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Libero - Ecole des images

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Cahier critique de l’école <strong>des</strong> <strong>images</strong> :<br />

<strong>Libero</strong><br />

Kim Rossi Stuart<br />

Novembre 2006<br />

Dimanche 22 octobre, le CRDP de Paris et la Ligue de l’enseignement, section de Paris<br />

organisaient une avant première de <strong>Libero</strong>, premier film de Kim Rossi Stuart, acteur italien<br />

passé, comme on dit, derrière la caméra.<br />

Placé dans la rubrique "analyse filmique", ce texte n'est qu'un essai d'écriture "critique" et pas<br />

un texte d'analyse, le film n'étant pas encore disponible pour une analyse au sens strict.<br />

Nous tentons seulement de suivre le "conseil" donné par Jacqueline Nacache dans le livre que<br />

nous indiquions récemment dans la rubrique "actualités" : il faut essayer de réconcilier (en<br />

nous) le spectateur, le critique et l'analyste. (Jacqueline Nacache, l'analyse filmique en<br />

question, regards, champs, lectures. L'Harmattan, Champs Visuels, 2006, 264 p. 24 €)<br />

Précision utile : il s’agit bien d’un texte critique (au sens d’écriture critique)<br />

qui se base sur la simple vision (une seule fois) du film.<br />

Introduction :<br />

C’est toujours un réel plaisir d’aller voir un film dont le réalisateur est également acteur.<br />

Comme il l'explique dans l'interview disponible sur ce site, Kim Rossi Stuart n'a pas choisi<br />

d'être acteur du film, mais c'est un bonheur que ce choix lui ait été imposé.<br />

Les plus grands ont toujours fait cela : on pense tout de suite à Chaplin bien sûr, ou à Erich<br />

von Stroheim et Renoir pour remonter aux grands maîtres.<br />

Plus près de nous il y a Eastwood ou encore Moretti, Shyamalan ou Tarantino. Un <strong>des</strong> plus<br />

grands de tous n’échappait pas à cette règle non écrite : Orson Welles.<br />

Il y a un peu de Welles dans la séquence d’ouverture de <strong>Libero</strong> : Une voix­off, celle de<br />

l’acteur­réalisateur, hante les premiers plans du film. Et elle nous en dit déjà long sur ce qui<br />

va se tramer par la suite. Cette voix d’homme qui s’occupe de réveiller les enfants nous<br />

annonce, en creux, l’absence de la mère.<br />

Point de machisme dans cette remarque, simplement il s’agit d’un film italien et on s’attend à<br />

entendre plutôt la "Mamma" en de telles circonstances. La seule femme de la maison, pour<br />

l’instant, c’est une adolescente qui va verser de l’eau sur la tête de celui qui dort encore. Ce<br />

geste relève non pas d’une mauvaise blague d’ado, plutôt de la complicité et d’une certaine<br />

tendresse de la sœur envers celui qu’on découvre : le jeune frère.<br />

Il a été dit au cours du débat qui suivit l’avant­première, que le film fonctionnait entièrement<br />

sur le point de vue de l’enfant, de cet enfant­là, le jeune frère. Nous voudrions relativiser<br />

assez fortement cette idée.<br />

Elle pointe bien sûr le fait que ce garçon sera, tout au long du film, le centre d’avancement de<br />

l’intrigue, le point d’équilibre de cette famille "bancale". Mais si on prend le temps de<br />

regarder le film, avec les yeux grands ouverts, on voit bien que le point de vue n’est pas celui<br />

, © Marc HOLFELTZ , CRDP de Paris


de Tommi le jeune garçon, mais bel et bien celui de Kim Rossi Stuart.<br />

Encore qu’il s’agisse ici d’un problème théorique qui a été largement débattu dans le champ<br />

de l’analyse filmique. L’histoire "structuraliste" de la théorie du cinéma en France a depuis<br />

longtemps tordu le cou à ce genre de remarque. Nous ne devrions pas parler du réalisateurauteur<br />

comme "instance énonciatrice" de <strong>Libero</strong>, mais bon ! Rendons tout de même à César<br />

ce qui est à César.<br />

Pour étayer notre argument, nous allons revenir sur trois séquences autour <strong>des</strong>quelles <strong>Libero</strong><br />

s’organise fortement. Il s’agit de la séquence d’ouverture ; puis, vers le milieu du film, de la<br />

séquence "du chameau" et, pour finir, de la séquence finale dans laquelle l’amour <strong>des</strong> deux<br />

parents est enfin révélé au jeune Tommi de façon incontestable.<br />

Mise en phase :<br />

Malgré ce que nous avancions précédemment, il existe néanmoins <strong>des</strong> points de théorie qu’il<br />

est intéressant de respecter. Surtout quand ils nous aident à comprendre (ou à expliquer)<br />

"comment ça fonctionne". Parmi ces points de théorie, il y en a un qui convient fort bien à<br />

l’ouverture de <strong>Libero</strong> ; il s’agit du problème de la "mise en phase".<br />

Ce point a été ainsi défini par Roger Odin, ancien professeur à Paris III : Il y a mise en phase<br />

quand "le travail du film produit un positionnement du spectateur (une relation film /<br />

spectateur) homologue aux relations qui se manifestent dans la diégèse". (Roger Odin "mise<br />

en phase, déphasage et performativité dans le Tempestaire de Jean Epstein", in<br />

Communications n° 38 "Énonciation et cinéma", Seuil, Paris, p. 224)<br />

Diable ! Cela paraît compliqué, il n'en n'est rien.<br />

A y regarder de plus près, le dernier plan de la toute première séquence (quand Tommi<br />

ramène les draps sur sa tête) est un exemple extraordinaire de mise en phase qui permet de<br />

bien comprendre autour de quel point de vue s’organise le film.<br />

Au cinéma, les moments de mise en phase correspondent à <strong>des</strong> passages où l’énonciation du<br />

film se dévoile, où le fonctionnement de la mise en scène devient un peu moins discret. Ce<br />

sont ces moments dont l’analyste peut s’emparer pour essayer de comprendre comment<br />

"l’auteur du film" (on s’éloigne encore un peu plus <strong>des</strong> théories structuralistes …) s’y prend<br />

pour faire avancer son film et dire, en <strong>images</strong> et en son, tout ce qu’il n’a pas envie de dire, ou<br />

faire dire aux acteurs avec <strong>des</strong> mots ou <strong>des</strong> attitu<strong>des</strong>.<br />

Une mise en phase <strong>des</strong> plus classiques, c’est par exemple quand le personnage est ivre : alors<br />

on voit que les <strong>images</strong> du films, généralement en plan subjectif, semblent elles­mêmes tituber.<br />

Le spectateur est comme ivre lui aussi.<br />

Ou encore, quand un personnage reçoit un coup sur la tête : de nouveau plan subjectif, puis<br />

tout se brouille pour finir en fondu au noir, sensé représenter la perte de conscience du<br />

personnage. La plupart du temps, la séquence suivante s’ouvre sur un fondu en ouverture flou,<br />

puis de plus en plus net, etc. … Voilà à quoi sert la mise en phase dans sa version la plus<br />

banale. On a déjà vu cela <strong>des</strong> dizaines de fois. Comment cela fonctionne­t­il dans <strong>Libero</strong> ?<br />

, © Marc HOLFELTZ , CRDP de Paris


La scène du drap :<br />

Ici, cela se joue autrement : il y a bien mise en phase car "les relations dans la diégèse" (un<br />

jeune adolescent préfère rester sous la couette qu’affronter la journée qui s’annonce) sont<br />

"homologues" à notre relation au film : notre regard s’obscurcit en même temps que celui de<br />

l’enfant (sous le drap).<br />

Mais toute la différence avec le schéma classique tient dans le fait que la caméra ne nous<br />

donne pas un plan subjectif vu par Tommi "sous le drap". Non, ici la caméra s’est<br />

insensiblement avancée au plus près de ce personnage que nous ne connaissons pas encore, et<br />

quand celui­ci disparaît sous les draps, la caméra est assez proche pour que notre regard<br />

s’obscurcisse exactement en même temps que celui du personnage.<br />

Et ce noir n’est pas un fondu au noir, il est du simplement à la présence en très gros plan du<br />

drap sombre. C’est tout sauf un plan subjectif et c’est ce qui fait la différence. La plongée qui<br />

donne l’enfant "en <strong>des</strong>sous", petit, fragile, met en place le schéma qui prévaudra pour<br />

l’essentiel du film. Nous resterons extérieur à ce personnage qui sera pourtant toujours<br />

présenté avec beaucoup d’empathie, d'où cette impression, magistralement orchestrée par Kim<br />

Rossi Stuart, que le point de vue du film est celui de l'enfant.<br />

Kim Rossi Stuart semble nous dire ici : je vais vous montrer le point de vue d’un enfant sur le<br />

monde, mais ce monde j’en suis le maître, c’est par mes yeux que vous allez y pénétrer.<br />

Voici une entrée en matière plutôt bien assumée par un jeune réalisateur dont c’est le premier<br />

film. Et la beauté de tout cela, c’est que la mise en scène est très discrète, élégante.<br />

Puis la séquence bascule, et nous sommes embarqués dans la violence d’un père caractériel.<br />

Très vite, les données "sociologiques" de la famille sont brossées : mère absente, père au<br />

statut instable (il est d’ailleurs intermittent du spectacle …), sœur légèrement abusive qui<br />

découvre sa sexualité (la tendresse signalée dans la première séquence risque à plusieurs<br />

moments de glisser vers le "passage à l’acte"), etc. ...<br />

De fil en aiguille, on voit comment Tommaso (Tommi) s’en sort en permanence, baladé entre<br />

<strong>des</strong> sentiments contradictoires et une sensibilité ainsi qu’une intelligence rare. Quand la mère<br />

refait surface Kim Rossi Stuart nous offre encore un moment délicieux de mise en scène : le<br />

premier mot de la mère (cachée dans l’escalier) en dit plus long que toutes les scènes de<br />

traitement psychologique au cinéma : "Bambini ! ".<br />

Le mot, la façon dont elle le prononce, sa voix, tout la situe elle­même du côté de l’enfance et<br />

on pressent immédiatement le rôle qu’elle peut tenir au sein de la structure familiale.<br />

Rapidement, Kim Rossi Stuart donne consigne au jeune Tommi de résumer la situation pour<br />

nous : Quand la famille réunie décide d'accorder une seconde chance à la mère, il glisse en<br />

aparté à son père "de toute façon, elle finira par s’en aller à nouveau". Tout est dit.<br />

Tommi loin d’être désabusé ou haineux vis­à­vis de cette mère incapable, montre le visage<br />

d’un enfant qui va savoir profiter de ces instants de présence de la mère, mais sans être dupe.<br />

Le bonheur est rare, sachons en profiter. Maxime qui reste à méditer …<br />

, © Marc HOLFELTZ , CRDP de Paris


La séquence du chameau :<br />

Nous ne nous attarderons pas sur le fonctionnement psychologique <strong>des</strong> personnages, il<br />

convient de revenir au traitement du point de vue que le film met en oeuvre afin de<br />

comprendre un <strong>des</strong> aspects fondamentaux de la mise en scène par Kim Rossi Stuart.<br />

Sur ce problème, deux autres séquences semblent constituer <strong>des</strong> articulations fondamentales<br />

de ce superbe film, celle "du chameau" au milieu du film puis la séquence finale.<br />

La séquence "du chameau" tout d’abord. Pendant un moment, la mère semble un peu<br />

stabilisée au foyer, une famille "mythique" semble en passe de pouvoir exister même si,<br />

prévenus par Tommi, nous n’y croyons guère.<br />

Cette petite famille part donc avec le père qui a trouvé un engagement dans une belle région<br />

pas trop loin de Rome. On apprend à ce moment que le père est opérateur de Steadycam (cet<br />

appareil étrange constitué d’un harnais fort lourd auquel on fixe une caméra pour faire <strong>des</strong><br />

mouvements de caméra flui<strong>des</strong>, notamment dans les films d’action).<br />

Cette scène est particulièrement étonnante car, là encore, c’est le jeu sur le point de vue qui<br />

fait sens : le père de famille veut à tout prix imposer au metteur en scène (du film dans le<br />

film) une prise de vue qu’il juge intéressante, dynamique et esthétique. Faute d’y parvenir, il<br />

préfère quitter le plateau et perd donc son travail.<br />

Comme il y a belle lurette qu’on a compris que le père est caractériel, on peut se demander<br />

l’intérêt de cette scène.<br />

A bien la regarder, elle fonctionne essentiellement par une alternance en champ/contre­champ<br />

entre la scène qui se déroule et le regard du fils Tommi. Alternance bâtie de telle façon qu’on<br />

ressent nettement que Tommi sait d’avance l’issue de l’affrontement entre celui qui a le<br />

pouvoir de décision et son père.<br />

De plus, la mise en scène du point de vue de l'enfant passe à chaque fois par une forte<br />

complicité avec le regard de la mère et de la soeur.<br />

Cette complicité se joue dans un panoramique qui joint la mère, la fille et Tommi et semble<br />

pointer le rôle fondamental du père dans le délitement de la cellule familiale, là où l’on<br />

pouvait penser que la mère était responsable de tous les maux. C’est un moment étonnant de<br />

basculement du point de vue par lequel Kim Rossi Stuart semble nous dire qu’il en a assez fait<br />

avec la domination du père, et que cela va devoir changer.<br />

Ainsi on voit cette scène d’un père "abusif" qui négocie (en pure perte) avec le représentant<br />

dans la fiction du metteur en scène, sous les yeux de son propre fils : le personnage du père<br />

semble vouloir imprimer sa marque sur le film, mais le metteur en scène s’y oppose.<br />

A partir de ce moment, un basculement va s’opérer doucement, par lequel Tommi va<br />

"s’émanciper" progressivement <strong>des</strong> diktats du père.<br />

Ce basculement va s’opérer autour de l’activité sportive : natation contre football, sport<br />

individuel contre sport collectif, enfant objet <strong>des</strong> désirs du père contre enfant sujet de sa<br />

propre expérience de vie.<br />

, © Marc HOLFELTZ , CRDP de Paris


La "scène du chameau" est d’autant plus fine qu’elle se joue autour du cinéma comme objet.<br />

Elle nous incite à penser que les vrais enjeux de la vie peuvent être au cœur d’un<br />

questionnement ontologique sur le cinéma.<br />

Elle est d’autant plus remarquable, qu’elle fait écho, comme si ce problème était passé dans<br />

"l’air du temps", à l’essentiel du fonctionnement d’un autre film récent, le dernier film de<br />

Night Shyamalan, la jeune fille de l’eau.<br />

Comme Kim Rossi Stuart, Shyamalan y joue un rôle en tant qu’acteur et ce rôle se transforme<br />

progressivement : de simple personnage, il devient progressivement scénariste de l’histoire<br />

qui se déroule devant nos yeux, puis, nécessité oblige, il passe ensuite au statut de metteur en<br />

scène au profit d’une fiction qui voudrait ressusciter les valeurs fondamentales d’une<br />

collectivité américaine qui ne croit plus en ses propres mythes.<br />

Séquence finale :<br />

Dans <strong>Libero</strong> le propos reste centré sur une valeur essentielle (et peut­être tout autant<br />

mythologique pour les Italiens) : la famille. Nous avons ici le portrait extraordinaire d’un<br />

enfant qu’on peut tous rêver d’avoir pour fils : il est beau, sensible, intelligent et généreux :<br />

c’est lui qui permet finalement aux adultes qui l’entourent de parvenir enfin à l’âge adulte. Il<br />

les mène à l’acceptation d’un certain état <strong>des</strong> choses qui passe obligatoirement par<br />

l’acceptation de leur statut de père ou de mère.<br />

Là encore, le film se joue autour d’un point de vue admirablement maîtrisé et mis en scène<br />

par Kim Rossi Stuart, au moment de conclure le film : prenons, pour commencer la scène<br />

scellant définitivement l’amour du père pour son fils.<br />

Au­delà de considérations psychologiques sur la faiblesse assumée par le père qui pleure<br />

(enfin oserait­on dire) devant son fils, ce qui paraît faire vraiment sens c’est le raccord de<br />

montage qui advient au moment où le fils tombe dans les bras enfin ouverts de son père : à ce<br />

moment là, la caméra passe dans le dos du père et ce qu’on voit c’est (comme) un seul et<br />

unique corps.<br />

Et ce corps est celui d’un adulte (on voit le père de dos, Tommi étant largement caché par le<br />

père). L’acceptation du fils par le père va rendre possible (on l’imagine, on l’espère) l’accès à<br />

une adolescence plus libre pour Tommi, devenu "<strong>Libero</strong>" …<br />

Par le jeu du champ/contre­champ, Kim Rossi Stuart nous donne à voir les visages<br />

transformés du père et de l'enfant, qui semblent s'être illuminés.<br />

La scène "maternelle" est tout aussi extraordinaire puisque la mère est absente physiquement<br />

du plan, simplement représentée par une petite photo encadrée qu’elle a fait parvenir à<br />

Tommi. Ce dernier lit les mots que sa mère lui a envoyés avec la photo : elle lui avoue un<br />

amour qui ne pourra jamais cesser puisque, justement, elle sera toujours sa mère (notons au<br />

passage que l’écriture de la mère semble être celle d’un enfant). Là encore, un changement de<br />

plan intervient.<br />

, © Marc HOLFELTZ , CRDP de Paris


Comme dans la scène avec le père, aucune nécessité ne justifie un changement de plan à ce<br />

moment, si ce n’est la volonté de dire la chose par le point de vue de la caméra. Changement<br />

de plan donc : une forte contre­plongée montre Tommi par en <strong>des</strong>sous, il paraît soudain très<br />

grand dans le cadre, qu'il occupe entièrement.<br />

C’est seulement alors que ses pleurs peuvent couler, pleurs qui sont ceux d’une personne<br />

pleine et entière, sans doute pas encore adulte mais qui pleure comme sa mère a pleuré en<br />

écrivant cette lettre qui la fonde enfin comme mère à part entière (il semble que le petit mot<br />

de la mère soit baigné de larme) ;<br />

Il pleure comme son père a pleuré dans la séquence précédente. Il peut enfin accéder à <strong>des</strong><br />

états émotionnels normaux. Jusqu’ici dans le film, ses émotions étaient pour le moins<br />

refoulées.<br />

Conclusion :<br />

Notre plaisir après <strong>Libero</strong> est grand car de ce premier film naît une attente extraordinaire : On<br />

vient de voir éclore sous nos yeux un grand réalisateur qui, contrairement au personnage qu’il<br />

incarne à l’écran, ne se satisfait pas à l’idée de faire un beau mouvement de caméra très<br />

voyant.<br />

Au contraire, sa caméra sait se glisser (sans steadycam) dans les interstices de la vie, là où se<br />

joue la vérité <strong>des</strong> choses, avec une élégance discrète.<br />

C’est peut­être un <strong>des</strong> plus beaux films sur l’adolescence qu’on ait vu depuis fort longtemps, à<br />

la mesure d’un autre grand réalisateur­acteur qui regardait comme personne les adolescents :<br />

François Truffaut.<br />

De même que Truffaut s’inscrivait dans l’histoire d’une famille (celle du cinéma avec la<br />

Nouvelle Vague naissante, mais aussi celle de la critique avec Bazin en père adoptif), Kim<br />

Rossi Stuart semble lui aussi s’inscrire dans l’histoire récente de la famille du cinéma italien.<br />

Cette famille est un peu chancelante et sa figure tutélaire, Nanni Moretti, lui ressemble<br />

étrangement.<br />

Mais cette famille du cinéma italien va bien, semble nous dire Kim Rossi Stuart. Et il montre<br />

qu’elle peut donner vie à de très beaux enfants.<br />

Contrairement à Moretti qui semble ne voir d’issue que par le politique (ce qui resterait,<br />

convenons en, à discuter), Kim Rossi Stuart s’intéresse à la constitution <strong>des</strong> individus et leur<br />

santé mentale au sein de l’institution fondamentale de la vie italienne : la famille justement.<br />

Lors de l’avant­première, François de Singli, sociologue de la famile, faisait remarquer que<br />

les névroses adolescentes se retrouvent à tous les niveaux sociaux. A ceux qui pensent que le<br />

délitement de la famille mène immanquablement aux pires déviations chez les adolescents, il<br />

faisait remarquer qu’il n’y a pas que la famille bourgeoise traditionnelle (comme celle du<br />

troisième étage dans le film), figée dans le respect de sa propre image, qui peut mener au<br />

bonheur.<br />

C’est aussi cela que nous raconte <strong>Libero</strong>.<br />

, © Marc HOLFELTZ , CRDP de Paris

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