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Natura 2000 au grand parc de Miribel-Jonage
Jean-Louis Michelot (Ecosphère) et Murielle Champion (SEGAPAL)
1. Le contexte
En avril 2006, le réseau Natura 2000 français est composé de :
- 1300 SIC (sites d’intérêt communautaires au titre de la directive « habitats »), 4 millions d’hectares.
- 367 ZPS (Zones de Protection Spéciale au titre de la directive « oiseaux »), 4,5 millions d’hectares.
- pour un total de 6,5 millions d’hectares, soit 12 % du territoire national.
Parmi ces sites, le secteur de Miribel-Jonage est désigné au titre de la directive habitats, sur 3000 hectares
environ.
En France, la mise en œuvre de Natura 2000 est basée sur deux
principes :
- réalisation d’un document d’objectifs (« docob »), plan de
gestion sur 6 ans.
- priorité de la concertation sur toute autre approche
(règlementaire…).
Selon les sites, les documents d’objectifs sont réalisés sous le
pilotage de l’Etat par des associations, institutions ou bureaux
d’études (cas de Miribel-Jonage). Après avoir réalisé le diagnostic
et proposé des objectifs, les acteurs travaillent actuellement sur
les actions à mettre en œuvre.
2. Le site
Le site abrite 13 habitats d’intérêt européen, couvrant 840 ha,
soit 30 % de la surface du site.
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• Milieux aquatiques et zones humides :
¸ Gazons amphibies
¸ Eaux courantes à renoncules
¸ Eaux eutrophes naturelles
¸ Eaux mésotrophes à characées
¸ Cladiaies
• Milieux ouverts et semi-ouverts : 5 habitats
¸ Prairies sèches
¸ Pelouses sèches
¸ Saulaies à Saule drapé
¸ Prairies de fauche
¸ Mégaphorbaies
• Milieux forestiers
¸ Forêts galeries à Saule blanc
¸ Forêts alluviales résiduelles
¸ Frênaies-chênaies
…et 10 espèces animales
• Deux insectes : Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale)
Lucane cerf-volant (Lucanus cervus)
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• Six poissons : - Lamproie de Planer (Lampetra planeri)
- Chabot (Cottus gobio)
- Apron (Zingel asper)
- Toxostome (Chondrostoma toxostoma)
- Bouvière (Rodheus amarus)
- Blageon (Leuciscus soufia)
• Deux mammifères : - Castor (Castor fiber)
- Murin à oreilles échancrées (Myotis emarginatus)
Agrion de Mercure Le Blageon Le Castor
(Coenagrion mercuriale) (Leuciscus Soufia) (Castor fiber)
L’état de conservation des espèces et des habitats est mitigé. Plus de la moitié des surfaces d’habitats
correspondent à des milieux influencés par la dégradation du système fluviale (peupleraie à peuplier noir).
Certaines espèces (apron, toxostome) ne sont peut-être plus présentes aujourd’hui ; certains habitats n’occupent
que de très petites surfaces. Les habitats sont dégradés par les modifications du fleuve (absence de régénération,
enfoncement de la nappe…), l’embroussaillement des prairies à orchidées, et la pression des loisirs (sports
mécanisés en particulier).
Le diagnostic dresse également le bilan socio-économique du site, marqué par l’importance des activités
humaines : production d’eau potable, loisirs, hydroélectricité, agriculture, etc.
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3. Les objectifs
Le document d’objectif doit proposer “des objectifs de développement durable destinés à assurer la conservation
et, s’il y a lieu, la restauration des habitats naturels et des espèces”, dans le respect de la “sauvegarde des
activités économiques, sociales et culturelles qui s’exercent sur le site”
(décret du 20 décembre 2001)
Les objectifs proposés sont les suivants :
- objectifs quantitatifs : conserver les surfaces d’habitats et les populations d’espèces
o limiter les défrichements au maximum
o renaturer certaines surfaces dégradées
- objectifs qualitatifs : conserver ou améliorer l’état de conservation des habitats
o restaurer le système fluvial (relèvement des nappes…)
o contrôler la dynamique de la végétation (débroussaillement…)
o contrôler les effets des loisirs sur les milieux naturels
- objectifs complémentaires : se donner les moyens de la réussite du projet :
o doter le site d’un gestionnaire
o mettre en place un programme de suivi et d’évaluation
4. La stratégie d’action
Certains sites Natura 2000 sont localisés dans des régions où il n’existe pas, ou peu, d’acteurs ou de politique
en matière de conservation de la nature. Le docob constitue alors le document « fondateur » d’une telle
politique.
La situation est bien différente à Miribel-Jonage. Ce site est couvert par de nombreuses politiques publiques,
avec de nombreux acteurs compétents et motivés. Dans ces conditions, Natura 2000 doit être considéré
comme un élément de ce puzzle, permettant une prise en compte plus poussée des habitats et des espèces
dans les démarches actuelles. En matière de concertation, il ne s’agit pas de créer des structures nouvelles,
mais d’inscrire Natura 2000 dans les nombreuses structures existantes (comités de pilotage sur l’eau, les
loisirs, l’économie, les champs de captage de l’eau potable…).
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5. Les actions
La mise en œuvre des propositions du docob se basent sur des outils réglementaires, financiers ou administratifs
divers.
- Les contrats Natura 2000
Ces contrats sont signés entre un propriétaire et l’Etat français pour la réalisation d’actions du docob, avec
un financement Etat-Europe. Il s’agit d’un outil intéressant, qui devrait permettre de financer certaines
actions telles que l’entretien des pelouses à orchidées. L’intérêt de cet outil est toutefois limité par sa
lourdeur administrative et le manque de moyens affectés.
- L’évaluation des incidences
Les projets ayant une incidence sur les habitats et les espèces doivent faire l’objet d’une évaluation des
incidences, pouvant nécessiter un avis de la commission européenne, voire un rejet du dossier par
l’administration. A Miribel-Jonage, ce dispositif oblige les porteurs de projets à tenir compte des habitats
et des espèces ; il pourrait remettre en cause des projets très destructeurs.
- La conditionnalité des aides agricoles
Les aides agricoles sont conditionnées au respect de Natura 2000, et en particulier à l’absence de
défrichements de surfaces d’habitats ou d’habitats d’espèces. Dans la mesure où les défrichements sont
à peu près inexistants, cette mesure ne semble pas avoir d’influence sur les pratiques agricoles du site.
- La défiscalisation
La loi sur le Développement des territoires Ruraux prévoit de réduire certaines taxes pour les surfaces
d’habitats, à condition que le propriétaire signe une « charte Natura 2000 ». Cette mesure pourrait présenter
un certain intérêt pour le parc de Miribel-Jonage.
- La mise en cohérence des politiques publiques
Natura 2000 doit aussi et surtout être prise en compte par les politiques publiques qui portent sur ce territoire.
Cette mise en cohérence, basée sur la concertation et non sur la contrainte, peut potentiellement concerner
de nombreux sujets, par exemple :
- gestion des débits dans le fleuve Rhône
- projets du parc (remise en eau de bras fluviaux, réhabilitation d’un marais…)
- gestion de la réserve naturelle de Crépieux-Charmy
- etc.
- La création d’une Zone de Protection Spéciale
Le site de Miribel-Jonage, célèbre par son intérêt ornithologique, mériterait d’être classé comme Zone de
Protection Spéciale au titre de la directive européenne sur les oiseaux. Cette mesure donnerait plus de
cohérence au projet, en permettant de prendre en compte des mesures destinées aux oiseaux (gestion
des plans d’eau…).
- Le suivi et l’évaluation
Le site devra faire l’objet d’un suivi destiné à mesurer l’évolution de l’état de conservation des habitats et
des espèces, et d’évaluer l’efficacité des mesures mises en œuvre.
- L’animation et la mise en oeuvre
La réussite du projet doit passer par la désignation d’un organisme chargé de la coordination des actions
prévues au docob. Cet « animateur » pourrait légitimement être la SEGAPAL, gestionnaire du parc de
Miribel-Jonage, à condition de disposer de moyens de fonctionnement suffisants.
6. Natura 2000 vu par les acteurs du parc
Natura 2000 a fait l’objet de nombreuses polémiques en France, largement portées par certains acteurs de
l’agriculture, de la chasse, élus ruraux, etc.
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A Miribel-Jonage, la désignation du site a fait l’objet de relativement peu de réactions hostiles, si ce n’est celle
de la communauté urbaine de Lyon, qui craint que cette mesure n’alourdisse encore la gestion administrative
de ses projets dans les champs de captage de l’eau potable (création de bassins d’infiltration…).
Aujourd’hui, Natura 2000 ne fait pas l’objet de polémique sur le site, sans faire non plus l’objet d’un enthousiasme
particulier.
Cette désignation est ressentie par les acteurs locaux (élus et techniciens) de trois façons principales :
- une reconnaissance de la valeur du site, qui peut présenter un intérêt en termes d’image ou de pédagogie.
- un outil éventuel pour la mise en œuvre du projet du parc : bouclier contre des projets agressifs, aide
à la mobilisation de financements…
- une démarche venue du haut (Etat), potentiellement contraignante, source d’inquiétude pour certains
usagers.
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