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on a besoin, de boîtes de film. Notre plus<br />
belle décoration, c’est peut-être cette patine<br />
propre aux vieux bars bruxellois, le jaune<br />
clope ».<br />
Co-habitation<br />
« Dans ce bâtiment, il y a six associations<br />
qui font toutes un travail autour de l’image<br />
d’une manière ou d’une autre : Christophe<br />
Cardoën fabrique des machines à lumière,<br />
Richard et Florence s’occupent d’Octobre,<br />
un atelier de graphisme, Culture Ailleurs<br />
fait des performances son et lumière et<br />
Cinex travaille plus particulièrement le<br />
‘documentaire de création’.<br />
Il n’y a qu’une clé à l’entrée du bâtiment<br />
et après, tous les espaces sont ouverts.<br />
Les échanges informels sont permanents.<br />
À chaque fois que l’un des groupes a une<br />
proposition à faire à l’autre, on travaille<br />
ensemble sans problèmes. Depuis dix ans,<br />
sans s’engueuler, c’est admirable. Peut-être<br />
que cela tient justement au fait qu’on n’ait<br />
pas à faire des réunions politiques sur les<br />
directions à prendre et à s’occuper des<br />
affaires des autres. Du coup, les rapports<br />
restent amicaux ».<br />
Et… le fonctionnement<br />
« Nous sommes principalement tournés<br />
vers l’accueil de cinéastes qui désirent<br />
développer eux-mêmes leur film et<br />
travailler la physique de la pellicule via la<br />
chimie. Le but est d’apprendre à essayer de<br />
maîtriser l’étape du développement et de<br />
la copie car c’est vraiment associé. Notre<br />
façon de travailler correspond à nos outils,<br />
donc on ne peut pas tout faire ; un film<br />
couleur avec le son synchrone, c’est pas ici<br />
ou alors d’une manière qui ne correspond<br />
pas forcément à tout le monde. Cet accueil<br />
va de la personne qui veut développer du<br />
Super 8, avec qui on va passer une journée<br />
pour la rendre autonome, aux personnes<br />
qui ont des projets plus mûrs et qui<br />
savent ce qu’ils viennent faire ici ou qui<br />
veulent essayer des choses. C’est déjà plus<br />
intéressant parce qu’on va les guider sur<br />
différentes techniques suivant le résultat<br />
recherché.<br />
Enfin, il y a ceux qu’on invite en résidence,<br />
après une rencontre. Là, c’est encore<br />
mieux ; on essaye d’offrir tout ce qu’on a de<br />
disponible et une petite somme d’argent ; il<br />
s’agit de suivre la personne et se mettre à<br />
son service pour développer son idée.<br />
Q : Comment ça se passe ici quand les gens<br />
viennent ?<br />
On vit ensemble pendant plusieurs jours,<br />
les douze à quinze heures de travail<br />
par jour s’étirent jusque tard la nuit.<br />
Généralement, les gens ne sortent pas, ils<br />
sont complètement immergés là-dedans, ils<br />
n’ont rien d’autre à penser.<br />
Q : Comment arrivez-vous à faire autant<br />
avec si peu ?<br />
Personne n’est payé, tout est bénévole donc<br />
il ne reste plus que la pellicule à payer et la<br />
chimie, qui ne coûte quand même pas une<br />
fortune. Pour tout ce qui est du travail sur<br />
l’image, on arrive à faire les choses pour pas<br />
cher. Est-ce que c’est une hérésie et qu’on<br />
vit totalement à côté de la plaque ? C’est<br />
comme ça que j’ai envie de fonctionner. Les<br />
gens viennent parce qu’ils ont envie, il n’y a<br />
pas à parler d’autre chose ».<br />
Allo ?<br />
« Intervenir comme centre de ressources,<br />
ça ne se voit pas mais c’est une des<br />
choses qui occupe presque le plus. Le<br />
milieu professionnel ne donne pas les<br />
informations, tu les payes. Ici, nous n’avons<br />
pas d’intérêt financier à privilégier une<br />
technique ou une autre. Il y a au moins une<br />
personne par jour à qui je vais donner un<br />
conseil, une adresse, un bouquin à lire. Il<br />
m’arrive très souvent de guider les gens : où<br />
louer un projecteur, où trouver tel type de<br />
film, avec quoi tourner, comment coller du<br />
son sur la pellicule… ».<br />
L’émulation<br />
Q : Pourquoi Grenoble ? Qu’est-ce qu’il y a<br />
à Grenoble ?<br />
« Le déclencheur, je crois que ça a vraiment<br />
été les gens de Metamkine, Christophe<br />
Auger, Xavier Quérel, cinéastes, et Jérôme<br />
Noetinger, musicien, qui travaillaient la<br />
pellicule dans leur salle de bains et qui<br />
ont eu très tôt cette volonté d’ouvrir un<br />
laboratoire pour eux mais aussi pour<br />
partager ces connaissances.<br />
Et puis le 102, où ils ont d’ailleurs<br />
organisé une première séance de cinéma<br />
expérimental que j’ai vue par hasard :<br />
des films d’Oskar Fischinger, de Walter<br />
Ruttmann, je me suis dit ‘l’animation<br />
abstraite, c’est ça que je veux faire’.<br />
Lorsque j’ai rencontré Christophe Auger<br />
et Xavier Quérel, ils m’ont directement<br />
prêté une caméra Super 8 et une cartouche<br />
et m’ont dit de venir la développer. C’était<br />
parti. On rigolait beaucoup, il y avait un<br />
bouquin d’Agfa — ‘toutes les erreurs à ne<br />
pas faire’ — qui nous plaisait beaucoup.<br />
Ils ont réussi à fédérer une dizaine de<br />
personnes, à monter un labo au 102 qui<br />
s’est rapidement avéré trop petit. On était<br />
plein à chercher du matos, à développer,<br />
à regarder des films. Cela a créé un noyau<br />
dur de cinéastes qui perdure ; aucun n’a<br />
arrêté, même si maintenant tout le monde<br />
s’est un peu ventilé, ils ont fait des labos<br />
dans leur maison.<br />
Ce qui se passait au 102 était vraiment<br />
déterminant, en tous cas pour moi. À<br />
l’affiche, il n’y avait que de la musique<br />
dite expérimentale (ce sont des termes<br />
qui ne veulent pas dire grand-chose,<br />
je dirais plutôt des gens qui faisaient<br />
des choses très personnelles) et des<br />
films et des cinéastes qui n’étaient<br />
programmés nulle part ailleurs. Avec<br />
une débrouillardise incroyable, l’œil et<br />
les oreilles aux aguets, énormément de<br />
choses étaient possibles. Par exemple,<br />
Michel Chion est venu présenter une<br />
pièce électroacoustique au 102 et nous<br />
a révélé que c’était la première fois que<br />
cette œuvre était diffusée en entier, en<br />
France, sans être coupée…<br />
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