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Alexandre Delay Emmanuel Hocquard - POl

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P.O.L, 33, rue Saint-André-des-Arts, Paris 6 e<br />

<strong>Alexandre</strong> <strong>Delay</strong><br />

<strong>Emmanuel</strong> <strong>Hocquard</strong>


« L’Islande, assez lointaine, était apparue aussi<br />

avec un air de vouloir s’approcher comme eux ; elle<br />

montrait de plus en plus nettement ses grandes<br />

montagnes de pierres nues – qui n’ont jamais été<br />

éclairées que par côté, par en dessous ou comme à<br />

regret. Elle se continuait même par une autre<br />

Islande de couleur semblable qui s’accentuait peu à<br />

peu – mais qui était chimérique, celle-ci, et dont les<br />

montagnes plus gigantesques n’étaient qu’une<br />

condensation de vapeurs. Et le soleil, toujours bas<br />

et traînant, incapable de monter au-dessus des<br />

choses, se voyait à travers cette illusion d’île, tellement<br />

qu’il paraissait posé devant et que c’était<br />

pour les yeux un aspect incompréhensible. Il<br />

n’avait plus de halo et, son disque rond ayant pris<br />

des contours très accusés, il semblait plutôt<br />

quelque pauvre planète jaune, mourante, qui se<br />

serait arrêtée là, indécise, au milieu d’un chaos. »


Voyage à Reykjavik. Reykjavik, l’Islande, je les vois à travers des représentations<br />

et des modélisations. On ne va tout de même pas entreprendre ce<br />

voyage sans prendre un certain nombre de précautions. On va faire de cette<br />

gravière libournaise, avec son lac artificiel, une espèce d’Islande au milieu<br />

de l’océan. Pour Reykjavik, n’importe quelle ville fera l’affaire ; j’ai l’impression<br />

qu’il faut de l’eau, un quai, un pont, comme partout.<br />

Retrouver, avec la caméra, cette volonté descriptive, cette lumière plate,<br />

ces mouvements pour-agrandir-le-cadre, pas pour être indiscret. On sait<br />

qu’en vidéo, avec nos petites caméras, il vaut mieux s’approcher de l’objet<br />

; dans les plans larges l’image se perd.<br />

Parlons du voyage. Réfléchissons à l’idée de mouvement, de déplacement, de<br />

montage (on monte dans une voiture, dans un bateau ou dans un train, dans<br />

un avion, etc.). Là, on est dans le film. Je vois des plans filmés depuis la<br />

voiture, je vois un long déplacement, des paysages immenses (même si ce<br />

n’est pas très vidéo), diversifiés… Bordeaux direction Saint-Sébastien,<br />

par exemple : la traversée des Landes, cette immense forêt artificielle, etc.<br />

J’ai envie de me replonger dans les Carnets de voyage de Melville. Une écriture<br />

documentaire dans laquelle on sent, par moments, monter la haine.<br />

Je me demande si on peut montrer des qualités de regard comme : je dépose<br />

mon regard sur, j’affronte le regard de ou j’observe une scène en restant<br />

extérieur, etc. Regarde les deux textes de Melville : dans le premier il se<br />

confronte au paysage, dans le second il reste en dehors. Je crois qu’il y a un<br />

autre engagement dans l’écriture. Il y a au moins deux niveaux de récit. Ces<br />

deux niveaux sont encore plus radicaux dans Le Commanditaire. J’ai besoin<br />

de parler de ça, de ne pas seulement chercher quoi filmer, mais aussi comment.<br />

Nous devrions donc penser et fabriquer notre vidéo comme le peintre et l’écrivain<br />

que nous sommes font leur peinture et leur écriture. Mais en vidéo. Ce qui nous<br />

laisse toute liberté de faire comme on sait et comme on ne sait pas, les deux à la<br />

fois.

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