Quelles sont les indications validées de la coelioscopie - SNFGE

© Masson, Paris, 2001. Gastroenterol Clin Biol 2001;25:B57-B70
Quelles sont les indications validées de la cœlioscopie
en chirurgie digestive ?
Thierry PERNICENI (1), Karem SLIM (2)
(1) Département Médico-Chirurgical de Pathologie Digestive, Institut Mutualiste Montsouris, 42, boulevard Jourdan, 75014 Paris ;
(2) Chirurgie Générale et Digestive, Hôtel-Dieu, boulevard Léon-Malfreyt, 63058 Clermont-Ferrand Cedex 1.
TABLE DES MATIÈRES
MÉTHODOLOGIE
INDICATION VALIDÉE, NIVEAU DE PREUVE A
• Cholécystectomie
INDICATIONS VALIDÉES, NIVEAU DE PREUVE B
• Reflux gastro-œsophagien
• Achalasie
• Obésité sévère (indice de masse corporelle > 40 kg/m2)
• Lithiase de la voie biliaire principale
• Splénectomie
INDICATIONS EN COURS DE VALIDATION
• Affections bénignes de l’intestin grêle, du côlon et du rectum
• Cancer colo-rectal
• Foie
• Pancréas
INDICATION NON VALIDÉE
• Appendicectomie
AVANTAGES ET CONTRE-INDICATIONS DE LA
CŒLIOSCOPIE
• Avantages escomptés
• Contre-indications
CONCLUSION
CONTENTS
What are the validated indications for laparoscopy in
digestive surgery?
METHODS
VALIDATED INDICATION, LEVEL A
• Cholecystectomy
VALIDATED INDICATIONS, LEVEL B
• Gastroesophageal reflux disease
• Achalasia
• Bariatric surgery
• Choledocolithiasis
• Splenectomy
INDICATIONS NOT YET VALIDATED
• Benign diseases of small bowel, colon and rectum
- Sigmoid diverticulitis
- Inflammatory bowel diseases
- Rectal prolapse
- Small bowel obstruction
• Colorectal cancer
• Liver
• Pancreas
INDICATION NOT VALIDATED
• Appendectomy
ADVANTAGES AND CONTRA-INDICATIONS OF
LAPAROSCOPY
• Expected advantages
- Post operative pain
- Ventilatory function
- Adhesions
• Contra-indications
CONCLUSION
Décrite pour la première fois en Allemagne en 1986, la
cholécystectomie par cœlioscopie a fait irruption
dans le paysage chirurgical français à la fin des
années 80. Bien qu’interdite de communication au congrès de la
Société Allemande de Chirurgie à Berlin en 1990, cette technique
a connu une diffusion explosive, en dehors des filières hospitalouniversitaires.
Les avantages escomptés de cette chirurgie « miniinvasive
», terme ambigu mais porteur, ont suscité l’enthousiasme
de la majorité des chirurgiens et aussi un important
engouement du public, dynamisme commercial et médiatisation
se conjuguant pour assurer la diffusion de cette innovation. Le
champ d’application de la cœlioscopie en chirurgie digestive,
qualifiée par nos collègues américains de « second French
revolution », s’est très rapidement élargi et actuellement toutes les
techniques connues par laparotomie ont été décrites par cœlioscopie.
Malgré les difficultés pratiques initiales (qualité des
caméras, passage d’une vision en 3 dimensions à une vision en 2
dimensions, augmentation de la durée opératoire,
ré-apprentissage de la gestuelle de base [faire un nœud par
exemple]), l’essor de la cœlioscopie s’est accompagné, au moins
initialement, d’une modification des indications opératoires
comme en témoigne aux Etats-Unis l’augmentation de 37 % du
nombre de cholécystectomies entre 1983 et 1994 [1]. L’évaluation
initiale de la cœlioscopie a été insuffisante et, par extrapolation
des résultats obtenus pour la cholécystectomie (alors
qu’étaient rapportées les complications biliaires de cette intervention),
elle est devenue dans certaines indications — le reflux
gastro-œsophagien par exemple — la voie d’abord de référence,
avant même que des études prospectives randomisées ne
démontrent son éventuelle supériorité sur la laparotomie. Le
nombre d’études prospectives randomisées consacrées à la
cœlioscopie a progressivement augmenté, rejoignant en 1999
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T. Perniceni, K. Slim
Tableau I. − Niveaux de preuve selon la classification de la Fédération
Nationale des Centres de Lutte Contre le Cancer.
Indication validée, niveau de preuve A
Niveau de
preuves
Caractéristiques
Cholécystectomie
Niveau A
Niveau B
Niveau C
Niveau D
Accord d’experts
celui des études par laparotomie. Cependant, une évaluation
qualitative a montré que 20 % seulement de ces études étaient
méthodologiquement correctes [2]. Malgré cette évolution vers
une médecine « factuelle », le lecteur doit rester critique devant
certains critères de jugement utilisés : durée de reprise du transit
(dont la diminution en cœlioscopie peut être statistiquement
significative mais de peu d’intérêt sur le plan clinique) et durée
d’hospitalisation (qui dépend aussi de facteurs socio-culturels et
économiques, individuels et collectifs).
Le but de cette mise au point est d’évaluer quelles sont les
indications validées de la cœlioscopie en chirurgie digestive au
terme de 10 années d’existence, de quelques milliers de publications
et aussi de débats passionnés voire passionnels.
Méthodologie
Il existe des preuves de bonne qualité : plusieurs essais
randomisés et/ou méta-analyses « bien-faits » dont les
résultats sont cohérents.
Il existe des preuves de qualité correcte : essais
randomisés, séries prospectives ou rétrospectives. Les
résultats sont cohérents dans l’ensemble.
Il existe des preuves de qualité discutable : séries
prospectives ou rétrospectives, mais les résultats ne
sont pas cohérents.
Il n’existe pas de preuve scientifique ou seulement des
séries de cas.
Il n’existe pas de données pour la méthode concernée
mais l’ensemble des experts est unanime.
Une recherche bibliographique brute avec les mots-clés
laparoscopy or laparoscopic surgery and gastrointestinal
disease a permis de trouver 4 432 publications dont 586 en
1999, en retenant comme langues de publication le français,
l’anglais et l’allemand. Parallèlement, une recherche manuelle a
été faite dans 8 journaux (Annals of Surgery, Archives of
Surgery, The British Journal of Surgery, Disease of Colon and
Rectum, Journal of American College of Surgeons, Surgery,
Surgical Endoscopy et Word Journal of Surgery) de 1996 à
1999. Les éditoriaux, cas cliniques et résumés étaient exclus a
priori. Les études comparatives ont été analysées en priorité ;
parmi elles, «étude randomisée » signifie étude prospective avec
tirage au sort et «étude prospective » une étude avec recueil
prospectif des données sans tirage au sort. Les niveaux de preuve
des publications de cette revue de la littérature ont été évalués
(tableau I) selon la classification adoptée par la Fédération des
Centres de Lutte Contre le Cancer [3]. Les résultats sont présentés
en regroupant les indications par niveau de preuve et non par
organe. Par défaut d’information, certains critères (reproductibilité
d’une technique, diffusion en dehors d’un « centre expert » et
aspect économique) n’ont pas été pris en compte et l’évaluation
de la qualité de vie a été rarement possible [4]. Le nombre de
références bibliographiques étant limité, toutes les publications
rapportant seulement des résultats en terme de faisabilité ne sont
pas citées et il nous a paru plus intéressant de référencer des
méta-analyses ou d’importantes revues de la littérature (pour le
reflux gastro-œsophagien, la lithiase de la voie biliaire principale
et l’appendicectomie). La chirurgie pariétale était exclue de
cette évaluation.
La consultation des bases de données bibliographiques a
permis de trouver plus de 90 études comparatives sur une
période de 12 ans. Ces études portent sur la technique opératoire
et les résultats comparés à ceux de la laparotomie et l’évaluation
dans la période post opératoire de la douleur, des vomissements
et de la fonction ventilatoire.
Résultats de la cholécystectomie par cœlioscopie
La cholécystectomie par cœlioscopie, dont la faisabilité est
bien documentée, est largement diffusée en dehors des centres
experts. Elle est considérée comme l’intervention de référence
pour le traitement chirurgical à froid de la lithiase vésiculaire.
Ceci est documenté par une méta-analyse, au moins 13 études
prospectives randomisées de bonne qualité et deux conférences
de consensus [5-7]. Avec la cœlioscopie, les complications
pariétales étaient moins fréquentes, la fonction ventilatoire
post-opératoire était mieux préservée et la mortalité était aussi
basse qu’en laparotomie. La douleur post-opératoire était diminuée
mais cet avantage n’apparaissait pas dans la comparaison
avec la mini laparotomie [8]. L’amélioration de la qualité de vie,
évaluée par le questionnaire MOS-SF36, serait plus rapide après
cœlioscopie [9]. A titre d’exemple, dans deux études françaises,
l’une datant de 1992 (24 300 opérés dans 303 centres) et
l’autre de 1997 (6 435 opérés dans 26 centres), les résultats
étaient les suivants : a) taux médian de conversion : 6,3 % et
12 %, b) morbidité : 1,8 % et 2,2 % avec 0,3 % et 0,57 % de
plaie ou sténose de la voie biliaire principale et c) mortalité :
0,09 % dans les deux séries [10, 11]. La fréquence des lésions de
la voie biliaire principale n’était pas différente de celle observée
en laparotomie (≤ 0,6 %), mais étaient-elles de même gravité ?
La réalisation systématique d’une cholangiographie peropératoire
améliorait la reconnaissance des plaies de la voie
biliaire principale mais n’en diminuait pas la fréquence [12].
Comme par laparotomie la nécessité de rechercher de principe
une lithiase de la voie biliaire principale est discutée. L’Agence
Nationale pour le Développement de l’Evaluation Médicale n’a
pas pris position en 1995 [13]. En pratique, dans deux études
françaises datant de 1992 et regroupant 4 543 cholécystectomies,
une cholangiographie per-opératoire n’était faite que dans
7,5 % des cas.
Points particuliers
La cœlioscopie ne modifie pas la recommandation d’abstention
chirurgicale devant une lithiase vésiculaire asymptomatique
[14]. Si des études ont conclu qu’une antibioprophylaxie n’était
pas nécessaire pour une cholécystectomie à froid chez les
patients sans facteur de risque, ces résultats, contradictoires avec
ceux de la laparotomie, doivent être interprétés avec prudence vu
le petit effectif des malades opérés dans ces études et la
méthodologie d’analyse des infections du site opératoire.
L’enquête de surveillance des infections du site opératoire,
réalisée en 1999 par le Comité de Lutte contre les Infections
Nosocomiales de l’inter-région Paris-Nord, trouvait un taux
d’infection de 1,9 % pour 534 cholécystectomies. Il paraît
raisonnable d’appliquer les recommandations actualisées en
1999 de la conférence de consensus sur l’antibioprophylaxie
utilisant la céfazoline (2 g), d’autant qu’une conversion, qui
prolonge la durée opératoire et augmente alors le risque
infectieux, est toujours possible. L’extraction de la vésicule dans
un sac plastique doit être recommandée pour : a) prévenir le
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Quelles sont les indications validées de la cœlioscopie en chirurgie digestive ?
risque de greffe cancéreuse sur l’orifice d’extraction en cas de
cancer méconnu, greffe décrite même pour un cancer in situ et
b) éviter son ouverture et la dissémination dans la cavité
péritonéale de calculs dont 4 % deviennent symptomatiques [15].
Pour la cholécystite aiguë, des comparaisons historiques et
des études contrôlées, dont une étude prospective randomisée,
ont montré que les résultats de la cœlioscopie et de la
laparotomie étaient identiques [16, 17]. Dans cette situation, le
taux de conversion en laparotomie est de 15 %. Deux études,
dont l’une prospective randomisée, ont comparé la cholécystectomie
par cœlioscopie faite soit dans les 72 h suivant le début des
symptômes, soit de façon différée au cours d’une autre hospitalisation,
après traitement médical [18, 19]. Elles ont montré que
la cholécystectomie par cœlioscopie était possible dans les 72 h
suivant le début des symptômes sans augmentation des taux de
conversion ou de complication par rapport à une intervention
différée. La durée totale d’hospitalisation pour les deux études et
la durée de« récupération » pour l’une étaient significativement
raccourcies pour le groupe des patients opérés d’emblée.
Indications validées, niveau de preuve B
Reflux gastro-œsophagien
Le traitement cœlioscopique du reflux gastro-œsophagien a
connu une diffusion initiale « incontrôlée », audébut des années
90, en dehors de toute évaluation par des études randomisées,
de la même manière que la cholécystectomie. Seules les
fundoplicatures sont détaillées ici car elles ont été largement
évaluées par des études mono- et multicentriques. Sur 11 études
randomisées, 6 ont comparé différentes techniques de fundoplicature
ou évalué l’intérêt de la section des vaisseaux courts et 5
ont comparé cœlioscopie et laparotomie. Les deux seules études
randomisées comparant chirurgie cœlioscopique et traitement
par inhibiteur de la pompe à protons, l’une américaine et l’autre
française, ont été arrêtées avant terme par manque d’inclusion
[20] (Galmiche JP : communication personnelle).
MORBIDITÉ DES FUNDOPLICATURES
La faisabilité des fundoplicatures par cœlioscopie est documentée,
avec un taux de conversion au plus de 6,6 %, conversion
qui pourrait être favorisée par l’obésité [21]. Les principales
complications sont la perforation œsophagienne ou gastrique
rapportée dans 0 à 2,9 % des cas (complication qui diminue avec
l’expérience), avec une mortalité pouvant atteindre 17 % et
l’ascension intra-thoracique du montage anti-reflux, parfois
post-opératoire immédiate, rapportée dans 1 à 2 % des cas
(fréquence probablement sous-estimée du fait de l’absence de
contrôle radiologique systématique post-opératoire). Contrairement
à la chirurgie par laparotomie, un traumatisme iatrogène
de la rate est exceptionnel par cœlioscopie. Une réintervention
(pour complication ou échec thérapeutique) était rapportée dans
0,7 à 4 % des cas. Les symptômes post-opératoires indésirables
tels que le « gas-bloat syndrome », la sensation de plénitude
gastrique post-prandiale précoce et les épigastralgies ne sont pas
spécifiques de la cœlioscopie. En revanche, la dysphagie
post-opératoire est un problème signalé dès les premières
publications qui a même été àl’origine de l’arrêt d’une étude
randomisée comparant la cœlioscopie à la laparotomie [22]. Il
faut différencier dysphagie précoce et spontanément résolutive
en quelques semaines et dysphagie persistante (au delà de 6
semaines pour certains ou 3 mois pour d’autres). La dysphagie
précoce est plus fréquente après fundoplicature totale qu’après
fundoplicature partielle, sa fréquence variant de 21 à 56 %.
Aucun facteur prédictif n’a été formellement mis en évidence. La
dysphagie persistante survient dans 1 à 3 % des cas dans les
séries multicentriques. Les séries comparatives non randomisées
ont suggéré que l’intervention de Nissen-Rossetti (fundoplicature
totale sans section des vaisseaux courts) est significativement
associée à une plus grande fréquence de dysphagie mais la seule
étude randomisée évaluant l’influence de la section des vaisseaux
courts sur la dysphagie, incluant un petit nombre de patients, n’a
pas confirmé cette différence [23]. Des dilatations itératives sont
parfois nécessaires avec un taux d’échec allant de 36 à 50 %. La
dysphagie persistante doit faire chercher une complication
mécanique (ascension de la valve, sténose extrinsèque de
l’œsophage par sclérose de l’orifice hiatal ou malfaçon technique
type valve gastro-gastrique).
EFFICACITÉ SUR LE REFLUX GASTRO-ŒSOPHAGIEN
Sur le plan subjectif, les critères de jugement de l’efficacité des
fundoplicatures par cœlioscopie varient d’une étude à l’autre,
mais dans 15 études monocentriques incluant 2 978 opérés avec
un recul de plus d’un an, les résultats étaient « bons ou
excellents » dans 80 à 100 % des cas [24]. Trois études
prospectives ont évalué la qualité de vie post-opératoire avec des
instruments validés (MOS-SF36, Psychological General Well-
Being et Gastrointestinal Symptom Rating Scale) et une étude
randomisée utilisait le Gastro Intestinal Quality Life Index. Elles
ont toutes montré une amélioration significative de la qualité de
vie après chirurgie cœlioscopique. L’évaluation objective du
résultat de la fundoplicature (par endoscopie ou pH-métrie) n’a
été acceptée que par 25 % des opérés et ces contrôles ont montré
une guérison du reflux dans 86 à 93 % des cas [25-27].
QUELLE FUNDOPLICATURE ?
La fundoplicature totale représente 63 à 85 % des interventions.
Toutes les études comparatives non randomisées ont
suggéré que la fundoplicature totale et la fundoplicature partielle
postérieure avaient sur le reflux gastro-œsophagien une efficacité
identique à court terme, mais la fundoplicature de Nissen-Rossetti
ne semble pas pouvoir être recommandée si on tient compte de
son taux de dysphagie post-opératoire. D’autre part, la qualité
méthodologique des 2 études randomisées comparant la fundoplicature
totale à la fundoplicature partielle postérieure ne permet
aucune conclusion formelle. En l’état actuel de nos connaissances
et par analogie à la chirurgie par laparotomie, le point le plus
important semble être le caractère souple (« floppy ») de la
fundoplicature.
CŒLIOSCOPIE VERSUS LAPAROTOMIE
Si la plupart des études comparatives non randomisées ont
suggéré la supériorité de la cœlioscopie en termes de confort
post-opératoire et de délai de reprise de l’activité, les résultats
des études randomisées ayant des critères cliniques de jugement
n’étaient pas aussi univoques [28, 29]. Le meilleur confort après
cœlioscopie est à mettre en balance avec une plus grande
fréquence de dysphagie post-opératoire. Néanmoins, la conférence
de consensus franco-belge de 1999 a conclu que la
cœlioscopie pouvait être considérée comme la voie d’abord de
référence pour le traitement chirurgical du reflux gastroœsophagien
[30].
Achalasie
La faisabilité de la myotomie de Heller par cœlioscopie est
documentée avec un taux de conversion ne dépassant pas 5 %
dans les plus grandes séries. Le taux de perforation de la
muqueuse œsophagienne ou gastrique atteint 15 % dans certaines
séries prospectives, mais ces perforations dans la majorité
des cas ont été reconnues et suturées pendant l’intervention sans
augmentation de la morbidité.
Nouveautés thérapeutiques
en gastroentérologie
B59

T. Perniceni, K. Slim
RÉSULTATS DE LA MYOTOMIE PAR CŒLIOSCOPIE
L’efficacité de la myotomie sur la dysphagie a été évaluée
avec un bon niveau de preuve dans des séries prospectives
incluant chacune plusieurs dizaines de patients [31, 32]. Les bons
ou excellents résultats (disparition de la dysphagie ou dysphagie
occasionnelle ne nécessitant ni traitement ni restriction alimentaire)
sont rapportés dans 88 à 97 % des cas. Ces résultats
subjectifs sont confirmés dans la majorité des cas par des
contrôles manométriques du tonus du sphincter inférieur de
l’œsophage. Il n’y a pas d’étude randomisée comparant cœlioscopie
et laparotomie, mais dans deux séries rétrospectives la
cœlioscopie était aussi efficace que la laparotomie avec une
diminution significative de la morbidité post-opératoire et un
meilleur confort post-opératoire [33, 34].
POINTS TECHNIQUES PARTICULIERS
Plusieurs publications sur la cœlioscopie ont porté sur des
points techniques : a) quelle voie d’abord choisir : abdominale
ou thoracique ? b) faut-il faire une fundoplicature ? si oui,
laquelle ? et c) les dilatations endoscopiques ou l’injection de
toxine botulique augmentent-elles le risque de perforation
muqueuse ? Cœlioscopie et thoracoscopie ont été comparées
dans 4 études non randomisées. Un consensus semble se
dégager en faveur de la cœlioscopie en termes de conversion, de
morbidité post-opératoire et d’efficacité.Ledébat sur la nécessité
d’une fundoplicature et sur son type n’est pas clos, chaque équipe
continuant à réaliser la technique qui lui semble la meilleure. A
notre connaissance, aucune étude comparative n’a été publiée
sur ce sujet. Les dilatations ou l’injection de toxine botulique
préalables, même si elles peuvent compliquer l’intervention, ne
semblent pas influer sur les résultats à moyen terme [35, 36].
Obésité sévère (indice de masse corporelle > 40
kg/m 2 )
Dans la prise en charge médico-chirurgicale de l’obésité
sévère, les avantages de la cœlioscopie sont la diminution des
complications pariétales et des complications de décubitus du fait
d’un lever précoce et le retour plus rapide à la vie active. Il est
démontré que les interventions les plus efficaces par laparotomie
sont le by-pass gastrique et la gastroplastie verticale (opération
de Mason-McLean). En revanche, l’intervention la plus couramment
réalisée par cœlioscopie utilise un anneau péri-gastrique
modulable (technique non formellement validée en laparotomie),
probablement du fait de sa relative simplicité de pose (66 poses
en 1995, 2 600 pour le premier trimestre 1999 ; informations
données par le fabricant). Plus d’une vingtaine d’articles permettent
d’évaluer les résultats de la cœlioscopie dont six études
prospectives et deux randomisées [37]. La plupart des publications
ont concerné l’anneau péri-gastrique modulable largement
utilisé en Europe et peu d’études ont évalué le by-pass gastrique
et la gastroplastie verticale.
RÉSULTATS DU TRAITEMENT CŒLIOSCOPIQUE
La faisabilité de la pose d’un anneau péri-gastrique par
cœlioscopie a été démontrée avec un taux de conversion de 0 à
5,9 % sur un effectif global dépassant 3 000 opérés dans les
séries retenues [37]. La durée opératoire moyenne a été de 45 à
90 min et la durée moyenne d’hospitalisation post-opératoire a
été de 1,2 à 3,9 j. Le risque de perforation gastrique est de 1 % et
la morbidité post-opératoire comprend : a) la dilatation de la
poche gastrique (1,3 à 6 %) qui semble moins fréquente depuis la
réalisation de micro-poches (15 ml), b) le glissement de l’anneau
(1,6 à 9 %), c) plus rarement l’infection de l’anneau ou du boîtier
sous-cutané, d)l’érosion gastrique et e) les complications mécaniques
du système (rupture du tuyau en silicone, mobilisation de
la chambre sous-cutanée). Le taux médian de ré-intervention, qui
diminue avec l’expérience, est de 7,5 % (extrêmes : 3-35 %) mais
le recul est au plus de 28 mois. L’efficacité de la pose
cœlioscopique d’un anneau péri-gastrique est confirmée par un
pourcentage médian de perte d’excès de poids chiffré à62 %
(extrêmes : 34-88 %) avec un recul d’un an. Ce chiffre dépasse
toujours 50 % dans les séries européennes alors qu’il n’est que de
34 % dans une série prospective multicentrique américaine
uniquement disponible sous forme de résumé [38]. Une étude
randomisée a comparé deux types d’anneaux, elle ne montre pas
de différence en terme d’efficacité mais le nombre limité de
patients inclus ne permet pas d’affirmer la similitude des résultats.
Les résultats des techniques plus complexes ont été rapportés
dans six études essentiellement italiennes et américaines. La
faisabilité de ces techniques est suggérée mais le faible nombre
de patients ne permet pas une conclusion formelle. La réalisation
d’un by-pass gastrique s’accompagne de 5 à 10 % de conversions,
de 5 à 7%defistules et de 15 % de ré-interventions.
CŒLIOSCOPIE VERSUS LAPAROTOMIE
Toutes les études comparatives ont montré que la cœlioscopie
est suivie d’une morbidité significativement moindre (9 à 17 %
pour la cœlioscopie versus 18 à 35 % pour la laparotomie) et
d’une hospitalisation plus courte (3 à 5 j pour la cœlioscopie
versus 13 à 15 j pour la laparotomie) [39-42]. Pour la perte de
poids, si presque toutes les études ont montré une efficacité
similaire pour les deux voies d’abord, elle serait plus importante
en cœlioscopie pour l’anneau péri-gastrique. Une étude randomisée
a comparé la gastroplastie verticale par cœlioscopie à la
même technique réalisée par laparotomie, elle a confirmé la
difficulté technique de la cœlioscopie avec une durée opératoire
significativement plus longue [43]. Cependant, la méthodologie
discutable de cette étude ne permet aucune conclusion formelle.
QUELLE TECHNIQUE CŒLIOSCOPIQUE ?
Aucune étude randomisée n’a comparé l’anneau périgastrique
aux autres techniques. Un registre italien suggère une
efficacité supérieure de la gastroplastie verticale. La simplicité
relative de la pose d’un anneau péri-gastrique en fait la
technique la plus répandue mais il n’existe actuellement aucune
preuve scientifique de la supériorité d’une technique cœlioscopique
sur une autre.
Lithiase de la voie biliaire principale
L’utilisation de la cœlioscopie a contribuéàmaintenir animé,
si besoin en était, le débat sur le traitement de la lithiase de la voie
biliaire principale. Des publications nombreuses ont porté principalement
sur trois sujets : a) l’exploration per-opératoire de la
voie biliaire principale : faisabilité et comparaison prospective
aux examens pré opératoires, b) la faisabilité du traitement « tout
cœlioscopie » avec des séries de plus de 200 opérés etc)le
traitement combinant sphinctérotomie endoscopique avant ou
après cholécystectomie cœlioscopique : faisabilité et comparaison
prospective randomisée entre traitement combiné versus
« tout cœlioscopie ». D’autres informations médicales, chirurgicales
et économiques sont disponibles dans le rapport du
101 e Congrès Français de Chirurgie auquel les auteurs
conseillent au lecteur de se reporter [44].
EXPLORATION PER-OPÉRATOIRE DE LA VOIE BILIAIRE PRINCIPALE
Trois méthodes sont utilisées : la cholangiographie, l’échographie
et l’endoscopie. La faisabilité de la cholangiographie
per-opératoire est supérieure à 90 %, voire de 100 %, notamment
pour les équipes qui la réalisent systématiquement. Sa
valeur dans le diagnostic de lithiase de la voie biliaire principale
B60

Quelles sont les indications validées de la cœlioscopie en chirurgie digestive ?
a été comparée dans quatre études (dont deux prospectives et
une randomisée) avec les examens pré-opératoires (échographie,
examen tomodensitométrique, échoendoscopie et cholangiopancréatographie
rétrograde endoscopique), la cholangiographie
per-opératoire fait aussi bien ou mieux en termes de
sensibilité,spécificité, valeurs prédictives positive et négative que
l’échoendoscopie qui était le meilleur des examens préopératoires
[45].
L’échographie per cœlioscopie a été comparée à la cholangiographie
per-opératoire dans des études prospectives ou
prospectives randomisées [46]. Aucune morbidité n’a été rapportée
et sa faisabilité a été de 100 %, mais l’examen de la partie
distale de la voie biliaire principale et de l’ampoule de Vater était
difficile et de moins bonne qualité qu’avec la cholangiographie,
particulièrement chez l’obèse. La précision diagnostique des
deux examens est proche de 98 %.
L’endoscopie biliaire utilise des appareils souples de 3,5 à
5,2 mm de diamètre. Une endoscopie biliaire complète est
réalisable chez 75 à 100 % des opérés ayant une cholédocotomie
mais au mieux chez 60 % des opérés par voie transcystique,
le canal cystique trop fin ou l’angle cysticocholédocien ne
permettant pas le passage dans le canal hépatique commun et les
voies biliaires intra-hépatiques. Outre l’exploration des voies
biliaires et le contrôle de leur vacuité, l’endoscopie permet de
guider l’extraction calculeuse par une sonde de Dormia passée
dans le canal opérateur.
RÉSULTATS DU TRAITEMENT PAR CŒLIOSCOPIE
L’extraction des calculs est faisable par voie transcystique ou
par cholédocotomie [47-49]. Dans 24 études (publiées de 1991
à 1998 et incluant de 12 à 236 opérés) cumulant 2 340 opérés,
la voie transcystique est la plus fréquemment utilisée (68 versus
32 %) [44]. Mais cette répartition varie selon les équipes — et
pour chaque équipe en fonction de son expérience — même si
des critères anatomiques (diamètre et longueur du canal cystique,
niveau d’abouchement du canal cystique dans la voie
biliaire principale, diamètre de la voie biliaire principale) et la
complexité de la maladie lithiasique (nombre, taille et situation
des calculs) guident ce choix. Le taux d’extraction calculeuse
varie de 82 à 96 % par voie transcystique et de 92 à 97 % par
cholédocotomie. Le taux de conversion en laparotomie varie de 4
à 13 %, la morbidité de 4 à 17 % avec un taux de ré-intervention
précoce entre 1 et 3 %, la mortalité est au plus de 4 %. Ces
résultats dépendent : a) de l’expérience du chirurgien qui, après
échec de la voie transcystique, recourt à la cholédocotomie ou
convertit en laparotomie et b) de la complexité de la maladie
lithiasique qui complique les manœuvres endobiliaires et prolonge
l’intervention, ce qui peut expliquer la morbidité plus
importante en cas de cholédocotomie. Dans la majorité des
séries, un drainage biliaire externe est utilisé, moins fréquemment
après extraction calculeuse par voie transcystique que par
cholédocotomie. Des conversions ont été nécessaires pour mettre
en place un drain de Kehr et un taux de 7 % de complications
post-opératoires liées au drainage biliaire externe a été rapporté.
La suture cholédocienne sans drainage biliaire externe est
possible avec un taux de réintervention précoce inférieur à 5%,
aucun cas de sténose cholédocienne n’a été rapporté avec cette
technique. Le taux de calcul résiduel après cœlioscopie est
difficile à apprécier. Il est estimé inférieur à 5%.Iln’existe pas
d’étude comparative avec la laparotomie dont les résultats sont
peu différents [50].
Il existe des écarts entre les résultats des expériences publiées
et la pratique quotidienne de la collectivité chirurgicale.
L’enquête nationale de pratique, basée sur les données PMSI et
présentée dans le rapport du 101 e Congrès Français de Chirurgie,
a montré qu’en 1997, pour 5 510 calculs de la voie biliaire
principale dont le traitement était engagé par cœlioscopie, seuls
13,5 % d’entre eux étaient finalement traités complètement par
cette voie d’abord. Dans ce même rapport, l’enquête de
l’Association Française de Chirurgie a montré que l’attitude
variait en fonction de l’âge du chirurgien et de son expérience en
chirurgie biliaire par cœlioscopie.
LES TRAITEMENTS COMBINÉS ENDOSCOPIE ET CŒLIOSCOPIE
Il existe plus de 50 publications qui documentent la faisabilité
de l’association cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique
± sphinctérotomie et cholécystectomie par cœlioscopie,
la cholangiopancréatographie rétrograde pouvant être précédée
d’une échoendoscopie [51]. On rappelle qu’avec la laparotomie,
six études prospectives randomisées (dont une chez les patient
âgés à risque chirurgical) n’ont pas montré d’avantage à ce
traitement médicochirurgical en deux temps. Il existe une étude
prospective randomisée avec la cœlioscopie (136 patients traités
par l’association endoscopie puis cœlioscopie versus 133 opérés
tout cœlioscopie) qui pour les patients ASA I et II a confirmé ce
résultat [52]. Dans le groupe tout cœlioscopie où 109 opérés
avaient une lithiase de la voie biliaire principale, en intention de
traiter et en prenant en compte les conversions (n = 17), la
vacuité de la voie biliaire principale a été obtenue dans 97 % des
cas à l’issue du traitement chirurgical. Dans l’autre groupe
comptant 98 patients ayant une lithiase de la voie biliaire
principale, la vacuité de la voie biliaire principale n’a été obtenue
que dans 82,6 % des cas à l’issue du temps endoscopique. Dans
cette séquence, ce résultat incite à vérifier au cours de la
cœlioscopie seconde la vacuité de la voie biliaire principale. Une
autre étude prospective contrôlée a comparé le traitement tout
cœlioscopie à la cholécystectomie suivie le cas échéant d’une
sphinctérotomie endoscopique [53]. Les auteurs ont conclu à
l’avantage de la chirurgie seule pour éviter la situation de double
échec en cas de sphinctérotomie post-opératoire non réalisable.
Les résultats dépendent bien évidemment des performances
respectives du chirurgien et de l’endoscopiste mais dans ces deux
études, le nombre moyen d’actes est plus élevé pour le traitement
combiné (2,2 et 2,4) que pour le traitement chirurgical seul (1,2
et 1,4).
Splénectomie
Aucune étude comparative prospective contrôléen’est disponible.
Il existe, à côté des publications à caractère purement
technique (position de l’opéré, utilisation de pince à suture
mécanique pour l’hémostase du pédicule splénique), des études
de faisabilité regroupant jusqu’à 100 opérés [54] et des séries
comparatives historiques [55]. Les principales indications de la
splénectomie sont le purpura thrombopénique idiopathique, les
anémies hémolytiques et la maladie de Hodgkin.
PROBLÈMES TECHNIQUES
Il existe un consensus sur la position de l’opéré en décubitus
latéral droit. La recherche d’une rate accessoire, localisée
essentiellement au hile de la rate, dans le ligament gastro-colique
ou sur le pédicule splénique, était systématique. L’extraction de la
rate, morcelée ou non, se fait pour tous les auteurs dans un sac.
Dans une étude, la taille de la rate n’était pas a priori un obstacle
à la cœlioscopie, une splénomégalie majeure avec un poids
> 3 kg obligeait cependant à une conversion dans près de25%
des cas [56]. Dans cette même étude comparant en fonction du
poids de la rate les résultats de la cœlioscopie et de la
laparotomie, la duréeopératoire moyenne était plus longue pour
la cœlioscopie (de 143 à 176 min versus 102 à 111 min), mais
le taux de transfusion et la morbidité étaient moindres dans le
groupe cœlioscopie.
RÉSULTATS DE LA SPLÉNECTOMIE PAR CŒLIOSCOPIE
Ils peuvent être approchés en colligeant 15 études de
faisabilité (10 à 103 patients) regroupant 522 opérés dont 50 %
Nouveautés thérapeutiques
en gastroentérologie
B61

T. Perniceni, K. Slim
pour purpura thrombopénique idiopathique [54]. Les taux
moyens (extrêmes) étaient : a) conversion : 8,6 % (0-19), b) patients
transfusés : 8 % (0-40), c) morbidité : 8,6 % (6-23) et d)
mortalité : 0,7 % (0-4,5). Ces résultats sont fonction de la taille de
la rate et de l’expérience de l’opérateur, ils sont moins bons en
cas d’affection maligne. La compilation des résultats de 9 études
comparatives historiques montre, de façon convergente, une
augmentation de la durée opératoire en cœlioscopie (P < 0,05
dans 6 études) mais une réduction au bénéfice de la cœlioscopie
pour les pertes sanguines, le nombre d’opérés transfusés, la
douleur post-opératoire, la morbidité et la durée moyenne de
séjour post-opératoire [55]. Globalement le taux de guérison du
purpura thrombopénique idiopathique, principale indication de
la splénectomie par cœlioscopie, est évaluée à 85 % en postopératoire
immédiat, il est comparable à celui de la splénectomie
par laparotomie. Le taux de rechute serait plus faible après
cœlioscopie (4 % versus 12 %) mais ceci peut être expliqué par
l’insuffisance de recul des séries cœlioscopiques ; dans une série
avec 5 ans de recul, l’efficacité sur le purpura thrombopénique
idiopathique n’était que de 68 % [57]. Ce manque d’efficacité
peut être lié àune rate accessoire laissée en place ou à une
splénose. Pour l’ensemble des séries, la détection des rates
accessoires semble équivalente entre cœlioscopie et laparotomie
: 0 à 41 % versus 18 à 43 %. Le risque de splénose est
prévenu par l’utilisation d’un sac plastique pour l’extraction de la
rate. Cependant, les résultats sont aussi influencés par le site de
destruction des plaquettes : ils sont meilleurs en cas de destruction
plaquettaire uniquement splénique : 78 à 93 % versus 65 à 79 %
[58].
Indications en cours de validation
Affections bénignes de l’intestin grêle du côlon
et du rectum
DIVERTICULOSE SIGMOÏDIENNE
Il n’existe pas d’étude prospective contrôlée comparant
cœlioscopie et laparotomie pour résection colorectale faite en
période élective pour diverticulose compliquée. Y en aura-t-il
jamais ? Des études de faisabilité et quelques séries comparatives
historiques, uni- ou multicentriques, enrôlant plus de 100 opérés
sont disponibles. Les résultats de deux études françaises, dont
l’une récemment publiée, rapportant dans cette indication une
importante expérience par laparotomie, peuvent servir de référence
[59, 60]. Les taux de morbidité et mortalité sont par
laparotomie respectivement inférieurs à 20%et1%.
Faisabilité
La faisabilité de la colectomie sigmoïdienne par cœlioscopie
dans cette indication est documentée mais cette technique, de
diffusion encore restreinte, est considérée comme difficile, notamment
en cas d’obésité, et allonge la duréeopératoire par rapport
à la laparotomie. La cœlioscopie permet de réaliser la même
intervention que par laparotomie aussi bien pour la mobilisation
de l’angle gauche que pour l’étendue de l’exérèse colique. La
résection de la charnière rectosigmoïdienne serait indispensable
pour prévenir la récidive et ce repère peut être difficile à localiser
en cœlioscopie. Les complications per-opératoires à type de
perforation digestive, de plaie urétérale ou splénique sont
devenues rares voire inexistantes, même en cas d’antécédent de
laparotomie, au moins pour les séries les plus récemment
publiées [61]. Si le taux de conversion varie de 0 ( !) à 38,9 %, il
était de 9 % dans une série récente de 100 opérés [62]. Ce taux
de conversion dépend : a) du caractère inflammatoire ou abcédé
des lésions résiduelles : 4,8 % versus 18,2 % [63] et b) de
l’expérience de l’opérateur [64]. La morbidité et notamment le
taux de fistule (2 à 5 %), ne sont pas différents de ceux observés
par laparotomie [65]. Il en est de même de la mortalité :0à
5,5 %.
Les inconnues
Par cœlioscopie, l’anastomose colorectale est le plus souvent
mécanique et le risque de sténose anastomotique n’est pas
clairement documenté. Lacœlioscopie est réputée diminuer la
durée del’iléus post-opératoire, le délai de reprise de l’alimentation,
la durée du séjour hospitalier et faciliter la reprise
d’activité ; des études comparatives vont dans ce sens [66, 67].
Cependant, aucune étude prospective randomisée neconfirme
ces avantages et des critères tels que la durée deséjour ou le
retour à l’activité dépendent aussi de facteurs socio-économiques
et culturels, individuels et collectifs, variables d’un pays à l’autre,
quelle que soit d’ailleurs la voie d’abord. Sur ces critères, comme
en matière de confort post-opératoire, les progrès de la laparotomie
sont indiscutables (peut-être grâce à la concurrence de la
cœlioscopie). Un auteur suédois a rapporté une expérience,
portant certes sur un petit nombre d’opérés (n = 16) d’âge moyen
71 ans, d’une hospitalisation post-opératoire d’une durée
médiane de deux jours (extrêmes : 2-6) pour sigmoïdectomie
faite par laparotomie sous anesthésie locorégionale [68]. Il
n’existe pas de données sur les accidents occlusifs secondaires ou
sur la récidive des complications de la maladie diverticulaire
après colectomie par cœlioscopie.
MALADIES INFLAMMATOIRES CHRONIQUES
Aucune étude comparative prospective contrôléen’est disponible.
Ne sont publiées que des études de faisabilité et des
comparaisons historiques pour la maladie de Crohn et quelques
données sur la coloproctectomie avec anastomose iléoanale sur
réservoir en J faite pour rectocolite hémorragique [69].
Maladie de Crohn
Les données des séries, portant toutes sur moins de 100
opérés, sont convergentes [70]. Malgré la perte de la palpation,
il est possible d’explorer la totalité de l’intestin grêle, et des
sténoses non vues sur le transit du grêle sont découvertes en
cœlioscopie. Les interventions sont des résections iléocoliques
droites majoritairement, des colectomies totales et des stomies. Le
taux de conversion varie de 1,1 à 20 % en fonction des lésions
intestinales. Des antécédents de laparotomie et l’existence d’une
fistule ou d’un abcès ne sont pas une contre-indication absolue à
la cœlioscopie pour la majorité des auteurs. En revanche,
l’existence d’une masse inflammatoire figée la contre-indique
d’autant que, dans ce cas, la taille de l’incision, systématiquement
utilisée par tous les auteurs pour l’exérèse intestinale et la
suture digestive, ne permet aucune épargne pariétale. Cette
épargne pariétale et la diminution espérée des adhérences
intrapéritonéales pour un patient ayant un fort risque d’être
multi-opéré seraient les deux avantages de la cœlioscopie dans
cette indication.
Rectocolite hémorragique
La coloproctectomie totale avec anastomose iléoanale sur
réservoir en J cœlio-assistée est faisable avec un taux de
conversion de 10 % et une morbidité de 18 % [71]. Aucune
donnée sur le résultat fonctionnel n’est disponible.
PROLAPSUS RECTAL
Aucune étude prospective randomisée n’est disponible.
Comme par laparotomie, il n’y a pas de consensus sur la
technique à utiliser. En terme de faisabilité, toutes les techniques
de rectopexie, qui peut être associée à une résection sigmoïdienne,
sont réalisables [72]. Globalement le taux de conversion
B62

Quelles sont les indications validées de la cœlioscopie en chirurgie digestive ?
varie de 0,1 à 16,7 %, la duréeopératoire serait plus longue que
par laparotomie, la morbidité globale peut atteindre 19 % avec
notamment des accidents hémorragiques obligeant à une
ré-intervention ou une transfusion sanguine. Ces hémorragies
surviennent majoritairement sur les orifices de trocart. Dans ces
séries le plus souvent numériquement peu importantes et avec un
faible recul post-opératoire, il est difficile d’évaluer la qualité de
la correction anatomique, les résultats fonctionnels (continence et
constipation) et le taux de récidive, même si les auteurs des rares
séries comparatives historiques concluaient généralement à
l’équivalence de la cœlioscopie et de la laparotomie [73].
L’amélioration fonctionnelle serait obtenue dans au moins 70 %
des cas et le respect des ailerons du rectum, techniquement
possible par cœlioscopie, améliorerait ces résultats [74].
OCCLUSION DU GRÊLE
Outre son rôle diagnostique devant un syndrome occlusif, la
cœlioscopie peut permettre le traitement d’une occlusion sur
bride. Seul ce dernier aspect, largement étudié dans la littérature,
est détaillé. Plus de 10 publications incluant un nombre relativement
élevé de patients (n > 20) permettent l’évaluation mais
l’interprétation des résultats est gênée par la nature souvent
rétrospective des études. La faisabilité du traitement cœlioscopique
des occlusions du grêle varie de 46 à 82 %, elle dépend en
fait de la sélection des patients. Dans une analyse multivariée, les
facteurs prédictifs de conversion étaient : a) le nombre de
cicatrices abdominales (> 2), b) les signes cliniques d’irritation
péritonéale et c) le nombre de brides [75]. Ces critères n’ont pas
été confirmés par d’autres études, et pour la majorité des auteurs,
la meilleure indication de la cœlioscopie est l’occlusion après une
laparotomie faite en dehors de la ligne médiane (exemple type :
occlusion après appendicectomie).
Les indications de la conversion sont :
— l’impossibilité d’individualiser ou de lever la cause de
l’occlusion,
— une complication per-opératoire (plaie iatrogène du
grêle, hémorragie),
— la découverte d’une autre affection ne pouvant être
traitée par cœlioscopie, et
— l’ischémie intestinale nécessitant une résection.
L’efficacité est définie par la mise en évidence et la levée de
l’occlusion par cœlioscopie sans récidive précoce, elle varie dans
la littérature entre 36 et 82 %. Dans une revue ayant colligé 217
cas, la première cause d’échec était l’importance des adhérences
(47 %) suivie par la perforation iatrogène du grêle nécessitant
une conversion [76]. Une récidive précoce de l’occlusion après
traitement cœlioscopique représentait 14 % des causes d’échec.
Aucune étude randomisée n’a comparé la cœlioscopie à la
laparotomie dans les occlusions sur bride. Une étude comparative
rétrospective a montré que la cœlioscopie était suivie d’un
taux de ré-intervention plus élevé qu’après laparotomie (14 %
versus 4,6 %) mais cette seule étude rétrospective ne permet
aucune conclusion formelle [77].
Cancer colorectal
Le cancer colorectal représente l’indication la plus controverséedelacœlioscopie,
à juste titre nous semble-t-il. La controverse
est née précocement de la publication de plusieurs cas de
dissémination néoplasique aux cicatrices de trocarts après
exérèse de tumeurs coliques ne dépassant pas la séreuse [78].
Ceciaamené les sociétés savantes américaines à recommander
la pratique de la cœlioscopie pour cancer colorectal uniquement
dans le cadre d’études prospectives. Il faut signaler que la greffe
néoplasique sur la cicatrice ou sur un trajet de drainage a été
rapportée après laparotomie, en dehors de toute carcinose
péritonéale, avec une fréquence variant de 0,64 à 16,6 % [79,
80]. Il est clair que dans ce chapitre les critères de jugement
principaux sont d’ordre oncologique et on ne s’arrêtera pas à un
délai de reprise de transit significativement plus court en faveur
de la cœlioscopie. Enfin, sur le plan méthodologique, les études
prospectives randomisées sont inhabituelles car leur but est de
montrer l’équivalence des voies d’abord et non la supériorité de
l’une ou l’autre.
FAISABILITÉ TECHNIQUE
La faisabilité des résections colorectales par cœlioscopie
rejoint celle des résections pour affection bénigne. L’impossibilité
de palper le côlon ou le rectum, pour localiser une tumeur non
visible sur la séreuse, peut être palliée par un tatouage
pré-opératoire ou une coloscopie per-opératoire. La recherche
de métastases hépatiques synchrones est possible en échographie
per cœlioscopie. Neuf publications dont six études randomisées
sont disponibles [81]. Les cinq études ayant des critères de
jugement cliniques ont montré globalement que la cœlioscopie
était associée à une durée opératoire plus longue (1 h), une
reprise du transit plus rapide (1 j) et une hospitalisation plus
courte (1 à 2 j). La consommation d’analgésique était moindre
(10 mg de morphine par jour), mais ce critère de jugement doit
être interprété avec prudence en raison de la discordance des
résultats entre les études et de l’absence d’évaluation en insu dans
toutes les études (possible effet placebo). Ainsi les avantages
théoriques de la cœlioscopie ne paraissent pas avoir une
traduction clinique évidente dans cette indication. La morbidité
post-opératoire est équivalente dans la majorité des études
randomisées, cependant le faible effectif peut faire suspecter une
erreur statistique de type 2.
CRITÈRES PARTICULIERS
Le moindre retentissement respiratoire de la cœlioscopie a été
montré dans deux études randomisées mais infirmé dans une
troisième étude. L’avantage mesuré sur la capacité vitale et le
volume expiratoire maximal par seconde n’a cependant pas de
traduction clinique en terme de diminution des complications
broncho-pulmonaires. La qualité de vie post-opératoire n’a été
évaluée par un score validé dans aucune étude comparative. Il
existerait une moindre dépression immunitaire post-opératoire
aprèscœlioscopie mais cette notion n’a pas été confirmée par les
résultats d’une étude randomisée, faite chez l’homme, qui
analysait les réponses immunitaires humorale et cellulaire [82].
FAISABILITÉ CARCINOLOGIQUE
La majorité des études comparatives (randomisées ou non) a
montré que la cœlioscopie permet une résection colique carcinologiquement
équivalente à celle faite par laparotomie, pour la
longueur de la pièce opératoire et des marges de résection et le
nombre de ganglions réséqués [83-88]. Il est possible en
cœlioscopie de respecter les règles admises par laparotomie de
« no-touch technique », règles dont l’intérêt n’est pas formellement
démontré [89]. Dans le cancer du rectum, la faisabilité de la
résection complète du mésorectum, technique de référence par
laparotomie, associée à la conservation de l’innervation pelvienne,
est suggérée par quelques séries préliminaires mais n’est
pas encore confirmée avec un haut niveau de preuve. Les séries
comparatives (non randomisées) monocentriques récentes ont
montré,qu’à stade TNM égal, le taux de survie à 3 et 4 ans n’était
pas réduit par la cœlioscopie [90-92].
LA DISSÉMINATION NÉOPLASIQUE AUX CICATRICES DE TROCARTS
Données cliniques
Cette complication a été rapportée au niveau des trajets de
trocart mais aussi au niveau du péritoine, transformant parfois
Nouveautés thérapeutiques
en gastroentérologie
B63

T. Perniceni, K. Slim
radicalement le pronostic de la maladie initiale. Les particularités
de cette complication sont : a) elle n’est pas l’apanage des
tumeurs évoluées, b) elle peut compliquer une cœlioscopie sans
aucune manipulation tumorale et c) la majorité des cas est
découverte au cours de la première année post-opératoire. La
fréquence de cette complication est très difficile à apprécier du
fait : a) du caractère souvent rétrospectif des séries, même si
certaines d’entre elles incluaient un grand nombre de patients et
b) de l’expérience variée des opérateurs en chirurgie colique par
cœlioscopie. Certains l’ont estimé à près de 4,5 % après
résection à visée curative [93]. Un registre prospectif américain
de 451 opérés a relevé un taux de 1,1 % avec un recul moyen de
plus d’un an [94]. Une analyse détaillée de23séries a conclu à
un taux de près de 1 % [95]. A l’opposé, une enquête parmi les
chirurgiens germanophones portant sur 412 opérés arévélé un
taux de 4,6 % [96]. Ceci témoigne de la difficulté d’évaluer la
fréquence réelle de cette complication, nulle dans plusieurs séries
monocentriques récentes. Dans trois études prospectives randomisées,
il n’y a pas de différence pour cette complication entre
cœlioscopie et laparotomie [97].
Données expérimentales
Cette complication a amené plusieurs équipes à réaliser des
études expérimentales pour élucider ses mécanismes [81].
Plusieurs dizaines d’études ont été publiées, utilisant des modèles
expérimentaux variés : a) modèles in vitro pour l’étude des
mouvements cellulaires, b) modèles in vivo sur le porc pour
l’étude des effets « aérosol » et « cheminée » et c) modèles in vivo
sur les petits rongeurs pour l’étude des phénomènes immunitaires
et de la croissance tumorale par exemple. Les résultats des études
sont discordants et ne permettent pas une conclusion univoque,
probablement à cause du caractère multifactoriel de cette
complication. Il est important de signaler que la plupart de ces
études expérimentales ont utilisé des modèles relativement
éloignés de la situation clinique, ce qui diminue la valeur pratique
de leurs conclusions. Plusieurs mécanismes ont étéévoqués : a) la
contamination directe, mécanisme le plus évident, qui peut être
prévenue par des moyens simples (pas de manipulation directe
de la tumeur, extraction de la pièce dans un sac et protection de
la paroi), b) la contamination indirecte par des cellules en
suspension dans la cavité péritonéale (effet aérosol) qui viennent
contaminer la paroi à travers les orifices de trocarts (effet
cheminée) — ce mécanisme est actuellement controversé par
beaucoup d’auteurs —, c)leCO 2 qui agirait soit par le biais de
l’hyperpression avec libération de médiateurs inflammatoires
dans la paroi soit par le biais d’une acidose locale avec altération
de la fonction macrophagique locale et d) l’immunité locale
intra-péritonéale qui serait altérée alors que des études ont
suggéré une moindre immunodépression générale après cœlioscopie.
En l’état actuel de nos connaissances et en attendant les
résultats des études randomisées européennes et américaine, il
semble prudent de recommander la pratique de la chirurgie
cœlioscopique à visée curative pour les cancers colorectaux dans
le cadre d’études prospectives. Le caractère mini-invasif de la
cœlioscopie pourrait justifier pour beaucoup d’auteurs son
utilisation en cas de traitement palliatif sans qu’ils ne définissent
cependant pourquoi ce traitement est palliatif.
Foie
Aucune étude comparative prospective contrôléen’est disponible.
Les travaux publiés portent sur la cœlioscopie exploratrice
associée à l’échographie per cœlioscopie, la faisabilité des
résections hépatiques et du traitement des lésions kystiques
parasitaires ou non.
CŒLIOSCOPIE EXPLORATRICE
Pour des tumeurs a priori bénignes dont les explorations
morphologiques pré-opératoires ne permettent pas le diagnostic
certain d’hyperplasie nodulaire focale, la cœlioscopie a été
proposée pour faire a minima des biopsies du foie sain et de la
tumeur. Pour l’échographie per cœlioscopie, la sonde, introduite
dans l’abdomen par un trocart de 10 mm de diamètre, permet
l’exploration complète du foie et la détection d’anomalies
infracentimétriques, le couplage au Doppler couleur ou au
Doppler pulsé aide au repérage des structures vasculaires intra
parenchymateuses et à la détection d’un thrombus tumoral. Il est
possible de faire des biopsies échoguidées par voie transpariétale
en protégeant l’aiguille de ponction pour éviter la dissémination
tumorale pariétale. L’utilisation de l’échographie per
cœlioscopie a été rapportée dans le bilan de résécabilité
d’hépatocarcinome, dans la recherche de métastase de cancer
colorectal et pour guider une résection hépatique. Dans plusieurs
séries, l’association cœlioscopie et échographie per cœlioscopie
a permis d’affirmer la non résécabilité d’une tumeur maligne
hépatique jugée résécable sur les examens pré-opératoires dans
36 à 60 % des cas [98]. Ces performances dépendent du type
d’explorations pré-opératoires et de leur qualité.
RÉSECTIONS HÉPATIQUES
Quasiment toutes les hépatectomies décrites par laparotomie
ont été rapportées en cœlioscopie, de la segmentectomie à
l’hépatectomie droite élargie, pour tumeur bénigne ou maligne,
sur foie sain ou cirrhotique [99]. Les résections les moins difficiles
sont les segmentectomies des secteurs dits périphériques (II, III,
IVa, V et VI) et la lobectomie gauche [100]. Le contrôle vasculaire
pédiculaire et des veines hépatiques est techniquement faisable,
les pertes sanguines seraient équivalentes, voire inférieures à
celles enregistrées en laparotomie. L’utilisation de l’échographie
per cœlioscopie est recommandée par tous les auteurs. Le
principal danger théorique est l’embolie gazeuse par plaie d’une
veine hépatique. Il n’existe pas de données permettant de
comparer, à indication équivalente, les résultats de la cœlioscopie
et de la laparotomie, notamment pour l’exérèse de tumeur
maligne, exérèse exposant au risque de greffe cancéreuse sur les
trajets de trocart.
LÉSIONS KYSTIQUES
La cœlioscopie a été utilisée pour le traitement des kystes
hydatiques, la résection du dôme saillant des kystes biliaires et la
fenestration dans la polykystose hépatique [101]. Dans cette
dernière indication, le taux de récidive ne serait pas différent de
celui observé par laparotomie (10 à 26 %).
PERSPECTIVES
La cœlioscopie associée à l’échographie per cœlioscopie
pourrait permettre a minima la destruction de lésion tumorale par
instillation d’alcool absolu, par radiofréquence ou cryothérapie.
La cœlioscopie pourrait-elle avoir un intérêt pour le prélèvement
d’un greffon hépatique chez le donneur vivant ?
Pancréas
Aucune étude comparative prospective contrôléen’est disponible.
Les publications en terme de faisabilité portent sur
4 aspects : a) évaluation de la résécabilité d’un cancer, b) chirurgie
palliative du cancer de la tête, c) résection de tumeur et
d) drainage de faux kyste [102]. Pour deux de ces indications (b,
d) il existe une concurrence forte avec les techniques endoscopiques.
B64

Quelles sont les indications validées de la cœlioscopie en chirurgie digestive ?
RÉSÉCABILITÉ D’UN CANCER
Dans un travail évaluant la cœlioscopie dans le cancer du
pancréas, elle permet la détection d’une carcinose péritonéale,
surtout microscopique, (sensibilité :89%,spécificité : 100 %) et
la réalisation d’une cytologie péritonéale [103]. Elle permet la
détection de métastases hépatiques non vues en pré-opératoire
parce que superficielles ou intra-parenchymateuses, mais infracentimétriques.
Cette exploration cœlioscopique pourrait modifier
les données pré-opératoires dans 40 % des cas. L’intérêt de
l’échographie per cœlioscopie dans la détection de l’envahissement
de l’axe veineux mésentérico-porte n’est pas démontré par
rapport à l’examen tomodensitométrique spiralé et à l’échoendoscopie
; on sait que l’envahissement macroscopique peropératoire
de la paroi veineuse n’est confirmé qu’une fois sur
deux par l’examen anatomo-pathologique. Cette exploration
cœlioscopique première systématique est défendue par certains
car elle éviterait une laparotomie inutile à 50 % des opérés. Mais
en cas de négativité, elle expose une tumeur résécable au risque
de greffe cancéreuse sur les trajets de trocart. Les plus récentes
techniques d’examen tomodensitométrique permettrait de prédire
la résécabilité et la non résécabilité avec une valeur
prédictive positive supérieure à 90 %.
CHIRURGIE PALLIATIVE POUR CANCER DE LA TÊTE
La faisabilité des anastomoses cholécystojéjunale (abandonnée
en laparotomie !), cholédoco-duodénale et gastrojéjunale est
documentée. Cette possibilité technique est un argument important
pour les défenseurs de l’exploration cœlioscopique première
systématique. La morbidité d’une gastrojéjunostomie par laparotomie
peut atteindre 30 %, et on rappelle que les résultats d’une
étude prospective randomisée comparant prothèse biliaire
endoscopique et anastomose bilio-digestive par laparotomie
n’étaient pas en faveur de la dérivation chirurgicale [104].
RÉSECTION DE TUMEUR
La duodénopancréatectomie céphalique et la pancréatectomie
gauche avec ou sans splénectomie pour tumeur ou pancréatite
chronique ont été rapportées uniquement en terme de
faisabilité. Le risque de dissémination tumorale doit être particulièrement
évalué dans cette situation car la manipulation du
pancréas tumoral est difficilement évitable ; les résultats d’études
expérimentales suggéraient que ceci est un facteur de dissémination
tumorale. Des énucléations de tumeurs endocrines aidées
par l’échographie per cœlioscopie ont été rapportées.
DRAINAGE DE FAUX KYSTE
Des kystogastrotomies et des kystojéjunostomies ont été
rapportées. Il n’existe aucune comparaison possible des résultats
avec ceux de la laparotomie ou des techniques endoscopiques.
Indication non validée
Appendicectomie
Il existe au moins 17 études prospectives randomisées et 5
méta-analyses dont les résultats sont concordants. L’appendicectomie
par cœlioscopie illustre particulièrement bien les difficultés
méthodologiques de l’évaluation chirurgicale en général, de la
cœlioscopie en particulier. Deux questions sont généralement
posées:a)lacœlioscopie aide-t-elle au diagnostic d’appendicite
aiguë ?etb)lacœlioscopie pour appendicectomie est-elle
supérieure à la laparotomie ?
AIDE AU DIAGNOSTIC
Pour le diagnostic d’appendicite aiguë, il existe des alternatives
documentées, cliniques et radiologiques, à la cœlioscopie,
examen invasif avec des complications spécifiques (0,3 à 1%
d’accidents de trocart) et nécessitant une anesthésie générale. Le
bénéfice de la cœlioscopie diagnostique chez la jeune femme est
diversement apprécié malgré 4 études prospectives randomisées
en sa faveur, mais ces études sont de bas niveau méthodologique.
La cœlioscopie permet-elle de reconnaître un appendice
normal ? Par laparotomie, le diagnostic d’appendicite aiguë
basé sur l’aspect de la séreuse était peu performant. Dans un
travail par cœlioscopie, l’aspect macroscopique de l’appendice
aurait pour ce diagnostic une sensibilité de 100 % et une
spécificité de 78 %, cependant 31 % des appendices enlevés
étaient normaux [105].
RÉSULTATS DE L’APPENDICECTOMIE PAR CŒLIOSCOPIE
La revue la plus détaillée porte sur 17 études prospectives
randomisées comparant laparotomie et cœlioscopie, elle collige
1 728 opérés analysables [106]. En France, plus de
60 000 appendicectomies sont faites chaque année ! Dans cette
revue, les principaux résultats en faveur de la cœlioscopie sont :
a) la durée opératoire significativement allongée (P< 0,0001)
mais de façon variée selon les essais : 8 min (différence non
significative) à 29 min, b) la duréedeséjour raccourcie : gain de
0,1 ( !) à 2,1j(P< 0,007) et c) la douleur post-opératoire moins
importante et le retour à l’activité normale plus précoce, données
moins fiables pour des raisons méthodologiques. Le taux de
conversion varie de 6 à 26,5 %. Pour les suppurations postopératoires,
non analysables dans toutes les séries, il y aurait
moins d’infection pariétale mais plus de suppuration profonde
pour la cœlioscopie. Une autre revue critique, portant sur 12
études prospectives randomisées (6 en faveur de la cœlioscopie,
6 contre), évaluait séparément, de façon originale, les essais
positifs et les essais négatifs [107]. Les essais positifs étaient
concordants pour deux données : la diminution de la douleur
post-opératoire et la précocité du retour à l’activité normale,
élément dont la définition était hétérogène. Les essais négatifs
étaient concordants pour toutes les données mais sans différence
significative sauf pour l’augmentation de la durée opératoire,
durée opératoire dont la définition était variable d’une étude à
l’autre. Les variations de position anatomique de l’appendice
devraient à priori moins gêner l’appendicectomie par cœlioscopie
que par laparotomie, ceci n’étant pas confirmé. Les biais
méthodologiques de ces études pourtant prospectives randomisées
sont multiples, en particulier l’insuffisance des effectifs. Les
avantages de la cœlioscopie montrés dans ces études (diminution
de la douleur post-opératoire et de la durée d’hospitalisation,
précocité de la reprise d’activité) sont subjectifs et influencés par
des paramètres socio-économiques et culturels. Il existe de
grandes variations dans les prises en charge selon les études :
durée d’hospitalisation (de 1,1 à 6,1 j pour la cœlioscopie ; de
1,2 à 7,6 j pour la laparotomie) ou rythme d’inclusion (de 2,7 à
23,7 patients par mois). L’analyse en intention de traiter, qui tient
compte des conversions de la cœlioscopie en laparotomie,
montre qu’il n’existe pas de différence significative pour les
suppurations pariétales. Il paraît possible de conclure que, au
moins actuellement, l’utilisation de la cœlioscopie pour l’appendicectomie
n’est pas validée. Les analyses de coût permettraientelles
de faire la différence ? Doit-on entreprendre de nouvelles
études prospectives randomisées ? La réponse apportée par
Fingerhut nous paraît recevable : « Should we not conclude, once
and for all, that laparoscopic appendectomy is out ? » [84].
Nouveautés thérapeutiques
en gastroentérologie
B65

T. Perniceni, K. Slim
Avantages et contre-indications de la
cœlioscopie
Avantages escomptés
Au moins quarante études prospectives ont évalué la douleur
et le retentissement respiratoire des différentes interventions
cœlioscopiques. Les publications concernent essentiellement la
cholécystectomie et des données ont été aussi extraites d’études
randomisées sur l’appendicectomie et la colectomie.
LA DOULEUR POST-OPÉRATOIRE
Nous ne détaillerons ici ni les mécanismes de la douleur ni les
moyens de la prévenir. L’analyse des études randomisées se
heurte à plusieurs difficultés : a) la qualité méthodologique des
études est critiquable dans plus de la moitié des cas, b) généralement
la douleur n’est pas évaluée « en insu », c) plusieurs types
de douleur sont évalués (scapulaire, pariétale, viscérale), d) les
méthodes d’évaluation de la douleur sont multiples (échelle
visuelle, échelle verbale, consommation d’analgésiques à la
demande ou par pompe autocontrôlée), et d) la signification
clinique réelle d’une différence statistique n’est pas établie. La
douleur après chirurgie cœlioscopique n’est pas « négligeable »,
elle est observée dans 12 à 80 % des cas sous forme de douleur
scapulaire ou viscérale (abdominale diffuse), différente de la
douleur essentiellement pariétale après laparotomie [108]. Pour
la cholécystectomie, cinq études randomisées ont comparé la
douleur après cœlioscopie ou laparotomie, une seule étant
menée en simple insu. Toutes les études concluent à une douleur
significativement moindre après cœlioscopie. La différence
moyenne était d’environ 20 mg de morphine consommée etde
20 mm sur l’échelle visuelle. En fait, l’intérêt réel de consommer
moins de morphine reste à prouver et la signification clinique de
la différence sur l’échelle visuelle est discutable. Il a été en effet
démontré que l’interprétation des valeurs sur l’échelle visuelle doit
tenir compte d’une imprécision de 20 mm de la part des patients,
surtout pour des valeurs basses [109]. Néanmoins, ces résultats
sont toujours corrélés à une hospitalisation plus courte. Pour
l’appendicectomie, les résultats des études randomisées sont
contradictoires. Les méta-analyses montrent que la douleur était
significativement moindre après cœlioscopie avec une différence
chiffrée à 10 mm sur l’échelle visuelle [110], les commentaires sur
la méthodologie de ces études et la validité clinique de ces
différences sont les mêmes que précédemment. Pour la colectomie,
les résultats sont là aussi contradictoires entre 3 études
randomisées. Dans une de ces études, la différence de consommation
de morphine en faveur de la cœlioscopie était chiffrée à
10 mg.
RETENTISSEMENT RESPIRATOIRE
La cœlioscopie et la laparotomie retentissent sur la fonction
respiratoire (mesurée par la capacité vitale, le volume expiratoire
maximal par seconde et la saturation artérielle en oxygène), mais
3 études randomisées sur la cholécystectomie, 2 études randomisées
sur la colectomie et 1 étude randomisée sur l’œsophagectomie
selon Lewis [Perniceni T : communication personnelle] ont
montré que ce retentissement était significativement moindre
après cœlioscopie. L’impact clinique de cet avantage n’était
évident que dans une étude sur la cholécystectomie avec une
diminution du taux d’atélectasie [111].
PRÉVENTION DES ADHÉRENCES POST-OPÉRATOIRES
Plusieurs auteurs ont émis l’hypothèse que la cœlioscopie
provoquerait moins d’adhérences que la laparotomie. Aucune
étude clinique prospective comprenant un nombre suffisant
d’opérés n’est venue, à notre connaissance, confirmer (ou
infirmer) cette hypothèse. Outre les études expérimentales que
nous ne détaillerons pas ici, les études cliniques concernent
essentiellement la chirurgie gynécologique. Deux séries prospectives
récentes comportant une cœlioscopie de « second look »
montraient des résultats relativement contradictoires : absence
d’adhérences « de novo » après adhésiolyse cœlioscopique
dans une étude et récidive des adhérences dans 97 % des cas
avec des adhérences « de novo » dans 12 % des cas dans une
autre étude multicentrique [112, 113]. Ces résultats sont donnés
à titre indicatif car leur transposition dans le cadre de la chirurgie
digestive n’est pas possible. Des cœlioscopies de contrôle n’étant
pas éthiques, seules des études prospectives à long terme
montreront si la cœlioscopie donne réellement moins d’adhérences.
Contre-indications
CONTRE-INDICATIONS ANESTHÉSIQUES
Le pneumopéritoine induit des modifications cardiorespiratoires
notamment au moment de l’insufflation du CO 2
dans le péritoine [114]. Il existe une diminution du débit
cardiaque (liée à une réduction du retour veineux, une élévation
de la post-charge et une hypovolémie) et une modification de la
mécanique thoracopulmonaire (avec baisse de la compliance et
effet espace mort dans la partie antérieure des poumons) qui
concourent à l’apparition d’une hypercapnie. Les modifications
de position de l’opéré (Trendelenburg ou proclive) peuvent
aggraver ces perturbations. Si une insuffisance coronarienne ne
constitue pas une contre-indication de principe à la cœlioscopie,
la cardiopathie congestive décompensée en reste une. Les opérés
avec des bulles d’emphysème ou des dystrophies du parenchyme
pulmonaire supportent mal l’hyperventilation nécessaire pour
contrôler l’hypercapnie. Le glaucome à angle fermé est une
contre-indication, il en est de même de l’hypertension intracrânienne.
L’ÂGE
Pour la cholécystectomie, plusieurs études ont montré que,
dans des populations d’opérés de plus de 65 ou 70 ans, avec des
facteurs de co-morbidité présents chez 50 % d’entre eux, la
morbidité était située entre 6 et 18 % et la mortalité était
inférieure à 2 % [115]. Ces chiffres sont comparables aux
résultats de la cholécystectomie par laparotomie. L’âge ne
contre-indique pas le traitement par cœlioscopie de la lithiase de
la voie biliaire principale. Dans une série de 56 patients de plus
de 80 ans dont 50 % étaient ASA III, ce traitement était possible
dans 87 % des cas avec une morbidité de 7 %, deux
ré-interventions et deux décès. Une étude prospective non
randomisée a comparé, chez des patients à risque de plus de 70
ans, trois traitements : a) chirurgie par laparotomie, b) sphinctérotomie
endoscopique vésicule laissée en place et c) sphinctérotomie
endoscopique suivie d’une cholécystectomie par cœlioscopie
[116]. Dans cette population le traitement combiné donnait
les meilleurs résultats (avec la plus courte duréed’hospitalisation)
et les auteurs insistaient sur les possibles difficultés de la
cœlioscopie exclusive en raison du retentissement cardiaque et
respiratoire du pneumopéritoine dans cette population. Plusieurs
études comparatives ont rapporté les résultats de la prise en
charge de pathologie colo-rectale, bénigne et maligne, dans des
populations âgées de plus de 70 ans. Par rapport à la population
âgée de moins de 50 ans, les taux de conversion et de morbidité
étaient identiques mais la duréed’hospitalisation était supérieure
[117]. Dans une comparaison entre laparotomie et cœlioscopie
chez des opérés de plus de 80 ans, dont 50 % étaient ASA III, les
résultats post-opératoires étaient identiques [118]. Cependant
plus d’opérés étaient autonomes à 4 semaines et à 6 mois dans le
B66

Quelles sont les indications validées de la cœlioscopie en chirurgie digestive ?
groupe cœlioscopie. Un autre auteur concluait à l’issue d’une
double comparaison (laparotomie versus cœlioscopie avant et
après 70 ans) que la cœlioscopie était particulièrement indiquée
chez les malades âgés [119]. Enfin une étude montrait qu’une
hospitalisation de deux jours post-opératoires était possible
après colectomie par cœlioscopie [120].
LA GROSSESSE
La chirurgie par cœlioscopie pendant la grossesse est
rapportée dans plus de 30 publications [121, 122]. La cholécystectomie
est l’intervention la plus souvent décrite, sa prévalence se
situe entre 1 et 6/10 000 et elle est faite dans 85 % des cas au
cours des deux premiers trimestres. Le risque de mort fœtale,
d’autant plus important qu’il existe une complication de la lithiase
biliaire, est inférieur à 5%.L’effet toxique du CO 2 sur le fœtus,
suggéré expérimentalement, n’a pas été confirmé.
Conclusion
Cette mise au point a essayé de définir objectivement les
indications actuellement validées de la cœlioscopie en chirurgie
digestive. La prise en compte de la qualité de vie (qui intéresse
l’individu) et de critères économiques (qui intéressent la collectivité)n’a
pas été possible par défaut d’information. On peut certes
souhaiter que se développent des études prospectives randomisées
de qualité ou des registres nationaux, qui permettront la
définition de standards, mais ces bases de données permettrontelles
de mieux répondre à la question posée ? On peut en douter
en raison des difficultésprévisibles dans la réalisation des études.
Des études prospectives randomisées ne sont pas toujours
faisables :
— par défaut d’inclusion de patients. Ce fut le cas pour la
comparaison traitement par inhibiteurs de la pompe à proton
versus fundoplicature par cœlioscopie dans le traitement du
reflux gastro-œsophagien. Pour cette affection, on notera que,
paradoxalement, le nombre des indications opératoires, sous
« prétexte » de cœlioscopie, a considérablement augmenté,
alors même que le traitement médical n’avait jamais été aussi
efficace,
— parce que la maladie est peu fréquente. C’est le cas de
l’achalasie pour laquelle une étude comparant myotomie de
Heller par cœlioscopie versus laparotomie, ou versus dilatation
endoscopique, devra être multicentrique,
— parce que l’harmonisation de la technique chirurgicale
est fondamentale pour comparer des résultats. C’est le cas du
cancer colorectal dont on sait en laparotomie que le chirurgien
est un facteur indépendant dans la qualité des résultats
oncologiques,
— parce que les patients refusent de participer à une étude
prospective randomisée. C’est le cas de l’obésité sévère ou il
paraît difficile de faire accepter une randomisation laparotomie
versus cœlioscopie,
— parce que la loi Huriet, en l’état actuel, est mal adaptée à
l’innovation chirurgicale.
Cette évaluation objective de la cœlioscopie en chirurgie
digestive, technique contemporaine de la démarche d’assurance
qualité et de l’accréditation, est cependant nécessaire. Elle
permettra la validation d’une technique (analogue à une Autorisation
de Mise sur le Marché) etl’élaboration de recommandations
pour les praticiens. L’objectivité de cette évaluation garantit
la force de ces recommandations qui seront utilisées par des
organismes dont les intérêts ne sont pas nécessairement convergents
(sociétés savantes, ANAES, ARH, CNAM, instances qualifiantes
universitaires ou ordinales ...). Reste à voir quel usage fera
le « consommateur » de cette évaluation objective : à moins que
son choix ne lui soit dicté par l’organisme payeur, choisira-t-il
pour sa prise en charge une équipe performante dans les études
prospectives randomisées ou une équipe reconnue pour son
expérience ?
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