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‘<br />
Temoignage<br />
Deux collégi<strong>en</strong>s sauv<strong>en</strong>t une personne âgée <strong>de</strong> la noya<strong>de</strong> :<br />
une leçon <strong>de</strong> courage et <strong>de</strong> bravoure<br />
Le <strong>de</strong>stin, sans ces <strong>de</strong>ux garçons âgés <strong>de</strong> quatorze ans<br />
à peine, aurait été tragique.<br />
Antoine BESSAULT (à gauche) et Alexis DUEZ (à<br />
droite) revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t sur les lieux <strong>de</strong> l’accid<strong>en</strong>t<br />
Il est 14 heures 30 <strong>en</strong>viron quand Antoine et Lisa se<br />
promèn<strong>en</strong>t le long <strong>de</strong>s berges <strong>de</strong> la Souchez.<br />
Le temps est radieux pour une sortie dominicale tout près<br />
<strong>de</strong> leur domicile, rue <strong>de</strong> Varsovie. «C’est un <strong>en</strong>droit qu’on<br />
aime et qu’on a l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> fréqu<strong>en</strong>ter avec ma copine»,<br />
précise celui ayant accompli les gestes qui sauv<strong>en</strong>t. Le g<strong>en</strong>re<br />
d’attitu<strong>de</strong> qui ti<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la bravoure, <strong>de</strong> l’héroïsme.<br />
Devant les <strong>de</strong>ux collégi<strong>en</strong>s amoureux main dans la main, la<br />
scène, d’<strong>en</strong>trée, va intriguer. Le couple <strong>de</strong> jeunes ados est à<br />
quelques mètres <strong>de</strong> la passerelle, quand l’urg<strong>en</strong>ce, soudain,<br />
se prés<strong>en</strong>te. «On a vu cette dame âgée seule, se p<strong>en</strong>cher<br />
pour fixer l’eau. Elle v<strong>en</strong>ait <strong>de</strong> poser sa canne à terre et s’est<br />
assise. Tout <strong>de</strong> suite, on s’est posé la question : «Que faitelle<br />
»».<br />
«C’est un réflexe plus qu’un geste héroïque»<br />
De là, la dame âgée <strong>de</strong> 94 ans glisse. Sûrem<strong>en</strong>t et<br />
dangereusem<strong>en</strong>t, direction les eaux du canal. Pas <strong>de</strong><br />
panique pour Antoine, haut comme trois pommes, qui va<br />
partir aussitôt à sa rescousse. Arrivé sur les lieux à vélo, pile<br />
au mom<strong>en</strong>t du grand plongeon, son copain Alexis, jouera<br />
autant le rôle <strong>de</strong> sauveur. Dans une baigna<strong>de</strong> agitée qui<br />
s’appar<strong>en</strong>te à une scène <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>, les gestes sont aussi<br />
délicats que l’acte <strong>de</strong> la grand-mère est désespéré. Les<br />
premières paroles seront vitales. Antoine précise comm<strong>en</strong>t<br />
ils ont gardé leur sang-froid. «C’est un réflexe plus qu’un<br />
geste héroïque», répond-il humblem<strong>en</strong>t. «Dès que j’ai<br />
plongé, ma copine a alerté les sapeurs pompiers pour v<strong>en</strong>ir<br />
à notre secours. La dame était déterminée. Difficile <strong>de</strong><br />
s’agripper avec elle sur les bords, d’autant qu’à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> ses<br />
bras, elle repoussait la rive sans cesse. Je la maint<strong>en</strong>ais par le<br />
dos pour stabiliser la situation».<br />
Comm<strong>en</strong>t un petit gars pareil a-t-il pu, alors, sauver la vie <strong>de</strong><br />
celle qui n’<strong>en</strong> voulait plus Sort heureux p<strong>en</strong>dant tant <strong>de</strong><br />
détresse, il y a, à cet <strong>en</strong>droit, sur les bords <strong>de</strong> la Souchez, ce<br />
«tablier» qui évite les profon<strong>de</strong>urs et où on a <strong>en</strong>core pied.<br />
Pour s’<strong>en</strong>foncer, il faut donc s’<strong>en</strong> éloigner. «J’étais <strong>en</strong> colère<br />
contre elle ! Ce n’était pas évid<strong>en</strong>t <strong>de</strong> saisir tout ce qu’elle<br />
disait mais elle affirmait que cela ne servait à ri<strong>en</strong>, qu’elle<br />
voulait mourir… Je lui posais <strong>de</strong>s questions pour <strong>en</strong> savoir<br />
davantage sur elle, sur sa famille, mais ri<strong>en</strong> n’y faisait. J’ai<br />
dû répondre d’un air furieux, que tant que je serai là, il était<br />
hors <strong>de</strong> question qu’elle mette fin à ses jours !».<br />
P<strong>en</strong>dant la scène <strong>de</strong> sauvetage, Alexis lâche le guidon pour<br />
foncer jusque chez lui, non loin <strong>de</strong> là, à la recherche <strong>de</strong> la<br />
gran<strong>de</strong> échelle. Un aller-retour à vitesse folle qui interpelle<br />
net la maman et la soeur. «On était à la maison. On a<br />
compris tout <strong>de</strong> suite qu’il y avait un accid<strong>en</strong>t ! Du coup, on<br />
a suivi Alexis dans sa course pour compr<strong>en</strong>dre ce qui se<br />
passait», rappell<strong>en</strong>t-elles.<br />
De retour vers les rives du canal, Alexis et sa famille vont<br />
guetter l’arrivée <strong>de</strong>s soldats du feu, dans la peau cette fois<br />
<strong>de</strong> plongeurs. «Une fois l’échelle plongée dans l’eau, car il y<br />
a une p<strong>en</strong>te rai<strong>de</strong> d’1 mètre 80 avant d’atteindre le canal, on<br />
a <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du la sirène <strong>de</strong>s sapeurs pompiers… Mais ils avai<strong>en</strong>t<br />
du mal à nous localiser». Alexis <strong>en</strong>fourcha donc à nouveau<br />
son vélo, lancé à la poursuite <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux camions rouges pour<br />
mieux leur indiquer le chemin. Les secours, grâce à lui,<br />
intervi<strong>en</strong>dront promptem<strong>en</strong>t. Le sapeur pompier, muni <strong>de</strong>s<br />
palmes et <strong>de</strong> la combinaison, pr<strong>en</strong>dra les comman<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />
l’opération. Il sortira d’abord Antoine <strong>de</strong> l’eau avant<br />
d’accrocher la dame à <strong>de</strong>s harnais. «Ils l’ont tractée à l’ai<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>s cor<strong>de</strong>s fixées sur la grille du voisin».<br />
«La vie, il faut la vivre jusqu’au bout. On n’<strong>en</strong> a<br />
qu’une, alors autant <strong>en</strong> profiter»<br />
Au final, les souv<strong>en</strong>irs sont gravés à vie dans la tête <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />
ados. Béatrice, l’une <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux mamans fières <strong>de</strong> leur <strong>en</strong>fant,<br />
rappelle une coïncid<strong>en</strong>ce, un autre clin d’œil frappant du<br />
<strong>de</strong>stin. «Et dire que la veille, mon garçon est allé à la<br />
r<strong>en</strong>contre <strong>de</strong>s Jeunes Sapeurs Pompiers, <strong>en</strong> quête <strong>de</strong><br />
r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts sur le métier qu’il <strong>en</strong>visage plus tard».<br />
Les <strong>de</strong>ux garçons, inséparables <strong>de</strong>puis qu’ils ont emménagé<br />
à <strong>Harnes</strong>, sont un brin philosophes. «La vie, il faut la vivre<br />
jusqu’au bout. On n’<strong>en</strong> a qu’une, alors autant <strong>en</strong> profiter»,<br />
précis<strong>en</strong>t ceux qui, <strong>en</strong>tre eux, ont juste trois jours d’écart<br />
dans leur date <strong>de</strong> naissance.<br />
Comme quoi, parfois, la vie ti<strong>en</strong>t à trois fois ri<strong>en</strong>. Un coup <strong>de</strong><br />
fil ou du sort, un réflexe, un plongeon… Encore fallait-il<br />
avoir du cran.<br />
Juin 2010 - n° 236 - 5