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velée. Ils vivent dans des régions que<br />
nous avons, hélas ! oubliées depuis<br />
longtemps. Le matin les retrouve,<br />
moins empreints de merveilleux, mais<br />
disposés avec plus d'ardeur que la<br />
veille à vivre pour leur propre compte<br />
les extraordinaires aventures, qu'à<br />
force d'imagination ils rendent réelles.<br />
Il fait grand jour. Tarzan a repris droit de cité.<br />
Car, j'aurai certainement dû commencer par là,<br />
Tarzan est le héros du jour. Depuis le premier<br />
jour des vacances, ivres de cette ivresse sans égale<br />
de se trouver ensemble et de jouer avec leurs<br />
pairs, d'avoir pour domaine la<br />
forêt immense et les cimes<br />
géantes des pins, Pierre et<br />
Jacqueline avec Kot, leur cousin,<br />
jouent à Tarzan. C'est<br />
magnifique !<br />
Depuis que<br />
Weissmuller a<br />
illuminé l'écran<br />
de sa parfaite<br />
va lire. Elle a deviné, bien sûr, qu'il n'y a pas d'homme<br />
et que je vais répondre dans ce sens. Supérieure, elle<br />
me devance :<br />
— Mais non, ce n'est pas un homme. Il aurait mieux<br />
valu tuer un signe qu'un homme.<br />
Pierre reste rêveur. Puis enfin :<br />
— Si c'était pas un homme... c'était peut-être un<br />
automate !<br />
Pauvre joueur d'échecs !<br />
— Aaaaôa... âh ! aaaaaoâo... a... âh !<br />
Jacquotte et Pierre sursautent. D'une seule voix<br />
ils crient :<br />
— Tarzan !<br />
Puis ils sortent de la maison en ouragan. Ils se précipitent.<br />
Dans l'allée, en face d'eux, Kot arrive. Il s'annonce<br />
avec le seul cri digne de lui, celui de Tarzan.<br />
Pierre et Jacquotte répondent. Pour être impartial, il<br />
faut reconnaître que le cri de Kot est beaucoup plus<br />
parfait. Car Jacques n'est plus le charmant garçonnet<br />
qui va sagement en classe. Il n'est plus Jacques. Il n'est<br />
plus Kot, le délicieux gamin aux cheveux en broussailles,<br />
il est Tarzan !<br />
Sa supériorité de garçon de dix ans est incontestable.<br />
Les petits, qui ne comptent que huit étés, suivent son<br />
impulsion. A peine se rebellent-ils parfois contre une<br />
autorité par trop active.<br />
— C'est toujours toi Tarzan ! proteste Jacquotte,<br />
jamais aux autres.<br />
■— Mais qui serait Jane ? demande-t-il logique. Tu<br />
es la fille, c'est moi qui dois être Tarzan. Je sais grimper<br />
aux arbres, moi !<br />
C'est encore vrai. Kot grimpe aux arbres comme un<br />
singe. Cela lui vaut de la part des autres une envieuse<br />
admiration.<br />
— Tant pis, dit Pierre, pour aujourd'hui. C'est un<br />
peu à nous d'être Tarzan.<br />
Alors Jacques, dédaigneux et superbe :<br />
— Comment veux-tu être Tarzan ? Tu ne<br />
sais même pas faire le cri.<br />
Brouille passagère. Le soir même,<br />
Jacquotte, rendue plus indulgente<br />
par ses prouesses dans l'eau, dont elle a le<br />
droit d'être fière, sentant obscurément bouger en<br />
elle une parcelle du génie de nageur de Weissmuller,<br />
consent :<br />
— Je veux bien être fiancée encore.<br />
Sincère, elle ajoute :<br />
— C'est vrai, tu sais, maman. Il n'y a que lui qui<br />
sait bien faire le cri.<br />
Le lendemain, Kot paraît au bout de l'allée. Il s'annonce<br />
:<br />
— Aaaaôa... âh ! aaaaaoâo... a... âh !<br />
Jacquotte et Pierre se précipitent.<br />
— Aaaaôa... âh ! aaaaaoâo... a... âh !<br />
La journée sera une fois de plus consacrée à Tarzan.<br />
Au cours du déjeuner, Pierre demande :<br />
— Tonton Yves devrait nous installer des trapèzes<br />
dans les pins. Comme ça, on pourrait sauter d'un arbre<br />
à l'autre comme faisait Tarzan. Lui, il en avait des trapèzes,<br />
c'était plus commode, les arbres étaient si grands !<br />
Candeur admirable, jointe à un sens précis de l'observation.<br />
Tarzan est le héros du jour, rien n'est plus beau que<br />
lui, rien n'est plus magnifique que sa vie, aucun idéal<br />
ne vaut le Dieu. La vie physique, naturelle, un corps<br />
rompu à tous les exercices, pourvu que ce que l'on fait<br />
le soit très bien (pas de médiocrité surtout !). Mais, avant<br />
toute chose, cet ascendant mystérieux sur la nature et<br />
les siens, sur les grands fauves dociles et les éléphants<br />
monstrueux, cette royauté incontestée, cette royauté<br />
sans sceptre qu'un seul cri, cri d'appel et de ralliement,<br />
affirme dans un royaume sans limites.<br />
Rien de plus beau. Rien de plus enivrant.<br />
—■ Aaaaôa... âh ! aaaaaoâo... a... ah !<br />
La nuit, Pierre, Jacques et Jacqueline entendent en<br />
songe le magique cri d'appel :<br />
— Aaaaôa... âh ! aaaaaoâo... a... âh !<br />
Les bébés écoutent tout en jouant, préoccupés,<br />
semble-t-il, de tout autre chose. Violette, cependant,<br />
se suspend à une branche basse comme à un trapèze.<br />
Ses yeux qui rient et son sourire malicieux disent qu'elle<br />
compte sur un effet :<br />
— Je fais Tarzan ! annonce-t-elle.<br />
Les presque trois ans de Violette disent : «'Je<br />
fais Tarzan », comme ils disent : « Je fais dodo ».<br />
0 cinéma !<br />
ARLETTE JAZARIN.<br />
- —ACQUOTTE, j'ai demandé pour toi une photographie<br />
I de Pierre Blanchar. Dès que je serai rentrée à<br />
J Paris, je te promets de l'envoyer. Une photo pour<br />
toi toute seule, avec ton nom dessus...<br />
Jacquotte rougit de plaisir et de surprise. Elle est<br />
à la fois confuse et ravie. Le soir venu, la joie causée<br />
par la perspective de la photographie n'a pas diminué,<br />
bien au contraire.<br />
Pierre questionne :<br />
— Pourquoi maman a-t-elle demandé une photographie<br />
de Pierre Blanchar pour toi ? Pourquoi pas<br />
pour moi ?<br />
— Parce que moi, je l'aime, et puis toi, tu ne le<br />
connais pas.<br />
— Non, je ne l'ai jamais vu.<br />
— Mais moi je l'ai vu. Je l'ai vu dans Les Croix de<br />
bois, et puis aussi dans Le Joueur d'échecs.<br />
— Raconte pour voir !<br />
La sollicitation est inutile. Jacquotte, empreinte d'un<br />
sujet palpitant, qu'elle a vu il n'y a pas très longtemps<br />
encore, raconte avec force détails l'histoire terrible du<br />
Joueur d'échecs. L'automate qui tombe sous les fusils<br />
remplit Pierre d'horreur. Le sommeil étant survenu,<br />
impérieux, la mécanique qui travaille sans arrêt dans<br />
les jeunes cerveaux continue durant la nuit. Le sommeil<br />
de Pierre et Jacqueline est une féerie sans cesse renoubeauté,<br />
les petits<br />
«pensent»<br />
Tarzan et « vivent<br />
» Tarzan. Avant la période<br />
magique des vacances,<br />
il fallait un peu plus d'imagination.<br />
On avait ni forêt,<br />
ni arbres, ni liberté. Mais<br />
aujourd'hui on a tout ce qu'avait Tarzan pour<br />
vivre heureux.<br />
Encore en pyjama, assis sur son lit, Pierre<br />
rêve pour n'en point perdre l'habitude. Jacquotte<br />
est déjà levée, presque prête.<br />
— Dis, maman? Lorsque Tarzan est tombé<br />
dans la fosse du gorille, ce n'est pas un vrai<br />
gorille avec qui il se bat ?<br />
—■ Mais non, Pierre, ce n'est pas un vrai gorille.<br />
Tu vois d'ici le combat si Tarzan s'était trouvé en face<br />
d'un vrai gorille...<br />
—• C'était peut-être un homme qu'on avait mis dans<br />
la peau du gorille, dis, maman ? Il y avait bien quelqu'un<br />
dedans, puisqu'on voyait le sang qui coulait...<br />
Jacquotte guette sur mon visage la réponse qu'elle<br />
Buster Krabbc<br />
quelques-uns<br />
Au centre,<br />
autre « Tarzan », entouré de<br />
; ses jeunes adeptes au cours<br />
de leurs ébats. .