Beyrouth L’archétype est habituellement installé dans un jardin privatif. Il est composé de plusieurs pièces agencées symétriquement sur trois côtés d’une grande salle centrale portant une triple arcade vitrée donnant sur un étroit balcon. C’est le salon, appelé dar. La maison <strong>au</strong>x trois arcs est un modèle constitué. Il ne peut se développer en l’état, ni en surface ni en h<strong>au</strong>teur. À l’arrière de la salle centrale se trouve une pièce caractéristique : le liwan. Celui-ci est généralement construit en saillie, pour avantager l’aération et la lumière. L’originalité de cette habitation par rapport <strong>au</strong>x modèles qui l’ont précédée est l’intégration d’une salle de bain, le hammam. La maison <strong>au</strong>x trois arcs est l’habitat type <strong>des</strong> familles bourgeoises <strong>des</strong> villes et <strong>des</strong> bourgs de la montagne de la fin du XIXe et du début du XXe siècles ottomans. Elle est appelée bayt, un terme généralement associé <strong>au</strong> nom d’un lignage urbain. Les versions monumentales sont <strong>des</strong> qasr, ou palais. La nouvelle loi ottomane du bâti a régularisé les gabarits de ce modèle qui a été adopté dans une version concise par la petite bourgeoisie, et dans <strong>des</strong> versions plus complexes par la moyenne et la h<strong>au</strong>te bourgeoisie, avec murs et plafonds décorés de peintures, et boiserie, fer forgé et vitrerie <strong>au</strong>x modules standardisés grâce à l’industrialisation <strong>des</strong> métiers. Mais l’aristocratie urbaine l’a surchargée de décorations intérieures en stuc, de colonnes, de galeries, et d'<strong>au</strong>tres décors extérieurs excentriques d’inspiration baroque, gothique ou m<strong>au</strong>resque : loggias, kiosques, tours d’angle... Les spécimens à quatre étages sont appelé harat, et ceux qui comprennent deux appartements par étage, wikalat. Certains spécimens ont par ailleurs un plan en T ou en croix : ils gardent une organisation symétrique et une distribution axiale. Les processus de transformation Les spécimens de ces typologies qui nous sont parvenus en l’état sont excessivement rares. Ils ont tous été transformés lentement, naturellement et d’une manière ou d’une <strong>au</strong>tre, selon les besoins ponctuels <strong>des</strong> habitants. On peut toutefois identifier deux grands moments de changement essentiels : la deuxième moitié du XIXe siècle, le temps <strong>des</strong> réformes ottomanes ou tanzimat ; et les décennies 1950-60, <strong>au</strong> moment de l’introduction du Mouvement moderne <strong>au</strong> <strong>Liban</strong>. Durant la première période, les maisons <strong>traditionnelles</strong> ont commencé à se transformer de l’intérieur comme de l’extérieur, pour s’adapter <strong>au</strong> nouve<strong>au</strong> mode de vie et de l’habiter : utilisation de meubles de type européen, intégration de salles à manger et de salles de bains, éclairage électrique, cellule familiale et non plus lignage patriarcal... Dans les villes, les maisons devaient encore se plier <strong>au</strong>x nouve<strong>au</strong>x règlements de l’urbanisme ottoman et s’adapter <strong>au</strong>x percées effectuées par les municipalités, elles mêmes de création récente. La maison à hall central s’est alors lentement élaborée; elle devint le modèle à la mode. Dans les cœurs historiques <strong>des</strong> agglomérations, les maisons à cour furent invariablement surélevées d’un étage <strong>au</strong> moins, et les cours souvent recouvertes pour former un salon. Ce modèle fit également son apparition dans les villages, où les types anciens furent appelés à muter tout en l’imitant. Des maisons à iwan ou de simples maisons champêtres se sont alors agrandies en surface de manière à former un hall central classique, en T ou en croix. Mais le schéma centré <strong>des</strong> habitations a perduré, répondant sans doute à <strong>des</strong> contraintes sociales encore lour<strong>des</strong>. Dans les années 1950, l’introduction du Mouvement moderne <strong>au</strong> <strong>Liban</strong> in<strong>au</strong>gure la deuxième grande période de changement. Avec ses principes de tabula rasa historique, son style international, ses nouve<strong>au</strong>x matéri<strong>au</strong>x de construction et ses mo<strong>des</strong> de transport, il fut nocif tant <strong>au</strong> plan de l’esthétique architecturale et urbaine qu’à celui de l’organisation de la maisonnée. Baakline Tous les types de <strong>demeures</strong> patrimoniales en subirent les conséquences et spécialement l’élégante maison à hall central, qui avait entre-temps évolué en la maison du mandat, son héritière <strong>au</strong>x décors Style nouve<strong>au</strong> et Art déco et <strong>au</strong>x couleurs chatoyantes. Obturation <strong>des</strong> ouvertures, ajouts d’étages sans style et divisions intérieures sans respect du cadre ancien, adjonction de garages et construction d’annexes de toutes sortes en parpaings de béton dans les espaces libres <strong>des</strong> maisons, construction d’immeubles modernes dans les jardins : <strong>au</strong>tant d’opérations qui ont fini par briser l’harmonie volumétrique <strong>des</strong> agglomérations et le paysage naturel de la montagne <strong>au</strong> <strong>Liban</strong>. L'absence de politique patrimoniale publique et de réglementation de s<strong>au</strong>vegarde de l’architecture domestique fit le reste. La menace de disparition du riche patrimoine architectural du <strong>Liban</strong> est toujours d'actualité. <strong>Typologie</strong> <strong>des</strong> <strong>demeures</strong> <strong>traditionnelles</strong> <strong>au</strong> <strong>Liban</strong> 15
<strong>Typologie</strong> <strong>des</strong> <strong>demeures</strong> <strong>traditionnelles</strong> <strong>au</strong> <strong>Liban</strong> L’abri du berger Troglodyte La tente du nomade La maison élémentaire 16