LA LETTRE de - Chantal Baudron

CHANTALBAUDRON-NEWS-mai2008 15/04/08 16:51 Page 2
Zoom métiers : La création d’un parfum : un nez ou des acteurs multiples ?
C’est lui qui a la responsabilité de ce qui est proposé au client.
Il assure le bon déroulement du travail de développement et
des interactions avec la marque. Cela permet in fine de
gagner le projet et à la société de signer une création.
Le service marketing donne les tendances du marché et
réalise/fait réaliser des études ad hoc. Il peut faire appel à des
bureaux de style pour réaliser des mises en scène sur des
thèmes qui correspondent aux attentes des consommateurs de
demain. Ces présentations servent au parfumeur et aux
marques de source d’inspiration pour créer de nouvelles
compositions, de nouvelles idées.
Entretien avec un expert
Conseil en recrutement de cadres dirigeants
En conclusion, le contexte et la façon dont les parfums sont
créés ont beaucoup évolué : hier artisan, parfois isolé, le
parfumeur se trouve maintenant au centre d’enjeux
stratégiques dépassant le cadre de la création et faisant
intervenir nombre d’interlocuteurs différents. De nouvelles
évolutions sont en train de s’opérer avec la réintégration
récente de parfumeurs au sein même des marques ou des
grands groupes du luxe. Les parfums sur mesure commencent
à retrouver une clientèle ; ces signes révèlent le besoin de
remettre le parfumeur au cœur de l’essence de son métier
qu’est la création.
Roxane de La Morandière
Entretien avec Étienne de Swardt, ESSEC 1995, 6 ans chez LVMH puis 7 dédiés
à l’entreprenariat avec le lancement du parfum Oh my Dog ! en 2000.
Il a créé État Libre d’Orange en 2006.
Présentez-nous État Libre d’Orange
État Libre d’Orange est né d’une volonté de réunir des talents
que l’industrie du parfum trop souvent cloisonnée et parfois
frileuse ne laissait pas toujours s’épanouir librement. Le
constat était simple, je connaissais, par mes expériences
antérieures, de très grands parfumeurs. Paradoxalement
l’industrie exigeait d’eux d’être plus des “exécutants de la
consensualité” que les véritables créateurs qu’ils sont et pour
lesquels ils sont reconnus par les gens du métier : ceux qui ont
connaissance de leurs créations brutes, avant que les tests
consommateurs ne les banalisent.
État Libre d’Orange c’était la possibilité pour les nez de livrer
leur art sans entrave, sans la peur des retouches artificielles et
autoritaires qui dénaturent leurs créations. Dès lors un pacte a
existé entre nous : je leur fais une confiance totale, ils osent
prendre le risque de l’authenticité et nous en assumons les
conséquences, radicales parfois. Plaire au “plus grand
nombre” anonyme et dépassionné nous effraie.
État Libre d’Orange c’est aussi capter l’air du temps parce que
j’estime qu’il faut réinscrire un peu d’immédiateté, de
contemporanéité entre l’offre et la demande, la création et sa
réception.
Notre époque est celle de l’accès, de la jouissance, tout tend
au ludique, pourquoi pas le parfum.
Nous avons ainsi souhaité, en exclusivité avec Givaudan, assumer
et afficher en toute liberté la dimension fantasmatique du parfum.
Le parfum est une force érotique sublimée, animale mais aussi très
civilisée. D’où l’idée du libertinage olfactif. Le fantasme fuit la demimesure,
nos parfums également. Nous voulions des créations qui
délient les langues et bouleversent les conventions. Les seules
contraintes que nous nous sommes imposées : excellence des
matières premières et prix public démocratique.
Toutes ces prérogatives incluaient donc au départ l’existence d’un
espace qui nous appartienne, une forme de galerie indépendante
en retrait des grands axes parisiens. Presque confidentiel. C’est
pourquoi nous avons “déniché” cette petite boutique dans le haut
marais, une boutique d’angle comme nos parfums qui exhibent
leurs aspérités. Notre adresse, 69 rue des Archives, nous semblait
parfaite, promesse d’un nouveau “faubourg” subversif et décalé.
Nous sommes au bout d’une année d’existence, présents chez
Henri Bendel à New York, chez Harvey Nichols à Londres, Holt
Renfrew au Canada, Profumo à Milan, Quartier 206 à Berlin,
Verso et Skins au Benelux… Parfumeries spécialisées comme
grands magasins nous référencent que ce soit aux États-Unis
côte est et ouest, Canada anglophone, Russie, Italie, Espagne,
Benelux ou Royaume-Uni.
Nous défendons toujours notre liberté d’expression et continuons à
proposer des formules rares et radicales, nous restons entièrement
pilotes de notre navire, encore un peu libre d’Orange !
Quel état des lieux dressez-vous du marché
des parfums dits “de niche” ? Quelle
mutation voyez-vous sur ce segment ?
Autrefois cantonnée aux parfumeries spécialisées ou aux
boutiques éponymes, la parfumerie dite de niche gagne de plus
en plus les grands réseaux de distribution : la création de stands
“parfums rares” devient même un critère de qualité et
d’affluence pour les enseignes.
La demande de nouveauté qui est une constante dans le
domaine de la mode et des cosmétiques, est associée à
l’inattendu, à l’unique. Il en est de même pour le domaine du
parfum dont le positionnement navigue selon les axes de
communication, entre accessoire de saison et basique. À l’instar
du monde de la mode, les “créateurs” parfumeurs sont prisés et
fleurissent. Pour être légitimement accueillis, ils doivent proposer
une signature très identifiée et repérable. On peut se parfumer
exclusivement créateur comme on s’habille créateur.
Les médias, gouvernés par la notion de scoop, encouragent
dans ce domaine aussi la recherche de la rareté et du
confidentiel. Toutes les marques de niche profitent à leurs débuts
de ce phénomène. Mais si toute parfumerie de niche tend à
l’institutionnalisation, ce qui s’est vu, par exemple, avec les
sublimes créations de Serge Lutens ou de Frédéric Malle, elle ne
peut y parvenir qu’à force de connaissance des exigences du
marché et des valeurs fortes de la profession, à savoir le subtil
mélange de savoir-faire traditionnel et de modernité.
Quelle est l’influence de l’émergence de ce
marché sur les critères de recrutement dans
la parfumerie ?
Par rapport à des entités assez structurées, les petites marques
de niche qui émergent dans le parfum travaillent avec des
équipes ultra réduites qui doivent faire face à tous les besoins de
la chaîne de développement, de distribution et de promotion.
Les seuls vrais talents essentiels se résument au bon sens, une
capacité de restitution rapide, un esprit ultra pragmatique et
réactif, une vision transversale arbitrant au mieux entre des
actions “pompier” et la construction sur le long terme. Et au final
savoir prendre et identifier les meilleures compétences et
s’entourer des consultants et des fournisseurs les plus pertinents
pour porter votre aventure. Aujourd’hui les meilleurs profils, en
plus de leur rôle multi-tâche sont, à mon sens, ceux capables
d’aller vite chercher l’information au profit de l’action, capables
de prendre en main toute la verticalité d’une mission. À l’heure
de “the Age of Access”, les virtuoses du web et des techniques
de recherche d’info, d’échange de données, de logiciel de
création graphique sont à la pointe des besoins de nos petites
structures, pour peu que leur maîtrise de l’anglais et leur sens
relationnel soient optimaux.
Roxane de La Morandière
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