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Projet 2010-2013 - Centre Asie du Sud-Est - CNRS

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<strong>2010</strong>-<strong>2013</strong><br />

PROJET DU CENTRE ASIE DU SUD-EST (CASE)<br />

UMR 8170<br />

Directrice : Muriel CHARRAS<br />

Directrice adjointe : Andrée FEILLARD<br />

L’ASIE DU SUD-EST


PROJET<br />

<strong>2010</strong>-13<br />

COMMUNAUTES D’ORIGINE INDIENNE ET CHINOISE DANS LE MONDE<br />

MALAIS 4<br />

La place des gens d'<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong> dans l’économie des interactions 4<br />

La diaspora chinoise : économie, langues et cultures 4<br />

ECRITURES DE SOI ET DE L’AUTRE A TRAVERS LES LITTERATURES ET LES<br />

ARTS EN RAPPORT AVEC L’INSULINDE 5<br />

Recherches en cours 5<br />

Nouvelles recherches 6<br />

SOCIETES ET TERRITOIRES EN ASIE DU SUD-EST 7<br />

Dynamiques transnationales et recompositions territoriales 7<br />

Trajectoires et territoires de l’urbain en <strong>Asie</strong>, lieux d’une autre modernité 8<br />

Observation comparée des changements sociétaux et environnementaux en aval de<br />

barrages hydroélectriques au Laos 9<br />

L’eau dans les processus de peuplement 9<br />

SAVOIRS, PRATIQUES ET REPRESENTATIONS 10<br />

Pratiques littéraires et artistiques 10<br />

Les pratiques corporelles et leur transmission 11<br />

Reconstructions sociales 12<br />

Les situations post-conflictuelles 12<br />

Après la catastrophe naturelle 13<br />

ENTRE GLOBAL ET LOCAL : LA FABRIQUE DU RELIGIEUX EN ASIE DU SUD-<br />

EST 14<br />

<strong>Projet</strong>s en partenariat européen 14<br />

Between Syncretism and Orthodoxy – Religious Dynamics in Southeast Asia 14<br />

Emerging Religions – Breaking the Historical Paradigm 15<br />

The Politics of Agama in Java and Bali 15<br />

Localisation des religions universalistes 16<br />

Religion et action rituelle 17


AUTRES RECHERCHES 18<br />

Des outils linguistiques à l’analyse terminologique 18<br />

Etude comparative <strong>du</strong> statut de l’étranger 19<br />

Comment construire l’objet sud-est asiatique 20


Thème I :<br />

Communautés d’origine indienne et chinoise dans le Monde malais<br />

Ce thème concerne les rapports entre le Monde malais et les deux grands ensembles constitués par<br />

l’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong> et la Chine, à travers l’histoire de populations originaires de ces deux ensembles qui,<br />

volontairement ou non, se sont installées dans le Monde malais. Deux grands axes seront<br />

particulièrement étudiés :<br />

- l'insertion des populations d’origine étrangère dans les divers marchés locaux.<br />

- leurs contributions au développement de la culture locale, qu’il s’agisse de la culture matérielle ou<br />

immatérielle.<br />

Deux recherches se rattacheront à cette thématique.<br />

La place des gens d'<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong> dans l’économie des interactions<br />

(mi XIIIe s.- fin XVIIe s.)<br />

Daniel Perret (Maître de conférences à l'EFEO)<br />

Cette recherche vise à examiner les divers marchés <strong>du</strong> Monde malais sur lesquels opèrent les<br />

immigrants originaires d'<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>. Cette approche économique de l'interaction, fondée<br />

principalement sur la notion de 'marché', implique l'articulation de cette dernière avec un ensemble de<br />

concepts issus de la science économique et largement utilisés depuis plusieurs décennies en<br />

sociologie, à savoir les concepts d'acteur, d'agent, d'intérêt, d'enjeu, de stratégie, de capital, de coût et<br />

de profit.<br />

Cette lecture repose sur l'idée qu'il existe une différence de potentiel entre l'<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong> et le Monde<br />

malais, laquelle permet à l'acteur d'anticiper des profits matériels ou symboliques grâce à une<br />

présence sur place ou par l'intermédiaire d'agents d'<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong> envoyés dans la région. Ces outils<br />

offrent non seulement la possibilité de pouvoir articuler clairement des éléments pertinents d'une<br />

interaction mais aussi d'en saisir les dimensions économique, politique, religieuse ou culturelle. Ainsi,<br />

l'accès à un marché donné avec ses enjeux et intérêts propres à un acteur va nécessiter la<br />

mobilisation d'un capital économique ou symbolique impliquant des coûts de même nature, la mise en<br />

place de stratégies et finalement générer des profits ou des pertes également de nature matérielle et<br />

symbolique. L'importance de chacune des dimensions varie bien sûr en fonction <strong>du</strong> marché considéré<br />

et des acteurs.<br />

Nous envisagerons quatre types de marchés où, à notre connaissance, apparaissent des gens d'<strong>Asie</strong><br />

<strong>du</strong> <strong>Sud</strong>, à savoir les marchés d'échanges de biens matériels, les marchés d'exploitation directe des<br />

ressources et de pro<strong>du</strong>ction, les marchés des services et les marchés symboliques.<br />

La diaspora chinoise : économie, langues et cultures<br />

Claudine Salmon<br />

Nous entendons orienter nos futures recherches selon deux grands axes : les échanges économiques<br />

entre la Chine et l’Insulinde en insistant plus particulièrement sur le rôle joué par les Sino-Indonésiens<br />

et, d’autre part, la contribution des gens d’origine chinoise au développement de la culture et de la<br />

langue locale.<br />

- Echanges économiques<br />

Nous voudrions étudier diachroniquement quelques pro<strong>du</strong>ctions implantées par les émigrants et qui<br />

dans le temps long ont influé sur le mode de vie de l’ensemble de la population. Il pourra aussi bien


s’agir de l’intro<strong>du</strong>ction de légumes et de techniques alimentaires – telle la fabrication <strong>du</strong> tahu (fromage<br />

de soja) qui semblerait être attestée à Java dès le Xe s., la confection de la sauce de soja (kecap), la<br />

préparation <strong>du</strong> sucre blanc à partir de la canne à sucre, l’usage <strong>du</strong> thé …, et de diverses pâtisseries et<br />

pâtes de fruits se conservant – , que de la menuiserie, de l’ébénisterie et autres artisanats.<br />

- Transferts culturels<br />

Pour le deuxième axe, nous avons l’intention d’envisager la part des tra<strong>du</strong>ctions dans le<br />

développement <strong>du</strong> savoir collectif, mais aussi de la littérature au sens large. Il nous semble<br />

particulièrement intéressant d’étudier ce mouvement de tra<strong>du</strong>ctions que l’on saisit assez bien dans les<br />

dernières décennies <strong>du</strong> XIXe s. sous l’angle linguistique. À cette époque en Insulinde, le malais<br />

n’avait pas encore été codifié et le problème des emprunts se posait de façon extrêmement urgente.<br />

Nous essayerons de voir comment les tra<strong>du</strong>cteurs ont procédé et comment ils ont résolu les<br />

problèmes causés par le décalage culturel et le fait que certains concepts et objets chinois étaient<br />

sans équivalents dans le monde insulindien. Nous examinerons les différents procédés (conscients ou<br />

non) auxquels les tra<strong>du</strong>cteurs ont recouru pour faire passer le message d’origine en malais. Afin de<br />

mieux comprendre ces phénomènes, nous regarderons parallèlement la manière dont les tra<strong>du</strong>cteurs<br />

ont procédé en Chine même et quelles règles ils ont été amenés à élaborer <strong>du</strong>rant les périodes<br />

pendant lesquelles tra<strong>du</strong>ctions et adaptations jouèrent un rôle capital dans le renouvellement <strong>du</strong><br />

savoir collectif. Pour ce faire nous examinerons diverses adaptations de textes confucéens, d’œuvres<br />

romanesques, mais aussi d’écrits religieux, en particulier les livres de prière et les fiches divinatoires.<br />

Thème II.<br />

Ecritures de soi et de l’autre à travers les littératures et les arts en rapport avec<br />

l’Insulinde<br />

(<strong>du</strong> xvii e siècle à nos jours)<br />

Responsables : Étienne Naveau et Monique Zaini-Lajoubert<br />

Les littératures et les arts en Insulinde entretiennent avec l’extérieur des rapports différents<br />

selon les époques. Les relations avec les mondes indien et arabo-persan dominent pendant la période<br />

ancienne, alors qu’à partir <strong>du</strong> XIX e siècle l’Occident se fait toujours plus présent dans l’intérêt qu’il<br />

porte à l’Insulinde comme dans l’attrait qu’il exerce sur cette région <strong>du</strong> monde. Avec le mouvement<br />

mondial de retour à l’islam dans les années 1980, l’Occident voit cependant sa position remise en<br />

question au profit d’une certaine influence arabe, qui n’apparaît pourtant pas ré<strong>du</strong>ctible à sa<br />

composante islamique majoritaire.<br />

Nous nous proposons d’étudier dans ce projet, auquel participent entre autres plusieurs<br />

doctorants, l’image de « Soi » (à savoir de l’Insulinde) et de l’étranger (l’Autre) qui se dégage de<br />

diverses formes d’écritures littéraires et artistiques. Ce sujet sera développé dans plusieurs<br />

recherches, en cours ou nouvelles.<br />

Recherches en cours<br />

Paul Wormser (doctorant) poursuivra ses recherches sur les adaptations-tra<strong>du</strong>ctions en malais<br />

d’œuvres arabo-persanes et/ou indiennes <strong>du</strong> XVII e siècle, comme le miroir des princes Bustan al-<br />

Salatin, rédigé à Aceh (Sumatra Nord) par Nuruddin ar-Raniri. Il étudiera, entre autres, l’influence de<br />

cette œuvre sur d’autres littératures de l’Indonésie (acihaise, javanaise, bugis...) et le concept d’adab<br />

(humanités) qu’elle renferme. Le concept malais d’adab sera comparé à celui présent dans l’œuvre<br />

d’Alaol (poète bengali <strong>du</strong> XVII e s.) étudié par Thibaut d'Hubert. Paul Wormser étendra ses recherches<br />

sur les sources et les variantes arabo-persanes à d’autres œuvres malaises, comme le miroir des<br />

princes Taj al-Salatin ou les histoires à tiroirs Hikayat Bayan Budiman et Hikayat Bakhtiar.<br />

Cet attrait pour le monde arabe n’est pas l’apanage de l’époque ancienne. On le retrouve dans<br />

l’Indonésie contemporaine par le biais <strong>du</strong> nombre important de tra<strong>du</strong>ctions en indonésien d’œuvres<br />

littéraires arabes contemporaines. Étienne Naveau continuera son travail sur la réception très<br />

favorable de l’œuvre de Khalil Gibran par la société indonésienne. Il comparera cette réception à celle<br />

que pourraient avoir des auteurs comme Rūmī, Tagore, Mahfuz et Adonis. Il tentera de voir s’il existe<br />

ou non en Malaisie un phénomène Khalil Gibran comme en Indonésie. Autre forme de relation qui


implique non seulement l’Occident mais encore le monde arabe, l’enseignement de la philosophie.<br />

Étienne Naveau poursuivra ses recherches dans ce domaine en examinant cet enseignement dans<br />

des institutions qu’il n’a pas encore abordées, comme les écoles coraniques (pesantren).<br />

L’Insulinde sera également considérée dans ses relations avec un monde plus proche, l’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong><br />

<strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>. Monique Zaini-Lajoubert poursuivra son projet d’ouvrage collectif sur le thème des relations<br />

familiales à travers les littératures modernes d’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>, regroupant des contributions sur les<br />

littératures birmane (Denise Bernot et Sabai Shwe Demaria), cambodgienne (Hélène Nut),<br />

indonésienne (Étienne Naveau et Savitri Scherer), laotienne (Khamphanh Pravongvienkham),<br />

malaisienne (Monique Zaini-Lajoubert), thaïlandaise (Jean Baffie et Louise Pichard-Bertaux) et<br />

vietnamienne (Cam-Thi Doan-Poisson).<br />

Une période déterminante de l’histoire contemporaine de l’Indonésie est le passage de l’ordre<br />

autoritaire <strong>du</strong> président Soeharto à la période de la démocratie depuis la crise de 1997-1998. La<br />

Malaisie n’a pas connu ces bouleversements bien que la crise économique et l’affaire Anwar Ibrahim<br />

aient suscité des remises en question et des interrogations sur le régime. Ces changements se sont<br />

répercutés sur les écritures littéraires. Monique Zaini-Lajoubert et Savitri Scherer poursuivront leur<br />

projet d’ouvrage sur la transformation des littératures en liaison avec l’évolution politique et sociale<br />

depuis la crise de 1997-1998. Étienne Naveau continuera ses recherches dans ce sens mais sur le<br />

genre réaliste de l’autobiographie. Il élargira cette étude en se penchant sur l’autobiographie en<br />

Malaisie, non seulement depuis la crise, mais aussi depuis l’indépendance de 1957.<br />

Nouvelles recherches<br />

Les nouvelles recherches concernent la littérature malaise ancienne (XVII e -XIX e ), un récit de<br />

voyage rédigé par un occidental (XIX e ) ainsi que la littérature et les arts modernes d’Insulinde (XX e ).<br />

L’édition critique de textes malais anciens est un domaine important de la recherche. Grâce à<br />

elle, des textes, généralement enfouis dans les bibliothèques, sont mis à jour et peuvent apporter de<br />

nouvelles informations utiles aussi bien aux littéraires, aux linguistes qu’aux historiens. Kitab Undang-<br />

Undang Raja Nati (1876, 105 p.) <strong>du</strong> Pangeran Syarif Sukma Wirapura ibn Almarhum Syarif Jaafar<br />

Baqiah est un recueil de trois textes relatifs au sultanat de Kutai à Kalimantan <strong>Est</strong> en Indonésie.<br />

L’édition critique <strong>du</strong> deuxième texte de ce recueil, le Bayan al-Asma’ (1809-1810, 29 p.), un « miroir<br />

des princes » d’Ab<strong>du</strong>llah bin Muhammad al-Misri, est parue en 2008 dans la deuxième édition de<br />

l’ouvrage de Monique Zaini-Lajoubert sur cet auteur. Monique Zaini-Lajoubert se propose de faire<br />

l’édition critique des deux autres textes encore inédits dont l’un (68 pages) traite des lois et des<br />

coutumes, et l’autre (4 p.), principalement des cadeaux de mariage de la famille royale de Kutai. Paul<br />

Wormser participe au projet d’édition critique <strong>du</strong> Bustan al-Salatin par Teuku Iskandar de Leyde pour<br />

ce qui est des éléments arabes et persans de ce texte, qui sera publié au Yayasan Karyawan de<br />

Kuala Lumpur.<br />

Jérôme Samuel va poursuivre l’investigation de la littérature de voyage en français sur le monde<br />

insulindien (dont l’étude fut amorcée par Denys Lombard et Pierre Labrousse) en s’attachant, pour sa<br />

part, à la relation <strong>du</strong> capitaine <strong>du</strong> génie Charles-François Tombe (Voyage aux Indes Orientales<br />

pendant les années 1802, 1803, 1804, 1805 et 1806, Paris, 1808-1811). Ce texte est écrit pendant<br />

une période intermédiaire entre la disparition de la VOC (1799) et l’arrivée à Java <strong>du</strong> Gouverneur-<br />

Général Daendels (1808). L’auteur, très mal connu, offre plusieurs descriptions des populations<br />

locales et rapporte particulièrement un trajet à l’intérieur de la partie orientale de Java (entre<br />

Banyuwangi et Gresik), alors qu'il n’existait pas encore de routes permanentes. Ce texte décrit une<br />

société aux élites administratives très métissées (Néerlandais, Allemands, Javanais, Chinois), somme<br />

toute fort bien renseignées sur leurs partenaires et que caractérise une grande curiosité envers<br />

l’autre. Jérôme Samuel va consacrer un article à son récit de voyage. Cet article paraîtra dans la<br />

revue Deshima (qui est animée par Thomas Beaufils de l’Université Marc Bloch de Strasbourg).<br />

Jérôme Samuel envisage, par ailleurs, une possible réédition, fût-elle abrégée, de ce texte initialement<br />

paru en 1811.<br />

Les projets sur les lettres et les arts modernes ont pour point commun l’importance de<br />

l’Occident dans la constitution d’une littérature et d’un art indonésiens. Dans le domaine littéraire,<br />

Étienne Naveau et Monique Zaini-Lajoubert envisagent la réalisation d’un ouvrage sur les genres<br />

littéraires indonésiens qui doivent beaucoup aux genres littéraires occidentaux. Étienne Naveau<br />

rédigera les chapitres sur la littérature personnelle et la poésie et Monique Zaini-Lajoubert ceux sur le<br />

roman et la nouvelle. Le chapitre sur le théâtre sera rédigé par Elsa Clavé (doctorante). Dans le<br />

domaine de l’art, Hélène Njoto-Feillard (doctorante) étudiera la constitution d’un art national


indonésien en rapport aux traditions régionales et aux influences internationales, tout particulièrement<br />

occidentales.<br />

Dernier projet enfin, celui de la représentation <strong>du</strong> « nu » dans les arts plastiques en Indonésie<br />

que se proposent d’entreprendre Étienne Naveau et Hélène Njoto-Feillard. Le projet s’appuie sur le<br />

livre <strong>du</strong> philosophe et sinologue François Jullien, Le Nu impossible, qui rappelle que le nu n’est ni<br />

érotique, ni pornographique, mais uniquement esthétique, et considère qu’il s’agit d’un genre<br />

purement occidental. Or, comme le montrent tant les biographies de peintres que celles <strong>du</strong> président<br />

Sukarno, le nu a eu sa vogue en Indonésie à l’époque de Sukarno, et a été pratiqué par des peintres<br />

proches de ce président, comme par exemple Basuki Ab<strong>du</strong>llah ou Lee Man Fong. Cependant, à partir<br />

des années 1980, tout particulièrement depuis les pressions exercées en faveur d’une loi antipornographique,<br />

on assiste à un recul et à un rejet, parfois virulent, de cette forme d’art. En témoigne<br />

l’attitude des musulmans fondamentalistes, pour lesquels le nu n’est qu’une simple manifestation de la<br />

pornographie apportée par un Occident naturellement dépravé.<br />

Thème III.<br />

Sociétés et territoires en <strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong><br />

Responsable: Muriel Charras<br />

Ce thème est interdisciplinaire et se développe à quatre échelles - locale, régionale, nationale et<br />

transnationale.<br />

Deux opérations de recherche sont ancrées sur des appels d’offres (ANR, PICRI-IdF) et deux<br />

opérations sont fondées sur des thématiques in<strong>du</strong>ites par des questionnements fédérateurs de la<br />

recherche en <strong>Asie</strong> <strong>Asie</strong> (http://case.cnrs.fr/spip.phprubrique8).<br />

Dynamiques transnationales et recompositions territoriales<br />

Transiter - ANR<br />

Ce programme élaboré en 2007, débute en janvier 2008 pour trois ans, et se veut résolument<br />

comparatif en considérant deux grandes régions : l’Amérique Centrale et l’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>. Les<br />

recherches sur cette dernière sont portées par le CASE et concernent treize personnes (huit<br />

chercheurs, quatre doctorants et un master). Ce programme est interdisciplinaire en ce qu’il regroupe<br />

la géographie, l’anthropologie, l’histoire, et les sciences politiques. Il est doté de 89 000 € et compte<br />

tenu de la transformation d’un CDD, peut autoriser, après négociation avec l’ANR, l’utilisation de<br />

l’essentiel de la dotation en missions lointaines afin de recueillir les données inédites par des<br />

enquêtes qui font la force et l’originalité de notre recherche.<br />

Participants : Muriel Charras (<strong>CNRS</strong>, CASE, resp.) Christian Taillard (<strong>CNRS</strong> CASE, resp. pour la<br />

partie laotienne), Manuelle Franck (INALCO-CASE), Vanina Bouté (Univ. Amiens, CASE), Marie<br />

Mellac (ADES, <strong>CNRS</strong>-Univ.Bordeaux), Nathalie Fau (SEDET, <strong>CNRS</strong>-Univ.Paris VII), Vatthana<br />

Pholsena (<strong>CNRS</strong>, IAO Lyon), Sébastien Colin (INALCO/<strong>CNRS</strong>-<strong>Centre</strong> Chine), Jean-Marc RODA<br />

(CIRAD), Danielle Tan (doctorante Science Po Paris-CERI), Elsa Lainé-Xuan (Doctorante INALCO),<br />

Elizabeth Rinino (doctorante INALCO), Eko Kurniawan (Doctorant Paris X-CASE), Elsa Favreau<br />

(Master Paris VII).<br />

Dans le contexte de la mondialisation, les territoires des <strong>Sud</strong>s sont inscrits dans des dynamiques de<br />

forte recomposition, sous l’impulsion des Etats, des grandes institutions internationales, mais aussi, et<br />

de plus en plus, sous celle des acteurs locaux ou étrangers affranchis des tutelles institutionnelles et<br />

agissant hors des cadres nationaux classiques. Le programme de recherche TRANSITER est<br />

construit autour de la question de l’évolution des territoires dans des contextes régionaux marqués par<br />

des dynamiques transnationales importantes ou en situation d’espaces transnationaux en<br />

construction.<br />

L’objectif est d’étudier les interactions entre dynamiques transnationales et recompositions<br />

territoriales, en mobilisant des outils théoriques et une grille d’analyse communs, déclinés sur des<br />

terrains spécifiques dans deux environnements régionaux : Amérique centrale et <strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>. Ils<br />

ont été retenus au regard de trois critères : en premier lieu, la pertinence d’une approche par les<br />

dynamiques transnationales et la nature de leurs manifestations territoriales; en second lieu, le choix<br />

d’environnements régionaux dont les caractéristiques géographiques et le rapport à un environnement


plus large présentent des points communs, justifiant une approche comparative; en dernier lieu, le<br />

cumul d’expériences de recherche sur chacune des deux régions permettant d’apporter une<br />

connaissance fine des conditions locales de leur mise en oeuvre.<br />

Les trois axes <strong>du</strong> programme, analysant l’impact des dynamiques transnationales sur les<br />

reconfigurations territoriales, favorisent les approches croisées dans les deux environnements<br />

régionaux retenus. Le premier axe concerne le rôle des investissements et des aménagements<br />

transnationaux dans les deux ensembles régionaux. Le deuxième met en lumière l’émergence et les<br />

modalités d’inscription de dynamiques transnationales issues des mobilités humaines, qui s’inscrivent<br />

dans des temporalités longues (migrations internationales) ou plus courtes (circulations<br />

professionnelles, mobilités touristiques, retours migratoires). Le troisième axe, complémentaire des<br />

deux précédents, porte sur les intégrations liées à ces dynamiques territoriales, sur les différenciations<br />

pro<strong>du</strong>ites aux échelles supra et infra nationales, sur leur capacité à intégrer les populations, les<br />

sociétés et les espaces, par de nouvelles dynamiques transnationales de développement.<br />

Pour ce qui est <strong>du</strong> volet <strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>, nous développons un autre niveau de comparabilité des<br />

dynamiques transnationales en les analysant le long de corridors, maritimes (détroit de Malaka) et<br />

continentaux (Région <strong>du</strong> Grand Mékong ou RGM).<br />

Sont prévus : à mi parcours une table ronde au Costa Rica et un séminaire à Vientiane avec les<br />

chercheurs de chaque région, en fin de programme à Vientiane, un colloque international. Après la<br />

remise des rapports (début 2011), les recherches seront valorisées par des publications pour chacune<br />

des aires et sur l’ensemble, portant sur l’analyse comparative.<br />

Trajectoires et territoires de l’urbain en <strong>Asie</strong>, lieux d’une autre modernité <br />

Cette opération - qui réunit régulièrement des géographes, architectes, urbanistes et historiens, des<br />

universités et des UMR de toute la France - entre dans la phase de travail sur les contributions dont la<br />

publication est prévue pour <strong>2010</strong>. Rappelons brièvement les objectifs de ce groupe de recherche sur<br />

les nouvelles organisations régionales en <strong>Asie</strong> orientale (NORAO2). La question centrale est celle de<br />

l’originalité asiatique d’une appropriation de la modernité dans un contexte de développement<br />

accéléré. Consacré aux aspects intra-urbains de la ville en <strong>Asie</strong>, le programme a mis l’accent sur les<br />

formes <strong>du</strong> bâti et les structures urbaines, plus encore que sur les acteurs et les pratiques de la ville. Il<br />

ne s’agit plus tant de voir en quoi les villes asiatiques sont pro<strong>du</strong>ctrices de modèles alternatifs de la<br />

modernité occidentale, mais plutôt comment ces recompositions urbaines sont inscrites dans des<br />

trajectoires historiques fortes. L’appel à contributions est articulé en quatre volets:<br />

- La question des emprunts<br />

- Les mutations des trames originelles et aménagement<br />

- Les espaces publics dans les recompositions <strong>du</strong> tissu social<br />

- Les modèles de l’habiter<br />

Cette trame d’analyse va s’enrichir d’une prise en compte des différents niveaux de développement et<br />

des différents poids démographiques des villes en présence. Les questions sur la nature dans la ville,<br />

la primauté <strong>du</strong> collectif dans les sociétés asiatiques, les pratiques urbaines, les acteurs et les rivalités<br />

urbaines méritent d’être creusées. Enfin, une réflexion sur le statut de la modernité et <strong>du</strong> patrimoine<br />

en <strong>Asie</strong> face non seulement à l’Occident mais aussi aux autres pays <strong>du</strong> <strong>Sud</strong> pourrait être menée.<br />

L’opération, coordonnée par Manuelle Franck (INALCO/CASE) et Thierry Sanjuan (Paris I/PRODIG),<br />

fonctionne comme pôle fédérateur pour les études urbaines en <strong>Asie</strong> en regroupant une trentaine de<br />

chercheurs et enseignants-chercheurs de toute la France (les frais de transport sont pris en charge<br />

par le CASE-LASEMA et PRODIG).<br />

Parmi les participants, les statutaires ou associés au CASE : Ch. Taillard, M. Charras, F. Durand, H.<br />

Feillard, P.-Y. Manguin, A. Guillou, Marie Mellac, Nathalie Fau, Karine Peyronnie, Charles Goldblum,<br />

Fanny Quertamp, Nathalie Lancret.


Observation comparée des changements sociétaux et environnementaux en aval de<br />

barrages hydroélectriques au Laos<br />

ayant fait ou devant faire l’objet d’aménagements hydroélectriques, Nam Hinboun et Nam Lik (2008–<br />

2011)<br />

Dans le cadre de l’appel d’offre Partenariat Institutions-Citoyens pour la Recherche et l’Innovation<br />

(PICRI) de la région Ile de France, le laboratoire Systèmes agraires et développement rural<br />

d’AgroParisTech (l’ancien INAPG), le Comité de coopération avec le Laos (CCL) et l’Université<br />

nationale <strong>du</strong> Laos (UNL) ont proposé cette étude. La recherche pluridisciplinaire présentée, <strong>du</strong> côté<br />

français, par trois spécialistes <strong>du</strong> Laos membres fondateurs <strong>du</strong> CCL : Marc Dufumier, agronome et<br />

professeur à l’INAPG, Yves Goudineau, ethnologue et président <strong>du</strong> comité scientifique de l’EFEO, et<br />

Christian Taillard, géographe, directeur de recherche émérite au CASE, a été retenue.<br />

Dans un contexte où les grands barrages font l’objet d’une remise en cause à l’échelle mondiale, une<br />

recherche partagée, tant pour l’analyse et l’interprétation de leurs effets que pour la formulation de<br />

recommandations, indépendamment des autorités de tutelle de ces grands projets, s’impose. Le<br />

projet proposé vise donc à mettre en oeuvre un suivi-évaluation des transformations des systèmes<br />

villageois de berges pour une <strong>du</strong>rée de trois années, prolongeant les premières recherches effectuées<br />

par les partenaires lao.<br />

Construction d’un système d’observation pluridisciplinaire et multi-échelles. L’analyse des situations et<br />

l’interprétation des résultats mobiliseront une approche systémique dans la <strong>du</strong>rée, fondée<br />

principalement sur trois disciplines : l’agroéconomie, la géographie et l’ethnologie, de manière à<br />

rendre compte de la complexité des transformations des systèmes d’activités villageois. Cette<br />

approche combinera une analyse globale des systèmes de berge et d’arrière-berge en aval des<br />

barrages, et des analyses localisées de systèmes villageois différenciés. Cette méthode permettra<br />

des allers et retours entre analyses, con<strong>du</strong>ites à différentes échelles spatiales et temporelles, tout au<br />

long de la recherche.<br />

Formation par la recherche et valorisation. Pour ce faire, le principe de binômes franco-lao sera<br />

institué tant pour la codirection <strong>du</strong> programme, que pour la mise en œuvre de la pluridisciplinarité par<br />

les enseignants-chercheurs, doctorants et étudiants de l’Université Nationale <strong>du</strong> Laos comme de la<br />

région Ile de France.<br />

L’eau dans les processus de peuplement<br />

L’objectif principal <strong>du</strong> groupe de recherche processus de peuplement est de répondre, avec les outils<br />

de différentes disciplines, à une série de questions sur la nature de l’organisation de l’espace dans un<br />

écosystème tropical et dans un contexte géo-historique particulier. On examinera les relations entre<br />

diversité écologique, spécialisations économiques et modèles d’interactions socioculturelles en milieu<br />

tropical, ainsi que le rôle <strong>du</strong> commerce à longue distance avec les sociétés étatiques de l’<strong>Asie</strong> (Inde,<br />

Chine, Monde arabo-persan, principalement) dans le développement des systèmes socio-politiques<br />

de l’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong> depuis l’ère chrétienne. Une recherche sur le long terme, aux multiples facettes,<br />

dans une approche régionale systématique associant les études détaillées et localisées de<br />

l’archéologie et de l’ethno-histoire, à des études sur l’environnement géographique et historique,<br />

jouant sur des échelles diverses, <strong>du</strong> local à la grande région.<br />

Après une première exploration sur les caractères fonctionnels des espaces que nous étudions, nous<br />

avons retenu le rôle de l’eau dans les processus de peuplement. L’eau peut-être considérée comme<br />

fondatrice de cette région <strong>du</strong> monde. La mer est omniprésente, bien que, jusque dans les années<br />

1980, l’accent ait été mis par la communauté scientifique sur l’intérieur, la terre, faisant peu cas <strong>du</strong><br />

rôle de la mer et donc des côtes (si ce n’est au travers de l’étude des échanges maritimes). Mais,<br />

dans cette région traversée par l’équateur (pour sa partie insulaire) et située en aval <strong>du</strong> grand château<br />

d’eau de l’<strong>Asie</strong> (pour sa partie continentale), on doit noter aussi l’importance des cours d’eau et des<br />

lacs dans le processus d’occupation de l’espace (et en particulier dans les représentations qu’en<br />

pro<strong>du</strong>isent les sociétés locales comme dans leurs comportements) ; on doit aussi insister sur<br />

l’importance de la gestion de l’eau dans l’évolution de l’agriculture et l'encadrement des populations.<br />

Depuis les années 1980, les données de la préhistoire et de l’archéologie des périodes<br />

protohistorique et historique se sont considérablement enrichies et les interprétations ont été<br />

repensées. P. Boomgaard vient de publier un premier ouvrage sur le monde de l’eau (A World of


Water, ed., 2008), ouvrage stimulant, mais qui reste incomplet face aux multiples facettes de la<br />

question. Les membres <strong>du</strong> groupe (qui compte archéologues, historiens, géographes et ethnologues)<br />

ont vu dans l’analyse <strong>du</strong> rôle de l’eau dans les processus de peuplement une thématique riche par<br />

laquelle ils peuvent interroger leurs études de cas, avec leurs propres outils méthodologiques.<br />

Ainsi, provisoirement, ont pu être inventoriés :<br />

– le rôle des canaux de l’ancien Funan dans le delta <strong>du</strong> Mekong : E. Bourdonneau (EFEO) et P.-Y.<br />

Manguin (EFEO-CASE)<br />

– un groupe conséquent pourrait se consacrer à l’analyse des effets structurants des fleuves : D.<br />

Perret (EFEO-CASE) dans l’occupation de l’espace <strong>du</strong> site de Padang Lawas, Sumatra Nord ;<br />

Bernard Sellato (<strong>CNRS</strong>-IRSEA) ethno-historien sur les migrations le long des cours d’eau des<br />

populations de Bornéo ; M. Charras (<strong>CNRS</strong>-CASE) et P.-Y. Manguin (EFEO-CASE) sur le bassin de<br />

la Musi comme élément de l’organisation et <strong>du</strong> contrôle de l’espace, avec une réflexion sur le modèle<br />

dendritique proposé par Bronson (1993); E. Berliet (post-doc au CASE) sur les vallées irriguées <strong>du</strong><br />

Pays Shan en Birmanie ; Marion Sabrié (doctorante géographe) sur le fleuve Irrawaddy et son delta;<br />

A.-V. Schweyer, T. Nguyen et F. Chebaut sur l’organisation de l’espace en système de vallées <strong>du</strong><br />

Champa à des périodes et avec des outils différents (épigraphie, géographie et histoire sociale).<br />

– L’eau dans la ville avec par exemple la reconstitution des paysages anciens à Palembang, grande<br />

ville malaise ripuaire s’il en fut, en se fondant sur les données archéologiques (7 e -17 e siècle), la<br />

cartographie européenne et la télédétection, par P.-Y. Manguin.<br />

– Les perceptions et les pratiques, la phobie de la mer des Vietnamiens, étudiée par Nelly Krowolski à<br />

partir des métiers, de la littérature, des habitudes alimentaires, seront contrastées avec une étude sur<br />

le tropisme ripuaire dans le Monde Malais.<br />

Ce premier inventaire des ressources va nous permettre d’élaborer ensemble une problématique plus<br />

fine et de lancer un appel d’offre pour un atelier au septième Congrès de l’Euroseas en <strong>2010</strong> de<br />

façon à associer des chercheurs d’autres institutions en France et en Europe.<br />

Thème IV.<br />

Savoirs, pratiques et représentations<br />

Responsables : Hélène Bouvier, Anne Y. Guillou<br />

Les aléas de la condition humaine nourrissent une bonne part de ce thème, qu’ils touchent l’indivi<strong>du</strong><br />

ou le groupe constitué, qu’ils se manifestent matériellement (dans les corps ou l’environnement<br />

physique) ou immatériellement (dans l’expression des sentiments et des émotions, les mémoires, les<br />

narrations). Trois opérations de recherche principales les abordent de manière pluridisciplinaire à<br />

travers les domaines privilégiés de l’é<strong>du</strong>cation, de la santé, et de l’expression esthétique. Le contexte<br />

social ou politique constitue également un paramètre essentiel pour la compréhension de ce<br />

continuum « savoirs, pratiques et représentations ». Enfin, que l’on s’attache plus particulièrement aux<br />

processus traditionnels ou à l’actualité, la prise en compte de la dimension temporelle (chronologie,<br />

souvenir, <strong>du</strong>rée, oubli, transmission…) est une constante dans chacune de ces recherches.<br />

Pratiques littéraires et artistiques<br />

Responsable : Hélène Bouvier<br />

Membres CASE: Véronique Arnaud, Josiane Cauquelin, Jeannine Koubi, Nelly Krowolski, Dana<br />

Rappoport, Nguyên Tùng<br />

Le groupe de travail initial se modifie (retrait de Gilbert Hamonic) et sollicitera de nouvelles<br />

contributions (dont celle de Dana Rappoport). Tout en continuant d’approfondir l’analyse de nos<br />

données, nous nous intéresserons particulièrement au vocabulaire <strong>du</strong> pathétique. Il sera exploré dans<br />

différentes langues vernaculaires et replacé dans celui, plus général, des émotions. Après le premier<br />

« tour » d’analyse de nos matériaux respectifs réalisé entre 2007 et 2009, nous nous attacherons à<br />

resserrer encore la problématique commune avant de nous acheminer vers une publication collective<br />

qui pourrait prendre la forme d’une anthologie <strong>du</strong> pathétique à partir des divers corpus ainsi réunis.<br />

D’ores et déjà, les participants orientent leurs contributions comme suit :<br />

Véronique Arnaud : « Les chants responsoriaux Yami ou comment dire le malheur sans pathétique » :<br />

Ces chants responsoriaux sont en relation avec l’environnement naturel et la vie sociale et matérielle.


Ils rappellent les conditions naturelles terribles (cataclysmes, sources taries, famines) et les épreuves<br />

de la vie qui touchent particulièrement les plus vulnérables (les enfants, et tous ceux qui sont<br />

maltraités, abusés ou trompés). Pourtant ce caractère tragique est livré à l’audience sans expression<br />

manifeste de la douleur. La forme et le contenu de ce répertoire seront analysés afin de montrer selon<br />

quelle esthétique ce message sur les dangers et les malheurs de la vie humaine est transmis.<br />

Hélène Bouvier : « Le pathétique dans le théâtre populaire madourais » : Ce théâtre inclut le<br />

pathétique de manière structurelle dans ses registres émotionnels de base. La douleur issue de la<br />

cruauté ou de l’injustice est exprimée parallèlement d’une part, à la sé<strong>du</strong>ction et au sentiment<br />

amoureux, et d’autre part, au comique. Les moyens utilisés par le scénariste, les acteurs et les<br />

musiciens témoignent également d’une recherche systématique d’empathie auprès <strong>du</strong> public. L’atonie<br />

(ithos, par opposition au pathos) fait également partie de la typologie de référence. Le fonctionnement<br />

et la place <strong>du</strong> pathétique seront donc étudiés au sein de ce système. L’analyse s’appuie sur un corpus<br />

de plusieurs dizaines de représentations enregistrées, l’utilisation d’une « partition » d’un spectacle de<br />

loddrok, et la typologie des émotions mise en oeuvre.<br />

Josiane Cauquelin : « La mise en jeu des émotions par les chamanes dans les chants sacrés<br />

Puyuma : le pathétique y a-t-il une place » : Les textes rituels Puyuma sont chantés et joués par les<br />

chamanes. L’étude des segments d'une invocation, des objets qui participent à la mise en scène, et<br />

de la langue rituelle utilisée mettent en lumière un travail esthétique à plusieurs niveaux. De plus, les<br />

différences d’interprétation prouvent l’importance centrale, tant rituelle qu’artistique, <strong>du</strong> personnage de<br />

la chamane. L’analyse révèle les registres émotionnels sollicités et l’expression des épreuves<br />

supportées par la chamane et jouées pour son public.<br />

Jeannine Koubi : « Le pathétique dans les narrations Toradja » : L’étude des narrations révèle<br />

plusieurs grands thèmes qui émeuvent, mais comment exprimer ses émotions dans un contexte qui<br />

enjoint leur contrôle Toute une palette d’émotions, dont le pathétique, sont pourtant évoquées par<br />

les conteurs, qui font passer aisément les protagonistes des larmes au sourire. Les sentiments<br />

d’amour, de haine, de peur, de honte ou de colère émeuvent, mais dans les narrations, les thèmes qui<br />

relèvent <strong>du</strong> pathétique sont souvent en rapport avec la mort, et les pleurs <strong>du</strong> héros, ou de son<br />

entourage naturel et humain, en constituent le principal marqueur. Des procédés formels spécifiques<br />

sont mis en œuvre et signalent cet état particulier (notamment le vocabulaire, la syntaxe, la répartition<br />

entre parties chantées et récitées).<br />

Nelly Krowolski et Nguyen Tung : « Le pathétique dans les ca dao (chansons populaires<br />

vietnamiennes) » : Il s’agit de poèmes anonymes, cantilés ou chantés de différentes manières.<br />

Souvent très courts, ils comportent quelques paires de vers de 6 et 8 pieds. Le dépouillement de<br />

plusieurs recueils de cette littérature nous a permis de relever une cinquantaine de textes pouvant<br />

relever <strong>du</strong> registre <strong>du</strong> pathétique. La plupart concernent le « deuxième sexe ». Ils expriment la douleur<br />

des jeunes filles engendrée par la passion amoureuse ou par la séparation d’avec leur bien aimé.<br />

Pour les femmes mariées, le thème de la séparation est aussi important que celui <strong>du</strong> mauvais mari ou<br />

encore <strong>du</strong> malheur de la seconde épouse dans le mariage polygame.<br />

Dana Rappoport : « L’expression artistique <strong>du</strong> mythe sacrificiel de l’origine <strong>du</strong> riz à l’est de Flores :<br />

aux limites de la tristesse et <strong>du</strong> pathétique » : Quatre fois par an, le chant et la danse content de<br />

manière dramatique la mise à mort d’une jeune sœur, dont le corps sera transformé en riz et autres<br />

végétaux. Ce drame est un des moteurs <strong>du</strong> lyrisme de la plupart des chants de la pointe de Flores.<br />

Les formes d’expression de ce mythe mettent en jeu différents types d’émotions, dont la tristesse liée<br />

à la séparation et à la fuite <strong>du</strong> temps. L’approche ethnomusicologique déterminera si le pathétique fait<br />

partie des choix esthétiques pour l’expression artistique de ce mythe.<br />

Les pratiques corporelles et leur transmission<br />

Responsable : Anne Y. Guillou<br />

Membres CASE: J.M. de Grave, A. Guénel<br />

Participants extérieurs : F. Keck (CR-<strong>CNRS</strong>, UMR8178) et S. Klingberg (INSERM UMR8156)<br />

Les travaux sur les pratiques corporelles considéreront le corps dans toutes ses dimensions sociales,<br />

avec comme ambition finale de redéfinir les frontières <strong>du</strong> corps dans les sociétés d’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>, à<br />

partir de l’étude d’un ensemble de savoirs et de pratiques liés aux soins <strong>du</strong> corps sain ou malade et<br />

de sa transmission. La Conférence de <strong>Centre</strong> CASE à l’EHESS, lancée en 2007, fournit un espace de


éflexion commune sur ce thème. Trois réflexions complémentaires seront menées. La première porte<br />

sur la per<strong>du</strong>ration des modes traditionnels d’apprentissage et d’é<strong>du</strong>cation, en particulier les<br />

techniques et modes de transmission des arts martiaux, de la danse et <strong>du</strong> théâtre (Jean-Marc de<br />

Grave). La seconde prend comme cadre théorique les récents travaux mondiaux en anthropologie de<br />

la maladie, débouchant sur la perspective plus large <strong>du</strong> « corps en société », et traitant des questions<br />

de l’incorporation des phénomènes sociaux (embodiment), de la « souffrance sociale » (social<br />

suffering) ou de l’ « expérience ». C’est dans ce cadre que seront traités des matériaux de terrain sudest<br />

asiatiques relatifs à des pathologies comme le sida (A.Y. Guillou).<br />

Enfin, une troisième approche s’intéresse plus particulièrement aux relations complexes entre corps,<br />

maladie et environnement. Migrations, guerres, urbanisation, accélération des échanges commerciaux<br />

sont parmi les facteurs qui ont profondément modifié l’environnement en <strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong> depuis le<br />

siècle dernier. Il s’agit d’étudier dans différents contextes historiques et en s’appuyant sur des<br />

exemples spécifiques (paludisme à l’époque coloniale, grippe aviaire aujourd’hui) les enjeux<br />

économiques, sociaux et politiques qui interviennent dans la pro<strong>du</strong>ction et la circulation des savoirs<br />

concernant santé et environnement. L’analyse doit aussi porter non seulement sur les dispositifs de<br />

prévention mis en œuvre, mais aussi sur les résistances et/ou adaptations à ces dispositifs<br />

(« campagnes d’hygiène » par exemple) ainsi que sur les impacts socio-économiques qui en<br />

résultent. Ce programme auquel participe A. Guénel est mené en collaboration avec des membres<br />

d’autres équipes françaises et étrangère : Frédéric Keck (CR-<strong>CNRS</strong>, UMR8178) et Sylvia Klingberg<br />

(INSERM UMR8156) pour le projet sur la grippe aviaire. Ce projet intitulé « Les hommes malades des<br />

animaux. Anthropologie de la grippe aviaire » a reçu une subvention de la Fondation Fyssen.<br />

Reconstructions sociales<br />

Responsables : Hélène Bouvier, Anne Guillou<br />

Membres CASE: Glenn Smith, Bénédicte Brac de la Perrière<br />

Membres associés CASE : S. Vignato, C. Chauvet<br />

Participants extérieurs : M. Alcano (doctorant, Univ. de Milan-Bicocca), G. Clavandier (Univ. St<br />

Etienne, Modys), J. Roux (Modys), Lucia-Ratih Kusumadewi (doctorante, EHESS), Yulia Sugandi<br />

(doctorante, Université de Münster)<br />

L’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong> a connu des périodes de destruction physique, environnementale et sociale liées<br />

aux conflits armés ou aux catastrophes naturelles. La réflexion entreprise consiste à observer<br />

comment les sociétés de l’aire culturelle apportent des réponses collectives destinées à surmonter et<br />

réparer ces destructions massives, notamment dans le domaine des arts et des rituels (expressions<br />

artistiques, mises en mémoires à différentes échelles, construction sociale des victimes…).<br />

Les situations post-conflictuelles<br />

Un nouveau terrain d’H. Bouvier débute en juillet 2008 et porte sur Les arts au service de la<br />

socialisation <strong>du</strong> processus de paix en Aceh, Indonésie. Il s’agit d’analyser comment les artistes et<br />

leurs pro<strong>du</strong>ctions sont mis à contribution dans une situation post-conflictuelle, l’accord de paix datant<br />

seulement de 2005. Plusieurs domaines, tels le théâtre, le chant et la poésie, sont investis dans cette<br />

entreprise multiforme.<br />

Le site web www.conflictrecovery.org consacré aux situations post-conflits en Indonésie, continuera<br />

d’être maintenu et alimenté par G. Smith. En dehors de son rôle scientifique, ce réseau permet<br />

d’entretenir des échanges actifs au sein de la communauté des chercheurs, étudiants et acteurs dans<br />

le domaine des études sur les conflits.<br />

* Le CASE a répon<strong>du</strong> en janvier 2008 à l’appel à projets ANR en soumettant le thème : « Des<br />

'résiliences' sociales après la catastrophe Traitement rituel, mémoriel et politique de la<br />

reconstruction » (en partenariat avec le MODYS), regroupant cinq chercheurs (dont trois <strong>du</strong> CASE) et<br />

deux doctorants.<br />

Le projet s'intéresse aux catastrophes, tant naturelles que technologiques et humaines. Nous incluons<br />

sous ce terme un certain nombre d'événements violents, porteurs de destruction environnementale,<br />

sociale et indivi<strong>du</strong>elle, ainsi que de souffrances mentales, physiques et sociales. Nous nous


intéresserons à la façon dont les sociétés, à différentes échelles et dans différents domaines, vivent<br />

ces catastrophes, leur donnent sens et, surtout, tentent de les surmonter. Le projet s’intéressera a un<br />

aspect méconnu des catastrophes : celui de la réparation sociale qu'elles entraînent, dans toutes ses<br />

dimensions, rituelles, psychologiques, mémorielles, politiques, économiques ; et cela, à différentes<br />

échelles d'observation, <strong>du</strong> microsocial au macrosocial. Nous postulons en effet que chaque société<br />

instaure, au-delà et en-deça des appareils publics ou internationaux humanitaires, des dispositifs<br />

collectifs visant à surmonter les traumatismes résultant de ces catastrophes. Le projet explorera la<br />

notion de « résilience sociale » de façon à la fois empirique et comparatiste, en se basant sur des<br />

enquêtes de terrain dans trois sociétés d’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong> qui ont été très violemment frappées ces<br />

dernières décennies : le Cambodge (génocide khmer rouge), le Viêt Nam (épandage de l’Agent<br />

orange pendant la guerre <strong>du</strong> Viêt Nam) et l’Indonésie (le tsunami). Le projet entamera sur cette base<br />

un dialogue scientifique, pluridisciplinaire, impliquant sociologues, anthropologues asianistes et<br />

psychologues. Le dialogue devra aboutir à la mise au point d’un concept opérationnel, provisoirement<br />

appelé « résilience sociale ». (Voir le détail de ce groupe de travail sur<br />

http://case.cnrs.fr/spip.phprubrique40)<br />

Quoi qu’il en soit de la réponse de l’ANR, différents terrains ont déjà été ouverts par les chercheurs <strong>du</strong><br />

CASE impliqués dans le projet. A.Y. Guillou a commencé en 2007 un nouveau programme de<br />

recherche intitulé "Ruptures sociales et construction des mémoires au Cambodge". Trois approches<br />

complémentaires sont retenues :<br />

- L’enquête ethnographique dans un village de l’Ouest <strong>du</strong> Cambodge. Le travail consiste à recueillir<br />

tous les éléments permettant de comprendre comment le génocide khmer rouge est traité, trente ans<br />

après, au niveau villageois (un niveau très largement occulté par les recherches mondiales sur le<br />

régime khmer rouge) en adoptant une logique de lieux et non une logique biographique. La mission de<br />

2007 a notamment permis de mettre en évidence l’importance des arbres et des pierres dans l’univers<br />

religieux khmer, réputé bouddhiste, et son rôle dans le traitement villageois <strong>du</strong> génocide.<br />

A un second niveau, l’enquête ethnographique est menée autour des charniers des victimes des<br />

Khmers rouges, très nombreux dans la zone étudiée.<br />

Enfin, au niveau national et international, l’enquête mène à l’observation de la Chambre Extraordinaire<br />

au Sein des Tribunaux Cambodgiens, jugeant les principaux responsables <strong>du</strong> régime khmer rouge.<br />

S. Vignato a quant à elle entamé un nouveau terrain en 2008, s’intéressant aux figures de la<br />

vulnérabilité contemporaine après le tsunami, en particulier à l’évolution de la gestion locale et<br />

internationale des solitudes traumatiques engendrées par le tsunami à Aceh et Sumatra-Nord et en<br />

Malaisie (Perlis, Penang).<br />

Après la catastrophe naturelle<br />

Le 2 mai 2008, la partie méridionale <strong>du</strong> delta de l’Irrawaddy était balayée par le cyclone Nargis et le<br />

raz-de-marée qui s’ensuivit. Le désastre en termes de pertes humaines et de destruction est intervenu<br />

dans un contexte socio-politique particulièrement critique. En effet, la crise politique latente qui<br />

paralyse la société birmane depuis des années s’est cristallisée en septembre 2007, après qu’une<br />

hausse brutale <strong>du</strong> prix des carburants ait encore aggravé la situation économique de la population,<br />

dans une vague de manifestations inédites, celles des moines de l’ordre bouddhique, donnant corps<br />

au rejet latent mais très général <strong>du</strong> régime militaire en place depuis les événements de 1988.<br />

Bénédicte Brac de la Perrière analysera certains aspects de la gestion de la catastrophe naturelle, la<br />

négligence apparente des autorités birmanes prises dans la tenue <strong>du</strong> référen<strong>du</strong>m constitutionnel, la<br />

mise en place des différents intervenants, la politisation de l’aide humanitaire, la mobilisation de la<br />

population civile. Elle montrera que, dans ce contexte, Nargis intervient pour les Birmans comme un<br />

écho de la crise de septembre 2007, révélateur des fractures qui divisent la société birmane. Un<br />

article est prévu dans un projet de numéro spécial de Terrain autour <strong>du</strong> thème « Catastrophe et<br />

politique ».


Thème V<br />

Entre global et local : la fabrique <strong>du</strong> religieux en <strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong><br />

Responsables: Bénédicte Brac de la Perrière, Andrée Feillard et Michel Picard<br />

Autres membres : Véronique Arnaud, Cécile Barraud, Catherine Basset, Josiane Cauquelin, Hélène<br />

Feillard, Yves Goudineau, Jean-Marc de Grave, André Iteanu, Jeannine Koubi, Héloïse Lecointre de<br />

Winter, Elisabeth Luquin, Rémy Madinier, Alexandra de Mersan, Jean-François Meuriot, Etienne<br />

Naveau, François Raillon, Dana Rappoport, Jérôme Samuel, Anne-Valérie Schweyer.<br />

Dans la ligne des travaux collectifs réalisés par le CASE à partir de 2006 sur la normalisation <strong>du</strong><br />

religieux en <strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-est (cf. Bilan, « Thème commun »), et après une première phase de<br />

réflexion, de mise au point des concepts et d’ajustement des démarches, le thème de la religion<br />

devient l’un des points forts des recherches de notre <strong>Centre</strong>.<br />

L’adoption de religions universalistes constitue une dimension fondamentale de la formation<br />

des sociétés de l’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>. Elle s’est faite à travers des processus complexes et toujours actifs<br />

de localisation d’influences culturelles exogènes. Par ces processus que l’on peut qualifier de<br />

dialogiques, le domaine <strong>du</strong> religieux se constitue en tant que modalité de l’universel, de la modernité,<br />

de la raison, des identités nationales, en se différenciant <strong>du</strong> local, de la tradition, <strong>du</strong> rituel, de<br />

l’ethnique, des superstitions…, de manière spécifique en fonction des religions (islam, bouddhisme,<br />

christianisme, hindouisme) et des contextes particuliers.<br />

Nos recherches concernent donc la spécificité de ces processus et leur comparaison. Elles<br />

portent plus précisément sur les implications – passées et présentes – de l’appropriation, plus ou<br />

moins voulue ou imposée, de l’idée de « religion » dans les divers pays d’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>. L’irruption<br />

puis l’enracinement des religions universalistes a été à l’origine de mutations profondes, culturelles et<br />

politiques. L’obligation de plus en plus pressante de se rattacher à une orthodoxie religieuse à<br />

prétention universaliste a entraîné la ré<strong>du</strong>ction accélérée des espaces interstitiels au sein desquels<br />

prospéraient des systèmes de croyances à portée locale, les frontières confessionnelles devenant dès<br />

lors de plus en plus marquées. Il nous paraît essentiel pour une compréhension de l’histoire sociale<br />

régionale de trouver les termes pertinents d’un comparatisme entre ces différentes dynamiques<br />

d’appropriation <strong>du</strong> « religieux », en contrastant notamment les effets de rationalisation et de<br />

sécularisation respectifs des religions sémitiques et des religions asiatiques.<br />

Outre la réflexion collective qui sera poursuivie dans le cadre de séminaires de recherche et la<br />

publication des travaux déjà accomplis dans le cadre de ce thème (cf. The Politics of Agama in Java<br />

and Bali), la recherche se structure autour de deux projets en partenariat européen : Between<br />

Syncretism and Orthodoxy – Religious Dynamics in Southeast Asia et Emerging Religions – Breaking<br />

the Historical Paradigm.<br />

<strong>Projet</strong>s en partenariat européen<br />

Between Syncretism and Orthodoxy – Religious Dynamics in Southeast Asia<br />

Nous avons récemment établi des contacts professionnels avec des collègues allemands dont<br />

les intérêts rejoignent les nôtres et qui ont formé une section sur l’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong> au sein de<br />

l’Association anthropologique allemande (Deutsche Gesellschaft für Völkerkunde). Ces derniers ont<br />

constitué un réseau de recherche sur les dynamiques religieuses en <strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>, subventionné<br />

par la Fondation allemande pour la Recherche (Deutsche Forschungsgemeinschaft), qui se compose<br />

des personnes suivantes : Peter Bräunlein (Bremen), Kirsten Endres (Freiburg), Volker Gottowik<br />

(Frankfurt/M.), Annette Hornbacher (München), Alexander Horstmann (Münster), Andrea Lauser<br />

(Halle), Martin Ramstedt (Amsterdam) et Guido Sprenger (Münster). Des membres <strong>du</strong> CASE ont à ce<br />

jour participé à deux réunions de travail avec ces chercheurs allemands, en janvier et en juillet 2008.<br />

La question qui occupe tant nos collègues allemands que nous-mêmes est celle de la<br />

localisation de religions universalistes et de l’universalisation de religions locales. Plus<br />

spécifiquement, les perspectives de collaboration qui se dessinent tournent autour des tensions entre<br />

les exigences d’orthodoxie et d’orthopraxie imposées par les réformateurs religieux et les divers<br />

syncrétismes qui sont le penchant commun aux populations de la Péninsule comme de l’Archipel.


Dans le but de finaliser un projet de recherche comparative, nous avons prévu d’organiser un<br />

colloque avec nos collègues allemands en 2009 à Paris. À la suite de quoi, nous envisageons de<br />

concrétiser ce projet de recherche franco-allemand sous la forme d’un GDRE.<br />

Emerging Religions – Breaking the Historical Paradigm<br />

Responsables : Mark Teeuwen et Henk Blezer (Leiden University)<br />

Membres participants <strong>du</strong> CASE (Bénédicte Brac de la Perrière et Alexandra de Mersan).<br />

Ce projet de recherche considère <strong>du</strong> point de vue des religions locales les dynamiques<br />

complexes de construction de l’identité religieuse qui peuvent résulter de la confrontation avec une<br />

grande religion : le bouddhisme. Plus précisément, il s’agit d’examiner ces dynamiques sur le plan des<br />

questions historiographiques qu’elles suscitent, c’est-à-dire des effets de réinvention systématique de<br />

traditions locales face à l’universalisme véhiculé par le religieux. Ce projet initié par Henk Blezer, un<br />

spécialiste <strong>du</strong> Tibet développant un programme financé par le Dutch Research Council, réunit aussi<br />

des spécialistes <strong>du</strong> Japon, de la Corée, de la Chine et de la Birmanie, relevant de diverses institutions<br />

européennes. Organisés autour <strong>du</strong> Forum Emerging Religions, les contributeurs se sont déjà<br />

rencontrés à Leyde au début 2008 et participeront ensemble au Symposium Nativism in Buddhist<br />

Environments qui doit se tenir à Düsseldorf en septembre 2008. Ces travaux seront réunis dans un<br />

volume comparatif à proposer aux Brill Academic Publishers.<br />

The Politics of Agama in Java and Bali<br />

Une publication partiellement tirée de l’atelier The Normalization of Religion in Southeast Asia,<br />

organisé dans le cadre <strong>du</strong> 5 e congrès de l’European Association for South-East Asian Studies<br />

(EUROSEAS), les 12-15 septembre 2007 à l’Université de Naples, est en cours de réalisation sous la<br />

direction de Rémy Madinier et Michel Picard. Intitulée The Politics of Agama in Java and Bali, cette<br />

publication, soumise à Singapore University Press, se composera de quatre articles sur Java et autant<br />

sur Bali :<br />

- Michel Picard & Rémy Madinier, The Politics of Agama in Java and Bali.<br />

- Rémy Madinier, The Jesuit shaping of the Javanese religious landscape: Franciscus van Lith (1896-<br />

1926).<br />

- Andrée Feillard, Nahdlatul Ulama’s discourse on local tradition in Indonesia in the 1930s.<br />

- Stephen Headley, From Adat to Pancasila and return: “normal”secularisation of religion in Indonesia.<br />

- François Raillon, The Return of Pancasila: Secular vs. Islamic norms, another look at the unending<br />

struggle for state dominance in Indonesia.<br />

- Andrea Acri, A new perspective for ‘Balinese Hin<strong>du</strong>ism’ in the light of the pre-modern religious<br />

discourse. A textual-historical approach.<br />

- Michel Picard, From Agama Hin<strong>du</strong> Bali to Agama Hin<strong>du</strong> and back.<br />

- Brigitta Hauser-Schäublin, Spiritualized Politics and the Trademark of Culture. Political actors and<br />

their use of adat and agama in post-Suharto Bali.<br />

- Annette Hornbacher, The Withdrawal of the Gods. Remarks upon ritual trance possession and its<br />

decline in Bali.<br />

En Indonésie, la catégorie « religion » a été appropriée sous les espèces <strong>du</strong> terme agama, qui<br />

est la combinaison particulière, dans un mot sanskrit, d’une vision chrétienne de ce qui compte<br />

comme religion universelle et d’une acception islamique de ce qui définit une religion authentique – à<br />

savoir, un prophète, un livre saint, une congrégation organisée de fidèles et la croyance en un Dieu<br />

unique. Ce terme est l’objet de négociations et de revendications, l’enjeu disputé de rapports de force<br />

et de rapports de sens entre des acteurs sociaux en compétition. Par ailleurs, loin d’être autonome, le<br />

signifiant agama (« religion ») est partie prenante d’un champ sémantique qu’il compose avec les<br />

catégories adat (« tradition »), budaya (« culture ») et divers signifiants <strong>du</strong> pouvoir politique d’État.<br />

L’hypothèse de travail est qu’il existe une tension récurrente et fluctuante, tant à Java qu’à Bali,<br />

entre les tenants d’une tradition locale, qui considèrent à la fois qu’elle se suffit à elle-même et qu’elle


mérite le qualificatif valorisant d’agama, et les partisans d’une religion translocale d’origine étrangère,<br />

à prétention universaliste, sous les espèces de l’islam, <strong>du</strong> christianisme ou de l’hindouisme, qui dénie<br />

aux configurations locales le qualificatif d’agama.<br />

Localisation des religions universalistes<br />

Les études indonésiennes se focalisent plus précisément sur les réactions diverses suscitées par<br />

les fondamentalismes religieux et leur dimension politique.<br />

Andrée Feillard, qui étudie ces réactions à Java sur le long terme, examinera l’apparition de<br />

phénomènes de rejet ou de contournement de l’orthodoxie et de l’orthopraxie pressantes, tels que<br />

l’évolution récente, emblématique, vers une « sortie de l’islam », <strong>du</strong> groupe religieux Salamullah. Elle<br />

poursuivra également ses travaux sur la recomposition politique <strong>du</strong> Nahdlatul Ulama, la plus grande<br />

organisation islamique indonésienne à ce jour, face aux défis lancés par les nouveaux partis politiques<br />

islamiques, véhiculant un islam réformé, et politiquement plus menaçant que les autres partis<br />

islamiques présents à Java depuis 1950.<br />

Michel Picard poursuit ses investigations sur les implications de l’appropriation par les Balinais de la<br />

catégorie « religion » en termes d’ « hindouisme » (agama Hin<strong>du</strong>). Si l’assimilation de la religion<br />

balinaise à l’hindouisme a permis sa reconnaissance par le Ministère des Religions de l’Indonésie, à<br />

l’instar de l’islam et <strong>du</strong> christianisme, elle s’est faite au prix d’une dénégation des spécificités<br />

religieuses balinaises. Il en est résulté un conflit entre les Balinais qui aspirent à universaliser leur<br />

religion en la détachant de ses particularismes ethniques afin de la rendre conforme à l’hindouisme<br />

supposé « authentique » de l’Inde, et ceux qui leur reprochent de trahir les valeurs culturelles qui<br />

fondent l’identité balinaise. Ce conflit a débouché sur une crise institutionnelle au sein <strong>du</strong> Conseil<br />

balinais de l’hindouisme, dont il s’agira d’élucider les tenants et les aboutissants, en les resituant<br />

notamment dans leur dimension historique. Cette recherche s’inscrit dans le cadre d’un ouvrage<br />

scientifique en préparation sur la construction dialogique d’une identité balinaise en termes de<br />

« religion » (agama), « tradition » (adat) et « culture » (budaya).<br />

Etienne Naveau s’intéresse à la manière dont les christianismes marginaux, ceux des orthodoxessyriaques,<br />

des unitariens et des orthodoxes-grecs, semblent chercher à échapper à un islam<br />

majoritaire comme aux grandes Eglises chrétiennes (inspirées par l'occident). S'appuyant sur<br />

l’analyse de textes originaux, comme les autobiographies des musulmans radicaux, les libelles antichrétiens,<br />

mais également sur l’analyse de certaines études théoriques (chapitre 4 de La fin de<br />

l'innocence), il travaillera en outre sur le dialogue islamo-chrétien et sur la polémique (musulmane)<br />

anti-chrétienne.<br />

François Raillon décryptera les manifestations et les signes d’une tendance émergente, le désir de<br />

refonder le pacte social et politique, de concilier les religions dans l’Etat indonésien et d’inventer une<br />

république apaisée ou plus séculière—et pour ce faire de renvoyer le religieux dans la sphère privée.<br />

Cette tendance est le fait de la classe moyenne urbaine, des ONG dites séculières, de la société civile<br />

embryonnaire, des javanistes de tous bords, des militaires réformistes, et des musulmans modérés en<br />

général. La question posée et à laquelle on s’efforcera de répondre est de savoir si la normalisation<br />

séculière de la république peut fonctionner et de quelle façon, et si le Pancasila peut servir de point<br />

d’appui pour consolider la coalition des incré<strong>du</strong>les ou des modérés en quête d’une laïcité à<br />

l’indonésienne.<br />

Enfin, Jérôme Samuel s’intéresse à la dimension religieuse de la peinture sous verre javanaise :<br />

représentations à caractère islamique (calligraphies, représentations de mosquées, compositions<br />

mystiques) et hindou-javanais (personnages et scènes <strong>du</strong> Mahabharata et <strong>du</strong> Ramayana, divinités<br />

javanaises). Dans les milieux populaires, les peintures sous verre ont souvent été recherchées pour<br />

leur vertu apotropaïque. Tandis que s’efface progressivement la dimension religieuse des<br />

représentations relevant <strong>du</strong> domaine hindou-javanais, l’islam mis en scène dans les représentations<br />

pro<strong>du</strong>ites depuis les années 1980 semble bien différent de celui des décennies précédentes. Ainsi, les<br />

représentations de bâtiments religieux (mosquées, lieux saints et de pèlerinage) et les compositions<br />

d’essence mystique (souvent très syncrétiques) reculent-elles pour laisser le champ libre à la<br />

calligraphie coranique.<br />

Sur le continent, la question de l’appropriation des religions se pose historiquement en rapport à<br />

l’hindouisme puis au bouddhisme.<br />

Anne-Valérie Schweyer analyse les rapports entre religion et pouvoir de l’ancien royaume cam à partir<br />

<strong>du</strong> matériel épigraphique. Elle s’intéresse à l’utilisation dans les rituels hindouistes d’objets tels le


kosha qui marquait l’avènement des rois, tout autant qu’à l’activité rituelle bouddhique sur laquelle<br />

l’autorité royale a par la suite reposé.<br />

Bénédicte Brac de la Perrière prolongera ses recherches sur le culte birman des Trente-sept<br />

Seigneurs dans deux directions : celle de l’éclairage que peut apporter l’étude <strong>du</strong> culte des esprits au<br />

discours public birman et aux études birmanes en matière de religion ; et celle de l’analyse des<br />

glissements actuels de la configuration de culte dans un contexte où les difficultés de la situation<br />

économique, sociale et politique en Birmanie poussent les spécialistes <strong>du</strong> culte à redéfinir leur<br />

position sur le « marché » <strong>du</strong> religieux. C’est ainsi qu’elle a observé pendant son dernier séjour un<br />

mouvement dans les structures qu’elle a mises au clair dans sa thèse d’habilitation. Les principaux<br />

aspects de ce mouvement sont : l’élargissement <strong>du</strong> panthéon de la possession à des figures<br />

spirituelles plus bouddhiques que les esprits locaux ; l’émergence de nouvelles trajectoires de<br />

médiumnité court-circuitant les réseaux <strong>du</strong> culte des Trente-sept Seigneurs ; la formation de nouveaux<br />

parcours de pèlerinage qui accusent le fossé entre la capitale et les terroirs ; les débuts de la<br />

transformation de ces pratiques en pro<strong>du</strong>it culturel avec l’invitation, au musée <strong>du</strong> quai Branly, en mars<br />

2008, <strong>du</strong> médium le plus en vue de la scène de possession, donnant pour la première fois une<br />

représentation à l’étranger.<br />

Religion et action rituelle<br />

En <strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-est, les religions universalistes ont été réinterprétées de telle façon que s’y<br />

pose, notamment, le problème <strong>du</strong> rapport entre religion et rite. Ces recherches ont en commun de<br />

partir de l’action rituelle pour éclairer les mouvements de formation <strong>du</strong> religieux et le changement<br />

social.<br />

Ainsi, Bénédicte Brac de la Perrière, élargissant son étude <strong>du</strong> culte des esprits birmans ou naq,<br />

essaye de spécifier la nature <strong>du</strong> rapport entre religion et rite, ou plus exactement d’examiner le statut<br />

<strong>du</strong> rituel dans le champ religieux en Birmanie. Elle s’intéresse notamment à la manière dont les<br />

différenciations sociales s’appuient sur une opposition hiérarchique, interne aux discours birmans,<br />

entre le religieux, pensé comme relevant <strong>du</strong> bouddhisme théravadin, et le rituel. Partant de<br />

l’observation de l’émergence de spécialistes atypiques <strong>du</strong> religieux, aux frontières entre les catégories<br />

établies, elle entend porter ses analyses sur les glissements actuels de la configuration de culte. Ces<br />

glissements s’inscrivent dans un contexte birman de crise, où la situation économique, sociale et<br />

politique pousse les médiums <strong>du</strong> culte des esprits à redéfinir leur position sur la scène <strong>du</strong> religieux.<br />

Cécile Barraud s’intéresse à la manière dont les éléments nouveaux (qu’ils soient d’ordre religieux,<br />

politique ou économique) se combinent avec l’ordre social et rituel traditionnel. Les récentes enquêtes<br />

et observations semblent indiquer que l’importation croissante des grandes religions intro<strong>du</strong>it de<br />

nouveaux clivages dans les unités sociales mais que la relation entre ces unités, au niveau global de<br />

la société, ne semble pas être mise en question. La société a de tout temps intégré des éléments<br />

venus d’ailleurs et les a inscrits dans son système de valeurs, et la question est donc de savoir si les<br />

phénomènes contemporains sont de même nature ou d’une tout autre nature, auquel cas l’intégration<br />

se ferait selon des modalités différentes qu’il reste à analyser. La recherche portera donc à la fois sur<br />

la spécificité de ces apports nouveaux (religion, économie) et sur une étude minutieuse des<br />

réalisations rituelles contemporaines dans ce contexte. Un bon exemple se rapporte aux conflits<br />

récents dans les Moluques, dont la résolution n’est pas <strong>du</strong>e à l’action de la justice de l’Etat mais à la<br />

mise en œuvre des rituels traditionnels interrégionaux.<br />

André Iteanu identifie, à partir de son terrain mélanésien, deux directions de l’action rituelle :<br />

unification et distinction, et cherche à comprendre les relations qui les unissent. On a l’habitude de<br />

penser le rituel comme ce qui rassemble les membres d’une société. Il est vrai que dans les sociétés<br />

peu structurées par la parenté, comme en Mélanésie, le rituel est le moment majeur de<br />

rassemblement de groupes qui se prolongeront par la suite sous forme d’unités sociales, avant de<br />

disparaître progressivement. Pourtant, le rituel ne peut être considéré comme un fait unitaire. Il est au<br />

contraire hautement distinctif. Chaque famille a sa propre forme de rituel (même si de notre point de<br />

vu ces formes se ressemblent fort), ses propres parures, ses manières de danser, ses récits<br />

mythiques, ses chants. Les prestations qui invariablement accompagnent le rituel accentuent, elles<br />

aussi, ce mouvement distinctif.<br />

Josiane Cauquelin analyse la recomposition des pratiques religieuses des Puyuma, dans le sud-est<br />

de Taiwan, depuis un siècle et suite à différents chocs extérieurs. La structure rituelle principale était


la maison <strong>du</strong> culte aux ancêtres, mais l’administration japonaise colonisatrice de l’île a imposé, à la fin<br />

<strong>du</strong> XIXe siècle, les rites shintoïques et donc l’installation d’une planche de bois jouant le rôle d’autel à<br />

l’intérieur des maisons devant laquelle la famille devait pratiquer le rituel shinto. Avec l’arrivée des<br />

Chinois nationalistes en 1949, on note l’adoption définitive de l’autel aux ancêtres dans la maison où<br />

la famille et les femmes chamanes gèrent les relations avec les ancêtres « proches », à l’instar des<br />

Chinois, et un abandon de la maison <strong>du</strong> culte aux ancêtres, en conservant toutefois les deux<br />

principaux sanctuaires où un officiant honore les ancêtres mythiques. Pendant ce siècle, les femmes<br />

chamanes ont maintenu leurs activités en recomposant sans cesse leurs pratiques, mais depuis une<br />

décennie et, en raison de l’incorporation grandissante <strong>du</strong> village dans la civilisation taïwanaise, elles<br />

disparaissent. Elles ne jouent plus leur rôle de régulation de la société. Elles ne sont plus que deux<br />

alors qu’il y a 30 ans, on en recensait une vingtaine.<br />

Autres recherches<br />

On regroupe ici des recherches spécifiques. Toutefois, pour n’être pas intégrées aux thèmes<br />

précédents, elles n’en contribuent pas moins à informer ceux-ci par le type de réflexion ou l’angle<br />

d’attaque qui est le leur. Elles touchent à la langue, à l’anthropologie de l’autre et à la notion d’aire<br />

culturelle. Elles entretiennent ainsi des correspondances souterraines, mais néanmoins réelles, avec<br />

les recherches <strong>du</strong> CASE en général.<br />

Des outils linguistiques à l’analyse terminologique<br />

(Jérôme SAMUEL)<br />

La recherche proposée est double : terminologique d’une part et praticienne de l’autre.<br />

a. Entre la norme et l’usage : une terminologie à l’écoute de la forge<br />

Dans un travail antérieur, J. Samuel (2005) s’est intéressé à la question de la terminologie<br />

institutionnelle en Indonésie, dont l’approche et les pro<strong>du</strong>its, issus de la terminologie classique, ont<br />

montré leurs limites. En effet, celle-ci repose sur des fondements normatifs issus de la normalisation<br />

in<strong>du</strong>strielle et sur un idéalisme pré-saussurien indifférents à la réalité des pratiques langagières, ce<br />

qui ne lui permet pas d’assurer l’efficacité des politiques terminologiques, ni d’en expliquer les échecs.<br />

La présente recherche tournée vers les usages terminologiques s’en veut le pendant ; dans l’esprit et<br />

la méthode, elle se réfère à la socioterminologie. Celle-ci, apparue à la fin des années 1980, part <strong>du</strong><br />

réel langagier pour rendre son épaisseur sociale, culturelle, à la terminologie ; ses buts sont de décrire<br />

les pratiques des groupes d’usagers, comprendre la négociation et la circulation des termes, expliquer<br />

les succès et les échecs des politiques ; ses méthodes sont pluridisciplinaires (Cf. Fr. Gaudin, Pour<br />

une socioterminologie. Des problèmes sémantiques aux pratiques institutionnelles, Mont-Saint-<br />

Aignan, 1993).<br />

L’objectif est de réaliser et soumettre à l’analyse une terminologie <strong>du</strong> traitement thermique des<br />

métaux, fondée sur la multiplicité, finement caractérisée, des usages écrits et oraux. Le champ<br />

technique concerné est un sous-domaine de la métallurgie — les populations de l’Archipel maîtrisant<br />

cette technique depuis l’époque proto-historique —, essentiel au sein de l’in<strong>du</strong>strie des métaux<br />

aujourd’hui, particulièrement la fonderie. On soulignera aussi le grand nombre des usagers<br />

concernés, leur diversité ethno-linguistique et sociale : artisans traditionnels, ouvriers, techniciens,<br />

ingénieurs de la petite et moyenne in<strong>du</strong>strie.<br />

On étudiera comment s’est constitué au fil <strong>du</strong> temps la terminologie <strong>du</strong> domaine considéré, comment<br />

elle s’est — ou ne s’est pas — stabilisée, dans quelles conditions, sous quelles impulsions et pour<br />

quelles raisons. Il faudra comprendre comment apparaissent les termes, comment ils se<br />

concurrencent, s’imposent ou disparaissent ; décrire la diversité des réseaux d’usagers et les<br />

interconnections entre eux ; examiner les circuits et les nœuds de pouvoir (scientifiques, in<strong>du</strong>striels)<br />

qui les jalonnent ; déterminer les possibles moyens de régulation.<br />

La constitution d’une base de données terminologique élaborée à partir d’un corpus écrit (papier) a<br />

commencé ; elle demande à être enrichie par un corpus en ligne, ainsi que des enquêtes de terrain<br />

(ateliers in<strong>du</strong>striels et artisanaux). Ces dernières permettront d’étudier la variation régionale, le poids<br />

des langues locales et, bien sûr, les contextes culturels et sociaux.


. Une grammaire pratique de l’indonésien<br />

Ce projet a pour but la constitution d’un outil pratique destiné à des non-linguistes, étudiants ou<br />

chercheurs désireux d’aquérir une connaissance raisonnée de la grammaire indonésienne, aisément<br />

applicable aux besoins de la communication orale et écrite. Il ne s’agit nullement d’une méthode,<br />

néanmoins il pourrait comprendre des batteries d’exercices pour mieux soutenir un apprentissage<br />

actif.<br />

Conçue pour accompagner l’apprenant jusqu’à trois années d’apprentissage aussi bien que comme<br />

un outil de référence maniable, cette grammaire pratique accordera une attention particulière à<br />

l’utilisation d’un métalangage ad hoc accessible, les pratiques actuelles restant encore mal stabilisées.<br />

Elle rendra compte des spécificités d’un système grammatical peu familier aux francophones, qu’il<br />

s’agisse <strong>du</strong> système de dérivation, de l’expression <strong>du</strong> temps, <strong>du</strong> mode et de l’aspect ou des apports<br />

possibles d’une analyse par rôles sémantiques, qui offre une grille d’analyse fort utile à la<br />

compréhension <strong>du</strong> phénomène de topicalisation.<br />

Etude comparative <strong>du</strong> statut de l’étranger<br />

responsable : A. Iteanu<br />

membres CASE : C. Barraud, M. Charras<br />

Dans différentes sociétés, y compris les sociétés occidentales, où les différents domaines, parenté,<br />

politique, religion, économie, etc. sont distingués, l’idéologie globale tend à éliminer « la partie<br />

étrangère » de l’étranger ou à la cantonner dans des domaines limités. Ceci est sous-jacent aux<br />

politiques d’intégration et d’assimilation, laissant de côté pour l’instant les nouvelles idéologies<br />

plaidant pour le maintien de la différence, qui n’ont jamais été mises en œuvre.<br />

Dans d’autres sociétés, disons provisoirement celles où les différents domaines ne sont pas<br />

distingués et qui se concentrent de ce fait autour de faits sociaux totaux, c’est le contraire. L’objectif<br />

est de préserver la partie étrangère de personnes ou d’éléments, bien que celle-ci tende à disparaître<br />

au rythme des interactions sociales. Tout se passe comme si cette partie d’étrangeté était<br />

indispensable pour construire les relations visant leur repro<strong>du</strong>ction dans le temps.<br />

Acceptant provisoirement le contraste entre sociétés qui tentent de se débarrasser de l’étranger et<br />

celles qui en ont un besoin constitutif, la comparaison proposée implique que tant la loi et les<br />

institutions en Occident que les rituels majeurs dans les autres sociétés posent une même question,<br />

celle de la souveraineté, donc de la relation de la société avec l’extérieur, quand et seulement quand,<br />

elle se perçoit comme un tout. Pour les premières, cette souveraineté s’appuie sur une compétence<br />

dans un domaine particulier, par exemple celui de la politique extérieure/intérieure, pour les secondes,<br />

sur une hiérarchie de valeurs qui pose souvent comme valeur supérieure les rituels les plus<br />

importants liés aux êtres surnaturels majeurs.<br />

Quelle conception de la souveraineté peut être associée à l’exclusion de l’étranger <br />

Selon Dumont, la souveraineté territoriale, caractérisant la France mais non les sociétés privilégiant la<br />

règle <strong>du</strong> sang, est associée à la prédominance de l’indivi<strong>du</strong> comme valeur ultime. En conséquence,<br />

chaque communauté, y compris la communauté nationale, est considérée comme un ensemble, une<br />

collection d’éléments similaires. Tous sont définis selon des caractères communs, alors que toutes les<br />

autres caractéristiques sont laissées de côté.<br />

Il s’ensuit que les indivi<strong>du</strong>s non membres d’un ensemble donné font partie ou sont considérés comme<br />

faisant partie d’autres ensembles. Les divers ensembles sont parfois distincts, parfois se recouvrent<br />

en partie, mais restent des ensembles distincts auxquels les indivi<strong>du</strong>s appartiennent exclusivement.<br />

Les sociétés <strong>du</strong> premier groupe, et l’anthropologie en est le premier témoin, reconnaissent les autres<br />

cultures avec leurs religions, leurs rituels, leurs idées et leurs pratiques, comme si elles étaient des<br />

ensembles clos.<br />

Entre ensembles, il existe seulement une sorte de relation, entre semblables, que l’on peut qualifier de<br />

pouvoir, défini globalement ici comme incluant les relations de pouvoir et d’autorité, distinctes dans le<br />

second groupe de sociétés. Ainsi entremêlées, les deux sortes de relations constituent un mélange<br />

ambigu et souvent contradictoire, à l’œuvre aujourd’hui, par exemple dans les relations internationales<br />

entre l’Occident et le reste <strong>du</strong> monde.


Pour les sociétés <strong>du</strong> second groupe, holistes, la tendance à se penser comme totalités implique<br />

qu’elles ne peuvent se concevoir qu’en référence à quelque chose d’autre, partiellement extérieur, et<br />

supérieur en valeur. En rapport à l’étranger, nous remarquons que :<br />

-la référence à l’étranger est comme indispensable à leur définition en tant que totalités.<br />

-l’étranger ou la référence à l’extérieur sont souvent associés aux puissances surnaturelles et aux<br />

rituels les plus valorisés, d’où leur supériorité hiérarchique. Souvent, l’étranger lui-même peut être<br />

conçu comme un intermédiaire entre la société et un domaine supérieur et éloigné, à la fois à<br />

l’intérieur et hors de la société.<br />

-l’étrangeté n’est pas conçue comme une différence de culture. L’étranger n’est tel que relativement à<br />

elles. Ceci implique que jamais ne se pose la question de la culture de l’étranger, de son origine, etc.<br />

Au contraire, cette origine est valorisée en ce qu’elle reste inconnue. Une totalité sociale, même ayant<br />

besoin de l’étranger, ne conçoit pas d’autres systèmes sociaux. À elle seule, en comprenant sa propre<br />

référence à l’étranger, elle sature le cosmos. L’autorité est associée à la supériorité hiérarchique de<br />

l’étranger. Elle, et seulement elle, est capable de régir et de modérer les relations de pouvoir mises en<br />

jeu entre les différents membres de la société.<br />

Une interrogation majeure s’ouvre avec la présente comparaison. Malgré le contraste fondamental<br />

entre ces deux types de relations à l’étranger, d’un point de vue global les deux types de société<br />

travaillent de manière permanente, l’un pour transformer les étrangers en semblables, l’autre pour<br />

empêcher les étrangers de perdre cette qualité. Face à ce constat, on se demandera si le travail<br />

perpétuel des sociétés occidentales sur l’étranger, quel que soit son objectif avoué, n’est pas une<br />

forme de résistance d’un système social qui tient encore à se définir comme une société, malgré les<br />

poussées de la mondialisation.<br />

Comment construire l’objet sud-est asiatique<br />

une fiction géopolitique, une aire culturelle ou une communauté imaginée <br />

(François Raillon)<br />

Alors que l’Association des nations d’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> sud-est (ASEAN) a dépassé les quarante ans<br />

d’existence (1967-2007), la question se pose avec une certaine urgence de savoir quelle est la nature<br />

précise de l’ensemble sud-est asiatique que l’ASEAN prétend représenter. L’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-est se<br />

trouve en effet définie par une institution essentiellement diplomatique, qui réunit dix Etats-nations,<br />

dans une zone située entre deux grands pays « émergents » d’<strong>Asie</strong>, l’Inde et la Chine. Constituée<br />

comme groupement anti-communiste en 1967 au plus chaud de la guerre <strong>du</strong> Vietnam, l’ASEAN a<br />

évolué au cours des décennies suivantes comme un ensemble peu intégré et relevant de l’activité<br />

quasi exclusive des chancelleries, avec de nombreuses réunions ministérielles et de multiples<br />

déclarations officielles. L’un des rares mérites de cette structure fragmentée est d’avoir survécu<br />

pendant quatre décennies.<br />

La crise asiatique de 1997 et les modifications politiques qui se sont ensuivies ont altéré le caractère<br />

minimaliste de l’ASEAN qui a pris un tournant nouveau vers plus d’existence spontanée. On a vu dans<br />

la dernière période les sociétés civiles commencer à prendre le relais des gouvernements pour<br />

conférer un début de substance à ce que l’on pourrait appeler une aire culturelle en devenir, l’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong><br />

<strong>Sud</strong>-est. Après avoir été créée de toutes pièces par le haut, l’ASEAN deviendrait finalement un<br />

ensemble appuyé sur le bas.<br />

On s’interrogera sur ce phénomène d’élaboration sous nos yeux d’une aire culturelle, en grandeur<br />

nature et à un rythme soutenu, en regardant l’interaction entre le volontarisme géopolitique et les<br />

modifications socio-culturelles de base. Il s’agit de prendre la mesure et de considérer les modalités<br />

<strong>du</strong> processus, à la fois pour en rendre compte et pour réfléchir à la notion d’aire culturelle — objet<br />

d’analyse à la fois décrié et incontournable dans les études dites « aérales », en plein essor dans un<br />

monde globalisé.<br />

Par hypothèse, on discerne un certain nombre d’outils devant permettre de vérifier la réalité<br />

embryonnaire, et d’analyser l’émergence, de l’aire culturelle sud-est asiatique. A côté des instruments<br />

classiques que sont les chroniques diplomatiques et géopolitiques, il convient de recourir à une série


d’indices qui semblent attester l’arrivée des peuples (ou tout au moins de certains de leurs<br />

représentants) dans le complexe sud-est asiatique, et l’apparition d’une conscience et d’une culture<br />

régionales.<br />

Ces indices qui restent à affiner doivent aider à observer la « régionalisation » sud-est asiatique.<br />

Parmi ceux qui s’imposent en première instance, on peut relever la croissance accélérée <strong>du</strong> transport<br />

des personnes, la naissance d’une opinion régionale et l’esquisse d’une harmonisation des régimes<br />

politiques sur un modèle commun ou comparable. Ils semblent indiquer une évolution vers une<br />

intégration accrue, mais révèlent aussi des effets contraires, sous la forme de rejets, d’isolements ou<br />

de conflits transfrontaliers. Par hypothèse, ils énoncent le paradoxe d’une zone constituée d’aires<br />

culturelles séparées et attestées de longue date (le Monde malais, le Vietnam, la Thaïlande, la<br />

Birmanie), et qui aspire à les dépasser pour devenir un territoire relativement intégré, une « aire<br />

culturelle régionale », sur la base d’une « communauté imaginée » à la dimension de l’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>est.

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