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N° 104<br />
Janvier 2012<br />
Par Pascal Quiry<br />
et Yann Le Fur<br />
Au sommaire du<br />
prochain numéro :<br />
ACTUALITE : Le high<br />
frequency trading<br />
TABLEAU DU MOIS :<br />
Les taux d’impôt en<br />
France<br />
RECHERCHE :<br />
Actionnariat des<br />
sa<strong>la</strong>riés<br />
QUESTION : Le<br />
passager c<strong>la</strong>ndestin<br />
LA LETTRE VERNIMMEN.NET<br />
• ACTUALITE : Un exemple de politique financière : celle<br />
de SEB<br />
• GRAPHIQUE DU MOIS : Dividendes et rachats d’actions<br />
en 2011<br />
• RECHERCHE : Des effets de <strong>la</strong> rémunération du<br />
directeur financier et de celle de son président<br />
• QUESTION ET REPONSE : La technique de <strong>la</strong> locked box<br />
* * *<br />
ACTUALITE : Un exemple de politique financière : celle<br />
de SEB<br />
Comme nous l’expliquons dans le chapitre de post-face du Vernimmen,<br />
finance et stratégie, <strong>la</strong> politique financière d’une entreprise doit tenir<br />
compte :<br />
• de l’environnement macro-économique ;<br />
• de <strong>la</strong> stratégie générale de l’entreprise ;<br />
• et de l’actionnariat.<br />
SEB, le leader mondial du petit électroménager domestique (6 produits<br />
vendus chaque seconde dans le monde, 250 nouveaux produits <strong>la</strong>ncés par<br />
an, 3 965 M€ de chiffre d’affaires en 2011), nous parait être un exemple<br />
de ce qu’un bon directeur financier doit faire pour apporter sa pierre, jour<br />
après jours, au développement et aux succès de son entreprise :<br />
Ventes (en M€)<br />
LA LETTRE VERNIMMEN.NET :<br />
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ET LE SITE WWW.VERNIMMEN.NET
N° 104<br />
Janvier 2012<br />
Par Pascal Quiry<br />
et Yann Le Fur<br />
LA LETTRE VERNIMMEN.NET<br />
SEB a été fondé en 1857 par une famille, les Lescure, qui ont introduit en<br />
bourse le groupe en 1975 et qui détiennent actuellement 44 % des<br />
actions, 57 % des droits de vote, et 10 poste d’administrateurs sur 15.<br />
Cette famille donne l’impression de se sentir moins propriétaire de ses<br />
actions que dépositaire de celles-ci pour <strong>la</strong> génération suivante, un peu<br />
dans l’esprit de slogan publicitaire des montres Patek Philippe (1) .<br />
Compte tenu de cet état d’esprit, nos lecteurs ne seront pas surpris que <strong>la</strong><br />
politique financière soit marquée du sceau de <strong>la</strong> prudence. Sur les 10<br />
dernières années, le rapport dette / EBE n’a jamais dépassé 2 fois. De <strong>la</strong><br />
même façon depuis 1985 (2) , le dividende par action n’a jamais été réduit,<br />
ce qui veut dire que le taux de distribution moyen est faible pour<br />
permettre à l’entreprise de s’autofinancer plus <strong>la</strong>rgement mais aussi pour<br />
ne pas avoir à réduire le dividende par action en cas de crise sévère<br />
comme en 1998 et 1999 (crise russe). Le graphique suivant, qui fait partie<br />
des nouveaux graphiques créés pour l’édition 2012 du Vernimmen,<br />
l’illustre :<br />
5<br />
4<br />
3<br />
2<br />
1<br />
0<br />
BPA DPA<br />
Bénéfices par action et Dividendes par action chez SEB, en euro.<br />
1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010<br />
Source : Rapports annuels<br />
Lorsque le bloc familial est fait d’environ 260 membres dont un seul<br />
travaille dans l’entreprise, il vaut mieux faire attention à <strong>la</strong> politique de<br />
distribution : pour certains actionnaires familiaux ce<strong>la</strong> représente une<br />
partie importante de leurs revenus. La fidélité actionnariale a pour<br />
corol<strong>la</strong>ire <strong>la</strong> constance dans <strong>la</strong> politique de distribution : dividende jamais<br />
réduit et progressant en moyenne de 8,3 % par an.<br />
La stratégie générale de l’entreprise est le second élément déterminant<br />
d’une politique financière. SEB est dans un secteur d’intensité<br />
capitalistique faible : le rapport chiffre d’affaires sur actif économique est<br />
de l’ordre de 1,7 et les investissements annuels de l’ordre de 120 M€<br />
représentent 30 % de <strong>la</strong> capacité d’autofinancement. En fait, une partie<br />
des investissements passe par le compte de résultat : <strong>la</strong> recherche<br />
développement (2 % du chiffre d’affaires) et <strong>la</strong> publicité (3 à 4 %, soit<br />
autant que les investissements c<strong>la</strong>ssiques).<br />
(1) You never actually own a Patek Philippe. Your merely look after it for the next generation.<br />
(2) Nous ne sommes pas remontés avant.<br />
2
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Janvier 2012<br />
Par Pascal Quiry<br />
et Yann Le Fur<br />
LA LETTRE VERNIMMEN.NET<br />
Dans ce secteur, SEB croit par croissance organique fondée sur<br />
l’expansion géographique (présent dans 150 pays) et l’innovation produit<br />
(de <strong>la</strong> super cocotte à <strong>la</strong> friteuse Actifry), mais aussi très <strong>la</strong>rgement par<br />
croissance externe. Des 21 marques que possède le groupe, une seule a<br />
été développée en interne (SEB), toutes les autres (Moulinex, Tefal,<br />
Krups, Calor, Lagostina, Supor, Rowenta, …) ont été acquises dont <strong>la</strong><br />
moitié depuis 2001.<br />
Autrement dit, <strong>la</strong> politique financière de SEB doit ménager des réserves de<br />
liquidités importantes, mobilisables à tout moment car en matière de<br />
croissance externe, il faut comme Saint Matthieu « veiller, car vous ne<br />
savez ni le jour ni l’heure » où telle ou telle cible deviendra disponible.<br />
Si SEB n’a un endettement bancaire et financier <strong>net</strong> que de 251 M€ au 30<br />
juin 2011, il dispose de ressources à long terme, tirées ou non, de 1,2<br />
Md€ en 2011 qui ne tombent (du fait des remboursements contractuels)<br />
qu’à 900 M€ en 2015. De quoi faire des emplettes !<br />
Ce qui veut aussi dire que le groupe supporte un coût pour cette flexibilité<br />
puisque les ressources à long terme tirées (537 M€ au 30 juin 2011), non<br />
utilisées dans le financement de l’actif économique (475 M€ à <strong>la</strong> même<br />
date) et donc p<strong>la</strong>cées en trésorerie ne rapportent pas dans le contexte<br />
actuelle le même taux d’intérêt qu’elles ne coûtent. Mais comme toute<br />
police d’assurance, <strong>la</strong> flexibilité financière a un coût.<br />
En matière de financements, SEB n’a eu de cesse depuis quelques années<br />
de suivre 4 principes :<br />
• diversifier ses sources de financement ;<br />
• étendre <strong>la</strong> maturité des financements ;<br />
• être proche d’un nombre limité de banquiers ;<br />
• mettre en p<strong>la</strong>ce des documentations juridiques souples et les moins<br />
contraignantes possibles.<br />
Diversifier les sources de financement, ce<strong>la</strong> signifie compléter les sources<br />
de financement existantes auprès des banques et du marché des billets de<br />
trésorerie par l’appel au marché obligataire coté (300 M€ sur 5 ans p<strong>la</strong>cés<br />
en mai 2011) et au marché obligataire privé (émission en 2008 de 161 M€<br />
d’obligations dites Schuldschein (3) à échéance 2013 et 2015 souscrites<br />
par des investisseurs allemands).<br />
Etendre <strong>la</strong> maturité des financements signifie principalement de réduire<br />
fortement <strong>la</strong> part du financement par billets de trésorerie, ressources par<br />
définition à court terme (4) . Réduire ne veut pas dire arrêter. Le<br />
programme de 600 M€ n’a jamais été arrêté pour que les investisseurs sur<br />
ce marché n’aient pas <strong>la</strong> pénible impression que SEB ne vient les solliciter<br />
que lorsqu’il a besoin d’eux et qu’il ne trouve pas de ressources ailleurs.<br />
Etre proche d’un nombre limité de banques afin de pouvoir être plus sûr<br />
de leur engagement à soutenir le groupe, y compris dans les moments<br />
difficiles, a signifié réduire le nombre de banques participantes au crédit<br />
syndiqué de 40 à 9 à son renouvellement en 2004, puis à 7 en 2006 et<br />
2011. Celles-ci, en contrepartie d’une prise de risque supérieure, ont<br />
trouvé une part de marché plus importante dans le « side business » qui<br />
améliore <strong>la</strong> rentabilité pour elles de l’activité de crédit : cash<br />
management, change, couverture, épargne sa<strong>la</strong>riale, etc …<br />
(3) Pour plus de détails, voir le chapitre 30 du Vernimmen 2012.<br />
(4) Pour plus de détails, voir le chapitre 26 du Vernimmen 2012.<br />
3
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Par Pascal Quiry<br />
et Yann Le Fur<br />
LA LETTRE VERNIMMEN.NET<br />
L’inconvénient d’une telle pratique est que si l’une des banques venait à<br />
disparaître (faillite, rachat, fusion), ce qui est toujours possible dans<br />
l’environnement actuel, un besoin de financement naîtrait à moyen terme.<br />
Mais nul doute que compte tenu de <strong>la</strong> qualité de l’entreprise, quelques<br />
établissements se précipiteraient pour se substituer.<br />
Concernant <strong>la</strong> documentation juridique souple et <strong>la</strong> moins contraignante<br />
possible, le cheval de bataille de SEB a été de faire sauter ses covenants<br />
(5) , ce qu’il a obtenu en 2006. C’est plus une question de principe qu’autre<br />
chose. Le faible risque re<strong>la</strong>tif de son activité et son faible niveau<br />
d’endettement expliquent cette situation.<br />
Bien évidemment, avoir une politique financière intelligente est beaucoup<br />
plus facile lorsque l’entreprise est performante opérationnellement et que<br />
le niveau d’endettement est faible : limiter le nombre de banques, axer<br />
principalement <strong>la</strong> dette sur les échéances LT avec des documentations<br />
bancaires légères, devient moins aisée pour les groupes plus lourdement<br />
endettés. Ce<strong>la</strong> dit, c’est quand tout va bien qu’il faut être rigoureux et<br />
exigeant car quand <strong>la</strong> situation d’exploitation se dégrade, il est trop tard<br />
pour bien faire.<br />
De même, <strong>la</strong> diversification des sources de financement est plus<br />
compliquée pour les groupes plus petits : pas d’accès au marché<br />
obligataire, voire aux billets de trésorerie. Mais d’autres sources restent<br />
disponibles (factoring, leasing). La diversification des sources de<br />
financement n’est pas enfin sans coût : lourdeurs de gestion, voire<br />
décotes de liquidité si les produits de marché sont émis en trop faibles<br />
volumes. Il doit donc y avoir un équilibre. Il semble que SEB l’a trouvé.<br />
* * *<br />
Notre lecteur aura compris que <strong>la</strong> politique financière de SEB a un coté<br />
exemp<strong>la</strong>ire par son adéquation à son environnement industriel et<br />
actionnarial. Il ne nous appartient pas de décerner des prix Vernimmen<br />
mais s’il en existait un, <strong>la</strong> direction financière de SEB, dont <strong>la</strong> devise est<br />
« Sale is vanity, profit is sanity, cash is reality » serait un sérieux<br />
prétendant.<br />
(5) Pour plus de détails, voir le chapitre 39 du Vernimmen 2012.<br />
* * *<br />
GRAPHIQUE DU MOIS : Dividendes et rachats d’actions<br />
en 2011<br />
Avec 5,7 Md€ de rachats d’actions en 2011, les entreprises du CAC 40 ont<br />
triplé les restitutions de liquidités à leur actionnaires, à charge pour eux de<br />
les investir auprès de sociétés qui ont besoin de capitaux propres. Ceci<br />
correspond bien à <strong>la</strong> nature totalement discrétionnaire de cette forme de<br />
distribution de liquidités aux actionnaires qui peut être arrêtée à tout<br />
moment (1) . On reste, sans surprise vue <strong>la</strong> conjoncture économique, loin<br />
du plus haut de 2007 (19,2 Md€).<br />
(1) Pour plus de détails, voir le chapitre 42 du Vernimmen 2012.<br />
4
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Par Pascal Quiry<br />
et Yann Le Fur<br />
Groupe<br />
LA LETTRE VERNIMMEN.NET<br />
20 000<br />
16 000<br />
12 000<br />
8 000<br />
4 000<br />
17 groupes ont procédé à des rachats d’actions significatifs en 2011 contre<br />
9 en 2010, soit en profitant de niveaux de cours perçus alors comme bas<br />
en août/septembre et créant autant d’opportunités (Peugeot, BNP Paribas,<br />
etc.) pour neutraliser <strong>la</strong> dilution liée à <strong>la</strong> création récente de titres (Sanofi,<br />
France Télécom) ou pour renforcer à bon compte <strong>la</strong> position d’un<br />
actionnaire principal mais loin d’être majoritaire (Bouygues qui est le<br />
champion cette année des rachats d’actions avec 1 422 M€ et environ<br />
13% du capital) (2) .<br />
En 2011, seul Safran a procédé à une cession d’actions rachetées les<br />
années précédentes pour un montant significatif (189 M€).<br />
Rachat <strong>net</strong><br />
d'actions en 2011<br />
(en M€)<br />
0<br />
-4 000<br />
7 618<br />
Rachats <strong>net</strong>s en<br />
% du capital au<br />
31/12/2011<br />
9 209<br />
Dividendes versés en<br />
cash en 2011 (en<br />
M€)<br />
Dividendes versés en<br />
actions en 2011 (en<br />
M€)<br />
Somme rachats <strong>net</strong>s et<br />
dividendes versés en 2011<br />
(en M€)<br />
(2) Pour plus de détails, voir <strong>la</strong> Lettre Vernimmen.<strong>net</strong> n° 102 de novembre 2011.<br />
En % de <strong>la</strong> capitalisation<br />
boursière moyenne 2011<br />
1 TOTAL 0 0,0% 5 100 5 100 5,6%<br />
2 SANOFI 1 075 5,2% 1 372 1 890 4 337 6,5%<br />
3 FRANCE TELECOM 245 0,6% 3 706 3 951 10,3%<br />
4 GDF SUEZ 284 0,5% 3 336 3 620 6,5%<br />
5 BNP PARIBAS 488 0,9% 2 518 3 006 5,6%<br />
6 EDF 329 0,7% 2 136 2 465 5,0%<br />
7 BOUYGUES 1 422 13,4% 570 1 992 18,8%<br />
8 VIVENDI 70 0,3% 1 731 1 801 7,9%<br />
9 AXA -35 -0,1% 1 682 1 647 5,4%<br />
10 VINCI 501 5,7% 898 1 399 6,4%<br />
11 DANONE 571 1,9% 786 1 357 4,4%<br />
12 SOCIETE GENERALE 54 0,4% 398 889 1 341 5,1%<br />
13 L'OREAL 0 0,0% 1 065 1 065 2,2%<br />
14 LVMH -1 0,0% 1 063 1 062 1,9%<br />
15 CREDIT AGRICOLE -58 -0,3% 162 919 1 023 4,8%<br />
16 ARCELORMITTAL 0 0,0% 895 895 2,7%<br />
17 SCHNEIDER ELECTRIC 0 0,0% 856 856 6,1%<br />
18 CARREFOUR 98 0,6% 709 807 4,8%<br />
19 AIR LIQUIDE 97 0,4% 684 781 3,0%<br />
20 UNIBAIL-RODAMCO 18 0,0% 735 753 5,6%<br />
21 SAINT GOBAIN 121 1,1% 603 724 3,5%<br />
22 VEOLIA ENVIRONNEMENT 0 0,0% 203 382 585 6,6%<br />
23 PPR 109 1,8% 441 550 3,8%<br />
24 PEUGEOT 199 1,1% 250 449 7,6%<br />
25 PERNOD-RICARD 60 0,6% 382 442 2,5%<br />
26 ESSILOR 160 1,4% 172 331 3,0%<br />
27 MICHELIN 0 0,0% 138 177 315 3,2%<br />
28 LAFARGE 0 0,0% 288 288 2,6%<br />
29 LEGRAND -1 0,0% 231 230 3,1%<br />
30 ALSTOM 5 0,0% 183 188 1,8%<br />
31 STMICROELECTRONICS 0 0,0% 180 180 2,9%<br />
32 EADS 2 0,0% 178 180 1,0%<br />
33 VALLOUREC 19 0,1% 67 86 172 2,1%<br />
34 TECHNIP 5 0,1% 156 161 2,1%<br />
35 CAP GEMINI -2 0,0% 154 152 2,8%<br />
36 ACCOR 0 0,0% 141 141 2,2%<br />
37 RENAULT 53 0,8% 88 141 1,3%<br />
38 PUBLICIS 0 0,0% 129 129 1,8%<br />
39 SAFRAN -189 -1,7% 202 14 0,1%<br />
40 ALCATEL-LUCENT 0 0,0% 0 0 0,0%<br />
Cumul 5 699 0,6% 34 589 4 343 44 631 4,8%<br />
6 264<br />
7 869<br />
19 200<br />
2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011<br />
11 240<br />
-70<br />
1 952<br />
5 699<br />
5
N° 104<br />
Janvier 2012<br />
Par Pascal Quiry<br />
et Yann Le Fur<br />
LA LETTRE VERNIMMEN.NET<br />
Coté dividendes, 37,9 Md€ ont été versés en 2011, soit une progression<br />
comparable à celle de l’indice des prix, et on est ainsi revenu au niveau de<br />
2007 (3) : 37,8 Md€.<br />
Sur cette somme, 11 % ont été versés en actions dont près de <strong>la</strong> moitié<br />
par Sanofi, ce qui est surprenant compte tenu du niveau de cash-flows de<br />
ce groupe. Les autres pratiquants ont été des groupes en mal de capitaux<br />
propres (Crédit Agricole et Société Générale) ou de liquidités (Véolia).<br />
Comme l’an passé le trio de tête des versements de dividendes représente<br />
de l’ordre du tiers des dividendes versés, et comme on ne change pas une<br />
équipe qui gagne, il est toujours composé de Total, GDF – Suez et France<br />
Télécom. Si on ajoute BNP Paribas et Vivendi, on atteint avec 5 groupes<br />
presque 50 % des dividendes. Comme quoi, même au sein du CAC 40, les<br />
inégalités sont criantes !<br />
Alcatel se retrouve tout seul cette année à ne pas verser de dividendes,<br />
Renault et Peugeot du fait de l’amélioration de leur conjoncture en ayant<br />
repris le versement et Natixis ayant quitté le CAC 40.<br />
Le taux de distribution pour les entreprises du CAC 40 qui ont versé un<br />
dividende est de 47 %, soit très proche de sa moyenne historique de 45%<br />
et en retrait comme nous l’avions anticipé (4) par rapport au taux de 59%<br />
de 2009 qui avait mécaniquement monté compte tenu de <strong>la</strong> propension<br />
naturelle, lors que les profits sont en baisse, à moins réduire le dividende.<br />
Pour cette année, il pourrait baisser un petit peu et nous anticipons un<br />
volume de rachats d’actions probablement stables au mieux, Bouygues et<br />
BNP Paribas y recourant <strong>net</strong>tement moins, Sanofi probablement plus. Les<br />
groupes dont les cours sont bas dans une perspectives historique (ce qui<br />
ne veut pas dire qu’ils soient sous-évalués) et qui, d’un point de vue<br />
valeur, auraient intérêt à y recourir, n’en ont souvent plus les moyens<br />
financiers (banques, automobile, acier).<br />
(3) Voir <strong>la</strong> Lettre Vernimmen.<strong>net</strong> n° 63 de mars 2008.<br />
(4) Pour plus de détails, voir <strong>la</strong> Lettre Vernimmen.<strong>net</strong> n° 95 de février 2011.<br />
* * *<br />
RECHERCHE : Des effets de <strong>la</strong> rémunération du<br />
directeur financier et de celle de son président<br />
avec <strong>la</strong> col<strong>la</strong>boration de Simon Gueguen<br />
Enseignant-chercheur à Paris Dauphine<br />
La séparation entre <strong>la</strong> propriété et le contrôle dans les grandes sociétés<br />
cotées a donné lieu depuis plusieurs décennies au développement d’une<br />
littérature sur les incitations. Le contrat du dirigeant (et en particulier sa<br />
rémunération) doit l’inciter à agir dans l’intérêt des actionnaires. Pour<br />
compléter les modèles théoriques, de nombreux travaux empiriques ont<br />
étudié les conséquences de ces contrats sur les décisions concrètes prises<br />
par le dirigeant.<br />
6
N° 104<br />
Janvier 2012<br />
Par Pascal Quiry<br />
et Yann Le Fur<br />
LA LETTRE VERNIMMEN.NET<br />
Nous présentons ce mois-ci une étude (1) qui s’inscrit dans ce champ<br />
disciplinaire, et qui apporte une contribution originale : en plus du<br />
directeur général (CEO, chief executive officer), les auteurs se sont<br />
intéressés au directeur financier (CFO, chief financial officer). Leur étude<br />
montre que le directeur général prend les grandes décisions en matière de<br />
financement (levier financier, liquidités) alors que le directeur financier<br />
prend les décisions plus techniques (maturité de <strong>la</strong> dette, lissage des<br />
bénéfices comptables).<br />
Les auteurs ont construit deux indicateurs d’incitations pour les dirigeants,<br />
delta et vega. Le delta mesure <strong>la</strong> sensibilité de <strong>la</strong> richesse du manager au<br />
prix de l’action ; c’est l’effet c<strong>la</strong>ssique d’une rémunération à <strong>la</strong><br />
performance. Comme le dirigeant n’a pas <strong>la</strong> possibilité de diversifier son<br />
patrimoine de <strong>la</strong> même façon qu’un actionnaire, un delta élevé crée une<br />
incitation à réduire le risque (en particulier le risque spécifique à<br />
l’entreprise, non rémunéré). Le vega représente <strong>la</strong> sensibilité de <strong>la</strong><br />
richesse du manager à <strong>la</strong> vo<strong>la</strong>tilité de l’action. Par exemple, vega est plus<br />
élevé si le dirigeant détient des stock-options. Toutes choses égales par<br />
ailleurs, un vega élevé crée une incitation à augmenter le risque.<br />
L’analyse empirique est fondée sur un échantillon <strong>la</strong>rge d’entreprises<br />
américaines entre 1993 et 2005. Les auteurs ont porté une attention<br />
particulière à <strong>la</strong> robustesse de leurs résultats ; les critères explicatifs<br />
c<strong>la</strong>ssiques des modes de financement ont été pris en compte (2) . Les<br />
résultats sont les suivants :<br />
1. Levier financier (3) . Un delta élevé du directeur général réduit<br />
significativement le levier financier, alors qu’un vega élevé l’augmente.<br />
Ceci est conforme au fait qu’un levier financier plus élevé augmente le<br />
risque de l’action. Les incitations du directeur financier n’ont quant à elles<br />
pas d’impact statistiquement significatif.<br />
2. Liquidités disponibles. Des études précédentes ont montré qu’un<br />
niveau élevé de liquidités disponibles permettait de réduire le risque. Les<br />
résultats sont semb<strong>la</strong>bles au levier financier pour le directeur général :<br />
plus de liquidités (donc moins de risque) avec un delta élevé, moins de<br />
liquidités avec un vega élevé. Les résultats sont significatifs et vont dans<br />
le même sens pour le directeur financier ; toutefois l’impact des incitations<br />
du directeur général est environ deux fois supérieur.<br />
3. Maturité de <strong>la</strong> dette (4) . Une dette à plus court terme augmente le<br />
risque lié au refinancement et à <strong>la</strong> variabilité des taux d’intérêt. Cette fois,<br />
ce sont les incitations du directeur général qui ne sont pas statistiquement<br />
significatives. Pour le directeur financier, un delta élevé conduit à une<br />
maturité plus longue (moins de risque), et un vega élevé à une maturité<br />
plus courte.<br />
(1) S.CHAVA et A.PURNANANDAM (2010), CEOs versus CFOs : Incentives and corporate<br />
policies, Journal of Financiel Economics, vol.97, pages 263-278.<br />
(2) Il s’agit notamment de critères de taille, de rentabilité, de nature des actifs et de santé<br />
financière de l’entreprise.<br />
(3) Défini comme le levier comptable (endettement total / valeur comptable des actifs) ;<br />
d’autres définitions conduisent à des résultats simi<strong>la</strong>ires.<br />
(4) Les auteurs ont ici divisé <strong>la</strong> dette entre court terme (échéance moins de trois ans) et long<br />
terme (plus de trois ans).<br />
7
N° 104<br />
Janvier 2012<br />
Par Pascal Quiry<br />
et Yann Le Fur<br />
LA LETTRE VERNIMMEN.NET<br />
4. Lissage des résultats comptables. En utilisant les comptes de<br />
régu<strong>la</strong>risation (5) , les dirigeants peuvent réduire <strong>la</strong> vo<strong>la</strong>tilité des bénéfices<br />
comptables avec l’espoir que ce<strong>la</strong> réduise <strong>la</strong> vo<strong>la</strong>tilité de l’action. Pour le<br />
directeur général comme pour le directeur financier, un delta élevé<br />
conduit à plus de lissage et un vega élevé à moins de lissage ; l’impact est<br />
un peu plus élevé pour le directeur financier.<br />
Pour <strong>la</strong> première fois, une vaste étude empirique montre que les contrats<br />
incitatifs des directeurs généraux ET des directeurs financiers ont des<br />
conséquences sur <strong>la</strong> politique de financement de l’entreprise. Ces résultats<br />
devraient être pris en compte lors de <strong>la</strong> construction des packages de<br />
rémunération des hauts dirigeants dans les entreprises.<br />
(5) Pour une description des comptes de régu<strong>la</strong>risation, voir Vernimmen 2012, page 138.<br />
* * *<br />
QUESTION ET REPONSE : La technique de <strong>la</strong> locked box<br />
par Alban Bouley, BNP Paribas – Corporate <strong>Finance</strong> -<br />
Le locked-box est un mécanisme par lequel, lors d’une cession<br />
d’entreprise, les parties conviennent d’un prix fixe de cession / d’achat, ce<br />
prix ne faisant l’objet d’aucun ajustement que ce soit avant ou après le<br />
closing (réalisation définitive de <strong>la</strong> vente). Il est calculé sur <strong>la</strong> base de<br />
comptes récents (derniers comptes audités ou, si <strong>la</strong> date de ces derniers<br />
est trop éloignée, des comptes intermédiaires généralement non audités)<br />
appelés compte de référence.<br />
La société est donc transmise « économiquement » à l’acquéreur à<br />
compter de <strong>la</strong> date des comptes de référence, et « juridiquement » au<br />
closing, ce qui représente une zone de risques pour l’acquéreur.<br />
CMS estime, dans son étude annuelle des pratiques européennes de fusion<br />
acquisition (1) , que près de deux tiers des opérations intervenues en<br />
France en 2010 sans ajustement de prix avaient recours à un tel<br />
mécanisme, mais simplement 41% en Allemagne, 24 % au Royaume-Uni<br />
et seulement 9% en Europe du Sud. Ce qui <strong>la</strong>isse supposer qu’il y a aussi<br />
une dimension culturelle.<br />
La mise en p<strong>la</strong>ce du locked-box lors d’une cession d’entreprise présente<br />
naturellement certains avantages pour le vendeur et ses conseils :<br />
• Système d’une grande simplicité notamment par rapport à une<br />
transaction avec un ajustement de prix lorsque les comptes sont arrêtés.<br />
Le prix offert est ferme, sans ajustement, et les offres reçues dans le<br />
cadre d’un appel d’offres sont plus facilement comparables (valeur des<br />
capitaux propres c<strong>la</strong>irement articulée et contrat de cession potentiellement<br />
pré-négocié) ;<br />
• Les transactions à prix fixe permettent d’éviter <strong>la</strong> mobilisation excessive<br />
de ressources tant en interne qu’en externe et d’échapper à des risques<br />
de litiges post-closing dans le cadre de <strong>la</strong> mise en œuvre de l’ajustement<br />
de prix ;<br />
(1) CMS European M&A Study.<br />
8
N° 104<br />
Janvier 2012<br />
Par Pascal Quiry<br />
et Yann Le Fur<br />
LA LETTRE VERNIMMEN.NET<br />
• L’absence de comptes de closing génère également une plus grande<br />
rapidité d’exécution, et plus particulièrement, offre <strong>la</strong> possibilité au<br />
vendeur de redistribuer à ses actionnaires ou investisseurs le prix perçu<br />
dans le cadre de <strong>la</strong> transaction dès <strong>la</strong> date du closing.<br />
Ceci explique pourquoi le locked-box est aussi prisé par les fonds<br />
d’investissement.<br />
Malgré des avantages indéniables, <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce du locked-box n’est<br />
cependant pas sans encombre ni difficulté, et présuppose certaines<br />
conditions à sa réalisation ainsi qu’une grande préparation de <strong>la</strong> part du<br />
vendeur et de ses conseils.<br />
Il est en effet nécessaire d’avoir une intensité concurrentielle forte lors du<br />
processus de vente envisagé afin que le mécanisme de locked-box soit<br />
accepté par tous ou par <strong>la</strong> majorité des acquéreurs potentiels. Notons que<br />
les entreprises industrielles sont généralement moins habituées aux<br />
transactions à prix fixes que les fonds d’investissement. En fonction de <strong>la</strong><br />
typologie des acquéreurs, de l’intensité concurrentielle perçue<br />
(notamment durant <strong>la</strong> phase 1 de remise d’offre indicative) et des<br />
caractéristiques de <strong>la</strong> société cible (performances financières stables,<br />
comptabilité de gestion fiable et diligente, etc), le vendeur et ses conseils<br />
pourront opter entre une transaction à prix fixe et une transaction avec<br />
ajustement de prix.<br />
Par ailleurs, il est essentiel que le vendeur et ses conseils préparent<br />
certains chantiers critiques à <strong>la</strong> bonne réalisation d’une transaction avec<br />
mécanisme de locked-box.<br />
• Durée du processus de vente : il est important de prévoir une phase<br />
2 de remise d’offre ferme suffisamment longue (7 à 8 semaines) afin que<br />
l’acquéreur ait le temps de mener un audit approfondi avant <strong>la</strong> remise de<br />
l’offre ferme / signature ;<br />
• Due diligence : <strong>la</strong> préparation d’un rapport détaillé de Vendor Due<br />
Diligence (VDD) et <strong>la</strong> tenue de réunions avec différents experts (fiscal,<br />
juridique, social, environnemental, retraites, etc) sont également très<br />
importantes afin de donner le confort maximum à l’acquéreur. La<br />
responsabilité desdits experts / conseils pourra le cas échéant être<br />
engagée par le biais d’une reliance letter ;<br />
•Comptes de références : si <strong>la</strong> date des derniers comptes audités est<br />
trop éloignée de <strong>la</strong> date de <strong>la</strong> transaction, des comptes intermédiaires<br />
(généralement non audités) seront préparés par le vendeur. Dans certains<br />
cas, le vendeur et <strong>la</strong> banque conseil pourront décider de fournir aux<br />
acquéreurs potentiels lors de <strong>la</strong> phase 2 des estimations de flux de<br />
trésorerie entre <strong>la</strong> date estimée des comptes intermédiaires et <strong>la</strong> date de<br />
réalisation de <strong>la</strong> transaction ; ceci afin d’éviter des négociations qui<br />
peuvent être lourdes sur ces estimations compte tenu des enjeux, comme<br />
précisés ci-dessus, pour l’acquéreur ;<br />
• Contrat de vente (SPA) : des sessions de pré-négociations avec les<br />
avocats sur le SPA pourront avoir lieu durant <strong>la</strong> phase 2, avec pour<br />
objectif d’avoir une offre ferme avec des SPA « quasi-signables » et un<br />
mécanisme de locked-box accepté par tous à <strong>la</strong> remise des offres fermes.<br />
Enfin, si le locked-box est re<strong>la</strong>tivement moins protecteur pour l’acquéreur<br />
en raison de l’absence d’ajustement de prix après le closing, notons qu’il<br />
existe tout de même certaines protections et que sa mise en p<strong>la</strong>ce peut<br />
s’avérer avantageuse.<br />
9
N° 104<br />
Janvier 2012<br />
Par Pascal Quiry<br />
et Yann Le Fur<br />
Au sommaire du<br />
prochain numéro :<br />
ACTUALITE : Le high<br />
frequency trading<br />
TABLEAU DU MOIS :<br />
Les taux d’impôt en<br />
France<br />
RECHERCHE :<br />
Actionnariat des<br />
sa<strong>la</strong>riés<br />
QUESTION : Le<br />
passager c<strong>la</strong>ndestin<br />
LA LETTRE VERNIMMEN.NET<br />
Enfin, si le locked-box est re<strong>la</strong>tivement moins protecteur pour l’acquéreur<br />
en raison de l’absence d’ajustement de prix après le closing, notons qu’il<br />
existe tout de même certaines protections et que sa mise en p<strong>la</strong>ce peut<br />
s’avérer avantageuse.<br />
Des protections contractuelles pourront être négociées, notamment afin<br />
de se protéger contre d’éventuelles déperditions de valeur pendant <strong>la</strong><br />
période intermédiaire : permitted / non permitted leakages (définissant ce<br />
que le vendeur a le droit de prélever sur l’entreprise comme dividende,<br />
commission de gestion, ….), c<strong>la</strong>use de gestion en bon père de famille,<br />
garantie sur les comptes de référence, etc.<br />
Le locked-box peut s’avérer être un avantage compétitif important pour un<br />
acquéreur potentiel dans le cadre d’un appel d’offres concurrentiel<br />
(différences d’appréciation entre les acquéreurs des flux générés par <strong>la</strong><br />
société pendant <strong>la</strong> période intermédiaire) et également permettre à<br />
l’acquéreur de profiter de l’upside du business p<strong>la</strong>n entre <strong>la</strong> date des<br />
comptes de référence et le closing.<br />
Pour plus de détails sur le processus de vente d’une entreprise, voir le<br />
chapitre 47 du Vernimmen 2012.<br />
* * *<br />
Au sommaire de <strong>la</strong> Vernimmen.com Newsletter<br />
•NEWS: Accounting and value<br />
de janvier 2012<br />
•THIS MONTH'S GRAPH: Late payements in Europe<br />
•RESEARCH: Nature or nurture: what determines investor behavior?<br />
•Q&A: Locked box mecanism<br />
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