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Catherine Serres (1), Michel Gohar (2), Didier ... - SympoScience

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Évaluation du risque toxicologique des OGM<br />

Commission du génie biomoléculaire<br />

Effet de la toxine Cry 1Ab sur le mouvement<br />

des spermatozoïdes humains<br />

<strong>Catherine</strong> <strong>Serres</strong> (1), <strong>Michel</strong> <strong>Gohar</strong> (2), <strong>Didier</strong> Lereclus (2), Pierre Jouannet (1),<br />

Marc Fellous (3)<br />

(1) Laboratoire d’histologie-embryologie, biologie de la reproduction<br />

Faculté de médecine Cochin-Port-Royal, EA 1752 Paris<br />

(2) Unité génétique microbienne et environnement, INRA<br />

La Minière, 78285 Guyancourt cedex<br />

(3) INSERM U 361, équipe E 0021<br />

Hôpital Cochin, pavillon Baudelocque, 123 boulevard de Port-Royal 75014 Paris<br />

Introduction<br />

Parmi les protéines insecticides produites par les OGM, il y a les toxines de Bacillus thuringiensis, des<br />

protéines crystal (CRY) réparties en différentes familles (Cry 1,Cry 2, Cry 3.) et sous-familles<br />

(Cry 1A, Cry 1B, Cry 1C) en fonction de leur degré d’identité (Crickmore et al., 1998). Ces protéines<br />

exercent un effet toxique sur les larves d’insectes avec des DL50 (doses létales pour 50 % d’une<br />

population donnée) généralement comprises entre 10 et 100 ng, selon les toxines et les espèces<br />

d’insectes. Quand elles sont ingérées, ces toxines se fixent sur les membranes des cellules épithéliales<br />

intestinales, par l’intermédiaire de récepteurs de type aminopeptidase ou de type cadhérine (Schnepf et<br />

al., 1998 ; Gomez et al., 2001 ; Meng et al., 2001 ; Lee et al., 2000). Elles s'insèrent dans les<br />

membranes et forment des pores, exerçant alors une activité de canal ionique peu sélectif, susceptible<br />

de modifier la perméabilité membranaire des cellules (Alcantara et al., 2001). Ainsi, Cry 1C est<br />

capable d’induire un efflux de potassium au niveau de la membrane plasmique de cellules d’insecte<br />

Sf9 en culture (Guilhard et al., 2000).<br />

Dans le but de savoir si ces toxines peuvent être nocives pour l'homme et en particulier pour la<br />

fonction reproductrice, nous avons testé, in vitro, l'effet de la toxine Cry 1Ab, sur le spermatozoïde<br />

humain. La toxine Cry 1Ab est la plus fréquemment trouvée dans les préparations de biopesticides à<br />

base de B. thuringiensis, et c’est aussi la plus utilisée pour la construction de plantes transgéniques<br />

résistantes aux insectes. Nous avons choisi de mesurer l'impact de cette toxine sur la mobilité du<br />

spermatozoïde dans la mesure où cette fonction spermatique est sensible aux modifications ioniques<br />

intracellulaires (Jouannet et <strong>Serres</strong>, 1995), du type de celles potentiellement produites par les toxines<br />

Cry.<br />

Paris, les 27 et 28 septembre 2002 122


Évaluation du risque toxicologique des OGM<br />

Commission du génie biomoléculaire<br />

Matériels et méthode<br />

Nous avons utilisé la toxine Cry 1Ab à partir d’une solution stock pure à 99 % contenant 1 µg/µl de<br />

toxine dans 20 mM Na 2 CO 3 + 2 mM EGTA, pH 10. Le contrôle utilisé était de la protoxine Cry 1Ab<br />

pure à 98 %, contaminée à 0,7 % par de la toxine activée, stockée à la même concentration que la<br />

toxine.<br />

Les spermatozoïdes provenaient de trois donneurs différents (deux éjaculats par donneur). La sélection<br />

des spermatozoïdes mobiles a été effectuée à travers un gradient de Percoll à deux couches (47,5 % et<br />

95 %) centrifugé à 300 g durant 20 minutes. Le culot des spermatozoïdes mobiles a été lavé et<br />

suspendu dans le milieu HTF + 1 % BSA à la concentration de 15.10 6 cellules/ml.<br />

Le schéma expérimental a consisté à incuber, à température ambiante, les spermatozoïdes avec<br />

différentes doses de toxine ou protoxine (10 ng, 50 ng, 100 ng, 500 ng et 1000 ng) dans un volume<br />

final de 200 µl. Après des temps variables d’incubation (1 heure, 4 heures et 24 heures), la mobilité<br />

des cellules était analysée à l’aide d’un appareil semi automatique de mesure du mouvement (IVOS<br />

Hamilton Thorn Research). La trajectoire des spermatozoïdes ayant une allure pseudosinusoïdale, nous<br />

avons mesuré la vitesse de progression linéaire (VSL, en µm/s), la vitesse du déplacement sinusoïdal<br />

de la tête des spermatozoïdes (VCL, en µm/s), la linéarité des trajectoires (LIN = VSL/VCL) et la<br />

largeur des trajectoires (ALH, en µm). Par ailleurs, nous avons calculé le pourcentage de cellules<br />

progressives (VSL > 10µm/s). Les mesures étaient effectuées sur un minimum de cent cellules<br />

progressives. Les valeurs moyennes obtenues dans les incubations avec toxine ont été comparées à<br />

celles obtenues dans les incubations avec protoxine, et les résultats ont été exprimés en pourcentage<br />

par rapport au contrôle protoxine. Nous avons considéré comme significatives les différences de plus<br />

(effet stimulant) ou moins (effet inhibiteur) 10 % par rapport au contrôle.<br />

Résultats et discussion<br />

Nous avons réalisé six incubations indépendantes correspondant aux deux éjaculats de chacun des trois<br />

spermes. Dans un premier temps, nous avons comparé, pour chacun des donneurs, les résultats obtenus<br />

avec les spermatozoïdes provenant des deux éjaculats. Nous avons constaté l’existence d’une<br />

variabilité intra-individuelle des effets de la toxine sur les paramètres du mouvement spermatique.<br />

Ceci est illustré par la figure 1 qui montre, par exemple, qu’un effet stimulant de la toxine (après<br />

4 heures d’incubation aux doses 10 – 100 ng) constaté sur les spermatozoïdes provenant de l’éjaculat 1<br />

n’est pas reproduit avec le deuxième éjaculat.<br />

Paris, les 27 et 28 septembre 2002 123


Évaluation du risque toxicologique des OGM<br />

Commission du génie biomoléculaire<br />

Éjaculat n° 1 Éjaculat n° 2<br />

Dose de Cry 1Ab (ng)<br />

Les spermatozoïdes humains provenant de deux éjaculats d’un même donneur ont été incubés, pendant 1heure (♦), 4 heures<br />

(■) et 24 heures (▲) en présence de différentes doses (10 à 1000 ng) de toxine ou protoxine comme contrôle. Différents<br />

paramètres du mouvement (VSL et VCL, en µm/s ; ALH, en µm ; LIN = VSL/VCL) et le pourcentage de cellules mobiles<br />

ont été mesurés. Les valeurs des paramètres dans les incubations avec toxine sont exprimées en pourcentage de la valeur de<br />

ces mêmes paramètres dans les incubations contrôles.<br />

Figure 1. Effet de la toxine Cry 1Ab sur le mouvement des spermatozoïdes humains : variabilité intraindividuelle.<br />

Paris, les 27 et 28 septembre 2002 124


Évaluation du risque toxicologique des OGM<br />

Commission du génie biomoléculaire<br />

Dose de Cry 1Ab (ng)<br />

Les spermatozoïdes humains provenant de trois donneurs différents ont été incubés, pendant 1heure (♦), 4 heures (■) et 24<br />

heures (▲) en présence de différentes doses (10 à 1000 ng) de toxine ou protoxine comme contrôle. Différents paramètres<br />

du mouvement (VSL et VCL, en µm/s ; ALH, en µm ; LIN = VSL/VCL ) et le pourcentage de cellules mobiles ont été<br />

mesurés. Les valeurs des paramètres dans les incubations avec toxine sont exprimées en pourcentage de la valeur de ces<br />

mêmes paramètres dans les incubations contrôles.<br />

Figure 2. Effet de la toxine Cry 1Ab sur le mouvement des spermatozoïdes humains : variabilité inter<br />

individuelle.<br />

Paris, les 27 et 28 septembre 2002 125


Évaluation du risque toxicologique des OGM<br />

Commission du génie biomoléculaire<br />

Pour atténuer la variabilité individuelle, nous avons fait la moyenne des mesures des deux éjaculats<br />

d’un même sperme, puis comparé ensuite ces valeurs moyennes entre trois spermes différents<br />

(cf. figure 2). Le plus souvent, quels que soient la dose et le temps d’incubation, les valeurs des<br />

paramètres spermatiques restent dans une fourchette de plus ou moins 10 % des valeurs contrôles,<br />

traduisant le fait que, globalement, la toxine n’a pas d’effet significatif sur le mouvement des<br />

spermatozoïdes.<br />

Dans les quelques conditions expérimentales où il existe un effet significatif, celui-ci n’est pas<br />

reproduit dans les trois spermes : ainsi, le paramètre ALH est diminué dans les incubations du<br />

sperme 1 après 4 et 24 heures d’incubation, mais pas dans les spermes 2 et 3. Il arrive même, mais<br />

rarement, que les effets observés soient inverses selon les spermes : la toxine exerce sur le paramètre<br />

VSL un effet plutôt inhibiteur pour le sperme 1 et plutôt stimulant pour le sperme 2. Ainsi il existerait<br />

aussi une variabilité interindividuelle des effets de la toxine sur les spermatozoïdes humains.<br />

L’hétérogénéité des spermatozoïdes éjaculés est bien connue dans l’espèce humaine et repose en partie<br />

sur un état de maturation différent des gamètes au sein d’un même éjaculat. Sachant cela, et à moins<br />

d’un effet drastique de la toxine Cry 1Ab sur les spermatozoïdes – ce qui n’est pas observé ici –, des<br />

effets plus subtiles, observables en fonction de l’état de maturation cellulaire, sont difficiles à mettre<br />

en évidence. À cela s’ajoute aussi le fait qu’il peut exister une susceptibilité à la toxine différente selon<br />

les individus. Ces considérations expliquent sans doute la variabilité des quelques effets significatifs de<br />

la toxine constatés dans cette étude.<br />

Conclusions<br />

Les modifications des paramètres du mouvement induites par la toxine Cry 1Ab sont peu significatives<br />

(< 10 % de la valeur contrôle), quels que soient les doses testées de toxine et le temps d’incubation.<br />

Les quelques effets significatifs de la toxine sont rares et non reproductibles d’un éjaculat à l’autre<br />

d’un même sperme et entre des spermes de différents donneurs, traduisant une variabilité intra et<br />

interspermatique. Nous en concluons que, dans nos conditions expérimentales, il n’y a pas d’effet in<br />

vitro significatif de la toxine Cry 1Ab sur la mobilité des spermatozoïdes humains.<br />

Références<br />

ALCANTARA E.P., ALZATE O., LEE M.K., CURTISS A., DEAN D.H., 2001 – Role of alpha-helix seven of<br />

Bacillus thuringiensis Cry1 Ab delta-endotoxin in membrane insertion, structural stability, and ion<br />

channel activity. Biochemistry, 40,8, 2540-7.<br />

CRICKMORE N., ZEIGLER D.R., FEITELSON J., SCHNEPF E., VAN RIE J., LERECLUS D., BAUM J., DEAN<br />

D.H., 1998 – Revision of the nomenclature for the Bacillus thuringiensis pesticidal crystal proteins.<br />

Microbiol. Mol. Biol. Rev., 62, 3, 807-13.<br />

GOMEZ I., OLTEAN D.I., GILL S.S., BRAVO A., SOBERON M., 2001 – Mapping the epitope in cadherinlike<br />

receptors involved in Bacillus thuringiensis Cry 1A toxin interaction using phage display. J. Biol.<br />

Chem., 276, 31, 28 906-12.<br />

GUIHARD G., VACHON V., LAPRADE R., SCHWARTZ J.L. 2000 – Kinetic properties of the channels<br />

formed by the Bacillus thuringiensis insecticidal crystal protein Cry 1C in the plasma membrane of<br />

Sf9 cells. J. Membr. Biol., 175, 2, 115-22.<br />

Paris, les 27 et 28 septembre 2002 126


Évaluation du risque toxicologique des OGM<br />

Commission du génie biomoléculaire<br />

JOUANNET P., SERRES C., 1995 – Mouvement normal et pathologique du spermatozoïde humain.<br />

Medecine Sciences, 11, 555-62.<br />

LEE M.K., RAJAMOHAN F., JENKINS J.L., CURTISS A.S., DEAN D.H., 2000 – Role of two arginine<br />

residues in domain II, loop 2 of Cry 1Ab and Cry 1Ac Bacillus thuringiensis delta-endotoxin in<br />

toxicity and binding to Manduca sexta and Lymantria dispar aminopeptidase. N. Mol. Microbiol., 38,<br />

2, 289-98.<br />

MENG J., CANDAS M., KEETON T.P., BULLA L.A. Jr., 2001 – Expression in Spodoptera frugiperda<br />

(Sf21) insect cells of BT-R(1), a cadherin-related receptor from Manduca sexta for Bacillus<br />

thuringiensis Cry 1Ab toxin. Protein Expr. Purif., 22, 1, 141-7.<br />

SCHNEPF E., CRICKMORE N., VAN RIE J., LERECLUS D., BAUM J., FEITELSON J., ZEIGLER D.R., DEAN<br />

D.H., 1998 – Bacillus thuringiensis and its pesticidal crystal proteins. Microbiol. Mol. Biol. Rev., 62, 3,<br />

775-806.<br />

Paris, les 27 et 28 septembre 2002 127

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