Discours introductif de Madame Martine de Boisdeffre ... - Erpanet

ERPAtraining Paris – intervention Mme de Boisdeffre 1
erpatraining
Politique de conservation numérique
Fontainebleau
29-30 janvier 2003
Discours introductif de
Madame Martine de Boisdeffre, directrice des Archives de France
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureuse d'ouvrir ce séminaire de formation organisé par
l'Electronic Resources Preservation and Access NETwork. Non seulement parce que c'est la
première fois que la France accueille ERPANET, mais aussi en raison de l'importance du sujet
abordé, à savoir les "politiques de conservation numérique".
Le traitement des archives électroniques est en effet l'une des préoccupa tions prioritaires de
la direction des Archives de France, qui dispose, dans ce domaine, d'une expérience de plus de
vingt ans, grâce aux réalisations du Centre des archives contemporaines, d'ailleurs tout proche de
notre lieu de réunion. Je profite de cette occasion pour remercier Madame Pétillat, directrice du
Centre, et ses collaborateurs, qui ont beaucoup travaillé à l’accueil et à l’organisation de ce
séminaire. Je tiens également à saluer la direction de l’INSEAD qui abrite nos sessions de travail.
J’en viens maintenant à quelques unes des questions qui seront abordées au cours de ces
deux journées et qui me semblent mériter une attention particulière.
21/03/2003

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1) Un contexte paradoxal
La première session de vos travaux est consacrée au contexte général de l’archivage
électronique et aux conséquences de ce contexte sur la mise en place de politiques d’archivage.
L'archivage des documents électroniques se présente comme un double paradoxe. D'abord
il s'agit d'assurer la conservation à long terme des produits d'une technique par nature évolutive,
pour ne pas dire éphémère. Par ailleurs, nous constatons chaque jour que les technologies de
l'information nous offrent toujours plus de contenus numériques, accessibles presque partout dans
le monde - je pense naturellement au réseau internet - et toujours plus vite. Et si puissance et
vitesse sont les maîtres mots de l'industrie informatique, la pérennité des contenus numériques ne
semble pas faire partie des préoccupations des constructeurs de systèmes, des éditeur s de
logiciels, voire même des utilisateurs qui produisent des documents électroniques.
Fort heureusement, une prise de conscience des enjeux de l'archivage électronique s'est
produite ces dernières années. Des institutions patrimoniales, Archives et Bibliothèques
notamment, ont étudié la question, et commencé à donner des réponses concrètes. Ces réflexions
qui ont, souvent été, au départ, le fait de quelques pionniers, se sont ensuite étendues à l'ensemble
des communautés professionnelles de la conservation. Parallèlement, l’utilité d'une approche
internationale de ces questions est assez vite apparue. La manifestation la plus récente de ce point
de vue est l'avant-projet de charte pour la conservation du patrimoine numérique actuellement en
cours de discussion à l'UNESCO.
© ERPANET, 21/03/2003

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L'Europe n'est pas en reste, avec les travaux du DLM-Forum, et, bien sûr, la création et le
développement d'ERPANET qui nous rassemble aujourd'hui, sans oublier le programme de
formation E-Term, et je pourrais continuer la liste. Ceci n'est naturellement pas l'effet du hasard
ou d'une mode. Les enjeux de l'archivage électronique, qu'ils soient techniques, juridiques ou
financiers, sont d'une telle importance que la coopération européenne et internationale, la
réflexion en commun et l'échange d'expériences, par-delà les frontières, sont les leviers qui nous
permettrons d'assurer au mieux notre mission patrimoniale.
On constate cependant que cette prise de conscience est d’abord le fait des professionnels
de la conservation du patrimoine. Il nous faut aussi convaincre le monde des technologies de
l’information, et sur ce point, il reste encore beaucoup à faire. Un de mes collaborateurs, Joël
Poivre, me disait récemment que chez IBM un seul chercheur, je dis bien un seul, se consacre à la
question de la conservation à long terme des documents électroniques.
La formation et la sensibilisation des acteurs du monde numérique est donc un enjeu
essentiel. Formation des archivistes naturellement, mais aussi et surtout des techniciens, et, enfin,
et ce n’est pas le moins important, des décideurs. Sans cette action, nous risquons de voir
apparaître, et s’aggraver, ce que j’appellerai une “fracture numérique de la mémoire” à mes yeux
aussi grave que la fracture numérique tout court.
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2) Questions à résoudre
Les sessions suivantes sont consacrées aux problèmes concrets que peuvent rencontrer les
politiques d’archivage électronique et aux conséquences en terme d’organisation de ces mêmes
politiques.
Sur le premier aspect, un point-clé me semble être le développement de modèles de
référence, de normes, de bonnes pratiques, bref, quel que soit le nom que l’on leur donne,
d’outils communs permettant à toute organisation impliquée dans l’archivage numérique de ne
pas, si vous me permettez cette expre ssion familière, réinventer à chaque instant la poudre. Ces
référentiels commun doivent aussi permettre que les techniques de conservation à long terme des
documents électroniques utilisées par les différentes institutions restent compatibles et permettent
ainsi aux utilisateurs futurs un accès aisé au patrimoine numérique.
Or, nous le savons bien, l’aspect technique de la conservation à long terme de documents
électroniques fait toujours l’objet de débats, par exemple entre les tenants de la migration et ceux
de l’émulation. Je n’entrerai pas ici dans ces débats, mais il est clair qu’il y a là matière à un
effort de recherche qui ne peut que tirer profit d’une large coopération internationale et
spécialement européenne.
Cette coopération a d’ailleurs déjà porté ses fruits. En effet plusieurs modèles ou normes
relatives à l’archivage électronique ont été élaborées dans un cadre international qu’il s’agisse du
modèle OAIS, produit de la collaboration entre plusieurs agences spatiales, et qui a d’ailleurs fa it
© ERPANET, 21/03/2003

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l’objet du précédent séminaire ERPANET, ou le Model requirements for the management of
electronics records, mis au point, lui, par le DLM-Forum. La difficulté ici n’est pas tant
d’élaborer de tels outils, que de veiller à ce qu’ils soient compatibles et à réussir leur mise en
application concrète. Je ne doute pas que les discussions et les échanges d’informations de ce
séminaire, appuyés sur des cas concrets, permettront à tous de progresser dans cette voie.
Les questions soulevées par les aspects organisationnels ne sont pas moins nombreuses.
J’évoquerai d’abord celle de l’estimation des coûts de l’archivage électronique. J’ai en effet eu
récemment l’occasion, en tant que directrice des Archives de France, de constater que nous
disposions de peu d’études sur la question, qu’il s’agisse d’identifier les éléments de coût de
l’archivage électronique, ou de bâtir des modèles de prévision de ces coûts.
Or disposer de tels outils nous aiderait beaucoup dans l’indispensable travail de conviction
que nous devons accomplir auprès des décideurs, que j’évoquais tout à l’heure, comme dans la
planification de nos investissements et travaux. J’ajoute qu’il faudrait également être capable de
montrer les gains économiques induits par une politique réussie de conservatio n numérique.
Deuxième point que je voulais aborder, l’indispensable développement des équipes et des
moyens affectés à l’archivage électronique dans les institutions patrimoniales, et particulièrement
dans les services publics d’archives. Si cet objectif est clair, les moyens d’y parvenir méritent
d’être discutés. On peut ainsi se demander s’il faut adopter à cet égard une démarche de
concentration des moyens, par la création, par exemple, de pôle nationaux de ressources, ou, au
contraire, une approche plus décentralisée, en encourageant la généralisation de l’archivage
électronique dans les services territoriaux.
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Sans trancher ici cette question, je note que ces deux méthodes ne sont pas nécessairement
incompatibles.
Plus généralement, je pense que les objets numériques, par certaines de leurs
caractéristiques propres, nous amènent à nous interroger sur l’organisation territoriale de
l’archivage. C’est vrai, par exemple, des données collectées localement et traitées par des
serveurs nationaux, dans le cadre des téléprocédures, ou, si vous préférez ce terme, de l’Eadministration,
qui se développent dans tous nos pays. Dans de tels cas, à quel niveau doit-on
archiver ces données : national, local, ou une combinaison des deux On peut avoir la même
interrogation pour les sites internet, qui sont par nature, des objets “transfontières”. Là aussi la
question du niveau pertinent d’archivage et de la répartition des compétences se pose. Et, à
nouveau, l’intérêt d’une coopération internationale apparaît clairement.
Enfin, vous remarquerez également que les réponses à ces différentes questions ne sont pas
sans conséquences sur l’aspect financier de l’archivage.
3) Mise en œuvre des politiques de conservation
Le séminaire se conclut sur l’examen des étapes de la mise en place d’une politique
d’archivage électronique. Sur ce chapitre, je m’en tiendrai à deux brèves remarques.
L’une des premières étapes est certainement le recensement de la production numérique. Et
cette tâche est loin d’être aussi simple qu’il n’y paraît. Par ailleurs, il me semble indispensable de
mettre au point des indicateurs, aussi objectifs que possible, permettant d’évaluer la réussite de la
mise en œuvre de la politique préalablement définie, et d’y apporter, le cas échéant les
modifications appropriées.
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Conclusion
Comme nous venons de le voir, le développement de l’archivage numérique suppose des
réflexions et des actions de nature très variée, qu’il s’agisse de formation, d’élaboration de
normes, de mise en place d’organisation adaptée.
Toutes ces actions ont un point commun : elles ne réussiront pas sans une collaboration
internationale bien organisée, dont ce séminaire est un exemple. Je ne pourrai malheureusement
pas assister à l’intégralité de vos débats, étant retenue par d’autres obligations, et je conclurai en
formulant le vœu que ces deux journées soient, pour chacun d’entre vous, aussi fructueuses
qu’intéressantes. En réalité, ce n’est pas un vœu, mais une certitude.
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