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1 Nicole Harbonnier-Topin Professeur au Département de danse de ...

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1<br />

<strong>Nicole</strong> <strong>Harbonnier</strong>-<strong>Topin</strong><br />

<strong>Professeur</strong> <strong>au</strong> <strong>Département</strong> <strong>de</strong> <strong>danse</strong> <strong>de</strong> l’université du Québec à Montréal (UQAM)<br />

Case postale 8888, succursale Centre-ville<br />

MONTRÉAL (Québec) H3C 3P8 CANADA<br />

Tel: 514 987 3000 poste 2455<br />

Fax : 524 987 4697<br />

harbonnier-topin.nicole@uqam.ca<br />

Jean-Marie Barbier<br />

<strong>Professeur</strong> <strong>au</strong> Conservatoire National <strong>de</strong>s Arts et Métiers (CNAM)<br />

Centre <strong>de</strong> Recherche sur la Formation (CRF)<br />

Case 232 - 2, rue Conté<br />

75003 PARIS, France<br />

Tél: 01.40.27.26.98<br />

Fax: 01.40.27.28.43<br />

jean-marie.barbier@cnam.fr<br />

« Voir pour faire plus et faire pour voir mieux »<br />

Résumé<br />

Des recherches neuroscientifiques récentes sur l’interaction cérébrale lors <strong>de</strong><br />

l’observation du mouvement d’<strong>au</strong>trui ainsi que l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> terrain menée dans cinq<br />

classes techniques <strong>de</strong> <strong>danse</strong> contemporaine à un nive<strong>au</strong> préprofessionnel, nous<br />

amènent à relativiser le présupposé selon lequel l’apprentissage par imitation serait<br />

superficiel et aliénant. Un modèle d’analyse conçu à partir du concept d’« activité »<br />

nous a permis <strong>de</strong> faire ressortir les forces et les limites <strong>de</strong> la configuration<br />

pédagogique « démonstration – reproduction du modèle », mo<strong>de</strong> traditionnel<br />

d’apprentissage dans la classe technique <strong>de</strong> <strong>danse</strong>. Nous proposons la notion <strong>de</strong><br />

communication « ostensive-résonante » pour rendre compte <strong>de</strong> l’interaction<br />

particulière mise en jeu par le professeur <strong>de</strong> <strong>danse</strong> contemporaine dans ce mo<strong>de</strong><br />

pédagogique traditionnel.<br />

Mots clés : <strong>danse</strong>, enseignement, interactions, activité, communication, imitation,<br />

résonance, neurones miroir.


2<br />

Introduction<br />

En nous intéressant à la formation <strong>de</strong>s professeurs <strong>de</strong> <strong>danse</strong>, nous avons été amenés à<br />

revisiter le mo<strong>de</strong> pédagogique traditionnel utilisé pour la formation <strong>de</strong>s <strong>danse</strong>urs,<br />

mo<strong>de</strong> que nous intitulerons « démonstration / reproduction du modèle ». Nous le<br />

perpétuons comme une évi<strong>de</strong>nce <strong>au</strong>ssi bien dans les formations initiales du <strong>danse</strong>ur<br />

que dans les formations <strong>de</strong> formateurs. Or, la valeur <strong>de</strong> ce mo<strong>de</strong> pédagogique semble<br />

plus reposer sur le caractère habituel d’une pratique qui a fait ses preuves que sur une<br />

réflexion approfondie et argumentée. Notre intention, dans cet article, est, tout en<br />

dévoilant les éléments constituants <strong>de</strong> cette pratique, d’en faire ressortir ses forces et<br />

ses limites pour l’apprentissage <strong>de</strong> l’étudiant.<br />

Les découvertes neuroscientifiques récentes sur le système « miroir » ainsi qu’une<br />

recherche <strong>de</strong> terrain menée dans cinq classes techniques <strong>de</strong> <strong>danse</strong> contemporaine,<br />

nous amènent à relativiser les présupposés, trouvés dans la littérature, selon lesquels<br />

l’apprentissage par « reproduction » serait superficiel et aliénant. Nous commencerons<br />

par exposer ces différentes perspectives contradictoires sur l’enseignement en <strong>danse</strong><br />

contemporaine. Nous évoquerons ensuite les recherches sur les « neurones miroir »<br />

qui nous invitent à appréhen<strong>de</strong>r le fon<strong>de</strong>ment biologique <strong>de</strong> l’imitation. Nous<br />

présenterons enfin notre recherche <strong>de</strong> terrain dont les résultats ten<strong>de</strong>nt à proposer une<br />

nouvelle formulation du processus d’imitation.<br />

1. Entre tradition et nécessité, une relation intercorporelle incontournable<br />

Il nous f<strong>au</strong>t reconnaître que dans la réalité, telle qu’elle se pratique actuellement, la<br />

classe technique <strong>de</strong> <strong>danse</strong> contemporaine, dans le cadre <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong> <strong>danse</strong>urs<br />

professionnels, s’inscrit dans une logique <strong>de</strong> formation à la performance <strong>de</strong> h<strong>au</strong>t<br />

nive<strong>au</strong> et <strong>de</strong> polyvalence du <strong>danse</strong>ur. Cela veut dire que l’on assiste actuellement à<br />

une uniformisation <strong>de</strong> la formation du <strong>danse</strong>ur, qui tend à transcen<strong>de</strong>r les styles<br />

esthétiques, notamment classique, jazz et contemporain. Nous soulignons <strong>de</strong>ux<br />

conséquences à cet état <strong>de</strong> fait : la classe « technique » s’impose comme la base <strong>de</strong> la<br />

formation 1 et la situation d’enseignement-apprentissage dans cette classe<br />

1 La formation <strong>de</strong> <strong>danse</strong>ur contemporain inclut également <strong>de</strong>s classes d’improvisation et <strong>de</strong> composition<br />

chorégraphique qui sollicitent largement son potentiel créatif. Cependant, toutes les institutions <strong>de</strong> formations<br />

préprofessionnelles en <strong>danse</strong> contemporaine posent la classe technique quotidienne, voire la classe <strong>de</strong> ballet,<br />

comme une base obligatoire et nécessaire.


3<br />

« technique » est infiltrée par une tradition <strong>de</strong> transmission, <strong>de</strong> type « démonstrationreproduction<br />

du modèle », issue <strong>de</strong> la <strong>danse</strong> classique, et ce, malgré les ruptures<br />

esthétiques intervenues <strong>au</strong> cours <strong>de</strong> l’histoire.<br />

1.1. Un corps discipliné et rentable opposé <strong>au</strong> corps poétique<br />

Quelques <strong>au</strong>teurs ont tenté <strong>de</strong> dénoncer les risques et les incohérences <strong>de</strong><br />

l’apprentissage par reproduction par rapport <strong>au</strong> projet initial <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>rnité en <strong>danse</strong>,<br />

axé plutôt vers le développement d’une gestuelle personnelle (Ganne, 1998, p. 95). Le<br />

processus d’apprentissage à l’œuvre dans l’action <strong>de</strong> reproduction s’apparente à ce<br />

qui est communément compris comme <strong>de</strong> l’« imitation ». Or, pour les <strong>au</strong>teurs cités ciaprès,<br />

l’imitation a m<strong>au</strong>vaise presse, car elle présuppose un apprentissage plus ou<br />

moins passif avec un risque <strong>de</strong> standardisation et <strong>de</strong> normalisation <strong>de</strong>s corps (Ganne,<br />

1998; Ginot & L<strong>au</strong>nay, 2002; Lefebvre, 1998; Puja<strong>de</strong>-Ren<strong>au</strong>d, 1976), générant un état<br />

<strong>de</strong> dépendance, voire d’aliénation et <strong>de</strong> soumission <strong>de</strong> l’apprenant, et une<br />

appropriation perçue comme relativement superficielle (Vellet, 2003, pp. 134, 215).<br />

L’infiltration du modèle classique à l’intérieur <strong>de</strong> l’enseignement <strong>de</strong> la <strong>danse</strong><br />

contemporaine constitue un <strong>au</strong>tre terrain <strong>de</strong> contestation. Ginot et L<strong>au</strong>nay (2002)<br />

s’insurgent vigoureusement contre « le modèle académique, disciplinaire et soucieux<br />

<strong>de</strong> rentabilité » (Ginot & L<strong>au</strong>nay, 2002, p. 107) qui prév<strong>au</strong>t dans la formation<br />

professionnelle du <strong>danse</strong>ur contemporain. Toutes <strong>de</strong>ux se désolent <strong>de</strong> constater que<br />

« l’apprentissage <strong>de</strong> la technique classique est posé comme une évi<strong>de</strong>nce universelle,<br />

base indispensable et fondamentale <strong>de</strong> toute formation professionnelle en <strong>danse</strong>, futelle<br />

contemporaine » (ibid. p.108).<br />

Dans l’ouvrage collectif L’enseignement <strong>de</strong> la <strong>danse</strong>, et après ? (Bruni, 1998),<br />

Lefebvre conteste « l’hégémonie <strong>de</strong> l’apprentissage technique dans le cadre du<br />

diplôme d’état <strong>de</strong> professeur <strong>de</strong> <strong>danse</strong> français » (Lefebvre, 1998, p. 87), et<br />

Ganne « l’impérialisme <strong>de</strong> la <strong>danse</strong> classique qui voudrait occuper tout le territoire »<br />

(Ganne, 1998, pp. 90,91). Ces <strong>de</strong>ux <strong>au</strong>teurs s’inquiètent <strong>de</strong> voir, à travers une<br />

normalisation <strong>de</strong>s corps, les élèves transformés en « machines corporelles »<br />

(Lefebvre, 1998, p. 87). Cela génère, selon Lefebvre, « <strong>de</strong>s corps maîtrisés, qualifiés,<br />

exercés et dociles » <strong>au</strong> détriment d’un « corps poétique » (ibid. p. 88).


4<br />

Un certain nombre <strong>de</strong> textes (F<strong>au</strong>re, 1998; Ginot & L<strong>au</strong>nay, 2002; L<strong>au</strong>nay, 2001;<br />

Lefebvre, 1998) dénoncent également le modèle disciplinaire <strong>de</strong> la classe <strong>de</strong> <strong>danse</strong>,<br />

modèle largement à l’œuvre dans la <strong>danse</strong> classique. Tous attribuent <strong>au</strong>x « valeurs<br />

productivistes » (Lefebvre, 1998, p. 88) ou <strong>au</strong> « souci <strong>de</strong> rentabilité » (Ginot &<br />

L<strong>au</strong>nay, 2002, p. 107) la persistance <strong>de</strong> ce modèle dans l’enseignement <strong>de</strong> la <strong>danse</strong>.<br />

Le texte <strong>de</strong> L<strong>au</strong>nay (L<strong>au</strong>nay, 2001) s’appuie, quant à lui, sur <strong>de</strong>s témoignages <strong>de</strong><br />

<strong>danse</strong>urs pour souligner « la puissance <strong>de</strong>s relations d’emprise » (ibid. p. 92) entre le<br />

professeur et l’élève. L’<strong>au</strong>teure décrit l’entraînement en <strong>danse</strong> comme un « rituel » à<br />

la gloire du « corps absolu » (ibid. p. 93). D’après cet <strong>au</strong>teur, ce corps absolu envahit<br />

l’imaginaire et le rêve du <strong>danse</strong>ur, et c’est précisément ce qui « contribue à renforcer<br />

les figures du pouvoir » (ibid. p.93).<br />

Nous voyons, dans ces diverses réflexions, une dénonciation radicale <strong>de</strong> la tendance à<br />

la rationalisation et à la rentabilité qu’a connue l’enseignement <strong>de</strong> la <strong>danse</strong> dès le<br />

début <strong>de</strong> la professionnalisation du métier <strong>de</strong> <strong>danse</strong>ur. Cette réflexion pourrait<br />

également révéler la prise <strong>de</strong> conscience impuissante <strong>de</strong> notre enfermement dans une<br />

idéologie <strong>de</strong> corps et dans <strong>de</strong>s habitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> perception qui ont perdu la quête du sens<br />

du geste.<br />

1.2. La relation intercorporelle, une ouverture constructive vers l’altérité et<br />

la poésie du geste<br />

Par ailleurs, plusieurs écrits font ressortir la valeur irremplaçable <strong>de</strong> la relation<br />

intercorporelle entre le professeur et les élèves à l’œuvre dans cette tradition <strong>de</strong><br />

transmission <strong>de</strong> la <strong>danse</strong>.<br />

Notons <strong>au</strong> passage que l’absence <strong>de</strong> codification du<br />

mouvement en <strong>danse</strong> contemporaine confère une dimension indispensable et<br />

incontournable à la démonstration-en-acte par le professeur <strong>de</strong> sa phrase <strong>de</strong> <strong>danse</strong>,<br />

démonstration qui joue alors le rôle <strong>de</strong> « partition » avec la particularité d’être une<br />

« partition » à la fois vivante et éphémère.<br />

Puja<strong>de</strong>-Ren<strong>au</strong>d (1976), par exemple, propose que la modulation rythmique proposée<br />

par le professeur dans sa proposition dansée trouve une résonance corporelle chez<br />

l’élève, provoquant un désir <strong>de</strong> bouger: « le geste du professeur pourrait avoir sur le<br />

corps <strong>de</strong> l’élève cet impact immédiat comparable à celui <strong>de</strong> la musique » (Puja<strong>de</strong>-<br />

Ren<strong>au</strong>d, 1976, p. 105). Louppe (1994), <strong>de</strong> son côté, décrit la transmission du<br />

mouvement comme un « moment initiatique », elle parle d’une « empreinte » qui


5<br />

voyagerait d’« un corps à l’<strong>au</strong>tre » (Louppe, 1994, p. 16) et <strong>de</strong> « contagions<br />

mystérieuses » (ibid. p.17) qui la font conclure que « la transmission corps à corps<br />

<strong>de</strong>meure essentielle, non dans une quête d’exactitu<strong>de</strong> » (ibid. p.17), précise-t-elle,<br />

mais pour incorporer l’acte poétique. Godard (1992), à l’instar <strong>de</strong> Louppe, confirme la<br />

nature essentielle <strong>de</strong> la communication intercorporelle dans la transmission <strong>de</strong> la<br />

<strong>danse</strong>, en la justifiant cependant par les limites du langage verbal et la nécessité du<br />

savoir-faire du <strong>danse</strong>ur <strong>de</strong> passer par les « couches profon<strong>de</strong>s du non<br />

verbal… » (Godard, 1992, pp. 141-142). Godard associe encore cette communication<br />

intercorporelle à un phénomène empathique qui, à son avis, passe complètement<br />

inaperçu dans la réflexion pédagogique (Godard & Louppe, 1993, p. 70).<br />

Dans son essai, Danses <strong>de</strong> l’écriture, courses dansantes et anthropologie <strong>de</strong> la<br />

kinesthésie, Foster (1998) abon<strong>de</strong> dans le sens <strong>de</strong> Godard, et propose que le lien<br />

empathique soit une <strong>de</strong>s données <strong>de</strong> l’expérience <strong>de</strong> <strong>danse</strong>. Par leurs efforts<br />

pour « incarner le mouvement d’un <strong>au</strong>tre corps », l’<strong>au</strong>teur postule que les élèves<br />

apprennent ainsi « à ressentir ce à quoi ressemble le mouvement d’un <strong>au</strong>tre corps […]<br />

et […] cultivent leur sensibilité <strong>au</strong>x relations entre apparence visuelle et sensation<br />

proprioceptive » (Foster, 1998, p. 110).<br />

Dans la même veine que Foster, le chorégraphe américain, Merce Cunningham,<br />

s’extasie à propos <strong>de</strong> <strong>danse</strong>urs qui apprennent <strong>de</strong>s séquences dansées à partir <strong>de</strong> la<br />

seule observation du mouvement par un phénomène pouvant être <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong><br />

l’absorption kinesthésique: « Quand je regar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s <strong>danse</strong>urs apprendre <strong>de</strong>s pas,<br />

certains ont besoin d’indications très claires […] d’<strong>au</strong>tres <strong>danse</strong>urs voient, ils vont<br />

commencer à bouger, ils n’ont pas besoin <strong>de</strong> poser <strong>de</strong> questions. Ils ne font<br />

qu’absorber à travers la pe<strong>au</strong>. C’est merveilleux à regar<strong>de</strong>r. C’est une intelligence<br />

viscérale. C’est très kinesthésique, la capacité à absorber quelque chose <strong>de</strong> la manière<br />

dont les anim<strong>au</strong>x le font. » (Roseman, 2001, p.:45).<br />

Cette métaphore <strong>de</strong> l’absorption est également utilisée par le <strong>danse</strong>ur Edward Villella<br />

quand il évoque son activité d’imitation <strong>au</strong> moment <strong>de</strong> l’apprentissage d’une<br />

chorégraphie, pendant laquelle, précise-t-il, le chorégraphe ne prononce <strong>au</strong>cune<br />

parole : « On <strong>de</strong>vrait trouver un mot qui suggérerait un corps observant et absorbant<br />

[…] Vos yeux absorbent <strong>de</strong> la personne qui est en train <strong>de</strong> démontrer. C’est du corps à<br />

corps, <strong>de</strong> l’esprit à esprit ». (Roseman, 2001, p. 15).


6<br />

L<strong>au</strong>nay (2001), quant à elle, fait ressortir la dimension constructive <strong>de</strong> la<br />

confrontation <strong>au</strong> mouvement <strong>de</strong> l’<strong>au</strong>tre à partir <strong>de</strong> nombreux témoignages récoltés<br />

<strong>au</strong>près <strong>de</strong> <strong>danse</strong>urs: « prendre le geste d’<strong>au</strong>trui, c’est travailler à s’altérer, à s’articuler,<br />

à se reconfigurer, se rêver ou se jouer <strong>au</strong>trement » (L<strong>au</strong>nay, 2001, p. 94). Elle assimile<br />

également le phénomène <strong>de</strong> contagion intercorporelle à <strong>de</strong>s processus d’induction<br />

pouvant aller jusqu’à la transe. Pour finir, elle souligne l’aspect effectivement<br />

constructif <strong>de</strong> cette intercorporéité en précisant d’une part, « qu’elle suppose une<br />

suspension <strong>de</strong> son jugement et d’<strong>au</strong>tre part, qu’elle permet un repérage analytique <strong>de</strong><br />

ses coordinations privilégiées ».<br />

2. La relation intercorporelle, un fonctionnement biologique inné<br />

Ces notions « d’impact immédiat », <strong>de</strong> « contagion », d’« empathie »,<br />

d’« absorption » et d’« induction » que les <strong>au</strong>teurs cités ci-<strong>de</strong>ssus avancent, reçoivent<br />

d’ailleurs, <strong>de</strong>puis une quinzaine d’années, une confirmation, voire une validation<br />

scientifique, avec les recherches sur les « neurones miroir » (Rizzolatti, Fogassi, &<br />

Gallese, 2001). Ces recherches ont pu établir l’existence d’un système neural pouvant<br />

constituer la base biologique <strong>de</strong> ces interactions entre un observateur et un observé,<br />

phénomènes qui sous-tendraient, entre <strong>au</strong>tres, le processus d’imitation. Ces<br />

phénomènes sont notamment formulés par Decety (2004) en termes <strong>de</strong><br />

« résonance motrice » (Decety, 2004, p. 72) ou encore par Berthoz et Petit (2006) <strong>de</strong><br />

« contagion motrice » (Berthoz & Petit, 2006, p. 237) et pourraient s’expliquer, selon<br />

Gallese (2005), par un processus <strong>de</strong> « simulation intégrée » (embodied simulation) 2<br />

(Gallese, 2005).<br />

2.1. De la simulation à la compréhension du geste d’<strong>au</strong>trui<br />

Cette notion <strong>de</strong> « simulation intégrée » proposée et définie par Gallese comme étant<br />

un « mécanisme fonctionnel <strong>au</strong>tomatique, inconscient et pré-réflexif dont la fonction<br />

est <strong>de</strong> modéliser les objets, agents et événements » (ibid.), postule un mécanisme <strong>de</strong><br />

modélisation <strong>de</strong> l’action qui s’avère également capable <strong>de</strong> prédire les conséquences<br />

d’actions accomplies par d’<strong>au</strong>tres. Ce mécanisme permettrait à l’observateur, non<br />

seulement d’utiliser ses propres ressources pour pénétrer par l’expérience le mon<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>s <strong>au</strong>tres <strong>au</strong> moyen d’un processus <strong>de</strong> simulation direct, <strong>au</strong>tomatique et inconscient,<br />

mais <strong>au</strong>ssi <strong>de</strong> comprendre l’intention <strong>de</strong> l’action <strong>de</strong> l’<strong>au</strong>tre. Ce mécanisme dépasse<br />

2 Traduit par « simulation intégrée » par Anne-Marie Varig<strong>au</strong>lt, (Gallese, 2004)


7<br />

donc la seule dimension visuo-spatiale du mouvement, il intègre également une<br />

dimension cognitive. Par ailleurs, si ce mécanisme est <strong>au</strong>tomatique, cela veut dire que<br />

nous n’avons pas le choix <strong>de</strong> l’utiliser ou non. C’est un mécanisme reconnu comme<br />

biologiquement inné, qui fonctionne cependant, nous allons le voir, avec certaines<br />

conditions.<br />

Par exemple, <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s ont clairement démontré que l’observation <strong>de</strong> l’action est<br />

largement dépendante du répertoire d’actions apprises <strong>de</strong> l’observateur (Calvo-<br />

Merino, Glaser, Grèzes, Passingham, & Haggard, 2005). Nous en déduisons que nous<br />

ne pouvons véritablement « simuler » une action par sa seule observation que si nous<br />

l’avons nous-mêmes déjà expérimentée. Dans le cas contraire, seul le codage visuel<br />

est activé, et le nive<strong>au</strong> <strong>de</strong> compréhension en termes visuels n’est évi<strong>de</strong>mment pas du<br />

même ordre que le codage en termes moteurs. La conséquence que Grammont<br />

propose <strong>de</strong> tirer pour l’apprentissage <strong>de</strong> nouve<strong>au</strong>x mouvements l’amène à inverser la<br />

fonction didactique <strong>de</strong> la démonstration du professeur. Ce ne serait pas tant la<br />

démonstration et les explications verbales du professeur qui influeraient sur les<br />

représentations motrices <strong>de</strong> l’étudiant, mais plutôt la pratique motrice et<br />

l’entraînement préalables <strong>de</strong> l’étudiant qui l’ai<strong>de</strong>raient à mieux comprendre la<br />

démonstration et les explications du professeur (Grammont, 2003, p. 15). Ce serait en<br />

construisant <strong>de</strong> nouvelles représentations à travers sa propre pratique que l’individu<br />

élargirait ses capacités <strong>de</strong> perception, <strong>de</strong> représentation et <strong>de</strong> compréhension <strong>de</strong>s<br />

actions observées sur <strong>au</strong>trui (ibid. p.16).<br />

Nous nous retrouvons alors <strong>de</strong>vant la problématique suivante : la confrontation <strong>de</strong><br />

l’étudiant <strong>au</strong> mouvement d’<strong>au</strong>trui lui ouvre un chemin vers <strong>de</strong> nouvelles potentialités<br />

gestuelles mais sa capacité <strong>de</strong> « résonance » <strong>au</strong> mouvement <strong>de</strong> l’<strong>au</strong>tre par<br />

l’observation est conditionnelle à son expérience préalable <strong>de</strong> ce même mouvement.<br />

Autrement dit, il f<strong>au</strong>t « voir » pour « faire plus » mais il f<strong>au</strong>t <strong>au</strong>ssi « faire » pour<br />

« voir mieux».<br />

2.2. De la facilitation <strong>de</strong> réponse à l’ouverture vers <strong>au</strong>trui<br />

Concernant l’aspect cognitif <strong>de</strong> l’imitation, l’équipe <strong>de</strong> Rizzolatti distingue plusieurs<br />

nive<strong>au</strong>x selon les centres cérébr<strong>au</strong>x impliqués. Ces chercheurs formulent le nive<strong>au</strong> <strong>de</strong><br />

base comme une « tendance <strong>au</strong>tomatique à reproduire un mouvement observé » dont<br />

la conséquence serait « une facilitation <strong>de</strong> réponse » : « In our view, a fundamental


8<br />

phenomenon that forms the basis of imitation is that which has been referred to as<br />

‘response facilitation’ — the <strong>au</strong>tomatic ten<strong>de</strong>ncy to reproduce an observed movement.<br />

Response facilitation can occur with or without an un<strong>de</strong>rstanding of the meaning of<br />

what has been observed » (Rizzolatti, et al., 2001, p. 667) 3 .<br />

Retenons pour le moment que, même si ce mécanisme fonctionne à un nive<strong>au</strong> préréflexif,<br />

d’une part, il génère une véritable activité <strong>de</strong> simulation chez l’observateur et,<br />

d’<strong>au</strong>tre part, il permet un accès à la compréhension <strong>de</strong> l’action observée. En réponse<br />

<strong>au</strong>x détracteurs <strong>de</strong> l’apprentissage traditionnel <strong>de</strong> la <strong>danse</strong> académique qui n’y voient<br />

qu’une réduction à « l’apprentissage d’un co<strong>de</strong> gestuel et <strong>de</strong> savoir-faire modélisant et<br />

réduits à <strong>de</strong>s conditionnements » (Lefebvre, 1998, p.:87), peut-être pourrions-nous<br />

suggérer que le processus d’appropriation à l’œuvre dans la configuration typique <strong>de</strong><br />

la classe technique <strong>de</strong> <strong>danse</strong>, « démonstration – reproduction du modèle », n’est pas<br />

<strong>au</strong>ssi passif ; <strong>de</strong> même, la modélisation à l’œuvre n’est peut-être pas <strong>au</strong>tant matière à<br />

conditionnement que certains semblent le supposer. Nous pourrions <strong>au</strong>ssi proposer<br />

que cet accès direct <strong>au</strong> mouvement <strong>de</strong> l’<strong>au</strong>tre soit plutôt, <strong>au</strong> contraire, une facilitation<br />

vers l’altérité et vers la connaissance. Sans évacuer la possibilité que la situation<br />

pédagogique <strong>de</strong> la classe <strong>de</strong> <strong>danse</strong> puisse éventuellement donner lieu à <strong>de</strong>s effets<br />

néfastes ou pervers évoqués par les <strong>au</strong>teurs cités en amont, nous suggérons que le<br />

processus imitatif ne conduit pas fatalement à un conditionnement.<br />

3. La recherche <strong>de</strong> terrain : L’analyse <strong>de</strong>s interactions professeur-élèves à<br />

travers le filtre du concept d’« activité »<br />

Un premier point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong> notre recherche (<strong>Harbonnier</strong>-<strong>Topin</strong>, 2009, p. 13) est<br />

que la configuration typique que nous avons intitulé « démonstration-reproduction du<br />

modèle » traduit seulement le point <strong>de</strong> vue d’une appréhension extérieure dont la<br />

dimension interactionnelle n’a jamais été approfondie, à notre connaissance, dans une<br />

étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> terrain située. Un <strong>de</strong>uxième point qui découle du premier est que ce qui est<br />

appréhendé ne rend pas compte <strong>de</strong> l’activité réelle <strong>de</strong>s protagonistes <strong>de</strong> cette<br />

interaction particulière. De plus, nous ne savons pas comment les acteurs <strong>de</strong> la<br />

situation, professeurs et étudiants, vivent cette situation d’apprentissage et il serait, à<br />

3 Traduit par nous : Un phénomène fondamental qui forme la base <strong>de</strong> l’imitation, est celui qui a été<br />

référé comme « une facilitation <strong>de</strong> réponse » - la tendance <strong>au</strong>tomatique à reproduire un mouvement<br />

observé. La facilitation <strong>de</strong> réponse peut avoir lieu avec ou sans compréhension <strong>de</strong> la signification <strong>de</strong> ce<br />

qui a été observé.


9<br />

notre avis, instructif <strong>de</strong> les consulter à ce sujet, surtout à la lumière <strong>de</strong>s découvertes<br />

réalisées à propos du « système miroir ».<br />

C’est précisément dans le but <strong>de</strong> lever cette ambigüité entre activité supposée, activité<br />

réelle et le vécu <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> la situation, que cette recherche a été menée. Face à ce<br />

paradoxe entre une pratique qui se perpétue comme une évi<strong>de</strong>nce et une connotation<br />

péjorative du processus d’imitation, nous avons fait le projet d’i<strong>de</strong>ntifier ce qui est<br />

effectivement observable et <strong>de</strong> le croiser avec ce qui fait sens chez les acteurs, en<br />

termes d’interactions, dans cette configuration typique « démonstration-reproduction<br />

du modèle ». Pour ce faire, nous avons choisi <strong>de</strong> passer par le concept d’activité (<strong>au</strong><br />

singulier) avec ses déclinaisons en termes <strong>de</strong> préférences, d’associations et <strong>de</strong><br />

couplage d’activités (<strong>au</strong> pluriel) 4 .<br />

Le passage par le concept d’activité nous permet une triple opération. Premièrement,<br />

il nous permet d’adopter « un point <strong>de</strong> vue extérieur » (Barbier & Galatanu, 2000, pp.<br />

16-17) par rapport <strong>au</strong>x référentiels <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> la situation. Or, le fait que ce point<br />

<strong>de</strong> vue extérieur permette une <strong>de</strong>scription détaillée <strong>de</strong>s éléments constituant la<br />

situation est propice, comme le souligne Barthélémy, à la rupture avec le caractère<br />

évi<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> cette pratique (Barthélémy, 1990, p. 195). Deuxièmement, si nous suivons<br />

Barbier et Galatanu qui comprennent le concept d’activité comme faisant partie<br />

<strong>de</strong> « désignations relatives à la fois <strong>au</strong>x processus et <strong>au</strong>x sujets humains impliqués,<br />

porteuses d’une relation d’inférence » (ibid.), nous entrevoyons donc la possibilité <strong>de</strong><br />

décrire ce que nous observons en termes <strong>de</strong> différents « faire » qui incluraient à la fois<br />

le processus et les sujets impliqués dans le processus. Troisièmement décrire une<br />

situation observée, c’est comme tendre un miroir <strong>au</strong>x acteurs <strong>de</strong> cette situation. Nous<br />

anticipons ainsi un potentiel réflexif à cette <strong>de</strong>scription, ce potentiel réflexif<br />

apparaissant notamment à travers la notion <strong>de</strong> « préférences » d’activités, représentées<br />

dans cette recherche, par la fréquence et la durée relative que les sujets accor<strong>de</strong>nt à<br />

certaines activités.<br />

Par ailleurs, La mise en évi<strong>de</strong>nce d’associations particulières entre les activités<br />

observées nous a aidés à caractériser d’une part, les invariants communs <strong>au</strong>x cinq<br />

séquences observées, cela correspond à la « typicalité » (Schutz, Noschis, & Caprona,<br />

1987) <strong>de</strong> cette situation pédagogique, et d’<strong>au</strong>tre part, les variations possibles à<br />

4 Centre <strong>de</strong> Recherche sur la Formation du Conservatoire National <strong>de</strong>s Arts et Métiers (CNAM)


10<br />

l’intérieur <strong>de</strong> la configuration <strong>de</strong>s différentes séquences, cela correspond <strong>au</strong> jeu<br />

possible, à la part <strong>de</strong> subjectivité, à l’intérieur <strong>de</strong> cette configuration typique.<br />

En <strong>de</strong>rnier lieu, afin <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à un examen plus attentif <strong>de</strong>s interactions entre le<br />

professeur et les élèves, nous nous sommes appuyés sur la notion <strong>de</strong> « couplage<br />

d’activités » inspirée <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> « couplage structurel » introduite par Maturana<br />

(Maturana, 1977) et Varela (Varela, 1989, p. 64) et reprise par Theure<strong>au</strong> dans sa<br />

théorie du « Cours d’action » (Theure<strong>au</strong>, 2004). Tout en nous offrant une <strong>de</strong>scription<br />

<strong>de</strong>s interactions professeur-élèves, en termes d’activités, cette notion <strong>de</strong> couplage<br />

nous a permis également <strong>de</strong> faire ressortir <strong>au</strong>tant la dimension dynamique <strong>de</strong>s rapports<br />

d’influence entre les <strong>de</strong>ux catégories <strong>de</strong> sujets que la typicalité <strong>de</strong> ces rapports dans la<br />

configuration « démonstration-reproduction du modèle » que nous étudions. Par<br />

ailleurs, afin <strong>de</strong> mieux comprendre la dynamique <strong>de</strong> ces rapports qui mettent en jeu,<br />

<strong>de</strong> manière importante, l’activité <strong>de</strong> communication du professeur, nous avons fait<br />

appel à la théorie pragmatique <strong>de</strong> la communication proposée par Sperber et Wilson<br />

(Sperber & Wilson, 1989) avec, notamment, la notion <strong>de</strong> communication « ostensiveinférentielle<br />

». Cette notion nous a aidés à caractériser le type <strong>de</strong> communication très<br />

particulier à l’œuvre dans cette situation d’enseignement.<br />

Trois catégories <strong>de</strong> questions nous ont intéressés dans cette recherche :<br />

1. I<strong>de</strong>ntifier les différentes activités du professeur et <strong>de</strong>s étudiants et voir<br />

comment ces activités s’articulent dans l’interaction entre les <strong>de</strong>ux catégories<br />

<strong>de</strong> sujets ;<br />

2. Comment le passage par l’i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong>s activités et interactivités nous<br />

permet d’abor<strong>de</strong>r le rôle <strong>de</strong> la démonstration dansée du professeur pour<br />

l’apprentissage <strong>de</strong> l’étudiant ;<br />

3. Quels sont les ressorts et les limites <strong>de</strong> cette configuration pédagogique pour<br />

l’apprentissage <strong>de</strong> l’étudiant.<br />

3.1. Trois mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> recueil <strong>de</strong> données<br />

Le terrain <strong>de</strong> recherche s’est porté sur la classe technique <strong>de</strong> <strong>danse</strong> contemporaine<br />

dans <strong>de</strong>ux institutions <strong>de</strong> formation préprofessionnelle <strong>de</strong> <strong>danse</strong> <strong>de</strong> Montréal. La<br />

recherche se présente sous la forme d’une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>scriptive et comparative <strong>de</strong> cinq<br />

séquences sélectionnées à partir <strong>de</strong> l’observation <strong>de</strong> cinq classes <strong>de</strong> <strong>danse</strong> données par


11<br />

cinq professeurs différents, trois femmes et <strong>de</strong>ux hommes, tous les cinq possédant une<br />

soli<strong>de</strong> expérience d’enseignement. Le choix <strong>de</strong>s professeurs s’est fait sur la seule base<br />

<strong>de</strong> leur objectif commun, à savoir former <strong>de</strong>s <strong>danse</strong>urs professionnels. Leur plus ou<br />

moins gran<strong>de</strong> affinité avec la <strong>danse</strong> classique est donc une simple coïnci<strong>de</strong>nce et n’a<br />

pas constitué un critère <strong>de</strong> choix.<br />

Nous avons effectué trois mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> recueil <strong>de</strong> données :<br />

- Un entretien biographique avec chaque professeur. L’entretien, <strong>de</strong> type semistructuré<br />

avait pour objectif <strong>de</strong> faire évoquer, par les participants, les souvenirs<br />

les plus marquants en rapport avec leur propre formation en <strong>danse</strong>. Les propos<br />

ainsi recueillis ont servi d’indices sur l’axiologie sous jacente à l’activité<br />

pédagogique actuelle du professeur en question.<br />

- Des enregistrements vidéo dans les cinq classes <strong>de</strong> <strong>danse</strong> observées.<br />

L’enregistrement vidéo a servi <strong>de</strong> support d’une part, à l’observation <strong>de</strong>s<br />

activités effectives <strong>de</strong>s acteurs à partir <strong>de</strong> laquelle a été effectuée l’analyse, et<br />

d’<strong>au</strong>tre part, à l’entretien d’<strong>au</strong>to confrontation <strong>de</strong>s participants (professeur et<br />

élèves) à la recherche.<br />

- Des entretiens d’<strong>au</strong>to-confrontation avec chaque professeur et quelques<br />

étudiants volontaires. Il s’agissait d’amener les participants à évoquer, le plus<br />

concrètement possible, les activités <strong>au</strong>xquelles ils avaient participé et à<br />

s’exprimer sur la manière dont ils les avaient vécues, avec le support <strong>de</strong><br />

l’enregistrement vidéo. Les verbalisations ainsi recueillies ont contribué à<br />

rendre compte <strong>de</strong> certaines constructions <strong>de</strong> sens opérées par les acteurs en<br />

relation avec les différents éléments <strong>de</strong> la situation.<br />

3.2. Une catégorisation <strong>de</strong>s activités « typiques » <strong>de</strong> l’enseignement <strong>de</strong> la<br />

classe technique <strong>de</strong> <strong>danse</strong><br />

A travers l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s cinq séquences, nous avons mené l’analyse en <strong>de</strong>ux étapes. La<br />

première étape, <strong>de</strong> type <strong>de</strong>scriptif, a elle-même été décomposée en <strong>de</strong>ux volets. Un<br />

premier volet a consisté à i<strong>de</strong>ntifier les activités « typiques » (Schutz, et al., 1987) <strong>de</strong><br />

la situation d’enseignement considérée. Cela nous a permis <strong>de</strong> préciser, en termes<br />

d’activités, ce qui constitue la configuration que nous avons appelée plus h<strong>au</strong>t<br />

« démonstration – reproduction du modèle ». Le <strong>de</strong>uxième volet <strong>de</strong> cette étape s’est<br />

attaché à caractériser les particularités <strong>de</strong> chaque cas en termes <strong>de</strong> préférences,


12<br />

d’associations et <strong>de</strong> couplages d’activités, à partir <strong>de</strong>s activités « typiques »<br />

i<strong>de</strong>ntifiées <strong>au</strong>paravant.<br />

Ensuite, la <strong>de</strong>uxième étape, <strong>de</strong> type compréhensif, s’est attachée à relier le sens que<br />

les sujets attribuent en situation à leurs interactions. L’objectif <strong>de</strong> cette étape était <strong>de</strong><br />

mettre en évi<strong>de</strong>nce, <strong>au</strong>tant les « ressorts » pour l’apprentissage, que les conditions et<br />

les limites, inhérents à cette configuration traditionnelle <strong>de</strong> transmission.<br />

La première étape d’i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong>s activités nous a amené à concevoir un modèle<br />

d’analyse sous la forme d’une catégorisation détaillée <strong>de</strong>s activités observées <strong>au</strong>ssi<br />

bien chez le professeur que chez les étudiants à partir d’une séquence, d’une durée<br />

allant, selon les cas, <strong>de</strong> 13 à 20 minutes, sélectionnée dans l’enregistrement vidéo <strong>de</strong><br />

chaque classe <strong>de</strong> <strong>danse</strong>. Cette séquence correspond à l’apprentissage d’une phrase <strong>de</strong><br />

<strong>danse</strong>, relativement complexe, proposée par le professeur vers la fin du cours. Elle<br />

débute, dans tous les cas, avec la « démonstration » du professeur pour se terminer<br />

avec la « performation <strong>au</strong>tonome » <strong>de</strong>s élèves.<br />

Cette catégorisation a été développée en i<strong>de</strong>ntifiant, dans un premier temps, les grands<br />

groupes d’activités pour chaque catégorie d’acteurs. C’est ainsi que l’activité du<br />

professeur consiste essentiellement en <strong>de</strong>ux groupes d’activités, l’activité <strong>de</strong><br />

« communication d’action » et l’activité d’ « observation <strong>de</strong>s étudiants ». Chez les<br />

étudiants, <strong>de</strong>ux grands groupes d’activités ont été repérés, l’activité d’<br />

« appropriation » et l’activité <strong>de</strong> « performation ».<br />

Chaque groupe d’activités a ensuite été décomposé en différents nive<strong>au</strong>x <strong>de</strong> sousactivités<br />

jusqu’<strong>au</strong> nive<strong>au</strong> <strong>de</strong>s activités minimales, Fillietaz parlerait « d’unités<br />

praxéologiques minimales » (Filliettaz, 2002, p. 146). Nous avons repéré huit à dix<br />

activités minimales selon le groupe d’acteurs considéré (professeur ou étudiants).<br />

Une fois la catégorisation d’activités posée, l’observation minutieuse <strong>de</strong> la séquence<br />

s’est passée <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> <strong>de</strong>s unités d’action. Chaque unité d’action a été repérée,<br />

chronométrée et située dans le déroulement temporel <strong>de</strong> la séquence. Ces trois<br />

opérations ont été reportées dans un table<strong>au</strong> à double entrée intégrant ensemble les<br />

activités du professeur et <strong>de</strong>s étudiants: en abscisse le déroulement temporel ainsi que<br />

le chronométrage <strong>de</strong> chaque unité d’action, et en ordonnées la catégorisation <strong>de</strong>s<br />

activités. Ce table<strong>au</strong> a non seulement offert une représentation visuelle du découpage


Activités <strong>de</strong>s étudiants<br />

Performation<br />

Appropriation<br />

Activités du professeur<br />

Communication d'action<br />

En<br />

réaction<br />

Proposition<br />

d'action<br />

13<br />

<strong>de</strong> la séquence selon toutes les unités d’action repérées, mais il a surtout permis <strong>de</strong><br />

faire émerger les associations d’activités du professeur, la simultanéité <strong>de</strong>s activités<br />

dans le collectif <strong>de</strong>s étudiants ainsi que les couplages d’activités entre le professeur et<br />

les étudiants.<br />

Dans le table<strong>au</strong> ci-après qui représente un extrait <strong>de</strong> la séquence du professeur Dora,<br />

nous constatons par exemple que dans les unités d’action 1 à 6, le professeur associe<br />

systématiquement les activités « faire quoi faire » avec « dire quoi faire » et que dans<br />

les unités d’action 2, 3, et 4, ces mêmes activités du professeur sont couplées avec les<br />

activités « faire avec », « faire après » et « regar<strong>de</strong>r sans faire » <strong>de</strong>s étudiants.<br />

Classe DORA, Proposition 11, durée totale 13'<br />

Unités d'action 1 2 3 4 5 6<br />

Déroulement temps 0' 28 1'28 1'53 2'35 2'57<br />

durées activités en secon<strong>de</strong>s 28 60 25 42 22 18<br />

gestion <strong>de</strong> l'espace collectif<br />

Présenter la proposition<br />

Expliquer la proposition<br />

Faire pour soi<br />

Réagir à l'interrogation <strong>de</strong>s étudiants<br />

Réagir à la performation <strong>de</strong>s étudiants<br />

Écho-Résonnance<br />

En réaction<br />

Performer pour soi<br />

Observer la performation<br />

Faire quoi faire<br />

Dire quoi faire<br />

Faire comment faire<br />

Dire comment faire<br />

Question - Réponse<br />

Accompagner le faire par le dire<br />

Évaluer le faire<br />

Faire avec * 10 9 9 7 2<br />

Faire après * 3 3 1 3 3 3<br />

Regar<strong>de</strong>r sans faire * 1 3 3 9 7<br />

Questionner * 1<br />

Répondre<br />

Faire pour soi exercice * 1<br />

Faire pour soi répétition<br />

Performation-exposition<br />

* les chiffres correspon<strong>de</strong>nt <strong>au</strong> nombre d'étudiants impliqués dans l'activité<br />

Figure 1 : Catégorisation et durée <strong>de</strong>s activités, associations et couplages d’activités<br />

d’un extrait <strong>de</strong> la séquence <strong>de</strong> la classe <strong>de</strong> Dora<br />

À partir du chronométrage <strong>de</strong>s unités d’action, un calcul <strong>de</strong> la durée totale pour<br />

chaque catégorie d’activité a pu être réalisé. La comparaison <strong>de</strong>s durées totales <strong>de</strong>s<br />

différentes activités, entre les séquences, a fait émerger les préférences en termes<br />

d’activités et d’associations d’activités ainsi que les types <strong>de</strong> couplages privilégiés<br />

dans chacune d’elles. Dans la séquence <strong>de</strong> Dora (figure 2), par exemple, les <strong>de</strong>ux<br />

activités préférées du professeur sont la « présentation <strong>de</strong> la proposition » et


14<br />

l’« observation », alors que ce sont les activités que nous avons appelées d’« échorésonance<br />

» (<strong>Harbonnier</strong>-<strong>Topin</strong>, 2009, p. 188) (« faire avec », « faire après » et<br />

« regar<strong>de</strong>r sans faire ») qui dominent chez les étudiants.<br />

Figure 2 : Préférences <strong>de</strong>s activités dans la<br />

séquence <strong>de</strong> Dora<br />

Activités du professeur<br />

Pr Présentation <strong>de</strong> la proposition<br />

Ex Explication <strong>de</strong> la proposition<br />

Réac Questions, réponses<br />

Afd<br />

Accompagner le faire par le<br />

dire<br />

Évf Évaluer le faire<br />

Oé Observation <strong>de</strong>s étudiants<br />

Fs Faire pour soi<br />

Org Organisation <strong>de</strong> l'espace<br />

Activités <strong>de</strong> l'étudiant<br />

Fav Faire avec<br />

Fap Faire après<br />

Rsf Regar<strong>de</strong>r sans faire<br />

Réac Questions, réponses<br />

Fse Faire pour soi exercice<br />

Fsr Faire pour soi répétition<br />

Perf Exp Performation-exposition<br />

En termes <strong>de</strong> couplages d’activités (professeur / étudiants), six princip<strong>au</strong>x types <strong>de</strong><br />

couplages ont été distingués. Ils sont récapitulés dans le table<strong>au</strong> ci-après :<br />

<strong>Professeur</strong><br />

Étudiants<br />

Type 1 Présentation (faire et dire quoi faire) écho-résonance<br />

Type 2 Explication (faire et dire comment faire) écho-résonance + performation pour soi<br />

Type 3<br />

Propositions d’action + en réactions +<br />

observation<br />

écho-résonance + en réactions + performation pour soi<br />

Type 4 gestion <strong>de</strong> l’espace<br />

préparation à la performation + performation pour soi<br />

Type 5 observation<br />

performation-exposition<br />

Type 6 évaluation<br />

regar<strong>de</strong>r sans faire<br />

Figure 3 : Couplages typiques <strong>de</strong> la classe technique <strong>de</strong> <strong>danse</strong><br />

L’examen chronologique <strong>de</strong> l’occurrence <strong>de</strong>s couplages pendant les différentes<br />

séquences a fait ressortir une certaine invariance qui a rendu possible une<br />

schématisation ou encore une représentation <strong>de</strong> la « typification » (Schutz, et al.,


15<br />

1987) <strong>de</strong> la tradition dans l’enseignement <strong>de</strong> la <strong>danse</strong>. La séquence commence<br />

invariablement avec la présentation <strong>de</strong> la proposition dansée en « faire » et en « dire »<br />

par le professeur couplée systématiquement avec les activités d’écho-résonance <strong>de</strong>s<br />

étudiants (type 1). Elle se termine systématiquement avec la performation-exposition<br />

<strong>de</strong>s étudiants couplée avec l’observation du professeur (type 5), la plupart du temps<br />

suivie d’une évaluation du professeur (type 6). Entre ce début et cette fin, le<br />

professeur apporte <strong>de</strong>s explications (type 2), l’étudiant pose <strong>de</strong>s questions <strong>au</strong>xquelles<br />

le professeur répond (type 3), le professeur organise l’espace collectif (type 4).<br />

Appliquons cet examen chronologique à la séquence <strong>de</strong> Dora dans le table<strong>au</strong> qui suit :<br />

Figure 4: chronologie <strong>de</strong>s couplages d’activités pendant la séquence <strong>de</strong> Dora<br />

Lors <strong>de</strong> cette première étape <strong>de</strong> l’analyse, nous avons également effectué un repérage<br />

minutieux du registre lexical privilégié par chaque professeur. Les princip<strong>au</strong>x<br />

registres répertoriés ont été les temps music<strong>au</strong>x, les mots du corps, les mots d’espace,<br />

les verbes d’action, le vocabulaire <strong>de</strong>s pas <strong>de</strong> <strong>danse</strong> (arabesque, pirouette…), les mots<br />

<strong>de</strong> latéralité, les mots <strong>de</strong> relation gravitaire (s’enfoncer dans le sol, vers la terre,<br />

s’alléger vers le ciel…), les métaphores et les onomatopées.<br />

La <strong>de</strong>uxième étape concernant l’i<strong>de</strong>ntification du sens <strong>de</strong>s activités pour les sujets a<br />

consisté à relier les propos recueillis en entretien d’<strong>au</strong>toconfrontation chez le<br />

professeur et ses étudiants à chaque moment <strong>de</strong> la séquence afin <strong>de</strong> mettre en<br />

perspective les intentions <strong>de</strong> l’enseignant avec le sens construit par chacun <strong>de</strong>s<br />

étudiants. L’analyse proprement dite a consisté à relever les convergences et les


16<br />

divergences <strong>de</strong>s propos <strong>de</strong>s différents acteurs suivant les catégories d’activités<br />

i<strong>de</strong>ntifiées.<br />

4. Résultats <strong>de</strong> la recherche : Entre dépendance et <strong>au</strong>tonomie<br />

Les invariants repérés dans les activités et associations d’activités ainsi que dans la<br />

chronologie <strong>de</strong>s couplages d’activités <strong>de</strong>s cinq séquences analysées met en évi<strong>de</strong>nce<br />

<strong>au</strong> moins <strong>de</strong>ux éléments centr<strong>au</strong>x dans la tradition <strong>de</strong> l’enseignement <strong>de</strong> la <strong>danse</strong>.<br />

Tout d’abord, il ressort nettement que la proposition dansée, créée et communiquée<br />

par le professeur, occupe une place première et centrale et organise toutes les activités<br />

<strong>de</strong>s sujets tel un « attracteur » (Durand, S<strong>au</strong>ry, & Sève, 2006, p. 76) selon la<br />

perspective <strong>de</strong>s systèmes dynamiques.<br />

Ensuite, les « rapports <strong>de</strong> place » (Barbier, 2006, p. 186) particuliers entre le<br />

professeur et les étudiants générés par cette situation typique d’enseignement<br />

montrent une certaine hégémonie discursive et décisionnelle <strong>de</strong> la fonction du<br />

professeur <strong>de</strong> <strong>danse</strong>, <strong>au</strong>tant en termes <strong>de</strong> contenus <strong>de</strong> « savoirs », d’organisation<br />

d’activités que <strong>de</strong> régulation <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong>s étudiants.<br />

Par ailleurs, il est apparu nettement que la pério<strong>de</strong> d’observation <strong>de</strong>s élèves par le<br />

professeur occupe un temps conséquent dans son activité. Notons que les<br />

verbalisations <strong>de</strong>s professeurs soulignent la particularité « empathique-kinesthésique »<br />

<strong>de</strong> leurs processus interprétatifs pendant cette pério<strong>de</strong>. C'est-à-dire que leur<br />

compréhension <strong>de</strong> ce qui se passe chez l’étudiant passe par l’expérimentation<br />

physique, réelle ou simulée, <strong>de</strong> ce qu’ils observent chez celui qui effectue le<br />

mouvement dansé.<br />

En ce qui concerne les étudiants, le fait d’avoir distingué avec précision leurs<br />

différentes activités nous a permis <strong>de</strong> constater d’une part, une répartition importante<br />

<strong>de</strong>s étudiants dans les différentes activités d’appropriation (« faire avec », « faire<br />

après », « regar<strong>de</strong>r sans faire »), ce qui dénote <strong>de</strong>s possibilités <strong>de</strong> choix personnels <strong>de</strong><br />

stratégie d’apprentissage, et d’<strong>au</strong>tre part, un volume temporel important accordé à la<br />

« performation pour soi », c'est-à-dire à l’activité <strong>au</strong>tonome <strong>de</strong>s étudiants. Par ailleurs,<br />

nous avons été surpris <strong>de</strong> constater que plus le professeur était généreux dans son<br />

« faire » et dans son « dire », plus le volume temporel <strong>de</strong> l’activité <strong>au</strong>tonome <strong>de</strong>s<br />

étudiants « performation pour soi » était important. Ces trois constats relativisent


17<br />

quelque peu la vision docile et machinale que certains <strong>au</strong>teurs attribuent <strong>au</strong> type<br />

d’apprentissage en cours dans la classe technique <strong>de</strong> <strong>danse</strong>, notamment par<br />

reproduction et répétition (Lefebvre, 1998, pp. 87-88).<br />

4.1. Plusieurs logiques d’enseignement pour un même mo<strong>de</strong> pédagogique<br />

L’analyse nous a <strong>au</strong>ssi permis <strong>de</strong> repérer <strong>de</strong>s singularités dans chacune <strong>de</strong>s séquences.<br />

Nous avons pu en déduire une certaine logique d’enseignement-apprentissage<br />

particulière à chacune d’elle (figure 4). Par exemple, dans le cas <strong>de</strong> la séquence <strong>de</strong><br />

Dora, l’activité privilégiée du professeur est la présentation <strong>de</strong> la proposition<br />

accompagnée d’un registre lexical privilégiant les temps music<strong>au</strong>x et les activités<br />

privilégiées <strong>de</strong>s étudiants sont celles <strong>de</strong> l’écho-résonance (« faire avec », « faire<br />

après » et « regar<strong>de</strong>r sans faire »). La logique d’enseignement-apprentissage qui<br />

découle <strong>de</strong> cette configuration particulière d’activités correspond à une recherche <strong>de</strong><br />

clarté <strong>de</strong> la présentation <strong>de</strong> la proposition dansée <strong>de</strong> la part du professeur, ce qui va<br />

générer chez les étudiants <strong>de</strong>s activités qui vont, entre <strong>au</strong>tres, leur faciliter la<br />

mémorisation <strong>de</strong> la proposition. Dans un tout <strong>au</strong>tre registre, la logique<br />

d’enseignement-apprentissage <strong>de</strong> la séquence <strong>de</strong> Sabine fait ressortir l’abondance <strong>de</strong>s<br />

explications réactives et préventives du professeur <strong>au</strong> service <strong>de</strong> l’exercice <strong>au</strong>tonome<br />

<strong>de</strong>s étudiants (performation pour soi). Ou encore, la préférence accordée à<br />

l’observation <strong>de</strong>s étudiants dans la séquence <strong>de</strong> Quentin laisse la porte ouverte <strong>au</strong>x<br />

activités <strong>de</strong> performation pour soi et <strong>au</strong>x questions <strong>de</strong>s étudiants.<br />

<strong>Professeur</strong>s Dora Octave Quentin Sabine Thérèse<br />

préférences<br />

activités professeur<br />

Présentation<br />

Accompagner le faire<br />

par le dire +<br />

Explication<br />

En réaction +<br />

observation<br />

En réaction-Explication<br />

+ gestion <strong>de</strong> l'espace<br />

collectif<br />

Observation + gestion<br />

<strong>de</strong> l'espace collectif<br />

préférences<br />

activités étudiants<br />

Écho-résonance +<br />

Performation-<br />

Exposition<br />

Performation (pour soi<br />

+ exposition)<br />

En réaction -<br />

Performation pour soi<br />

Performation pour soi<br />

Performation-<br />

Exposition<br />

Logique<br />

d'enseignementapprentissage<br />

une clarté <strong>de</strong> la<br />

présentation du<br />

professeur pour la<br />

mémorisation <strong>de</strong> la<br />

proposition par les<br />

étudiants.<br />

un accompagnement du<br />

professeur <strong>de</strong> la<br />

performation <strong>de</strong>s<br />

étudiants<br />

une observation du<br />

professeur ouverte à<br />

l’exercice <strong>au</strong>tonome<br />

et <strong>au</strong>x questions les<br />

étudiants<br />

une explication réactive<br />

et préventive du<br />

professeur <strong>au</strong> service <strong>de</strong><br />

l’exercice <strong>au</strong>tonome <strong>de</strong>s<br />

étudiants<br />

une attitu<strong>de</strong><br />

observatrice du<br />

professeur <strong>de</strong> la<br />

performationexposition<br />

<strong>de</strong>s<br />

étudiants<br />

Types couplages Type 1 Types 5 Type 3 Type 2 Type 4, 5<br />

Lexique temps music<strong>au</strong>x verbes d'action onomatopées<br />

relation gravitaire,<br />

métaphores<br />

Figure 5 : Logiques d’enseignement-apprentissage <strong>de</strong>s cinq classes <strong>de</strong> <strong>danse</strong><br />

vocabulaire <strong>de</strong>s pas<br />

<strong>de</strong> <strong>danse</strong>, temps<br />

music<strong>au</strong>x


18<br />

Nous pouvons en déduire que la nature <strong>de</strong>s interactions peut être très diverse malgré<br />

une certaine invariance dans la nature <strong>de</strong>s activités dans lesquelles s’engagent les<br />

sujets.<br />

Nous pouvons souligner <strong>au</strong>ssi que si les activités <strong>de</strong> la configuration « typique » ne<br />

changent pas radicalement, son évolution est perceptible, notamment, à travers <strong>de</strong>ux<br />

indicateurs : la proportion temporelle accordée à l’activité <strong>de</strong> « performation pour<br />

soi » et à l’activité « en réaction » <strong>de</strong>s étudiants, en fait les <strong>de</strong>ux activités qui se<br />

situeraient plus à la marge du strict schéma « démonstration-reproduction ». C'est-àdire<br />

que nous avons constaté, <strong>de</strong> manière assez surprenante, que dans les séquences où<br />

le professeur était particulièrement généreux, notamment dans ses activités<br />

d’explication (« faire comment faire » et « dire comment faire »), la proportion<br />

d’activité <strong>au</strong>tonome <strong>de</strong>s étudiants était particulièrement importante et la<br />

communication verbale qui est traditionnellement quasiment à sens unique, du<br />

professeur vers les étudiants, évolue vers une communication plus interactive dans<br />

laquelle les étudiants ont davantage l’opportunité <strong>de</strong> prendre la parole. Il semblerait<br />

donc que la qualité <strong>de</strong> l’accompagnement verbal du professeur, quand il porte sur<br />

l’explication procédurale du mouvement favorise l’activité <strong>au</strong>tonome <strong>de</strong> l’étudiant et<br />

a tendance à faire évoluer la configuration typique traditionnelle vers une<br />

configuration où l’initiative <strong>de</strong> l’étudiant est davantage sollicitée.<br />

4.2. La communication ostensive-résonante du professeur<br />

Pour ce qui touche <strong>au</strong>x constructions <strong>de</strong> sens réalisées par les sujets, les propos<br />

recueillis dans les entretiens d’<strong>au</strong>toconfrontation nous donnent quelques indications<br />

sur les ressorts, les conditions et les limites <strong>de</strong> cette situation traditionnelle<br />

d’enseignement pour l’apprentissage <strong>de</strong>s étudiants. Un <strong>de</strong>s princip<strong>au</strong>x ressorts pour<br />

l’apprentissage rési<strong>de</strong> dans l’activité <strong>de</strong> présentation <strong>de</strong> la proposition, « faire quoi<br />

faire », du professeur, largement évoquée par les étudiants. Ils perçoivent cette<br />

présentation comme une précieuse information qui dépasse le seul aspect <strong>de</strong>scriptif<br />

pour leur donner accès <strong>au</strong> processus même du mouvement. Nous pourrions<br />

reconnaître, dans cet accès <strong>au</strong> processus du mouvement par la seule observation <strong>de</strong><br />

celui-ci, le phénomène <strong>de</strong> « résonance » décrit par les recherches sur les « neurones<br />

miroir ». En examinant toutes les verbalisations recueillies <strong>au</strong>près <strong>de</strong>s étudiants en<br />

lien avec la captation <strong>de</strong>s éléments procédur<strong>au</strong>x du mouvement, et elles sont


19<br />

nombreuses, nous pouvons remarquer le rapport étroit établi avec la compréhension<br />

du mouvement : une étudiante nous précise ce que la clarté du corps du professeur lui<br />

permet <strong>de</strong> voir en termes <strong>de</strong> « transfert <strong>de</strong> poids, d’énergie, d’oppositions <strong>de</strong><br />

direction », une <strong>au</strong>tre nous mentionne que le simple fait <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r lui permet <strong>de</strong><br />

« comprendre les chemins » que prend le professeur dans son mouvement, un <strong>au</strong>tre<br />

insiste sur le fait que c’est la démonstration dansée du professeur qui <strong>au</strong>rait été<br />

déterminante pour sa compréhension globale du mouvement, une <strong>au</strong>tre souligne le<br />

bénéfice qu’elle tire <strong>de</strong> la clarté corporelle du professeur, « j’ai juste à la regar<strong>de</strong>r et…<br />

je comprends ». D’<strong>au</strong>tres étudiants mettent en avant la qualité du mouvement perçue<br />

dans la démonstration dansée du professeur avec tout l’aspect convaincant et<br />

stimulant que cela peut avoir sur leur propre compréhension et performation du<br />

mouvement. Certains vont jusqu’à évoquer clairement un phénomène <strong>de</strong> transfert<br />

entre le corps du professeur et le leur, « le fait <strong>de</strong> voir dans le corps <strong>de</strong> quelqu’un<br />

d’<strong>au</strong>tre <strong>au</strong>ssi, ça me permet <strong>de</strong> faire 5 ». Tous ces témoignages nous incitent à<br />

transposer la notion <strong>de</strong> communication « ostensive-inférentielle » développée par<br />

Sperber et Wilson (Sperber & Wilson, 1989, pp. 80-81), notion qui caractérise la<br />

communication verbale, à la communication dansée du professeur qu’il nous semble<br />

opportun <strong>de</strong> qualifier d’ « ostensive-résonante » (<strong>Harbonnier</strong>-<strong>Topin</strong>, 2009, p.351).<br />

4.3. Mimétisme <strong>de</strong> l’étudiant et discours du professeur<br />

Par ailleurs, la nature du contenu <strong>de</strong>s récits d’intégration que les étudiants nous ont<br />

livrés nous suggère que la richesse du discours procédural du professeur<br />

accompagnant son mouvement (activité « dire comment faire ») constitue <strong>de</strong><br />

véritables occasions <strong>de</strong> co-construction qui dépassent une conception superficielle <strong>de</strong><br />

l’apprentissage par imitation. Notons <strong>au</strong> passage que la combinaison du geste et <strong>de</strong> la<br />

parole dans la communication du professeur semble avoir un impact particulièrement<br />

efficace sur le sentiment d’intégration <strong>de</strong>s étudiants : « Elle est extrêmement habile<br />

verbalement et elle arrive à le rendre dans son corps, fait que j’ai <strong>de</strong>ux moyens pour<br />

comprendre, j’ai verbalement puis j’ai juste à la regar<strong>de</strong>r… j’ai <strong>de</strong>ux portes d’entrée<br />

qui sont hyper efficaces ».<br />

5 Un rapprochement intéressant serait à faire entre ce témoignage et l’article <strong>de</strong> Jacob et Jeannerod :<br />

Jacob, P., & Jeannerod, M. (1999). Quand voir, c'est faire. Unpublished working paper. Institut <strong>de</strong>s<br />

Sciences Cognitives <strong>de</strong> Lyon


20<br />

L’importance <strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong> l’accompagnement verbal du professeur, qui représente<br />

un <strong>au</strong>tre fait saillant <strong>de</strong> cette recherche, est tout à fait congruente avec la notion <strong>de</strong><br />

« transmission matricielle » proposée par Vellet (Vellet, 2003) dans une recherche<br />

s’intéressant à la communication du chorégraphe vers ses <strong>danse</strong>urs. Par cette notion,<br />

l’<strong>au</strong>teur fait référence à un type <strong>de</strong> discours du chorégraphe qui porte sur les sources<br />

profon<strong>de</strong>s du mouvement : « La transmission matricielle contient les éléments à la<br />

source du mouvement qui conditionnent les manières d'engager et <strong>de</strong> produire le geste<br />

(et que nous avons précé<strong>de</strong>mment nommés " éléments <strong>de</strong> la profon<strong>de</strong>ur" ». (Ibid.<br />

p.215)<br />

Par contre, les propos recueillis dans la présente recherche ten<strong>de</strong>nt à contredire<br />

l’opposition que ce même <strong>au</strong>teur fait entre la « transmission matricielle » et la<br />

« transmission mimétique ». Dans le mimétisme, nous dit cet <strong>au</strong>teur, la saisie ne peut<br />

consister qu’en une « image extérieure » et l’action <strong>de</strong> reproduction s’inscrit dans un<br />

« enjeu réducteur et aliénant. » (Ibid. p. 243). Seule la transmission « matricielle »<br />

permettrait <strong>de</strong> donner accès à <strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur du mouvement.<br />

Premièrement, nous avons pu voir que la communication du professeur associe<br />

constamment le « faire » et le « dire ». La transmission n’est donc jamais que<br />

mimétique. Par ailleurs, plusieurs témoignages recueillis <strong>au</strong>près <strong>de</strong>s étudiants <strong>de</strong> notre<br />

recherche, contredisent la dimension « <strong>de</strong> surface » évoquée ci-<strong>de</strong>ssus. Pour finir, la<br />

répétition à l’i<strong>de</strong>ntique dont parle cet <strong>au</strong>teur est quelque chose qui, à notre avis,<br />

n’existe pas dans la réalité. Ce n’est pas un corps qui exécute le mouvement mais bien<br />

une personne porteuse <strong>de</strong> toute son histoire. Or, l’histoire <strong>de</strong> chacun est tellement<br />

singulière et unique qu’une reproduction à l’i<strong>de</strong>ntique est absolument impossible.<br />

Prenons par exemple le témoignage <strong>de</strong> cet étudiant qui, en plus d’associer le<br />

professeur à son processus d’appropriation, exprime clairement qu’il s’agit bel et bien<br />

finalement d’un cheminement personnel : « […] pis <strong>de</strong> le voir le faire une fois pour<br />

moi c’est comme / bon ça c’est son chemin maintenant moi j’dois trouver le mien. »<br />

Nous suggérons d’envisager plutôt une complémentarité et non une opposition entre<br />

ces <strong>de</strong>ux mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> transmission que sont le mimétisme et le discours « matriciel ». Là<br />

où le mimétisme gestuel offre un accès global, rapi<strong>de</strong> et direct <strong>au</strong> mouvement observé,<br />

une vision « syncrétique globale » diraient Vigarello et Vivès (Vigarello & Vives,<br />

1986, p. 239), le discours « matriciel », par un fonctionnement analogique, permettrait


21<br />

<strong>de</strong> favoriser <strong>de</strong>s associations entre le nouve<strong>au</strong> et le connu et d’orienter l’attention vers<br />

<strong>de</strong>s éléments particuliers pouvant s’avérer efficaces pour ai<strong>de</strong>r à la production du<br />

mouvement.<br />

4.4. La résonance, une alternative à l’imitation?<br />

Nous proposons <strong>de</strong> formuler différemment cette question du mimétisme à la lumière<br />

du phénomène <strong>de</strong> résonance avancé par les recherches sur le système miroir. La<br />

proposition dansée du professeur va rencontrer chez l’étudiant une résonance plus ou<br />

moins rapi<strong>de</strong> et aisée selon la plus ou moins gran<strong>de</strong> expérience dans le mouvement <strong>de</strong><br />

ce <strong>de</strong>rnier. Ce n’est pas tant le processus mimétique qui est en jeu que l’étendue du<br />

répertoire moteur <strong>de</strong> l’observateur. C’est un fait que cette situation traditionnelle<br />

d’enseignement bénéficie plus <strong>au</strong>x étudiants les plus expérimentés car ils sont plus<br />

rapi<strong>de</strong>s à s’approprier le mouvement par la seule observation <strong>de</strong> celui-ci. C’est<br />

probablement une <strong>de</strong>s principales limites à cette situation d’apprentissage. Les<br />

étudiants moins expérimentés peinent à mémoriser et atteignent difficilement, voire<br />

pas du tout, l’étape <strong>de</strong> la « performation-exposition ». Prenons par exemple le<br />

témoignage <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux étudiantes qui évoquent l’écart entre leur propre répertoire<br />

moteur et celui du professeur. L’une parle du temps que cela lui prend pour intégrer le<br />

mouvement du professeur à qui elle reconnaît une logique <strong>de</strong> mouvement qui ne lui<br />

est pas familière : « […] mais <strong>de</strong>s fois ça prend du temps à le sentir, parce que, c’est<br />

ça, elle a une logique qui est qui est à elle, <strong>de</strong>s fois j’ai remarqué que dans ses trajets<br />

<strong>de</strong> bras ou <strong>de</strong> mains que ça me prend un petit moment, là, […] »<br />

L’<strong>au</strong>tre se désole <strong>de</strong> ne pas arriver à voir la dynamique du mouvement du professeur.<br />

Nous émettons l’hypothèse que son expérience en <strong>danse</strong> est tellement éloignée <strong>de</strong><br />

celle du professeur que sa perception <strong>de</strong> la proposition pourrait en être altérée : « […]<br />

mais je pense que ça m’ai<strong>de</strong>rait <strong>de</strong> voir la dynamique là du mouvement, mais ce n’est<br />

pas comme ça que je le vois, j’le vois plus comme une forme… »<br />

4.5. Mimétisme et maîtrise du mouvement par l’étudiant<br />

Par ailleurs, les propos <strong>de</strong>s étudiants nous permettent <strong>de</strong> faire ressortir d’<strong>au</strong>tres limites<br />

à cette situation traditionnelle d’enseignement. Celle qui ressort <strong>de</strong> manière<br />

particulièrement importante concerne la dimension aléatoire du « faire » et le<br />

sentiment d’impuissance quant à une maîtrise immédiate <strong>de</strong> leur performation. Cela


22<br />

favorise un fort sentiment d’échec et une attitu<strong>de</strong> <strong>au</strong>to-dénigrante quant à leurs<br />

facultés d’apprentissage. Nous voyons que la crainte exprimée par Puja<strong>de</strong>-Reyn<strong>au</strong>d<br />

quant <strong>au</strong> blocage possible <strong>de</strong> l’étudiant face à la « perfection distanciatrice » (Puja<strong>de</strong>-<br />

Ren<strong>au</strong>d, 1976, p. 118) du mouvement du professeur trouve là une réalité : « […] le<br />

savoir risque d’être imaginé par l’élève comme bloqué, contenu dans le corps du<br />

professeur » (ibid. : 104) par le fait <strong>de</strong> « sa perfection distanciatrice ». Cette crainte<br />

transparaît également dans les propos d’un <strong>de</strong>s professeurs ayant participé à l’étu<strong>de</strong><br />

qui pense qu’une trop gran<strong>de</strong> implication <strong>de</strong> sa part dans sa démonstration dansée<br />

risque <strong>de</strong> provoquer, chez l’étudiant, un sentiment <strong>de</strong> trop grand décalage qui<br />

favorisera le découragement chez ce <strong>de</strong>rnier.<br />

Par ailleurs, il est intéressant <strong>de</strong> relever la réticence <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux professeurs pour un trop<br />

grand investissement dans leur présentation en « faire quoi faire » <strong>de</strong> la proposition.<br />

L’un est pris par le dilemme <strong>de</strong> démontrer avec trop ou pas assez <strong>de</strong> clarté la<br />

proposition dansée. Il pense que le fait d’être assez clair dans sa démonstration dansée<br />

favorise un mimétisme constructif <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> l’étudiant. Par contre, s’il est trop clair<br />

dans sa démonstration, il prendra trop <strong>de</strong> place et risquera d’imposer une finition du<br />

mouvement dont, <strong>de</strong> son point <strong>de</strong> vue, l’étudiant <strong>de</strong>vrait être le seul responsable.<br />

L’<strong>au</strong>tre professeur souhaite tellement que les étudiants apprennent seuls qu’il dit ne<br />

donner que le « squelette <strong>de</strong> la phrase » en espérant, inférons-nous, que ce sera <strong>de</strong> la<br />

responsabilité <strong>de</strong>s étudiants d’apporter leur part personnelle d’interprétation.<br />

Ces propos pourraient témoigner en faveur d’une intention <strong>de</strong> dévolution, du<br />

professeur à l’étudiant, du pouvoir <strong>de</strong> performation <strong>de</strong> la proposition dansée. En ayant<br />

un investissement moindre dans la présentation <strong>de</strong> la proposition, ces professeurs<br />

pensent laisser plus <strong>de</strong> place à une appropriation plus personnelle <strong>de</strong> cette proposition<br />

par l’étudiant. Il est intéressant <strong>de</strong> voir ici que cette dévolution, en situation, n’est pas<br />

envisagée par le canal verbal explicite, mais par le canal corporel, plus suggestif, avec<br />

un potentiel d’impact sur l’étudiant probablement plus fort.<br />

Mais n’est-ce pas justement reconnaître un pouvoir important à la démonstration<br />

dansée, que <strong>de</strong> la mettre en sourdine par crainte d’imposer sa propre interprétation <strong>au</strong><br />

détriment <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> l’étudiant ? N’est-ce pas également en méconnaître l’impact<br />

« résonnant », à la fois inévitable et nécessaire, pour l’apprentissage <strong>de</strong> l’étudiant ?


23<br />

Conclusion<br />

Nous n’affirmons pas qu’il faille conserver coûte que coûte, tel quel, le mo<strong>de</strong><br />

pédagogique traditionnel « démonstration-reproduction du modèle » dans la classe<br />

technique <strong>de</strong> <strong>danse</strong>. En revanche, nous proposons <strong>de</strong> ne pas ignorer l’intérêt <strong>de</strong> notre<br />

fonctionnement « résonnant » <strong>au</strong> mouvement d’<strong>au</strong>trui tout en reconsidérant les<br />

activités <strong>de</strong> l’enseignement traditionnel. Ce mo<strong>de</strong> pédagogique traditionnel <strong>de</strong><br />

transmission fait apparaître un certain nombre d’activités possibles ainsi qu’un certain<br />

type d’agencements entre elles (associations et couplages d’activités), c’est ce que<br />

nous avons i<strong>de</strong>ntifié dans cette recherche. Cela sous entend que d’<strong>au</strong>tres activités et<br />

d’<strong>au</strong>tres types d’agencements d’activités <strong>de</strong>meurent improbables. Ne pourrions-nous<br />

pas envisager que ces activités et agencements d’activités improbables <strong>de</strong>viennent<br />

possibles ? Par exemple : La proposition dansée, élément central <strong>de</strong> cette<br />

configuration d’activités, doit-elle être obligatoirement créée et démontrée par le<br />

professeur ? Doit-elle rester l’élément central organisant toutes les <strong>au</strong>tres activités ?<br />

La présentation <strong>de</strong> la proposition dansée, doit-elle forcément intervenir <strong>au</strong> début <strong>de</strong> la<br />

séquence ? Nous espérons, par cette recherche, ouvrir une porte pour la créativité du<br />

professeur <strong>de</strong> <strong>danse</strong> qui osera jouer avec ses activités, dut-il être imité !<br />

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