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<strong>Interview</strong> : <strong>George</strong> <strong>Lutz</strong> (<strong>Amityville</strong>)<br />
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Jolie petite bourgade dans l’Etat de New York, <strong>Amityville</strong> ne doit pas sa renommée qu’au charme<br />
de ses rues bien entretenues mais <strong>sur</strong>tout à une maison mondialement connue depuis la sortie au<br />
cinéma d’un film au même nom. La particularité de cette bicoque : il s’agit ni plus ni moins de la<br />
maison hantée la plus connue <strong>sur</strong> la planète. Plutôt que de laisser la parole aux protagonistes du<br />
remake sorti ce mois-ci en DVD, nous avons préféré nous adresser au mieux placé pour avoir une<br />
idée plus précise de ce qui s’est réellement passé en décembre 1974 : <strong>George</strong> <strong>Lutz</strong>, l’ancien<br />
propriétaire, incarné par James Brolin en 1979 et par Ryan Reynolds l’année dernière. Ni l’un ni<br />
l’autre n’ont donné une image très sympathique de son personnage, passant du gentil et dévoué<br />
barbu au look hippie à un possédé par les démons qui veut tuer sa famille et son chien.<br />
L’appellation « histoire vraie » au début du générique ne peut pas être plus explicite et fait passer<br />
<strong>George</strong> pour un pur cinglé donc on imagine que sa vie n’a pas dû être facile tous les jours… Cela<br />
méritait bien un coup de fil pour en savoir plus. Allô, <strong>George</strong> ?<br />
<strong>Amityville</strong>, la maison du Diable est l’adaptation d’un roman de Jay Anson qui raconte votre<br />
histoire. Comment se fait-il que vous n’en possédiez pas les droits ?<br />
C’est un peu plus complexe, je partage les droits avec Jay Anson et je n’en ai pas tout seul le<br />
contrôle. L’origine du problème vient du fait que Jay a vendu les droits d’adaptation à American<br />
International Pictures sans ma permission, j’ai été mis devant le fait accompli… Cela dit, nous<br />
avons pu avoir un certain contrôle, un droit de regard plus exactement, <strong>sur</strong> le premier film mais au<br />
final, <strong>sur</strong> les 20 millions de dollars que AIP et Jay Anson ont gagné, Kathy et moi n’avons eu que<br />
250 000 dollars pour le livre, et 160 000 dollars pour le film de Stuart Rosenberg. (1/3 est allé<br />
directement aux avocats)<br />
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D’où une certaine rancœur…<br />
Vous accepteriez cette situation sans broncher ?<br />
Sûrement pas. Comment s’est terminée votre relation avec Jay Anson ?<br />
Il est décédé en 1979 et nous n’avons appris les dessous de l’affaire concernant la vente des droits<br />
seulement après sa mort, donc nous n’avons pas eu le temps de lui demander quelques<br />
explications !
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Depuis votre départ précipité de la maison, vous n’y êtes retourné qu’une fois ?<br />
Après notre départ, il y a eu cinq enquêtes <strong>sur</strong> la maison. On parle souvent de la première,<br />
notamment dans le livre, mais pas des quatre autres qui sont arrivées à la conclusion que cet<br />
endroit n’était pas normal, qu’on ne pouvait pas y vivre tranquillement. Bizarrement, il a fallu<br />
attendre 2005 pour connaître les résultats de deux d’entre elles. J’y suis retourné un après-midi<br />
pour assister à une de ces enquêtes, avec un spécialiste du paranormal qui disait pouvoir<br />
débarrasser la maison des mauvais esprits. Il y avait un monde entre ce qu’il disait pouvoir faire et<br />
ce dont il était capable…<br />
Cette photo de Kathy et <strong>George</strong> <strong>Lutz</strong> appartient à <strong>Amityville</strong> Horror Enterprises, L.L.C., toute<br />
reproduction interdite.<br />
Aujourd’hui, vous y retourneriez ?<br />
Après ce que nous avons vécu, ni moi ni aucun membre de ma famille ne voudrait y remettre les<br />
pieds.<br />
Vous avez acheté la maison 80 000 dollars, ce qui était un bon prix en raison du sextuple<br />
meurtre un an auparavant. Combien l’avez-vous revendue ?<br />
Nous ne l’avons pas revendue. Nous l’avons quittée en janvier 1976, avons continué de<br />
rembourser les crédits jusqu’au 31 août et ensuite la banque l’a récupéré car nous voulions cesser<br />
de payer les quittances. En comptant tout ce que nous avons abandonné – les meubles, les<br />
bijoux… – et tout ce que nous avions déjà payé, j’ai calculé que la perte avoisine les 50 000<br />
dollars, au moins.<br />
Pourquoi avoir tout perdu délibérément ?<br />
Ce n’était rien à côté de la peur qui nous habitait. Nous avons voulu abandonner cette partie de<br />
notre vie et nous sommes allés à l’autre bout des États-Unis, en Californie. Au départ dans un<br />
motel, puis nous avons loué une maison.<br />
Cette photo prise dans le salon tel qu'il était lors de l'abandon de la maison appartient à <strong>Amityville</strong><br />
Horror Enterprises, L.L.C., toute reproduction interdite.<br />
Les propriétaires suivants de la fameuse maison ne se sont plaints que des touristes qui<br />
venaient spécialement à <strong>Amityville</strong> la voir. Quand j’ai appris ça, je me suis dit qu’ils auraient<br />
pu se poser la question avant de l’acheter !<br />
C’est clair. Puisque vous abordez le sujet, je précise qu’aucun d’entre eux n’a fait venir de prêtre<br />
pour la bénir, et je pense que toute la différence vient de là. Mais ils n’ont pas été en sécurité pour<br />
autant. Certains ont fait faillite, d’autres ont divorcé, un des enfants y est mort d’overdose... Pas un<br />
propriétaire n’est resté plus de dix ans.<br />
Il faut être fou pour acheter la maison hantée la plus connue du monde, non ?<br />
Je suis totalement d’accord avec vous !
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Est-ce que ça vous a traversé l’esprit d’exploiter cette maison pour des amateurs de<br />
sensations fortes, et donc d’en rester le propriétaire ?<br />
Partager cette expérience grâce à un livre nous paraissait suffisant. Bien sûr, nous savions que<br />
nous ne pourrions échapper aux critiques qui diraient que nous l’avions fait pour de l’argent, mais<br />
nous nous sommes aussi vite rendus compte que nous n’étions pas les seuls à avoir vécu des<br />
expériences paranormales et que le livre les intéresserait probablement. Il faut savoir que dans ce<br />
genre de situation, on se demande si on n’est pas cinglé, et le fait de savoir que d’autres sont<br />
passés par là, ras<strong>sur</strong>e. Alors c’est vrai que l’argent perçu grâce au livre nous a bien rendu service,<br />
mais ce n’était pas notre but principal, notamment parce que j’avais de l’argent par la vente de mon<br />
entreprise de topographie, juste avant que nous emménagions en Californie.<br />
Quand vous êtes arrivés en Californie, vos voisins savaient ce qui vous était arrivé ?<br />
Non, pas du tout. Jusqu’à ce que le livre sorte, personne ne s’est intéressé à nous.<br />
Et quand ils ont su, quelles furent leurs réactions ?<br />
(Rire.) J’ai eu droit à tout ! Le livre a eu moins d’impact dans le sens que moins on n’en montre,<br />
plus les gens peuvent se faire leur propre opinion, qui n’est pas forcément aussi grandguignolesque<br />
que le film.<br />
Grâce à Internet et votre site, on peut facilement se renseigner <strong>sur</strong> l’affaire, contrairement à<br />
l’époque. Cela vous facilite la vie ?<br />
Oui et non. J’ai quand même deux procès <strong>sur</strong> le dos avec la MGM, cela demande beaucoup de<br />
temps et d’énergie, mais mon site me procure un plaisir incommen<strong>sur</strong>able car il me permet d’être<br />
en relation avec des gens qui ont connu la même mésaventure.<br />
Vous parlez tous les jours de la Maison ?<br />
J’en ai très peu parlé pendant près de 20 ans et puis l’explosion d’Internet a tout changé, je dirais<br />
que depuis l’an 2000, j’en parle en effet tous les jours.<br />
Le site officiel de la ville mérite le détour, ils essaient de faire passer cette histoire pour de<br />
la pure fiction !<br />
(Rire.) Ils essaient de sauver les apparences en ignorant des réalités <strong>sur</strong> lesquelles les médias ne<br />
s’attardent pas. (Silence.) Pourtant, ce ne sont pas des faits banals.<br />
Qu’avez-vous pensé du remake ?<br />
Il est épouvantable ! (« It’s terrible ! ») Loin des faits réels… Je considère que c’est une insulte à<br />
ma famille et à ceux qui ont vu le film car on leur dit que c’est une histoire vraie alors que c’est<br />
faux. Ce film a été produit pour rapporter de l’argent, uniquement. Personne du Studio ne m’a<br />
jamais contacté, avant ou après le tournage. Ils ne se sont pas souciés un instant de savoir<br />
comment moi ou les membres de ma famille allaient réagir face à cette déformation totale de la<br />
réalité or, cela nous a fait beaucoup de mal. Le personnage de <strong>George</strong> <strong>Lutz</strong>, qui porte mon nom en<br />
plus, essaie tout de même de tuer sa famille. Rendez-vous compte des conséquences de telles<br />
images ?<br />
Il est clair aussi que vous ne pouvez pas porter au film un regard détaché comme celui des<br />
millions de spectateurs !<br />
Surtout avec autant d’invraisemblances ! La scène <strong>sur</strong> le toit sort de l’imagination d’un des<br />
scénaristes, je n’ai jamais essayé de tuer l’un des membres de ma famille, je n’ai pas haché mon<br />
chien, la scène avec le prêtre n’a rien à voir avec ce qui s’est passé, bref on aurait plus vite fait de<br />
dire ce qui s’est réellement passé. Nous avons en effet emménagé dans une maison un an après
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un sextuple meurtre, nous avons fait venir un prêtre pour bénir la maison, et nous l’avons quittée au<br />
bout de vingt-huit jours, épuisés par la peur.<br />
Si le film avait été plus fidèle à la réalité, aurait-il été aussi effrayant ?<br />
Beaucoup plus. Chacun d’entre nous était touché par l’aura de la maison, et on se demandait<br />
vraiment ce qu’il se passait, on se posait de plus en plus de questions, chaque bruit nous<br />
interpellait, il était impossible d’avoir l’esprit tranquille. Nous n'arrivions pas à communiquer entre<br />
nous, chacun ressentait les choses différemment.<br />
Le 17 septembre 1979, dans le numéro de People magazine, l’avocat William Weber<br />
déclarait : « Je sais que cette histoire est une supercherie. Nous avons créé cette histoire<br />
terrifiante avec quelques bouteilles de vin. » Pourquoi faire une telle déclaration à votre<br />
avis ?<br />
Parce qu’il a perdu un procès contre nous ! Il disait que c’était son histoire ! Nous nous étions<br />
rencontrés à deux reprises, à peu près deux heures chaque fois, et soi-disant toute cette<br />
supercherie se serait créée à partir de là ! La justice ne l’a évidemment pas cru. Il était l’avocat de<br />
Ronald DeFeo et ils étaient aussi liés par un contrat pour se faire ensemble de l’argent <strong>sur</strong> son<br />
histoire de meurtres. Lorsque le juge s’en est aperçu, Weber a perdu toute crédibilité aux yeux de la<br />
justice car les aspirations vénales étaient mises au grand jour.<br />
Voici une série d’affirmations fantaisistes ou non, vous allez me le dire, trouvées <strong>sur</strong> le Net.<br />
Avez-vous vu la tête de Ronald DeFeo flotter dans les airs, dans la cave ?<br />
Non.<br />
Avez-vous vu, avec votre femme Kathy, une vision démoniaque <strong>sur</strong> les briques à l'intérieur<br />
de votre cheminée ?<br />
Oui.<br />
Avez-vous vu Kathy en pleine lévitation <strong>sur</strong> votre lit ?<br />
Oui.<br />
Kathy a eu une vision d’une vieille femme décrépite en se regardant dans le miroir ?<br />
Oui.<br />
De la boue remontait à la <strong>sur</strong>face des toilettes et de la vase coulait des murs ?<br />
Non. L’eau des toilettes devenait noire en revanche. Quant à la vase, il ne s’agissait que de<br />
quelques gouttes qui traversaient le tapis, dans toutes les pièces.<br />
Avez-vous vu un cochon volant avec des yeux rougeâtres ?<br />
Non.<br />
Vous n’aimez pas parler de votre dernière nuit à <strong>Amityville</strong>. Pourquoi ?<br />
Quand on en reparle, on la revit. Je préfère la mettre de côté quelque part dans mon esprit. Le livre<br />
a aussi été écrit pour dire ce que nous voulions dire <strong>sur</strong> cette nuit-là.
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Mais vous n’avez pas tout dit ?<br />
C’est exact.<br />
Le ferez-vous un jour, même si c’est publié après votre mort ?<br />
(Rire.) J’y songe. Je ne veux pas endoctriner les gens ou leur dire de croire ci ou ça, je veux juste<br />
leur raconter ce que nous avons vraiment vécu.<br />
Est-ce que votre fille, très jeune à l’époque, se rappelle encore très bien de Jodie qui est<br />
dans le remake, le fantôme de la sœur de Ronald DeFeo ?<br />
Oui, parfaitement. Contrairement à ce que montre le remake, c’était un petit garçon qui avait le<br />
pouvoir de se transformer en cochon géant. Le prénom Jodie provient peut-être du prénom John,<br />
d’un des fils DeFeo – vous prenez les deux premières lettres et vous rajoutez De. (Di<br />
phonétiquement, Ndlr.)<br />
Vous en parlez souvent en famille ?<br />
Rarement mais ça nous arrive, quand nous en ressentons le besoin. Nous parlons plus du mal que<br />
MGM nous a fait avec le remake.<br />
Propos recueillis par Didier Verdurand.<br />
Personne de la MGM n'a souhaité répondre à notre demande d'interview.<br />
Site officiel (en anglais) de <strong>George</strong> <strong>Lutz</strong> : The <strong>Amityville</strong> Horror<br />
Kathy et <strong>George</strong> ont divorcé dans les années 80 mais sont restés très proches jusqu'à la mort de<br />
Kathy en 2004, suite à une maladie respiratoire, l'emphysème.<br />
Pour en savoir plus <strong>sur</strong> le vrai du faux dans l'affaire <strong>Amityville</strong>, cliquez <strong>sur</strong> ce lien.
<strong>Interview</strong> : <strong>George</strong> <strong>Lutz</strong> (<strong>Amityville</strong>)<br />
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Rédigé le 13/<strong>01</strong>/<strong>2006</strong> par Didier Verdurand.<br />
Déjà 3 commentaires<br />
13-<strong>01</strong>-<strong>2006</strong> digory bravo<br />
13-<strong>01</strong>-<strong>2006</strong> Boubette Le bébé de Rosemary ?<br />
13-<strong>01</strong>-<strong>2006</strong> digory scary<br />
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