'impératif biologique de la reproduction <strong>et</strong> qui ne peut être vécue que pendant les périodes où la femelle<br />
est apte à la fécondation. C'est un attrait de l'espèce <strong>et</strong> non de suj<strong>et</strong>s singuliers. Ce n'est en rien une<br />
communion, d'autant que l'union physique entre deux animaux n'est pratiquement jamais dans un face à<br />
face, <strong>et</strong> est un acte rapide sans union des êtres dont l'union des corps est l'expression.<br />
L'érotisme appartient à l'amour nous a redit récemment Benoît XVI, comme une des composantes au sein<br />
du couple de l'amour d'agapè. Il suffit de se reporter au Cantique des cantiques, qui a longtemps gêné<br />
l'Église au point d'avoir supprimé ce texte de la Bible.<br />
A - En lisant ce texte, on voit que l'érotisme n'est pas en soi de l'ordre du mal ni du péché. L'érotisme<br />
peut être rempli d'une grande pur<strong>et</strong>é. Dans le Cantique, le corps est la source de la séduction entre deux<br />
êtres, mais parce qu'il est considéré comme appartenant à une personne dont il manifeste la beauté <strong>et</strong><br />
les qualités. Dans ce cas, le corps, loin d'être une entrave au don devient une source du don <strong>et</strong> le lieu<br />
même du don.<br />
B - L'épouse est vue comme une sœur, manifestant que la relation sexuelle est le rappel de l'unité <strong>et</strong><br />
l'égalité de l'humanité, au delà des différences. C'est un appel à une tendresse désintéressée, non<br />
captative. Dans la création, avant d'apparaître homme <strong>et</strong> femme, les deux êtres apparaissent comme<br />
frère <strong>et</strong> sœur [12] .<br />
C - Autre expression intéressante: «jardin bien clos, fontaine scellée» désigne le fait que la femme est<br />
propriétaire de son corps <strong>et</strong> du mystère qui l'habite, qu'il ne sera jamais possible de dévoiler totalement.<br />
Son époux ne pourra jamais en dévoiler tout le mystère. L'érotisme biblique est contrairement à ce que<br />
beaucoup croient un merveilleux plaidoyer en faveur de la dignité de la femme.<br />
D - «Ne réveillez pas mon bien-aimé». C'est le souvenir du sommeil, de la torpeur initiale, temps de la<br />
création, comme si le véritable érotisme, qui m<strong>et</strong> dans une certaine torpeur, renvoyait à l'unité de la<br />
création initiale. C'est un beau plaidoyer pour un sain érotisme à l'intérieur du couple, qui perm<strong>et</strong> l'union<br />
des corps, célébrant dans un chant érotique la beauté de la création divine. C'est une façon de s'opposer<br />
au péché qui gu<strong>et</strong>te toute relation sexuelle, la faisant passer de relation de don qu'elle doit être à une<br />
relation de pure recherche de jouissance.<br />
E - La vérité de l'amour humain ne peut être séparée du langage des corps. C'est par le corps <strong>et</strong> dans le<br />
corps que s'exprime le véritable amour humain, celui voulu par Dieu dès la création, celui qui a été élevé à<br />
la dignité de sacrement par le Christ <strong>et</strong> par l'Église. C'est donc par leurs corps que les conjoints doivent<br />
trouver les moyens de se dire leur amour, se rappelant que l'éros doit conduire à l'agapè, que l'amour<br />
charnel doit conduire à un amour total, à un amour de don total de soi, pour que la joie de l'autre soit<br />
parfaite. Le corps reste le lieu de la visibilité du don <strong>et</strong> de l'alliance de création entre Dieu <strong>et</strong> l'homme.<br />
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Le corps est capable de rendre visible ce qui est divin, ce qui est invisible. Dans le corps du Christ, Dieu<br />
s'est rendu visible.<br />
À partir de là, on ne peut plus dire que la sexualité vue à travers la Bible se réduit à la fonction<br />
procréatrice, d'ailleurs peu évoquée dans le livre de la Genèse, pour ne pas dire pas du tout.<br />
L'anthropologie biblique nous rappelle essentiellement que le propre de l'être humain c'est de se donner.<br />
Dans c<strong>et</strong>te perspective, la procréation est une surabondance de l'amour, une surabondance du don, qui<br />
prolonge la création <strong>et</strong> l'unité de la création dans l'unité des corps. Ce serait trahir la Bible que de<br />
réduire la sexualité à la fonction procréatrice. La communion est première, la procréation est seconde.<br />
Mais je n'ai pas dit secondaire. Même le Code de Droit canonique le reconnaît ainsi : «L'alliance<br />
matrimoniale, par laquelle un homme <strong>et</strong> une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie,<br />
ordonnée par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu'à la génération <strong>et</strong> à l'éducation des<br />
enfants, a été élevée entre baptisés par le Christ Seigneur à la dignité de sacrement» [13] . Ou encore :<br />
«Du mariage valide naît entre les conjoints un lien de par sa nature perpétuel <strong>et</strong> exclusif; en outre, dans<br />
le mariage chrétien, les conjoints sont fortifiés <strong>et</strong> comme consacrés par un sacrement spécial pour les<br />
devoirs <strong>et</strong> la dignité de leur état» [14] . La fécondité est une authentification de la vérité de la communion,<br />
même si la fécondité n'est pas nécessaire à c<strong>et</strong>te vérité. En eff<strong>et</strong>, le fait de ne pas avoir d'enfant, ne<br />
rem<strong>et</strong> pas en cause la vérité du mariage.<br />
La signification du corps humain <strong>et</strong> de la sexualité humaine demeure, même après le péché. Il reste<br />
toujours une lueur de l'innocence originelle qui se manifeste grâce à notre pur<strong>et</strong>é de cœur <strong>et</strong> à la<br />
capacité de correspondre à notre nature d'être de don. Et plus c<strong>et</strong>te innocence originelle sera grande,<br />
plus la jouissance sera grande. C'est ce que souligne saint Thomas d'Aquin: «Dans l'état d'innocence, il<br />
n'y aurait rien eu dans le domaine de la sexualité qui n'eût été réglé par la raison; non pas que le plaisir<br />
sensible eût été moindre. Car le plaisir sensible eût été d'autant plus grand que la nature était plus pure<br />
<strong>et</strong> le corps plus délicat» [15] . On a souvent pensé que la sexualité n'advenait qu'après le péché originel.<br />
Mais c'est en réalité à un dérèglement de la sexualité que l'on a alors à faire. Il se manifeste de<br />
plusieurs manières dans les relations homme-femme :<br />
1 - Honte du corps. La nudité n'est plus vécue dans la transparence originelle Gn, 3, 6-9. Adam <strong>et</strong> Ève<br />
cherchent alors à cacher les signes physiques de leur sexualité. Le signe premier du péché originel n'est<br />
pas par rapport à Dieu mais dans la relation du corps de l'un à l'autre. Souvent on pense que le péché<br />
originel est le péché sexuel, mais ce n'est pas ce que dit la Bible. La Bible parle de manger le fruit de<br />
l'arbre de la connaissance, <strong>et</strong> non pas la pomme, dans la tentation d'être comme Dieu. C'est-à-dire la<br />
tentation de ne plus vouloir être dans la création, de ne plus vouloir dépendre de Dieu. C'est le refus de<br />
la filiation, de l'alliance, de la vie dans le don, pour être comme le disait Ni<strong>et</strong>zsche causa sui, désir de<br />
chacun d'être sa propre origine. Vouloir cacher son corps dans le domaine de la sexualité, c'est refuser<br />
d'utiliser son corps comme lieu de relation <strong>et</strong> de communion. C<strong>et</strong>te réflexion doit inviter les couples à<br />
voir comment ils vivent dans le domaine de leur relation le rapport à leur propre corps <strong>et</strong> au corps de<br />
l'autre. Cela suppose aussi la prise en compte des temps du corps de l'autre, notamment du corps féminin<br />
qui, dans son rythme, a des périodes fertiles <strong>et</strong> infertiles, <strong>et</strong> n'a sans doute pas les mêmes désirs<br />
sexuels que le corps de l'homme. Autant d'éléments auxquels il importe d'être attentif dans la relation<br />
sexuelle.<br />
2 - Volonté de domination de l'un sur l'autre. Le péché m<strong>et</strong> davantage en avant la fonction de plaisir<br />
personnel de la relation sexuelle, plutôt que la signification de communion; ce qui pervertit le rapport de<br />
l'un à l'autre, rapport qui demande donc en permanence à être purifié pour ne pas se trouver réduit au<br />
rang de rapport animal, donc essentiellement pulsionnel. Pour cela, la relation charnelle doit être intégrée<br />
dans l'ensemble de la vie amoureuse du couple, non pas comme l'unique fin à réaliser, mais comme une des<br />
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fins dans toutes les harmoniques de la vie amoureuse du couple. En d'autres termes, la relation génitale<br />
n'est pas la totalité de la relation amoureuse, ni de l'épanouissement de la personne <strong>et</strong> du couple. Sinon,<br />
les célibataires seraient tous des gens déséquilibrés. Le péché nous porte aussi à penser d'abord à nous,<br />
<strong>et</strong> donc à vouloir une sexualité de plaisir, faisant de l'autre un pur obj<strong>et</strong>, que ce soit de plaisir,<br />
d'appropriation, de valorisation personnelle ou même de procréation. Les signes corporels de la<br />
masculinité <strong>et</strong> de la féminité, qui sont invitation au don, deviennent alors des signes de pur plaisir,<br />
d'enfermement sur soi, de jouissance pour soi. Toute personne dans un couple doit pouvoir s'interroger.<br />
De même, toute personne doit pouvoir s'interroger sur la gestion de son corps <strong>et</strong> de ses pulsions, à la<br />
lumière de l'anthropologie <strong>et</strong> de la théologie que je viens de développer. Un sain regard sur le corps<br />
invite à se préserver <strong>et</strong> à préserver le corps de l'autre de tout ce qui est opposition au don, qui ne peut<br />
se réaliser que dans le don total de soi <strong>et</strong> pour toujours à l'autre. Car une fois que l'on a donné son corps<br />
à quelqu'un on a tout donné, <strong>et</strong> on ne peut pas le reprendre.<br />
3 - Désunion, car au lieu d'être orientée vers la communion, la sexualité a tendance à aller avant tout à la<br />
recherche du plaisir personnel. C'est dans le cœur que tout commence, comme le dit Jésus lui-même (Mt<br />
5, 22-27). L'adultère commence dans le cœur, dit Jésus : c'est le désir de jouissance à travers le regard<br />
que l'on porte sur le corps de l'autre <strong>et</strong> dont on veut user pour trouver le plaisir dont on pense avoir<br />
besoin. Dans une telle démarche, il y a absence d'unification de la personne, qui m<strong>et</strong> en œuvre des désirs<br />
partiels, désirs de jouissance, <strong>et</strong> non un désir plénier, le désir de don. On peut dire qu'il y a alors<br />
distorsion entre le désir <strong>et</strong> l'acte, entre le regard <strong>et</strong> le cœur. Le regard est à la recherche de jouissance<br />
immédiate alors que ce qui comble le cœur est la donation de soi; il y a aussi distorsion entre le corps <strong>et</strong><br />
le cœur. Le corps agit indépendamment du cœur, <strong>et</strong> n'est plus gouverné ni par le cœur ni par la volonté.<br />
«En eff<strong>et</strong>, nous savons que la Loi est spirituelle; mais moi je suis un être de chair, vendu au pouvoir du<br />
péché. Vraiment ce que je fais je ne le comprends pas: car je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce<br />
que je hais. Or si je fais ce que je ne veux pas, je reconnais, d'accord avec la Loi, qu'elle est bonne ; en<br />
réalité ce n'est plus moi qui accomplis l'action, mais le péché qui habite en moi. Car je sais que nul bien<br />
n'habite en moi, je veux dire dans ma chair; en eff<strong>et</strong>, vouloir le bien est à ma portée, mais non pas<br />
l'accomplir : puisque je ne fais pas le bien que je veux <strong>et</strong> comm<strong>et</strong>s le mal que je ne veux pas. Or si je fais<br />
ce que je ne veux pas, ce n'est plus moi qui accomplis l'action, mais le péché qui habite en moi. Je trouve<br />
donc une loi s'imposant à moi, quand je veux faire le bien ; le mal seul se présente à moi. Car je me<br />
complais dans la loi de Dieu du point de vue de l'homme intérieur; mais j'aperçois une autre loi dans mes<br />
membres qui lutte contre la loi de ma raison <strong>et</strong> m'enchaîne à la loi du péché qui est dans mes membres.<br />
Malheureux homme que je suis! Qui me délivrera de ce corps qui me voue à la mort? Grâces soient à Dieu<br />
par Jésus Christ notre Seigneur ! C'est donc bien moi qui par la raison sers une loi de Dieu <strong>et</strong> par la chair<br />
une loi de péché» (Rm 7, 14-25).<br />
C'est aussi la désunion entre les personnes, car il y a absence d'harmonie entre les deux êtres sur le plan<br />
des corps <strong>et</strong> des cœurs. C'est pour cela que les couples doivent travailler à la connaissance <strong>et</strong> à la<br />
reconnaissance du corps <strong>et</strong> du cœur de l'autre, sans peur, sans honte. C'est pour cela aussi que dans le<br />
dialogue conjugal, il importe de rendre compte à l'autre, sans honte, de ce que la vie amoureuse, <strong>et</strong><br />
notamment la relation charnelle, produit. Pouvoir dire ce que l'on ressent, ses peurs, ses plaisirs, ses<br />
joies, ses difficultés, autant d'aspects qui perm<strong>et</strong>tent une plus grande communion, car ils favorisent une<br />
plus grande union. Souvent les hommes ont plus de difficultés à livrer c<strong>et</strong>te intimité à l'autre, en raison<br />
d'une part de leur tendance à se croire supérieurs dans l'ordre de la sexualité. Leur sexe étant<br />
extérieur, <strong>et</strong> pouvant se montrer apparaît comme un attribut de puissance. Et, d'autre part, en raison<br />
d'un manque d'intériorité, contrairement à la femme.<br />
L'union de Sara <strong>et</strong> de Tobie nous montre un autre aspect. Parce qu'avant de s'unir ils prennent le temps<br />
de prier, ils montrent que leur amour n'est pas purement animal mais qu'il s'inscrit dans le cadre de la<br />
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filiation divine, qu'il est le résultat de l'alliance entre Dieu <strong>et</strong> l'homme dans la création, <strong>et</strong> que la<br />
fonction de l'amour, c'est d'être plus fort que la mort, parce qu'il m<strong>et</strong> du côté de Dieu <strong>et</strong> qu'il<br />
correspond à la vocation de l'homme <strong>et</strong> de la femme, s'il est fait non par recherche de plaisir immédiat,<br />
mais par désir de communion. Tobie <strong>et</strong> Sara remercient Dieu de leur avoir donné un corps pour s'aimer.<br />
Le langage des corps devient alors prière de louange <strong>et</strong> d'action de grâces envers le Dieu créateur. Sara<br />
<strong>et</strong> Tobie situent ainsi leur amour dans le cadre de l'alliance éternelle de Dieu, qui le rend plus fort que la<br />
mort (Tb 8, 5-8).<br />
Le summum se trouvera au début de l'Évangile de Jean, qui résume à sa manière l'anthropologie initiale.<br />
En eff<strong>et</strong>, le premier miracle de Jésus se réalise au cours d'un mariage. C'est l'instant où Jésus parle de<br />
son Heure, comme si le mariage était le lieu de l'anticipation de l'Heure de la création <strong>et</strong> de la<br />
Rédemption. D'autre part, l'intervention de Marie auprès de son Fils est extraordinaire. Je ne sais si<br />
vous avez déjà fait attention. Marie ne dit pas : «Ils n'ont plus de vin», ce qui ne serait que la pure<br />
vérité. Mais elle dit : «Ils n'ont pas de vin», soulignant par-là que seule l'activité créatrice <strong>et</strong><br />
rédemptrice du Christ donne le sens ultime de la relation homme-femme, intégrant c<strong>et</strong>te relation dans<br />
tous ses aspects, charnel, tendresse, amitié, don, dans l'acte de Rédemption. Dans l'ordre de la Création<br />
<strong>et</strong> de la Rédemption, le corps humain a une dignité insigne <strong>et</strong> a donc toute sa place. Jésus, grâce à sa<br />
mère, place ce mariage dans le cadre de l'anticipation de l'Heure, de la rédemption, qui donne son sens à<br />
tout geste humain d'amour.<br />
Je pense que la liturgie eucharistique elle-même, parce qu'elle est le don total du Christ, qui par<br />
l'Incarnation a pris chair, pour que notre chair soit glorifiée, nous perm<strong>et</strong> de saisir le sens même de<br />
l'amour humain. L'amour humain vécu dans la ligne du don de son corps par le Christ a c<strong>et</strong>te haute valeur<br />
d'appel à la saint<strong>et</strong>é à travers le don de soi dans l'exercice de la communion des personnes. Le sacrement<br />
de mariage communique une grâce propre aux époux pour la construction de leur vie conjugale <strong>et</strong> pour les<br />
œuvres propres au mariage. Il vient régénérer l'union intime de leurs corps <strong>et</strong> de leurs cœurs.<br />
L'Eucharistie nous montre aussi que dans le don de soi il y a, dans la suite de la Passion <strong>et</strong> Résurrection<br />
du Christ, une rédemption des corps.<br />
La communion des personnes dans l'union charnelle est une pédagogie de la relation à Dieu.<br />
La chast<strong>et</strong>é, y compris dans la vie conjugale, est la route de la liberté <strong>et</strong> de la saint<strong>et</strong>é, pour maîtriser ce<br />
qui a trait à l'excitation <strong>et</strong> à l'émotion.<br />
La norme éthique de la sexualité telle qu'elle est présentée par Humanae vitae consiste à ne jamais<br />
séparer le sens de communion <strong>et</strong> de fécondité.<br />
[1]<br />
Traité de l'<strong>Amour</strong> de Dieu, 3, 8.<br />
[2]<br />
IV Sent. Dist. 26, a 2, q. 2, conclusion.<br />
[3]<br />
Cf. DENYS L’AREOPAGITE, Les noms divins, IV.<br />
[4]<br />
Cf. BENOIT XVI, Deus caritas est, n. 7-8.<br />
[5]<br />
Gaudium <strong>et</strong> Spes, n. 48.<br />
[6]<br />
Humanae vitae nn. 2; 13.<br />
[7]<br />
On peut aussi consulter Jean-Paul II, La boutique de l'orfèvre.<br />
[8]<br />
<strong>Amour</strong> <strong>et</strong> responsabilité, Paris, Éditions Stock (1978) 52.<br />
[9]<br />
LACROIX Jean, Personne <strong>et</strong> amour, Paris, Seuil (1955), p. 25.<br />
[10]<br />
Cf. Le commentaire fait par Jean-Paul II au cours des Audiences générales.<br />
[11] LACROIX Jean<br />
[12] Jean-Paul II, audience générale du 13 février 1980.<br />
[13] C.I.C., n. 1055.<br />
[14] C.I.C., n. 1134.<br />
[15] Somme théologique I, q. 98, a. 2, ad 3.<br />
14<br />
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APPROCHE FONCTIONNELLE ET SYMBOLIQUE<br />
DE LA SEXUALITE HUMAINE<br />
L'IMPORTANCE DES LOGIQUES CULTURELLES<br />
15<br />
Charles-Daniel MAIRE<br />
La résistance aux méthodes d'intervention mécaniques ou chimiques que nous avons pu observer en<br />
Afrique a corroboré le constat fait dans d'autres domaines : tout emprunt dépend de la logique<br />
culturelle du groupe emprunteur. C<strong>et</strong>te logique est fonction de la situation socio-économique. Elle évolue<br />
en passant du stade de survie à celui d'abondance. Elle dépend aussi de la vision du monde partagée par<br />
le groupe. C<strong>et</strong>te vision du monde révèle le sens de la vie <strong>et</strong> l'idéal qui s'y rattache. Tout naturellement,<br />
l'échelle des valeurs se structure à partir de c<strong>et</strong> idéal. Une économie de survie associée à une forte<br />
mortalité infantile va faire monter la fertilité très haut sur l'échelle des valeurs. En revanche, un faible<br />
taux de mortalité infantile conjugué à la culture d'une société de consommation va placer la fertilité<br />
très bas, voire la considérer comme une maladie sociale. C'est sur c<strong>et</strong> axe qui va du vitalisme africain à la<br />
mentalité contraceptive occidentale que l'on peut situer le premier élément de toute logique culturelle.<br />
Ajoutons que dans notre culture occidentale technicienne, la logique culturelle est fortement marquée<br />
par les critères de facilité <strong>et</strong> d'efficacité. En d'autres termes, la logique culturelle occidentale est<br />
essentiellement pragmatique : du moment qu'une solution technique s'offre pour résoudre un problème<br />
quelconque, elle sera envisagée <strong>et</strong> probablement adoptée si les conditions suivantes sont remplies :<br />
prom<strong>et</strong>-elle d'être efficace ? Son application est-elle perçue comme facile ? Son coût financier est-il à<br />
la portée des intéressés ? Mais on n'a pas encore fait le tour du problème. La culture, en eff<strong>et</strong>, ne peut<br />
pas se réduire à ses aspects fonctionnels.<br />
Prenons l'exemple du chauffage des appartements. Le gaz, le fioul ou l'électricité nécessitent une<br />
infrastructure logistique considérable <strong>et</strong> de nombreux techniciens pour que le client n'ait plus qu'à<br />
régler un thermostat <strong>et</strong>, bien sûr, ses factures de combustible. Le chauffage au bois, par contre,<br />
nécessite un minimum de savoir <strong>et</strong> une disponibilité constante de la part de l'intéressé. Ce dernier pourra<br />
se faire livrer son bois ou aller le couper en forêt, le débiter <strong>et</strong> le transporter lui-même, mais ce sera<br />
toujours lui qui préparera <strong>et</strong> entr<strong>et</strong>iendra le feu. Outre la satisfaction d'adopter un mode de chauffage<br />
plus écologique <strong>et</strong> de jouir d'une atmosphère particulièrement agréable, ceux qui se chauffent au bois,<br />
bénéficient du plaisir de voir danser les flammes dans le foyer <strong>et</strong>, s'il leur arrive de s'écorcher les<br />
mains, ils éprouvent encore d'autres satisfactions. L'art d'entasser le bois, par exemple, d'en stocker un<br />
volume maximum <strong>et</strong> d'en « décorer » une remise, le privilège de respirer l'odeur des bûches fraîchement<br />
coupées, non seulement peuvent procurer un plaisir réel, mais contribuer à renforcer les relations<br />
familiales. Enfants <strong>et</strong> p<strong>et</strong>its enfants sont fiers de participer à des tâches dont le résultat est visible<br />
pour toute la famille.<br />
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C<strong>et</strong> exemple m<strong>et</strong> en lumière un élément constitutif de toute culture. Les relations que l'être humain<br />
entr<strong>et</strong>ien avec son environnement <strong>et</strong> avec son groupe d'appartenance se construisent sur deux types de<br />
différenciation étrangers l'un à l'autre, mais complémentaires <strong>et</strong> inextricablement liés : les<br />
différenciations fonctionnelles <strong>et</strong> les différenciations symboliques.<br />
DEUX TYPES DE DIFFERENCIATION<br />
L'expression différenciation demande une explication. L'être humain observe son environnement <strong>et</strong> note<br />
les différences qui le frappent : couleur, chaleur, dimension, toucher, goût, <strong>et</strong>c. Il essaie alors de leur<br />
trouver un sens en posant la question : pourquoi ces différences ? Les réponses qu'il donne à c<strong>et</strong>te<br />
question sont précisément ce que nous appelons ici des différenciations.<br />
Il y a d'abord les différenciations fonctionnelles, c'est-à-dire celles qui amènent à la compréhension du<br />
fonctionnement de tout ce qui nous entoure. C<strong>et</strong>te compréhension est souvent assez rudimentaire mais<br />
elle est suffisante pour les buts visés. Si nous revenons à l'exemple du chauffage, nous constatons que le<br />
frottement d'une allum<strong>et</strong>te sur sa boîte, le tirage du foyer en fonction de la section de l'ouverture de<br />
l'air <strong>et</strong> de la hauteur de la cheminée ne requièrent pas d’autres savoirs que celui qui est transmis dans la<br />
famille. Les peuples les plus archaïques ont tous assez de bon sens pour allumer du feu <strong>et</strong> se procurer de<br />
la nourriture. Ces différenciations fonctionnelles sont toujours basées sur l'observation de la nature <strong>et</strong><br />
c'est elle qui fournit les éléments à partir desquels un groupe humain va opérer les différenciations qui<br />
lui perm<strong>et</strong>tent de construire sa culture. La physique <strong>et</strong> la biologie se sont donné les moyens d'observer<br />
ce qui échappe à l'oeil nu, mais tout repose toujours sur un ensemble de différenciations fonctionnelles.<br />
Ensuite, l'observation des hommes révèle un autre type de différenciations. Si le bois bien entassé <strong>et</strong> le<br />
feu qui crépitent dans son foyer ont un côté fonctionnel, ils sont porteurs d'un autre sens : ils<br />
symbolisent les relations que les membres de la famille entr<strong>et</strong>iennent entre eux. Chacun à sa place joue<br />
son rôle au service de tous. Le mot foyer sert d'ailleurs de métaphore pour la famille. Jointe à la<br />
symbolique du feu aussi riche que celle du sang, le foyer symbolise bien la dynamique du groupe familial.<br />
A contrario, le bois mal entassé <strong>et</strong> un feu éteint parce que mal entr<strong>et</strong>enu, trahissent le désordre qui<br />
règne dans le groupe. Les sociétés les plus primitives ne s'y trompent pas : le manquement à l'ordre<br />
requis par la culture est soit le résultat d'un sortilège soit le présage à un malheur. En termes<br />
d'anthropologie culturelle, on dira qu'il s'agit d'une lecture mythique de la réalité. Mais ce n'est pas la<br />
seule lecture symbolique possible : dans une culture comme la nôtre qui privilégie la responsabilité<br />
individuelle, l'ordre des choses <strong>et</strong> l'esthétique de l'environnement disent quelque chose du proj<strong>et</strong> <strong>et</strong> du<br />
style de vie des occupants de la maison.<br />
Les cuisines modernes témoignent d'un sens aigu de l'ergonomie <strong>et</strong> de l'hygiène, deux critères<br />
éminemment fonctionnels. Qu'en est-il de leur symbolique ? La table réduite au minimum perm<strong>et</strong> à deux<br />
personnes de prendre leur p<strong>et</strong>it déjeuner ensemble mais souvent sans se faire face. Tout semble<br />
privilégier une utilisation individuelle. La publicité se plaît à présenter des rec<strong>et</strong>tes de grands-mères <strong>et</strong><br />
des fromages partagés à même une grande table de ferme. C'est peut-être pour exploiter la nostalgie<br />
d'une époque révolue qui privilégiait une symbolique plus communautaire ?<br />
MAITRISE DE LA FECONDITE ET DIFFERENCIATION SYMBOLIQUE<br />
Mais en voilà assez pour introduire ces deux notions qu'il faut bien garder à l'esprit lorsque l'on<br />
réfléchit aux changements sociaux <strong>et</strong> culturels. La culture technicienne privilégie les différenciations<br />
fonctionnelles. Du moment que la Technique procure des solutions efficaces, faciles à appliquer <strong>et</strong><br />
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abordables financièrement, toutes les raisons sont réunies pour qu'elles soient adoptées. Dans le<br />
domaine de la maîtrise de la fécondité, les évaluations se font généralement en fonction de ces seuls<br />
critères. On se demande rarement ce qu'elles font perdre ou ce qu'elles n'apportent pas sur le plan<br />
symbolique. C<strong>et</strong>te absence de différenciations symboliques est lourde de conséquences. Pourquoi<br />
réserver la relation sexuelle au seul conjoint puisqu'elle ne débouche plus sur la procréation ? Pourquoi<br />
observer des temps d'abstinence puisque il existe des techniques qui empêchent la fécondation ? Finis<br />
les vieux tabous ! Quel bonheur de vivre au siècle de la contraception ! L'idée qu'il faille attendre de se<br />
marier pour avoir des relations sexuelles paraît aujourd'hui complètement dépassée. Comme l'affirme<br />
Françoise Héritier, la conquête de la maîtrise de la fécondité par la femme est une révolution plus<br />
importante que la conquête spatiale. Mais, n'y a-t-il plus rien à conquérir pour autant ?<br />
Côté relations conjugales, bien des progrès sont encore possibles <strong>et</strong> l'un des plus important pourrait être<br />
la découverte ou la redécouverte des différenciations symboliques liées à la maîtrise de la fécondité par<br />
des moyens non techniques. Le rôle joué par l'homme y est central <strong>et</strong> pourrait bien lui rendre ce que<br />
symboliquement il a perdu avec la contraception technique. Le sens des rythmes naturels, le fameux cycle<br />
féminin, dans lequel les anciens r<strong>et</strong>rouvaient le cycle lunaire était très riche de symboles. Il ne s'agit<br />
pas, là non plus, de r<strong>et</strong>ourner à une vision mythique de la réalité, mais la prise en compte du cycle avec<br />
ses variations d'humeur pourrait enrichir le registre des relations amoureuses. L'intérêt, enfin, qu'un<br />
époux manifeste pour le cycle de son épouse pourrait ajouter au registre de ses égards, une attitude<br />
inspirée par ce sens éminemment symbolique. Et ces exemples n'épuisent pas les possibilités<br />
d'enrichissement de la vie de couple par de nouvelles différenciations symboliques.<br />
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SPHERE PUBLIQUE, SPHERE PRIVEE<br />
18<br />
Yves GAVAULT<br />
1 mai 2007<br />
Je voudrais vous inviter à partager une intuition, à la mûrir <strong>et</strong> construire une réflexion pour l’action.<br />
Voici donc une réflexion sur le thème « sphère privée, sphère publique ». C’est un écheveau intéressant à<br />
démêler, un chemin à emprunter pour trouver une voie de crête en tant que chrétien <strong>et</strong> faire advenir<br />
c<strong>et</strong>te civilisation de l’amour que Jean Paul II appelait de tous ses vœux.<br />
Quelle est c<strong>et</strong>te intuition qui part d’un constat qui m’étonne toujours ? Dans notre société le religieux<br />
est requis comme devant appartenir quasi exclusivement à la sphère privée, alors que paradoxalement la<br />
sexualité est sortie du privé pour investir la sphère publique. On peut dès lors s’interroger sur c<strong>et</strong>te<br />
grande transformation culturelle qui aboutit à c<strong>et</strong>te situation <strong>et</strong> ainsi, en tant que chrétien, éviter<br />
certains errements de comportement.<br />
C<strong>et</strong>te thématique « sphère privée/sphère publique » se connecte sur la problématique de ce qui relève de<br />
la vie privée <strong>et</strong> de la vie publique : c’est même le titre d’une célèbre émission de télévision. Pourtant la<br />
choses est moins binaire qu’on veut bien le dire. Elle est plus complexe car il convient en fait d’introduire<br />
un troisième terme ; un terme médian, entre sphère privée <strong>et</strong> sphère publique. Il convient de faire une<br />
distinction entre c<strong>et</strong>te sphère publique, pour dire ce qu’elle est, <strong>et</strong> donc ce qu’elle n’est pas, <strong>et</strong> ce<br />
troisième terme, c’est « l’espace social ».<br />
Il y a une vraie question de fond, un vrai enjeu pour construire c<strong>et</strong>te civilisation de l’amour que j’évoquais.<br />
Par exemple, un homme politique chrétien, catholique pratiquant, était interrogé sur l’incidence de sa foi<br />
dans sa vie d’homme politique public, <strong>et</strong> de l’influence que pouvaient avoir sa parole <strong>et</strong> ses décisions pour<br />
les français. Pour réponse, un propos rassurant s’il en était encore besoin : « ne vous inquiétez pas, je<br />
distingue bien les choses, ce qui relève de la religion est de la sphère privée, pour le reste ça n’influence<br />
en rien ma posture d’homme politique » . Un propos qui en substance résume brièvement l’axe de notre<br />
réflexion.<br />
On est en train de poser ici la question de la frontière entre la vie privée <strong>et</strong> la vie publique. C<strong>et</strong>te<br />
frontière énoncée aussi abruptement crée une dichotomie, avec d’un côté la sphère privée <strong>et</strong> de l’autre la<br />
sphère publique. C<strong>et</strong>te sorte de fracture énoncée qui oriente des actes concr<strong>et</strong>s n’a pas toujours existé.<br />
Dans son livre « Parole de Dieu, culture des hommes » Charles Daniel évoque la frontière entre nature <strong>et</strong><br />
culture. Pour ma part je pose la question : où passe la frontière entre sphère privée <strong>et</strong> sphère publique ?<br />
D’un point de vue sociologique on a peu réfléchi à la question. Quelques travaux commencent à le faire,<br />
pour prendre en compte la complexité d’une société qui bouge <strong>et</strong> fait bouger c<strong>et</strong>te frontière qui de<br />
surcroît est floue. Contrairement à l’idée que certains cherchent à nous imposer pour des raisons<br />
idéologiques, c<strong>et</strong>te frontière n’est pas imperméable, bien au contraire.<br />
La sphère privée, telle que définie par les libéraux, est une sphère qui est en opposition à la sphère<br />
publique entendue comme ce qui relève de l’Etat. Il faut dès lors distinguer sphère publique <strong>et</strong> place<br />
publique. La sphère publique relève de l’Etat sous toutes ses formes : les ministères, le gouvernement<br />
mais aussi les grandes administrations. De manière caricaturale c’est la figure de l’Etat comme acteur<br />
majeur de notre société dans un domaine qui lui est propre, notamment le législatif, à savoir voter les<br />
lois.<br />
L’espace social peut être pris au sens de l’Agora, la place publique, centre de la vie sociale où chacun<br />
existe dans son rapport à l’autre sous les yeux de tous mais fondamentalement lieu d’exposition des choix<br />
individuels assumés, exprimés <strong>et</strong> vécus, <strong>et</strong> aussi lieu de débat public. Dès lors on peut considérer que la<br />
sphère privée ne s’oppose pas à la sphère publique, mais que l’espace social est le prolongement de<br />
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c<strong>et</strong>te sphère privée. C<strong>et</strong>te sphère privée relève plus essentiellement du particulier, de l’intime, de la<br />
famille. Lieu de l’intime, non pas au sens chrétien de l’individu avec son Dieu,<br />
¡mais comme espace réservé qui s’est autonomisé de la communauté. Au plan sociologique on constate<br />
qu’autrefois la société existait sous le visage de la communauté. La sphère de l’intime était alors très<br />
faible ; c’est la communauté qui primait. C<strong>et</strong>te communauté, qu’elle se nomme clan, tribu, <strong>et</strong>hnie, ou<br />
communauté villageoise, exerçait sur l’individu une forte pression sociale. Tout un chacun était sous le<br />
regard des autres <strong>et</strong> par la force des choses chacun était « remis en pace, remis à sa place » par<br />
l’exercice du contrôle social. C<strong>et</strong>te communauté traditionnellement reliée à Dieu vivait dans la<br />
transcendance, laquelle s’incarnait très concrètement dans la culture ; par exemple le roi, représentant<br />
de Dieu sur terre, était au somm<strong>et</strong> de la hiérarchie sociale. Les mentalités <strong>et</strong> les comportements qui en<br />
découlaient ont connu un grand bouleversement sous l’influence des philosophes des Lumières <strong>et</strong> des<br />
philosophes de la mort de Dieu.<br />
Auparavant, la religion dans sa vision transcendantale expliquait le monde, l’univers <strong>et</strong> les hommes.<br />
Aujourd’hui la science a pris le relais <strong>et</strong> prétend expliquer toute chose, l’univers <strong>et</strong> les hommes. Par<br />
exemple, la sociologie explique les faits sociaux relatifs aux hommes vivant en société, mais partant, dans<br />
sa prétention scientifique, a viré au sociologisme scientiste <strong>et</strong> positiviste.<br />
Or dans une communauté où Dieu est présent, la sphère publique, composée d’hommes <strong>et</strong> de femmes<br />
chrétiens qui à la tête de l’Etat agissent en chrétiens, ouvre droit à un espace social qui se constitue <strong>et</strong><br />
se développe dans <strong>et</strong> par une mentalité de la transcendance. Mais lorsque vous évacuez Dieu vous<br />
obtenez un Etat, qui comme le stipule la loi sur la laïcité, n’a pas de reconnaissance officielles des<br />
religions, mais perm<strong>et</strong> en revanche l’exercice des religions dans l’espace social. Or, l’on voit un Etat qui<br />
s’est sécularisé, <strong>et</strong> se sécularisant a produit une société qui se sécularise d’autant plus. Dès lors les<br />
mentalités se construisent sans Dieu. Cela est extrêmement important eu égard au problème de la<br />
frontière privée, publique. On constate que l’exigence de la laïcité va produire un eff<strong>et</strong> pervers : le<br />
religieux va être transféré dans le domaine du privé au prétexte du caractère laïque de la sphère<br />
publique, au mépris du droit à l’exercice du religieux dans l’espace social, lequel dépasse le simple cadre<br />
du parvis de l’église.<br />
En eff<strong>et</strong>, la société s’étant sécularisée, la place publique elle-même est investie d’hommes <strong>et</strong> de femmes<br />
qui ont perdu leur référence à Dieu. Dès lors c<strong>et</strong>te place publique est le lieu de la multiplicité des<br />
cultures tant les uns <strong>et</strong> les autres avons sur la planète des valeurs différentes.<br />
On va donc opposer au chrétien, qui s’exprime comme tel en public, c<strong>et</strong>te fameuse sphère publique laïque<br />
dans laquelle les fondements chrétiens ne sont pas admis pour en fait lui refuser l’accès à l’espace social<br />
<strong>et</strong> renvoyer toute expression religieuse à la sphère privée ; énorme confusion contredisant le droit à la<br />
liberté <strong>et</strong> à l’expression religieuse dans l’espace social.<br />
Si au nom du respect des cultures <strong>et</strong> du droit de chacun toutes les valeurs peuvent être revendiquées<br />
une question se pose : quel socle de valeurs choisir pour fonder le contrat social ? Ayant perdu la<br />
transcendance nous sommes conduits à ce qui semble la seule solution possible : le relativisme culturel ;<br />
ce que prône la sociologie. Le propre de la sociologie c’est de s’ériger en tant que science, donc elle ne va<br />
pas dire ce qui doit être mais ce qui est : celui-ci est comme-ci , l’autre comme ça, l’un mange des pâtes<br />
l’autre de la pizza, l’un considère que le corps est sacré, qu’il est un lieu très privilégié de la<br />
transcendance, l’autre va considérer que l’excision fait partie de la culture <strong>et</strong> à ce titre doit être<br />
respectée, <strong>et</strong>c. Ainsi on voit poindre le conflit culturel car nous sommes dans une situation où chacun a<br />
ses propres idées <strong>et</strong> ses propres ressentis.<br />
A ce propos, lorsqu’on parle de ressenti, de quel ressenti parle-t’on ? le ressent va nous relier plus<br />
fondamentalement aux passions, aux affects, <strong>et</strong> en ce sens risque de nous précipiter à terre au lieu de<br />
nous élever vers le ciel, tant c’est l’intelligence <strong>et</strong> la volonté, qui perm<strong>et</strong>tent à l’homme d’être homme<br />
pleinement. Si dès lors ce sont les affects, les sentiments <strong>et</strong> les émotions qui nous gouvernent <strong>et</strong><br />
fondent notre compréhension du monde, nous allons exiger de l’Etat qu’il prenne en compte nos<br />
individualités. S’en suit un phénomène d’imbrication : ce qui relève de la sphère privée (je reprends<br />
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l’exemple de la sexualité) va investir l’espace social, espace de l’expression publique <strong>et</strong> de la<br />
revendication à destination de la sphère publique : l’Etat. Une seule antienne : donner toute légitimité à<br />
ses ressentis comme source du vivre <strong>et</strong> ainsi s’épanouir pleinement. Ainsi, chacun sur c<strong>et</strong> espace social va<br />
exprimer ses revendications dans la difficulté de se faire entendre parmi toutes les voix qui parlent<br />
fort. La place publique est alors un lieu de confrontation, de contradiction, mais aussi d’oppression ;<br />
particulièrement dans la société dans laquelle nous sommes. Il est aisé de constater que les médias, la<br />
télévision en particulier, vont jouer un rôle essentiel sur c<strong>et</strong> espace social où s’agitent les individus mais<br />
aussi les corps intermédiaires que sont les partis politiques, les syndicats <strong>et</strong> les associations.<br />
Devant les revendications de chacun, l’Etat va rechercher l’intérêt général dans une conception laïque<br />
respectueuse du plus grand nombre, donc dans une logique libérale. En eff<strong>et</strong>, l’intérêt général y est<br />
défini comme la somme des intérêts particuliers. Dès lors, l’Etat, à l’écoute de l’espace social ; prend en<br />
compte plus particulièrement ceux qui parlent le plus fort. Surtout s’ils s’extraient d’un lieu, tel le lieu de<br />
l’intime, où ils se sont sentis oppressés. D’où le fameux slogan des féministes : le privé est politique.<br />
Quand le privé devient politique, l’intime devient politique, la sexualité devient politique, <strong>et</strong> partant<br />
toutes ses revendications. Or, si la sexualité est coupée de sa transcendance pour être fondée sur le<br />
ressenti, le pulsionnel, les revendications prennent des formes nouvelles ; par exemple, les personnes<br />
homosexuelles, en vertu de ce qu’elles ressentent vont exiger de l’Etat, qu’il fasse droit à leur<br />
spécificité. L’Etat, considérant une minorité oppressée, va y répondre positivement dans c<strong>et</strong>te<br />
conception laïque libérale.<br />
En vertu de l’opinion qu’au nom de l’amour tous devraient pouvoir se marier, le mariage est dès lors posé<br />
comme une revendication car il concerne la sphère publique, puisque l’Etat va le prononcer, l’espace social<br />
où il va s’exprimer socialement <strong>et</strong> juridiquement (publication des bans, témoins ...) Pourtant l’amour de<br />
deux individus n’est pas le fondement du mariage civil, lequel recherche l’édification d’une société stable<br />
au nom de l’intérêt général, mais en revanche fondement du mariage religieux.<br />
En ce sens on voit que le modèle conjugal du mariage civil d’un homme <strong>et</strong> d’une femme va être l’expression<br />
de c<strong>et</strong>te société stable. Quand il y a contestation de cela, en vertu de l’opinion que tout se vaut, <strong>et</strong> au<br />
nom de ce que l’individu ressent – l’amour sexuel par exemple – la revendication au mariage homosexuel<br />
devient comme naturelle. C’est la confusion des genres.<br />
Rappelons d’abord qu’au plan historique le mariage n’a pas toujours été fondé sur l’amour mais trouvait en<br />
grande partie sa légitimité dans la transmission du patrimoine. C’est une révolution récente que celle de<br />
l’amour romantique qui nous fait entrer dans le ressenti <strong>et</strong> les affects. De plus, la sphère publique,<br />
contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, n’est pas un lieu de la neutralité, mais le lieu d’une<br />
idéologie, celle du matérialisme.<br />
En conséquence, si nous faisons une incursion vers la question des méthodes naturelles de régulation des<br />
naissances nous comprenons que nous touchons au domaine de l’intime, du privé devenu politique. Or la<br />
question du contrôle de la reproduction a été vue à travers le prisme d’une mentalité techno-scientifique,<br />
aussi l’émancipation de la femme est-elle passée par la pilule.<br />
A partir du moment où par les méthodes naturelles de régulation des naissances nous proposons une<br />
alternative, nous proposons à l’Etat de sortir de l’intérêt général pour promouvoir le bien commun. Ce<br />
n’est pas du tout la même chose, parce que le bien commun va nous réintroduire dans la transcendance. La<br />
doctrine sociale de l’Eglise (pilier de la nouvelle évangélisation voulue par Jean Paul II) nous renseigne<br />
sur le bien commun en stipulant que les devoirs de la communauté politique appartiennent la sphère<br />
publique. Il y est écrit : « la responsabilité de poursuivre le bien commun revient non seulement aux<br />
individus mais, c’est une responsabilité qui incombe aussi à l’Etat, car le bien commun c’est la raison d’être<br />
de l’autorité politique ». On ne peut mieux dire.<br />
Ainsi l’Eglise affirme qu’on ne peut pas avoir un Etat coupé de la transcendance. Contrairement à ce qu’on<br />
nous raconte, l’Etat doit prendre en compte la parole des catholiques qui s’expriment dans l’espace social,<br />
sur la place publique. Les catholiques ne doivent pas avoir honte, ne doivent pas courber l’échine, face à<br />
tous ceux qui disent que la religion doit rester dans la sphère privée, celle de l’intimité. Au contraire,<br />
20<br />
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malgré l’évolution sociologique de notre société les catholiques doivent revendiquer leur place dans<br />
l’espace social, au nom même de la laïcité qui autorise la liberté religieuse <strong>et</strong> son expression publique. Il<br />
faut donc exprimer haut <strong>et</strong> fort nos idées <strong>et</strong> pratiques sur les méthodes naturelles de régulation des<br />
naissances. Je suis heureux qu’en cela le CLER à Lyon, soit sorti d’une certaine sphère de la<br />
confidentialité, celle des catholiques déjà convaincus, pour s’adresser plus largement à l’espace social,<br />
véritable trésor d’opportunités. Depuis dix ans l’équipe régionale des M.A.O, par la compétence <strong>et</strong> la<br />
bonne volonté de ses monitrices, s’est transportée au salon annuel de « l’écologie <strong>et</strong> des alternatives ».<br />
Ce stand dressé parmi tant d’autres a trouvé toute sa place tant le regard des visiteurs a changé. Au<br />
départ un regard suspicieux qui, au fil des années, s’est transformé en regard de bienveillance conduisant<br />
à ce que les uns <strong>et</strong> les autres fassent un pas. Nombreux sont ceux qui s’approchent <strong>et</strong> disent : « vous<br />
proposez quoi ? ». C’est bien c<strong>et</strong>te rencontre dans l’espace social qui perm<strong>et</strong> effectivement que les<br />
monitrices M.A.O puissent dire qui elles sont, ce qu’elles proposent <strong>et</strong> sur quoi tout cela est fondé. Ainsi<br />
la transcendance est réintroduite dans la sexualité, en prônant une alternative à la contraception <strong>et</strong> à la<br />
pilule en particulier.<br />
Autre point stipulé par la Doctrine sociale de l’Eglise : « pour garantir ce bien commun, le gouvernement<br />
de chaque pays a pour tâche spécifique d’harmoniser avec justice, les divers intérêts sectoriels ». Ainsi<br />
pour l’Etat l’intérêt général n’est-il que la somme des intérêts particuliers. Pour l’Eglise, il faut<br />
rechercher le bien commun, lequel passe par la justice, autre principe de la Doctrine sociale de l’Eglise.<br />
En cela, le bien commun de la société (que l’Etat doit rechercher) n’est pas une fin en soi ; il n’a de valeur<br />
qu’en référence à la poursuite des fins dernières de la personne, <strong>et</strong> au bien commun universel de la<br />
création entière.<br />
En conclusion, aux féministes hérauts du slogan «le privé est politique » j’opposerai Yvonne Kniebiehler,<br />
un autre féministe auteur du livre « Qui gardera les enfants ? ». Toute sa vie, Yvonne Knibiehler, a<br />
refusé de choisir entre profession <strong>et</strong> maternité. Elle rappelle que dans « le deuxième sexe », Simone de<br />
Beauvoir présentait la maternité comme une aliénation. Les féministes n’ayant r<strong>et</strong>enu que ce mot, Yvonne<br />
Knibiehler a lutté toute sa vie contre ce courant féministe qui a forgé une idéologie contre l’homme. Elle<br />
exprime que la venue de l’enfant est essentielle. Aussi est-il selon elle important pour les femmes de<br />
sortir de l’oppression sociale de tradition patriarcale, pour réintroduire la complémentarité de l’homme<br />
<strong>et</strong> de la femme pour <strong>et</strong> par l’enfant. Pour elle la maternité demeure un enjeu central de l'identité<br />
féminine. Cependant nous pensons que pour atteindre un tel objectif il convient de rem<strong>et</strong>tre en cause<br />
l’idéologie contraceptive pour favoriser la régulation naturelle des naissances qui perm<strong>et</strong> de repenser la<br />
perspective en réintroduisant la transcendance. Le chemin est tracé, les ouvrières <strong>et</strong> ouvriers encore<br />
trop peu nombreux mais remplis du désir d’oeuvrer.<br />
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L’ARBRE A CIGOGNES<br />
Notes prises pendant le colloque par P.Chassang<br />
22<br />
Isabelle ECOCHARD<br />
La PFN (Planification Familiale Naturelle) : observation <strong>et</strong> abstinence dans la définition de l’OMS.<br />
Plusieurs méthodes : Billings, sympto-thermique, mais il y en a d’autres.<br />
Dans la société <strong>et</strong> dans l’Eglise il y a un ostracisme qui pèse sur les méthodes naturelles.<br />
Pourtant des utilisateurs en sont heureux !<br />
CRITERES<br />
L’efficacité, l’innocuité, l’acceptabilité <strong>et</strong> la réversibilité sont le SMIC des critères de choix des<br />
méthodes, mais ce n’est pas suffisant pour en vivre.<br />
Plusieurs types de critères de choix sont rencontrés.<br />
Critères humains<br />
Notre attirance naturelle vers le bien le vrai <strong>et</strong> le beau se traduit dans notre domaine à trois niveaux :<br />
o L’autre est une personne, il n’est pas l’obj<strong>et</strong> de ma jouissance. Les MAO perm<strong>et</strong>tent de m<strong>et</strong>tre en<br />
acte ce désir de respecter l’autre comme une personne.<br />
o L’autre n’a pas besoin de se modifier pour moi, je peux l’aimer tel qu’il est.<br />
o La fertilité de l’autre est une richesse, elle n’est pas un risque pour moi.<br />
Critères spirituels qui font choisir les MAO<br />
o Notre corps est le visible de notre esprit. La fertilité est constitutive de la personne, y toucher<br />
c’est toucher à la personne.<br />
o La fonction de reproduction est une fonction du corps humain particulière. C’est elle qui nous<br />
perm<strong>et</strong> d’accéder à un mystère qui nous dépasse. La relation sexuelle, par la procréation, est au<br />
cœur du sacré.<br />
Critères chrétiens<br />
o La fertilité est une fonction particulière. Dans la Genèse c’est la seule fonction qui est décrite<br />
Elle perm<strong>et</strong> à l’homme <strong>et</strong> à la femme d’être co-créateurs.<br />
o Ne pas altérer le sens, la signification de l’unité union – procréation dans la relation sexuelle.<br />
o Dieu ne s’est pas trompé quand il nous a créés ainsi.<br />
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Les conditions pour le m<strong>et</strong>tre en application<br />
o Il faut une méthode bien codifiée.<br />
o Il faut un suivi : le rôle des moniteurs est très important.<br />
o Il faut un entourage facilitateur : famille, médecin, prêtre ne sont pas toujours facilitateurs…<br />
Les bénéfices<br />
Tendresse, dialogue, louange<br />
Les utilisateurs, par la continence qu’ils acceptent de vivre, sont le signe visible du dessein de Dieu sur le<br />
couple. Dans notre société déchristianisée, on comprend que cela puisse être rej<strong>et</strong>é.<br />
Vous trouverez sur le site « lescigognes.fr » le diaporama qui a servi d’appui à c<strong>et</strong>te conférence.<br />
La maman d’Isabelle ECOCHARD, Geneviève VIAU, est partie<br />
le 21 septembre 2007 vers la maison du Père.<br />
Nous l’assurons, ainsi que toute sa famille, de notre amitié<br />
<strong>et</strong> de notre prière.<br />
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ALLIANCE ET FILIATION<br />
Notes prises pendant le colloque par P.Chassang<br />
A priori : si les gens ne sont pas pour les méthodes naturelles, c’est simplement parce qu’ils ne<br />
comprennent pas la sexualité.<br />
24<br />
René ECOCHARD<br />
La sexualité conjugale est au cœur de la communion conjugale.<br />
L’union charnelle du couple est au croisement entre les générations (vertical) <strong>et</strong> les relations entre les<br />
hommes (horizontal).<br />
La générosité est une vertu qui se travaille.<br />
Alliance <strong>et</strong> filiation sont unies dans la relation charnelle.<br />
Deux familles sont liées par la relation charnelle. La société est liée par les nœuds charnels.<br />
Au fond, l’amour, c’est la qualité de l’alliance.<br />
L’amour est le lien horizontal, la vie est le lien vertical.<br />
L’amour est désir (éros), don (agape), dialogue (philia).<br />
Joie <strong>et</strong> plaisir ne sont pas constitutifs de l’amour, mais en sont la source.<br />
Bien distinguer ce qui est l’amour de ce qui en jaillit.<br />
L’approche mécaniste dissocie tout alors que tout est unifié :<br />
o En biologie, on a le choix de connaître ou de modifier.<br />
o En psychologie, on a le choix de prendre en compte ou on cherche à « avoir » du plaisir, du<br />
dialogue, du désir.<br />
Similitudes <strong>et</strong> différences.<br />
Réaction face à la faiblesse humaine : privilégier ce que l’on veut ou ce que l’on peut. (Sans opposer les<br />
deux, mais en prendre conscience.) Pour la PFN, il faut faire pencher la balance en faveur du vouloir.<br />
Pour annoncer Dieu, il faut le faire au moment qu’il convient.<br />
Actuellement, il n’y a pas de choix.<br />
Il faut former des moniteurs, mais cela ne suffit pas. Ce n’est pas qu’une technique, ni un mode de vie,<br />
mais une compréhension de la vie.<br />
Et il faut introduire la notion de faiblesse dans notre pédagogie, sinon nous mentons. Il faut trouver des<br />
mots. Parler de péché seulement au moment où on annonce Dieu.<br />
Attention, à ne pas passer au permis défendu parce qu’on n’arrive pas à assumer la faiblesse.<br />
Les couples ont un enfant de moins que ce qu’ils désirent.<br />
Vous trouverez sur le site « lescigognes.fr » le diaporama qui étaye c<strong>et</strong>te conférence.<br />
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TESTEZ VOS CONNAISSANCES<br />
C<strong>et</strong>te femme de 50 ans vient vous voir depuis quelques semaines déjà.<br />
Voici la courbe qu’elle vous présente :<br />
Comment interprétez-vous ce tracé ?<br />
Quels conseils ou commentaires lui faites-vous ?<br />
25<br />
Véronique VERKIMPE<br />
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REPONSE A « TESTEZ VOS CONNAISSANCES"<br />
- Fertilité pendant les règles : c<strong>et</strong>te femme a plus de 35 ans <strong>et</strong> des cycles courts (22<br />
jours) : puisque le couple ne souhaite pas d’enfants, nous lui déconseillons les unions<br />
pendant toute la durée des règles.<br />
- Elle repère très bien des jours secs après les règles, <strong>et</strong> sa période fertile comporte<br />
plus de 6 jours de glaire sentie (elle ne la voit pas, mais à son âge, c’est fréquent, <strong>et</strong><br />
c’est le cas déjà depuis plusieurs cycles, l’extériorisation de la glaire étant assez rare.<br />
Le couple peut donc avoir des unions les soirs des j. 8,9 <strong>et</strong> 10, » pas deux soirs de<br />
suite ».<br />
- NMB (j.10 à 15) : 36°45.<br />
- Trait haut : elle a déjà eu des décalages à 2 dixièmes, donc nous pouvons tracer à<br />
36°65.<br />
Le 1erJIPO : j.22.<br />
Nous remarquons (<strong>et</strong> ce n’est pas la 1 ère fois) un plateau haut très court. Je lui conseille<br />
de consulter un gynécologue, qui jugera si un traitement progestatif en post-ovulatoire<br />
conviendrait pour elle, autant pour le côté médical (insuffisance du corps jaune) que<br />
pour faciliter la vie du couple, les jours infertiles étant rares.<br />
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BULLETIN MAO<br />
OCTOBRE 2007<br />
SOMMAIRE<br />
EDITORIAL …………………………………………………………………………………………………..<br />
Véronique VERKIMPE<br />
L’HUMANISME INTEGRAL ……………………………………………………………………………<br />
Monseigneur François DUTHEL<br />
APPROCHE FONCTIONNELLE ET SYMBOLIQUE DE<br />
LA SEXUALITE HUMAINE ……………………………………………………………………………<br />
Charles-Daniel MAIRE<br />
SPHERE PUBLIQUE, SPHERE PRIVEE …………………………………………………………<br />
Yves GAVAULT<br />
L’ARBRE A CIGOGNES ………………………………………………………………………………………<br />
Isabelle ECOCHARD<br />
ALLIANCE ET FILIATION ……………………………………………………………………………<br />
René ECOCHARD<br />
TESTEZ VOS CONNAISSANCES ………………………………………………………….....<br />
Véronique VERKIMPE<br />
REPONSE AU « TESTEZ VOS CONNAISSANCES » .. ……………………………<br />
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