PESC, DEFENCE ET FLEXIBILITE - Peace Palace Library
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CAHIERS DE CHAILLOT - NUMERO 38<br />
<strong>PESC</strong>, défense et flexibilité<br />
Antonio Missiroli<br />
Antonio Missiroli est chargé de recherche<br />
à l’Institut d’Etudes de Sécurité de l’UEO<br />
Institut d’Etudes de Sécurité<br />
Union de l’Europe occidentale<br />
Paris - Février 2000
CAHIERS DE CHAILLOT - NUMERO 38<br />
(Traduit de l’anglais ; une version anglaise est également disponible)<br />
Institut d’Etudes de Sécurité de l’Union de l’Europe occidentale<br />
Directeur : Nicole Gnesotto<br />
© Institut d’Etudes de Sécurité de l’UEO 2000. Tous droits de traduction, d’adaptation et de<br />
reproduction par tous procédés réservés pour tous pays.<br />
ISSN 1017-7574<br />
Publié par l’Institut d’Etudes de Sécurité de l’Union de l’Europe occidentale et imprimé à
SOMMAIRE<br />
Préface<br />
v<br />
Résumé vii<br />
Introduction : le défi de la diversité 1<br />
De Maastricht à Amsterdam (1992-1997) 5<br />
L’UEO et la <strong>PESC</strong> : défis et réponses 16<br />
Sur la voie de Cologne – et au-delà 24<br />
A propos de clubs et de directoires – et d’autres voies à suivre 29<br />
E pluribus una ? 42<br />
Annexes 49
PREFACE<br />
Comment concilier le nombre, l’égalité politique des Etats, et leur diversité ?<br />
Comment faire fonctionner une Union de plus en plus élargie sachant que la règle de<br />
l’unanimité, qui prévaut notamment pour le deuxième pilier sur la Politique étrangère<br />
et de Sécurité commune, peut très vite devenir la recette de la paralysie commune ?<br />
Faut-il, en d’autres termes, exiger de tous les Etats membres qu’ils soient prêts à agir<br />
en même temps sur tout, ou convient-il d’organiser, dans le cadre institutionnel du<br />
Traité, des mécanismes de flexibilité eux-mêmes différenciés ? Ce défi, déjà sensible<br />
lors du précédent élargissement de l’Union européenne en 1995, est en passe de<br />
devenir, depuis les décisions du Conseil d’Helsinki, le test majeur pour l’efficacité<br />
et la légitimité de toutes les décisions futures de l’Union européenne.<br />
Depuis près d’une décennie, différents modèles et mécanismes ont été avancés,<br />
mais rarement retenus, pour concilier la flexibilité des engagements et l’unicité de<br />
l’intégration politique européenne. S’agissant en particulier de la <strong>PESC</strong> et de la<br />
politique de défense commune, tout reste à faire : la disponibilité manifestée par la<br />
présidence portugaise de l’Union européenne pour réouvrir le débat sur les<br />
coopérations renforcées à la CIG constitue à cet égard une initiative capitale.<br />
Ce Cahier de Chaillot, rédigé par Antonio Missiroli, chargé de recherche à<br />
l’Institut depuis décembre 1997, est l’aboutissement d’une série de séminaires<br />
organisés par l’Institut sur la flexibilité de la <strong>PESC</strong>, ses atouts et ses handicaps. A la<br />
veille de l’ouverture de la CIG, ces réflexions, ainsi que la synthèse qu’il propose<br />
d’une décennie de débats sur les noyaux durs et autres coopérations renforcées,<br />
constituent, à nos yeux, une contribution utile aux discussions sur l’avenir de la<br />
politique de sécurité et de défense de l’Union européenne.<br />
Nicole Gnesotto<br />
Paris, février 2000<br />
v
RESUME<br />
Si les différents groupes que forment actuellement les Etats de l’UE – CE, zone<br />
euro, Schengen – sont dotés chacun d’un acquis spécifique, on ne peut en dire autant<br />
de l’Europe de la sécurité et de la défense. Pourtant, exercer une influence en<br />
agissant collectivement plutôt qu’individuellement est devenu un impératif politique<br />
partagé. D’une part, les nations hésitant à renoncer à leur pouvoir en matière de<br />
politique étrangère, voire de sécurité et de défense, la <strong>PESC</strong> de l’UE demeure<br />
essentiellement intergouvernementale. De l’autre, pour être efficace, la <strong>PESC</strong> doit<br />
surmonter la traditionnelle « logique de la diversité ». Dans ce but, l’usage sélectif<br />
d’une certaine « flexibilité » permettrait à l’UE de renforcer considérablement sa<br />
présence internationale. Ce concept est défini ici comme un ensemble de « règles<br />
institutionnelles en vertu desquelles, dans certains domaines politiques, les Etats<br />
membres n’ont pas tous les mêmes droits ou les mêmes obligations ».<br />
Le débat sur la gestion de la diversité, lancé au milieu des années 70, s’est<br />
intensifié après la signature du Traité de Maastricht en 1992. Puis, en vue de la<br />
révision du Traité, les possibilités et les limites du concept d’intégration différenciée<br />
au sein de l’UE – avec notamment l’idée de « coopération renforcée » – ont été<br />
débattues. Finalement, le Traité d’Amsterdam a prévu trois formes de flexibilité : les<br />
clauses d’habilitation, la flexibilité au cas par cas et la flexibilité prédéfinie. Il semble<br />
néanmoins qu’elles serviront plus à dissuader certains pays de boycotter les décisions<br />
et de former des groupes exclusifs qu’à approfondir l’intégration parmi les pays<br />
volontaires et capables (willing and able), comme cela avait été initialement<br />
envisagé.<br />
Pour les modestes opérations entreprises jusqu’ici par l’UEO, il n’y a eu ni débat<br />
sur la flexibilité ni recours à l’abstention constructive. L’UEO fournit des garanties<br />
mutuelles de sécurité et peut également entreprendre les missions définies dans le<br />
Traité sur l’Union européenne (TUE). A ce jour, toutefois, l’UE n’a demandé à<br />
l’UEO qu’un soutien très limité par rapport à ce qui est prévu dans le Traité.<br />
L’opération Alba a, du reste, confirmé la préférence des pays européens pour des<br />
coalitions opérationnelles ad hoc ponctuelles plutôt que pour des cadres<br />
multilatéraux plus structurés.<br />
A l’automne 1998, l’initiative du Premier ministre Tony Blair sur la défense<br />
européenne a déclenché une suite d’événements, dont surtout, en décembre 1999,<br />
vii
la déclaration du Conseil de l’UE à Helsinki sur le renforcement de la politique<br />
européenne de sécurité et de défense, qui ont permis d’approfondir et d’élargir<br />
l’objectif de la <strong>PESC</strong>. Le résultat de cette évolution est que l’UE doit prendre des<br />
décisions capitales sur l’inclusion des fonctions de l’UEO dans l’UE, la mise en<br />
commun des capacités de défense nationales et les mécanismes d’acquisition<br />
d’armements. L’asymétrie entre les pays membres ramène, néanmoins, à la question<br />
de la flexibilité.<br />
Il est généralement admis que plus le nombre de parties concernées augmente,<br />
plus la coopération devient difficile. Cela a indirectement contribué à renforcer le<br />
« mini-latéralisme » et les pratiques de « club », que certains considèrent néanmoins<br />
comme nuisant aux forums multilatéraux, y compris à la <strong>PESC</strong> elle-même. La<br />
définition de critères de convergence, instrument qui s’est révélé utile dans le cas de<br />
l’UEM, pourrait être appliquée à la <strong>PESC</strong> afin de promouvoir la flexibilité et de<br />
déboucher sur une PECSD. Ces critères pourraient être regroupés en une « stratégie<br />
commune », au sein de laquelle des « actions communes » seraient menées par de<br />
grandes coalitions de pays volontaires et capables. Entre temps, la flexibilité est et<br />
peut continuer d’être testée également en dehors du cadre du TUE. En outre, la<br />
prochaine conférence intergouvernementale fera vraisemblablement des<br />
recommandations sur les institutions de sécurité de l’UE. Dans la mesure où la<br />
plupart des Etats membres semblent avoir adopté une approche minimaliste, il<br />
importe de trouver les moyens de renforcer la solidarité financière, d’atténuer la règle<br />
de l’unanimité et de redéfinir le concept de « majorité ».<br />
Une telle évolution devrait néanmoins s’inscrire dans un ensemble plus cohérent<br />
de relations extérieures, notamment en matière de gestion des crises. Pour celle-ci,<br />
il devrait être possible d’utiliser les instruments politiques aussi bien militaires que non<br />
militaires, donc de combler les fossés séparant les différents piliers de l’UE. Une<br />
« Europe » unique mettra peut-être du temps pour émerger, mais le<br />
« chevauchement » des multiples clubs contribuera à faire coïncider les politiques,<br />
la composition et les mécanismes institutionnels des différents noyaux (sans qu’il<br />
s’agisse nécessairement de noyaux « durs »). Avec, surtout, la nomination du<br />
Secrétaire général de l’UEO, du Haut Représentant pour la <strong>PESC</strong> et du Secrétaire<br />
général du Conseil de l’UE, en réalité une seule et même personne, un leadership<br />
plus visible et une meilleure coopération intra-institutionnelle semblent se profiler.<br />
Javier Solana peut en effet jouer un rôle très stimulant à l’égard d’une PECSD<br />
efficace et d’une politique extérieure plus cohérente de l’ensemble de l’Union.<br />
viii
<strong>PESC</strong>, défense et flexibilité<br />
Antonio Missiroli<br />
INTRODUCTION : LE DEFI DE LA DIVERSITE<br />
A l’aube du XXIème siècle, il n’y a pas une mais plusieurs « Europe ». Il<br />
y a l’Europe du marché unique, qui comprend quinze Etats membres, plus<br />
l’Espace économique européen (l’Union européenne plus la Norvège,<br />
l’Islande et le Liechtenstein), et un nombre croissant de candidats à<br />
l’adhésion. Il y a l’Europe de l’Union économique et monétaire (UEM), à<br />
laquelle appartiennent les onze pays de la première vague, les deux<br />
membres du nouveau système monétaire (Danemark et Grèce), avec le<br />
Royaume-Uni (comme opter-out de l’euro) et la Suède (comme cas<br />
particulier). Il y a aussi l’Europe de « Schengen », qui regroupe les quinze<br />
moins deux (et demi) opters-out – le Royaume-Uni et l’Irlande, plus le<br />
Danemark comme éventuel opter-in, et, dans un avenir proche, l’Islande et<br />
la Norvège (par le biais de l’Union nordique des passeports). Enfin, il y a la<br />
Communauté, acteur international à part entière, qui gère ses relations<br />
extérieures – surtout par l’intermédiaire de la Commission – à plusieurs<br />
niveaux : échanges commerciaux, aide, dialogue politique et, bien entendu,<br />
politique d’élargissement.<br />
Chacune de ces « Europe » est dotée d’un régime spécifique et possède un<br />
acquis qui lui est propre. Dans une certaine mesure, la Politique étrangère et<br />
de Sécurité commune (<strong>PESC</strong>) définie à Maastricht avec le Traité sur<br />
l’Union européenne (TUE) constitue elle aussi une forme de construction,<br />
dotée d’un acquis limité, même si elle n’est pas encore parvenue à satisfaire<br />
les attentes formulées avant, pendant et après sa conception. Si elle s’est<br />
surtout montrée incapable de répondre efficacement à la dissolution de la<br />
Fédération yougoslave, d’autres questions politiques telles que le Moyen-<br />
Orient sont à l’origine de dissensions internes, certes moins graves, mais qui<br />
ont provoqué aussi la paralysie et la cacophonie. En tout état de cause,<br />
l’acquis de la <strong>PESC</strong> est si limité et consensuel qu’il a pu, pendant les<br />
premiers mois, être accepté, appliqué et réglé sans remous particulier par les<br />
pays candidats dont les négociations d’adhésion ont commencé en 1998.<br />
Il existe, en outre, dans le domaine de la sécurité et de la défense<br />
proprement dites, de nombreuses instances (OTAN, UEO, Partenariat pour<br />
la Paix, Conseil de partenariat euro-atlantique, et surtout OSCE), mais
2<br />
l’« Europe » en tant que telle est dépourvue d’un régime européen distinct<br />
ou d’un acquis spécifique tangible que ses membres actuels ou futurs<br />
seraient tenus d’adopter. Lorsqu’elle en possède un, il est soit limité et<br />
morcelé – c’est le cas de la coopération en matière d’armement – soit lié à<br />
l’OTAN. Depuis quelque temps, l’argument trentenaire de Stanley<br />
Hoffmann – la traditionnelle « logique de la diversité » (par opposition à la<br />
« logique de l’intégration ») nuit aux actions communes de l’Europe au plus<br />
haut niveau politique (high politics) 1 – a pu sembler en passe d’être<br />
confirmée.<br />
On peut cependant affirmer que la tendance à sortir du lot et/ou à faire<br />
cavalier seul a considérablement régressé, même de la part des Etats les plus<br />
déterminés, et que les avantages généraux de l’action collective ne sont plus<br />
à démontrer. Autrement dit, le cadre de l’UE est devenu une « couverture »<br />
indispensable pour tous les partenaires : ce qui prime aujourd’hui sur le plan<br />
politique n’est plus l’autonomie par rapport à l’Europe mais l’influence qui<br />
peut être exercée à travers l’Europe. Plutôt qu’une « logique » inéluctable, la<br />
diversité est devenue un défi qui ne cesse de croître, le nombre d’adhésions<br />
à la Communauté européenne/Union européenne (CE/UE) ayant presque<br />
triplé (bientôt quadruplé) depuis l’analyse de M. Hoffmann.<br />
La façon dont l’« Europe » a tenté de surmonter sa diversité est<br />
étroitement liée à ses institutions : les ouvrages sur l’intégration européenne<br />
soulignent pour la plupart l’« effet de contagion » des bonnes décisions<br />
politiques d’une institution sur l’autre. Cet argument – le principal argument<br />
des « institutionnalistes » libéraux contre les « réalistes » – ne s’applique<br />
toutefois que partiellement à la <strong>PESC</strong>. Par comparaison, la mise sur pied<br />
d’un deuxième « pilier » manque de dynamisme, et les compétences<br />
concernant les relations extérieures de l’UE (et les instruments politiques<br />
nécessaires) sont dispersées entre tous les « piliers ». Il est, en outre,<br />
parfaitement compréhensible que les ministères des Affaires étrangères<br />
hésitent à renoncer à leur pouvoir et à leurs ressources sans garder<br />
simultanément la haute main sur les agendas politiques – d’où la nature<br />
spécifiquement intergouvernementale de la <strong>PESC</strong>. Enfin, si, à l’image de<br />
« puissance civile » que (se) donne l’UE 2 , nous ajoutons la défense<br />
1 Voir Stanley Hoffmann, « Obstinate or Obsolete ? The Fate of the Nation-State and the<br />
Case of Western Europe », Daedalus, n. 3, 1966, pp. 862-915. Pour une nouvelle<br />
évaluation, voir Stanley Hoffmann, « Reflections on the Nation-State in Western Europe<br />
Today », Journal of Common Market Studies, n. 1, 1982, pp. 21-37.<br />
2 Pour une première définition de la « puissance civile », voir François Duchêne, « The<br />
European Community and the Uncertainties of Interdependence », dans Max Kohnstamm et<br />
Wolfgang Hager (dir.), A Nation Writ Large? Foreign-Policy Problems before the
3<br />
proprement dite – pour laquelle on ne peut parler ni de régime ni d’acquis<br />
unique, et encore moins de l’impact de la CE/UE sur les politiques<br />
nationales 3 –, le tableau d’ensemble est encore plus compliqué.<br />
En ce qui concerne la <strong>PESC</strong>, le défi de la diversité est donc à la fois<br />
quantitatif, fonctionnel et politique. Mais il est aussi spatial puisqu’il faut<br />
concilier plusieurs « Europe » – ayant chacune un régime, un acquis et une<br />
composition propres – et les rendre, sinon parfaitement superposables, au<br />
minimum compatibles et coordonnées 4 . S’efforçant de résoudre, en partie du<br />
moins, ces difficultés, des analystes et des responsables politiques ont<br />
suggéré, avant et pendant les négociations du Traité d’Amsterdam, de<br />
recourir, dans le cadre légal et institutionnel de l’UE, à une forme quelle<br />
qu’elle soit de « flexibilité » afin de doter la <strong>PESC</strong> de l’efficacité et du<br />
dynamisme nécessaires, et de faire de l’« Europe » un acteur à part entière<br />
plus respecté sur la scène internationale. Toutefois, le terme « flexibilité »,<br />
en soi assez vague, peut induire en erreur au sens où il couvre un vaste<br />
éventail d’options et de prescriptions. Pour plus de clarté et de cohérence, il<br />
sera utilisé ici pour désigner, de manière générale, les règles<br />
European Community, Macmillan, Londres, 1973, surtout pp. 19-20. Pour une critique<br />
immédiate, voir Hedley Bull, « Civilian Power Europe: A Contradiction in Terms ? »,<br />
Journal of Common Market Studies, n. 1-2, 1982, pp. 149-170. Cette notion a été<br />
réexaminée récemment : voir Hans Maull, « Germany and Japan: The New Civilian<br />
Powers », Foreign Affairs, n. 5, 1990, surtout pp. 92-93, qui se fonde largement sur la<br />
notion de trading State proposée par Rosencrance ; Richard Rosencrance, « The European<br />
Union: A New Type of International Actor », dans Jan Zielonka (dir.), Paradoxes of<br />
European Foreign Policy, Kluwer, La Haye, 1998, pp. 15-24. Variante sur le même thème :<br />
Göran Therborn, « Europe in the 21 st Century : The World’s Scandinavia », Irish Studies in<br />
International Affairs, n. 8, 1997, pp. 21-34.<br />
3 Pour une première analyse systématique dans ce domaine – qui souffre encore d’une<br />
séparation trop rigide entre les études européennes et les études stratégiques –, voir Jolyon<br />
Howorth et Anand Menon (dir.), The European Union and National Defence Policy,<br />
Routledge, Londres, 1997. Pour la notion de « régime », voir Stephen D. Krasner (dir.),<br />
International Regimes, Cornwell University Press, Ithaca-New York, 1983.<br />
4 La littérature sur la <strong>PESC</strong> est déjà considérable. L’ouvrage de référence sur le début du<br />
processus est Simon Nuttall, European Political Cooperation, Clarendon Press, Oxford,<br />
1992. Analyse plus générale : Elfriede Regelsberger, Philippe de Schouteete et Wolfgang<br />
Wessels (dir.), Foreign Policy of the European Union: From EPC to CFSP and Beyond,<br />
Lynne Rienner, Boulder, 1997. Principaux acteurs concernés : Christopher Hill (dir.), The<br />
Actors in Europe’s Foreign Policy, Routledge, Londres, 1996. Plus récemment, voir Fraser<br />
Cameron, The Foreign and Security Policy of the European Union : Past, Present and<br />
Future, Sheffield Academic Press, Sheffield, 1999 ; Jean-Michel Dumond et Philippe<br />
Setton, La politique étrangère et de sécurité commune, La documentation Française, Paris,<br />
1999.
4<br />
institutionnelles en vertu desquelles, dans certains domaines politiques, les<br />
Etats membres n’ont pas tous les mêmes droits ou les mêmes obligations.<br />
La présente étude a pour objectif de résumer le débat européen de la<br />
dernière décennie sur la flexibilité, de faire le point sur la situation actuelle<br />
et de formuler des conclusions provisoires ainsi que quelques<br />
recommandations politiques. La première section porte donc sur les<br />
discussions tenues avant et pendant l’élaboration du Traité d’Amsterdam, et<br />
évalue les résultats des négociations. La deuxième section examine les<br />
incidences des nouvelles dispositions sur la flexibilité compte tenu de la<br />
demande d’une <strong>PESC</strong> renforcée et du bilan de l’UEO. La troisième section<br />
traite des récentes évolutions de la politique de sécurité et de défense de<br />
l’Europe et de leurs conséquences pour le débat sur la flexibilité. La<br />
quatrième section fait des suggestions pour la mise en oeuvre de la<br />
flexibilité grâce (et parallèlement) aux voies institutionnelles existantes.<br />
Enfin, la cinquième section replace ces évolutions dans le contexte global de<br />
la politique extérieure de l’UE, soulignant qu’il est plus nécessaire que<br />
jamais de promouvoir la coordination et la cohérence inter- et intrainstitutionnelles.<br />
La thèse est ici que l’introduction sélective et l’usage<br />
limité de certains éléments de flexibilité institutionnelle dans le mécanisme<br />
de la <strong>PESC</strong> – sachant que l’UE accorde désormais un grand intérêt à sa<br />
dimension défense – peuvent être particulièrement bénéfiques pour la<br />
présence et l’« identité » internationales de l’Union, sans diluer ou entraver<br />
la cohésion interne et la solidarité mutuelle 5 .<br />
5 Pour une approche plus sceptique, voir Joanne Wright, « Trusting Flexible Friends :<br />
The Dangers of Flexibility in NATO and the West European Union/European Union »,<br />
Contemporary Security Policy, vol. 20, 1999, n.1, pp. 111-129.
DE MAASTRICHT A AMSTERDAM (1992-1997)<br />
5<br />
Le débat sur la possibilité institutionnelle de concilier et de gérer la<br />
diversité au sein de la CE/UE – compte tenu du double défi de<br />
l’approfondissement et de l’élargissement – n’est pas nouveau. Cependant,<br />
de la publication du rapport Tindemans en 1975 jusqu’au début des<br />
années 90, les études de qualité ou les arguments convaincants sur cette<br />
problématique de la diversité restent relativement rares 6 .<br />
La signature du Traité de Maastricht a marqué un tournant au sens où,<br />
dans certains domaines politiques complexes, ce texte prévoyait un<br />
engagement sélectif, ouvrant ainsi la porte à l’apparition de régimes non<br />
universels. C’est seulement après la ratification de ce Traité et la publication<br />
en septembre 1994 par le groupe parlementaire allemand CDU/CSU d’un<br />
document controversé, intitulé Reflections on European Policy, que la<br />
discussion a repris, foisonnant de points de vue et de concepts nouveaux sur<br />
l’ensemble du continent 7 . L’Europe, était-il suggéré, devrait être à plusieurs<br />
vitesses et parvenir à une intégration différenciée ; être à deux volets, à<br />
plusieurs voies, à géométrie variable ou à la carte ; être construite autour<br />
d’un noyau dur ou prendre la forme de cercles concentriques. Experts et<br />
responsables politiques rivalisaient d’imagination pour trouver des termes<br />
reflétant des visions et des objectifs différents, ce qui a fini par créer une<br />
6 Différents auteurs ont fait exception : Eberhard Grabiz (dir.), Abgestufte Integration.<br />
Eine Alternative zur herkömmlichen Integrationskonzept, Engel, Kehl am Rhein, 1984 ;<br />
Claus-Dieter Ehlermann, « How Flexible is Community Law? An Unuasual Approach to<br />
the Concept of ‘Two Speeds’ », Michigan Law Review, vol. 82, n. 2, pp. 1274-1293 ; et<br />
Helen Wallace (avec Adam Riley), « Europe: The Challenge of Diversity », Chatham<br />
House Papers, n. 29, Routledge, Londres, 1985. Une célèbre conférence faite par Ralf<br />
Dahrendorf , A Third Europe?, Third Jean Monnet Lecture, Institut européen de Florence,<br />
1979, a elle aussi grandement contribué à une approche typiquement britannique de la<br />
« flexibilité », associée ultérieurement à une vision spécifique de la « subsidiarité » et à<br />
l’idée d’une Europe à la carte. Voir Pierre Maillet et Dario Velo, L’Europe à Géométrie<br />
Variable, L’Harmattan, Paris, 1994.<br />
7 Voir CDU/CSU-Fraktion des Deutschen Bundestages, « Überlegungen zur<br />
europäischen Politik, Vorschläge für eine Reform der Europäischen Union », CDU-CSU<br />
Dokumentation, janvier 1995. Ce document précisait que cinq Etats seulement de l’UE –<br />
Allemagne, France et pays du Benelux, c’est-à-dire les membres fondateurs de la CE moins<br />
l’Italie – étaient des membres possibles/souhaitables de la Kerneuropa envisagée, ce qui n’a<br />
pas manqué de provoquer des réactions hostiles à travers toute l’Europe et de lier l’idée<br />
même d’intégration approfondie à la perspective d’une exclusion prédéterminée. Voir<br />
également Christian Deubner, Deutsche Europapolitik : Von Maastricht nach Kerneuropa?,<br />
Nomos, Baden-Baden, 1995 ; Josef Janning et Werner Weidenfeld, « La nouvelle Europe :<br />
stratégies d’intégration différenciée », Politique étrangère, n. 3, 1996, pp. 521-536.
6<br />
grande confusion 8 . L’introduction de l’Union économique et monétaire<br />
(UEM) telle qu’énoncée dans le Traité de Maastricht a, quant à elle, créé un<br />
précédent non négligeable pour tout arrangement futur de « flexibilité », en<br />
mettant l’accent sur la capacité (évaluée selon des critères de convergence<br />
acceptés par tous), la volonté et un calendrier précis. En réalité, l’UEM a<br />
toujours été plus ou moins explicitement le pivot – ou plutôt la référence<br />
sous-jacente – de ce débat, parallèlement aux conséquences institutionnelles<br />
de l’élargissement de l’UE à l’Est 9 . Il va sans dire qu’une Union à vingt ou<br />
trente membres à part entière se caractériserait par une diversité telle qu’elle<br />
serait difficilement gérable avec des mécanismes décisionnels conçus pour<br />
une Communauté à six ou à dix 10 .<br />
Le « Groupe de Réflexion » créé en juin 1995 pour préparer la<br />
Conférence intergouvernementale (CIG) a publié son rapport en<br />
décembre 1995, à la fin de la présidence espagnole de l’UE. Malgré une<br />
terminologie un peu confuse pour l’intégration différenciée au sein de l’UE,<br />
ce document en définissait clairement les limites et les possibilités futures.<br />
Présidé par Carlos Westendorp, le Groupe a estimé que des mesures de<br />
« flexibilité » pouvaient être introduites à condition de remplir les critères<br />
suivants : (a) la différenciation n’est permise qu’en dernier recours et<br />
8 Pour une analyse détaillée de la première phase du débat, voir Deirdre Curtin, « The<br />
Shaping of a European Constitution and the 1996 IGC: ‘Flexibility’ as a Key Paradigm »,<br />
Aussenwirtschaft, n. 50, 1995, pp. 237-252, Alexander C.-G. Stubb, « A Categorisation of<br />
Differentiated Integration », Journal of Common Market Studies, juin 1996, pp. 283-295;<br />
Frank Vibert, Structured Flexibility in the European Union, European Forum, Londres,<br />
1996 ; Claus Giering, « Vertiefung durch Differenzierung – Flexibilisierungskonzepte in<br />
der aktuellen Reformdebatte », Integration, n. 2, 1997, pp. 72-78.<br />
9 Voir CEPR (dir.), « Flexible Integration: Towards a More Effective and Democratic<br />
Europe », Monitoring European Integration, n. 6, novembre 1995 ; Claus-Dieter<br />
Ehlermann, « Différenciation accrue ou uniformité renforcée ? », Revue du Marché Unique<br />
Européen, n. 3, 1995, pp. 191-218 ; Bertelsmann Foundation (dir.), The New Europe –<br />
Strategies for Differentiated Integration, Bertelsmann Foundation Publishers, Gütersloh,<br />
1997, surtout pp. 42-49 ; Alexander C.-G. Stubb, « The 1996 IGC and the Management of<br />
Flexible Integration », Journal of European Public Policy, n. 1, 1997, pp. 37-55 ; Françoise<br />
de la Serre et Helen Wallace, « Les coopérations renforcées : une fausse bonne idée ? »,<br />
Etudes et Recherches, Notre Europe, n. 2, Paris, 1997.<br />
10 Voir Françoise de la Serre, « L’élargissement aux PECO : quelle différentiation ? »,<br />
Revue du Marché Commun, novembre 1996 ; Peter van Ham, « Central Europe and the<br />
EU’s Intergovernmental Conference : The Dialectics of Enlargement », Security Dialogue,<br />
hiver 1997, pp. 71-82 ; Gunilla Herolf (dir.), EU Enlargement and Flexibility, The Swedish<br />
Institute of International Affairs, Stockholm, 1998 ; James Sperling (dir.), Two Tiers or<br />
Two Speeds ? The European Security Order and the Enlargement of the European Union<br />
and NATO, Manchester University Press, Manchester-New York, 1999.
7<br />
temporairement ; (b) les pays “volontaires et capables” (willing and able) ne<br />
doivent pas être exclus d’une participation à une action donnée ou une<br />
politique future ; et (c) en permettant la différenciation, l’acquis<br />
communautaire et le cadre institutionnel unique existants doivent être<br />
préservés et respectés. Le rapport soulignait également que le degré de<br />
différenciation admissible n’était pas le même pour les trois piliers et variait<br />
aussi selon qu’il s’agissait des actuels Etats membres ou de futurs membres<br />
dans le cadre d’un/des prochain(s) élargissement(s). Autrement dit, alors<br />
qu’une dérogation à risques pour le marché intérieur ne serait pas autorisée<br />
dans le premier pilier (Communauté européenne), la différenciation pourrait<br />
être plus importante pour le deuxième pilier (<strong>PESC</strong>) et certaines questions<br />
du troisième pilier (justice et affaires intérieures). D’autres options ou<br />
formules n’ont pas été examinées explicitement par le Groupe – raison pour<br />
laquelle, probablement, le chancelier Kohl et le président Chirac ont suggéré<br />
de le faire dans une lettre ouverte du 5 décembre 1995.<br />
L’initiative franco-allemande influença également le débat en introduisant<br />
une expression nouvelle – la « coopération renforcée » – dans le vocabulaire<br />
politique de la CIG et en suggérant de l’inclure, à certaines conditions, dans<br />
le texte révisé du Traité de Maastricht. Depuis, le débat politique et<br />
intellectuel s’est concentré sur cette notion et a été associé, là encore de<br />
façon un peu confuse, à celui sur la « flexibilité ». En réalité, chacun de ces<br />
termes cachait des visions divergentes, voire contradictoires, de l’avenir de<br />
l’intégration européenne. Pour les partisans de la centralisation, la<br />
coopération renforcée, étape intermédiaire avant l’accroissement des<br />
compétences et des activités de l’UE, permettait d’optimiser les procédures<br />
et les institutions communautaires. Pour ceux qui, au contraire, prônaient la<br />
décentralisation, l’Europe pouvait se développer autour d’un noyau limité<br />
d’activités, tout en permettant aux différents groupes d’Etats membres de<br />
poursuivre de manière « flexible » des approches différentes et de recourir<br />
aux procédures et aux institutions adaptées à la politique en question. Cette<br />
ambiguïté terminologique – en partie inévitable (et probablement nécessaire<br />
au stade où en étaient les négociations de la CIG) mais néfaste pour le débat<br />
qui allait suivre – a permis au chancelier allemand, aux responsables<br />
français et au Premier ministre britannique d’approuver tous ce concept,<br />
même s’il revêtait pour chacun une signification différente 11 .<br />
11 Voir CDU/CSU, op. cit. dans note 7 et John Major, William and Mary Lecture, Leiden,<br />
7 septembre 1994, que l’on considère habituellement comme la plate-forme politique d’une<br />
Europe à la carte (pour une formulation plus récente, voir John Maples, « Flexibility Should<br />
be the Rule in Europe », Financial Times, 8 novembre 1999, p. 15). Voir également
8<br />
Malgré le caractère équivoque de cet acquis linguistique, la CIG a été<br />
lancée à Turin fin mars 1996, s’est poursuivie pendant les présidences<br />
irlandaise et néerlandaise, et s’est terminée lors du Conseil européen<br />
d’Amsterdam en juin 1997, immédiatement après les élections législatives<br />
britanniques (et françaises). Comme nous l’avons vu, deux lettres conjointes<br />
franco-allemandes publiées avant la CIG (écrites, la première,<br />
le 7 décembre 1995 par le chancelier Kohl et le président Chirac, la seconde,<br />
le 27 février 1996 par les ministres des Affaires étrangères Klaus Kinkel et<br />
Hervé de Charette) ont donné l’impulsion politique. Le Conseil européen de<br />
Turin a fourni à la CIG le mandat permettant d’examiner la coopération<br />
renforcée/flexibilité, et il a été clair d’emblée que ce serait là l’un des points<br />
les plus délicats de la discussion. Tout au long de la Conférence, vingt-deux<br />
documents en tout ont été présentés sur cette question : mis à part ceux<br />
diffusés par les présidences successives, la France et l’Allemagne<br />
(conjointement) ainsi que l’Italie, le Portugal et la Grèce (séparément) ont<br />
soumis leurs propres textes et propositions. Plusieurs « non-documents »,<br />
les Ten Commandments of Flexible Integration (Les Dix commandements<br />
de l’intégration flexible) de la délégation finlandaise par exemple, ont en<br />
outre été communiqués aux participants.<br />
Sans entrer dans les détails techniques, notons que le processus a suivi le<br />
cursus habituel d’une conférence intergouvernementale : lancement de<br />
l’idée, puis définition du concept et conception d’un projet d’article ; enfin,<br />
examen du projet, interprétation et négociations. Le rapport de situation de<br />
la présidence italienne suggérait surtout l’élaboration d’une clause générale<br />
sur la flexibilité, assortie de clauses spécifiques pour chaque pilier<br />
(juin 1996).<br />
Cette idée de clause générale semblait résulter de la politique de blocage<br />
adoptée à l’égard de l’Europe, au printemps 1996, par le Royaume-Uni, en<br />
représailles contre l’embargo sur le bœuf britannique décidé par la<br />
Commission pour enrayer l’épidémie de la « vache folle ». L’attitude<br />
analogue de la Grèce en 1992-95 au sujet de la reconnaissance de l’ARY de<br />
Macédoine – pour des raisons très différentes 12 – a également joué un rôle.<br />
l’entretien avec le Premier ministre français Edouard Balladur publié dans Le Figaro<br />
du 30 août 1994 et son article publié dans Le Monde du 30 novembre 1994, faisant<br />
référence à une Europe de « cercles concentriques » – un pilier commun pour la politique<br />
économique, la coopération politique et les frontières communes, ainsi qu’aux solidarités<br />
renforcées dans d’autres domaines tels que l’UEM et la défense, plus un troisième cercle<br />
pour les candidats et les futurs membres.<br />
12 Voir Stelios Stavridis, « The Common Foreign and Security Policy of the European<br />
Union : Why Institutional Arrangements Are Not Enough », dans Howard Machin et al.
9<br />
Autrement dit, la flexibilité a été considérée comme le seul moyen de sortir<br />
de la paralysie politique et institutionnelle qu’un gouvernement était, à lui<br />
seul, capable de provoquer.<br />
Quoi qu’il en soit, pendant les négociations qui ont suivi, différentes<br />
options ont été proposées pour « déclencher » la flexibilité au sein de<br />
chaque pilier : vote à la majorité qualifiée (VMQ) dans le premier,<br />
unanimité dans le deuxième, et les deux, alternativement, dans le troisième.<br />
Selon le mémorandum franco-allemand du 17 octobre 1996, aucun Etat<br />
membre ne devait disposer du droit de veto pour lancer une coopération<br />
renforcée. En janvier 1997, l’Italie a présenté un projet d’article pour le<br />
deuxième pilier, prévoyant que toutes les formes de flexibilité liées à la<br />
défense nécessiteraient le consentement de tous les membres de l’UEO 13 .<br />
Par la suite, la présidence néerlandaise a néanmoins émis des doutes sur la<br />
nécessité d’une clause de flexibilité dans le deuxième pilier et, dans le projet<br />
final préparé pour le sommet d’Amsterdam, l’unanimité a été considérée<br />
comme le mécanisme permettant de déclencher le processus, alors que le<br />
VMQ était jugé suffisant pour le premier et le troisième piliers. Ce signal<br />
d’alarme a eu son importance : pendant la dernière phase, la plus<br />
mouvementée, des négociations d’Amsterdam, la clause de flexibilité du<br />
deuxième pilier a littéralement disparu de la table au profit de l’« abstention<br />
constructive ».<br />
Que s’est-il donc passé ? Il semble que l’arrivée sur la scène européenne<br />
d’un nouveau gouvernement britannique apparemment moins hostile à la<br />
coopération constructive avec ses partenaires de l’UE – parallèlement à la<br />
consolidation en Grèce d’un pouvoir politique moins replié sur lui-même –<br />
ait contribué à marginaliser la question et à rendre moins nécessaire la<br />
(dir.), New Challenges in the European Union : Policies and Policy-Making, Darmouth,<br />
Aldershot, 1997, pp. 87-122 ; Sophia Clément, « Les relations gréco-macédoniennes : de<br />
l’affrontement au rapprochement », Politique étrangère, n. 2, 1998, pp. 389-399. Voir<br />
également Alexander Kazamias, « The Quest for Modernisation in Greek Foreign Policy<br />
and its Limitations », Mediterranean Politics, n. 2, 1997, pp. 71-94.<br />
13 Plus spécifiquement, l’Italie proposait que le VMQ soit également la règle pour<br />
l’élaboration d’orientations générales en matière de politique étrangère, que compléterait le<br />
recours à « l’abstention constructive ». Si ces modifications devaient être acceptées par la<br />
CIG, l’Italie ne voyait pas la nécessité d’une flexibilité, option qu’il fallait plutôt considérer<br />
– ce qui cadrait bien avec sa position générale – comme l’ultime recours. Une telle<br />
flexibilité pouvait s’appliquer aux questions de défense, à condition que les Etats<br />
participants comprennent tous les membres de l’UEO. Les Portugais ont, quant à eux,<br />
demandé – s’agissant du deuxième pilier – que la coopération renforcée s’applique<br />
seulement à la mise en oeuvre de mesures décidées à l’unanimité par le Conseil.
10<br />
demande d’une clause générale forte de flexibilité. Mais on peut également<br />
affirmer qu’en fin de compte, aucun gouvernement n’était réellement<br />
favorable à une clause de flexibilité spécifique pour la <strong>PESC</strong> : les petits pays<br />
par crainte d’être mis en minorité, l’Italie et l’Espagne redoutant d’être<br />
exclues, la Grande-Bretagne pour des raisons de principe et de tradition.<br />
Même l’Allemagne et la France n’ont pas insisté sur ce point : la première<br />
n’y voyait apparemment aucune urgence (et envisageait d’autres moyens de<br />
promouvoir la coopération renforcée), la seconde craignait que soit affaibli<br />
le droit d’un pays de dire « Non » pour des questions de vie ou de mort.<br />
Enfin, les négociateurs ont estimé, semble-t-il, que la nature même de la<br />
<strong>PESC</strong>, notamment lorsqu’elle se traduit par une gestion des crises au cas par<br />
cas, rendait une clause spécifique de « flexibilité » inutile, voire tout à fait<br />
opposée au résultat recherché.<br />
Le Traité d’Amsterdam prévoit donc trois formes essentielles de<br />
flexibilité :<br />
− les clauses d’habilitation : mode d’intégration permettant aux Etats<br />
membres qui le souhaitent et en sont capables (willing and able) de<br />
poursuivre le processus d’intégration (considérée comme une<br />
« coopération renforcée »), à certaines conditions définies dans les traités,<br />
pour différents domaines politiques dans le cadre institutionnel de l’UE.<br />
Cela consiste, par exemple, en une clause générale de flexibilité comme<br />
nouveau titre des dispositions communes du Traité sur l’Union<br />
européenne (Titre VII, art. 43-45), et en des clauses spécifiques pour le<br />
premier pilier (art. 11 de la version consolidée du TCE) et le troisième<br />
pilier (art. 40 de la version consolidée du TUE) ;<br />
− la flexibilité au cas par cas : mode d’intégration donnant à un Etat<br />
membre la possibilité de s’abstenir de voter, en déclarant formellement<br />
qu’il ne contribuera pas à la décision, tout en acceptant simultanément<br />
que celle-ci engage l’ensemble de l’Union européenne. Cette « abstention<br />
constructive » est donc surtout un mécanisme décisionnel et,<br />
accessoirement, un mécanisme permettant de déclencher la flexibilité.<br />
Comme nous l’avons déjà mentionné, elle ne concerne que le deuxième<br />
pilier (art. 23 de la version consolidée du TUE) et a pour but de<br />
compenser la « disparition » de dernière minute d’une clause spécifique<br />
de flexibilité ;<br />
− la flexibilité prédéfinie : mode d’intégration pour un domaine<br />
spécifique. Elle est déterminée à l’avance sur tous les plans (y compris<br />
son objectif et sa portée) et s’applique automatiquement dès lors que le
11<br />
Traité entre en vigueur. Elle est d’emblée établie dans les protocoles et les<br />
déclarations liés à l’ancien troisième pilier, et concerne spécifiquement et<br />
explicitement le Danemark (qui se trouve dans l’« espace » de Schengen,<br />
mais avec une clause d’exemption [opting-out] pour le reste du troisième<br />
pilier), le Royaume-Uni et la République d’Irlande (tous deux à<br />
l’extérieur de Schengen, mais avec une clause d’inclusion [opt-in] pour le<br />
reste du troisième pilier).<br />
La première option reproduit en substance le rapport du Groupe de<br />
réflexion (flexibilité à utiliser seulement en « dernier ressort »), indique<br />
qu’« au moins une majorité d’Etats membres » devrait participer, mais<br />
ajoute aussi plusieurs contraintes : la coopération ne doit « affecte[r] ni<br />
l’acquis communautaire » ni « les compétences, les droits, les obligations et<br />
les intérêts des Etats membres qui n’y participent pas » (art. 43 de la version<br />
consolidée du TUE). Ce qui a conduit certains partisans de la coopération<br />
renforcée à regretter qu’un « carcan » soit ainsi imposé à tout groupe futur<br />
d’Etats « volontaires et capables » : lancée comme un concept audacieux,<br />
conçu pour permettre à une avant-garde de quelques Etats membres plus<br />
avancés d’« approfondir » encore leur intégration avec la bénédiction<br />
(qualifiée) des autres, elle est, pour finir, devenue un système de garanties<br />
de la majorité 14 .<br />
14 Voir Josef Janning, “Dynamik in der Zwangsjacke - Flexibilität in der Europäischen<br />
Union nach Amsterdam”, Integration, n. 4, 1997, pp. 285-291. Pour une description<br />
détaillée de la CIG et une première évaluation, voir Geoffrey Edwards et Eric Philippart,<br />
“Flexibility and the Treaty of Amsterdam: Europe’s New Byzantium”, dans “Flexibility<br />
and the Treaty of Amsterdam: Europe’s New Byzantium?”, CELS Occasional Papers, n. 3,<br />
Centre for European Legal Studies, Cambridge, 1997, pp. 1-46 ; Andrew Duff (dir.), The<br />
Treaty of Amsterdam: Text and Commentary, Federal Trust, Londres, 1997, pp. 181-197 ;<br />
Monica den Boer, Alain Guggenbuehl et Sophie Vanhoonacker (dir.), Coping with<br />
Flexibility and Legitimacy after Amsterdam, European Institute of Public Administration,<br />
Maastricht, 1998 ; Wolfgang Wessels, « Flexibility, Differentiation and Closer<br />
Cooperation: The Amsterdam Provisions in Light of the Tindemans Report », dans Martin<br />
Westlake (dir.), The European Union beyond Amsterdam: New Concepts of European<br />
Integration, Routledge, Londres, 1998, pp. 77-98 ; les contributions de Helmut Kortenberg,<br />
« Closer Cooperation in the Treaty of Amsterdam » et Giorgio Gaja, « How Flexible is<br />
Flexibility under the Amsterdam Treaty? », dans Common Market Law Review, vol. 35,<br />
n. 4, 1998, pp. 833-870 ; Eric Philippart et Geoffrey Edwards, “The Provisions on Closer<br />
Cooperation in the Treaty of Amsterdam – The Politics of Flexibility in the European<br />
Union”, Journal of Common Market Studies, vol. 37, n. 1, 1999, pp. 87 à 108 ; Françoise de<br />
la Serre, Une Europe ou plusieurs ?”, Politique Etrangère, n. 64, printemps 1999, pp. 21-<br />
34 ; Christian Deubner, Harnessing Differentiation in the EU: Flexibility after Amsterdam<br />
– A Report on Hearings with Parliamentarians and Officials in Seven European Capitals,
12<br />
Le troisième modèle de flexibilité est légèrement plus fonctionnel, tout en<br />
imposant les mêmes contraintes, au sens où il reflète la manière dont<br />
l’acquis de Schengen a d’emblée été développé, c’est-à-dire par<br />
« importation » plutôt que par création « sur place » : c’est aussi la seule<br />
forme de flexibilité pouvant être financée essentiellement par le budget de<br />
l’UE (art. 41 de la version consolidée du TUE) 15 .<br />
Par contre, le deuxième scénario met en évidence les limites des<br />
dispositions institutionnelles pour le règlement des questions politiques de<br />
fond qui divisent encore les Etats membres (responsabilités politiques à<br />
attribuer à l’UE, avenir de la défense européenne et forme que devrait<br />
prendre cette dernière compte tenu de l’OTAN) et qui exigent peu de<br />
coopération renforcée (parce qu’elle est déjà mise en oeuvre plus<br />
efficacement dans d’autres organisations) ou seulement de manière inégale<br />
entre les « fournisseurs » et les « consommateurs » de sécurité. En témoigne<br />
l’ajournement de facto à Amsterdam de la décision sur l’intégration de<br />
l’UEO dans l’UE 16 .<br />
SWP-S 430, Ebenhausen, juillet 1999 ; Kerstin Junge, Flexibility, Enhanced Cooperation<br />
and the Treaty of Amsterdam, Kogan Page, Londres, 1999.<br />
15 Voir les contributions de Joris Demmink, Gilles de Kerchove et Jörg Monar, dans den<br />
Boer, Guggenbuehl et Vanhoonacker (dir.), op. cit. dans note 14, pp. 193 ss., et Jörg Monar,<br />
« Flexibility and Closer Cooperation in an Emerging European Migration Policy:<br />
Opportunities and Risks », Laboratorio CeSPI, 01, Rome, octobre 1999. Plus<br />
généralement, voir également Didier Bigo, « L’Europe de la sécurité intérieure : penser<br />
autrement la sécurité », dans Anne-Marie Le Gloannec (dir.), Entre Union et nations.<br />
L’Etat en Europe, Presses de Sciences Po, Paris, 1998, pp. 55-90.<br />
16 Pour des évaluations générales, voir Elfriede Regelsberger et Mathias Jopp, « Und sie<br />
bewegt sich doch! Die gemeinsame Aussen- und Sicherheitspolitik nach den<br />
Bestimmungen des Amsterdamer Vertrages », Integration, n. 4, 1997, pp. 255-263 ; Jörg<br />
Monar, « The European Union’s Foreign Affairs System after the Treaty of Amsterdam: A<br />
‘Strengthened Capacity for External Action’? », European Foreign Affairs Review, n. 2,<br />
1997, pp. 413-436 ; Philippe de Schoutheete, « L’avenir de l’Union Européenne »,<br />
Politique Etrangère, n. 3, 1997, pp. 263-277 ; Guido Lenzi, « European Security after<br />
Amsterdam », CFSP-Forum, n. 3, 1997, pp. 5-7 ; Groupe d’Experts à haut niveau sur la<br />
<strong>PESC</strong>, La politique extérieure et de sécurité de l’Europe à l’horizon 2000 : Appréciation<br />
sur le Traité d’Amsterdam, Bruxelles, 20 octobre 1997 ; Philip H. Gordon, « Europe’s<br />
Uncommon Foreign Policy », International Security, hiver 1997/98, pp. 74-100 ; Franco<br />
Algieri, « Die Reform der GASP – Anleitung zu begrenztem gemeinsamen Handeln », dans<br />
Werner Weidenfeld (dir.), Amsterdam in der Analyse, Verlag Bertelsmann Stiftung,<br />
Gütersloh, 1998, pp. 89-120 ; Nicole Gnesotto, « Défense européenne et partenariat<br />
atlantique », dans Françoise de la Serre et Christian Lequesne (dir.), Quelle Union pour<br />
quelle Europe? L’après-traité d’Amsterdam, Editions Complexe, Bruxelles, 1998, pp. 67-<br />
95 ; Eric Remacle, « La politique étrangère au-delà de la <strong>PESC</strong> », dans Mario Telò et Paul
13<br />
Enfin, le point commun de toutes les formes de flexibilité insérées dans le<br />
TUE – aussi bien générales que spécifiques à un pilier – est la référence plus<br />
ou moins explicite à « des raisons de politique nationale importantes et qu’il<br />
expose », comme moyen par lequel chaque Etat membre peut empêcher le<br />
Conseil de déclencher une « coopération renforcée » par le biais du VMQ<br />
(dans le cadre de la <strong>PESC</strong>, cela s’applique aux actions conjointes et aux<br />
positions communes). De nombreux analystes et commentateurs ont vu dans<br />
cette disposition – apparemment insérée comme « frein de secours » (art. 23<br />
et 40 de la version consolidée du TUE) à la dernière minute, à la demande<br />
de la Grande-Bretagne – la réapparition du (tristement) célèbre « compromis<br />
de Luxembourg » de 1996, en vertu duquel chaque membre de l’UE<br />
dispose, en principe, d’un droit de veto. D’une part, il est indéniable que<br />
cette clause ouvre la voie aux politiques d’obstruction et aux vetos<br />
occasionnels (« important » est finalement moins fort que « vital »), rendant<br />
ainsi la flexibilité encore plus difficile à déclencher. D’autre part, si<br />
l’« importance » des raisons est difficile à évaluer précisément, ces raisons,<br />
qui doivent être « exposées » et articulées publiquement et explicitement,<br />
n’arrêtent pas le processus de prise de décision au sens où le Conseil luimême,<br />
« statuant à la majorité qualifiée, peut demander que le Conseil<br />
européen soit saisi de la question en vue d’une décision à l’unanimité ».<br />
Autrement dit, bien que la première demande franco-allemande n’ait pas été<br />
satisfaite, le coût politique d’un veto national à la coopération renforcée est<br />
très élevé, surtout si un seul pays fait opposition et passe par l’ensemble du<br />
processus institutionnel. A l’inverse, en vertu du « compromis de<br />
Luxembourg » – qui n’a jamais été consigné dans les Traités –, mettre en<br />
avant un intérêt national « vital » était jugé suffisant pour bloquer toute<br />
initiative ou décision. Quoi qu’il en soit, il semble improbable qu’une<br />
majorité d’Etats membres lance une procédure de « coopération renforcée »<br />
sur une politique donnée sans un espoir raisonnable d’y parvenir,<br />
vraisemblablement en faisant des concessions à l’égard du ou des pays<br />
récalcitrant(s), notamment si les intérêts nationaux en jeu ne sont pas<br />
réellement « vitaux ».<br />
Il semble finalement qu’à l’image du VMQ, toutes ces dispositions<br />
concernant la flexibilité serviront plus de moyens de dissuasion<br />
institutionnels – que ce soit contre le boycott politique par un seul pays ou<br />
contre l’officialisation de directoires exclusifs – que d’instruments pour<br />
approfondir l’intégration entre les Etats membres les plus désireux et<br />
Magnette (dir.), De Maastricht à Amsterdam. L’Europe et son nouveau traité, Editions<br />
Complexe, Bruxelles, 1998, pp. 183-207.
14<br />
capables de le faire. Les restrictions budgétaires générales prévues à<br />
l’article 44 (par. 2) de la version consolidée du TUE – en vertu desquelles<br />
« les dépenses résultant de la mise en oeuvre de la coopération, autres que<br />
les coûts administratifs occasionnés pour les institutions, sont à la charge<br />
des Etats membres qui y participent, à moins que le Conseil, statuant à<br />
l’unanimité, n’en décide autrement » – semblent aller dans ce sens, même si<br />
elles ne s’appliquent pas à la « coopération renforcée » dans le troisième<br />
pilier.<br />
S’agissant de la <strong>PESC</strong>, la seule échappatoire du Traité d’Amsterdam<br />
permettant une certaine flexibilité est, comme nous l’avons vu, la clause de<br />
l’« abstention constructive » (art. 23 de la version consolidée du TUE),<br />
mécanisme assez ambigu dans la mesure où il met l’accent sur la nonparticipation<br />
et sur une possibilité d’exemption (opting-out) au cas par cas.<br />
En fait, il devrait être plutôt considéré comme un système de vote, avec les<br />
dispositions limitées de VMQ incluses, « par dérogation », dans le même<br />
article 23 (par. 2). Si la logique adoptée par les négociateurs de la CIG pour<br />
atténuer le principe de l’unanimité était d’avoir soit le VMQ soit la<br />
« coopération renforcée », ni l’un ni l’autre ne s’applique ici, du moins aux<br />
passages clés du processus de prise de décision : la seule possibilité est<br />
l’abstention tacite. Même s’il est logique qu’un Etat membre réticent<br />
s’abstienne simplement d’agir sans faire obstacle à une majorité non<br />
négligeable d’Etats, dans quelle mesure cette formule de « consensus<br />
moins X » peut-elle s’étendre sans nuire ni à la crédibilité ni à la mise en<br />
oeuvre d’une décision ?<br />
Des problèmes peuvent également se poser concernant le nombre et la<br />
qualité des abstentions. D’une part, si les abstentions représentent plus du<br />
tiers des voix « pondérées » au Conseil, la décision n’est pas adoptée. De<br />
l’autre, il est important de savoir qui s’abstient et sur quelle décision,<br />
notamment pour les « décisions ayant des implications militaires ou dans le<br />
domaine de la défense », comme l’indique l’article 23. Dans ce domaine, en<br />
effet, certains pays sont incontestablement plus « égaux » que d’autres : par<br />
exemple, l’abstention de l’Irlande ou de l’Autriche n’aurait pas le même<br />
impact que celle de la France ou du Royaume-Uni, mais la proximité<br />
géographique d’une région « sensible », les liens historiques et les traditions<br />
culturelles peuvent également jouer un rôle.<br />
Par ailleurs, il deviendra de plus en plus difficile de parvenir au consensus<br />
et d’obtenir l’engagement de quinze Etats membres et plus, pour<br />
entreprendre des missions aussi diverses que celles envisagées dans le Traité<br />
d’Amsterdam (article 17.2 de la version consolidée du TUE). Celles-ci<br />
comprennent en fait un vaste éventail d’opérations possibles, en
15<br />
l’occurrence « des missions humanitaires ou d’évacuation de ressortissants,<br />
des missions de maintien de la paix, des missions de force de combat pour la<br />
gestion des crises, y compris des opérations de rétablissement de la paix »,<br />
couvrant ainsi la première et la deuxième « générations » des opérations de<br />
maintien de la paix des Nations unies : missions entreprises en vertu du<br />
chapitre VI de la Charte des Nations unies (interposition entre les parties<br />
après un cessez-le-feu ou compromis de paix, opérations de type « casques<br />
bleus » ou Chypre), et missions humanitaires ou d’imposition de la paix<br />
relevant du chapitre VII, susceptibles d’exiger le recours à la force (par<br />
exemple, Bosnie, Somalie, Rwanda, Haïti, Albanie). Il est intéressant, voire<br />
caractéristique, de noter que les premières ont suscité une forte participation<br />
des pays neutres, non alignés (Autriche et pays nordiques), et que les autres<br />
ont souvent été lancées et dirigées par les Etats-Unis et/ou les principaux<br />
pays européens de l’OTAN. Mais il semble de plus en plus probable que les<br />
futures missions impliquant les forces européennes seront plutôt du type<br />
« chapitre VI et demi » : le soutien à la paix peut facilement dégénérer en<br />
situation de combat et les casques bleus devront donc être entraînés pour<br />
toutes les opérations militaires envisageables. Quoi qu’il en soit, même s’il<br />
semble bien s’agir ici d’un cas d’« ambiguïté constructive », il n’en sera pas<br />
pour autant plus facile de parvenir au consensus sur l’objectif futur de la<br />
<strong>PESC</strong>, surtout en l’absence d’une lecture commune des besoins et des<br />
implications de ces missions.<br />
Enfin, la clause d’abstention peut avoir un effet beaucoup moins<br />
constructif si elle conduit un pays à s’abstenir pour des raisons purement<br />
financières. Les coûts d’une mission approuvée par le biais de l’« abstention<br />
constructive » seront à la charge des Etats membres proportionnellement à<br />
leur PIB et ne grèveront pas le budget de la Communauté, sauf décision<br />
contraire du Conseil. Ce qui pourrait bien ouvrir la voie à une forme de<br />
« programme libre » et se révéler de temps à autre plus « destructif » que<br />
« constructif » pour la <strong>PESC</strong> 17 . Reste à savoir si cette procédure sera utilisée<br />
et, dans l’affirmative, à quel moment et de quelle manière.<br />
17 Voir, par exemple, Simon Nuttall, « The CFSP Provisions of the Amsterdam Treaty:<br />
An Exercise in Collusive Ambiguity », CFSP-Forum, n. 3, 1997, pp. 1-3.
16<br />
L’UEO <strong>ET</strong> LA <strong>PESC</strong> : DEFIS <strong>ET</strong> REPONSES<br />
Il peut être utile, à ce stade, de se pencher sur l’ensemble des institutions<br />
(et actions) européennes liées à la <strong>PESC</strong>, en commençant par l’Union de<br />
l’Europe occidentale (UEO), qui a toujours personnifié, pour le meilleur et<br />
pour le pire, le consensus entre les membres de la CE/UE sur la politique de<br />
défense.<br />
Pour commencer, l’inclusion d’une « abstention constructive » dans le<br />
traité de l’UEO ou, plutôt, dans sa pratique – comme certains Etats<br />
membres, notamment la France, l’ont suggéré après Amsterdam – pourrait<br />
engendrer des problèmes du même type que ceux évoqués dans les pages<br />
qui précèdent. Mais on peut supposer que seuls seraient concernés les dix<br />
membres à part entière de l’UEO, ce qui rendrait son usage à la fois moins<br />
probable (plus d’homogénéité) et plus dangereux (moins de crédibilité) 18 . De<br />
plus, il serait déplacé et sans grand intérêt d’appliquer cette formule à la<br />
« famille élargie » de l’UEO à vingt-huit. Dans les faits, l’UEO est déjà<br />
devenue une organisation à plusieurs cercles : depuis 1995, mis à part un<br />
noyau de dix membres de plein droit (UE plus OTAN), elle a acquis des<br />
« cercles » successifs d’adhérents – membres associés (membres de l’OTAN<br />
seulement : Islande, Norvège et Turquie, et aujourd’hui Hongrie, Pologne,<br />
République tchèque), observateurs (Danemark, plus membres de l’UE<br />
seulement – Autriche, Finlande, Irlande et Suède), associés partenaires (tous<br />
les candidats d’Europe centrale à l’UE qui ne sont pas membres de<br />
l’OTAN) – mais elle travaille de plus en plus à vingt et un (pour les<br />
questions liées à l’UE et à l’OTAN) ou à vingt-huit. En somme, l’UEO s’est<br />
élargie avant – et en omettant – de s’approfondir.<br />
Cela étant, les missions menées à ce jour par l’UEO – à la veille de<br />
l’absorption prévue de ses fonctions par l’UE –, peu risquées et peu<br />
coûteuses, sont passées pratiquement inaperçues. Sur le plan militaire, après<br />
18 En fait, la proposition française – telle que proposée par le Premier ministre Lionel<br />
Jospin dans l’allocution qu’il a prononcée en septembre 1997 devant l’IHEDN – n’a pas<br />
pour but une modification du Traité de Bruxelles (1948), dont l’article VIII envisage déjà<br />
des décisions non consensuelles, quoique indirectement (« le Conseil prend à l’unanimité<br />
les décisions pour lesquelles une autre procédure de vote n’aura pas été ou ne sera pas<br />
convenue » [italiques rajoutés]). De plus, la France – appuyée par d’autres membres de<br />
l’UEO – cherche simplement à appliquer ce consensus aménagé aux missions « de<br />
Petersberg », ne relevant pas de l’article V. Aucune décision officielle n’a été prise<br />
jusqu’ici à ce sujet. La réunion ministérielle de l’UEO tenue en novembre 1997 à Erfurt a<br />
néanmoins souligné la nécessité de faciliter le consensus à l’intérieur de l’Organisation, le<br />
cas échéant en exemptant certains Etats membres/associés de la contribution financière à<br />
une action spécifique qu’ils souhaiteraient appuyer politiquement.
17<br />
trois décennies d’« hibernation », l’UEO n’a revêtu quelque importance<br />
qu’en 1987-88 lorsqu’elle a été utilisée pour déployer une force de<br />
déminage dans le Golfe persique pendant la guerre Irak-Iran, permettant<br />
ainsi de contourner les contraintes géographiques auxquelles sont soumises<br />
les forces OTAN pour des opérations « hors zone ». Un deuxième<br />
engagement opérationnel a eu lieu pendant la guerre du Golfe en 1990-91 :<br />
pour la première fois en trente-six ans, les chefs d’état-major de l’UEO se<br />
sont réunis, à Paris, afin de coordonner les opérations navales en application<br />
de l’embargo contre l’Irak, conformément à la décision du Conseil de<br />
sécurité des Nations unies. Enfin, depuis 1992, l’UEO a été impliquée dans<br />
le contrôle de l’embargo à l’encontre de l’ex-Yougoslavie, tout d’abord dans<br />
la mer Adriatique (dans le cadre de l’opération Sharp Guard, entreprise de<br />
concert avec l’OTAN), puis le long du Danube, en assistant la Bulgarie, la<br />
Hongrie et la Roumanie, et en coopération avec l’OSCE (Organisation pour<br />
la Sécurité et la Coopération en Europe).<br />
Le bilan global est toutefois très modeste : l’UEO n’a jamais eu de forces<br />
militaires sous son commandement direct et elle est restée dépendante de<br />
l’OTAN pour la surveillance, le recueil de renseignements et le transport<br />
stratégique : en témoignent les arrangements bilatéraux difficilement<br />
négociés depuis 1994 – qui ont donné à l’UEO la possibilité<br />
d’« emprunter » les moyens de l’OTAN pour des opérations ne relevant pas<br />
des articles 5/V (faisant donc de l’UEO un « interface » potentiel entre<br />
l’OTAN et l’UE, mais sans lui donner un accès automatique à ces moyens).<br />
Il n’a donc été nécessaire jusqu’ici ni de recourir à l’abstention ni d’ouvrir<br />
un débat sur une quelconque forme de flexibilité. En même temps, les<br />
arrangements « constitutionnels » de l’UEO prévoient déjà un double<br />
système de garanties et d’engagements potentiels : le noyau dur des dix<br />
membres à part entière de l’OTAN et de l’UE se fonde sur des garanties<br />
mutuelles de sécurité au sens strict ou hard security (article V du Traité de<br />
Bruxelles modifié), ce qui a des implications contraignantes en matière de<br />
défense, même s’il est entendu que la défense collective relève de toute<br />
façon de l’OTAN (article IV). Le cercle externe s’étend progressivement<br />
aux vingt-huit et, indépendamment de la composition actuelle et/ou future<br />
de l’UE et de l’OTAN, est déjà prêt, sur le principe, à entreprendre des<br />
missions de Petersberg ne relevant pas de l’article V, telles que définies<br />
aujourd’hui dans l’article 17 de la version consolidée du TUE 19 .<br />
19 Au-delà du groupe initial des sept signataires du Traité de l’UEO (1954), l’Espagne et<br />
le Portugal sont devenus des membres à part entière en 1990, la Grèce en 1995 : ce statut<br />
n’est pas défini dans le Traité, mais il est communément admis (« doctrine Cahen », d’après
18<br />
En ce qui concerne la relation UE/UEO en particulier, l’article J.4 du<br />
traité de Maastricht postulait « la définition à terme d’une politique de<br />
défense commune, qui pourrait conduire, le moment venu, à une défense<br />
commune » et considérait l’UEO comme l’institution qui, faisant « partie<br />
intégrante du développement de l’Union », pourrait être chargée<br />
« d’élaborer et de mettre en oeuvre les décisions et les actions de l’Union<br />
qui ont des implications dans le domaine de la défense ». Cette disposition<br />
n’a été que très peu utilisée. En fait, le système de « déclenchement » du<br />
TUE a été appliqué à deux occasions seulement : en novembre 1996,<br />
lorsque l’UE a confié à l’UEO la tâche d’organiser une opération<br />
humanitaire (qui n’a finalement pas eu lieu) dans la région des Grands Lacs<br />
d’Afrique, ainsi qu’entre septembre et novembre 1998, période pendant<br />
laquelle le Conseil de l’UE a fait appel au soutien de l’UEO à trois reprises :<br />
– planification d’une opération de police internationale pour assister les<br />
autorités albanaises (décision du Conseil du 22 septembre 1998, suivie<br />
d’une autre décision plus opérationnelle prise le 5 mars 1999),<br />
– organisation d’une opération de déminage en Croatie (décision du<br />
Conseil du 9 novembre 1998), et<br />
– surveillance de la situation au Kosovo grâce aux données fournies par<br />
le Centre satellitaire de l’UEO (décision du Conseil du<br />
13 novembre 1998).<br />
le nom du Secrétaire général de l’UEO de 1985 à 1989, Alfred Cahen) que seuls les pays<br />
appartenant à la fois à l’UE et à l’OTAN peuvent entrer à l’UEO. Le statut de membre<br />
associé (qui contribue au budget de l’UEO) et celui d’observateur (qui n’y contribue pas)<br />
ont été introduits en 1992, avec la déclaration de Petersberg, qui a également fourni la<br />
première définition des nouvelles missions désormais incluses dans le TUE. Le statut<br />
d’associé partenaire (pays signataire des accords européens avec l’UE) a vu le jour en 1994<br />
avec la déclaration de Kirchberg. A propos de l’UEO en général, voir Patrick van Ackere,<br />
L’Union de l’Europe Occidentale, PUF, Paris, 1995 ; Anne Deighton (dir.), Western<br />
European Union 1954-1997: Defence, Security, Integration, St Antony’s College, Oxford,<br />
1997 ; Philip H. Gordon, « Does the WEU have a Role? », The Washington Quarterly,<br />
hiver 1997, pp. 125-140 ; G.Wyn Reese, The Western European Union at the Crossroads:<br />
Between Transatlantic Solidarity and European Integration, Westview Press, Boulder,<br />
1998 ; André Dumoulin et Eric Remacle, L’Union de l’Europe Occidentale – Phénix de la<br />
défense européenne, Bruylant, Bruxelles, 1998 ; Joseph I. Coffey, « WEU After the Second<br />
Maastricht », dans Pierre-Henri Laurent et Marc Maresceau (dir.), The State of the<br />
European Union, vol. IV, Deepening and Widening, Lynne Rienner, Boulder, CO, 1998,<br />
pp. 113-132 ; et Guido Lenzi (dir.), L’UEO a 50 ans, Institut d’Etudes de Sécurité de<br />
l’UEO, Paris, 1998.
19<br />
L’opération de police dans la ville de Mostar administrée par l’UE, en ex-<br />
Yougoslavie, a été menée par l’UEO (été 1994-automne 1996) simplement<br />
sur la base d’un protocole d’accord bilatéral signé avec l’UE le<br />
5 juillet 1994, bien que dans le cadre d’une « action commune » de la <strong>PESC</strong><br />
décidée par le Conseil de l’UE et avec l’appui financier du programme<br />
PHARE 20 .<br />
Le fait que les trois nouveaux membres de l’UE (Autriche, Finlande et<br />
Suède) soient militairement non alignés, tout en ayant des traditions et des<br />
statuts différents, a encore compliqué l’organigramme de l’UE/UEO 21 . A la<br />
CIG, en particulier, il a été plus difficile de parvenir à un accord sur l’avenir<br />
institutionnel de l’UEO. La résistance combinée des Etats membres non<br />
alignés et, pour des raisons opposées, de la Grande-Bretagne (et du<br />
20 Le Conseil de l’UE a en fait « demandé » à l’UEO d’examiner le soutien qu’elle<br />
pourrait donner à l’organisation d’une force de police à Mostar et à l’amélioration de<br />
certaines fonctions logistiques, en particulier dans le domaine médical, le 5 octobre 1993,<br />
c’est-à-dire quelques semaines avant l’entrée en vigueur du Traité de Maastricht – demande<br />
qui n’avait de toute façon aucune « implication dans le domaine de la défense ». Voir<br />
Willem F. van Eekelen, Debating European Security 1948-1998, Sdu Publishers, La Haye,<br />
1998, surtout pp. 168 ss. (M. van Eekelen a été Secrétaire général de l’UEO de 1989 à<br />
1994) et Sophia Clément, « L’UEO et le sud-est de l’Europe », dans Lenzi (dir.), op. cit.<br />
dans note 19, p. 103-119.<br />
21 Pour leurs traditions respectives - et en référence aux missions de l’ONU – voir Paul<br />
Luif, On the Road to Brussels: The Political Dimension of Austria’s, Finland’s and<br />
Sweden’s Accession to the European Union, Braumüller, Vienne, 1995. A cet égard, il<br />
convient de noter que l’Autriche, la Finlande et la Suède ont toutes trois participé aux<br />
missions de l’UEO à Mostar, que la Finlande et la Suède (ainsi que le Danemark) ont<br />
participé à l’opération de l’UEO en Albanie (MCPE) et que la Suède a même joué le rôle de<br />
nation-pilote dans l’opération de déminage en Croatie (MADUEO). En ce qui concerne leur<br />
impact général sur la <strong>PESC</strong>, voir Lee Miles et John Redmond, « Enlarging the European<br />
Union: The Erosion of Federalism? », Cooperation and Conflict, n. 31, septembre 1996,<br />
pp. 285-309 ; Stephan Kux, « GASP und Beitrittskandidaten: Blockierung, Flexibilisierung<br />
oder vernetzte Sicherheitsgemeinschaft? », Österreichische Zeitschrift für<br />
Politikwissenschaft, n. 4, 1996, pp. 413-430 ; Jean-François Gribinski (dir.), « L’Autriche,<br />
la Finlande, la Suède et la sécurité européenne », La documentation Française, Paris,<br />
1996 ; ainsi que les essais de Knud Erik Jørgensen, « Possibilities of a ‘Nordic’ Influence<br />
on the Development of the CFSP? », et Gunilla Herolf, « The Role of Non-aligned States in<br />
European Defence Organisations: Finland and Sweden », dans Mathias Jopp et Hanna<br />
Ojanen (dir.), European Security Integration: Implications for Non-alignment and<br />
Alliances, The Finnish Institute of International Affairs, Helsinki, 1999, pp. 103-166. Pour<br />
des analyses plus récentes, voir également Gustav Gustenau, « Towards a common<br />
European policy on security and defence : an Austrian view of challenges for the<br />
‘post-neutrals’ », Occasional Papers, n. 9, octobre 1999 et Hanna Ojanen, « Participation<br />
and influence : Finlande, Sweden and the post-Amsterdam development of the CFSP,<br />
Occasional Papers, n. 11, Institut d’Etudes de Sécurité de l’UEO, Paris, février 2000.
20<br />
Danemark) a ensuite prévalu sur l’effort entrepris pour accélérer<br />
l’intégration de l’UEO dans la <strong>PESC</strong>/UE. Une proposition détaillée en trois<br />
étapes sur cette question a été soumise à la CIG par l’Allemagne, la<br />
Belgique, l’Espagne, la France, l’Italie et le Luxembourg en mars 1997 22 –<br />
les Pays-Bas, qui l’ont apparemment appuyée, ont toutefois préféré ne pas y<br />
souscrire dans la mesure où ils assuraient la présidence de la Conférence –<br />
mais un consensus entre les Quinze n’a pu être trouvé.<br />
Finalement, l’article 17 de la version consolidée du TUE définit l’UEO<br />
comme faisant « partie intégrante du développement de l’Union » au sens où<br />
elle « assiste l’Union dans la définition des aspects de la [<strong>PESC</strong>] ayant trait<br />
à la défense ». De plus, l’UE « aura recours à l’UEO pour élaborer et mettre<br />
en oeuvre les décisions et les actions de l’Union qui ont des implications<br />
dans le domaine de la défense ». L’UEO sera également impliquée dans la<br />
mise sur pied et l’activité subséquente de l’Unité de planification de la<br />
politique et d’alerte rapide prévue par le Traité. Sur le papier donc,<br />
maintenant que les missions de Petersberg sont explicitement incluses dans<br />
le mandat politique de la <strong>PESC</strong>, le rôle d’« agence » (soutien et accès)<br />
attribué de facto à l’UEO par l’article 17 fournit le lien fonctionnel<br />
nécessaire entre les deux institutions : la déclaration sur les relations<br />
UE/UEO annexée au Traité d’Amsterdam énumère les mesures à prendre<br />
dans un futur proche (à défaut d’une fusion totale) pour encourager ce qui<br />
est appelé – là encore confusément – « coopération renforcée » entre l’UE et<br />
l’UEO 23 .<br />
Le tableau est, en réalité, encore plus complexe qu’il n’y paraît, au regard<br />
notamment des mécanismes décisionnels. Même dans le nouveau Traité, le<br />
22 La première phase de la proposition – qui ne mentionne aucun calendrier spécifique –<br />
coïnciderait avec les mesures concrètes à prendre après la signature du Traité révisé.<br />
Pendant la deuxième phase, le Secrétariat de l’UEO serait incorporé au Secrétariat du<br />
Conseil de l’UE et l’UE reprendrait le contrôle politique de l’UEO. La troisème phase<br />
verrait la disparition de l’UEO en tant qu’organisation indépendante et l’instauration de<br />
relations directes entre l’UE et l’OTAN (voir Agence Europe, n. 6941, 24 mars 1997). Pour<br />
une analyse des positions sur la <strong>PESC</strong> et l’UEO à la CIG, voir Catriona Gurlay et Eric<br />
Remacle, « The 1996 IGC: The Actors and their Interaction », dans Kjell A. Eliassen (dir.),<br />
Foreign and Security Policy in the European Union, Sage, Londres, 1998, pp. 59-93.<br />
23 Quelques jours seulement avant l’entrée en vigueur du Traité révisé, le Conseil de l’UE<br />
avait publié une décision spécifique (10 mai 1999) sur les « arrangements pour une<br />
coopération renforcée » entre l’UE et l’UEO fondée sur le même article 17 et le Protocole<br />
annexé. Ce dernier prévoit également que, une année au maximum après l’entrée en vigueur<br />
des dispositions d’Amsterdam, l’UE et l’UEO pourraient aller encore plus avant sans<br />
nécessairement réunir une CIG, par exemple par le biais d’une simple décision (prise<br />
néanmoins à l’unanimité) du Conseil.
21<br />
deuxième pilier ne permet pas à lui seul de susciter un « noyau dur » engagé<br />
vis-à-vis d’une sécurité et d’une défense communes, et donc de créer une<br />
<strong>PESC</strong> à plusieurs vitesses. Les impulsions que l’UE pourrait donner à<br />
l’UEO seront probablement variées mais de portée et d’intensité limitées, et<br />
devraient de toute façon nécessiter simultanément une décision unanime de<br />
l’UEO (et de l’OTAN, si le concept GFIM est mis en oeuvre). En revanche,<br />
l’UEO peut, légalement, prendre des décisions autonomes concernant une<br />
action de sécurité et de défense (y compris les missions ne relevant pas de<br />
l’article V) sans décision concomitante de l’UE, malgré les efforts entrepris<br />
pour ajuster plus finement le mécanisme (in)décisionnel et surtout améliorer<br />
la coordination de la rotation des présidences dans les deux Organisations 24 .<br />
Autrement dit, il est devenu moins probable que l’UEO agisse seule,<br />
puisque ses deux « cercles » interne et externe feront référence dans la<br />
pratique à l’UE et/ou à l’OTAN ainsi qu’aux Nations unies et à l’OSCE.<br />
Paradoxalement, ce rôle d’« interface » de l’UEO, couplé à un acquis<br />
militaire faible, a facilité ce que l’on peut appeler le « saute-institutions »<br />
(forum-hopping) par ses Etats membres, c’est-à-dire une politique (ou une<br />
pratique) consistant à reporter, voire à boycotter des décisions ou des<br />
actions en leur faisant faire plus ou moins systématiquement « la navette »<br />
entre différentes instances.<br />
Preuve en est ce qui s’est passé en 1996-97 avec la crise albanaise, même<br />
si elle n’a atteint son point culminant qu’au stade final des négociations de<br />
la CIG (peu de temps avant les élections britanniques de mai 1997). D’une<br />
part, compte tenu des enseignements de la Bosnie, la communauté<br />
internationale a été favorable à une intervention extérieure à un stade<br />
relativement précoce. De l’autre, les Etats-Unis ayant clairement indiqué<br />
qu’ils n’entendaient nullement jouer un rôle direct en Albanie (comme ils<br />
l’avaient fait en Bosnie), l’« Europe » avait le champ libre. Pourtant, la<br />
formule adoptée a contredit la plupart des engagements pris. Les pays de<br />
l’UE ne sont pas parvenus à s’entendre sur une intervention dans le cadre<br />
des dispositions actuelles de la <strong>PESC</strong> – en raison des réticences allemandes<br />
et britanniques surtout ; le Conseil de l’UEO n’a pas voulu agir de façon<br />
24 Tout d’abord, depuis 1993, la durée des présidences (par rotation) de l’UEO a été<br />
ramenée de un an à six mois, conformément aux dispositions du Traité de Maastricht pour<br />
la présidence de l’UE. Deuxièmement, depuis le 1 er janvier 1999 – et en commençant avec<br />
l’Allemagne – les présidences de l’UE et de l’UEO ont lieu conjointement chaque fois<br />
qu’un membre de plein droit de l’UEO préside le Conseil de l’UE. La décision a été prise<br />
par l’UEO après la signature du Traité d’Amsterdam. Toutefois, aucune troïka – que ce soit<br />
dans le cadre de Maastricht ou d’Amsterdam – ni aucun mécanisme analogue n’a été établi<br />
pour l’UEO.
22<br />
indépendante jusqu’à ce qu’il soit invité à jouer un rôle mineur sur le terrain,<br />
avec l’envoi d’un Elément multinational de conseil en matière de police<br />
(EMCP), compte tenu de l’expérience acquise, tant bien que mal, à Mostar.<br />
Enfin, une « coalition de volontaires » très disparate – Espagne, France,<br />
Grèce, Italie, Roumanie et Turquie, ainsi que, dans une moindre mesure,<br />
Autriche, Danemark (assurant la présidence tournante de l’OSCE) et, vers la<br />
fin, Slovénie et Belgique – a lancé l’opération Alba avec un mandat<br />
humanitaire des Nations unies/OSCE et sous la direction d’une nation-cadre<br />
(Italie) 25 . La mission a donc été entreprise en dehors de tout cadre<br />
institutionnel spécifiquement européen. Elle a duré relativement peu de<br />
temps (par comparaison avec l’IFOR/SFOR) – d’avril à août 1997, avec une<br />
courte extension du mandat initial – et s’est avérée relativement réussie,<br />
étant donné les difficultés rencontrées sur le terrain. Ce résultat assez positif<br />
explique peut-être aussi pourquoi les gouvernements de l’UE/O qui avaient<br />
résisté à une action commune (simplement en s’en abstenant, conformément<br />
aux dispositions du Traité de Maastricht) semblent avoir eu des arrièrepensées<br />
et aujourd’hui, avec le recul, regrettent de ne pas avoir fait de<br />
l’opération Alba – avant l’entrée en vigueur des dispositions d’Amsterdam –<br />
le premier banc d’essai d’une action commune plus efficace de la <strong>PESC</strong> 26 .<br />
Bien entendu, il est difficile de déterminer aujourd’hui si une opération de<br />
type Alba aurait pu être mise sur pied et menée dans le cadre des nouvelles<br />
dispositions du traité d’Amsterdam relatives à la <strong>PESC</strong>. En fait, c’est aussi<br />
le caractère controversé des négociations finales concernant ce traité qui a<br />
conduit le Royaume-Uni, par exemple, à faire obstacle au projet d’action<br />
25 Initiative française, le concept de « nation-cadre » – déjà largement appliqué au sein<br />
des Nations unies et dans d’autres organisations internationales – a été officiellement<br />
adopté dans la déclaration de Paris du Conseil des ministres de l’UEO le 13 mai 1997. Il<br />
prévoit l’organisation d’opérations autonomes de l’UEO – dont il constitue un cas parmi<br />
d’autres – et « doit permettre la mise sur pied d’un état-major européen dans les délais<br />
compatibles avec les exigences opérationnelles à partir des moyens nationaux ou<br />
multinationaux existants, notamment dans les situations d’extrême urgence ». Il recherche<br />
explicitement « des modes d’action flexibles adaptés à la diversité des situations ».<br />
26 Voir Stefano Silvestri, « The Albanian Test Case », The International Spectator, n. 3,<br />
1997, pp. 87-98 ; Frank Debie, « La Grèce, l’Italie et l’Europe face au problème albanais.<br />
Gestion de crise et représentations géopolitiques », Relations Internationales &<br />
Stratégiques, n. 28, hiver 1997, pp. 96-108 ; Georgios Kostakos et Dimitri Bourantonis,<br />
« Innovations in <strong>Peace</strong>keeping: The Case of Albania », Security Dialogue, vol. 29, n. 1,<br />
1998, pp. 49-58 ; Ettore Greco, « New Trends in <strong>Peace</strong>keeping: The Experience of<br />
Operation ALBA », Security Dialogue, vol. 29, n. 2, 1998, pp. 201-212 ; Edward Foster,<br />
« Ad Hoc in Albania : Did Europe Fail? », ibid., pp. 213-217; et Susanna Di Feliciantonio,<br />
« EU Foreign Policy and Albania », European Foreign Affairs Review, n. 4, 1999, pp. 519-<br />
536.
23<br />
commune de l’UE. Mais « Alba » est certainement devenue l’exemple le<br />
plus frappant de ce que l’on appelle le « saute-institutions », l’« adhocisme<br />
» ou encore l’« ad-hocratie », c’est-à-dire le recours à (ou la<br />
préférence pour) des coalitions d’intérêt ponctuelles, ayant un objectif limité<br />
et un mandat relativement peu contraignant, plutôt qu’aux cadres<br />
multilatéraux plus structurés qui existent déjà dans la plupart des cas.<br />
Se pose ici, bien entendu, l’un des principaux problèmes liés à<br />
l’établissement d’un acquis sécuritaire commun, sans parler d’un régime de<br />
sécurité et de défense de l’Europe. Depuis la fin de la guerre froide surtout,<br />
la nature même des crises internationales demande un haut niveau<br />
d’improvisation et d’adaptation des réponses – d’où l’utilité de l’« adhocisme<br />
» – alors que l’instauration de règles communes et de procédures<br />
plus prévisibles exige au contraire une assise institutionnelle solide : selon<br />
Simon Nutall, « plus [la <strong>PESC</strong>] devient sérieuse, surtout en ce qui concerne<br />
l’usage de la force, plus elle a besoin de fonctionner dans de solides<br />
structures légales, et plus elle fonctionne dans de solides structures légales,<br />
moins elle est en mesure de réagir de manière flexible à des changements<br />
imprévus » 27 .<br />
Le dilemme va donc bien au-delà du choix habituel entre (l’absence de)<br />
volonté politique et (l’inexistence des) institutions appropriées. Il concerne<br />
également les différents types de crise auxquelles faire face, avec tout<br />
l’éventail d’instruments permettant de les prévenir et de les résoudre, et les<br />
acteurs éventuellement impliqués : finalement, il touche à la légitimité de la<br />
gestion des crises proprement dite. Autrement dit, la nature de la scène<br />
politique détermine en grande partie le réflexe institutionnel.<br />
27 Simon Nuttall, « ‘Ad-hocery’ Is a Neutral Concept », dans Antonio Missiroli (dir.),<br />
« Flexibility and Enhanced Cooperation in European Security Matters: Assets or<br />
Liabilities? », Occasional Papers, n. 6, Institut d’Etudes de Sécurité de l’UEO, Paris,<br />
janvier 1999, p. 29. Voir également Willem F. van Eekelen, « Pros and Cons of Adhocery<br />
», ibid., pp. 24-27. Concernant l’« ad-hocratie », voir Richard N. Haas, « A<br />
Question of Force », Financial Times, 11 janvier 1999, p. 16.
24<br />
SUR LA VOIE DE COLOGNE – <strong>ET</strong> AU-DELA<br />
Il n’est donc pas surprenant que la crise du Kosovo ait eu comme<br />
conséquence logique une évolution décisive des attitudes traditionnelles<br />
quant à la possibilité de doter la CE/UE d’une composante de défense – telle<br />
l’« initiative » du Premier ministre britannique Tony Blair à<br />
l’automne 1998. Certes, l’(auto-)exclusion du Royaume-Uni à la fois de la<br />
zone euro et de « Schengen » – en l’occurrence des deux principales formes<br />
de « flexibilité » mises en place jusqu’ici par l’Union – a également joué un<br />
rôle. Pour un gouvernement tel que le New Labour, soucieux de montrer un<br />
« engagement positif » et de projeter son leadership en (et vers l’) Europe,<br />
le fait de renoncer à une opposition entretenue pendant dix ans à l’égard de<br />
la défense européenne a représenté un extraordinaire outil politique. Pour<br />
autant, il n’y a aucune raison de remettre en cause la principale explication<br />
fournie par M. Blair lui-même, à savoir sa frustration devant l’éternelle<br />
impuissance militaire de l’Europe dans les Balkans.<br />
Les dix semaines qui ont secoué le monde des décideurs en matière de<br />
sécurité et de défense européenne ont commencé avec la mention dans la<br />
presse britannique d’un mémorandum du Foreign Office, élaboré par Robert<br />
Cooper à la fin de la présidence britannique de l’UE au printemps 1998,<br />
soulignant la nécessité pour la Grande-Bretagne de prendre des mesures<br />
politiques dans ce domaine 28 . Ce mémo n’est cependant jamais devenu<br />
public et la vedette lui a été volée par un livret publié par le Centre for<br />
European Reform (CER) de Londres. Celui-ci suggérait que, pour rendre la<br />
gestion européenne des crises plus efficace et regrouper les ressources<br />
existantes, l’UE devait reprendre les fonctions politiques de l’UEO et<br />
l’OTAN ses fonctions militaires. Une telle « euthanasie » de l’UEO<br />
contribuerait à simplifier le paysage institutionnel et à rationaliser le<br />
processus de prise de décision en donnant à ses différentes composantes la<br />
place qui semble lui revenir. S’agissant de l’UE, le livret, écrit par le<br />
directeur du CER, Charles Grant, a proposé la création d’un « quatrième<br />
pilier » pour la défense proprement dite, la séparant ainsi, temporairement<br />
du moins, du deuxième pilier existant, en l’occurrence la <strong>PESC</strong> 29 .<br />
28 Voir Robert Peston, « Premier Tiptoes through EU Defence Minefield », Financial<br />
Times, 1 er octobre 1998, p. 12 ; Robert Peston et Andrew Parker, « UK Prepares Radical<br />
Plans for Europe », Financial Times, 2 octobre 1998, p. 1. Pour une évaluation générale,<br />
voir Kirsty Hughes et Edward Smith, « New Labour – New Europe? », International<br />
Affairs, vol. 74, n. 1, 1998, pp. 93-103.<br />
29 Charles Grant, Can Britain Lead in Europe ?, CER, Londres, 1998, surtout pp. 44-50.<br />
L’idée d’un « quatrième pilier » spécifique n’est pas nouvelle en soi : elle a été suggérée –
25<br />
Ensuite, à la réunion informelle du Conseil européen à Pörtschach<br />
(Autriche) le 24 octobre 1998, Tony Blair lui-même a demandé aux<br />
Européens d’avoir des « idées neuves » sur la façon de coopérer plus<br />
étroitement et plus efficacement en matière de défense, sans renoncer pour<br />
autant à leur allégeance à l’OTAN. Il a mentionné différentes options<br />
institutionnelles possibles – comprenant la fusion progressive et complète de<br />
l’UEO dans l’UE jusqu’ici rejetée par Londres, mais excluant la création<br />
d’une « armée européenne permanente » – précisant que le gouvernement<br />
britannique n’avait pas d’option définitive sur le meilleur moyen à utiliser.<br />
Quelques jours plus tard, la présidence autrichienne de l’Union a réuni à<br />
Vienne la toute première réunion (informelle) des ministres de la Défense de<br />
l’UE. A cette occasion, le représentant britannique George Robertson s’est<br />
un peu distancié de la proposition concernant un « quatrième pilier » –<br />
vraisemblablement parce que séparer le « S » (et, logiquement, le « D » de<br />
défense) du « E » de la <strong>PESC</strong> n’accroîtrait guère son efficacité – tout en<br />
maintenant qu’une structure institutionnelle plus rationnelle était une<br />
réforme indispensable. Le plus important était pour lui de simplifier des<br />
procédures existantes en leur donnant l’efficacité nécessaire, ce qui<br />
n’excluait pas l’option d’une UEO renforcée et dynamisée. M. Robertson<br />
confirmait ainsi indirectement que la politique britannique sur ce point – une<br />
fois levé le veto traditionnel sur la fusion – était encore en gestation.<br />
Autrement dit, le double défi représenté par la marginalisation croissante<br />
du Royaume-Uni par rapport au « noyau » naissant de l’UE et une autre<br />
« guerre de succession yougoslave » a provoqué une réponse spécifique –<br />
l’« initiative » Blair – qui a déclenché, à son tour, des réactions en chaîne :<br />
déclaration franco-britannique de Saint-Malo le 4 décembre 1998,<br />
conclusions de la présidence du Conseil européen de Vienne quelques jours<br />
plus tard, Communiqué final du sommet de l’OTAN à Washington<br />
(avril 1999), déclaration du Conseil de l’UE sur le « renforcement de la<br />
politique européenne commune en matière de sécurité et de défense »<br />
(Cologne, 4 juin 1999) - sans parler de toute une série de déclarations<br />
principalement par des experts néerlandais – afin d’élaborer un cadre consacré aux<br />
questions militaires et à l’OTAN. Voir, par exemple, Gert C. de Nooy, Towards a Military<br />
Core Group in Europe?, Clingendael Paper, La Haye, janvier 1995, qui analysait la<br />
faisabilité du concept de Groupes de forces interarmées multinationales (GFIM) dans les<br />
différents scénarios de prise de décision et plaidait pour la création d’un « noyau des Six »,<br />
comprenant l’Allemagne, le Benelux, la France et le Royaume-Uni.
26<br />
bilatérales visant le même objectif – jusqu’aux conclusions de la présidence<br />
à Helsinki et au rapport joint en annexe 30 .<br />
Rétrospectivement, le principal résultat de cette année d’effervescence<br />
intellectuelle et politique sur l’« Europe absente » – en l’occurrence, celle de<br />
la sécurité et de la défense – est que certaines décisions clés seront prises<br />
prochainement par l’UE sur les poins suivants :<br />
a) le cadre institutionnel le plus approprié pour une <strong>PESC</strong> renforcée<br />
incluant « la définition progressive d’une politique de défense<br />
commune ». Dans ce but, comme l’indique la déclaration de Cologne,<br />
l’UE définira « les modalités de l’inclusion de celles des fonctions de<br />
l’UEO qui seront nécessaires à l’UE pour assumer ses nouvelles<br />
responsabilités dans le domaine des missions de Petersberg ». Il s’agit,<br />
autrement dit, de rationaliser et de simplifier les deux organisations<br />
(« dans cette éventualité, l’UEO en tant qu’organisation aura achevé sa<br />
mission » [italiques rajoutés]) et leurs mécanismes décisionnels ;<br />
b) des principes de base aussi efficaces que possible pour mettre en<br />
commun et développer des « capacités et instruments appropriés (…) sur<br />
la base des capacités actuelles, qu’elles soient nationales, binationales ou<br />
multinationales ». A cette fin, un inventaire des moyens européens a été<br />
effectué durant deux présidences de l’UEO. Les ressources humaines et<br />
les capacités devront être adaptées aux nouvelles missions et, le plus<br />
souvent, les réformes internes à chaque pays devront se conformer aux<br />
« objectifs » politiques ou aux « indicateurs » fixés au niveau européen ;<br />
c) la façon la plus efficace de « renforcer la base industrielle et<br />
technologique de défense ». Cela comprend la restructuration et la<br />
coopération industrielles ainsi que l’harmonisation des besoins militaires,<br />
avec pour objectif un régime commun de planification et d’acquisition des<br />
systèmes d’armes. Dans ce but, la Commission européenne peut<br />
également être un acteur institutionnel important, et une révision de<br />
30 Pour un examen rapide de cette question, voir Peter Schmidt, Neuorientierung in der<br />
Europäischen Sicherheitspolitik? Britische und Britisch-Französische Initiativen, SWP-<br />
Arbeitspapier, 3088, SWP, Ebenhausen, 1999 ; Antonio Missiroli, « Towards a European<br />
Security and Defence Identity? Record – State of Play – Prospects », dans Jopp et Ojanen<br />
(dir.), op. cit. dans note 21, pp. 21-56 ; Mathias Jopp, European Defence Policy: The<br />
Debate on the Institutional Aspects, Institut für Europäischen Politik, IEPDOK 11/b, Bonn,<br />
juin-juillet 1999. Voir également un essai écrit avant l’« initiative » Blair, mais néanmoins<br />
très utile : Helene Sjursen, « Missed Opportunity or Eternal Phantasy? The Idea of a<br />
European Security and Defence Policy », dans John Peterson et Helene Sjursen (dir.), A<br />
Common Foreign Policy for Europe?, Routledge, Londres, 1998, pp. 95-112.
27<br />
l’article 296 de la version consolidée du TCE (Traité des Communautés<br />
européennes) peut s’avérer nécessaire.<br />
Il serait prématuré (et difficile), à ce stade, de dire si, finalement,<br />
l’« Europe » se révélera véritablement « post-moderne » dans ses attitudes<br />
fondamentales et ses méthodes de travail, si elle évoluera davantage en une<br />
autorité « régulatrice » ou si elle deviendra une véritable puissance, même si<br />
elle est fondamentalement pacifique 31 . Ce qui est clair, en revanche, est que<br />
le développement traditionnellement lent, au mieux progressif, de l’acquis<br />
politique de la <strong>PESC</strong> a récemment pris de la vitesse, à la fois en<br />
approfondissant et en élargissant son champ d’action ; et que les distinctions<br />
habituelles entre les dimensions intergouvernementale et communautaire du<br />
mécanisme décisionnel de l’Europe sont de plus en plus floues, ouvrant la<br />
porte à une « Bruxellisation » – c’est-à-dire au renforcement constant des<br />
organes décisionnels basés à Bruxelles et au partage (plutôt qu’au transfert)<br />
de la souveraineté des Etats membres – des politiques nationales non<br />
seulement étrangères mais aussi de sécurité et de défense 32 .<br />
Il est probable, pour l’instant, que la décision concernant le point a) soit<br />
essentiellement politique – c’est-à-dire l’objet d’un marchandage<br />
diplomatique et intergouvernemental – alors que pour les points b) et c), il<br />
faudra vraisemblablement recourir à des instruments politiques plus<br />
31 Voir, par exemple, Robert Cooper, The Post-Modern State and the World Order,<br />
Demos, Londres, 1996 ; Giandomenico Majone (dir.), Regulating Europe, Routledge,<br />
Londres, 1996 ; Nicole Gnesotto, La puissance et l’Europe, Presses de Sciences Po, Paris,<br />
1998. Voir également l’esquisse de situations idéales par Philippe C. Schmitter,<br />
« Imagining the Future of the Euro-Polity », dans Gary Marks, Fritz W. Scharpf, Philippe<br />
C. Schmitter et Wolfgang Streeck, Governance in the European Union, Sage, Londres,<br />
1996, pp. 121-150. Pour un bilan des principales interprétations, voir James Caporaso,<br />
« The European Union and Forms of State: Westphalian, Regulatory, or Post-Modern? »,<br />
Journal of Common Market Studies, vol. 34, n. 1, 1996, pp. 29-52.<br />
32 Voir David Allen, « The European Rescue of National Foreign Policy? », dans<br />
Christopher Hill (dir.), op. cit. dans note 4, pp. 288-304 (il est clairement fait référence au<br />
célèbre ouvrage de Alan S. Milward intitulé The European Rescue of the Nation-State,<br />
Routledge, Londres, 1992, et surtout à David Allen, « ‘Who Speaks for Europe?’ – The<br />
Search for an Effective and Coherent External Policy », dans Peterson et Sjursen, op. cit.<br />
dans note 30, pp. 41-58. Pour la théorie de la « fusion », voir Wolfgang Wessels, « Staat<br />
und (westeuropäische) Integration: Die Fusionsthese », Politische Vierteljahresschrift,<br />
Sonderheft 23, 1992, pp. 36-60 ; Fritz W. Scharpf, « Community and Autonomy Multilevel<br />
Policymaking in the European Union », Journal of European Public Policy, n. 1, 1994,<br />
pp. 219-242.
28<br />
sophistiqués 33 . Cela signifie qu’il faudra envisager et mettre en place des<br />
mesures d’encouragement et des contraintes appropriées pour générer la<br />
convergence et la conformité et limiter, sinon éradiquer complètement les<br />
« resquilleurs » (free-riders). De telles mesures d’encouragement et de telles<br />
limites doivent toutefois tenir compte de la nature particulière de la sécurité<br />
et de la défense en tant que « biens publics » 34 et de la présente asymétrie<br />
des ressources entre les Etats membres. C’est là précisément que la<br />
« flexibilité » entre en scène à nouveau.<br />
33 Pour un essai d’analyse de ce qui pourrait être fait dans ce domaine en particulier, voir<br />
Tim Garden et John Roper, Next Steps to a Common Defence Policy, non publié (février<br />
1999), partiellement inclus dans « Pooling Forces », CER Bulletin, n. 9, décembre 1999,<br />
pp. 2-3 ; Kori Schake, Amaya Bloch-Lainé et Charles Grant, « Building a European<br />
Defence Capability », Survival, n. 1, 1999, pp. 20-40. Les deux essais peuvent également<br />
être considérés comme une première réponse indirecte aux conditions fixées par la<br />
Secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright au développement d’une capacité<br />
européenne de défense – les fameux « 3 D », c’est-à-dire pas de duplication (des structures<br />
existantes de l’OTAN), pas de discrimination (contre les membres européens de l’OTAN<br />
non membres de l’UE), pas de découplage (de la sécurité européenne) – dans la foulée de la<br />
déclaration de Saint-Malo : voir Madeleine Albright, « The Right Balance Will Secure<br />
NATO’s Future », Financial Times, 7 décembre 1998, p. 12. Plus récemment, dans son<br />
allocution d’ouverture en tant que nouveau Secrétaire général de l’OTAN, George<br />
Robertson, a parlé des « 3 I », en l’occurrence improvement (amélioration des capacités<br />
européennes), inclusiveness (inclusion) et indivisibility (indivisibilité).<br />
34 Par définition, un « bien public » est commun et incontournable : « commun » parce<br />
que sa consommation par une personne ne diminue pas la quantité de biens dont disposent<br />
les autres ; « incontournable » parce que les producteurs d’un bien public ne peuvent<br />
empêcher ceux qui ne paient pas de le consommer, attitude que l’on appelle free-riding (le<br />
free-rider est celui qui prend le bus sans payer son billet) : voir l’ouvrage de référence de<br />
Mancur Olson, The Logic of Collective Action, Harvard University Press, Cambridge, 1965.<br />
Dans un article qui a fait date, Olson et Zeckhauser ont développé une théorie spécifique<br />
d’alliances militaires en considérant la dissuasion comme un « bien public » : Mancur<br />
Olson et Richard Zeckhauser, « An Economic Theory of Alliances », Review of Economics<br />
and Statistics, n. 48, 1966, pp. 266-279. L’aspect purement « bien public » de la défense est<br />
de plus en plus remis en question, notamment par Todd Sandler – voir Todd Sandler,<br />
« Impurity of Defense: An Application to the Economics Alliances », Kyklos, vol. 30, n. 3,<br />
1977, pp. 443-460 ; Todd Sandler et John F. Forbes, « Burden Sharing, Strategy and the<br />
Design of NATO », Economic Inquiry, n. 18, 1980, pp. 425 à 444 – qui considèrent que la<br />
défense est un bien public « impur », et que les coûts et les bénéfices de l’élaboration de<br />
structures étroites de coopération dépendent non seulement des économies d’échelle mais<br />
aussi du coût de la transaction. Voir John R. Oneal « The Theory of Collective Action and<br />
Burden-Sharing in NATO », International Organization, n. 44, 1990, pp. 379-402 ; Marc<br />
A. Boyer, International Cooperation and Public Goods: Opportunities for the Western<br />
Alliance, Johns Hopkins University Press, Baltimore, 1993.
A PROPOS DE CLUBS <strong>ET</strong> DE DIRECTOIRES – <strong>ET</strong> D’AUTRES<br />
VOIES A SUIVRE<br />
Jusqu’ici, les experts, surtout en matière de relations internationales, ne se<br />
sont intéressés que parcimonieusement et de manière intermittente au rôle<br />
des « noyaux durs » et des « clubs » dans les organisations multilatérales et,<br />
plus spécifiquement, en ce qui concerne la défense et la sécurité 35 . En<br />
principe, une alliance devient un « club » dès lors que le « bien » est public<br />
à l’intérieur, et non à l’extérieur du club. Dans le cas de l’UE/O, cette<br />
distinction est toutefois atténuée par le chevauchement avec l’OTAN et la<br />
non-concordance des appartenances aux différentes « Europe ». Ce qui nous<br />
intéresse ici est ce qui peut (ou devrait) se produire lorsque certains acteurs<br />
appartiennent aux multiples « clubs » s’occupant de questions différentes,<br />
c’est-à-dire lorsque le même « noyau » de protagonistes est présent dans<br />
tous les « clubs » existants. Le problème concerne également la taille et la<br />
composition de ces groupes, puisqu’il est généralement admis – même<br />
parmi les « institutionnalistes » libéraux – que la coopération est beaucoup<br />
plus difficile lorsqu’elle implique un grand nombre d’acteurs. D’où<br />
l’émergence, au cours de la décennie qui vient de s’écouler, de ce que l’on a<br />
appelé le « mini-latéralisme » et les « pratiques de club » à la fois à<br />
l’intérieur et à l’extérieur des institutions multilatérales 36 . Depuis le G-7, la<br />
diplomatie internationale se caractérise par la multiplication de forums plus<br />
ou moins informels traitant de questions spécifiques (Groupe de contact, par<br />
exemple) ; dans la mesure où les grands Etats européens y ont été impliqués,<br />
des protestations plus ou moins véhémentes ont été émises contre le supposé<br />
directoire ou le nouveau « concert de puissances » par les membres exclus<br />
de l’UE. Autrement dit, des « noyaux » et des « clubs » informels et autodésignés<br />
peuvent aller à l’encontre de la « logique d’intégration », créer des<br />
29<br />
35 Pour une excellente analyse de la littérature à ce sujet et certaines suggestions<br />
intéressantes pour une recherche approfondie, voir Katja Weber, « Hierarchy Amidst<br />
Anarchy: A Transaction Costs Approach to International Security Cooperation »,<br />
International Studies Quarterly, n. 41, 1997, pp. 321 à 340. Des analyses plus spécifiques<br />
des « clubs » et des « noyaux » ont été faites dans le domaine du choix public et de la<br />
théorie des jeux : voir respectivement Richard Cornes et Todd Sandler, The Theory of<br />
Externalities, Public Goods and Club Goods, Cambridge University Press, Cambridge,<br />
1996, et Robert Axelrod, The Complexity of Cooperation: Agent-Based Models of<br />
Competition and Collaboration, Princeton University Press, Princeton, 1997.<br />
36 Olson lui-même a considéré (op. cit. dans note 34, p. 35) que « plus le groupe est<br />
grand, moins il sera capable de fournir un nombre idéal de biens collectifs ». Pour la notion<br />
et la pratique du « mini-latéralisme » voir Miles Kahler, « Multilateralism With Small and<br />
Large Numbers », International Organization, n. 3, 1992, pp. 681-708.
30<br />
« niveaux » et des divisions superflues au sein de l’UE, ne permettant<br />
finalement que des progrès très limités. En même temps, l’Union qui ne<br />
cesse de croître et de « resserrer ses liens » est déjà confrontée à de sérieux<br />
problèmes de gouvernance, en termes aussi bien institutionnels que<br />
politiques.<br />
Pour répondre à ces défis, il faut donc trouver le moyen – aussi bien à<br />
l’intérieur qu’à l’extérieur (ou au-delà) des traités – de favoriser la flexibilité<br />
afin d’encourager l’intégration et non pas de la diluer ou de la<br />
compromettre. A plus forte raison en ce qui concerne la <strong>PESC</strong> « renforcée »,<br />
comme l’indique également le rapport que les trois « Sages » désignés par le<br />
président Romano Prodi viennent de soumettre à la Commission<br />
européenne 37 .<br />
A la fin de l’été 1998, lors d’une réunion avec l’ensemble du corps<br />
diplomatique français à Paris, le président Jacques Chirac, tentant de<br />
répondre au défi de la diversité intra-européenne en matière de sécurité et de<br />
défense, a suggéré de transformer l’UEO en « agence » de la <strong>PESC</strong> et de<br />
tirer ainsi parti de sa « disponibilité » potentielle. Selon cette proposition<br />
(accueillie avec intérêt en Italie et en Belgique, par exemple), l’UEO<br />
deviendrait en soi une forme de « coopération renforcée » sans qu’il soit<br />
nécessaire pour autant de modifier le Traité ou d’élaborer des mécanismes<br />
décisionnels compliqués pour les partenaires non alignés. Le « noyau » ou le<br />
« club » comprendrait donc simplement des membres à part entière de<br />
l’UEO, avec la possibilité pour tous les autres membres de la « famille » de<br />
se « brancher » (plutôt que de faire de l’opting-in) au cas par cas. Autrement<br />
dit, l’accent serait mis sur l’appartenance simultanée à l’UE et à l’OTAN et,<br />
finalement, sur l’acceptation de l’article V/5, tout en permettant, mais aussi<br />
en encourageant le free-riding dans certaines limites. Cependant, l’idée du<br />
président Chirac de renforcer l’UEO et de recourir en partie à la<br />
« délocalisation » de la politique de défense de l’UE a été rapidement<br />
37 Le paragraphe (2.2.8) consacré à la « flexibilité » est libellé comme suit : « La <strong>PESC</strong><br />
devrait être incluse dans le champ d’action d’une coopération plus étroite. Ce processus<br />
devrait rester ouvert pour tous les Etats qui remplissent les conditions nécessaires. Le<br />
principe devrait être que la flexibilité est un moyen d’utiliser et de renforcer les résultats de<br />
l’Union, mais pas de défaire les liens qui lient les Etats membres ». Voir Richard von<br />
Weizsäcker, Jean-Luc Dehaene et David Simon, The Institutional Implications of<br />
Enlargement, Bruxelles, 18 octobre 1999. Des suggestions analogues ont été faites par<br />
Friends of Europe/Les amis de l’Europe, A European Union That Works: Blueprint for<br />
Reform, Bruxelles, juin 1999, pp. 17-18. Voir également Karl Lamers et Wolfgang<br />
Schäuble, « Europe: une large réforme avant d’élargir », Le Monde, 9 décembre 1999,<br />
p. 16.
31<br />
dépassée par les événements, surtout par les efforts entrepris par le<br />
Royaume-Uni pour encourager la rationalisation institutionnelle et,<br />
éventuellement, se débarrasser de l’UEO en tant qu’organisation séparée.<br />
L’utiliser comme « agence » ne permettrait ni de résoudre la question du<br />
« saute-institutions » ni de simplifier l’actuel réseau inter-institutionnel,<br />
assez surchargé : un essai d’« organigramme » élaboré à l’occasion d’un<br />
exercice commun entrepris en juin 1998 – et rendu public quelques mois<br />
plus tard lors d’un Conseil de l’UEO à Rome – afin de décrire en détail le<br />
modèle de mécanisme décisionnel entre l’UE et l’UEO a révélé que la<br />
procédure à suivre pour la gestion d’une crise ne comportait pas moins de<br />
vingt-cinq étapes 38 .<br />
Les formes possibles de « flexibilité » pour la <strong>PESC</strong> peuvent toutefois<br />
être encore envisagées à la lumière des expériences faites jusqu’ici et du<br />
cadre légal existant.<br />
L’exemple le plus réussi de « flexibilité » est, bien entendu, l’Union<br />
économique et monétaire : solidement ancrée dans les traités, elle a été<br />
fondée sur un ensemble de « critères de convergence » détaillés, un<br />
calendrier précis et un éventail spécifique de dispositions (Banque centrale<br />
européenne, opting-out et SME-2, Pacte de Stabilité) visant à gérer la<br />
nouvelle politique. Plusieurs qualités ont fait la force de cette Union :<br />
pertinence économique, cohérence du cadre institutionnel, plébiscite des<br />
marchés financiers et forte volonté politique de la part des principaux<br />
acteurs impliqués. On ne peut cependant appliquer la recette de l’UEM à la<br />
<strong>PESC</strong> « renforcée » qu’avec certains aménagements. Premièrement, les<br />
marchés internationaux jouent un rôle beaucoup plus limité dans ce<br />
domaine – s’ils interviennent exclusivement du côté de l’« offre » pour<br />
l’industrie de l’armement, c’est la « demande » qui prime en matière de<br />
décisions politiques – et ils ne jouent certainement pas le même rôle<br />
d’« arbitre » pour les politiques nationales que dans l’UEM. Deuxièmement,<br />
étant donné le décalage persistant qui caractérise la composition des<br />
différents « clubs » de sécurité en Europe, un projet unique, cohérent,<br />
contraignant, fondé sur un traité, d’« union diplomatique et militaire »<br />
(UDM) – telle que celle suggérée au début de 1999 par la Commissaire<br />
38 Voir UEO, CM (98) 39, Mode d’emploi de l’article J.4, paragraphe 2 (article 17,<br />
paragraphe 3) et organigramme (13 novembre 1998). Le nombre d’étapes s’élèverait à 37<br />
(ou même à 45, selon le type d’interface) si les moyens de l’OTAN étaient utilisés. Voir<br />
Stephan de Spiegeleire, « The European Security and Defence Identity and NATO: Berlin<br />
and Beyond », dans Jopp et Ojanen (dir.), op. cit. dans note 21, pp. 57-99.
32<br />
européenne Emma Bonino 39 – semble difficile à concrétiser. En troisième et<br />
dernier lieu, il peut même sembler contraire au résultat recherché à ce stade,<br />
vu la nature particulière de la politique de sécurité et de défense.<br />
Cela étant, élaborer une « convergence » politique en fixant certains<br />
objectifs communs au niveau de l’UE est une logique qui peut également<br />
s’appliquer avec succès à la <strong>PESC</strong>. Il n’est pas fortuit que les analystes et les<br />
responsables politiques aient commencé, après la guerre du Kosovo, à<br />
suggérer la définition de « critères de convergence » pour la défense<br />
européenne, dans le but d’améliorer les capacités européennes de manière<br />
plus coordonnée. La terminologie s’est peut-être nuancée avec le temps –<br />
selon que l’on accorde plus d’intérêt à l’input ou à l’output, à la conformité<br />
« ex ante » ou à l’« ex post », aux « indicateurs » communs ou aux<br />
« objectifs collectifs » (headline goals) – mais l’idée de promouvoir une<br />
convergence « par le haut » est aujourd’hui sur la table de l’UE 40 . De tels<br />
critères peuvent, là encore, être de nature très diverse, par exemple<br />
fonctionnels/militaires et quantitatifs/économiques (les objectifs de l’UEM<br />
sont aussi bien absolus que relatifs). Et, dans ce domaine bien entendu, il ne<br />
serait pas très rationnel de demander à tous les pays de faire la même chose,<br />
et encore moins de fixer un « prix d’entrée » officiel de la nouvelle politique<br />
commune.<br />
Ces critères doivent, par conséquent, être particulièrement flexibles et<br />
autoriser une certaine subsidiarité en ce qui concerne leur mise en oeuvre.<br />
Un consensus à quinze est néanmoins nécessaire, pour garantir qu’ils sont<br />
applicables, notamment que la volonté et les moyens existent : c’est à cette<br />
39 Voir Emma Bonino, « A Single European Army », Financial Times, 3 février 1999,<br />
p. 14.<br />
40 Voir François Heisbourg, « Europe Needs Defence Convergence Criteria », CER<br />
Bulletin, n. 6, 1999, p. 1 ; R. Medley, « Europe’s Next Big Idea », Foreign Affairs, n. 5,<br />
1999, pp. 18 à 22 ; « A Common European Military Policy », Strategic Comments, n. 6,<br />
1999, pp. 1 et 2 ; Alyson Bailes, « European Defence Convergence Criteria », RUSI<br />
Journal, n. 3, 1999, pp. 60 à 65 ; François Heisbourg, « L’Europe de la défense dans<br />
l’Alliance Atlantique », Politique Etrangère, n. 2, 1999, pp. 219-232 ; Charles Grant,<br />
European Defence after Kosovo, CER, Londres, juin 1999 ; Antonio Missiroli, « European<br />
Security and Defence: The Case for Setting ‘Convergence Criteria’ », European Foreign<br />
Affairs Review, n. 4, 1999, pp. 485-500 ; Gianni Bonvicini, « European Defence : Beyond<br />
Functional Convergence. Procedures and Institutions », The International Spectator, n. 3,<br />
pp. 21-28. Voir également l’entretien du ministre français de la Défense Alain Richard,<br />
« Instaurer des critères de convergence peut inciter efficacement des Etats européens à une<br />
défense commune », Le Monde, 14 juillet 1999, p. 3. Enfin, les critères de convergence sont<br />
explicitement mentionnés pour la première fois comme objectif politique dans le document<br />
anglo-italien, « Joint Declaration launching European defence capabilities initiative » du<br />
20 juillet 1999.
33<br />
condition seulement qu’il sera possible (et acceptable) de créer un « noyau »<br />
initial et de pousser ainsi les Etats membres sur la voie de l’intégration.<br />
C’est là une autre leçon de l’Union monétaire : les bénéfices prévisibles du<br />
respect des critères ont permis à beaucoup plus de pays de l’UE de faire<br />
partie de la première vague que cela n’avait été imaginé initialement, et<br />
d’attirer la plupart des « pré-inclus » (pre-ins) et des « exclus » (outs) vers<br />
l’euro. La forme de « flexibilité » mise en place avec l’Union monétaire a<br />
débouché sur une convergence politique à l’échelle continentale, laquelle a,<br />
à son tour, contribué à la légitimiser en tant qu’outil politique 41 .<br />
L’expérience de l’Union monétaire a également contribué à atténuer la<br />
crainte répandue que la « flexibilité » serve d’instrument pour diviser<br />
l’Union et y créer des directoires. Des pays aussi différents que l’Italie,<br />
l’Espagne, la Finlande, le Portugal et même la Grèce se sentent beaucoup<br />
plus confiants aujourd’hui quant à leur capacité d’être « inclus », et donc<br />
quant à l’impact potentiellement intégrateur de la « flexibilité » 42 . De plus,<br />
ils ont découvert qu’un certain degré de contrainte extérieure, à condition<br />
que ce soit dans le cadre d’un effort européen commun, peut contribuer à la<br />
mise en œuvre de réformes internes controversées. Il est très clair que le<br />
renforcement des capacités européennes entraînera des réformes internes<br />
douloureuses et coûteuses dans la plupart des pays de l’UE et ce, à un<br />
moment où leurs opinions publiques souhaitent consacrer davantage de<br />
ressources financières à leur bien-être qu’aux équipements militaires.<br />
Toutefois, l’UEM a également montré que l’euro aurait eu du mal à se<br />
concrétiser sans les différentes procédures prévues par le Traité de<br />
Maastricht et les garanties offertes par la création d’une Banque centrale<br />
européenne. Autrement dit, le rôle des institutions n’est pas négligeable : les<br />
procédures d’élaboration d’une politique peuvent se révéler aussi<br />
importantes que le consensus politique sur ses objectifs. Et, malgré toutes<br />
ses insuffisances, le Traité d’Amsterdam offre au moins un instrument<br />
41 Sur les leçons de l’UEM dans cette perspective, voir Pier Carlo Padoan, « Is European<br />
Monetary Union Endogenous? », The International Spectator, vol. 34, 1999, n. 3, pp. 29-<br />
44 ; Martin Marcussen, « The Dynamics of EMU Ideas », Cooperation and Conflict,<br />
vol. 34, n. 4, 1999, pp. 383-411. Chose intéressante, les deux premiers opters-out sont<br />
arrivés aux mêmes conclusions mais à partir de tendances politiques différentes, pour ne<br />
pas dire opposées ; voir Henrik Larsen, « British and Danish European Policies in the<br />
1990s: A Discourse Approach », European Journal of International Relations, n. 4, 1999,<br />
pp. 451-483.<br />
42 Des craintes analogues ont toutefois semblé émerger dans les pays qui négocient<br />
actuellement leur adhésion à l’UE : voir, par exemple, Jan Kulakowski, « The Dangers of a<br />
Two-tier Europe », Financial Times, 28 octobre 1999, p. 19.
34<br />
nouveau pour tenter de générer une certaine « convergence » des politiques<br />
de sécurité et de défense. Les critères et leurs modes d’application – aussi<br />
peu contraignants soient-ils par rapport à ceux qu’impose l’Union monétaire<br />
– pourraient, par exemple, être regroupés dans une « stratégie commune ».<br />
Le Traité ne définit pas le contenu des stratégies communes ; la première<br />
(adoptée par le Conseil européen de Cologne) concernait la Russie et la<br />
seconde (approuvée à Helsinki) l’Ukraine, mais cela ne signifie pas (ni<br />
n’implique) pour autant que toutes les stratégies communes doivent être<br />
déterminées géographiquement ou s’adresser à un pays en particulier.<br />
L’article 13 de la version consolidée du TUE indique simplement que « le<br />
Conseil européen décide des stratégies communes qui seront mises en œuvre<br />
par l’Union dans des domaines [italiques rajoutés] où les Etats membres ont<br />
des intérêts communs importants. Les stratégies communes précisent leurs<br />
objectifs, leur durée et les moyens que devront fournir l’Union et les Etats<br />
membres ».<br />
Une stratégie commune supposée renforcer la <strong>PESC</strong> aurait au moins deux<br />
avantages : être politiquement (mais pas juridiquement) contraignante pour<br />
tous les Etats membres de l’UE dans toutes les instances internationales, et<br />
promouvoir la <strong>PESC</strong> en la situant au-dessus du premier pilier (ce qui<br />
permettrait, le cas échéant, de recourir plus facilement aux ressources<br />
fiscales et budgétaires). En outre, le calendrier et les critères pourraient être<br />
adaptés sans modifier le Traité : si des problèmes de fond se présentent, une<br />
décision unanime prise au bon moment peut empêcher l’ensemble du<br />
processus de se bloquer, voire d’échouer. Enfin et surtout, dans le cadre<br />
d’une telle stratégie commune, des « actions communes » spécifiques<br />
pourraient être décidées et mises en œuvre par le biais du VMQ (article 23.2<br />
de la version consolidée du TUE), ce qui permettrait à d’importantes<br />
« coalitions de pays volontaires et capables » de progresser.<br />
Cela pourrait être appliqué à des initiatives spécifiques dans le domaine<br />
industriel ou militaire. Une particularité de la sécurité et de la défense est<br />
que les partenaires de l’UE ne sont pas tous égaux en termes de moyens et<br />
de ressources, ce dont il faut tenir compte même si la ligne de division ne<br />
passe pas forcément entre les grands et les petits pays, ou entre les alignés et<br />
les non-alignés. Toutefois, en encourageant avec souplesse la convergence<br />
politique, on écarterait même le risque potentiel de voir un pays faire du<br />
free-riding, dans la mesure où la volonté et la capacité seraient évaluées<br />
selon des critères approuvés par l’ensemble des pays, où la responsabilité<br />
serait de toute façon partagée, et où la légitimité serait renforcée : l’essentiel<br />
serait simplement d’être dans le bus (voir note 34).
35<br />
A un stade ultérieur, bien entendu, certains éléments du mécanisme de<br />
convergence – surtout les procédures et les aspects institutionnels –<br />
pourraient être définis dans un protocole annexé au TUE, voire dans le<br />
Traité proprement dit : en fait, les échéances fixées pour se prononcer sur<br />
l’intégration des « fonctions » de l’UEO dans l’UE et sur la nouvelle CIG<br />
coïncident plus ou moins (fin 2000). Le menu définitif des négociations<br />
pourrait donc ne pas se limiter aux « reliquats » d’Amsterdam. Du reste, si<br />
les conclusions du Conseil européen tenu à Helsinki les 10 et 11 décembre<br />
1999 prévoient de soumettre à la prochaine CIG les trois grandes questions<br />
institutionnelles (taille et composition de la Commission, pondération des<br />
voix au sein du Conseil et extension éventuelle du VMQ), elles mentionnent<br />
également les « autres modifications qu’il faudra apporter aux traités à<br />
propos des institutions européennes » et donnent la possibilité à la prochaine<br />
présidence portugaise de « proposer l’inscription d’autres points à son ordre<br />
du jour ». La porte semble ainsi ouverte à une refonte un peu plus marquée<br />
du cadre institutionnel existant.<br />
Quoi qu’il en soit, dans sa première conférence de presse officielle à<br />
l’intention des médias étrangers, le secrétaire d’Etat aux Affaires<br />
européennes portugais, Francisco Seixas da Costa, a clairement indiqué<br />
qu’une CIG « confinée aux reliquats d’Amsterdam [n’était pas]<br />
souhaitable » et a souligné que le Portugal voulait profiter de l’occasion (sa<br />
présidence de la CIG) pour traiter « différents éléments de nature<br />
institutionnelle » qui seraient « utiles pour approfondir l’intégration » dans<br />
la perspective d’une Union élargie. En particulier, a-t-il ajouté, « il est<br />
nécessaire de rendre la flexibilité plus flexible » que ce qui a été décidé<br />
dans le traité d’Amsterdam : « la flexibilité devrait intervenir dans toutes les<br />
matières sujettes à l’unanimité » et exiger la création d’une structure<br />
juridique « qui convienne à ceux qui veulent aller plus loin, tout en laissant<br />
la porte ouverte » à ceux qui, dans un premier temps, préfèrent rester en<br />
retrait. M. Seixas da Costa a conclu en indiquant que « c’est peut-être le seul<br />
modèle qui permettra à l’Union de survivre » 43 .<br />
Si c’est le cas, c’est-à-dire si la CIG s’efforce de « rendre la flexibilité<br />
plus flexible » compte tenu du/des prochain(s) élargissement(s), il peut<br />
s’avérer nécessaire de satisfaire également l’une des principales conditions<br />
clés de la « coopération renforcée » telle qu’énoncée dans l’article 43 de la<br />
version consolidée du TUE, en l’occurrence le fait que la flexibilité devrait<br />
concerner « au moins une majorité d’Etats membres ». Si le principe de<br />
majorité mérite d’être préservé – aussi intéressante et ambitieuse soit-elle,<br />
43 Voir Agence Europe, n. 7628, 7 janvier 2000, pp. 3-4.
36<br />
l’idée de Jacques Delors concernant une « avant-garde » demeure<br />
incompatible avec le maintien du cadre institutionnel unique existant 44 –, il<br />
serait en fait approprié de redéfinir le concept de la majorité au sein d’une<br />
UE élargie. En réalité, ce qui paraît possible dans une Union à quinze ne<br />
l’est plus dans une Union à vingt-sept ou plus, où un groupe de (petits) pays<br />
peut empêcher une vaste majorité de la population de l’Union européenne<br />
d’« aller plus loin » et de renforcer l’intégration. Une solution pourrait être<br />
la référence explicite au système de pondération des voix plutôt qu’au seul<br />
nombre d’Etats membres, ou encore une combinaison des différents<br />
indicateurs d’une telle « majorité ». Une autre possibilité serait que la<br />
« coopération renforcée » ne soit bloquée que lorsque la « majorité »<br />
(définie de manière identique) est contre. Quelle que soit la solution choisie,<br />
la question mérite d’être soulevée dès le départ et d’être incluse dans les<br />
négociations sur les « reliquats » d’Amsterdam.<br />
Il peut néanmoins être intéressant de sortir de ce cadre et de tester la<br />
flexibilité en dehors du Traité. Premièrement, les contraintes qu’il implique<br />
et qui sont analysées dans la deuxième section « ne [font] pas obstacle au<br />
développement d’une coopération plus étroite entre deux ou plusieurs Etats<br />
membres au niveau bilatéral, dans le cadre de l’UEO et de l’Alliance<br />
Atlantique, dans la mesure où cette coopération ne contrevient pas à celle<br />
qui est prévue au présent titre ni [n’] entrave » la mise en oeuvre de la <strong>PESC</strong><br />
(article 17.4 de la version consolidée du TUE). Cette précaution, déjà<br />
insérée (pour différentes raisons) dans le traité de Maastricht, pourrait<br />
maintenant agir comme une forme de flexibilité par défaut, permettant à<br />
certains pays d’agir, pour ainsi dire, pour le compte de l’UE si leur action<br />
n’est pas jugée contradictoire avec les orientations existantes de la <strong>PESC</strong>,<br />
comme cela est en partie prévu également dans l’article 14.6 de la version<br />
consolidée du TUE. A la limite, la <strong>PESC</strong> pourrait même comporter<br />
44 Voir, par exemple, l’entretien accordé par M. Delors au journal Le Monde le<br />
19 janvier 2000, p. 2. Selon M. Delors, cette avant-garde européenne « devrait disposer<br />
d’institutions qui lui soient propres », alors que « les institutions rénovées du Traité de<br />
Rome seraient en mesure de gérer le grand ensemble ». Dans le même esprit, le groupe<br />
libéral du Parlement européen a récemment suggéré l’établissement d’une « Union qui se<br />
développerait progressivement de manière concentrique, avec un noyau fédéré et un cercle<br />
extérieur moins intégré ». L’Union continuerait ainsi de se développer globalement comme<br />
une « confédération », alors que la « fédération européenne » se formerait autour de pays<br />
appartenant à la fois à l’OTAN et à la zone euro. Voir Agence Europe, n. 7635,<br />
17-18 janvier 2000, p. 7.
37<br />
implicitement des « clauses d’habilitation » pour la mise en oeuvre<br />
politique, que n’autorise pas, à l’évidence, le Traité actuel 45 .<br />
Deuxièmement, il convient de rappeler que ce qui deviendra la <strong>PESC</strong> a<br />
été, tout d’abord, élaboré dans le cadre de la CPE (Coopération politique<br />
européenne), c’est-à-dire en dehors des traités, puis introduit dans le TUE.<br />
Même après cette insertion, les sessions de type « Gymnich » (réunions<br />
informelles des ministres des Affaires étrangères, avec un ordre du jour mais<br />
pas de décision) ont été maintenues et utilisées. Enfin et, peut-être plus<br />
important encore, l’expérience de « Schengen » a montré que les normes<br />
communes et les habitudes de travail établies dans un « espace » autonome,<br />
institutionnalisé de façon très souple, peuvent conduire avec succès à<br />
l’élaboration d’un régime et, pour finir, à sa totale inclusion dans l’acquis<br />
communautaire. Forts des précédents constatés pendant les présidences<br />
autrichienne et allemande de l’UE, les ministres de la Défense des Quinze<br />
pourraient ainsi - indépendamment de leur participation aux réunions ciblées<br />
du Conseil Affaires générales – adopter le même procédé que leurs<br />
homologues des ministères des Affaires intérieures et de la Justice de 1990 à<br />
1999 : établir des règles de travail, des procédures et des normes<br />
communes 46 . Un espace informel de ce type – une sorte de « Gymnich-D »<br />
ou de pilier « 2 A » – irait plus ou moins dans le sens d’un « quatrième<br />
pilier » pour la politique de défense, mais il ferait partie intégrante du<br />
mécanisme de la <strong>PESC</strong>, le but étant, à terme, de l’incorporer complètement<br />
dans le Traité. Il répondrait également aux demandes immédiates à la fois<br />
des « atlantistes » de l’UE, soucieux de préserver l’acquis de l’UEO en ce<br />
qui concerne ses relations avec l’OTAN, et les pays militairement non<br />
alignés, qui peuvent avoir besoin de plus de temps pour s’adapter aux<br />
nouvelles priorités, obtenir un consensus national et, finalement, converger.<br />
Enfin, il pourrait faciliter l’implication d’autres pays européens de l’OTAN<br />
n’appartenant pas à l’UE dans la mise en œuvre d’une <strong>PESC</strong> avec une<br />
dimension défense. Une telle association est aujourd’hui prévue de manière<br />
explicite au niveau opérationnel et sur une base ad hoc – conformément aux<br />
conclusions d’Helsinki, « tous les Etats membres de l’UE ont le droit de<br />
45 C’est probablement la raison pour laquelle un rapport récemment préparé par le<br />
Commissariat général du Plan demandait explicitement l’insertion d’une clause<br />
d’habilitation pour les petits groupes d’Etats membres menant des opérations pour le<br />
compte de l’UE. Voir Commissariat général du Plan (groupe de travail présidé par Pascal<br />
Boniface), Les relations extérieures de l’Union européenne, Paris, octobre 1999, pp. 53 ss.<br />
46 Un haut diplomate français a récemment suggéré de créer un « Schengen de la<br />
défense » qui jouerait le rôle de centre névralgique de la <strong>PESC</strong> : voir Bertrand de<br />
Montferrand, Défendre l’Europe. La tentation suisse, Ed. Economica, Paris, 1999.
38<br />
participer [au] comité ad hoc, qu’ils prennent ou non part à l’opération, mais<br />
seuls les Etats contributeurs participeront à la conduite au jour le jour de<br />
cette opération » – mais il s’enrichirait d’un forum plus spécifique au niveau<br />
politique.<br />
Troisièmement, l’intégration des structures de forces et, surtout,<br />
l’organisation d’un système commun d’acquisition en matière d’armement<br />
pourraient bien être le pivot de cet effort : le Groupe Armement de l’Europe<br />
occidentale (GAEO) a déjà pour objectif de constituer une Agence<br />
européenne d’Armement, alors que l’OCCAR (Organisation conjointe de<br />
Coopération en matière d’Armement) – organe intergouvernemental<br />
autonome depuis 1996 – pourrait devenir le noyau d’une Agence<br />
d’armement à part entière si son éventail d’activités est élargi et si les<br />
conditions d’entrée sont moins restrictives. Autrement dit, ils pourraient<br />
finir par représenter (conjointement ou séparément) pour la <strong>PESC</strong> ce que<br />
l’Accord de Schengen a représenté pour la liberté, la sécurité et la justice, à<br />
savoir un acquis extérieur à « importer » avec succès dans le Traité 47 . Il est<br />
toutefois capital que l’acquis futur ne représente pas, pour les pays de l’UE<br />
qui n’y participent pas encore (actuels et potentiels), une cible mouvante<br />
mais un objectif réalisable, afin de faciliter la convergence politique et<br />
d’empêcher l’exclusion : de ce point de vue, Schengen n’a pas toujours été<br />
une expérience positive pour les candidats opters-in.<br />
D’où l’importance de choisir l’instrument institutionnel approprié pour<br />
commencer à développer une telle convergence. Des « actions communes »<br />
dans le cadre ou indépendamment d’une « stratégie commune » (auquel cas,<br />
toutefois, le VMQ pourrait être utilisé seulement pour leur mise en œuvre,<br />
comme l’indique l’article 23.2 de la version consolidée du TUE), semblent<br />
particulièrement appropriées : la pression des pairs et l’émulation pourraient<br />
également promouvoir et accélérer cette convergence de sorte que, une fois<br />
encore, la composition éventuelle du nouveau « club » pourrait s’avérer<br />
beaucoup plus large que cela n’avait été initialement prévu ou imaginé.<br />
Inutile de préciser que toutes ces formes « supplémentaires » de flexibilité<br />
peuvent être dépassées par les résultats de la prochaine CIG : après tout, la<br />
coopération renforcée dans le deuxième pilier est l’un des principaux<br />
« reliquats » d’Amsterdam et le rapport de la présidence sur ce qui est<br />
47 Voir l’analyse de Pierre de Vestel, « The Future of Armament Cooperation in NATO<br />
and the WEU », dans Eliassen (dir.), op. cit. dans note 22, pp. 197-215. Dans ce domaine<br />
également, le rythme des changements s’est considérablement accéléré au cours des<br />
derniers mois. Voir Sandra Mezzadri, « L’ouverture des marchés de la défense : enjeux et<br />
modalités », Publications occasionnelles, n. 12, Institut d’Etudes de Sécurité de l’UEO,<br />
Paris, février 2000.
39<br />
désormais appelé la politique européenne commune en matière de sécurité et<br />
de défense (PECSD) formulée à Helsinki le 11 décembre 1999 invite<br />
clairement la prochaine présidence portugaise à préparer « des<br />
recommandations sur le développement institutionnel au sein de l’UE des<br />
nouveaux organes politiques et militaires liés à la PECSD » ainsi qu’à<br />
donner « une indication si une modification du traité est ou non jugée<br />
nécessaire » : ce pourrait être le cas, par exemple, des décisions de la<br />
<strong>PESC</strong>/PECSD à prendre à un niveau plus bas que le Conseil Affaires<br />
générales.<br />
Il convient toutefois de souligner deux points importants. Premièrement,<br />
la plupart des Etats membres hésitent beaucoup à entreprendre de grandes<br />
réformes institutionnelles et préfèrent un programme minimaliste<br />
comprenant aussi peu de changements que possible au Traité.<br />
Deuxièmement – compte tenu du raisonnement suivi jusqu’ici, et pour<br />
faciliter la convergence politique sur la <strong>PESC</strong> et notamment sa PECSD – les<br />
changements nécessaires peuvent être finalement assez limités, même si leur<br />
mise en oeuvre s’avère politiquement complexe.<br />
Le plus difficile serait de limiter l’impact potentiel de la version<br />
« diluée » du compromis de Luxembourg aujourd’hui incluse dans le Traité<br />
(article 23.2 de la version consolidée du TUE). Est-ce que, par exemple, la<br />
revendication de « raisons importantes de politique nationale et qu’il<br />
expose » peut être soumise au Conseil européen à une procédure de prise de<br />
décision autre que l’unanimité ? C’est, après tout, ce qui s’est passé à la fin<br />
des années 80 avec l’opposition obstinée de Margaret Thatcher à un<br />
approfondissement de l’intégration européenne : son veto a été contourné<br />
par deux fois – et sur des questions politiques majeures – en recourant à un<br />
vote procédural qui ne requiert pas l’unanimité. Ou, deuxième solution,<br />
peut-on appliquer à l’article 23.2 la logique du « compromis de Ioannina »<br />
de 1994 sur les minorités de blocage 48 ? L’appel à l’intérêt national pourrait<br />
48 L’accord négocié au Conseil européen tenu sur l’île grecque de Ioannina a concerné la<br />
pondération des voix suffisant à bloquer une décision du Conseil à laquelle le VMQ pouvait<br />
s’appliquer. Avant l’élargissement de l’UE au Nord, la Grande-Bretagne surtout avait<br />
insisté pour que soit maintenu le nombre de 23 en dépit de l’augmentation globale du<br />
nombre de votes (de 76 à 87), qui l’aurait fait passer à 27 (26 sans la Norvège). Il a<br />
finalement été convenu que, s’il y avait entre 23 et 26 voix pondérées contre l’adoption au<br />
VMQ, « le Conseil fera[it] tout son possible pour parvenir, dans un délai raisonnable, [à]<br />
une solution satisfaisante qui pourrait être adoptée avec 65 voix au moins », c’est-à-dire<br />
légèrement supérieure au seuil du VMQ (voir Agence Europe, 14 avril 1994). Notons ici la<br />
contrainte que représentait le « délai raisonnable » – il s’agissait officiellement de trois<br />
mois – dont le but était d’ouvrir la voie à d’autres négociations et à d’éventuels<br />
changements de position dans le camp de la majorité. Autrement dit, une opposition durable
40<br />
ainsi être utilisé une fois seulement afin de préparer le terrain à des solutions<br />
de compromis. D’ailleurs, une telle logique semble devenir un instrument<br />
utile pour atténuer les principaux différends politiques à des niveaux très<br />
variés : au récent sommet d’Helsinki, par exemple, elle a été appliquée aux<br />
questions fiscales (opposition britannique à la création d’un impôt à la<br />
source européen) ainsi qu’à l’élargissement (conditions de la Grèce sur<br />
l’octroi du statut de candidat à la Turquie). Le pouvoir de veto d’un seul<br />
pays serait de plus en plus affaibli et, finalement, supprimé de facto.<br />
Toutefois, sa valeur déclaratoire – par exemple sur la scène nationale –<br />
serait en partie préservée. Certes, il s’agit là d’un domaine extrêmement<br />
délicat. Toutefois, il pourrait s’avérer essentiel pour faire fonctionner la<br />
<strong>PESC</strong> dans une Union à 27, voire davantage.<br />
Un autre changement significatif pourrait concerner la dimension<br />
budgétaire de la nouvelle PECSD. Pour l’application de « l’abstention<br />
constructive » et pour la gestion des nouveaux organes permanents et<br />
militaires de l’UE établis au sommet d’Helsinki, il serait rationnel de<br />
s’appuyer autant que possible sur le budget de l’UE, en définissant peut-être<br />
une ligne budgétaire spécifique pour la PECSD. Bien entendu, les dépenses<br />
pour des opérations données resteraient essentiellement ad hoc et feraient<br />
intervenir des contributions nationales proportionnelles à la taille et à la<br />
participation réelle (même si une « clé » plus spécifique peut être envisagée,<br />
comme c’est le cas à l’OTAN). Une telle approche encouragerait tous les<br />
Etats membres à s’intéresser sérieusement au partage des responsabilités et<br />
des coûts, et réduirait les possibilités de faire du free-riding. De plus, si l’on<br />
suit le modèle de coopération renforcée du volet justice et affaires<br />
intérieures (art. 41 de la version consolidée du TUE), on peut inverser la<br />
logique des articles 28.3 et 40.2, et faire appel d’abord au budget de l’UE –<br />
sauf décision contraire du Conseil – plutôt que le contraire.<br />
par le biais du veto pouvait conduire à un report limité d’une question controversée et/ou à<br />
une suspension de la décision, afin de parvenir au consensus, mais ne pouvait conduire à<br />
leur suppression de l’ordre du jour de l’UE. Voir Geoffrey Edwards, « The Council of<br />
Ministers and Enlargement: A Search for Efficiency. Effectiveness, and Accountability? »,<br />
dans John Redmond et Glenda G. Rosenthal (dir.), The Expanding European Union: Past,<br />
Present, Future, Lynne Rienner, Boulder, 1998, pp. 41-64 ; Bart Kerremans, « The Political<br />
and Institutional Consequences of Widening: Capacity and Control in an Enlarged<br />
Council », dans Laurent et Maresceau, op. cit. dans note 19, pp. 87-109.
41<br />
Pour résumer, en dépit (et au-delà) du « carcan » que semble imposer le<br />
Traité d’Amsterdam, il existe des moyens de mettre en place certaines<br />
formes de « coopération renforcée » sur la sécurité et la défense :<br />
– des « stratégies communes » pourraient être utilisées comme nouveau<br />
cadre politique pour parvenir à une convergence politique ;<br />
– dans un tel cadre, des « actions communes » plus ciblées peuvent être<br />
envisagées, notamment dans les domaines militaires et industriels ;<br />
– à court terme, un « espace » spécifique de défense pourrait être ébauché<br />
au niveau du Conseil, afin de tester et d’anticiper les futures évolutions<br />
institutionnelles.<br />
Parallèlement à la recherche d’une flexibilité par d’autres moyens, il<br />
serait important – si la prochaine CIG décide de refondre les articles du<br />
TUE concernant la <strong>PESC</strong> – de renforcer la solidarité budgétaire, là où elle<br />
fait défaut, et d’affaiblir la règle de l’unanimité, lorsqu’elle est présente. Et<br />
si la CIG décide également de modifier les articles sur la « coopération<br />
renforcée », il sera essentiel de redéfinir le concept de « majorité » à la<br />
lumière du/des prochain(s) élargissement(s).
42<br />
E PLURIBUS UNA ?<br />
Finalement, ces changements et améliorations même apparemment<br />
mineurs doivent être incorporés dans un ensemble politique et institutionnel<br />
plus cohérent, comprenant d’autres politiques communes sur les relations<br />
extérieures en général et la gestion des crises en particulier : après tout,<br />
l’affirmation de l’« identité de l’UE sur la scène internationale » et de la<br />
« cohérence de l’ensemble de son action extérieure » sont explicitement<br />
mentionnées comme des objectifs clés de l’Union (aujourd’hui articles 2<br />
et 3 de la version consolidée du TUE).<br />
S’agissant des échanges commerciaux, par exemple, l’UE dispose d’un<br />
réseau mondial de partenariats en coopération et joue un rôle central dans<br />
l’Organisation mondiale du commerce (OMC) : elle se caractérise toutefois<br />
par une multiplicité de politiques ad hoc plutôt que par une stratégie<br />
véritablement globale. L’UE demeure également l’un des principaux<br />
donateurs d’aide, mais sa politique économique à l’étranger semble<br />
écartelée entre la promotion d’une libéralisation multilatérale du commerce<br />
et la protection des pays les moins développés. Quant à l’euro, il va<br />
probablement renforcer le potentiel de l’UE dans le domaine monétaire en<br />
étant pour elle un outil efficace de politique étrangère, c’est-à-dire en lui<br />
permettant d’utiliser activement son poids économique et financier afin de<br />
promouvoir ses intérêts politiques. Ne jouissant que d’une représentation<br />
extérieure timide et fragmentée, cette monnaie unique n’est toutefois pas<br />
considérée comme appartenant à la même corbeille que le commerce et<br />
l’aide. Dans ce sens, l’UE souffre paradoxalement d’un excès plutôt que<br />
d’une absence de flexibilité, ce que reflète également la multiplicité des<br />
agences et des administrations chargées de mener des politiques<br />
individuelles.<br />
Enfin et surtout, la politique d’élargissement de l’UE peut être considérée<br />
en soi comme une politique étrangère et de sécurité par d’autres moyens, au<br />
sens où elle intègre tous les éléments susmentionnés dans une stratégie plus<br />
cohérente fondée sur la conditionnalité et orientée vers une intégration<br />
réalisable. Là encore, elle est mise en œuvre indépendamment de la <strong>PESC</strong><br />
proprement dite 49 , et risque d’entrer en conflit avec d’autres politiques<br />
49 Voir surtout Karen E. Smith, The Making of EU Foreign Policy: The Case of Eastern<br />
Europe, St. Martin’s Press, New York, 1998 ; Heather Grabbe, « A Partnership for<br />
Accession? The Implications of EU Conditionality for the Central and East European<br />
Applicants », EUI Working Papers, RSC 99/12 ; Lykke Friis et Anna Murphy, « The<br />
European Union and Central and Eastern Europe: Governance and Boundaries », Journal of<br />
Common Market Studies, n. 37, février 1999, pp. 211-232.
43<br />
communes dans son effort pour aider les pays candidats à respecter tous les<br />
différents acquis. En fait, des questions telles que la libre circulation des<br />
personnes entre les pays, l’application de périodes de transition pour les<br />
nouveaux Etats membres (en soi, une autre forme cachée de flexibilité) et<br />
leur adaptation à une <strong>PESC</strong>/PECSD « renforcée » pourraient soulever<br />
rapidement des problèmes complexes. Par exemple, l’incorporation<br />
préalable de l’acquis frontalier de Schengen par les candidats pourrait<br />
facilement entrer en contradiction avec d’autres objectifs de sécurité<br />
considérée « au sens large » (soft security) – du respect des droits des<br />
minorités à la coopération économique régionale – et exiger une approche<br />
globale plus flexible et sophistiquée.<br />
En principe, la « gestion des crises par l’UE » devrait pouvoir faire appel<br />
à tous ces instruments politiques, c’est-à-dire aux instruments militaires et<br />
non militaires, y compris les mesures diplomatiques et économiques<br />
positives (récompenses) et négatives (pénalités) qui font déjà partie de la<br />
« boîte à outils » de la <strong>PESC</strong> et de la « puissance civile » Europe 50 . Elle<br />
devrait également les appliquer et les adapter, en modifiant les<br />
combinaisons, aux différentes situations rencontrées et aux « voisinages de<br />
sécurité » 51 . Dans la mesure où la gestion des crises se fonde essentiellement<br />
sur la prévention, l’éventail d’instruments politiques à la disposition de la<br />
Commission est bien entendu crucial : les nouvelles politiques relatives à la<br />
libre circulation des personnes à travers les frontières (intérieures et<br />
extérieures) font également partie du processus. En revanche, sachant que la<br />
prévention des crises peut impliquer un certain niveau de dissuasion<br />
militaire (par exemple, le déploiement rapide de troupes dans les régions<br />
concernées) ou une action de la police civile (gendarmerie), l’existence de<br />
50 Pour une analyse critique, voir Uwe Schmalz, « The Amsterdam Provisions on<br />
External Coherence : Bridging the Union’s Foreign Policy Dualism ? », European Foreign<br />
Affairs Review n. 3, 1998, pp. 421-442. Karen E. Smith, « The Instruments of European<br />
Union Foreign Policy », dans Zielonka (dir.), op. cit dans note 2, pp. 67-85 ; Caroline<br />
Rhodes (dir.), The European Union in the World Community, Lynne Rienner, Boulder,<br />
1998. Pour les principales interprétations intellectuelles et un essai de catégorisation, voir<br />
Ian Manners et Richard Whitman, « Towards Identifying the International Identity of the<br />
European Union: A Framework for Analysis of the EU’s Network of Relationship »,<br />
European Integration, n. 21, 1998, pp. 231-249 ; Roy Ginsberg, « Conceptualizing the<br />
European Union as an International Actor: Narrowing the Theoretical Capability-<br />
Expectations Gap », Journal of Common Market Studies », vol. 37, n. 3, mars 1999,<br />
pp. 429-454.<br />
51 Cette expression est utilisée de manière convaincante par Przemyslav Grudzinski et<br />
Peter van Ham, A Critical Approach to European Security: Identity and Institutions, Pinter,<br />
Londres, 1999, surtout pp. 150 ss.
44<br />
moyens appropriés à la disposition de l’UE/O peut faire la différence. Même<br />
pour une « gestion de crise ouverte », lorsque l’usage de la force militaire<br />
s’avère indispensable, l’intervention civile (par exemple dans le domaine de<br />
l’évacuation de réfugiés et de l’aide d’urgence) est capitale. Dans<br />
l’ensemble, bien entendu, l’équilibre le plus approprié entre la carotte et le<br />
bâton ne peut être trouvé qu’au cas par cas. Les deux instruments doivent<br />
toutefois être présents – ce qui n’a pas été le cas jusqu’ici – et certains<br />
éléments de procédure concernant la pré-planification et une « doctrine »<br />
commune de gestion des crises doivent être élaborés, approuvés et mis en<br />
place au préalable. Cela suppose de reconnaître des intérêts communs, d’être<br />
prêts à agir ensemble et à engager les ressources nécessaires. A titre de<br />
mesure préliminaire dans ce sens, les rapports de la présidence soumis au<br />
Conseil européen d’Helsinki en décembre 1999 révèlent une prise de<br />
conscience accrue de la variété et de la complexité des instruments à mettre<br />
à la disposition d’une telle « Europe ».<br />
Si une véritable cohérence et une coordination inter-piliers – c’est-à-dire,<br />
une seule « Europe » – demandent encore du temps et du travail, un certain<br />
degré de compatibilité, de complémentarité et de convergence peut déjà être<br />
envisagé. En principe, cela devrait conduire, là encore, à la formation d’une<br />
sorte de « centre de gravité » 52 de l’Union fondé sur ses membres (et<br />
organes) les plus favorables à l’intégration et sur ces « noyaux » politiques<br />
communs. C’est d’ailleurs ce que prônent également la plupart des experts,<br />
à savoir que les chevauchements de clubs sont de véritables moyens à la fois<br />
de résoudre les problèmes collectifs et de tisser des liens entre des unités<br />
disparates. Autrement dit, les politiques des noyaux durs, leurs membres et<br />
leurs mécanismes institutionnels 53 auraient à terme tendance à coïncider,<br />
générant ainsi un nouveau « moteur » pour une union de plus de vingt<br />
membres, comparable à celui offert par le « duumvirat » franco-allemand<br />
pour une CE de six à douze. Un tel moteur - ou plutôt champ magnétique,<br />
voire « escalier en colimaçon » 54 – ne deviendrait pas nécessairement un<br />
52 L’urgence d’établir « un centre de gravité géopolitique » avec les pays participant à<br />
toutes les coopérations renforcées est ouvertement défendue par un autre rapport récent du<br />
commissariat général du plan : Jean-Louis Quermonne, Gilles Andréani et Mario Dehove,<br />
L’Union européenne en quête d’institutions légitimes et efficaces, La documentation<br />
Française, Paris, 1999, pp. 71 ss.<br />
53 Pour la distinction entre les trois « noyaux », voir Helen Wallace et William Wallace,<br />
Flying Together in a Larger and More Diverse European Union, Working Document<br />
(W 87), The Netherlands Scientific Council for Government Policy, La Haye, 1995.<br />
54 La métaphore du « colimaçon » a été suggérée par Daniel Vernet, « L’Europe en<br />
colimaçon », Le Monde, 10 décembre 1999, p. 1.
45<br />
directoire prédéterminé et restreint de quelques « élus ». Comme l’ont<br />
montré l’UME et (dans une moindre mesure) Schengen, les « noyaux »<br />
politiques n’ont pas besoin d’être « durs » pour être efficaces. Du reste, un<br />
« noyau dur » de l’UME aurait pu mettre en danger le marché unique, et un<br />
« petit » Schengen aurait pu créer de nouvelles barrières à l’intérieur de<br />
l’UE. Par ailleurs, la tendance traditionnelle de certains Etats membres « à<br />
faire cavalier seul » lors d’une action diplomatique ou militaire semble être<br />
remplacée par une préférence pour un cadre multilatéral, essentiellement<br />
« européen » – ce qui rend encore plus important la recherche d’un juste<br />
équilibre entre le leadership et le partenariat, l’efficacité et « l’ouverture »,<br />
la crédibilité et la solidarité.<br />
Enfin, la nomination de Javier Solana aux postes de Secrétaire général du<br />
Conseil de l’UE et de Haut représentant (SG/HR) de la <strong>PESC</strong> facilitera très<br />
probablement la coordination et la cohérence, du moins à l’intérieur du<br />
Conseil. Elle peut en effet avoir plusieurs incidences positives : meilleure<br />
liaison entre les gouvernements nationaux, centralisation de l’activité des<br />
« représentants spéciaux » de l’UE (Bosnie, Moyen-Orient, Grands Lacs<br />
d’Afrique, plus le Pacte de Stabilité pour l’Europe du Sud-Est) ainsi que des<br />
agences spécialisées et, compte tenu des décisions récemment prises à<br />
Helsinki, supervision des travaux des nouveaux organes politiques et<br />
militaires de l’UE créés pour donner forme à la PECSD. Toutefois,<br />
l’élément de continuité bureaucratique et de visibilité politique représenté<br />
par « Monsieur <strong>PESC</strong> » peut également créer une dualité avec la présidence<br />
de l’UE et, plus généralement, générer des tensions au sein de la nouvelle<br />
troïka de l’UE : en effet, l’élément démocratique que représente la<br />
présidence tournante peut être facilement occulté par le SG/HR et le<br />
nouveau commissaire chargé de l’ensemble des relations extérieures, Chris<br />
Patten. A cet égard, on peut s’attendre à ce que l’équilibre du pouvoir et de<br />
l’influence se modifie compte tenu de la taille, du poids et de l’attitude<br />
spécifique du pays assurant la présidence – y compris son appartenance<br />
éventuelle aux « noyaux durs » évoqués ci-dessus.<br />
La « double casquette » de Javier Solana, à savoir ses fonctions de<br />
« Monsieur <strong>PESC</strong> » et de Secrétaire général de l’UEO – décidée par les<br />
organes respectifs de l’UE et de l’UEO en novembre 1999 – pourrait bien, à<br />
son tour, faciliter ce qui ressemble aujourd’hui à une « reprise amicale » de<br />
l’UEO par l’UE. Cela peut en soi accélérer la fusion ou, du moins à court<br />
terme, ressusciter la perspective d’une UEO agissant en tant qu’« agence »<br />
pour le compte de l’Union : dans les deux cas, M. Solana peut jouer un rôle<br />
très stimulant à l’égard de la PECSD, combinant des éléments de flexibilité<br />
et une fonction visible de direction. Le succès dépendra surtout, une fois de
46<br />
plus, des habitudes de travail et des arrangements qui seront<br />
progressivement établis entre tous les organes, les forums, les agences et les<br />
personnalités impliqués dans l’élaboration de la <strong>PESC</strong> et de la PECSD –<br />
c’est-à-dire aussi bien leur modus operandi que leur modus vivendi.<br />
Sur tous ces aspects, le TUE n’est pas très explicite. Il indique seulement<br />
que :<br />
– « la présidence est assistée par le secrétaire général du Conseil, qui<br />
exerce la fonction de Haut représentant pour la politique étrangère et de<br />
sécurité commune » (article 18 de la version consolidée du TUE) ;<br />
– « Le Haut représentant « assiste le Conseil pour les questions relevant<br />
de la politique étrangère et de sécurité, en contribuant notamment à la<br />
formulation, à l’élaboration et à la mise en œuvre des décisions de<br />
politique et, le cas échéant, en agissant au nom du Conseil et à la demande<br />
de la présidence, en conduisant le dialogue politique avec des tiers »<br />
(article 26) ;<br />
– « Le Conseil est assisté d’un Secrétariat général, placé sous la<br />
responsabilité d’un Secrétaire général, Haut représentant pour la politique<br />
étrangère et de sécurité commune, assisté d’un secrétaire général adjoint<br />
chargé de la gestion du Secrétariat général (…) le Conseil décide de<br />
l’organisation du Secrétariat général » (article 207.2) 55 .<br />
En d’autres termes, il est possible d’accroître aussi bien la coopération<br />
que la concurrence inter- et intra-institutionnelle. Il semble donc<br />
vraisemblable qu’une période d’essai sera suivie par un réexamen général,<br />
qui sera ultérieurement « officialisé » dans le traité – ce qui serait<br />
entièrement conforme à l’idée d’un « espace » provisoire pour la PECSD<br />
balbutiante.<br />
D’une manière générale, on peut conclure que l’application de certaines<br />
formes de flexibilité à la <strong>PESC</strong> servirait surtout à promouvoir la<br />
convergence politique et à fournir un leadership politique – ce qui, à son<br />
tour, permettrait à l’UE de mener plus facilement non seulement une<br />
opération de type Alba, mais aussi les missions de Petersberg « les plus<br />
55 Pour des évaluations préalables, voir Andrew Cottey, The European Union and<br />
Conflict Prevention: The Role of the High Representative and the Policy Planning and<br />
Early Warning Unit, Saferworld/International Alert Report, Londres, 1998 ; Simon Nuttall,<br />
« Der Generalsekretär des Rates und Hohe Vertreter für die GASP – Die ersten einhundert<br />
Tage », GASP-Forum, mars 1999, pp. 2-4.
47<br />
exigeantes » (comme l’indique le rapport de la présidence approuvé à<br />
Helsinki). Dans la situation actuelle, il semble que ce soit le seul moyen<br />
pour l’ensemble du processus d’intégration européenne de progresser et<br />
d’élargir son champ d’action ainsi que sa portée géographique. En<br />
elle-même, la flexibilité représente donc autant un défi qu’une réponse aux<br />
décennies de « diversité » et de divergences entre les objectifs des politiques<br />
nationales de tout le continent.
ANNEXE A<br />
49<br />
VERSION CONSOLIDEE DU TRAITE SUR L’UNION EUROPEENNE<br />
TITRE V<br />
DISPOSITIONS CONCERNANT UNE POLITIQUE <strong>ET</strong>RANGERE<br />
<strong>ET</strong> DE SECURITE COMMUNE<br />
Article 17 (ex-article J.7)<br />
1. La politique étrangère et de sécurité commune inclut l’ensemble des questions relatives à<br />
la sécurité de l’Union, y compris la définition progressive d’une politique de défense<br />
commune, conformément au deuxième alinéa, qui pourrait conduire à une défense<br />
commune, si le Conseil européen en décide ainsi. Il recommande, dans ce cas, aux États<br />
membres d’adopter une décision dans ce sens conformément à leurs exigences<br />
constitutionnelles respectives.<br />
L’Union de l’Europe occidentale (UEO) fait partie intégrante du développement de<br />
l’Union en donnant à l’Union l’accès à une capacité opérationnelle, notamment dans le<br />
cadre du paragraphe 2. Elle assiste l’Union dans la définition des aspects de la politique<br />
étrangère et de sécurité commune ayant trait à la défense, tels qu’ils sont établis dans le<br />
présent article. En conséquence, l’Union encourage l’établissement de relations<br />
institutionnelles plus étroites avec l’UEO en vue de l’intégration éventuelle de l’UEO dans<br />
l’Union, si le Conseil européen en décide ainsi. Il recommande, dans ce cas, aux États<br />
membres d’adopter une décision dans ce sens conformément à leurs exigences<br />
constitutionnelles respectives.<br />
La politique de l’Union au sens du présent article n’affecte pas le caractère spécifique de<br />
la politique de sécurité et de défense de certains États membres, elle respecte les obligations<br />
découlant du traité de l’Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que<br />
leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’Organisation du traité de l’Atlantique<br />
Nord (OTAN) et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense<br />
arrêtée dans ce cadre.<br />
La définition progressive d’une politique de défense commune est étayée, dans la mesure<br />
où les États membres le jugent approprié, par une coopération entre eux en matière<br />
d’armements.<br />
2. Les questions visées au présent article incluent les missions humanitaires et<br />
d’évacuation, les missions de maintien de la paix et les missions de forces de combat pour<br />
la gestion des crises, y compris les missions de rétablissement de la paix.<br />
3. L’Union aura recours à l’UEO pour élaborer et mettre en œuvre les décisions et les<br />
actions de l’Union qui ont des implications dans le domaine de la défense.<br />
La compétence du Conseil européen pour définir des orientations conformément à<br />
l’article 13 vaut également à l’égard de l’UEO en ce qui concerne les questions pour<br />
lesquelles l’Union a recours à l’UEO.<br />
Chaque fois que l’Union a recours à l’UEO pour qu’elle élabore et mette en œuvre les<br />
décisions de l’Union relatives aux missions visées au paragraphe 2, tous les États membres
50<br />
de l’Union sont en droit de participer pleinement à ces missions. Le Conseil, en accord avec<br />
les institutions de l’UEO, adopte les modalités pratiques nécessaires pour permettre à tous<br />
les États membres apportant une contribution aux missions en question de participer<br />
pleinement et sur un pied d’égalité à la planification et à la prise de décision au sein de<br />
l’UEO.<br />
Les décisions ayant des implications dans le domaine de la défense dont il est question<br />
au présent paragraphe sont prises sans préjudice des politiques et des obligations visées au<br />
paragraphe 1, troisième alinéa.<br />
4. Le présent article ne fait pas obstacle au développement d’une coopération plus étroite<br />
entre deux ou plusieurs États membres au niveau bilatéral, dans le cadre de l’UEO et de<br />
l’Alliance atlantique, dans la mesure où cette coopération ne contrevient pas à celle qui est<br />
prévue au présent titre ni ne l’entrave.<br />
5. En vue de pro mouvoir la réalisation des objectifs définis au présent article, les<br />
dispositions de celui-ci seront réexaminées conformément à l’article 48.<br />
Article 23 (ex-article J.13)<br />
1. Les décisions relevant du présent titre sont prises par le Conseil statuant à l’unanimité.<br />
Les abstentions des membres présents ou représentés n’empêchent pas l’adoption de ces<br />
décisions.<br />
Tout membre du Conseil qui s’abstient lors d’un vote peut, conformément au présent<br />
alinéa, assortir son abstention d’une déclaration formelle. Dans ce cas, il n’est pas tenu<br />
d’appliquer la décision, mais il accepte que la décision engage l’Union. Dans un esprit de<br />
solidarité mutuelle, l’État membre concerné s’abstient de toute action susceptible d’entrer<br />
en conflit avec l’action de l’Union fondée sur cette décision ou d’y faire obstacle et les<br />
autres États membres respectent sa position. Si les membres du Conseil qui assortissent leur<br />
abstention d’une telle déclaration représentent plus du tiers des voix affectées de la<br />
pondération prévue à l’article 205, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté<br />
européenne, la décision n’est pas adoptée.<br />
2. Par dérogation au paragraphe 1, le Conseil statue à la majorité qualifiée:<br />
– lorsque, sur la base d’une stratégie commune, il adopte des actions communes et des<br />
positions communes ou qu’il prend toute autre décision;<br />
– lorsqu’il adopte toute décision mettant en œuvre une action commune ou une position<br />
commune.<br />
Si un membre du Conseil déclare que, pour des raisons de politique nationale<br />
importantes et qu’il expose, il a l’intention de s’opposer à l’adoption d’une décision devant<br />
être prise à la majorité qualifiée, il n’est pas procédé au vote. Le Conseil, statuant à la<br />
majorité qualifiée, peut demander que le Conseil européen soit saisi de la question en vue<br />
d’une décision à l’unanimité.<br />
Les voix des membres du Conseil sont affectées de la pondération prévue à l’article 205,<br />
paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne. Pour être adoptées, les<br />
décisions doivent recueillir au moins soixante-deux voix, exprimant le vote favorable d’au<br />
moins dix membres.
51<br />
Le présent paragraphe ne s’applique pas aux décisions ayant des implications militaires<br />
ou dans le domaine de la défense.<br />
3. Pour les questions de procédure, le Conseil statue à la majorité de ses membres.<br />
TITRE VI<br />
DISPOSITIONS RELATIVES A LA COOPERATION POLICIERE <strong>ET</strong> JUDICIAIRE<br />
EN MATIERE PENALE<br />
Article 40 (ex-article K.12)<br />
1. Les États membres qui se proposent d’instaurer entre eux une coopération renforcée<br />
peuvent être autorisés, dans le respect des articles 43 et 44, à recourir aux institutions,<br />
procédures et mécanismes prévus par les traités, à condition que la coopération envisagée:<br />
a) respecte les compétences de la Communauté européenne, de même que les objectifs fixés<br />
par le présent titre;<br />
b) ait pour but de permettre à l’Union de devenir plus rapidement un espace de liberté, de<br />
sécurité et de justice.<br />
2. L’autorisation prévue au paragraphe 1 est accordée par le Conseil statuant à la majorité<br />
qualifiée à la demande des États membres concernés, la Commission ayant été invitée à<br />
présenter son avis. La demande est également transmise au Parlement européen.<br />
Si un membre du Conseil déclare que, pour des raisons de politique nationale<br />
importantes et qu’il expose, il a l’intention de s’opposer à l’octroi d’une autorisation<br />
décidée à la majorité qualifiée, il n’est pas procédé au vote. Le Conseil, statuant à la<br />
majorité qualifiée, peut demander que le Conseil européen soit saisi de la question en vue<br />
d’une décision à l’unanimité.<br />
Les voix des membres du Conseil sont affectées de la pondération prévue à l’article 205,<br />
paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne. Pour être adoptées, les<br />
décisions doivent recueillir au moins soixante-deux voix, exprimant le vote favorable d’au<br />
moins dix membres.<br />
3. Tout État membre qui souhaite participer à la coopération instaurée en vertu du présent<br />
article notifie son intention au Conseil et à la Commission, qui transmet au Conseil, dans un<br />
délai de trois mois à compter de la date de réception de la notification, un avis<br />
éventuellement assorti d’une recommandation relative à des dispositions particulières<br />
qu’elle peut juger nécessaires pour que l’État membre concerné participe à la coopération<br />
en question. Dans un délai de quatre mois à compter de la date de la notification, le Conseil<br />
statue sur la demande ainsi que sur d’éventuelles dispositions particulières qu’il peut juger<br />
nécessaires. La décision est réputée approuvée, à moins que le Conseil, statuant à la<br />
majorité qualifiée, ne décide de la tenir en suspens; dans ce cas, le Conseil indique les<br />
motifs de sa décision et fixe un délai pour son réexamen. Aux fins du présent paragraphe, le<br />
Conseil statue dans les conditions prévues à l’article 44.<br />
4. Les dispositions des articles 29 à 41 s’appliquent à la coopération renforcée prévue par le<br />
présent article, sauf dispositions contraires de ce dernier et des articles 43 et 44.
52<br />
Les dispositions du traité instituant la Communauté européenne concernant la<br />
compétence de la Cour de justice des Communautés européennes et l’exercice de cette<br />
compétence s’appliquent aux paragraphes 1, 2 et 3.<br />
5. Le présent article n’affecte pas les dispositions du protocole intégrant l’acquis de<br />
Schengen dans le cadre de l’Union européenne.<br />
Article 41 (ex-article K.13)<br />
1. Les articles 189, 190, 195, 196 à 199, 203, 204, 205 paragraphe 3, aux articles 206 à<br />
209, 213 à 219, 255 et 290 du traité instituant la Communauté européenne sont applicables<br />
aux dispositions relatives aux domaines visés au présent titre.<br />
2. Les dépenses administratives entraînées pour les institutions par les dispositions relatives<br />
aux domaines visés au présent titre sont à la charge du budget des Communautés<br />
européennes.<br />
3. Les dépenses opérationnelles entraînées par la mise en œuvre desdites dispositions sont<br />
également à la charge du budget des Communautés européennes, sauf si le Conseil, statuant<br />
à l’unanimité, en décide autrement. Quand une dépense n’est pas mise à la charge du<br />
budget des Communautés européennes, elle est à la charge des États membres selon la clé<br />
du produit national brut, à moins que le Conseil, statuant à l’unanimité, n’en décide<br />
autrement.<br />
4. La procédure budgétaire fixée dans le traité instituant la Communauté européenne<br />
s’applique aux dépenses qui sont à la charge du budget des Communautés européennes.<br />
Article 42 (ex-article K.14)<br />
Le Conseil, statuant à l’unanimité à l’initiative de la Commission ou d’un État membre, et<br />
après consultation du Parlement européen, peut décider que des actions dans les domaines<br />
visés à l’article 29 relèveront du titre IV du traité instituant la Communauté européenne et,<br />
en même temps, déterminer les conditions de vote qui s’y rattachent. Il recommande<br />
l’adoption de cette décision par les États membres conformément à leurs règles<br />
constitutionnelles respectives.<br />
TITRE VII (ex-titre VI A)<br />
DISPOSITIONS SUR LA COOPERATION RENFORCEE<br />
Article 43 (ex-article K.15)<br />
1. Les États membres qui se proposent d’instaurer entre eux une coopération renforcée<br />
peuvent recourir aux institutions, procédures et mécanismes prévus par le présent traité et le<br />
traité instituant la Communauté européenne, à condition que la coopération envisagée:
53<br />
a) tende à favoriser la réalisation des objectifs de l’Union et à préserver et à servir ses<br />
intérêts;<br />
b) respecte les principes desdits traités et le cadre institutionnel unique de l’Union;<br />
c) ne soit utilisée qu’en dernier ressort, lorsque les objectifs desdits traités ne pourraient être<br />
atteints en appliquant les procédures pertinentes qui y sont prévues;<br />
d) concerne au moins une majorité d’États membres;<br />
e) n’affecte ni l’acquis communautaire ni les mesures prises au titre des autres dispositions<br />
desdits traités;<br />
f) n’affecte pas les compétences, les droits, les obligations et les intérêts des États membres<br />
qui n’y participent pas;<br />
g) soit ouverte à tous les États membres et leur permette de se joindre à tout moment à une<br />
telle coopération, sous réserve de respecter la décision initiale ainsi que les décisions prises<br />
dans ce cadre;<br />
h) respecte les critères additionnels spécifiques fixés respectivement à l’article 11 du traité<br />
instituant la Communauté européenne et à l’article 40 du présent traité, selon le domaine<br />
concerné, et soit autorisée par le Conseil, conformément aux procédures qui y sont prévues.<br />
2. Les États membres appliquent, dans la mesure où ils sont concernés, les actes et<br />
décisions pris pour la mise en œuvre de la coopération à laquelle ils participent. Les États<br />
membres n’y participant pas n’entravent pas la mise en œuvre de la coopération par les<br />
États membres qui y participent.<br />
Article 44 (ex-article K.16)<br />
1. Aux fins de l’adoption des actes et décisions nécessaires à la mise en œuvre de la<br />
coopération visée à l’article 43, les dispositions institutionnelles pertinentes du présent<br />
traité et du traité instituant la Communauté européenne s’appliquent. Toutefois, alors que<br />
tous les membres du Conseil peuvent participer aux délibérations, seuls ceux qui<br />
représentent des États membres participant à la coopération renforcée prennent part à<br />
l’adoption des décisions. La majorité qualifiée est définie comme la même proportion des<br />
voix pondérées des membres du Conseil concernés que celle fixée à l’article 205,<br />
paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne. L’unanimité est constituée<br />
par les voix des seuls membres du Conseil concernés.<br />
2. Les dépenses résultant de la mise en œuvre de la coopération, autres que les coûts<br />
administratifs occasionnés pour les institutions, sont à la charge des États membres qui y<br />
participent, à moins que le Conseil, statuant à l’unanimité, n’en décide autrement.<br />
Article 45 (ex-article K.17)<br />
Le Conseil et la Commission informent régulièrement le Parlement européen de l’évolution<br />
de la coopération renforcée instaurée sur la base du présent titre.
54<br />
ANNEXE B<br />
VERSION CONSOLIDEE DU TRAITE INSTITUANT<br />
LA COMMUNAUTE EUROPEENNE<br />
Article 11 (ex-article 5 A)<br />
1. Les États membres qui se proposent d’instaurer entre eux une coopération renforcée<br />
peuvent être autorisés, dans le respect des articles 43 et 44 du traité sur L’Union<br />
européenne, à recourir aux institutions, procédures et mécanismes prévus par le présent<br />
traité, à condition que la coopération envisagée :<br />
(a) ne concerne pas des domaines relevant de la compétence exclusive de la Communauté ;<br />
(b) n’affecte pas les politiques, actions ou programmes de la Communauté ;<br />
(c) n’ait pas trait à la citoyenneté de l’Union et ne fasse pas de discrimination entre les<br />
ressortissants des États membres ;<br />
(d) reste dans les limites des compétences conférées à la Communauté par le présent traité ;<br />
et<br />
(e) ne constitue ni une discrimination ni une entrave aux échanges entre les États membres<br />
et ne provoque aucune distorsion des conditions de concurrence entre ceux-ci.<br />
2. L’autorisation visée au paragraphe 1 est accordée par le Conseil statuant à la majorité<br />
qualifiée sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen.<br />
Si un membre du Conseil déclare que, pour des raisons de politique nationale<br />
importantes et qu’il expose, il a l’intention de s’opposer à l’adoption d’une décision devant<br />
être prise à la majorité qualifiée, il n’est pas procédé au vote. Le Conseil peut, statuant à la<br />
majorité qualifiée, demander que le Conseil, réuni au niveau des chefs d’État ou de<br />
gouvernement, soit saisi de la question en vue d’une décision à l’unanimité.<br />
Les États membres qui se proposent d’instaurer la coopération renforcée visée au<br />
paragraphe 1 peuvent adresser une demande à la Commission qui peut soumettre au Conseil<br />
une proposition en ce sens. Si elle ne soumet pas de proposition, la Commission en<br />
communique les raisons aux États membres concernés.<br />
3. Tout État membre qui souhaite participer à la coopération instaurée en vertu du présent<br />
article notifie son intention au Conseil et à la Commission, qui transmet un avis au Conseil<br />
dans un délai de trois mois à compter de la date de réception de la notification. Dans un<br />
délai de quatre mois à compter de la notification, la Commission statue à son sujet ainsi que<br />
sur d’éventuelles dispositions particulières qu’elle peut juger nécessaires.<br />
4. Les actes et décisions nécessaires à la mise en œuvre des actions de coopération sont<br />
soumis à toutes les dispositions pertinentes du présent traité, sauf dispositions contraires<br />
prévues au présent article et aux articles 43 et 44 du traité sur l’Union européenne.<br />
5. Le présent article n’affecte pas les dispositions du protocole intégrant l’acquis de<br />
Schengen dans le cadre de l’Union européenne.
ANNEXE C<br />
55<br />
SOMM<strong>ET</strong> FRANCO-BRITANNIQUE<br />
DECLARATION SUR LA DEFENSE EUROPEENNE<br />
(Saint-Malo, 4 décembre 1998)<br />
Les chefs d’Etat et de gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et<br />
d’Irlande du Nord et de la France sont convenus de ce qui suit :<br />
1. L’Union européenne doit pouvoir être en mesure de jouer tout son rôle sur la scène<br />
internationale. Le traité d’Amsterdam, base essentielle pour l’action de l’Union, doit donc<br />
devenir une réalité. La mise en œuvre complète et rapide des dispositions d’Amsterdam sur<br />
la Politique étrangère et de Sécurité commune (<strong>PESC</strong>) doit être achevée. Cela inclut la<br />
responsabilité du Conseil européen de décider le développement progressif d’une politique<br />
de défense commune dans le cadre de la <strong>PESC</strong>. Le Conseil doit être en mesure, sur une<br />
base intergouvernementale, de prendre des décisions portant sur tout l’éventail des<br />
actions prévues par le titre V du traité de l’Union européenne.<br />
2. A cette fin, l’Union doit avoir une capacité autonome d’action, appuyée sur des forces<br />
militaires crédibles, avec les moyens de les utiliser et en étant prête à le faire afin de<br />
répondre aux crises internationales.<br />
Dans cette perspective, les engagements de défense collective auxquels ont souscrit les<br />
Etats membres (article 5 du Traité de Washington et article V du Traité de Bruxelles)<br />
devront être maintenus. En renforçant la solidarité entre les pays de l’Union européenne<br />
pour que l’Europe puisse faire entendre sa voix dans les affaires du monde, tout en agissant<br />
en conformité avec nos obligations respectives au sein de l’OTAN, nous contribuons à la<br />
vitalité d’une Alliance atlantique rénovée qui constitue le fondement de la défense<br />
collective de ses membres.<br />
Les Européens devront agir dans le cadre institutionnel de l’Union européenne (Conseil<br />
européen, Conseil Affaires générales, et réunion des ministres de la Défense).<br />
Le renforcement de la solidarité européenne doit prendre en compte la variété des<br />
positions des pays européens.<br />
La diversité des situations des Etats au regard de l’OTAN devra être respectée.<br />
3. Pour pouvoir prendre des décisions et, lorsque l’Alliance en tant que telle n’est pas<br />
engagée, pour approuver des actions militaires, l’Union européenne doit être dotée de<br />
structures appropriées. Elle doit également disposer d’une capacité d’évaluation des<br />
situations, de sources de renseignement, et d’une capacité de planification stratégique, sans<br />
duplication inutile, en prenant en compte les moyens actuels de l’Union de l’Europe<br />
occidentale (UEO) et l’évolution de ses rapports avec l’Union européenne. A cet égard,<br />
l’Union européenne devra pouvoir recourir à des moyens militaires adaptés (moyens<br />
européens pré-identifiés au sein du pilier européen de l’OTAN ou moyens nationaux et<br />
multinationaux extérieurs au cadre de l’OTAN).<br />
4. L’Europe a besoin de forces armées renforcées, capables de faire face rapidement aux<br />
nouveaux risques et s’appuyant sur une base industrielle et technologique de défense<br />
compétitive et forte.
56<br />
5. Nous sommes déterminés à unir nos efforts pour permettre à l’Union européenne de<br />
progresser concrètement vers ses objectifs.
ANNEXE D<br />
57<br />
CONCLUSIONS DE LA PRESIDENCE<br />
CONSEIL EUROPEEN DE COLOGNE, 3 <strong>ET</strong> 4 JUIN 1999<br />
DECLARATION DU CONSEIL EUROPEEN DE COLOGNE CONCERNANT LE<br />
RENFORCEMENT DE LA POLITIQUE EUROPEENNE COMMUNE EN MATIERE DE<br />
SECURITE <strong>ET</strong> DE DEFENSE<br />
1. Nous, membres du Conseil européen, sommes déterminés à voir l’Union européenne<br />
jouer pleinement son rôle sur la scène internationale. A cette fin, nous avons l’intention de<br />
doter l’Union européenne des moyens et capacités nécessaires pour assumer ses<br />
responsabilités concernant une politique européenne commune en matière de sécurité et de<br />
défense. Les travaux entrepris à l’initiative de la présidence allemande et l’entrée en<br />
vigueur du traité d’Amsterdam nous permettent aujourd’hui de franchir une étape décisive.<br />
Dans le cadre de la poursuite des objectifs de notre politique étrangère et de sécurité<br />
commune et de la définition progressive d’une politique de défense commune, nous<br />
sommes convaincus que le Conseil devrait être en mesure de prendre des décisions ayant<br />
trait à l’ensemble des activités de prévention des conflits et des missions de gestion des<br />
crises définies dans le traité sur l’Union européenne, les “missions de Petersberg”. A cette<br />
fin, l’Union doit disposer d’une capacité d’action autonome soutenue par des forces<br />
militaires crédibles, avoir les moyens de décider d’y recourir et être prête à le faire afin de<br />
réagir face aux crises internationales, sans préjudice des actions entreprises par l’OTAN.<br />
L’Union européenne renforcera ainsi sa capacité à contribuer à la paix et à la sécurité<br />
internationales, conformément aux principes de la Charte des Nations Unies.<br />
2. Nous sommes persuadés que, pour remplir pleinement sa mission en matière de<br />
prévention des conflits et de gestion des crises, l’Union européenne doit avoir à sa<br />
disposition les capacités et instruments appropriés. Nous nous engageons donc à améliorer<br />
l’efficacité des moyens militaires européens sur la base des capacités actuelles, qu’elles<br />
soient nationales, binationales ou multinationales, et à renforcer nos propres capacités à<br />
cette fin. Cela requiert la poursuite d’un effort de défense soutenu, la mise en œuvre des<br />
adaptations nécessaires et notamment le renforcement de nos capacités en matière de<br />
renseignement, de capacité de projection, de commandement et de contrôle. Cela exige<br />
également des efforts pour l’adaptation, l’entraînement et la mise en cohérence des forces<br />
européennes nationales et multinationales.<br />
Nous reconnaissons aussi la nécessité d’accomplir des efforts soutenus pour renforcer la<br />
base industrielle et technologique de la défense, que nous souhaitons compétitive et<br />
dynamique. Nous sommes déterminés à favoriser la restructuration des industries<br />
européennes de défense dans les Etats concernés. Avec les industriels, nous œuvrerons à<br />
une collaboration plus étroite et plus efficace des industries de défense. Nous chercherons à<br />
améliorer encore l’harmonisation des besoins militaires ainsi que la programmation et la<br />
fourniture des armements, de la façon que les Etats membres jugeront appropriée.<br />
3. Nous nous félicitons des résultats des travaux du sommet de l’OTAN tenu à Washington<br />
en ce qui concerne le soutien apporté au processus lancé par l’Union européenne et la<br />
confirmation du fait qu’un rôle plus affirmé de l’Union européenne dans la prévention des
58<br />
conflits et la gestion des crises contribuera à la vitalité d’une Alliance rénovée. Dans la<br />
mise en œuvre de ce processus lancé par l’Union européenne, nous veillerons à assurer de<br />
manière effective une consultation, une coopération et une transparence mutuelles entre<br />
l’Union européenne et l’OTAN.<br />
Notre intention est de mettre en place un véritable dispositif de gestion des crises conduit<br />
par l’Union européenne, grâce auquel les Etats membres de l’Union, tant ceux qui sont<br />
membres de l’OTAN que les neutres et les non-alliés, pourront participer pleinement et sur<br />
un pied d’égalité aux opérations de l’Union européenne.<br />
Nous mettrons en place des arrangements qui permettent aux alliés et partenaires<br />
européens non membres de l’Union européenne de prendre part dans toute la mesure du<br />
possible à cette entreprise.<br />
4. Par conséquent, nous approuvons et adoptons le rapport élaboré par la présidence<br />
allemande, qui traduit le consensus des Etats membres.<br />
5. Nous sommes maintenant résolus à entrer dans une nouvelle étape de la construction de<br />
l’Union européenne. A cette fin, nous chargeons le Conseil “Affaires générales” de<br />
préparer les conditions et mesures nécessaires pour réaliser ces objectifs, et notamment de<br />
définir les modalités de l’inclusion de celles des fonctions de l’UEO qui seront nécessaires<br />
à l’Union européenne pour assumer ses nouvelles responsabilités dans le domaine des<br />
missions de Petersberg. A cet égard, notre objectif est d’adopter les décisions nécessaires<br />
d’ici la fin de l’an 2000. Dans cette éventualité, l’UEO en tant qu’organisation aura achevé<br />
sa mission. Les différentes situations des Etats membres en matière de garanties de défense<br />
collective ne s’en trouveront pas affectées. L’Alliance reste le fondement de la défense<br />
collective de ses membres.<br />
Nous invitons donc la présidence finlandaise à poursuivre les travaux dans le cadre du<br />
Conseil “Affaires générales” sur la base de la présente déclaration et du rapport de la<br />
présidence au Conseil européen se réunissant à Cologne. Nous attendons avec intérêt un<br />
rapport sur l’état d’avancement des travaux de la présidence finlandaise destiné au Conseil<br />
européen d’Helsinki.
ANNEXE E<br />
59<br />
CONCLUSIONS DE LA PRESIDENCE<br />
CONSEIL EUROPEEN D’HELSINKI, 10 <strong>ET</strong> 11 DECEMBRE 1999<br />
II. POLITIQUE EUROPEENNE COMMUNE<br />
EN MATIERE DE SECURITE <strong>ET</strong> DE DEFENSE<br />
25. Le Conseil européen adopte les deux rapports de la présidence (cf. annexe IV) sur le<br />
développement des moyens de l’Union pour la gestion militaire et non militaire des crises<br />
dans le cadre d’une politique européenne commune renforcée en matière de sécurité et de<br />
défense.<br />
26. L’Union contribuera à la paix et à la sécurité internationales conformément aux<br />
principes de la Charte des Nations Unies. L’Union reconnaît que le Conseil de sécurité des<br />
Nations Unies est l’instance à laquelle il appartient en premier de veiller au maintien de la<br />
paix et de la sécurité internationales.<br />
27. Le Conseil européen souligne sa détermination de développer une capacité autonome<br />
de décider et, là où l’OTAN en tant que telle n’est pas engagée, de lancer et de conduire des<br />
opérations militaires sous la direction de l’UE, en réponse à des crises internationales. Ce<br />
processus évitera d’inutiles doubles emplois et n’implique pas la création d’une armée<br />
européenne.<br />
28. Se fondant sur les lignes directrices définies par le Conseil européen de Cologne, et<br />
sur la base des rapports de la présidence, le Conseil européen a notamment décidé ce qui<br />
suit :<br />
– coopérant volontairement dans le cadre d’opérations dirigées par l’UE, les Etats membres<br />
devront être en mesure, d’ici 2003, de déployer dans un délai de 60 jours et de soutenir<br />
pendant au moins une année des forces militaires pouvant atteindre 50 000 à<br />
60 000 personnes, capables d’effectuer l’ensemble des missions de Petersberg ;<br />
– de nouveaux organes et de nouvelles structures politiques et militaires seront créés au sein<br />
du Conseil pour permettre à l’Union d’assurer l’orientation politique et la direction<br />
stratégique nécessaires à ces opérations, dans le respect du cadre institutionnel unique ;<br />
– des modalités visant à assurer une consultation, une coopération et une transparence<br />
pleines et entières entre l’UE et l’OTAN seront définies, en tenant compte des besoins de<br />
tous les Etats membres de l’UE ;<br />
– des dispositions adéquates seront définies pour permettre, sans préjudice de l’autonomie<br />
de décision de l’Union, à des Etats européens membres de l’OTAN qui n’appartiennent pas<br />
à l’UE, ainsi qu’à d’autres Etats concernés, de contribuer à la gestion militaire d’une crise,<br />
sous la direction de l’UE ;<br />
– un mécanisme pour la gestion non militaire des crises sera institué pour coordonner et<br />
utiliser plus efficacement les divers moyens et ressources civils, parallèlement aux moyens<br />
et ressources militaires, dont disposent l’Union et les Etats membres.<br />
29. Le Conseil européen invite la prochaine présidence, en association avec le Secrétaire<br />
général/Haut Représentant, à accorder la priorité à la poursuite, au sein du Conseil
60<br />
“Affaires générales”, des travaux relatifs à tous les volets de ces rapports, y compris la<br />
prévention des conflits et la création d’un comité pour la gestion civile des crises. La<br />
prochaine présidence est invitée à élaborer un premier rapport sur l’évolution de la situation<br />
pour le Conseil européen de Lisbonne et, à l’attention du Conseil européen de Feira, un<br />
rapport d’ensemble contenant des recommandations et des propositions appropriées, ainsi<br />
que des éléments de réponse à la question de savoir si une modification des traités est jugée<br />
nécessaire ou non. Le Conseil “Affaires générales” est invité à entamer la mise en œuvre de<br />
ces décisions en instituant au sein du Conseil, à compter de mars 2000, les organes et les<br />
structures intérimaires convenus, conformément aux dispositions actuelles du traité.