ILEC N°361 Mars 2005.qxd - Prodimarques
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L’hyper est mort, vive l’hyper !<br />
D<br />
epuis 2000, l’hypermarché accuse un tassement<br />
de son chiffre d’affaires : faut-il y<br />
voir sa mort programmée ? Daniel<br />
Créange, ancien administrateur-directeur<br />
général de Docks de France Ruche picarde, réfute<br />
la sinistrose paralysante : l’hypermarché saura<br />
trouver les armes de son renouveau, entre le prix,<br />
un choix équilibré, la qualité et l’animation.<br />
Entretien avec Daniel Créange, président<br />
d’honneur de Perifem,<br />
Quel bilan tirez-vous de l’évolution du commerce français ?<br />
Daniel Créange : Quarante ans d’activité dans la distribution<br />
font de moi un témoin privilégié des métamorphoses<br />
considérables et successives du commerce, en<br />
tant qu’acteur du renouveau des magasins populaires et<br />
surtout pour avoir pris part, dès le début des années 60,<br />
au grand virage de la distribution. Durant cette longue<br />
période, les évolutions ont été nombreuses : le code à<br />
barres, le préemballage du périssable, la multiplication<br />
des fonctions des caisses enregistreuses, les systèmes<br />
informatiques assurant un approvisionnement automatique,<br />
etc. Parallèlement, la concurrence est devenue<br />
plus vive, non seulement dans le domaine des prix,<br />
mais également avec l’apparition de nouveaux types de<br />
commerces, tels les magasins spécialisés dans le sport,<br />
l’équipement de la maison, de la personne, l’électroménager,<br />
les livres et les disques, le surgelé, et aujourd’hui<br />
la chasse et la pêche. J’ai assisté au développement<br />
des indépendants, à la montée du maxidiscompte et à<br />
l’apparition du commerce en ligne. Dans le même<br />
temps, les anciens concepts se sont adaptés progressivement<br />
à l’évolution de la demande.<br />
Existe-t-il un cycle de vie des concepts de distribution ?<br />
D. C. : Le changement est la loi de l’évolution du<br />
commerce. Plusieurs phénomènes peuvent expliquer les<br />
mutations et l’apparition d’une nouvelle race de magasins<br />
: les périodes de crises économiques et de guerre,<br />
avec leurs conséquences sur le niveau de vie, les ruptures<br />
technologiques, les ruptures dans le comportement des<br />
consommateurs, et parfois l’endormissement des opérateurs<br />
sur leurs lauriers. Soulignons que la loi Royer a<br />
certes protégé le petit commerce, mais a favorisé l’émergence<br />
des indépendants. Aujourd’hui, c’est le maxidiscompte<br />
qui est bénéficiaire des modifications restrictives<br />
apportées à cette loi.<br />
Depuis quand les performances de l’hypermarché « à la française<br />
» sont-elles décevantes ?<br />
D. C. : Le qualificatif « décevant » me paraît outrancier.<br />
Une performance s’apprécie sur plusieurs critères : le<br />
chiffre d’affaires, la marge, le bénéfice d’exploitation, le<br />
retour sur investissement, le rendement au m 2 ,la<br />
fréquentation, la valeur du panier moyen. Elle s’apprécie<br />
par rapport à un marché, une zone de chalandise<br />
qui place l’hypermarché dans une situation plus ou<br />
moins concurrentielle. Il faut juger avec circonspection.<br />
La performance s’apprécie également par rapport<br />
à un contexte économique : crise ou expansion, niveau<br />
du chômage, évolution des prix, pouvoir d’achat…<br />
Après un développement fulgurant, du début des années<br />
70 jusqu’en 2000, l’hypermarché accuse un léger tassement<br />
de son chiffre d’affaires, mais ses marges se sont<br />
améliorées, ainsi que son bénéfice d’exploitation et son<br />
retour sur investissement. On ne peut pas dire qu’il y<br />
a eu un réel décrochage de la fréquentation. Il faudrait<br />
faire une analyse enseigne par enseigne et critère par<br />
critère pour étayer ce jugement.<br />
Pour quelles raisons observe-t-on un tassement depuis 2000 ?<br />
D. C. : Le phénomène correspond à une période de<br />
faiblesse relative du pouvoir d’achat et à l’apparition<br />
de magasins plus adaptés, aux surfaces réduites et plus<br />
bas en prix : le maxidiscompte. Avec presque 14 %<br />
de part de marché aujourd’hui, il a mordu sur toutes les<br />
formes de commerce alimentaire et a profité du vieillissement<br />
de la population. Son attrait repose sur le prix.<br />
La limitation des assortiments, eux-mêmes moins chers,<br />
induit une moindre dépense. Le modèle touche toutes<br />
les clientèles, car selon l’adage de Trujillo, « les pauvres<br />
ont besoin de prix bas mais les riches en raffolent ».<br />
L’embourgeoisement des hypers ne peut pas être nié,<br />
mais il n’a pas été toujours volontaire. L’introduction de<br />
services, de techniques coûteuses, parfois sur injonction<br />
du législateur, la création de nouvelles taxes, ont conduit<br />
les enseignes à répercuter une partie des coûts sur les<br />
prix. Ajoutons la démarque inconnue, le renchérissement<br />
de l’énergie (dont l’hypermarché est gros consommateur),<br />
la législation sur l’environnement, la gestion sociale<br />
devenue plus complexe, l’amélioration de l’architecture,<br />
de la décoration et du mobilier, l’utilisation de matériaux<br />
plus nobles, les nouvelles techniques d’éclairage et<br />
le confort dû aux clients : allées de circulation plus<br />
larges, climatisation, parkings mieux aménagés. Sans<br />
oublier la nécessaire prise en compte de la sécurité.<br />
Comment recréer de l’attractivité ?<br />
D. C. : L’hypermarché a déjà fait la preuve de sa capacité<br />
d’adaptation. Il lui reste à trouver la surface qui<br />
correspond le mieux à sa vocation, l’idéal étant un point<br />
d’équilibre entre 7 500 et 10 000 m 2 , afin de réduire ou<br />
d’augmenter les surfaces par rapport à leur zone de chalan-<br />
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