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Journal local - Grenoble et sa cuvette - N°3 - decembre 2009<br />

Le <strong>Postillon</strong><br />

parution à l’improviste<br />

villeneuve, l'UTOPIE à L'AGONIE p. 8<br />

1 euro !<br />

Pourquoi Le Daubé est-il Daubé ? # 4 p. 6<br />

Une même ville de Genève à Grenoble p.14


Edito<br />

Brèves<br />

A<br />

quoi bon ? A quoi bon tenter de faire un journal local indépendant,<br />

d’analyser l’évolution regrettable de tel quartier, de critiquer<br />

les orientations politiques prises par tel baron local, de parler de<br />

telle lutte occultée, de décortiquer la communication municipale<br />

ou para-municipale (Le Dauphiné Libéré) ? A quoi bon ces heures<br />

de recherches d’infos, d’écriture, de diffusion et de vente ?<br />

Fakir, journal local amiénois passé depuis peu en diffusion nationale, « fâché<br />

avec presque tout le monde », vient de fêter ses dix ans. A cette occasion, des<br />

membres actifs du Monde Diplomatique, de Là-bas si j’y suis et de Fakir<br />

ont pris la parole pour s’interroger sur le rôle de la presse alternative. Ils<br />

regrettèrent le manque de perspectives derrière l’information alternative :<br />

« A quoi bon s’informer si ça ne conduit pas à la réflexion et à quoi bon la<br />

réflexion si elle ne conduit pas à l’action ? ». Et de souhaiter que les médias<br />

alternatifs ne soient pas « une consommation de plus » mais un support aux<br />

luttes, rejoignant ainsi l’éditorial du dernier numéro du Plan B, journal de<br />

critique des médias : « Ce journal est un marteau, ses colonnes identifient<br />

les clous. À vous la main ».<br />

On ne réalise pas Le <strong>Postillon</strong> juste pour le plaisir de faire de « l’anti-Daubé ».<br />

Si on s’échine à arpenter les rues et nos claviers d’ordinateurs, c’est avec<br />

l’espoir de contribuer à éveiller l’envie de s’intéresser à ce qui se passe à<br />

côté de chez nous et - encore mieux – l’envie d’agir et de peser sur l’évolution<br />

de ce qui nous entoure.<br />

Précision<br />

«Incroyable! Vallini s’expose au CNAC! », «Hallucinant, ce graff de Migaud,<br />

il est où ce mur? ». Plusieurs lecteurs nous ont fait part de leur étonnement<br />

en découvrant les photomontages du précédent numéro du <strong>Postillon</strong>. L’un<br />

représentait des autoportraits de Vallini accrochés au mur de ce qui semblait<br />

être une salle d’exposition. L’autre montrait un graffeur rémunéré par La<br />

Métro peaufinant une fresque à la gloire de Didier Migaud, président de La<br />

Métro.<br />

Oui il s’agissait bien de photomontages et pas d’informations ! Leurs buts ? Se<br />

moquer de la propension de certains graffeurs de l’agglomération à accepter<br />

n’importe quel contrat institutionnel (comme la décoration des palissades<br />

du chantier du Stade des Alpes en 2004) et pointer du doigt le narcissisme<br />

d’André Vallini, président du Conseil Général, qui ne manque pas une page<br />

de son journal, Isère Magazine, pour y coller son portrait.<br />

Apprenant la superchercie, ces lecteurs nous ont alors reproché ces blagues<br />

non annoncées. Toutes nos excuses. Mais pourquoi autant de crédulité face<br />

à de telles énormités ? Est-ce dû au sans-gêne des autorités se permettant<br />

régulièrement tout et (surtout) n’importe quoi ? Ou à la naïveté et au manque<br />

d’esprit critique de la plupart d’entre nous, entretenus par la télévision et la<br />

presse poubelle ?<br />

Pour ne pas créer de nouveaux malentendus, précisons que l’image en haut<br />

à droite est un montage. Non, Geneviève Fioraso n’a pas – encore - pris la<br />

place de Michel Destot à la Mairie de Grenoble , elle reste pour l'instant<br />

adjointe. Et non, la pollution dans la cuvette ne contraint pas - encore – les<br />

élus à porter des masques à oxygène au conseil municipal.<br />

Où le trouver ?<br />

Le <strong>Postillon</strong> est en vente à la criée mais aussi :<br />

A Grenoble :<br />

Bar «Aux Zélées» : 31, rue André Rivoire (quartier Eaux Claires)<br />

Tabac Presse « La Bruyère » : 36, avenue de la Bruyère<br />

Presse «Le Saint-Bruno» : 67, cours Berriat<br />

Tabac-presse «Le Malherbe» : 1, avenue Malherbe<br />

Bar-tabac «Yaz Café» : 101, Galerie de l’Arlequin<br />

«Press’Bastille» : 8, Cours Jean-Jaures<br />

Bar-tabac-presse «La Cymaise» : 6, quai Mounier<br />

Restaurant «La Bonne Heure» : 65, avenue Alsace-Lorraine<br />

Tabac-presse «Le Cigarillo» : 54, avenue Félix Viallet<br />

Tabac-presse «Le Reinitas» : 27, bd Clemenceau<br />

Tabac-presse «<strong>Les</strong> Eaux Claires» : 22, rue des eaux Claires<br />

Tabac-presse «Le Berriat» : 97, cours Berriat<br />

Tabac-presse «Sandraz» : 50, cours Jean Jaurès<br />

Presse «Le point Virgule» : 25, rue Nicolas Chorier<br />

Tabac-presse «Le Barillec et Cie» : 5, rue Thiers<br />

Librairie-cantine «<strong>Les</strong> Bas Côtés» : 59, rue Nicolas Chorier (anciens<br />

numéros dispos également ici)<br />

Café-librairie «Antigone» : 22, rue des Violettes<br />

Le «Local Autogéré» : 7, rue Pierre Dupont<br />

Sur le campus :<br />

Tabac du Campus : 442, avenue de la Bibliothèque<br />

A Fontaine :<br />

Tabac-Presse «E. Vincenot» : 28, rue d’Alpignano<br />

A Echirolles :<br />

Tabac Presse «Molina&co» : parking Casino, 36, cours Jean Jaurès<br />

Proses, gribouillages, photos de vacances : Vulgum Pecus, Sylvain, Benoît<br />

Récens, Larbin F, Martine Delapierre, Pedro Navaja, Nardo et leurs ami-e-s.<br />

<strong>Les</strong> textes ne sont pas signés mais n’engagent que la responsabilité de leurs<br />

auteurs. Directeur de la publication : Arnaud Aichinar.<br />

Contact : lepostillon@yahoo.fr Adresse : Le <strong>Postillon</strong>, c/o <strong>Les</strong> Bas Côtés,<br />

59 rue Nicolas Chorrier, 38000 Grenoble. Tirage : 1000 exemplaires.<br />

Prochain numéro : A l'improviste.<br />

La démocratisation de la vidéosurveillance<br />

A l’heure des délocalisations et fermetures d’entreprises, s’il y a un<br />

secteur qui ne connaît pas la crise c’est bien la sécurité privée, avec un<br />

chiffre d’affaire en croissance annuelle de 9% depuis 1998. Protection<br />

de bâtiments publics, de chantiers, de maisons individuelles : le<br />

marché est gigantesque et les entreprises à avoir flairé le bon filon<br />

nombreuses. Parmi elles, Renilg, une société grenobloise qui vient de<br />

commercialiser Visidom, « un système de détection d’intrusion par<br />

vidéosurveillance performant, élégant (sic), respectueux de votre vie<br />

privée (re-sic) à un prix compétitif ». « Équipées de radars infrarouges<br />

et alimentées par batterie, de discrètes caméras murales sans fil<br />

détectent tout mouvement suspect, activent une sirène d’alarme et<br />

filment l’intrus. En moins de deux minutes, une vidéo transitant par<br />

ondes radio vers une centrale est transmise par message multimédia<br />

au téléphone mobile du propriétaire » (Le Point, 23/07/2009). Le<br />

but c’est de permettre la démocratisation de la vidéosurveillance,<br />

c’est-à-dire le développement du flicage de tous par tous : « Pratique<br />

également pour surveiller à distance si les enfants sont bien rentrés<br />

de l’école, ou si le chat dort tranquille sur le sofa... » (L’Express,<br />

22/01/2009). Une « innovation » tout droit sortie du sérail grenoblois.<br />

Renilg fait en effet partie du pôle de compétitivité Minalogic<br />

et a reçu le soutien financier de la Région Rhône-Alpes pour lancer<br />

Visidom. Son président, Jean Michel Gliner, fait partie de ces entrepreneurs<br />

grenoblois dynamiques chouchoutés par la députée Geneviève<br />

Fioraso, et s’active notamment dans INP Entreprises SA, Grenoble<br />

Université ou l’incubateur d’entreprises Grain. Le titre de son dernier<br />

bouquin doit réjouir Michel Destot et ses rêves de grandeur : « Lyon,<br />

Grenoble, la nécessité d’une Mégapôle ».<br />

LA Caravane publicitaire des nanos passe à Grenoble<br />

En 1990, à l’occasion de la suppression des PTT et devant l’hostilité des<br />

Français, le gouvernement socialiste organise un grand débat public<br />

pour faire passer le projet malgré la contestation. Suite au succès de<br />

l’opération, la Commission Nationale du Débat Public naît en 1995<br />

afin d’endormir par la parole tous les opposants aux projets étatiques.<br />

Cette année, rebelote : la Commission organise un grand débat<br />

national autour des nanotechnologies dans 17 villes françaises. Afin<br />

d’organiser les réunions, elle a fait appel à une agence de com’ I&E<br />

Consultants , « experte en stratégie d’opinion », connue pour avoir<br />

été recrutée à l’automne 2008 par le ministère de l’Enseignement<br />

supérieur et de la Recherche pour analyser et contrer le mouvement<br />

contestataire des enseignants et des étudiants. Cette fois-ci une liste<br />

de 147 questions potentielles a été élaborée afin de préparer les intervenants.<br />

Une manière de parer la contestation qui montre que tout<br />

est déjà écrit.<br />

Pour dénoncer la supercherie, une campagne de boycott de ces<br />

« débats » s’est montée autour du site www.nanomonde.org. Lors du<br />

premier débat, à Strasbourg, des opposants ont déployé une banderole<br />

sur la tribune « Débat pipeau, nanos imposées ». Pour le second, à<br />

Toulouse, de l’ammoniac a été répandue dans la salle, entraînant l’interruption<br />

du débat pendant 30 minutes. A Orléans, les flics étaient<br />

présents en nombre. A Clermont-Ferrand, le débat a été perturbé<br />

pendant deux heures et demi. Celui de Lille a dû être annulé à cause<br />

des opposants. Que se passera-t-il le 1er décembre à Grenoble, capitale<br />

des nanos et de leur contestation ?<br />

Compétitivité à la noix<br />

En Isère, les responsables politiques raisonnent toujours en termes<br />

de compétitivité, qu’ils parlent des nanos ou de noix. André Vallini,<br />

au cours d’un discours lors des 80 ans de la coopérative nucicole<br />

Coopenoix, a incité les producteurs isérois à « planter davantage de<br />

noyers » car « l’Isère a un rôle à jouer dans la conquête de nouvelles<br />

parts de marché ». La noix de Grenoble a « de sérieux atouts face<br />

à la concurrence des grands pays européens » et est donc « une<br />

production stratégique pour l’agriculture départementale » (Isère<br />

Magazine, 10/2009).<br />

Une vision compétitive de l’agriculture qui rentre dans une fuite en<br />

avant absurde. Un nuciculteur du Royans témoigne : « Bien entendu,<br />

le terrain est favorable à la culture de noix. Mais on peut également<br />

faire pousser beaucoup d’autres choses ici. Vouloir développer encore<br />

la filière de la noix, qui occupe déjà énormément de place au sol, c’est<br />

condamner le territoire à une sorte de monoculture, qui appauvrit<br />

les paysages et également l’autonomie locale. Cela rentre dans une<br />

certaine vision de la mondialisation, où les territoires sont spécialisés<br />

dans des domaines de production, ce qui implique beaucoup de<br />

transports et de pollution et ce qui favorise l’agro-industrie ».<br />

| Le <strong>Postillon</strong> | numéro 3 - décembre 2009<br />

Le <strong>Postillon</strong> | numéro 3 - décembre 2009 |


FATAL FLATERIE LOCALE!<br />

La BIFF (Brigade Internationale des Fatals Flatteurs) sévit sur les forums Internet en couvrant d’éloges des personnalités<br />

médiatiques ou intellectuelles afin de les ridiculiser. Généralement cela marche car, selon la BIFF : « les ânes convaincus de<br />

leur génie n’imaginent pas qu’on puisse rire à leurs dépens ». Nous, on essaye avec des personnalités locales. Ce coup-ci, c’est<br />

Julien Polat, jeune loup UMP ( 24 ans) qui monte, qui monte...Ce petit protégé d’Alain Carignon s’est fait piéger.<br />

Message laissé sur son blog, en commentaire d’un article ou il<br />

déblatérait sur le paradoxe d’être de droite et d’aimer le rap :<br />

Merci Julien pour ce texte qu’un ami vient de me faire<br />

découvrir<br />

Moi aussi j’ai le «paradoxe» d’être de droite et d’aimer<br />

le rap (pour tout te dire je suis un villieriste modéré<br />

(proche de l’UMP) et en rap j’adore particulièrement La<br />

Rumeur et Casey). Je suis donc ravi de lire une argumentation<br />

aussi bonne à ce sujet. En plus comme toi je suis<br />

grenoblois !!!<br />

Serais-tu intéressé pour monter un groupe ?<br />

J’ai composé des textes, je te mets pour l’instant juste<br />

quelques passages :<br />

«(..) En isère,<br />

c’est la misère<br />

le conseil général<br />

ne fait que dalle<br />

le président vallini<br />

passe son temps à Walibi<br />

alors pour lui ça commence à sentir le sapin<br />

mais bientôt il sera remplacé par Michel Savin (...)»<br />

ou<br />

« un réveil difficile de plus dans l’agglo<br />

Mais où est donc passé mon Destop<br />

je veux l’utiliser pour mettre un stop<br />

au règne sans fin de Michel Destot<br />

Trop, c’est trop, il est aussi nigaud<br />

que son collègue de la métro Didier Migaud<br />

aussi débile, aussi rétro, aussi maso<br />

que sa collègue députée Geneviève Fioraso (...)»<br />

Alors ça te branche ?<br />

J’ai des amis qui font des mixs...<br />

Réponds moi<br />

Merci<br />

Julien (et oui aussi...)<br />

Blacklisté par le F.B.I. Nardo, ancien étudiant en journalisme témoigne :<br />

| Le <strong>Postillon</strong> | numéro 3 - décembre 2009<br />

Et sa réponse, quelques temps après :<br />

Bonjour Julien,<br />

J’ai bien reçu le commentaire que tu as laissé sur mon<br />

blog, et je t’en remercie. Je te prie de m’excuser d’y<br />

répondre aussi tard. <strong>Les</strong> textes que tu as publié m’ont<br />

bien fait sourire, ils sont sympathiques…Il faudrait<br />

que nous essayions de nous rencontrer pour discuter, si<br />

nous avons manifestement pas mal de points en commun…<br />

Tu habites à Grenoble intra muros ? Quand es-tu le plus<br />

facilement disponible ? Au plaisir de te rencontrer.<br />

Bien amicalement,<br />

Julien POLAT<br />

Secrétaire Départemental Adjoint<br />

UMP 38<br />

Tél : 06 XX XX XX XX<br />

E-mail : julien.polat@XXXXXX.fr<br />

Julien (mais lequel ?) et ses amis lors de la victoire de son maître à penser<br />

« Vers la fin du mouvement anti-CPE j’ai fait partie de la poignée de manifestants qui a occupé les locaux de France Bleu Isère (FBI) à<br />

Grenoble. L’objectif était de prendre l’antenne en direct pour dénoncer le traitement du mouvement social par les médias. Finalement un<br />

message était enregistré pour être diffusé le soir même. Étonnamment FBI a tenu parole, en présentant ce document avec réserve, mais<br />

quand même. Avant qu’on évacue, l’atmosphère était assez tendue. L’agent des RG a été reconnu et sorti sous les huées. Des documents de<br />

travail ont été scotchés en guirlandes, les murs tagués : « médias bourgeois, menteurs, collabos » ou « médias partout, info nulle part ».<br />

La journaliste en charge de la station ce jour-là, en l’absence de la rédac-chef Catherine Charvet, était outrée par la revendication du groupe.<br />

J’ai parlé avec elle et d’autres gens de France Bleu. Le fait qu’il n’y ait pas de leader était trop déconcertant (« si vous êtes avec eux dites-leur<br />

de sortir et on négociera après! »), et le fait que je sois étudiant journaliste vécu comme une trahison. Ce jour-là, circonstance aggravante<br />

j’étais en mini-stage-pas payé à l’AFP Grenoble.<br />

Six mois passent. Mon master de journalisme à l’Institut d’études politiques touchait à sa fin et je devais me dégoter un stage longue durée,<br />

4 mois minimum, si possible dans un seul média. J’avais une touche avec FBI dont la rédac’chef intervenait dans notre formation. Ça n’était<br />

pas payé mais c’était avant que Génération précaire m’apprenne à trouver ça indécent.<br />

Mais je n’ai pas conclu. Au téléphone, Catherine Charvet m’explique qu’une journaliste a reconnu ma tête sur mon CV. « -Ah oui ... - Je<br />

comptais t’en parler... - tu comptais m’en parler ? - Bah oui ». Elle se marre. Si ça ne tenait qu’à elle elle passerait outre, mais elle ne prendra<br />

pas cette décision contre sa rédaction. La journaliste a mis son veto. Fin de ma carrière radiophonique ».<br />

De la Banque Postale à la Poste Bancale (1)<br />

Au détour d’une rue, un facteur grenoblois, prudemment anonyme,<br />

témoigne : « De toute façon, la privatisation, cela fait un moment<br />

qu’elle se prépare. Déjà depuis plusieurs années, on ne doit plus<br />

parler d’ « usagers » de La Poste mais de « clients », ce qui est très<br />

symbolique du changement de logique. Pour la direction, il faut avant<br />

tout réduire les coûts, alors ils rallongent les tournées et changent<br />

l’organisation pour ne pas avoir besoin de remplaçants. Au mois de<br />

septembre, le chef de La Poste Isère Savoie s’est même fait mettre<br />

au placard car il avait embauché trop de CDD pendant cet été. <strong>Les</strong><br />

sous-chefs sont sous pression et nous donnent des ordres qu’euxmêmes<br />

trouvent débiles. Tous les<br />

quinze jours, on nous rajoute une<br />

connerie à faire. Un jour, c’est un<br />

service autrefois gratuit que l’on<br />

doit maintenant faire payer aux<br />

« clients », comme les collectes<br />

de courrier pour les commerçants<br />

et entreprises, un autre<br />

c’est un autocollant qu’on doit<br />

coller quand autrefois un coup de<br />

tampon suffisait. Le plus ridicule,<br />

c’était au début de cet été quand<br />

on nous a demandé le plus sérieusement<br />

du monde de vendre le<br />

maximum de timbres de Johnny<br />

Halliday à nos « clients ». Et<br />

puis ils se foutent ouvertement<br />

de notre gueule : un jour, vers<br />

mi-octobre, ils nous ont annoncé<br />

qu’ils allaient compter le volume<br />

de courrier afin de « réajuster »,<br />

c’est-à-dire rallonger, les tournées.<br />

Comme par hasard, ce jourlà,<br />

il n’y avait rien car une bonne<br />

partie avait été bloquée au centre<br />

de tri... »<br />

Chamboulement dans les Chambarans<br />

Connaissez-vous les Chambarans ? Non ? C’est normal : pour l’instant<br />

il n’y a rien là-bas. Rien d’intéressant : ni centrale nucléaire, ni<br />

pôles technologiques, ni grandes entreprises. Tout juste trouve-t-on<br />

un camp militaire. Et puis des petits villages, des étangs et quelques<br />

paysans. Et surtout des forêts. Partout. Des arbres sur des centaines<br />

d’hectares.<br />

Vous trouvez ça normal, vous, qu’on laisse tel quel ce territoire, inutile,<br />

non-rentable ? De ne vouloir tirer aucun profit de ces champs<br />

bons à rien, mais à une heure de Lyon et Grenoble ? Vous trouvez<br />

décent de laisser les cervidés et les promeneurs, les pêcheurs et les<br />

sylviculteurs, simplement jouir de ces étendues de calme ? Non ? La<br />

plupart des notables locaux, et des conseillers généraux et régionaux,<br />

non plus.<br />

Après avoir projeté d’y implanter 70 éoliennes, puis un centre de<br />

stockage de déchets , ils ont finalement opté pour l’installation d’un<br />

Center Parcs. Un centre touristique géré par la société Pierre et Vacances,<br />

avec 5 000 clients constamment renouvelés. Le Conseil régional<br />

a accordé une aide de 7 millions d’euros, le Conseil Général de<br />

15 millions. Leur argument : créer des emplois. « Mais la destruction<br />

des Chambarans par sa transformation en zone touristique avec<br />

l’abattage d’une partie de la forêt, l’épuisement de sa nappe phréatique,<br />

la destruction de la vie sauvage et de la vie sociale locale, et<br />

son remplacement par une vie artificielle basée sur son inutilité et<br />

sa marchandisation, n’est-ce point déjà cher payé pour le bénéfice<br />

de quelques emplois creux ? » écrivent les opposants à ce projet.<br />

Mercredi 11 novembre, ils organisaient une marche dans la forêt<br />

bientôt interdite d’accès. Une des marcheuses témoigne : « On sait<br />

très bien que c’est perdu d’avance, que le projet a toutes les chances<br />

de se faire. Mais ce projet annonce de grands bouleversements pour<br />

toute la région. Ils ne vont pas s’arrêter là. Alors il faut faire entendre<br />

notre refus de cette évolution ».<br />

Le site des opposants au projet http://chambarans.unblog.fr/<br />

De la Banque Postale à la Poste Bancale (2)<br />

Le « référendum citoyen » organisé contre la privatisation de La Poste<br />

le samedi 3 octobre a connu à Grenoble comme ailleurs en France un<br />

certain succès. Cette initiative avait reçu le soutien du Parti Socialiste,<br />

assurant sur l’agglomération grenobloise financement des affiches et<br />

prêt de locaux. <strong>Les</strong> députés socialistes du coin (François Brottes en<br />

tête mais aussi Didier Migaud et Geneviève Fioraso...) en ont profité<br />

pour se refaire une virginité anti-libérale en prenant position contre<br />

la privatisation via les médias, leur blog ou à l’Assemblée nationale.<br />

Mais qui a voté, de 1997 à 2002, les privatisations de France Télécom,<br />

d’Air France, des Autoroutes du Sud de la France, du Crédit Lyonnais,<br />

d’Eramet, et du Gan ? La<br />

majorité de la « gauche<br />

plurielle » à laquelle<br />

nombre de députés<br />

socialistes appartenaient<br />

(Destot, Brottes,<br />

Migaud, Vallini).<br />

Droit de réponse<br />

Rappelons également<br />

que même si les<br />

stars locales actuelles<br />

n’étaient pas encore<br />

élues, ce sont les socialistes,<br />

avec l’appui des<br />

communistes, qui, en<br />

1990, ont fait disparaître<br />

les PTT et créé La Poste<br />

et France Télécom.<br />

Paul Faure de l'Union de quartier Berriat Saint-Bruno nous écrit :<br />

« L’article paru dans le numéro 0 du <strong>Postillon</strong> de mai 2009, nous<br />

a beaucoup surpris et peiné, par les écrits diffamatoires portés,<br />

injustement, à l’encontre de l’union de quartier Berriat St Bruno<br />

Europole, notamment la phrase suivante :<br />

« <strong>Les</strong> communautés se mélangent très peu, ce qui semble se confirmer<br />

dans les relations tendues entre l’union de quartier, composée<br />

uniquement de blancs, et la population magrébine ». Notre union<br />

de quartier existe depuis 1966, elle a toujours été apolitique, antiraciste<br />

accueillante aux étrangers comme aux autochtones. Nous<br />

avons toujours eu d’amicales relations avec toutes les ethnies composant<br />

la population du quartier, notamment magrébine, la plus<br />

nombreuse. Nous les aidons dans leur courrier personnel, dans<br />

leurs démarches administratives en les orientant notamment vers<br />

les services concernés. Nous accueillons dans nos locaux diverses<br />

associations à caractère anti-raciste ou social, comme à titre<br />

d’exemple « L’amicale des travailleurs algériens ». (...) Quand à la<br />

composition de notre conseil d’administration, « composé que de<br />

blancs », selon votre article, notre porte est ouverte à tous ceux<br />

français et étrangers, qui veulent collaborer, avec nous, à l’évolution<br />

positive du quartier. Nous avons eu durant de nombreuses<br />

années, un vice-président, originaire d’Afrique noire qui nous a<br />

quitté, à la suite d’une mutation professionnelle.<br />

Par deux fois, il est fait mention de mon nom (Paul Faure) dans<br />

votre article sur l’histoire du quartier, en vous déclarant surpris<br />

que je puisse être favorable à l’installation de nouvelles populations<br />

qui apportent du sang neuf à un quartier hier exclusivement<br />

ouvrier, et aujourd’hui en voie de mutation. Où est le mal ?<br />

Je confirme ma position, l’avenir est toujours devant nous, ce qui<br />

n’empêche nullement d’oublier le passé et d’en regretter parfois<br />

certains aspects. Encore faut il avoir la sagesse de « l’âge » pour<br />

comprendre cela ! »<br />

Le <strong>Postillon</strong> | numéro 3 - décembre 2009 |


GRAND FEUILLETON - EPISODE 4<br />

Pourquoi le Daubé est-il daubé?<br />

<strong>Les</strong> années 2000 : Le changement dans la continuité de la médiocrité<br />

Hurlant, comme beaucoup d’autres journaux, à « la crise de la presse », Le Dauphiné Libéré annonce au début des années<br />

2000 qu’il va « changer ». Découvrons comment ce prétendu changement ne fut que communication et détails techniques,<br />

n’entraînant aucune amélioration de la qualité de l’information proposée.<br />

C’est une affaire entendue depuis des dizaines d’années : dans les bistrots, les ateliers, les salles d’attente ou les chaumières;<br />

à Grenoble ou ailleurs, on appelle le Dauphiné Libéré le «Daubé». Ce surnom lui va si bien, résonne tellement comme une<br />

évidence que personne ne se donne la peine de l’expliquer. D’où vient-il ? Un hasard, un mauvais jeu de mots ? On ne sait pas.<br />

Le Dauphiné Libéré est daubé, voilà tout. Pourquoi perdre son temps à le démontrer ?<br />

Mais à trop se reposer sur cet acquis, on en ignore les enseignements. Car chercher à comprendre pourquoi le Dauphiné Libéré<br />

est daubé permet bien plus que de s’interroger sur le bien-fondé d’un surnom. Cela permet de faire un voyage au coeur de l’histoire<br />

de la Presse Quotidienne Régionale, de la presse en générale et de la vie politique grenobloise et d’en ramener des éléments<br />

de compréhension et de critique du monde dans lequel on vit. Tel est le but de ce feuilleton qui tâche d’étudier l’histoire, le<br />

développement et le fonctionnement actuel du Daubé.<br />

Début des années 2000 : sous le soleil<br />

du Dauphiné Libéré , rien de nouveau.<br />

<strong>Les</strong> mises en cause dues à l’affaire<br />

Carignon ne sont plus qu’un mauvais<br />

souvenir (voir l’épisode 3, dans Le<br />

<strong>Postillon</strong> n°2). Le ciel du monopole est toujours<br />

autant dégagé et le quotidien demeure la référence<br />

de l’information locale dans plus de 7 départements<br />

(Isère, Savoie et Haute-Savoie, Ardèche,<br />

Drôme, Hautes-Alpes, Vaucluse et des bouts des<br />

Alpes de Haute Provence et de l’Ain).<br />

Le Dauphiné Libéré n’a plus de concurrents<br />

directs à l’horizon mais il doit depuis quelques<br />

années affronter un adversaire bien plus<br />

redoutable : la fameuse « crise de la presse ».<br />

Phénomène commenté à longueur d’articles par<br />

ses « victimes », à savoir les journalistes, qui l’expliquent<br />

généralement par le développement de la<br />

télévision d’abord et d’Internet ensuite. Une explication<br />

facile, qui permet d’occulter leurs faiblesses<br />

et dérives, comme le commente Serge Halimi :<br />

« Tout le mal actuel, entend-on souvent, viendrait<br />

de ce pelé, de ce galeux d’Internet. Mais la Toile<br />

n’a pas décimé le journalisme; il chancelait depuis<br />

longtemps sous le poids des restructurations, du<br />

marketing rédactionnel, du mépris des catégories<br />

populaires, de l’emprise des milliardaires<br />

et des publicitaires » (Le Monde Diplomatique,<br />

10/2009).<br />

Toujours est-il que Le Dauphiné Libéré souffre,<br />

en ce début de millénaire, de cette « crise de la<br />

presse » et, malgré son monopole, voit sa diffusion<br />

et ses recettes publicitaires baisser d’année<br />

en année. <strong>Les</strong> chiffres de diffusion sont à la fois<br />

trompeurs, car ils prennent en compte les multiples<br />

abonnements gratuits, et difficiles à vérifier,<br />

car potentiellement manipulés par la direction qui<br />

a intérêt - pour les annonceurs et sa renommée - à<br />

annoncer des chiffres élevés. N’empêche que le<br />

journal ne cache ni « l’érosion des ventes, qui sont<br />

passées de 270 000 en 2001 à 253 000 en 2005,<br />

soit une baisse de 7% » (Lyon Mag, 04/2006), ni<br />

la baisse des « recettes publicitaires qui ont encore<br />

baissé de 2,5 % en 2002 » (Objectif Rhône-Alpes,<br />

02/2003).<br />

La recette est bien connue : quand une entreprise<br />

obtient de mauvais résultats, elle tente de les<br />

enrayer en annonçant des changements. Un « plan<br />

de modernisation » du journal est donc lancé en<br />

2003 pour un investissement de 52 millions d’euros<br />

(Objectif Rhône-Alpes, 02/2003).<br />

Le plan annonce des améliorations techniques :<br />

changements de maquette, de format et renforcement<br />

de la couleur grâce à l’achat de coûteuses<br />

nouvelles machines (voir l’épisode 2, dans Le<br />

<strong>Postillon</strong> n°1). A cause de leur importance, ces<br />

investissements prendront un peu de retard, mais<br />

seront finalement assumés grâce à l’argent frais<br />

de nouveaux propriétaires. Le groupe Hersant cède<br />

en effet le titre en 2004 à Serge Dassault, bien<br />

connu pour son amour de l’indépendance de la<br />

presse et du travail d’investigation : « Une certitude,<br />

Dassault n’a aucun complexe. Pour lui, les<br />

journalistes sont des « emmerdeurs », le pluralisme<br />

« une illusion » (Nouvel Objectif Rhône-<br />

Alpes, 04/2004). Mais le journal n’est pas assez<br />

rentable pour le marchand d’armes qui le revend,<br />

début 2006, au groupe Est Républicain, allié au<br />

Crédit Mutuel (voir encart).<br />

Le « plan de modernisation » annonce également<br />

un réel travail sur le fond. Jean-Marc Willate,<br />

directeur de développement éditorial au sein du<br />

groupe qui regroupe alors Le Dauphiné Libéré et<br />

Le Progrès, assure : « Nous ne nous contenterons<br />

pas d’un lifting. Notre projet est de changer en<br />

profondeur Le Progrès et Le Dauphiné Libéré ».<br />

En prenant tout de même garde de ne pas effrayer<br />

les annonceurs : « Nous n’avons pas l’intention<br />

de transformer Le Progrès et Le Dauphiné Libéré<br />

pour qu’ils deviennent des Canards Enchaînés »<br />

(Nouvel Objectif Rhône-Alpes, 07/2003).<br />

S’il y a une volonté de « changements en profondeur<br />

», c’est qu’il devrait y avoir la reconnaissance<br />

de dysfonctionnement. Or ceux-ci ne sont<br />

ni nommés, ni analysés. <strong>Les</strong> responsables du<br />

Dauphiné Libéré se contentent de communiquer<br />

à tout va sur une prétendue remise en question et<br />

un avenir prétendument différent.<br />

Comme en témoigne un article de La Croix<br />

(08/2004) : « Quand son président lui a dit qu’il<br />

fallait se pencher sur la qualité rédactionnelle du<br />

journal, Jean-Pierre Souchon [NDR : rédacteur en<br />

chef du journal] a bien compris qu’il faudrait aller<br />

jusqu’à « parler du fond des papiers ». Un exercice<br />

délicat, qui a répondu à l’attente des journalistes,<br />

qui ne demandaient pas mieux que de réfléchir à<br />

la qualité de leur travail. « Nous avons organisé<br />

plus d’une centaine de réunions, les journalistes<br />

se sont montrés très réalistes et inventifs. Cela a<br />

produit des approches formidables » estime le chef<br />

de chantier enthousiaste. « Notre pire concurrence<br />

ce ne sont pas les journaux qui nous côtoient,<br />

mais c’est l’indifférence. Alors soyons différents.<br />

» Un programme qui devrait, à terme, décoiffer<br />

Le Dauphiné Libéré. »<br />

On ne saura donc pas ni ce qui n’allait pas dans le<br />

« vieux » Dauphiné Libéré ni comment ses responsables<br />

comptent le « décoiffer ». Rester imprécis,<br />

cela n’engage à rien et permet de ne pas être pris<br />

en défaut par la suite. Ainsi la supercherie du changement<br />

est bien plus difficile à révéler.<br />

<strong>Les</strong> « changements en profondeur » vont en fait<br />

se limiter à d’infimes modifications, dont on peut<br />

déjà constater l’importance quelques mois avant<br />

le lancement de la nouvelle formule : « Afin de<br />

préparer nos lecteurs à cette évolution, nous allons<br />

modifier, dès lundi 11 juillet, le déroulé de votre<br />

édition afin de nous rapprocher du contenu du<br />

nouveau journal. Ainsi les avis de décès, jusqu’à<br />

présent insérés en page 4, seront désormais publiés<br />

dans une page spéciale entre vos pages locales<br />

et les petites annonces » (Le Dauphiné Libéré,<br />

9/07/2005).<br />

Le 3 mai 2006, la nouvelle formule est lancée.<br />

« Plus de 17 groupes de travail avec des journalistes<br />

et 70 réunions ont été organisées pour décliner<br />

le projet » (Présences, 06/2006). C’est le « fruit<br />

de trois ans de réflexion des salariés » (Dauphiné<br />

Libéré, 26/01/2006). L’occasion rêvée pour Henri-<br />

Pierre Guilbert, PDG du groupe Dauphiné Libéré<br />

depuis 2001, de prendre la plume et de signer un<br />

édito creux et populiste. Morceaux choisis : « Le<br />

nouveau Dauphiné Libéré est enfin arrivé. (…) Ce<br />

nouveau journal, nous l’avons conçu, construit,<br />

Le Crédit Mutuel, nouveau propriétaire du D.L.<br />

Le Crédit Mutuel était déjà actionnaire à 49% de la société Ebra, qui contrôle Le Courrier de<br />

Saône et Loire, Le Bien Public, Le Progrès, Le Dauphiné Libéré. Elle a racheté le 24 Juillet<br />

dernier les 51% restant à Gérard Lignac, actionnaire majoritaire de L’Est Républicain.<br />

« Déjà propriétaire du Républicain Lorrain et de l’Alsace, le Crédit Mutuel de l’Est<br />

devient donc l’actionnaire unique d’un ensemble de journaux qui font de lui le premier<br />

éditeur de presse régionale, devant le groupe Ouest-France ». Le Crédit Mutuel est donc<br />

le nouveau propriétaire du Dauphiné Libéré, sans que cela n’ait été annoncé – sauf erreur<br />

de notre part – dans le journal. La banque achète-t-elle des journaux par amour du journalisme<br />

? Sûrement pas. « Selon des sources internes, il s’agirait, pour le très secret Michel<br />

Lucas [NDR : le patron], d’asseoir son influence, et pour Le Crédit Mutuel, qui dispose<br />

d’une importante filiale informatique, de contrôler des vecteurs essentiels à ses activités<br />

bancaires et industrielles » (Nouvelobs.com, 07/09/2009).<br />

fabriqué, pour vous, pour vous seul. A chaque<br />

instant de l’élaboration de cette nouvelle formule,<br />

nous avons pensé à vous. Votre nouveau journal,<br />

fidèle à ses valeurs et à son histoire, nous l’avons<br />

voulu plus présent, plus proche de vous. (…) Il<br />

est le fruit d’un long travail d’écoute, auprès de<br />

vous. (…) Nous vous proposons un journal mieux<br />

construit, plus pratique, plus tonique, avec un<br />

contenu dense, rythmé et une information plus<br />

exhaustive et plus fraîche. Deux axes forts ont<br />

guidé notre démarche : - centrer le projet autour<br />

de vous, nos lecteurs. - renforcer ce qui est le coeur<br />

de notre métier : l’information de proximité. (…)<br />

Dans un monde où la culture de l’individualisme<br />

domine, nous voulons créer ou recréer la relation<br />

avec vous. Notre journal accompagne la vie. Il<br />

est le lien entre tous. Nous souhaitons renforcer<br />

ce lien et développer avec vous l’intelligence, la<br />

confiance, l’amitié ».<br />

Passons rapidement sur la pitoyable prétention de<br />

vouloir « accompagner la vie ». Guilbert n’a tellement<br />

rien à dire sur ces « changements en profondeur<br />

» annoncés, qu’il use et abuse du « vous »<br />

pour appeler ses lecteurs à la rescousse. « Trois<br />

ans de réflexion des salariés », « 70 réunions »<br />

pour finalement dire qu’on veut juste que « vous »<br />

achetiez le journal, c’est cher payé.<br />

Comme prévu, hormis la maquette et le format,<br />

« non, non, rien n’a changé, tout, tout, va continuer<br />

». Bien sûr, telle nouvelle rubrique est née,<br />

quelques pages ont été interverties, et le courrier<br />

des lecteurs a gagné de la place. Mais le fond n’a<br />

pas changé. <strong>Les</strong> articles, vite écrits par des journalistes<br />

ou correspondants locaux payés à coups de<br />

lance-pierre, sont toujours aussi rarement intéressants.<br />

<strong>Les</strong> enquêtes sont toujours aussi absentes.<br />

Le journal se contente toujours essentiellement de<br />

relayer les communiqués de la Mairie, de l’Hôtel<br />

de Police, de la Chambre de Commerce et d’Industrie<br />

ou des clubs de boules. Le journal brosse<br />

toujours dans le sens du poil ses annonceurs actuels<br />

et potentiels. Et on ne peut que sourire en relisant<br />

les déclarations d’intentions : « Rester un journal<br />

jeune... même soixante ans après son lancement »<br />

(Dauphiné Libéré, 01/12/2005).<br />

<strong>Les</strong> changements de fond ont été opérés sur d’autres<br />

supports investis par le groupe Dauphiné Libéré,<br />

notamment avec le lancement d’un hebdo gratuit<br />

et d’un site web, Grenews.com, sujet d’un prochain<br />

épisode. Mais Le Dauphiné Libéré version papier<br />

est resté égal à lui-même : daubé.<br />

| Le <strong>Postillon</strong> | numéro 3 - décembre 2009<br />

Le <strong>Postillon</strong> | numéro 3 - décembre 2009 |


Villeneuve, l'utopie à l'agonie<br />

Portés par l’esprit de 68, les<br />

concepteurs du quartier de la<br />

Villeneuve entendaient « changer<br />

la ville pour changer la vie ».<br />

Près de quarante ans plus<br />

tard, un projet de rénovation se<br />

prépare pour changer l’image<br />

de ce quartier stigmatisé en<br />

cité.<br />

Cette « utopie des années 70 »<br />

était-elle une chimère ?<br />

Qu’en reste-t-il ?<br />

La Villeuneuve ?<br />

La nomination « La Villeneuve »<br />

regroupe des réalités très différentes.<br />

Deux quartiers : l’un sur la commune<br />

d’Echirolles, l’autre sur Grenoble.<br />

Ce dernier, regroupant 12 000 habitants,<br />

est constitué d’espaces bien<br />

différents, avec les grandes barres de<br />

l’Arlequin, les plus petits immeubles<br />

des Baladins et de la place des Géants,<br />

ou le quartier d’Helbronner.<br />

Ce papier se concentre sur la<br />

Villeneuve de Grenoble. Avec un<br />

nombre limité de rencontres et de<br />

lectures, cet article n’a pas la prétention<br />

d’être exhaustif. La Villeneuve<br />

mériterait un nouveau livre.<br />

Photo : sculpture de "l'indien" dans le parc Verlhac datant de 1977<br />

Vendredi, fin après midi. La barre d’immeubles<br />

de l’Arlequin toise les enfants<br />

à la sortie de l’école du Lac. Louise, la<br />

trentaine, sort tout juste de son boulot<br />

et attend son fils. Un grillage ceinture<br />

l’école depuis la rentrée. Signe d’un temps révolu<br />

du quartier utopique de la Villeneuve, où les écoles<br />

étaient ouvertes et proposaient un enseignement<br />

expérimental. « Ce n’est pas du tout pour « l’utopie<br />

des années 70 du quartier » que je me suis<br />

installée ici, d’ailleurs j’en avais jamais entendu<br />

parlé. J’habitais Fontaine et j’ai dû vendre l’appart<br />

dans lequel j’étais. J’ai cherché à Grenoble<br />

mais tout était trop cher. Et puis j’ai trouvé ici à<br />

Villeneuve. C’est d’abord parce que c’était moins<br />

cher et puis quand j’ai découvert le parc qui se<br />

cachait derrière la galerie de l’arlequin, je me<br />

suis dit que ça serait idéal pour une fille comme<br />

moi, seule avec un enfant. » Lydie, ivoirienne, la<br />

main serrée dans celle de son fils alpague Louise<br />

« je passe tout à l’heure chez toi, ok ? » Elle non<br />

plus ne connaissait pas le projet initial du quartier<br />

: « Ici, on est comme une famille. On se parle<br />

facilement. C’est clair que c’est une cité. Y a des<br />

jeunes qui crachent partout, qui font peur à nos<br />

gamins avec leurs motos mais ça reste un petit<br />

paradis la Villeneuve ! On a tout à côté, pas<br />

besoin de voiture ! »<br />

Sur la place du marché, tentatives de discussions<br />

impromptues avec des habitants de la Villeneuve<br />

: « Alors, que reste-t-il de l’utopie des années 1970 ? »<br />

demande-t-on naïvement. « Quelle utopie ? »,<br />

« De quoi ? », « qu’est-ce tu m’embrouilles ? »,<br />

« ... », « tu veux dire les motos ? », nous répondent-ils.<br />

Comme une impression de s’être trompés<br />

d’adresse. Ou d’être autant à côté de la plaque que<br />

le premier journaliste de TF1 venu.<br />

Et pourtant, on ne rêve pas. La Villeneuve cristallisa<br />

beaucoup d’espoirs au moment de sa<br />

réalisation, à tel point qu’on parla « d’utopie ».<br />

L’espoir de changer la vie en changeant la ville.<br />

Le Nouvel Observateur titre le 15 mai 1972 :<br />

« L’anti-Sarcelles : comment à la Villeneuve un<br />

groupe d’animateurs et d’urbanistes, la bande à<br />

Verlhac, a osé construire la ville où l’imagination<br />

aura enfin le pouvoir. » Un espoir allant jusqu’à<br />

susciter une curiosité et un engouement national :<br />

« Tout ce que la France a d’urbanistes, d’architectes,<br />

de sociologues, de pédagogues, d’élus, de<br />

journalistes en quête de renouvellement est venu<br />

voir la Villeneuve. Au début des années 70, elle<br />

fut le Mont-Saint-Michel de tous ceux qui aspirent<br />

à « changer la vie. »(1) Alors que s’est-il passé<br />

entre 1972 et 2009 ? Qu’est-il arrivé pour que le<br />

mot utopie, rattaché au projet de quartier au début<br />

des années 1970, suscite, quarante ans plus tard,<br />

incompréhension au cœur même de ce quartier ?<br />

« Transformer les rapports humains »<br />

Au commencement étaient d’un côté un grand<br />

terrain vierge, ancien aérodrome de Grenoble, et de<br />

l’autre une équipe municipale cherchant à apporter<br />

une réponse à la crise du logement des années<br />

1960 avec une volonté d’innovation sociale. La<br />

majorité municipale regroupe des membres de la<br />

SFIO (futur P.S.), du P.S.U. et du Groupe d’Action<br />

Municipale (GAM) fondé par Hubert Dubedout,<br />

élu maire de Grenoble en 1965. Autour de Jean<br />

Verlhac, adjoint à l’urbanisme, se monte un projet<br />

ambitieux surfant sur le « changer la vie » en<br />

vogue à la fin des années 1960. La commission<br />

de travail se dote d’une charte qui débute ainsi<br />

: « Le projet Villeneuve se caractérise par une<br />

volonté de transformer les rapports humains dans<br />

la cité. » Est donc mise en œuvre une série d’innovations<br />

sur l’architecture, la mixité, l’éducation<br />

et les initiatives autogestionnaires. <strong>Les</strong> voitures<br />

sont laissées à l’extérieur du quartier. Sous les<br />

immeubles serpente une rue couverte et piétonne<br />

afin de faciliter les rencontres. <strong>Les</strong> couloirs menant<br />

aux appartements sont des coursives communiquant<br />

entre plusieurs montées. Des passerelles<br />

piétonnes permettent de se rendre d’un côté au<br />

centre commercial, et de l’autre au Cargo, l’ancienne<br />

Maison de la Culture. <strong>Les</strong> locataires et les<br />

propriétaires cohabitent dans les mêmes montées<br />

et se partagent le quartier. Des logements pour<br />

handicapés, des résidences pour personnes âgées,<br />

un foyer pour jeunes en difficulté sont mis en place.<br />

Une Maison de quartier regroupe le collège, la<br />

bibliothèque, des salles de réunion, des ateliers et<br />

un restaurant libre-service. Une télévision de quartier<br />

et une maison médicale sont lancées. Beaucoup<br />

d’efforts sont concentrés sur les écoles, « recouvrant<br />

l’enjeu le plus important. » (1) Elles entendent<br />

mettre en œuvre une pédagogie différente,<br />

non autoritaire, expérimentale et s’intègrent à l’immense<br />

parc situé au milieu du quartier. « Pas mal<br />

de gens modifièrent leur vie en choisissant de venir<br />

à la Villeneuve. C’est un cadre de direction d’une<br />

entreprise de la région parisienne qui abandonne<br />

sa situation pour venir ici.(...) C’est un non-violent<br />

qui se sépare de Lanza del Vasto, des chèvres et<br />

des moutons, pour venir établir à la Villeneuve une<br />

petite communauté de l’Arche, ou bien un prêtre<br />

qui renonce au sacerdoce paroissial pour prendre<br />

un magasin, et qui s’établit comme marchand de<br />

journaux. » (1) L’Arlequin est peuplé à ses débuts<br />

de près de 50% de ménages de cadres moyens et<br />

supérieurs.<br />

Premières désillusions<br />

Dès les premières années, la réalité se révèle<br />

moins attrayante que l’utopie dépeinte à travers<br />

plaquettes et articles de presse. La télévision de<br />

quartier capote vite. Des cadres, volontaires au<br />

départ, le fuient. En 1979, soit 7 ans après l’arrivée<br />

des premiers habitants, « certains vivent encore à<br />

la Villeneuve, mais beaucoup n’ont pas pu tenir et<br />

sont partis. C’est qu’il n’est pas habituel, pour un<br />

cadre de vivre dans un grand ensemble, (...) c’est<br />

très bien sur le papier, c’est généreux, c’est très<br />

chrétien de gauche, mais c’est difficile à supporter<br />

| Le <strong>Postillon</strong> | numéro 3 - décembre 2009<br />

Le <strong>Postillon</strong> | numéro 3 - décembre 2009 |


jour après jour. » (1)<br />

Ceux qui restent s’échinent à faire vivre la<br />

Villeneuve. Malgré les échecs, l’absence d’engouement<br />

de beaucoup d'habitants, ils soufflent<br />

sur les braises de l’utopie à travers les écoles,<br />

les initiatives associatives, les fêtes. Geneviève,<br />

ancienne institutrice, est arrivée dans le quartier<br />

à la fin des années 1970. Elle se souvient : « Dès<br />

qu’il y avait un événement marquant, il y avait une<br />

vie militante, les gens se réunissaient, essayaient<br />

de réagir. »<br />

Willy, la quarantaine, a grandi et habite toujours<br />

dans le quartier. Il garde un souvenir heureux de<br />

ses années d’enfance : « On a l’habitude de dire<br />

qu’on laissait nos portes ouvertes. Quand j’étais<br />

à l’école, on se mélangeait beaucoup, on passait<br />

notre temps chez les autres. Sur le lac, on faisait<br />

du patin à glace l’hiver et on passait nos journées<br />

dans l’eau l’été. On allait jouer dans les<br />

galeries des égouts, dans les gaines. On faisait<br />

beaucoup de patin à roulettes et de skate dans<br />

toute la galerie. »<br />

En 1983, Alain Carignon accède à la mairie et<br />

tourne la page des années Dubedout et des concepteurs<br />

de la Villeneuve. La droite, qui avait beaucoup<br />

critiqué la Villeneuve dans l’opposition,<br />

change la politique d’attribution des logements,<br />

ce qui provoque l'installation quasi-exclusive<br />

de personnes les plus en difficulté. Dans le livre<br />

Villeneuve de Grenoble, la trentaine, des témoignages<br />

estiment que ce tournant est une des causes<br />

de l’échec de la Villeneuve, car il aurait remis en<br />

cause la mixité sociale. Une explication à relativiser<br />

- car les cadres, comme on l’a vu, avaient<br />

déjà commencé à fuir la Villeneuve avant l’arrivée<br />

de Carignon -, et qui n’est pas partagée par tout<br />

le monde : « Étrangement, la mixité est vraiment<br />

arrivée sous Carignon, parce que plus d’immigrés<br />

sont venus habiter ou - disons - ont commencé à<br />

être parqués ici », nous explique Willy.<br />

Il n’y a sans doute pas de véritable tournant ou de<br />

moment décisif dans l’évolution de la Villeneuve.<br />

La droite n’a pas coulé « l’utopie », pas plus que<br />

la gauche ne l’a sauvée. D’ailleurs, cette utopie<br />

a-t-elle un seul jour existé ?<br />

Expérimentation versus administration<br />

André nous accueille autour d’un café. De<br />

sa fenêtre, on aperçoit l’école des Charmes,<br />

aujourd’hui fermée, dont il a longtemps été le<br />

directeur. Au loin, des barres d’immeubles et la<br />

chaîne de Belledonne. Il fait partie des « pionniers<br />

», puisqu'il a migré en 1973 à Grenoble pour<br />

vivre à la Villeneuve. Pour lui, si le quartier était<br />

différent, il le devait beaucoup au fonctionnement<br />

de ses écoles. Un système alternatif qui a disparu :<br />

« C’est la puissance de normalisation des administrations<br />

qui a peu à peu anéanti les expérimentations<br />

d’éducation alternative. Il y a eu une<br />

De haut en bas :<br />

Vue sur le Vercors du quartier des Géants<br />

La plaquette des débuts de la Villeneuve<br />

Lydie et Louise dans le parc Verlhac<br />

très forte volonté administrative de faire cesser<br />

ce fonctionnement qui dérangeait. Par exemple,<br />

on a innové en organisant le fonctionnement des<br />

écoles en trois cycles. A un moment on regroupait<br />

les grandes sections, les CP et le CE1, pour qu’ils<br />

travaillent ensemble, ainsi les grands aidaient les<br />

petits à organiser des goûters collectifs... Mais<br />

l’administration ne supportait pas ça, elle était<br />

furieuse de voir comment cela se passait. Elle<br />

s’est opposée à des départs de classes regroupant<br />

plusieurs niveaux de cycle 2 au prétexte que<br />

les enfants étaient sous la responsabilité de deux<br />

directeurs différents maternelle et élémentaire. »<br />

André regrette que les élus actuels n’aient pas<br />

soutenu les rares initiatives un peu novatrices. « La<br />

Mairie n’a pas soutenu jusqu’au bout l’initiative<br />

des « classes lecture » où des enfants de toute<br />

l’agglo venaient participer à des ateliers lecture à<br />

la Villeneuve. Toutes les années, avec le comité des<br />

fêtes, on organisait une grande chorale des enfants<br />

le samedi matin pour la fête du quartier. Mais<br />

depuis un an, les enfants ne vont plus à l’école le<br />

samedi matin. Donc ça n’a pas été fait cette année<br />

alors qu’il aurait fallu forcer l’administration à<br />

accepter des propositions exceptionnelles d’aménagement<br />

du temps scolaire. Trois semaines plus<br />

tard, la Mairie a pourtant réussi à faire venir des<br />

enseignants et des enfants un samedi matin pour<br />

faire la publicité du Projet éducatif grenoblois »,<br />

une initiative portée par la municipalité...<br />

Willy déplore également l’évolution récente des<br />

écoles du quartier : « Progressivement toutes<br />

les écoles ont été normalisées. Avant, tout tournait<br />

autour des écoles : enfants, parents, assos,<br />

... Ainsi, par exemple, l’école du Lac était La<br />

Maison du Lac (ce panneau au fronton de l’école<br />

a été enlevé l’an passé) : tout le monde y était<br />

le bienvenu. On s’intéressait à l’enfant et non à<br />

l’élève uniquement. Pas besoin de Base-élèves, les<br />

enseignants connaissaient les parents, prenaient<br />

du temps avec eux ... ils logeaient même dans le<br />

quartier. Le divorce entre enseignants et parents a<br />

été consommé l’an passé à l’école du Lac lorsque<br />

la nouvelle équipe pédagogique s’est opposée aux<br />

parents mobilisés autour des familles sans-papiers<br />

de l’école ... mobilisation (unique dans le quartier)<br />

lancée par l’équipe pédagogique précédente.<br />

L’argument de ces nouveaux arrivants ? Ils considéraient<br />

qu’on ne devait pas critiquer d’autres<br />

agents de l’Etat ! »<br />

Est-il possible de faire vivre des expériences alternatives<br />

en s’intégrant au cadre institutionnel et<br />

étatique ? L’histoire des écoles de la Villeneuve<br />

est marquée par cette question. Au vu de la situation<br />

actuelle, on serait tenté de répondre non. <strong>Les</strong><br />

écoles, devenues classiques et souffrant d’une<br />

réputation d’échec scolaire, sont maintenant fuies<br />

par la plupart des habitants du quartier. Preuve<br />

de cette désertion : les Charmes, les Bouleaux,<br />

la Rampe, les Frênes ont fermé. Il reste encore<br />

les Buttes, la Fontaine, les Trembles, les Genêts<br />

et le Lac mais l’une d’elles risque de disparaître<br />

De haut en bas :<br />

Léo habite depuis 30 ans à la Villeneuve<br />

Jeux à deux pas de l'école du Lac<br />

La galerie de l'Arlequin<br />

10 | Le <strong>Postillon</strong> | numéro 3 - décembre 2009 Le <strong>Postillon</strong> | numéro 3 - décembre 2009 | 11


De l’utopie sociale à<br />

l’utopie écologiste ?<br />

sous peu. « Maintenant la vie dans les écoles et<br />

le collège est assez dure et il n’y a quasiment plus<br />

rien de différent, déplore André. De quartier expérimental<br />

on est passé à des Zones d’Education<br />

Prioritaire et maintenant au « Réseau Ambition<br />

Réussite » qui conçoit l’enseignement avec un<br />

classique abominable, à l’encontre de ce qui se<br />

faisait dans les années 1970. »<br />

Une banale cité ?<br />

Le quartier est aujourd’hui stigmatisé comme<br />

une « cité ». Dans l’imaginaire de beaucoup de<br />

personnes, Villeneuve va de pair avec « agressions<br />

», « faits divers », « insécurité » ... Nombre<br />

d’habitants de l’agglomération de Grenoble n’y ont<br />

jamais mis les pieds, et on dissuade généralement<br />

les primo-arrivants d’aller s’y promener « parce<br />

que ça craint ». Geneviève s’insurge : « Il y a beaucoup<br />

de clichés négatifs autour de La Villeneuve.<br />

Notre quartier est particulièrement épié. Dès qu’il<br />

y a un petit problème, il est monté en épingle<br />

et «valorisé » par le côté Villeneuve ». Ahmed,<br />

habitant de la galerie, confirme : « Aujourd’hui,<br />

une adresse à la Villeneuve sur un CV, ça fait un<br />

point en moins. »<br />

Cette réputation est loin de refléter la réalité. On<br />

peut bien évidemment se promener tranquillement<br />

à la Villeneuve sans risquer de se faire dévaliser<br />

au moindre recoin de galerie. Des jeunes « tiennent<br />

les murs », roulent à fond en scooter dans la<br />

galerie, branchent des fois des jeunes filles, mais<br />

pour Geneviève, le quartier n’en est pas devenu<br />

invivable pour autant : « Il y en a qui n’arrêtent<br />

pas de dire que la violence, les agressions augmentent.<br />

Je refuse d’entrer dans ce genre de choses.<br />

Moi je suis une femme seule et je n’ai jamais subi<br />

de réelles agressions. Et je ne crois pas qu’il y<br />

en ait plus qu’ailleurs. » Une réflexion partagée<br />

par Louise : « En trois ans j’ai jamais eu aucun<br />

Haut : un appart dans le quartier Helbronner<br />

Bas : dans le parc, le bassin vidé pour l'hiver<br />

Page de droite : vue sur les quartiers Géants et Constantine<br />

souci, même en traversant le parc à trois heures<br />

du matin. Parfois je me fais traiter de « pétasse »<br />

par certains jeunes, mais je gueule et leur réponds<br />

et j’ai le sentiment qu’ils m’écoutent. (...) J’ai<br />

tout de suite été super attachée à la Villeneuve<br />

même si au début j’arrivais à me paumer dans<br />

les dédales de l’Arlequin. Aujourd’hui je défends<br />

mon quartier face aux idées reçues des gens qui<br />

n’y habitent pas ».<br />

Il ne s’agit pas de nier quelques réalités : trafics de<br />

drogue, dégradations, incendies de voitures... Mais<br />

comment évoquer « l’économie parallèle » et « les<br />

incivilités » sans dénoncer la difficulté de beaucoup<br />

à trouver une place dans la société ? Cette<br />

réalité n'est pas spécifique à la Villeneuve. Elle n'en<br />

plombe pas moins l’utopie initiale du projet.<br />

Aujourd’hui, plus personne ne laisse sa porte<br />

ouverte. <strong>Les</strong> associations, toujours massivement<br />

présentes, sont moins actives qu’auparavant. Suite<br />

à la rénovation du Cargo, la passerelle menant à la<br />

maison de la culture a disparu. Il est interdit de se<br />

baigner dans le lac - ce qui n’empêche pas nombre<br />

Il n’y a plus de traces d’utopie sociale<br />

dans les projets immobiliers actuels<br />

de la Ville de Grenoble (Caserne de<br />

Bonne, Bouchayer-Viallet) ou futurs<br />

(la Presqu’île, l’Esplanade...). La mairie<br />

ambitionne avant tout de « répondre<br />

à la crise du logement ». Une crise<br />

du logement dans l’agglomération<br />

qui s’entretient d’ailleurs depuis 40<br />

ans par la politique d’attractivité des<br />

élus, sans que les grands projets de<br />

construction n’y fassent rien. Si les<br />

élus parlent d’utopie, c’est à propos<br />

du caractère supposé « écologiste »<br />

de ces projets. La bande à Destot surfe<br />

ainsi sur le réchauffement climatique<br />

comme celle à Dubedout avait surfé<br />

sur Mai 68. Rendez-vous dans 40<br />

ans afin d’analyser la véracité de ces<br />

ambitions.<br />

de gamins de le faire - et il est impossible de skater<br />

sous la galerie « depuis qu’ils ont pavé ».<br />

Ceci dit, il semble plutôt plaisant de vivre à<br />

Villeneuve, comme le souligne Louise : « Dès le<br />

début je me suis senti super bien accueillie. Ici tu<br />

sors et tu ressens un esprit de voisinage bien plus<br />

développé qu’ailleurs. Dans l’allée où j’habite<br />

des covoiturages sont organisés, parfois je garde<br />

les mômes des voisins, d’autres fois ce sont eux<br />

qui s’occupent du mien » Le tram est à proximité,<br />

tout comme les commerces. <strong>Les</strong> habitants rencontrés<br />

ne tombent pas dans la surenchère sécuritaire<br />

et le repli sur soi. « Le quartier garde encore<br />

un certain côté qui ne se laisse pas marcher sur<br />

les pieds, selon André. Des gens s’organisent. Le<br />

"vivre ensemble" est toujours une bataille, mais<br />

cette bataille est toujours menée. »<br />

Mais si la vie est plutôt agréable, il n’y a rien qui<br />

sorte de l'ordinaire. <strong>Les</strong> rapports humains ne sont<br />

pas « transformés » mais juste un peu moins froids<br />

que dans d’autres quartiers. Par contre, comme<br />

ailleurs, ils sont surtout conditionnés par le règne<br />

de l’argent, dont le symbole local est le très proche<br />

centre commercial de Grand Place.<br />

« La réalisation de Carrefour et de Grand Place<br />

a été un des premiers échecs de La Villeneuve »,<br />

nous assure André. En effet, comment peut-on<br />

vouloir « transformer les rapports humains » dans<br />

un quartier en installant à proximité un temple<br />

de la consommation, avec comme élément-phare<br />

Carrefour ? A l’époque, les élus avaient tenté de<br />

minimiser cette contradiction en installant une<br />

fresque anti-consommation sur les murs du centre<br />

commercial. Cette fresque présentait des variations<br />

autour du « radeau de la méduse » et était une<br />

allégorie des dérives de la société de la consommation.<br />

Trente ans plus tard, la fresque a disparu,<br />

trop abimée et jamais entretenue. Elle a laissé la<br />

place à d’hideux panneaux brillants. La société de<br />

consommation, elle, se porte bien, merci.<br />

Cette proximité a largement influencé le développement<br />

de la Villeneuve, qui n’a jamais compté<br />

beaucoup de commerces. Aujourd’hui, pour 12 000<br />

habitants, on dénombre deux tabacs-presse, une<br />

boulangerie, une alimentation, deux restaurants,<br />

un bar, quelques boutiques de vêtements et deux<br />

marchés. Ce qui ne suffit pas à rendre le quartier<br />

très vivant. Le samedi matin, la place du marché<br />

est un peu animée, mais cela reste, avec les fêtes<br />

sur le quartier, les exceptions qui confirment la<br />

règle : pour « se retrouver » et passer un moment<br />

de détente, les jeunes et moins jeunes vont à Grand<br />

Place plutôt que de rester dans le quartier.<br />

La fin de l’utopie ?<br />

La Villeneuve s’inscrit dans une évolution générale<br />

de la société : un centre commercial plutôt<br />

que des bars ou des petits commerces. L’utopie<br />

n’est plus à la mode dans les années 2000. Si<br />

elle a échoué dans les années 1970, aujourd’hui<br />

elle est tout simplement absente des imaginaires<br />

et de la politique. Le projet de rénovation de la<br />

Villeneuve, actuellement encore à l’étude, en est un<br />

bon exemple. Ses objectifs ne sont plus de « transformer<br />

les rapports humains » ou plus simplement<br />

d’améliorer le bien-être mais « le repositionnement<br />

de ce parc de logements dans le marché immobilier<br />

grenoblois à échéance de 15 à 20 ans ». (2)<br />

Il prévoit pour l’instant la destruction de certains<br />

des parking-silos, la séparation de montées d’ascenseur,<br />

la destruction de certains logements ou le<br />

changement de mode de collecte des déchets. « Ils<br />

veulent répondre par des trucs qui se voient, assure<br />

Willy. ça se voit pas des éducs ou des anims; alors<br />

que le bâti ça se voit, et les fleurs aussi. Alors ils<br />

entretiennent très bien les espaces verts. Bon c’est<br />

sûr que ça joue, mais ça remplace pas l’humain et<br />

le travail social. »<br />

Ce projet est une remise en cause des fondements<br />

du quartier. La rue en bas des immeubles n’est<br />

plus perçue comme un « espace de convivialité »<br />

mais comme un problème compliqué à gérer. « Ils<br />

veulent faire plein de trucs pour faciliter le travail<br />

des flics, explique Ahmed, pour l’instant avec tous<br />

les couloirs, les recoins, les jeunes peuvent se planquer<br />

ou se barrer facilement. »<br />

Autre part du projet, la diminution de la part de<br />

logements sociaux. <strong>Les</strong> autorités croient que le<br />

retour de davantage de mixité sociale réglera les<br />

problèmes de la Villeneuve. Une vision qui irrite<br />

André : « C’est infamant de dire, comme le font<br />

les élus, que ce quartier aura moins de difficultés<br />

quand il y aura plus de propriétaires, plus de<br />

classes moyennes. Ça sous entend que quand il<br />

y a majoritairement des personnes de milieux<br />

modestes, il y a forcément des problèmes. »<br />

Bertrand, habitant de la galerie, pense que « ce<br />

n’est pas impossible que dans un futur proche,<br />

avec le parc, le tram pas loin, la Villeneuve se<br />

boboïse et devienne un quartier un peu prisé. »<br />

Mais son « repositionnement dans le marché<br />

immobilier » signifiera avant tout la mort définitive<br />

d’une utopie qui n’a jamais réellement existée,<br />

mais dont l’ombre planait – et plane encore un peu<br />

– sur la vie du quartier. Un héritage qui visiblement<br />

est trop complexe à gérer pour la municipalité<br />

Destot. « Le PS est maintenant dans la mise<br />

en conformité et plus du tout dans le soutien à des<br />

initiatives différentes, affirme André. L’architecte,<br />

Yves Lion, dit « il faut arrêter de singulariser ce<br />

quartier. » En fait il veut le normaliser. »<br />

(1) Pierre Frappat, Grenoble, Le mythe blessé, ed. Alain Moreau, 1979<br />

(2) Dans le document Villeneuve de Grenoble. Renouvellement<br />

social et urbain de l’Arlequin. Définition des interventions sur le bâti,<br />

édité par la Ville de Grenoble, 2008.<br />

12 | Le <strong>Postillon</strong> | numéro 3 - décembre 2009 Le <strong>Postillon</strong> | numéro 3 - décembre 2009 | 13


Une même ville de<br />

Genève à Grenoble<br />

Lors d’une conférence entre amis, Jacques Champ, économiste à la retraite, a<br />

dit tout haut ce que beaucoup n’imaginent pas, même tout bas : entre Genève<br />

et Grenoble se construit peu à peu une continuité urbaine, qu’il s’agit de rendre<br />

« cohérente » en actant la naissance d’une métropole.<br />

Lui trouve ça génial, et vous ?<br />

Pour l’instant même si le Sillon Alpin en<br />

a le potentiel, ça ressemble à tout sauf à<br />

une métropole. Mais c’est un espace qui<br />

devra un jour ou l’autre être organisé<br />

comme une métropole ». Le vendredi<br />

9 octobre à l’auditorium d’Eybens, Jacques<br />

Champ a dressé pendant deux heures un tableau<br />

assez limpide du futur qui attend les habitants des<br />

Savoies et de l’Isère : vivre dans une grande et<br />

unique ville. Quelle crédibilité porter à ses propos<br />

? Jacques Champ n’est ni un élu, ni un responsable<br />

de quoi que ce soit, et il se présente comme<br />

retraité. Mais au vu de ses anciennes casquettes<br />

- économiste, conseiller pour les collectivités du<br />

Sillon Alpin, salarié de l’Agence d’Etudes et de<br />

Promotion de l’Isère (AEPI, boîte de com’ pour<br />

vendre l’Isère aux investisseurs étrangers) – on<br />

peut raisonnablement supposer que l’homme ne<br />

raconte pas n’importe quoi et que son exposé<br />

reflète ce qui se chuchote dans les réunions du<br />

« Sillon Alpin d’en haut », où se croisent élus,<br />

industriels et scientifiques. Cette conférence,<br />

organisée par les « gadzarts » (anciens élèves de<br />

l’Ecole Nationale Supérieure d’Arts et Métiers)<br />

ressemblait d’ailleurs à une de ces réunions tant<br />

régnait un consensus entre la trentaine d’encravatés<br />

présents.<br />

L’urbanisation rampante<br />

Le Sillon Alpin ? Selon Jacques Champ, c’est cet<br />

espace qui va du pays genèvois franco-suisse au<br />

pays voironnais, englobant Annecy, Chambéry et<br />

Grenoble et regroupant près de 2 millions d’habitants.<br />

Lui - contrairement à d’autres - n’y inclut<br />

pas Valence et son agglomération. Le problème<br />

pour Jacques Champ comme pour Jean Therme,<br />

directeur du CEA-Grenoble ? C’est qu’il n’est pas<br />

assez visible depuis les satellites. Son powerpoint<br />

présente une carte de l’Europe vue du ciel de nuit,<br />

où l’on aperçoit les « pour l’instant trop petites »<br />

lumières du Sillon Alpin, espace « heureusement<br />

bien plus illuminé que le reste de la France, hormis<br />

les grands pôles de Paris, du Nord ou de Lyon, et<br />

bien situé dans la « banane bleue », entre Milan<br />

et Lyon ».<br />

« Avec le développement continu des villes, l’espace se raréfie dans le Sillon Alpin. En<br />

Haute-Savoie, le prix des terrains a augmenté de 20 à 50 % en quatre ans, selon les transactions.<br />

En Savoie, une véritable conurbation se met en place entre Chambéry et Aixles-Bains,<br />

et l’environnement du lac du Bourget est menacé par les activités humaines.<br />

Dans l’agglomération grenobloise, la surface urbanisée s’est accrue jusqu’à 5 fois plus vite<br />

que la population depuis 1975 (...) Directement concernés par l’urbanisation du Sillon<br />

Alpin, les espaces naturels et agricoles ne sont plus considérés pour eux mêmes, mais en<br />

tant que réserves à l’urbanisation ou que lieux de spéculation foncière ».<br />

« Cette situation se traduit déjà chaque année par la perte définitive de vastes espaces : En<br />

Haute-Savoie, 400 hectares de terres agricoles sont urbanisés chaque année. Le nombre<br />

d’agriculteurs a diminué d’un tiers en 12 ans. Dans l’agglomération grenobloise, d’ici<br />

2020, 7000 hectares sur les 8000 encore disponibles pourraient passer à l’urbanisation<br />

». <strong>Les</strong> cahiers du Sillon Alpin n°1, 05/2003<br />

Vous êtes plutôt terre-à-terre et vous vous demandez<br />

l’intérêt de vivre dans un endroit visible depuis<br />

un satellite ? C’est que vous ne comprenez rien<br />

à l’économie mondialisée, où le but d’un territoire<br />

est d’être attractif ; les investisseurs étant,<br />

comme les moustiques, attirés par la lumière (voir<br />

encart). L’attractivité existe déjà fortement dans<br />

le Sillon Alpin qui gagne, comme nous l’apprend<br />

une nouvelle page du powerpoint, plus de 15 000<br />

habitants par an depuis 1975. A ce rythme-là, il<br />

y aura 450 000 habitants de plus entre Genève et<br />

Grenoble dans 30 ans, soit l’équivalent de la population<br />

de la grande agglomération grenobloise.<br />

Mais cela ne semble pas suffire à Jacques Champ et<br />

aux responsables locaux qui veulent booster cette<br />

attractivité. Alors combien d’habitants en plus dans<br />

30 ans dans le Sillon Alpin ? Le million ?<br />

Pour construire une grande ville, « une métropole<br />

concurrentielle », il faut avant tout travailler<br />

sur les transports. Ce sont les déplacements qui<br />

permettent de construire un territoire unique. Le<br />

powerpoint – encore lui – nous présente une carte<br />

ou l’on constate qu’en 1962, les communes où les<br />

résidents allaient majoritairement travailler dans<br />

une autre commune se situaient exclusivement<br />

dans les banlieues des grandes villes (Grenoble,<br />

Chambéry, Annecy ou Genève). La carte suivante<br />

montre qu’aujourd’hui, ce sont quasiment toutes<br />

les communes du Sillon Alpin - hormis les grandes<br />

villes – qui sont dans cette situation. D’où la nécessité<br />

d'un réseau routier et autoroutier performants<br />

: « Il y a 20 ans il y avait 300 personnes habitant<br />

Annecy qui travaillaient à Genève, aujourd’hui il<br />

y en a 3000. Avec l’autoroute [l’A 41] qui vient<br />

d’ouvrir, bientôt il y en aura beaucoup plus ».<br />

Revers de la médaille et ironie de l’histoire : les<br />

genèvois, comme l’ont montré les dernières élections,<br />

sont de plus en plus nombreux à être séduits<br />

par le discours qui stigmatise « la racaille » frontalière<br />

venant piquer leur travail.<br />

Mais il n’y a pas que le bitume qui rapproche les<br />

villes. <strong>Les</strong> transports en commun font également<br />

leur part du boulot : « Il faut construire une image<br />

du Sillon Alpin et des infrastructures de transports.<br />

Mais si on veut une métropole il faut les<br />

envisager différemment qu’aujourd’hui où on est<br />

avec 4 technopoles. Entre Genève et Grenoble, la<br />

densité dans 20 ou 30 ans sera telle qu’il s’agit<br />

de parler de transports urbains ». A quand un<br />

métro entre Grenoble et Annecy, un tram entre<br />

Chambéry et Voiron ?<br />

<strong>Les</strong> transports en commun c’est écolo, et donc<br />

personne ne peut s’opposer à leur développement et<br />

à leur amélioration. Alors que dans le cadre actuel<br />

de l’organisation économique, l’amélioration des<br />

lignes de train du Sillon Alpin va surtout permettre<br />

qu'un nombre plus important de personnes vivent<br />

à Rumilly et travaillent à Grenoble, ou bossent<br />

à Genève en dormant à Pontcharra. Et avec une<br />

augmentation de personnes attirées par la région,<br />

ces transports en commun seront de toute façon<br />

bien vite saturés, tout comme les axes routiers,<br />

Rocade Nord ou pas.<br />

Dans cette vision de l’économie et de l’organisation<br />

du territoire, « améliorer les trains » ou<br />

« construire des lignes de tram » sert bien plus<br />

à améliorer l’attractivité qu’à protéger l’environnement.<br />

Il en est de même pour « le formidable<br />

développement de l’énergie solaire à Chambéry,<br />

qui permet à cette ville de « se rapprocher » de<br />

Grenoble. De toute façon, son avenir c’est d’être<br />

la grande banlieue de Grenoble ».<br />

Une explication sans langue de bois « écolo-technicienne<br />

», qui se poursuit en montrant comment le<br />

pôle de compétitivité Tennerdis autour des énergies<br />

renouvelables sert avant tout à créer de nouvelles<br />

parts de marché : « L’écologie doit développer un<br />

nouveau type d’économie. C’est-à-dire qu’il faut<br />

inventer les nouvelles techniques de l’écologie puis<br />

identifier les secteurs les plus profitables.(...) Mais<br />

c’est vrai, contrairement à ce qui se dit, que les<br />

industries high tech sont très polluantes ».<br />

Pour compléter ce tableau et améliorer la sacrosainte<br />

attractivité, Jacques Champ attend également<br />

beaucoup de la future autonomie des universités,<br />

concoctée par la ministre de la Recherche<br />

Pécresse et cautionnée par les barons socialistes<br />

grenoblois (Destot, Fioraso...) : « L’université de<br />

Genève a l’autonomie qui lui permet de travailler<br />

avec les labos pharmaceutiques sans qu’il y ait<br />

deux ans de grève. <strong>Les</strong> universités de Grenoble<br />

vont – j’espère bientôt - avoir cette même autonomie<br />

et cela permettra ces liens étroits avec les<br />

entreprises ».<br />

Mais enfin, vous dîtes-vous, pourquoi n’a-t-on<br />

jamais pu donner notre avis sur cet avenir en<br />

construction ? Qui décide de construire une mégaville<br />

et de sacrifier un territoire sur l’autel de la<br />

compétitivité internationale ? « Ce sont les décisions<br />

des grands chefs d’entreprises qui ont fait le<br />

Sillon Alpin. (…) Ce sont les nouveaux habitants,<br />

des cadres qui viennent et qui viendront du Japon,<br />

des Etats-Unis, d’Angleterre ou d’Allemagne, qui<br />

vont décider du futur de cette région, qui vont avoir<br />

un poids. Bien sûr il y aura d’autres immigrations,<br />

Satellite, mon beau satellite<br />

comme celle du Maghreb, cela représente une<br />

main d’œuvre indispensable ».<br />

Lors d’un débat sur la rocade Nord, à Grenoble<br />

le 28 juin 2007, une personne évoqua le projet du<br />

Sillon Alpin à propos des déplacements. Réponse<br />

de Marc Baïetto, vice-président du Conseil général<br />

de l’Isère, chargé des transports et des déplacements<br />

: « il ne faut pas dire n’importe quoi, on ne<br />

va pas faire une ville unique ».<br />

Qui dit n’importe quoi ?<br />

(*) Toutes les citations en italique sont des paroles prononcées par<br />

Jacques Champ lors de la conférence du 9 octobre.<br />

D’autres infos : Pierre Mazet, Le Serpent Alpin ou le saccage du<br />

territoire allobroge, disponible sur www.piecesetmaindoeuvre.com<br />

« <strong>Les</strong> métropoles économiques à grands potentiels de développement sont repérées<br />

de nuit par les investisseurs, grâce aux images fournies par les satellites, sinon en vue<br />

directe, depuis un avion. Plus ces villes sont lumineuses, éclairées, plus ils sont intéressés<br />

! Lorsque le ruban technologique de l’arc alpin, entre ses barycentres constitués<br />

par Genève et Grenoble, s’illuminera d’une manière continue, lorsque les pointillés des<br />

pôles de compétence comme les biotechnologies de Lausanne, la physique et l’informatique<br />

du CERN à Genève, la mécatronique d’Annecy, l’énergie solaire de Chambéry et<br />

les nanotechnologies de Grenoble, ne formeront plus qu’une longue colonne vertébrale,<br />

nous aurons gagné ».<br />

Jean Therme, directeur de la recherche technologique du CEA, directeur du CEA-Grenoble,<br />

Le Daubé, 25 octobre 2004<br />

14 | Le <strong>Postillon</strong> | numéro 3 - décembre 2009 Le <strong>Postillon</strong> | numéro 3 - décembre 2009 | 15


Brèves<br />

DE BONNE EN QUARTIER MODèLE ECOLO : UN PRIX PIPé<br />

« Grenoble, vitrine d’un nouvel urbanisme » (L’express, 04/11/2009),<br />

« La ZAC de Bonne de Grenoble, vitrine des éco-quartiers français »<br />

(Novethic, 06/11/2009)... Une avalanche d’articles de presse élogieux<br />

a accompagné la remise à la ville de Grenoble et son quartier de Bonne<br />

du «grand prix écoquartiers 2009» par Jean-Louis Borloo, ministre<br />

de l’Ecologie et du vin rouge. Un bon coup de pub pour Destot, qui en<br />

profite pour en faire des tartines sur son blog et jouer au «plus développement<br />

durable que moi tu meurs ». Une imposture pour les Verts<br />

qui estiment «qu’il faut rendre à César ce qui est à César » et que la «<br />

réussite » de la Caserne de Bonne - ses 4000 euros le m2, sa laideur<br />

unanimement reconnue et son centre commercial (Gap, Quicksilver<br />

ou Monoprix) est le résultat des efforts de Pierre Kermen, adjoint à<br />

l’urbanisme Vert sous la précédente mandature.<br />

En tout cas, personne ne s’est penché sur la composition du jury,<br />

nommée « Commission d’analyse et d’appui du plan Ville Durable ».<br />

Notons la présence de personnes bien connues pour leur engagement<br />

écologiste sincère, tels les représentants de GDF, Véolia, EDF, La<br />

Lyonnaise des Eaux, la Caisse des Dépôts et de diverses fédérations<br />

du BTP et de la promotion immobilière. On découvre aussi un certain<br />

Yves Lion, architecte embauché par...la ville de Grenoble pour le renouvellement<br />

urbain des quartiers sud. Sans aucun doute d’une neutralité<br />

irréprochable dans ce jury. Cerise sur le gâteau bio, qui retrouve t-on<br />

au sein de ce jury ? On vous le donne en mille : Michel Destot, au<br />

titre de président de l’Association des Maires des Grandes Villes de<br />

France ; Stéphane Siebert, adjoint à la Ville de Grenoble en charge du<br />

développement durable et Philippe De Longevialle, adjoint à la Ville<br />

de Grenoble en charge de l’urbanisme... Un jury à la soviétique qui<br />

a donc décidé - en toute indépendance et loyauté vis-à-vis de l’idéal<br />

écologiste - de propulser Grenoble en modèle de « ville durable ».<br />

Un tram pour des habitants ou des habitants<br />

pour un tram ?<br />

Le 3 octobre dernier à l’Hôtel de ville, au cours d’une réunion<br />

publique sur le réaménagement de l’Esplanade, Michel Destot,<br />

maire de Grenoble et Jacques Chiron, adjoint aux déplacements,<br />

légitiment leur projet de construction de milliers de logements<br />

par la future arrivée du tram E : « C’est parce qu’on va apporter<br />

des habitants que le tram aura son utilité (...) Une condition de<br />

cette ligne E, c’est que les communes s’engagent à densifier »<br />

(Chiron). Admirons le raisonnement : les transports en commun<br />

sont censés fluidifier les déplacements et réduire les bouchons.<br />

Mais ils ne sont pas rentables s’il n’y a pas assez d’habitants. Il faut<br />

donc « densifier » la population. Ce qui augmentera les difficultés<br />

de circulation. Il faudra donc construire un nouveau tram. Mais<br />

pour qu’il soit rentable il faudra densifier. Ce qui...<br />

Grenoble 2030. Vue d'hélicoptère. Le tunnel sous la Bastille coûtait trop cher. La Bastille a été rasée.<br />

© YAB<br />

16 | Le <strong>Postillon</strong> | numéro 3 - décembre 2009

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