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stiv bator, i wanna be a dead boy - davduf.net

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<strong>stiv</strong> <strong>bator</strong>, i <strong>wanna</strong> <strong>be</strong> a <strong>dead</strong> <strong>boy</strong><br />

d|a|v|d|u|f|.|n|e|t<br />

-- articles - sous culture --<br />

sous culture<br />

sonic reducer<br />

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<strong>stiv</strong> <strong>bator</strong>, i <strong>wanna</strong> <strong>be</strong> a<br />

<strong>dead</strong> <strong>boy</strong><br />

<br />

<strong>davduf</strong><br />

1996<br />

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<strong>stiv</strong> <strong>bator</strong>, i <strong>wanna</strong> <strong>be</strong> a <strong>dead</strong> <strong>boy</strong><br />

Stiv était chanteur. Un punk, un <strong>dead</strong>-<strong>boy</strong> avant l'âge. C'était un ami, à Paris.<br />

Un américain déglingué et <strong>be</strong>au à Paris.<br />

Je ne me souviens pas de la date, pas même de l'année, comme si ma mémoire<br />

avait évacué le souvenir. Il aurait pu mourir vingt fois, un vrai multi-carte de la mort<br />

possible, il était : OD, CC (crise cardiaque), CG (cancer généralisé), BSS (blessure<br />

sur scène), GFN (grosse fatigue nerveuse), il présentait le choix. C'est une bagnole<br />

qui l'a renversé, lui qui conduisait si mal. « I <strong>wanna</strong> <strong>be</strong> a <strong>dead</strong> <strong>boy</strong> », qu'il chantait.<br />

C'était fait. Ou le Grand Saut du Punk. « I <strong>wanna</strong> <strong>be</strong> a <strong>dead</strong> <strong>boy</strong>/Je traverse la<br />

rue/Dead, <strong>dead</strong>, <strong>dead</strong>, I <strong>wanna</strong> <strong>be</strong>/Ouch, me v'là allongé sur la chaussée/I'll die<br />

tonight ». Quelqu'un l'a ramené chez lui. Refus de se faire examiner : mal de tête,<br />

aspirine, paralysie du cerveau. Dead, le Stiv Bator. Mort, l'ami.<br />

Venus expréssement à Paris de leur Ohio natal, ses parents tenaient à l'office<br />

religieux. Le prêtre : « Toi, Stiv, qui a apporté tant de bonheur à ceux qui<br />

t'écoutaient chanter, toi qui réchauffa tant de coeurs ». Que quelqu'un prévienne<br />

Saint-Pierre, un punk déboule au Paradis. Sid Vicious serait-il dans les parages ?<br />

Dans l'église, j'étreignais très fort la compagne de Stiv. Nos pleurs se mélaient à<br />

des rires nerveux - « Toi qui fut si bon, Stiv » et voilà comment l'Eglise canonisait un<br />

foutu punk de la première heure. Levez-vous, dites amen, vous pouvez vous<br />

rasseoir, précisait le prêtre aux blousons de cuir, ignorants du rituel. Le bide,<br />

comme Stiv n'en avait jamais connu. Pas un rappel, juste l'envie de chialer et de<br />

vomir. Mon premier enterrement. Ce jour-là, ma jeunesse m'a lâché.<br />

« Vous vous promenez ? » me demande mielleusement un type qui me file le train<br />

depuis dix bonnes minutes. Je lui réponds par un hochement de tête, sans le<br />

regarder. Au loin, le colombarium, magnifique de silence. « Ça vous dirait qu'on<br />

discute un peu ? » poursuit l'effiminé. Et moi qui tue le temps parmi les morts, voilà<br />

qu'un dragueur me prend pour cible. Il insiste. Escalade : « Si ! Vous me dérangez.<br />

Je viens voir la tom<strong>be</strong> de ma mère. » Il s'excuse. J'avance vers le colombarium en<br />

me promettant de téléphoner à ma mère prochainement, histoire de vérifier qu'elle<br />

est toujours vivante. Les plaques funéraires défilent. « Monsieur Bresson -<br />

1902/1961 », « Madame Yvette, épouse Bresson - 1905/1981 », « Monsieur Turine,<br />

mort pour la France - 1922/1973 », « Madame Casoni - 1921/1994 », etc. Je<br />

cherche vaguement l'urne de Stiv Bator. Et je me souviens du jour de son<br />

incinération, des Doors hurlant dans les enceintes de la chapelle. Et des deux<br />

petites boîtes pleines de cendres. L'une pour sa femme ; l'autre pour ses pieux<br />

parents, si dignes dans leur malheur, chics comme peuvent l'être des gens<br />

modestes de l'Ohio. Je me souviens de son père me serrant la main, de sa mère<br />

me remerciant de ma présence, et je me souviens de moi, couillon et pétrifié de<br />

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<strong>stiv</strong> <strong>bator</strong>, i <strong>wanna</strong> <strong>be</strong> a <strong>dead</strong> <strong>boy</strong><br />

froid, qui restait bouche-bée - et pas seulement à cause de la barrière de la langue.<br />

Ce jour-là, nous étions une cinquantaine, des quidams, des amis, des rock-critics<br />

qui n'en étaient pas à leur premier enterrement, des groupies pas de toute fraîcheur.<br />

Et lui, là, qu'est-ce qu'il veut, à me proposer de discuter ? Plus jamais je n'irai au<br />

Père-Lachaise.<br />

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