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DROGUE ET NARCOTRAFIQUANTS<br />
Cocaïne en cristaux<br />
Dès <strong>le</strong>s années 70, la production <strong>et</strong> <strong>le</strong> trafic de drogue se<br />
développent à grande vitesse en Amérique latine,<br />
particulièrement en Colombie. Stimulée par l'engouement<br />
grandissant des nations occidenta<strong>le</strong>s pour <strong>le</strong>s drogues, une<br />
véritab<strong>le</strong> économie parallè<strong>le</strong> se forme. Et bien sûr, c<strong>et</strong> afflux<br />
massif de devises étrangères fortes au pays (exempt de<br />
contrô<strong>le</strong>s fiscaux ou légaux) devient une source de financement<br />
importante, autant pour <strong>le</strong>s politiciens corrompus que pour <strong>le</strong>s<br />
organisations criminel<strong>le</strong>s <strong>et</strong> <strong>le</strong>s guérillas.<br />
En très peu de temps, <strong>le</strong>s appareils étatiques militaire <strong>et</strong> policier se<br />
r<strong>et</strong>rouvent fortement corrompus <strong>et</strong> impuissants devant <strong>le</strong>s<br />
narcotrafiquants. Exportant des milliers de tonnes de cocaïne,<br />
marijuana <strong>et</strong> autres substances illéga<strong>le</strong>s partout dans <strong>le</strong> monde,<br />
certains trafiquants colombiens acquièrent des fortunes colossa<strong>le</strong>s<br />
<strong>et</strong> un pouvoir considérab<strong>le</strong>. On par<strong>le</strong> désormais de<br />
« barons de la drogue », dont <strong>le</strong> plus célèbre est sans contredit<br />
Pablo Escobar, détenteur de l'une des dix plus grosses fortunes du<br />
monde.<br />
Aux prises avec de graves problèmes de consommation <strong>et</strong> de<br />
criminalité, <strong>le</strong>s sociétés occidenta<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s États-Unis en tête, font<br />
pression sur Bogota pour m<strong>et</strong>tre un terme définitif au trafic de<br />
drogue en provenance de Colombie. Des milliards de dollars seront<br />
engloutis dans la lutte à la drogue, autant par Washington que par<br />
Bogota.<br />
La valse des contre-pouvoirs<br />
Au cours des années 80, la Colombie est profondément déstabilisée<br />
par l'émergence de contre-pouvoirs incarnés par <strong>le</strong>s trafiquants de<br />
drogue, <strong>le</strong>s milices, la guérilla <strong>et</strong> l'interventionnisme des Américains,<br />
qui font pression à distance sur la politique intérieure du pays en y<br />
injectant capitaux <strong>et</strong> armements. Alors que <strong>le</strong>s présidents se<br />
succèdent à la tête de l'État, libéraux <strong>et</strong> conservateurs finissent par<br />
se confondre tandis que <strong>le</strong>s partis politiques se multiplient <strong>et</strong> que<br />
guéril<strong>le</strong>ros, trafiquants <strong>et</strong> paramilitaires étendent <strong>le</strong>ur domination sur<br />
des régions entières du pays. L'ère du bipartisme est désormais chose du passé en<br />
Colombie.<br />
Partout dans <strong>le</strong> pays, <strong>le</strong>s massacres, enlèvements <strong>et</strong> assassinats se<br />
multiplient. Le pouvoir du narcotrafic instal<strong>le</strong> son règne en perm<strong>et</strong>tant<br />
à une fou<strong>le</strong> de mouvements politiques <strong>et</strong> criminels de s'enrichir<br />
outrageusement <strong>et</strong> d'imposer, corruption aidant, <strong>le</strong>ur loi au peup<strong>le</strong> <strong>et</strong> à<br />
ses dirigeants. Reprendre <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> de son territoire national devient<br />
dès lors la mission première du gouvernement colombien.<br />
Mise à prix de la tête<br />
du trafiquant Pablo<br />
Escobar
UNE NOUVELLE CONSTITUTION (1990-1991)<br />
En réaction au désordre dans <strong>le</strong>quel s'enfonçait la société<br />
colombienne, une assemblée constituante, formée de<br />
représentants politiques, de guéril<strong>le</strong>ros, d'Indigènes <strong>et</strong> de<br />
religieux, est élue par la population, en 1990. Le rô<strong>le</strong> de<br />
c<strong>et</strong>te assemblée : rétablir l'ordre <strong>et</strong> la paix dans <strong>le</strong> pays. Un<br />
an plus tard, en 1991, <strong>le</strong> pays se dote d'une nouvel<strong>le</strong><br />
constitution. Consacrant <strong>le</strong> pouvoir souverain du peup<strong>le</strong>,<br />
c<strong>et</strong>te constitution prévoit une série de réformes des<br />
institutions politiques <strong>et</strong> de <strong>le</strong>ur fonctionnement. La justice, la reconnaissance des<br />
minorités, <strong>le</strong> partage des terres <strong>et</strong> <strong>le</strong>s droits sociaux sont éga<strong>le</strong>ment au cœur du<br />
document. Mais que vaut la meil<strong>le</strong>ure volonté du monde face aux armes <strong>et</strong> à la<br />
terreur ?<br />
Le Plan Colombie<br />
Au mois de juill<strong>et</strong> 2000, <strong>le</strong> Congrès américain modifie <strong>et</strong><br />
approuve un vaste plan d'aide (Plan Colombie) d'une va<strong>le</strong>ur<br />
de 7,5 milliards de dollars destiné à restaurer la prospérité,<br />
la sécurité <strong>et</strong> <strong>le</strong> renforcement de l'État colombien, plutôt mis<br />
à mal ces dernières années par l'opposition armée <strong>et</strong> <strong>le</strong>s<br />
narcotrafiquants. Ce plan, conçu par <strong>le</strong> président Andrès<br />
Pastrana, visait en premier lieu à inciter <strong>le</strong>s paysans à<br />
abandonner la culture de la coca <strong>et</strong> à se tourner vers des<br />
cultures de substitution. Le Plan Colombie comporte<br />
éga<strong>le</strong>ment un important <strong>et</strong> contesté vol<strong>et</strong> militaire, dont <strong>le</strong><br />
but est de renforcer l'armée colombienne <strong>et</strong> d'en finir avec <strong>le</strong>s guérillas <strong>et</strong><br />
narcotrafiquants.<br />
Une paix vouée à l'échec<br />
L'ex-président Andrès<br />
Pastrana<br />
En 1998, <strong>le</strong> président Andrès Pastrana, désireux d'entreprendre des pourpar<strong>le</strong>rs de<br />
paix avec <strong>le</strong>s FARC, <strong>le</strong>ur propose une reconnaissance politique <strong>et</strong> décrète la<br />
démilitarisation, dans <strong>le</strong> Caguan, d'une zone de 42 000 kilomètres carrés (tail<strong>le</strong> de la<br />
Suisse) dans <strong>le</strong> but d'entamer avec eux un véritab<strong>le</strong> dialogue de paix. Des<br />
procédures semblab<strong>le</strong>s sont éga<strong>le</strong>ment engagées avec l'ELN. Mais, sous la pression<br />
des militaires colombiens, de Washington <strong>et</strong> des politiques de renforcement de<br />
l'armée contenues dans <strong>le</strong> Plan Colombie, <strong>le</strong> processus de paix s'effondre en 2002 <strong>et</strong><br />
l'armée colombienne entreprend de réoccuper la zone démilitarisée. La guerre n'aura<br />
cessé que <strong>le</strong> temps de se refaire des forces, d'un côté comme de l'autre.
L'EMPIRE DE LA COCA<br />
À la base du narcotrafic moderne : la cocaïne. Une drogue lucrative <strong>et</strong><br />
convoitée dont toute la puissance réside en fait au cœur d'une inoffensive<br />
p<strong>et</strong>ite feuil<strong>le</strong> verte issue d'un arbuste appelé cocaïer.<br />
PETITE LEÇON DE BOTANNIQUE<br />
Cocaïer : arbuste à f<strong>le</strong>ur blanche des climats tropicaux d'Amérique du Sud<br />
appartenant à la famil<strong>le</strong> des érythroxylacées.<br />
Atteignant une hauteur maxima<strong>le</strong> de 2 m. Le cocaïer pousse<br />
généra<strong>le</strong>ment en altitude, soit entre 700 <strong>et</strong> 1800 mètres au-dessus<br />
du niveau de la mer. Bien qu'on r<strong>et</strong>rouve des dizaines de variétés<br />
de cocaïers, seu<strong>le</strong>s deux espèces sont cultivées pour la<br />
production de drogue : Erythroxylon coca <strong>et</strong> Erythroxylon<br />
novogranatense.<br />
De la feuil<strong>le</strong> de coca aux troirs de Miami<br />
Les feuil<strong>le</strong>s de coca contiennent très rarement plus de 3 % de cocaïne. C'est<br />
pourquoi il en faut une grande quantité pour en tirer des kilos de cocaïne. Les feuil<strong>le</strong>s<br />
de cocaïer peuvent être récoltées plusieurs fois par année, rapportant environ un<br />
demi-kilo de feuil<strong>le</strong>s par plant. Selon <strong>le</strong>s espèces <strong>et</strong> <strong>le</strong>s régions, on récolte en<br />
moyenne de une à deux tonnes de feuil<strong>le</strong>s par hectare.<br />
Les principa<strong>le</strong>s plantations de cocaïers se concentrent dans trois pays : <strong>le</strong> Pérou, la<br />
Bolivie <strong>et</strong> la Colombie.<br />
La feuil<strong>le</strong> du cocaïer, appelée coca, revêt en Amérique latine une va<strong>le</strong>ur<br />
traditionnel<strong>le</strong> <strong>et</strong> rituel<strong>le</strong> ancestra<strong>le</strong> chez <strong>le</strong>s populations indigènes. En eff<strong>et</strong>, mâchée<br />
depuis près de 5000 ans par <strong>le</strong>s Indiens sud-américains pour ses vertus stimulantes<br />
<strong>et</strong> thérapeutiques (apaise la soif <strong>et</strong> la faim), la coca, considérée comme une plante<br />
divine, était surtout réservée à la classe dirigeante <strong>et</strong> religieuse indigène.<br />
Transformation de la<br />
feuil<strong>le</strong> de coca<br />
À l'arrivée des Espagnols, l'usage de la coca s'est répandu à<br />
l'ensemb<strong>le</strong> des populations sud-américaines. Constatant <strong>le</strong>s<br />
vertus stimulantes de la coca, <strong>le</strong>s Espagnols en ont même<br />
longtemps fourni aux esclaves <strong>et</strong> aux Indiens afin<br />
d'augmenter <strong>le</strong>ur productivité dans <strong>le</strong>s plantations <strong>et</strong> <strong>le</strong>s<br />
mines. Beaucoup de travail<strong>le</strong>urs étaient éga<strong>le</strong>ment payés en<br />
feuil<strong>le</strong>s de coca.
Histoire de la cocaïne<br />
Molécu<strong>le</strong> de<br />
cocaïne<br />
(C17H21NO4)<br />
C'est en 1855 qu'un savant al<strong>le</strong>mand du nom de Friedrich<br />
Gaedcke réussit à iso<strong>le</strong>r la cocaïne contenue dans la feuil<strong>le</strong> de<br />
coca. Cinq ans plus tard, un autre Al<strong>le</strong>mand, Albert Nieman,<br />
élabore la cocaïne purifiée tel<strong>le</strong> que nous la connaissons<br />
aujourd'hui. Peu de temps après, la cocaïne est utilisée dans la<br />
fabrication de divers produits remontants <strong>et</strong> de tonics tels que <strong>le</strong><br />
Coca-Cola (1886). Rapidement, on constate <strong>le</strong>s eff<strong>et</strong>s de c<strong>et</strong>te<br />
poudre blanche dont l'usage se répand en Europe <strong>et</strong> en<br />
Amérique, dans la bourgeoisie <strong>et</strong> chez certains scientifiques en<br />
vogue tels que Sigmund Freud, qui expérimente <strong>le</strong>s eff<strong>et</strong>s de la cocaïne sur lui<br />
comme sur ses patients. Même Sherlock Holmes, célèbre détective des romans de<br />
Arthur Conan Doy<strong>le</strong>*, s'injectait morphine <strong>et</strong> cocaïne entre deux enquêtes... histoire<br />
de garder l'esprit éveillé.<br />
Bien que <strong>le</strong>s fumeries d'opium aient connu une certaine popularité dans <strong>le</strong> monde<br />
jusqu'au début du 20e sièc<strong>le</strong>, la consommation de drogues se veut plutôt margina<strong>le</strong><br />
dans <strong>le</strong>s sociétés occidenta<strong>le</strong>s. La révolution des mœurs qui s'abat sur l'Occident à<br />
la fin des années 50 <strong>et</strong> l'éclatement des idéologies conservatrices de l'époque étant<br />
des vecteurs puissants, c'est principa<strong>le</strong>ment au cours de c<strong>et</strong>te période que<br />
l'Amérique <strong>et</strong> l'Europe découvrent <strong>le</strong>s drogues. Du simp<strong>le</strong> cannabis à l'héroïne, en<br />
passant par <strong>le</strong>s hallucinogènes de toutes sortes, <strong>le</strong>s sociétés occidenta<strong>le</strong>s<br />
expérimentent en fait tout ce qui <strong>le</strong>ur tombe sous la main, cocaïne comprise.<br />
L'EMPIRE DE LA COCA<br />
Si <strong>le</strong>s drogues p<strong>le</strong>uvent sur l'Amérique du Nord depuis bientôt trois décennies,<br />
c'est seu<strong>le</strong>ment au début des années 80 que la consommation de cocaïne<br />
connaît son véritab<strong>le</strong> apogée.<br />
Période d'abondance économique valorisant <strong>le</strong> faste <strong>et</strong> <strong>le</strong> culte de la personnalité, <strong>le</strong>s<br />
années 1980 sont une terre particulièrement ferti<strong>le</strong> pour la consommation de<br />
stimulants comme la cocaïne, qui confère à ses utilisateurs, du moins en apparence,<br />
un sty<strong>le</strong> branché <strong>et</strong> juste ce qu'il faut d'évasion pour bril<strong>le</strong>r dans l'univers mondain <strong>et</strong><br />
superficiel des grandes vil<strong>le</strong>s.
Des stars de cinéma aux courtiers de Wall Stre<strong>et</strong>, la coke<br />
gagne en un rien de temps l'âme <strong>et</strong> <strong>le</strong> corps d'une génération<br />
à la recherche de paradis artificiels <strong>et</strong> d'émotions fortes.<br />
Symbo<strong>le</strong> de réussite socia<strong>le</strong>, de prospérité <strong>et</strong> de liberté, c'est<br />
bien sûr aux États-Unis que la cocaïne connaît <strong>le</strong> plus de<br />
succès.<br />
Jamais une substance illéga<strong>le</strong> n'aura conquis l'Amérique<br />
aussi rapidement.<br />
C'est désormais par dizaines de millions que se comptent <strong>le</strong>s<br />
consommateurs de cocaïne en Amérique.<br />
Le crack<br />
Principaux eff<strong>et</strong>s :<br />
• Euphorie<br />
• Perception accrue<br />
• Agilité intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong><br />
• Endurance physique,<br />
résistance<br />
à la fatigue <strong>et</strong> à la<br />
dou<strong>le</strong>ur<br />
Eff<strong>et</strong>s néfastes :<br />
• Accélération du rythme<br />
cardiaque<br />
• Sautes d'humeur<br />
• Crises de panique <strong>et</strong><br />
paranoïa<br />
• Forte dépendance<br />
psychique<br />
Les besoins légaux<br />
de cocaïne<br />
(médicaux <strong>et</strong><br />
pharmaceutiques)<br />
dans <strong>le</strong> monde<br />
sont de moins de<br />
500 kilos par an,<br />
alors que la<br />
production illicite<br />
annuel<strong>le</strong> atteint<br />
plus de 1000<br />
tonnes métriques.<br />
Le crack, ou rock, tire son nom du bruit qu'il fait lorsqu'on<br />
<strong>le</strong> chauffe ou encore de son aspect cristallin, voire<br />
rocheux. Ce concentré, de 5 à 10 fois plus puissant que la<br />
cocaïne, est en fait une base libre à environ 70 % de la<br />
cocaïne.<br />
C<strong>et</strong>te substance, qui atteint <strong>le</strong> cerveau très rapidement<br />
lorsqu'el<strong>le</strong> est fumée, est obtenue en traitant un sel de<br />
cocaïne par un alcalin.<br />
Apparue au début des années 80 dans <strong>le</strong>s rues des métropo<strong>le</strong>s américaines, c<strong>et</strong>te<br />
substance crée une très forte dépendance dès <strong>le</strong>s toutes premières prises. Son prix,<br />
relativement bas, a éga<strong>le</strong>ment facilité sa diffusion dans <strong>le</strong>s zones urbaines<br />
défavorisées.
La plus grande partie de la cocaïne produite<br />
dans <strong>le</strong> monde provient d'Amérique du Sud.<br />
C'est en Colombie que l'on produit<br />
actuel<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> plus de cocaïne, avec une<br />
production annuel<strong>le</strong> estimée entre 300 <strong>et</strong><br />
500 tonnes.<br />
NARCOTRAFIC ET CARTELS<br />
Depuis des sièc<strong>le</strong>s, des trafics <strong>et</strong> contrebandes de toutes sortes ont été<br />
répertoriés dans l'histoire humaine. Qu'il s'agisse de marchandises interdites,<br />
soumises à des quotas ou des contrô<strong>le</strong>s douaniers, il s'est toujours trouvé des<br />
gens pour contourner ces règ<strong>le</strong>s <strong>et</strong> faire transiter en douce ces marchandises<br />
proscrites, parfois même des êtres humains. Bien qu'il fût toujours fructueux<br />
<strong>et</strong> très répandu dans <strong>le</strong> monde, <strong>le</strong> trafic de la drogue n'avait jamais connu une<br />
tel<strong>le</strong> amp<strong>le</strong>ur, voire une tel<strong>le</strong> puissance, qu'à partir des années 80.<br />
Bien que <strong>le</strong>s trafiquants colombiens fournissent <strong>le</strong>s États-Unis en cannabis <strong>et</strong> autres<br />
stupéfiants depuis <strong>le</strong>s années 60, c'est grâce à l'explosion de<br />
la demande de cocaïne, à la fin des années 70, que<br />
producteurs <strong>et</strong> trafiquants de Colombie ont acquis des fortunes<br />
colossa<strong>le</strong>s <strong>et</strong> un pouvoir dont <strong>le</strong>s ramifications se sont<br />
étendues partout dans <strong>le</strong> monde.<br />
Pâte de coca<br />
Considérant l'amp<strong>le</strong>ur de la demande en<br />
provenance des sociétés occidenta<strong>le</strong>s,<br />
<strong>le</strong>s producteurs <strong>et</strong> trafiquants<br />
colombiens ont uni <strong>le</strong>urs forces en<br />
formant des cartels.<br />
Selon la CIA, on r<strong>et</strong>rouvait en<br />
Colombie, en 1981, environ 25 000<br />
hectares de culture de cannabis <strong>et</strong> de<br />
coca. En 2001, ces cultures occupent<br />
plus de 125 000 hectares en dépit des<br />
tentatives des Américains <strong>et</strong> de<br />
l'armée colombienne pour lutter<br />
contre la drogue.<br />
Assurant la sécurité de <strong>le</strong>urs installations <strong>et</strong> de <strong>le</strong>urs réseaux de distribution de façon<br />
agressive <strong>et</strong> bruta<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s cartels, qui se combattaient éga<strong>le</strong>ment entre eux, ont érigé<br />
de véritab<strong>le</strong>s empires criminels agissant au-dessus des lois <strong>et</strong> même des États.
Corrompant toutes <strong>le</strong>s couches de la société,<br />
provoquant la criminalité partout <strong>et</strong> allant même<br />
jusqu'à utiliser de grandes organisations financières<br />
pour blanchir <strong>le</strong>urs gigantesques profits, <strong>le</strong>s barons<br />
de la drogue sont vite devenus une menace pour la<br />
paix <strong>et</strong> la stabilité socia<strong>le</strong>, notamment aux États-<br />
Unis où 80 % de la cocaïne <strong>et</strong> environ 90 % de la<br />
marijuana consommées proviennent d'Amérique<br />
latine.<br />
Les principaux cartels<br />
DES CENTAINES DE<br />
MILLIARDS<br />
Les trafics d'héroïne, de<br />
cocaïne <strong>et</strong> de cannabis<br />
généraient, en 1990, en<br />
Europe <strong>et</strong> aux États-Unis,<br />
plus de 122 milliards de<br />
dollars. Dans <strong>le</strong> monde entier,<br />
ce chiffre monte à près de<br />
1000 milliards de dollars. Les<br />
trafics de cocaïne <strong>et</strong> d'héroïne<br />
constituent la moitié de c<strong>et</strong>te<br />
somme.<br />
Cartel de Medellin : Dans <strong>le</strong>s années 70, une poignée d'hommes originaires de<br />
Medellin, dont Jose Gonzalo Rodriguez Gach, trafiquant d'émeraudes, <strong>le</strong>s frères<br />
Ochoa, ranchers, <strong>et</strong> un criminel de rue du nom de Pablo Escobar, s'allient à un jeune<br />
trafiquant de marijuana, Carlos Ledher, <strong>et</strong> montent un réseau de transport de<br />
cocaïne vers <strong>le</strong>s États-Unis dans de p<strong>et</strong>its avions. Evitant ainsi <strong>le</strong>s embarrassants<br />
transports par valises, <strong>le</strong> cartel de Medellin réalise très rapidement des profits<br />
monstres. Le cartel de Medellin s'achète même une î<strong>le</strong> dans <strong>le</strong>s Caraïbes pour que<br />
<strong>le</strong>s avions puissent y faire <strong>le</strong> p<strong>le</strong>in <strong>et</strong> vo<strong>le</strong>r encore plus loin vers <strong>le</strong> nord. Fort de son<br />
succès, <strong>le</strong> cartel de Medellin ambitionne de contrô<strong>le</strong>r l'ensemb<strong>le</strong> du trafic de drogue<br />
en Colombie. Mais <strong>le</strong> caractère extrêmement vio<strong>le</strong>nt de Pablo Escobar conduit <strong>le</strong><br />
cartel à un affrontement direct avec <strong>le</strong> gouvernement colombien. Escobar déclare<br />
même la guerre à son propre pays. Soupçonné d'être à l'origine de centaines de<br />
meurtres de fonctionnaires, juges, policiers, dignitaires <strong>et</strong> journalistes, Pablo Escobar<br />
est emprisonné. Il s'évade peu de temps après. Il sera abattu à Medellin, en 1993,<br />
par <strong>le</strong>s forces de sécurité colombiennes <strong>et</strong> américaines.<br />
Le cartel de Cali : Connu comme une organisation criminel<strong>le</strong> plus stratégique que<br />
vio<strong>le</strong>nte, <strong>le</strong> cartel de Cali avait une approche bien différente de cel<strong>le</strong> de son rival de<br />
Medellin. Plutôt que de s'imposer par la force <strong>et</strong> la vio<strong>le</strong>nce, <strong>le</strong>s dirigeants du cartel<br />
de Cali, <strong>le</strong>s frères Rodriguez Orejuala, avaient plutôt opté pour la séduction <strong>et</strong> la<br />
corruption. Tentant de se rapprocher du gouvernement colombien plutôt que de <strong>le</strong><br />
combattre, <strong>le</strong> cartel de Cali investissait ses profits dans des entreprises<br />
colombiennes <strong>et</strong> américaines. Surnommé « the gent<strong>le</strong>men », <strong>le</strong> cartel de Cali tentait<br />
tout en douceur de placer ses propres représentants au gouvernement colombien.<br />
Le cartel aurait même financé <strong>le</strong>s campagnes é<strong>le</strong>ctora<strong>le</strong>s de plusieurs sénateurs <strong>et</strong><br />
d'un président au cours des années 80. Composé d'hommes d'affaires expérimentés<br />
<strong>et</strong> bénéficiant de technologies très avancées, <strong>le</strong> cartel de Cali exportait de la cocaïne<br />
jusqu'en Asie, en passant par l'Europe <strong>et</strong> l'Amérique. En 1995, <strong>le</strong>s frères Rodriguez<br />
Orejuala sont arrêtés <strong>et</strong> emprisonnés en Colombie. Ils s'entendent avec <strong>le</strong><br />
gouvernement pour ne pas être extradés aux États-Unis. La DEA pense qu'ils<br />
dirigent encore <strong>le</strong>ur empire de <strong>le</strong>ur prison. En novembre 2002, Gilberto Rodriguez<br />
Orejuala a été libéré de prison par <strong>le</strong>s autorités colombiennes en raison de son<br />
comportement exemplaire derrière <strong>le</strong>s barreaux. Il n'aura purgé environ que la moitié<br />
de sa peine. En 2003, il est toutefois remis en prison par <strong>le</strong>s autorités colombiennes.
LES ROUTES DE LA DROGUE<br />
Le principal marché de distribution de la drogue produite en Amérique latine<br />
étant <strong>le</strong>s États-Unis, c'est majoritairement par <strong>le</strong> sud qu'entrent <strong>le</strong>s cargaisons<br />
de drogue en Amérique du Nord.<br />
Comme l'ensemb<strong>le</strong> des avions <strong>et</strong> des bateaux en provenance de Colombie, de<br />
Bolivie <strong>et</strong> du Pérou est particulièrement surveillé par <strong>le</strong>s autorités américaines,<br />
<strong>le</strong>s trafiquants colombiens, qui constituent <strong>le</strong>s principaux exportateurs<br />
d'Amérique latine, utilisent nombre de p<strong>et</strong>its ports <strong>et</strong> aérogares des Caraïbes <strong>et</strong><br />
du Mexique pour y faire transiter <strong>le</strong>s cargaisons de drogue destinées aux États-<br />
Unis.<br />
Les cargaisons passent ensuite aux États-Unis via la frontière terrestre É.-<br />
U./Mexique, principal point d'entrée de la drogue en provenance de Colombie.<br />
PRINCIPALES ROUTES DU TRAFIC<br />
Les États-Unis comme meil<strong>le</strong>ur<br />
client<br />
On estime qu'environ 65 % de la<br />
cocaïne trafiquée aux États-Unis<br />
transite par c<strong>et</strong>te frontière<br />
particulièrement longue <strong>et</strong> diffici<strong>le</strong> à<br />
contrô<strong>le</strong>r. Utilisant <strong>le</strong>s voies<br />
terrestres, maritimes <strong>et</strong> aériennes,<br />
<strong>le</strong>s trafiquants ont construit une<br />
série de réseaux <strong>et</strong> de cellu<strong>le</strong>s de<br />
distribution qui couvrent l'ensemb<strong>le</strong><br />
de l'Amérique du Nord.<br />
Pour ce qui est de l'Europe, <strong>le</strong>s<br />
trafiquants colombiens utilisent<br />
diverses portes d'entrée pour <strong>le</strong>urs<br />
cargaisons à destination du vieux<br />
continent. Faisant généra<strong>le</strong>ment<br />
transiter la drogue par <strong>le</strong>s Antil<strong>le</strong>s ou<br />
Cap-Vert, <strong>le</strong>s cargaisons entrent<br />
ensuite dans <strong>le</strong> continent via des<br />
pays comme l'Espagne, <strong>le</strong> Portugal<br />
ou l'Italie. Certaines routes en<br />
provenance de Colombie passent<br />
éga<strong>le</strong>ment par l'Europe de l'Est.
LA NOUVELLE RÉALITÉ DU NARCOTRAFIC COLOMBIEN<br />
Bien que <strong>le</strong>s grands cartels aient été dissous par la répression <strong>et</strong> la guerre contre la<br />
drogue au cours des années 90, la production <strong>et</strong> <strong>le</strong> trafic de drogue n'ont accusé<br />
aucune baisse en Colombie ces dernières années. Si l'époque faste des grands<br />
barons de la drogue est désormais révolue, <strong>le</strong>s affaires continuent malgré tout en<br />
Colombie.<br />
De nos jours, la culture <strong>et</strong> la production de la drogue<br />
appartiennent à une multitude de p<strong>et</strong>ites organisations<br />
criminel<strong>le</strong>s, de guérillas <strong>et</strong> de paramilitaires qui<br />
transigent avec un éventail de mafias <strong>et</strong><br />
d'organisations criminel<strong>le</strong>s internationa<strong>le</strong>s (Mexique,<br />
Russie, Afrique, Italie, République dominicaine,<br />
Espagne, <strong>et</strong>c.) qui jouent <strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s d'intermédiaires <strong>et</strong><br />
de distributeurs, utilisant chacun <strong>le</strong>urs routes <strong>et</strong> <strong>le</strong>urs<br />
propres réseaux.<br />
Plus de grands cartels : désormais, on se fait<br />
discr<strong>et</strong>.<br />
Les laboratoires clandestins se<br />
comptent aujourd'hui par centaines<br />
dans <strong>le</strong>s jung<strong>le</strong>s d'Amérique latine.<br />
En pulvérisant <strong>le</strong>s grands cartels dans <strong>le</strong>s années 90, <strong>le</strong>s forces antidrogue<br />
colombiennes <strong>et</strong> américaines n'ont en rien atténué l'offre de drogue, ils l'ont plutôt<br />
morcelée en des dizaines de p<strong>et</strong>ites cellu<strong>le</strong>s plus ou moins unifiées. Si <strong>le</strong> risque de<br />
voir un cartel unique s'emparer du pouvoir en Colombie est aujourd'hui écarté, <strong>le</strong><br />
narcotrafic, lui, demeure florissant.<br />
Que ce soit pour <strong>le</strong> compte des guérillas, des groupes paramilitaires ou des diverses<br />
mafias, tous contribuent <strong>et</strong> profitent largement de la déstabilisation de l'État<br />
colombien, d'où jaillissent <strong>le</strong>s narcodollars à profusion. En fait, <strong>le</strong> rapport est simp<strong>le</strong> :<br />
plus il y aura de guerre <strong>et</strong> de vio<strong>le</strong>nce en Colombie, plus <strong>le</strong> narcotrafic y sera<br />
prospère. Que peut faire, concrètement, un gouvernement qui, depuis plus de 30<br />
ans, peine à simp<strong>le</strong>ment assurer <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> de son propre territoire.<br />
Le jour où l'État colombien sera assez fort pour contrô<strong>le</strong>r son<br />
territoire, ç'en sera fait des narcotrafiquants. Mais qui voudrait d'un<br />
tel scénario ? L'industrie colombienne de la drogue rapporte<br />
beaucoup trop d'argent pour être ainsi détruite.<br />
Ce qu'on recherche, au fond, ce n'est pas la destruction du marché de la drogue,<br />
mais bien son contrô<strong>le</strong>.
APRÈS LA COCAÏNE, L'HÉROÏNE<br />
D'abord trafiquant de marijuana <strong>et</strong> de cocaïne, <strong>le</strong>s narcotrafiquants<br />
colombiens n'ont pas mis beaucoup de temps à diversifier <strong>le</strong>urs<br />
activités <strong>et</strong> <strong>le</strong>urs produits.<br />
Selon <strong>le</strong>s autorités américaines, depuis 1993, l'offre d'héroïne en provenance de la<br />
Colombie a considérab<strong>le</strong>ment augmenté dans l'est des États-Unis. Faisant transiter<br />
<strong>le</strong>s cargaisons par bateaux <strong>et</strong> avions via des pays tiers comme <strong>le</strong> Costa Rica, <strong>le</strong><br />
Panama ou la République dominicaine, <strong>le</strong>s narcotrafiquants colombiens s'accaparent<br />
<strong>le</strong>ntement <strong>le</strong> marché de l'héroïne dans l'est américain en offrant à bon marché dans<br />
<strong>le</strong>s rues des grandes vil<strong>le</strong>s une drogue d'une pur<strong>et</strong>é très é<strong>le</strong>vée (avoisinant <strong>le</strong>s 90<br />
%).<br />
Ce sont principa<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s groupes criminels dominicains qui sont chargés de<br />
distribuer <strong>et</strong> de vendre la drogue pour <strong>le</strong> compte des Colombiens, dans <strong>le</strong>s grandes<br />
vil<strong>le</strong>s comme New York, Philadelphie ou Miami<br />
DES « NARCO-ÉTATS » AUX PORTES DE L'AMÉRIQUE<br />
L'utilisation de substances comme <strong>le</strong>s drogues ou l'alcool par une nation<br />
contre une autre nation est une tactique de déstabilisation bien connue <strong>et</strong><br />
souvent utilisée dans l'histoire de l'humanité. Des guerres de l'opium entre la<br />
Grande-Br<strong>et</strong>agne <strong>et</strong> la Chine à l'alcool distribué aux populations indiennes<br />
d'Amérique, ces substances peuvent devenir des armes dévastatrices lorsque<br />
utilisées sur une grande échel<strong>le</strong>.<br />
30 ans de lutte contre la drogue<br />
1971 : Le président Nixon déclare la drogue « ennemie numéro un des États-Unis ».<br />
1973 : Création de la Drug Enforcement Administration (DEA).<br />
1979 : Les Bahamas deviennent un lieu de transit pour la drogue entre la Colombie<br />
<strong>et</strong> <strong>le</strong>s États-Unis.<br />
1981-1982 : Ratification du traité d'extradition entre <strong>le</strong>s États-Unis <strong>et</strong> la Colombie.<br />
Émergence du cartel de Medellin. Accord entre Pablo Escobar <strong>et</strong> <strong>le</strong> général Manuel<br />
Noriega autorisant <strong>le</strong> transit de la cocaïne par <strong>le</strong> Panama. É<strong>le</strong>ction de Pablo Escobar<br />
au Congrès colombien.
1984-1985 : La DEA <strong>et</strong> la police colombienne découvrent Tranquilanda, la base du<br />
cartel de Medellin. La route de la drogue est déviée vers <strong>le</strong> Mexique.<br />
1984-1988 : Les cartels colombiens terrorisent <strong>et</strong> assassinent des dizaines de<br />
membres de la classe politique du pays.<br />
1986 : Début des opérations américaines antidrogue au Pérou, en Équateur <strong>et</strong> en<br />
Bolivie.<br />
1987 : Capture de C. Ledher <strong>et</strong> J. Ochoa à Medellin. La Colombie annu<strong>le</strong> son traité<br />
d'extradition vers <strong>le</strong>s États-Unis.<br />
1989 : Arrestation du chef du cartel de Tijuana, à Mexico. Assassinat par <strong>le</strong> cartel de<br />
Medellin de L.C. Garlan, candidat à la présidence de Colombie. Washington renforce<br />
ses actions dans <strong>le</strong> nord de l'Amérique du Sud. Les États-Unis envahissent <strong>le</strong><br />
Panama <strong>et</strong> capturent <strong>le</strong> général Manuel Noriega.<br />
1990 : Le président George Bush augmente de 50 % <strong>le</strong> budg<strong>et</strong> militaire consacré à<br />
la lutte contre la drogue.<br />
1991 : Les trois frères Ochoa (cartel de Medellin) se rendent à la police.<br />
1993 : Pablo Escobar est abattu par <strong>le</strong>s forces de sécurité colombiennes à Medellin.<br />
1995 : Les 5 chefs du cartel de Cali sont arrêtés.<br />
1998 : Opération Casablanca, une enquête sur <strong>le</strong> blanchiment d'argent menée par<br />
<strong>le</strong>s États-Unis. Octroi aux FARC d'une zone démilitarisée dans <strong>le</strong> Caguan.<br />
1999 : Opération Mil<strong>le</strong>nium. Arrestation par <strong>le</strong>s États-Unis de 31 trafiquants de<br />
drogue au Mexique, en Colombie <strong>et</strong> en Équateur.<br />
2000 : Application du Plan Colombie.<br />
2002 : Rupture du processus de paix entre <strong>le</strong>s FARC <strong>et</strong> l'État colombien.<br />
Intensification du Plan Colombie.
Au début des années 80, la puissance acquise par <strong>le</strong>s grands cartels colombiens<br />
commence à inquiéter <strong>le</strong>s autorités américaines, qui voient d'un très mauvais œil <strong>le</strong><br />
déséquilibre géopolitique engendré par <strong>le</strong> trafic de<br />
drogue dans des pays aussi près de <strong>le</strong>urs frontières.<br />
Sans compter la hausse importante de la criminalité <strong>et</strong><br />
de la vio<strong>le</strong>nce générée par <strong>le</strong> trafic de grandes quantités<br />
de drogue dans <strong>le</strong>s rues des vil<strong>le</strong>s américaines. En fait,<br />
<strong>le</strong>s grands cartels, la criminalité <strong>et</strong> <strong>le</strong>s coûts sociaux de<br />
la drogue commencent à menacer <strong>le</strong> mode de vie même<br />
des Américains.<br />
Des narcotrafiquants plus puissants que l'État<br />
Déclarant systématiquement la guerre au gouvernement colombien <strong>et</strong> allant même<br />
jusqu'à proposer publiquement de rég<strong>le</strong>r la d<strong>et</strong>te nationa<strong>le</strong> de la Colombie en<br />
échange de l'impunité, <strong>le</strong> cartel de Medellin était en voie de s'accaparer <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong><br />
des institutions politiques <strong>et</strong> une partie importante du territoire colombien. Infiltrant un<br />
à un, par la force ou la corruption, <strong>le</strong>s pouvoirs publics, terrorisant la classe politique<br />
du pays en multipliant vio<strong>le</strong>nces <strong>et</strong> assassinats, <strong>le</strong>s grands narcotrafiquants ne<br />
visaient rien de moins que <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> total de la Colombie.<br />
Combattre la drogue comme on va en guerre<br />
A<strong>le</strong>rtés par une tel<strong>le</strong> montée en puissance des cartels colombiens <strong>et</strong> de <strong>le</strong>ur<br />
influence grandissante sur <strong>le</strong>ur propre territoire national, <strong>le</strong>s Américains réagirent<br />
comme ils ont l'habitude de <strong>le</strong> faire : en lançant une guerre. On imagine faci<strong>le</strong>ment<br />
<strong>le</strong>s cauchemars de l'administration américaine d'alors qui anticipant l'apparition,<br />
pratiquement à ses portes, d'États dirigés par des trafiquants de drogue armés<br />
jusqu'au dents.<br />
Un scénario inquiétant qui, s'il n'était pas enrayé, menaçait de s'étendre aux pays<br />
voisins de la Colombie <strong>et</strong> de gagner, en Amérique centra<strong>le</strong>, des pays comme <strong>le</strong><br />
Panama, par exemp<strong>le</strong>. Rappelons qu'au début des années 80, Pablo Escobar, alors<br />
chef du cartel de Medellin <strong>et</strong> fraîchement élu au Congrès colombien, négociait<br />
activement des accords avec des dictateurs d'Amérique centra<strong>le</strong> tels que <strong>le</strong> général<br />
Manuel Noriega, du Panama, pour que <strong>le</strong>s cargaisons de drogues colombiennes<br />
transitent vers <strong>le</strong>s États-Unis en toute quiétude via <strong>le</strong> territoire national panaméen,<br />
par exemp<strong>le</strong>.<br />
Une guerre longue <strong>et</strong> coûteuse<br />
Mais la lutte contre la drogue sera longue <strong>et</strong> très onéreuse. C'est en moyenne plus<br />
de 70 milliards de dollars par année que consacrera <strong>le</strong> gouvernement américain à la<br />
DEA (Drug Enforcement Agency) <strong>et</strong> à l'armée pour intervenir contre <strong>le</strong>s<br />
narcotrafiquants en Colombie, en Bolivie <strong>et</strong> au Pérou. De plus, <strong>le</strong>s moyens militaires<br />
<strong>et</strong> technologiques dont disposaient <strong>le</strong>s gouvernements locaux étaient n<strong>et</strong>tement<br />
insuffisants pour venir à bout des narcotrafiquants. Ces derniers étaient en eff<strong>et</strong><br />
équipés d'armes modernes <strong>et</strong> de technologies carrément inaccessib<strong>le</strong>s aux<br />
gouvernements de ces pays en voie de développement.
CHAMP DE BATAILLE OU TERRAIN DE JEU DU PENTAGONE<br />
M<strong>et</strong>tant à contribution tous <strong>le</strong>s moyens<br />
technologiques dont ils disposent, <strong>le</strong>s militaires<br />
américains pourchassent depuis bientôt 30 ans en<br />
Colombie trafiquants <strong>et</strong> plantations, qu'ils<br />
localisent désormais du haut des airs à l'aide de<br />
satellites espions <strong>et</strong> de détecteurs thermiques<br />
ultra-sophistiqués. Des troupes colombiennes <strong>et</strong><br />
américaines au sol sont ensuite dirigées vers ces<br />
zones, zones parfois éga<strong>le</strong>ment arrosées de<br />
pesticides pour en assurer la destruction.<br />
Il va sans dire que toutes ces opérations de lutte<br />
antidrogue constituent une activité très intéressante pour<br />
<strong>le</strong>s stratèges <strong>et</strong> <strong>le</strong>s généraux du Pentagone qui, avec c<strong>et</strong><br />
ennemi permanent à combattre, n'ont pas trop de difficulté<br />
à convaincre <strong>le</strong> Congrès américain de <strong>le</strong>ur octroyer <strong>le</strong>s<br />
milliards de dollars nécessaires à la poursuite des Hélicoptères Black Hawk<br />
opérations <strong>et</strong> au développement d'armes <strong>et</strong> de technologies toujours plus<br />
sophistiquées. L'État colombien, en raison des nombreuses guérillas <strong>et</strong> des<br />
trafiquants présents sur son territoire, constitue éga<strong>le</strong>ment un très bon client pour la<br />
vente d'équipements militaires américains. Les 79 hélicoptères américains, dont 16<br />
Black Hawk, ach<strong>et</strong>és dans <strong>le</strong> cadre du Plan Colombie en font foi. Le pays constitue<br />
éga<strong>le</strong>ment une manne pour une fou<strong>le</strong> de sociétés américaines de toutes sortes que<br />
la présence des milliards de dollars américains <strong>et</strong> <strong>le</strong>s richesses naturel<strong>le</strong>s du pays<br />
attirent dans la région.<br />
Des résultats plutôt mitigés<br />
Mais, même transformée en guerre technologique, <strong>le</strong>s résultats<br />
de la lutte antidrogue sont plutôt mitigés, en comparaison des<br />
milliards qu'on y investit, notamment en raison de la corruption<br />
endémique des gouvernements locaux <strong>et</strong> du peu de sympathie<br />
pour la cause américaine dans c<strong>et</strong>te région du monde. Pour<br />
une grande partie des ces populations, qui souvent vivent de la<br />
culture de la coca ou du pavot, <strong>le</strong> problème n'est pas chez eux,<br />
mais bien dans <strong>le</strong> mode de vie des pays riches qui consomment de façon aveug<strong>le</strong> <strong>et</strong><br />
abusive des produits qu'eux ne font en fait que produire. Pourquoi s'attaquer à l'offre<br />
alors que <strong>le</strong> problème serait en fait la demande ?<br />
Lentement, <strong>le</strong>s Américains découvrent que <strong>le</strong> problème de la drogue en Amérique<br />
latine présente plusieurs fac<strong>et</strong>tes que <strong>le</strong>s hélicoptères <strong>et</strong> <strong>le</strong>s troupes d'élite ne<br />
sauraient résoudre. Dans c<strong>et</strong>te partie du monde, la coca est avant tout une façon de<br />
survivre pour la majorité de ceux qui la produisent <strong>et</strong> la transforment. La coca ou <strong>le</strong><br />
pavot, c'est très souvent la différence entre manger ou mourir de faim pour des<br />
milliers de famil<strong>le</strong>s que <strong>le</strong>s problèmes de toxicomanie des États-Unis ne concernent<br />
guère.