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QUELLES RÉFÉRENCES EN<br />
AGRICULTURE BIOLOGIQUE ?<br />
État des lieux et perspectives<br />
Actes du séminaire<br />
21 janvier 2015<br />
• FNAB •<br />
Fédération Nationale<br />
d'Agriculture BIOLOGIQUE<br />
Un séminaire organisé par la Fédération Nationale de<br />
l’Agriculture Biologique des régions de France (FNAB).
De quoi s'agit-il ?<br />
En 2014, la Fédération Nationale d'Agriculture Biologique des<br />
Régions de France a mené le chantier Rep'Air bio, dans le<br />
cadre d'un financement Casdar (MAAF).<br />
Le 21 janvier, elle en a présenté les principaux résultats<br />
devant une centaine de personnes, lors du colloque<br />
« Quelles références en Agriculture biologique ? Etat des<br />
lieux et perspectives ». L'occasion d'échanger avec les<br />
principaux producteurs de références, issus du secteur<br />
de l'accompagnement, du développement de l'agriculture<br />
biologique et de la recherche, sur l'avenir et les enjeux des<br />
références en bio.<br />
REP'AIR BIO EN BREF :<br />
Lancé par la Fnab, Rep'Air bio vise à structurer la production<br />
de références en bio au sein des GRAB et GAB pour « renforcer<br />
l'accompagnement technique et global proposé aux porteurs<br />
de projet et aux producteurs ». L'objectif ? Favoriser des<br />
fermes autonomes, résilientes (voir page 16) et innovantes.<br />
La première étape a été menée sur 9 mois, avec l’appui de<br />
l'association Solagro pour caractériser la mobilisation et la<br />
production de références bio au sein du réseau FNAB. « Cet<br />
état des lieux n'a pas vocation à aboutir à un référentiel propre<br />
à la Fnab, précise Mélise Willot, qui coordonne le projet, c'est<br />
une base pour continuer à travailler en partenariat avec les<br />
autres producteurs de références et mieux mutualiser et<br />
valoriser nos données ».<br />
Une référence est<br />
une information<br />
mobilisable pour agir,<br />
explicite, exogène et<br />
contextualisée. Elle<br />
est définie pour une<br />
cible : utile et comprise<br />
par son utilisateur en<br />
lien avec ses objectifs,<br />
repères et habitudes.<br />
Source : RefAB.<br />
Pour en savoir plus sur le<br />
projet RefAB :<br />
http ://www.devab.org/moodle/<br />
course/view.php?id=27<br />
2
1<br />
ACTEURS, OBJECTIFS ET METHODES DISTINCTS<br />
LES 10 ENSEIGNEMENTS DE REP'AIR BIO POUR 2014<br />
@<br />
Pour retrouver les analyses détaillées du projet Rep’AIR Bio en 2014, téléchargez le<br />
dossier participant sur le site de la FNAB ou cliquez ici.<br />
1. UN CHANTIER MENÉ « TAMBOUR BATTANT »<br />
« Beaucoup de références notamment en agriculture biologique sont produites aujourd'hui<br />
sans que l'on comprenne toujours ce qu'elles veulent dire ou ce que cela induit derrière »,<br />
pointe Philippe Pointereau de Solagro.<br />
L’objectif de ce chantier était bien de comprendre les finalités des productions au sein des GRAB<br />
et GAB. Pour piloter ce programme, en 2014, un groupe-projet a rassemblé des animateurs,<br />
des techniciens, des producteurs issus des GRAB et GAB et les commissions filières de la Fnab<br />
(maraîchage, grandes cultures et lait).<br />
Il fallait définir les besoins très variés des producteurs et des pouvoirs publics et s’approprier<br />
un langage commun (en se basant sur les définitions du projet RefAB). Des enquêtes ont été<br />
menées dans les Gab et les Grab sur l'élaboration des références et de façon plus approfondie<br />
dans sept régions : dispositifs mis en place pour la production de références, organisation en<br />
termes de financement, ressources humaines, techniques et partenariats.<br />
2. LA FNAB : UN RÉSEAU QUI PRODUIT DES RÉFÉRENCES<br />
« 95 % des GRAB et 45 % des GAB sont producteurs de références en agriculture biologique. Les<br />
dispositifs mis en place ont été réfléchis pour répondre aux demandes exprimées localement<br />
par les producteurs bio et les besoins d’accompagnement des porteurs de projet en conversion<br />
ou installation en bio. Ils ont été développés en fonction des compétences et moyens locaux<br />
et des opportunités de partenariats. Ils ont un ancrage avant tout local.<br />
Cela donne lieu à une grande diversité de dispositifs avec une ouverture sur des approches<br />
innovantes et exploratoires. Nous avons identifié 4 grands types de dispositif permettant<br />
l’acquisition de références tant thématiques que systèmes » souligne Mélise Willot.<br />
Les quatre dispositifs d'acquisition de références en bio<br />
identifiés sont :<br />
ππ<br />
l'accompagnement technique et l'expérimentation,<br />
ππ<br />
les groupes d’échange technique de producteurs bio,<br />
ππ<br />
un réseau de 500 fermes de démonstration animé au<br />
niveau régional,<br />
ππ<br />
les projets spécifiques type appel à projet Casdar,<br />
commande locale, recherche, etc.<br />
Dans le réseau FNAB, 200 salariés accompagnent des<br />
producteurs et porteurs de projet. Les compétences<br />
disponibles sont vastes avec des expertises spécialisées sur<br />
la réglementation, les aides, l’organisation économique en<br />
bio et sur l’accompagnement global de projet, mais aussi sur<br />
le volet technique de production.<br />
Près d'une centaine de salariés, principalement des animateurs<br />
techniques ou techniciens de GRAB et GAB, est mobilisée sur<br />
l’acquisition de références. Ces dernières sont souvent coconstruites<br />
par les salariés et les producteurs pour les grands<br />
types de systèmes de production : maraîchage, bovin et<br />
grandes cultures puis viticulture et arboriculture. Elles sont<br />
plus rares en PPAM, monogastriques, petits élevages (lapin<br />
notamment) et systèmes très diversifiés.<br />
3
CONVERSION /<br />
INSTALLATION<br />
Les références alimentent une variété importante de supports : fermoscopies, outils de<br />
modélisation pour simuler des changements de pratiques ou de systèmes, études comparatives,<br />
guide variétal, fiches techniques, guides pratiques et repères sur des projets pointus, etc.<br />
@<br />
Pour en savoir plus sur les grands dispositifs mis en place au sein des GRAB/GAB et les<br />
outils développés : cliquez ici<br />
Souvent dans les groupes d'échange technique, les<br />
producteurs souhaitent avoir des références pour objectiver<br />
leurs pratiques et leurs impacts. Les producteur sont alors<br />
au centre du dispositif de références : ils s'impliquent, ils<br />
pilotent, ils recommandent.<br />
Mélise Willot, coordinatrice technique à la Fnab.<br />
3. DES BESOINS DIVERSIFIÉS<br />
Pour les producteurs conventionnels, il faut convaincre, lever les freins psychologiques. Pour<br />
les porteurs de projet en conversion, ils ont besoin de chiffrer et d’évaluer la re-conception de<br />
leur système dans un contexte économique et pédoclimatique donné. Enfin, pour les bio de<br />
plus longue date, il s'agit souvent de rendre sa ferme plus durable : avoir des références qui<br />
aident à piloter une démarche de progrès », résume Mélise Willot.<br />
∆ Figure 1 : Des besoins variés en références bio<br />
en fonction des profils et trajectoires des publics accompagnés<br />
Accompagner une réflexion<br />
personnelle vers<br />
un projet bio et lever les freins<br />
psychologiques<br />
Accompagner la construction<br />
d’un projet réaliste et<br />
cohérent entre objectifs<br />
professionnels et personnels<br />
PUBLIC<br />
EN FORMATION<br />
Références = accroche<br />
Démontrer que l’agriculture<br />
biologique, c’est faisable<br />
et rentable<br />
PRODUTEUR<br />
CONVENTIONNEL<br />
Accompagner une réflexion<br />
personnelle sur les<br />
changements de pratiques<br />
et lever les freins<br />
psychologiques<br />
Je veux m’installer en bio<br />
Je veux passer en bio<br />
PORTEUR DE PROJET<br />
EN INSTALLATION<br />
Eclairer sur la réalité du<br />
métier d’agriculteur bio<br />
Références = éclairage<br />
Identifier la marche à<br />
passer, évaluer et chiffrer le<br />
changement de système<br />
PORTEUR DE PROJET<br />
CONVERSION<br />
Valider des<br />
orientations<br />
nouvelles, évaluer<br />
des innovations,<br />
objectiver la<br />
durabilité de sa<br />
ferme<br />
PRODUTEURS<br />
BIOLOGIQUES<br />
Références = pilotage<br />
Accompagner une<br />
démarche de progrès<br />
et d’innovation<br />
pour plus de durabilité<br />
Accompagner vers un<br />
projet bio cohérent dans un<br />
contexte donné<br />
(source : entretiens auprès des GRAB/GAB)<br />
« Les références représentent un outil incontournable pour l'accompagnement. Mais l'objectif<br />
de leur mobilisation varie selon les publics. Les vagues d'installation en maraîchage bio<br />
ont créé des demandes nouvelles surtout sur la dimension sociale du métier d’agriculteurs<br />
bio et le temps de travail tant sur des approches quantitative que qualitative : pénibilité,<br />
satisfaction, etc.<br />
4
4. LE PLUS DES DISPOSITIFS DU RÉSEAU FNAB : DES DONNÉES<br />
LOCALES ET CONTEXTUALISÉES, DES SYSTÈMES DIVERSIFIÉS<br />
D'après Jean-Muc Bochu de Solagro, « les systèmes bio sont<br />
plus difficiles à caractériser. Le bas niveau d'intrant fait que<br />
les sols et le climat ont une influence plus forte et différencie<br />
les territoires ». Concernant les références issues du réseau<br />
Fnab : « l'implication des producteurs est un avantage car la<br />
référence est utile et comprise par le producteur et répond à<br />
ses besoins ». Elle permet aussi une professionnalisation de<br />
l'accompagnement. En outre, « le réseau a réussi à travailler<br />
sur les systèmes diversifiés qui sont propres à l'agriculture<br />
biologique », relève Jean-Luc Bochu.<br />
À ce titre, Mélise Willot complète : « il existe une grande richesse dans les 500 fermes<br />
de démonstration du réseau. Cet échantillon réparti à l’échelle nationale cherche à être<br />
représentatif des fermes bio, représentatif des productions principales mais aussi en laissant<br />
une belle place aux systèmes diversifiés comme en polyculture élevage (environ 20 % de<br />
l’échantillon). Dans 70% des cas, les données de ces fermes sont réactualisées au moins<br />
tous les 5 ans et en moyenne tous les 3 ans. Et dans 65% de ces réseaux régionaux de<br />
démonstration, des diagnostics environnementaux ont été réalisés ».<br />
5. CAPACTITÉ D'INNOVATION ET DÉMARCHES EXPLORATOIRES :<br />
Dans un monde mouvant, les besoins de références et les supports qui les valorisent ne<br />
cessent de se transformer. Sur le terrain, les GRAB et les GAB sont attentifs à ces évolutions.<br />
Le travail mené en 2014 avec Solagro a permis de repérer plusieurs innovations en matière<br />
de références :<br />
ππ<br />
Des dispositifs d’acquisition de références où les producteurs sont au centre et où<br />
le pilotage et l’analyse sont avant tout collectifs : « Ils s'impliquent, ils pilotent, ils<br />
recommandent », illustre Mélise Willot de la Fnab.<br />
ππ<br />
Les thématiques abordées reflètent les enjeux de demain : résilience face aux chocs et<br />
aux aléas, érosion des sols, transition énergétique, etc. Les outils de collecte investissent<br />
le web : des interfaces web commencent à être mises en place, elles permettent aux<br />
producteurs d'être acteurs de la collecte des données, elles facilitent leur valorisation<br />
ultérieure et garantissent une meilleure dynamique de suivi.<br />
@<br />
Retrouvez les exemples innovants du réseau Fnab en cliquant ici<br />
6. LES PARTENARIATS : UN PLUS POUR L'ÉLABORATION DES<br />
RÉFÉRENCES<br />
Les partenariats ne sont pas systématiques dans les dispositifs mis en place par les GRAB et<br />
GAB. Quant ils ont lieu, ils sont motivés par différentes raisons : partage des tâches, transfert<br />
de compétences voire d’outils ou synergie pour la valorisation des résultats. Les principaux<br />
partenaires sont les Chambres d'agriculture, l'Itab, l'Institut de l'élevage, des Amap, le RAD,<br />
les Civam, les AfoCG, les ADEAR ou des organismes de recherche.<br />
Deux exemples : Agrobio Poitou-Charentes a piloté l'élaboration de cas-types en grandes<br />
cultures bio sur sollicitation du Pôle Conversion (Chambres d'agriculture, GRAB et GAB, Centres<br />
de gestion, banques, coopératives bio et mixtes ).<br />
5
« C'est important de bien anticiper la finalité et la méthode de<br />
diffusion de ces résultats car, souvent, on nous reproche de<br />
produire des références sans savoir à qui elles sont vraiment<br />
destinées », relève Jean-Pierre Gouraud, coordinateur<br />
technique d’Agrobio Poitou-Charentes. Résultat de ce<br />
partenariat : « Personne ne remet en cause les références<br />
acquises. C'est une plus-value. Nous diffusons et avons validé<br />
les mêmes références. On s'est mis d'accord sur les rotations<br />
et les prix des intrants et de vente »<br />
En Loire-Atlantique, le GAB 44 a créé en 2004 un groupe<br />
d'échange technique d'une trentaine de fermes en bovin lait.<br />
« Les producteurs voulaient avoir davantage de références et<br />
adaptées à leurs pratiques pour piloter leur ferme vers plus<br />
de durabilité », précise Lucas Briand, technicien.<br />
Données techniques, assolement, traitements vétérinaires,<br />
cheptel, comptes de résultats, charges, produits, données<br />
environnementales avec la méthode Dialecte, et sociales via<br />
Idea : onze ans plus tard, l'outil est « connu et reconnu »,<br />
notamment sur la santé animale. Ces données alimentent<br />
dorénavant un programme de recherche mené par l'école<br />
vétérinaire de Nantes.<br />
7. DE NOUVELLES ATTENTES DANS LES FERMES : VIVABILITÉ SUR<br />
LES FERMES ET ANTICIPER POUR DURER<br />
« La Fnab est aussi un syndicat de développement qui<br />
veut atteindre les 20% de surfaces en bio en 2020. Il nous<br />
faut des références pour montrer que la bio est viable<br />
économiquement et techniquement mais pas seulement. Sur<br />
les questions sociales : la vivabilité et la fierté tirée du métier<br />
sont aussi importantes », avance Mathieu Lancry, producteur<br />
et administrateur à la Fnab.<br />
Autres pistes évoquées : les références en économie circulaire,<br />
dans le domaine de l'emploi, sur la capacité à faire face aux<br />
aléas climatiques et économiques.<br />
« Nous avons également une approche économique basée sur des relations équitables et cela<br />
joue forcément sur le choix des référentiels », poursuit-il.<br />
8. AGENCE DE L'EAU, ORGANISMES DE RECHERCHE, ETAT ET<br />
COLLECTIVITÉS : UNE DEMANDE GRANDISSANTE EN RÉFÉRENCE<br />
QUI INTERROGE<br />
L’état des lieux de Rep'Air bio montre que « peu de références ont comme finalité première<br />
d’alimenter la réflexion des acteurs politiques et techniques autour des politiques publiques »,<br />
explique Jean-Luc Bochu de Solagro.<br />
« Ces dernières années, nous sommes interpellés par des organismes publics, comme les<br />
agences de l'eau, illustre Mathieu Lancry. Nous sommes encore dans le flou quand nous<br />
travaillons avec ces institutions car nous devons trouver et définir des repères communs ».<br />
Pour ce producteur, cette diffusion des données est « intéressante et nécessaire » mais elle<br />
se heurte aussi à la « question du marché et des relations avec les acteurs économiques ».<br />
Dans ce domaine, certaines données technico-économiques peuvent se révéler « sensibles ».<br />
6
L’exemple des références acquises en Grandes Cultures biologiques par AgroBio Poitou-<br />
Charentes montre bien qu’avec l’appui de la recherche, des passerelles peuvent être créées<br />
entre production des GRAB et GAB et besoin des pouvoirs publics pour l’évaluation des<br />
politiques territoriales en faveur de la bio :<br />
« Nous avons des demandes de chercheurs de l’IRSTEA pour utiliser ces références dans le<br />
cadre de modélisation sur les changements de pratiques et la qualité de l'eau. Cela permet sur<br />
des bassins céréaliers de définir le seuil de surface en bio pour avoir un début d'amélioration<br />
de la qualité de l'eau », indique Jean-Pierre Gouraud.<br />
9. TROUVER L'ÉQUILIBRE ENTRE LA FLEXIBILITÉ DU LOCAL ET LE<br />
BESOIN DE COORDINATION RÉGIONALE OU NATIONALE<br />
Dans le réseau Fnab, les références sont largement issues de groupes locaux. « Elles ont<br />
souvent un objectif local, malgré leur qualité, elles ne sont pas largement valorisées », relève<br />
Jean-Luc Bochu.<br />
Le besoin de mutualisation et d’harmonisation des méthodes de leur élaboration pose<br />
question, « Il y a des amorces des réflexions pour harmoniser des méthodes entre structures<br />
et trouver un équilibre. C'est le cas en bovin lait dans l'Ouest » dans le cadre d’une dynamique<br />
inter-régionale rassemblant plusieurs GRAB et GAB (Bretagne, Normandie, Pays de la Loire) . La<br />
réflexion doit maintenant se poursuivre.<br />
10. ACTUALISER LES DONNÉES : LES RÉFÉRENCES À L'ÉPREUVE<br />
DES MOYENS HUMAINS ET FINANCIERS<br />
Parmi les recommandations formulées par Solagro, l'amélioration de l'actualisation et de la<br />
diffusion des références font consensus. « Les Grab souhaitent améliorer leurs dispositifs<br />
d'élaboration, d'actualisation et de diffusion des références », relève Jean-Luc Bochu. Au<br />
rang des limites : les moyens humains et financiers. « ll faut des personnes formées et qui<br />
s'impliquent à long terme dans les dispositifs. Le fait d'avoir des financements non pérennes,<br />
tant sur le plan des moyens financiers que celui des projets, n'y contribuent pas ».<br />
REP'AIR Bio demain<br />
Aujourd’hui nous avons à relever un défi organisationnel et méthodologique en tenant compte<br />
des spécificités de la production de références au sein de notre réseau, c'est à dire une<br />
production de références ancrée au niveau local et réalisée à partir des besoins des producteurs.<br />
Depuis plus de 10 ans, notre réseau a développé des compétences pour répondre à des<br />
manques repérés par les producteurs. L'objectif, à partir de 2015, est de mieux valoriser ce qui<br />
est fait localement, de mutualiser et de capitaliser les dispositifs existants, d'accompagner la<br />
montée en compétences des quelques 100 techniciens GAB/GRAB qui travaillent localement à<br />
l'accompagnement des producteurs, et de contribuer comme d'autres réseaux à la production<br />
de références indispensables au développement de l'AB.<br />
Mathieu Lancry, administrateur Fnab.<br />
7
ENTENDU LORS DES ÉCHANGES AVEC LA SALLE<br />
VALORISATION<br />
Interpellé par un producteur bio de l'Aude, investi dans<br />
un projet Casdar blé dur avec l'Inra, sur la valorisation<br />
des données du projet et la poursuite de ce travail et plus<br />
globalement sur les passerelles à créer entre recherche et<br />
producteurs, Marc Benoît, de l'Inra Clermont-Ferrand, répond :<br />
« Le mot clé : c'est construire en amont. Les collaborations<br />
fonctionnent quand la question de l'utilisation et de la<br />
diffusion des résultats ont préalablement été pensées . Dans<br />
le massif central, sur les référentiels des systèmes d'élevage,<br />
la synergie recherche-producteurs fonctionne car ce travail<br />
préliminaire permet à tous les partenaires de s'y retrouver en<br />
terme de références ».<br />
GRANULARITÉ<br />
Interrogés sur le degré de granularité des dispositifs de production de références repérés dans<br />
le réseau Fnab, Jean-Luc Bochu et Philippe Pointereau, de Solagro, précisent :<br />
« Nous avons réalisé des fiches détaillant une vingtaine de dispositifs. Côté granularité, elle<br />
est peut être assez fine.»<br />
C’est le cas notamment du référentiel bovin lait du GAB 44 ou encore des diagnostics agroenvironnementaux<br />
menés par Bio de Provence dans le cadre de son réseau de fermes<br />
exemplaires énergie.<br />
PARTENARIATS<br />
À la question « Quel partenariat avec les centres de gestion ? »,<br />
Marc Varchavsky, responsable du développement de l'offre de<br />
services au Conseil National CERFRANCE, illustre :<br />
« Nous menons des actions locales notamment avec les<br />
Gab en Pays de la Loire, Bretagne, ou en Bourgogne. Nous<br />
essayons parfois de comparer avec le bio et le conventionnel.<br />
Et cela montre que les systèmes en bio peuvent être<br />
plus performants économiquement. Cette démarche est<br />
intéressante quand nous pouvons analyser les résultats sur<br />
une longue période. »<br />
8
Regard<br />
LE REGARD DE JEAN-MARC MEYNARD<br />
PRÉSIDENT DU CONSEIL SCIENTIFIQUE DE L'AGRICULTURE<br />
BIOLOGIQUE (CSAB) ET GRAND TÉMOIN DE LA JOURNÉE :<br />
« Je ne reviendrai pas sur la richesse du travail perçu au sein du réseau FNAB et du travail<br />
réalisé par la FNAB et Solagro.<br />
Je voudrais vous interpeller sur deux choses : les tensions qui sous-tendent la diversité des<br />
objectifs poursuivis en matière de références et les angles morts liés à leur usage.<br />
Il y a d'abord une grande diversité des besoins en références : conversion, durabilité, efficacité<br />
économique, technique ou demandes des organismes publiques. Il va donc falloir trier et dire<br />
de quelles références nous parlons, au risque est de transformer le terme « références » en<br />
un terme attrape-tout.<br />
La seconde tension touche au besoin de représentativité des fermes en bio dans les références<br />
et le besoin de références sur l'innovation, qui sont souvent basées sur des cas particuliers.<br />
Cela demande un dispositif de travail particulier. Dans ce cadre, Inosys, qui travaille sur la<br />
modélisation de cas-types, bute sur cette tension.<br />
Troisième tension, celle de l'équilibre à trouver entre les productions de références locales,<br />
directement issus des besoins des producteurs, et les besoins des acteurs publics et de ceux<br />
de l'accompagnement. Comment valorise-t-on ce qui se passe en local, dans une autre région<br />
ou à l'international ? Mutualise-t-on les données ? Comment coordonner et formuler ces<br />
synthèses ? Pour trouver des solutions, il faudra probablement faire des choix, dans le cadre<br />
de partenariat, et accepter de ne pas tout traiter.<br />
Quant à l'angle mort, il ne suffit pas de définir un objectif pour savoir comment on va formuler<br />
et utiliser des références. Il faut avant tout définir des indicateurs pour caractériser ensuite<br />
les références : sur le temps long, le temps court, la durabilité, l'efficacité du système, sur<br />
l'innovation, etc. De plus, la question de la source est importante. Lorsque les références sont<br />
issues d'un réseau particulier, le réseau Fnab par exemple, un producteur peut penser que les<br />
données traduisent un parti pris pour la bio. Dans ce cas, l'harmonisation et les partenariats<br />
sont indispensables pour crédibiliser les résultats.<br />
Second angle mort, celui des politiques publiques. À ce niveau, les références sont-elles<br />
vraiment pensées ou bien juste recyclées ? Cet objectif nouveau ne mérite-t-il pas de monter<br />
en puissance avec sa propre spécificité ? Cela implique de travailler de concert avec ceux qui<br />
bâtissent ces politiques, pour sélectionner et définir la nature des références attendues et<br />
disponibles.<br />
Enfin, je terminerai sur la question des partenariats. Ils sont clairement recherchés par<br />
l'ensemble des acteurs présents. Nous savons que les moyens ne sont actuellement pas en<br />
extension. Et la complémentarité existe entre les différents acteurs. Il va donc falloir trouver<br />
des ponts entre organismes pour produire, recueillir et valoriser les références. La recherche<br />
a son rôle à jouer à ce niveau ».<br />
9
2<br />
ATTENTES ET PERSPECTIVES AUTOUR D'UN OBSERVATOIRE<br />
NATIONAL DES REFERENCES EN AGRICULTURE BIOLOGIQUE<br />
Table ronde<br />
Table ronde<br />
LES INTERVENANTS :<br />
Laëtitia Fourrié, responsable du pôle Réseau Valorisation à l’Itab, Jérôme Pavie, chef du Service<br />
Fourrages et Pastoralisme de l'Institut de l'élevage (Idèle), Françoise Simon, adjointe à la<br />
sous-direction de l'Organisation économique, des industries agroalimentaires et de l'emploi<br />
du ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt (DGPAAT), Mathieu Lancry,<br />
producteur bio et administrateur à la Fnab, Nicolas Daspres, chargé de mission agriculture<br />
biologique à l'APCA, Sabine Bonnot, productrice bio et trésorière de l'Itab et Philippe Pointereau,<br />
directeur du Pôle Agro-environnement de Solagro.<br />
Dans la foulée de la restitution du chantier Rep'Air bio, mené<br />
en 2014 dans le réseau Fnab, les « attentes et perspectives<br />
autour d'un observatoire national des références en agriculture<br />
biologique » étaient au cœur d'une table ronde animée par<br />
Laëtitia Fourrié de l'Itab. Les différents acteurs y ont exprimé<br />
leur volonté d'avancer sur la construction d’un dispositif<br />
national de production et mutualisation des références en<br />
AB, leurs attentes quant à un tel dispositif mais aussi leurs<br />
interrogations. Dans l'auditoire, la nature des références à<br />
harmoniser et à mutualiser a suscité nombre de réactions et<br />
de riches échanges. Résumé en 6 points.<br />
1. POURQUOI UN OBSERVATOIRE ?<br />
« Il s'agit plutôt d'un dispositif pour mutualiser des références bio, mobilisable au niveau<br />
national », précise derechef Laëtitia Fourrié. En amont, un constat : les références aujourd'hui<br />
disponibles en bio sont rarement issues de méthodes standardisées et homogènes à<br />
l’échelle nationale et souffrent d'une actualisation irrégulière. Dès 2008, les acteurs de la bio<br />
s'entendent sur ces besoins autour d’un projet associant plus d’une vingtaine de partenaires<br />
(le projet RefAB) : « Nous nous sommes organisés pour travailler ensemble, proposer un cadre<br />
méthodologique, clarifier la notion de références avec des définitions précises ».<br />
En 2013, Ce projet a abouti à la construction d’un cadre méthodologique de production de<br />
références, croisant analyse de la durabilité des fermes en bio et une approche via cinq<br />
principes fondamentaux en AB (résilience, autonomie, diversité, équité et écologie). « En<br />
2014, nous avons poursuivi la réflexion, notamment dans le domaine de l'élevage ruminant,<br />
et le ministère de l'Agriculture nous a sollicités sur les références sur la bio, en lien avec les<br />
objectifs du programme Ambition bio 2017 ».<br />
10
« Établir, actualiser et diffuser des références technicoéconomiques<br />
est un des leviers pour développer la production »,<br />
confirme pour sa part Françoise Simon, représentante du<br />
ministère. Très en attente sur le sujet, le ministère demande<br />
« un effort d'harmonisation et d'actualisation des données.<br />
Même si nous sommes tous conscients de la difficulté que<br />
cela suscite ». Et de poursuivre : « ce besoin d'un outil<br />
national n'enlève rien aux autres objectifs de la collecte de<br />
données : accompagnement d'itinéraires de production vers<br />
la conversion, par exemple. Il va falloir tout mener de front ».<br />
Le chantier se poursuit. Seule certitude à ce jour : « Nous avons besoin de ce dispositif<br />
et nous sommes tous d'accord pour partager l'existant », résume Sabine Bonnot de l'Itab.<br />
2. AVEC QUI ?<br />
À ce jour, l'Itab, la Fnab, l'Apca et l'Institut de l'élevage travaillent déjà spécifiquement sur<br />
les filières élevage ruminant, basé sur un dispositif existant : « les réseaux d’élevage ».<br />
La construction de ce dispositif repose avant tout sur un travail de coordination et de<br />
médiation, endossé par l'Itab. La discussion a permis de rappeler les visions et les acquis<br />
des différents intervenants en matière de références en bio.<br />
Côté Institut de l'élevage, l'élaboration des références, dont<br />
celles en agriculture biologique, s'appuie sur des stations<br />
expérimentales, des bases de données et un réseau de fermes<br />
de références organisé autour d’un tandem producteurtechnicien.<br />
« Les références produites ont permis de créer<br />
des cas-types, nous avons consolidé des indicateurs, nous<br />
avons fait évoluer les choses en produisant, par exemple,<br />
des références sur l'efficience environnementale des fermes<br />
bio », souligne Jérôme Pavie. « Côté partenariat, nous<br />
travaillons depuis longtemps avec les chambres d'agriculture.<br />
Mais, aujourd'hui, nous avons besoin de plusieurs sources de<br />
références : Chambres d'agriculture, Gab, Grab, lycées, etc. ».<br />
Côté Chambres d'agriculture, l'objectif d'harmonisation des références est aussi inscrit à<br />
l'agenda : c'est notamment l'objectif d'Inosys (ex Rosace) sur le volet technico-économique.<br />
Le dispositif concerne autant les fermes bio que conventionnelles et débouche sur la<br />
modélisation de « cas-types » : « Dans la région Centre, sept cas-types, dont en bio,<br />
ont été créés en grandes cultures, maraîchage, volailles, ... Depuis 2014, la production de<br />
références bio harmonisées est lancée dans différentes régions : en grandes cultures, en<br />
Pays de la Loire, Paca, Midi-Pyrénées et bientôt Rhône-Alpes ». En marge de ces références,<br />
des expérimentations sont menées dans des fermes ou plates-formes expérimentales<br />
mixtes et un partenariat est engagé avec Formabio pour créer des références pour un usage<br />
pédagogique par les enseignants et formateurs auprès de leurs apprenants.<br />
Invité à intervenir, Philippe Pointereau, de Solagro, a expliqué<br />
que les travaux de l'association ciblaient avant tout les<br />
questions environnementales. Fort d'une base de données<br />
concernant 2000 fermes, dont 1000 conduites en agriculture<br />
biologique, Solagro possède des données « mais pas vraiment<br />
de références », précise Philippe Pointereau. « Notre base de<br />
données et outil DIALECTE sont sur le Net. Nous les mettrons<br />
évidemment dans le pot commun. » Et d'ajouter : « Demain,<br />
il y aura aussi Dia'terre, projet mené par l'Ademe » (un outil<br />
de diagnostic énergie-gaz à effet de serre à l’échelle de<br />
l’exploitation agricole. Il harmonise les méthodes d'analyse<br />
existantes et centralise les diagnostics effectués, NDLR). « Ce<br />
sera une source d'informations importantes. Les données<br />
sont déjà mutualisables et exploitables ».<br />
11
Du côté de la Fnab, l'implication est aussi « affirmée » par la<br />
voix de Mathieu Lancry, administrateur FNAB.<br />
« La question du panel reste ouverte » précise Sabine Bonnot,<br />
de l'Itab : « Notre premier travail est de mettre tout le monde<br />
autour de la table. Il nous faut encore repérer des acteurs,<br />
et pas seulement dans le monde agricole. Le plus important,<br />
c'est d'avoir des retours larges sur les besoins, les attentes,<br />
les points de vigilance que chacun peut exprimer ». Parmi<br />
ces acteurs, ne pas oublier les centres de gestion, dont les<br />
bases de données peuvent être exploitées pour produire des<br />
références.<br />
Jean-Pierre Gouraud, coordinateur d’AgroBioPoitou Charentes, alerte la salle « Il ne faut<br />
pas rester dans le agricolo-agricole. Les demandes actuelles sont en lien avec la santé,<br />
l’environnement, … Il faut donc mettre autour de la table d’autres acteurs que les structures<br />
agricoles. »<br />
3. LES RÉFÉRENCES POUR INSPIRER LES POLITIQUES PUBLIQUES<br />
ET FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT DE LA PRODUCTION :<br />
OBJECTIFS CONTRADICTOIRES ?<br />
En plus du besoin des métiers de l’accompagnement des producteurs et des porteurs de<br />
projet, la mobilisation, l'harmonisation et la mutualisation des références sont dorénavant,<br />
et de plus en plus, attendues par les pouvoirs publics. Le dispositif de références nationales<br />
est-il en mesure de répondre à cette nouvelle demande ?<br />
« À chaque programmation sur les aides au maintien ou à la conversion, nous avons vu que<br />
nous avions des données éparses. Or nous voulons avoir des données plus représentatives<br />
pour la prochaine programmation », précise ainsi Françoise Simon, pour le ministère de<br />
l'Agriculture. Deuxième volet : les attentes formulées autour de l'agroécologie. « Là aussi, nous<br />
avons besoin de caractériser les fermes bio à travers trois performances : économique, sociale<br />
et environnementale. Nous voulons avoir des données pour faire émerger des politiques<br />
publiques. »<br />
Ce constat est partagé par les organismes d'accompagnement. Notamment la Fnab : « Nous<br />
savons que développer les références est un enjeu majeur pour notre réseau. Nous avons<br />
constaté qu'il y a un travail important réalisé dans les GAB et les GRAB. Lors de la définition<br />
des MAE et de la PAC, nous avons butté sur les références à avancer pour justifier pourquoi<br />
la bio doit être défendue », témoigne Mathieu Lancry pour la Fnab. Quant aux bénéfices et<br />
contraintes liés à la valorisation des résultats technico-économiques des fermes, ce dernier a<br />
souhaité attirer l'attention sur des tensions qui peuvent exister entre les objectifs poursuivis<br />
et les références mobilisées : « Certaines références issues des fermes peuvent être sensibles.<br />
La question de leur utilisation est centrale. Le niveau de marge brute dans les exploitations<br />
bio peut, par exemple, être valorisé pour convaincre les agriculteurs conventionnels que les<br />
systèmes en bio sont viables économiquement. Mais ces données ne doivent pas se retourner<br />
contre les producteurs, en justifiant, par exemple, la disparition ou la réduction de l'enveloppe<br />
de l'aide au maintien, ni être utilisées négativement pas les opérateurs économiques ».<br />
4. INOSYS, UNE BASE DE DÉPART ?<br />
La mutualisation des références en bio pose plusieurs questions. Notamment celle des outils à<br />
retenir pour constituer cette base nationale et transversale à toutes les productions. À ce titre,<br />
Sabine Bonnot de l'Itab relève une première difficulté : « chaque outil a ses raisons d'exister. Il<br />
faudra faire une sélection en connaissance de cause. Ce n'est pas un enjeu de court terme ».<br />
Françoise Simon rappelle qu’une tendance se dégage. Inosys, méthodologie issue de l'Apca,<br />
a ainsi été présenté, par Françoise Simon comme « un outil de départ intéressant même si<br />
il doit être adapté pour que chacun ne reparte pas ensuite avec un outil de collecte et de<br />
consolidation des données différent ».<br />
12
Dans la salle, la recommandation soulève des questions.<br />
Olivier Reboul, producteurs en Grandes Cultures en Picardie<br />
et ancien technicien référence interroge : « Inosys serait<br />
pertinent pour servir de base ? Nous savons que sa typologie<br />
ne couvre pas tout le territoire, ni toutes les productions. Ce<br />
matin, nous avons vu que le réseau Fnab possède des outils<br />
qui sont plus larges, qui intègrent les systèmes diversifiés,<br />
les références sociales, l'autonomie ou l'innovation, et qui<br />
sont pensés à un niveau 100% bio ». Comment dépasser cette<br />
ambiguïté et « prendre en compte des éléments qui ne soient<br />
pas seulement orientés systèmes ? ». Cette question donne<br />
l'occasion à Nicolas Daspres d'apporter quelques précisions<br />
sur Inosys : « En bio, nous menons un travail de longue date avec l'Institut de l'élevage. Le<br />
travail fait dans le projet RefAB a aussi permis d'intégrer de nouvelles références dans Insoys.<br />
Certes, les cas-types ne permettent pas de saisir tous les systèmes et notamment les plus<br />
innovants. Nous travaillons donc à articuler un nouveau projet à Inosys pour y inclure cette<br />
dimension ».<br />
Dans la foulée, Françoise Simon, représentante du ministère, recadre : « Inosys n'a pas à être<br />
repris tel quel. Ce n'est l'alpha et l'omega de l'observatoire. Il faut se demander comment<br />
cette méthode peut être adaptée à la bio pour en tirer des données harmonisées au niveau<br />
national. Le travail est à faire. »<br />
5. LA QUESTION DES MOYENS<br />
Très peu évoquée lors de la table ronde, la question des moyens alloués à un tel dispositif<br />
est pourtant centrale. Ce point est d’ailleurs soulevé par Fabrice Dreyfus, du Conseil Général<br />
de l'Agriculture, de l'Alimentation, des Espaces Ruraux (CGAAER) dans la salle, qui interpelle<br />
sur le modèle économique d’un « observatoire » et s’interroge sur un financement par des<br />
salaires de la fonction publique et a minima sur un partenariat public/privé. À l'issue de la<br />
rencontre, plusieurs tendances se dégagent. Le ministère considère que les références font<br />
partie d'un « juste » retour des financements qui sont alloués aux différentes organismes<br />
d'accompagnement et de développement de l'agriculture biologique, notamment dans le<br />
cadre des programmes Casdar.<br />
Côté observateurs, Jean-Marc Meynard, Président du Conseil scientifique de l'agriculture<br />
biologique et grand témoin de la journée, a soulevé la question de « la motivation des<br />
producteurs de données à mettre leur travail dans le pot commun ». En effet, « l'irrégularité »<br />
et « la faiblesse des moyens » alloués aux projets dont sont issues les références ont été<br />
pointées du doigt par les organisations productrices.<br />
6. DES RÉFÉRENCES TECHNICO-ÉCONOMIQUES OUI, MAIS PAS<br />
SEULEMENT<br />
DES ATTENTES SUR LE VOLET SOCIAL :<br />
« Je vois des producteurs qui font des choses extraordinaires sur leur ferme en terme de plusvalue.<br />
Je trouve ça dommage de réduire les références à la dimension technico-économique et<br />
environnementale au détriment du volet social. La préoccupation de notre société est aussi le<br />
partage du travail, la création d'emploi. Pourquoi ne pas produire des références là-dessus ? »<br />
L'intervention de François Thery, producteur bio, présent dans la salle, donne l'occasion de<br />
quelques précisions.<br />
Philippe Pointereau, de Solagro, a tenu à relever la pertinence de la question : « Certes, ces<br />
données ne sont pas évidentes à mobiliser. Il n'est pas facile d'évaluer combien d'heures on<br />
travaille, lorsque l'on est producteur. Toutefois, entre la question de la pénibilité du travail<br />
et l'attention nouvelle portée aux congés, ces questions recoupent aujourd'hui certaines<br />
causes de la conversion chez des producteurs épuisés physiquement, économiquement et<br />
moralement. Il faut absolument que ces dimensions soient prises en compte ».<br />
13
Pour sa part, Nicolas Daspres, chargé de mission agriculture biologique à l'Apca, précise :<br />
« Les références sociales ne sont pas les premières dans Inosys. Un rapport récent préconise<br />
d'ailleurs un approfondissement de ce volet. En revanche, nous commençons à faire remonter<br />
la problématique du travail car elle est de plus en plus présente chez les producteurs. » De<br />
son côté, Jérôme Pavie, de l'Institut de l'élevage, préconise : « sur ces données, les études<br />
menées se heurtent à la variété des acteurs impliqués et des indicateurs retenus. Il faudra<br />
donc penser des partenariat qui inclut de vraies compétences sur ces questions ».<br />
ET SUR LE VOLET ENVIRONNEMENTAL ET SOCIÉTAL.<br />
L'intervention de Philippe Pointereau de Solagro souligne la diversité des références<br />
attendues : « Aujourd'hui, nous sommes aussi interpellés sur des questions en lien avec<br />
les consommateurs. L'acte d'achat en bio est d'abord lié aux bienfaits sur la santé et<br />
l'environnement. D'après les premières données du projet Nutrinet, et toutes choses égales<br />
par ailleurs, il y a 50% de moins de cas d'obésité chez les consommateurs de produits bio.<br />
Certaines questions reviennent aussi souvent : la bio prend-elle trop de terres ? Peut-elle<br />
nourrir le monde ? La bio consomme-t-elle plus d'énergie que le conventionnel ? Traiter tous<br />
ces thèmes demande beaucoup de moyens. Notre priorité reste l'environnement et nous<br />
sommes intéressés à voir comment la bio participe au maintien de la biodiversité, à la baisse<br />
des émissions de GES, etc. Le monde de demain sera complexe. Il y a beaucoup d'attentes<br />
autour de thèmes différents. Il va falloir prioriser ».<br />
Du côté du ministère, Françoise Simon tient à répéter : « Nous l'avons déjà précisé. Le terme<br />
de références technico-économiques ne signifie pas que délaissons les références sur le<br />
social. Dans le projet agro-écologique, il y a bien les trois dimensions : économique, sociale et<br />
environnementale. ». Et de rappeler qu’il ne faut pas attendre de l’outil qu’il réponde à tous<br />
les besoins exprimés par les producteurs, les consommateurs, les pouvoirs publics … « Nous<br />
ne parviendrons pas à un outil miracle qui réponde à toutes les questions. »<br />
DES INTERROGATIONS PERSISTANTES<br />
La nature des références à mobiliser dans ce futur dispositif national et transversal a largement<br />
retenu l'attention de l'auditoire.<br />
Parmi les interrogations :<br />
ππ<br />
Quel degré de représentativité des fermes en bio doit-on rechercher dans ces références ?<br />
Selon quel échantillon ?<br />
ππ<br />
Existe-t-il un risque de favoriser artificiellement les systèmes qui se rapprochent le plus<br />
des modèles présentés en conventionnel ?<br />
ππ<br />
Quelle place pour les systèmes diversifiés, difficiles à caractériser ?<br />
ππ<br />
Quid de la notion de transition des fermes à illustrer versus la recherche unique de<br />
l'optimisation des systèmes ?<br />
ππ<br />
Quel équilibre entre références utiles aux bio et références destinées aux bio de demain,<br />
à savoir les agriculteurs conventionnels ?<br />
Clarifier et préciser quels sont les objectifs de ce dispositif national de production et<br />
mutualisation des références est un préalable qui permettra sûrement d’apporter des réponses<br />
à ces questions.<br />
« Pour valoriser les acquis, il faut réfléchir à des usages nouveaux et il faut donc les définir.<br />
Il faut clarifier les objectifs des références et les hiérarchiser. » souligne Jean-Marc Meynard<br />
dans sa conclusion.<br />
14
3<br />
L'ACQUISITION DES REFERENCES EN AGRICULTURE<br />
BIOLOGIQUE POUR RENFORCER LA RESILIENCE DES<br />
FERMES EN AGRICULTURE BIOLOGIQUE<br />
Table ronde<br />
LES INTERVENANTS :<br />
Marc Benoît, INRA Clermont-Ferrand et co-animateur du comité<br />
interne AB de l’INRA, Benoît Dedieu, chef du département Sad<br />
de l’INRA, Gabrielle Sicard, chargée de mission de l’InterAFOCG<br />
et François Théry, agriculteur bio dans le Nord-Pas de Calais<br />
en polyculture, près d'Arras.<br />
Entre les changements climatiques, la fin des outils de<br />
régulation des marchés tels que les quotas laitiers et<br />
l'instabilité des marchés, l'incertitude pèse sur de nombreuses<br />
fermes. Pour y faire face, la notion de résilience a intégré le<br />
champ agricole. L'acquisition de références peut-elle aider<br />
à renforcer cette dimension dans les fermes en bio ? La<br />
question est posée.<br />
« Aborder la notion de résilience, c'est se demander si un<br />
système peut encaisser et faire avec les aléas climatiques,<br />
sanitaires, économiques ou politiques », résume Benoît<br />
Dedieu, chef du département SAD à l'Inra. Pour le co-auteur<br />
de « L'élavage en mouvement : flexibilité et adaptation<br />
des exploitations d'herbivores » et « Agir en situation<br />
d'incertitudes en agriculture », les aléas peuvent arriver de<br />
l'extérieur. « Il existe aussi le cas des systèmes qui arrivent<br />
à une situation critique et doivent intrinsèquement changer<br />
pour survivre à des changements anticipés », précise-t-il. En<br />
filigrane de la résilience, les notions de vulnérabilité et de<br />
flexibilité apparaissent : quelles sont les points de fragilité<br />
d'une ferme ? Quel degré d'agilité est conservé ou favorisé<br />
par l'agriculteur pour réagir face aux changements ? Comme le<br />
rappelle Benoît Dedieu, conserver des marges de manœuvre<br />
ou développer la diversité sur la ferme sont des facteurs qui<br />
peuvent limiter la vulnérabilité (voir encadré page 16).<br />
LA RÉSILIENCE<br />
DÉFINIE DANS LE<br />
PROJET REFAB<br />
La résilience a été<br />
retenue en 2013<br />
comme un des<br />
principes de la<br />
durabilité des fermes<br />
bio dans le cadre du<br />
projet RefAB. Il s'agit<br />
de « la capacité d'un<br />
système à s'adapter<br />
aux fluctuations<br />
et à supporter les<br />
perturbations, à se<br />
prémunir contre les<br />
risques et à anticiper<br />
ceux qui peuvent<br />
l'être ». À côté<br />
d'elle, deux autres<br />
notions émergent :<br />
la vulnérabilité et la<br />
flexibilité.<br />
15
Focus<br />
MIEUX COMPRENDRE LA RÉSILIENCE :<br />
L'APPROCHE DE BENOÎT DEDIEU<br />
Lors de la table ronde dédiée à « l'acquisition des références en agriculture biologique pour<br />
renforcer la résilience des fermes bio », Benoît Dedieu, chef de service du SAD-INRA est<br />
largement revenu sur cette notion. Il a notamment rappelé que la résilience est l'un des<br />
« concepts utilisés pour traiter de la capacité d'adaptation des systèmes dans un milieu ou<br />
une durée dans lesquels apparaissent un certains nombres de perturbations ». Pour lui, la<br />
notion perd de sa vigueur, car elle est très utilisée mais elle garde de sérieux fondements en<br />
écologie et en psychologie. Complexe, la notion de résilience renvoie également à la flexibilité<br />
et à la vulnérabilité. Notamment traitée par les socio-économistes, la vulnérablité renvoie,<br />
quant à elle, « à la capacité des systèmes à faire face à des chocs violents ».<br />
Selon Benoît Dedieu, la question de la capacité d'adaptation renvoie à deux questions : l'échelle<br />
de temps et la nature des perturbations (crise dans la famille, changements politiques,<br />
réglementaires, revenus insuffisants, etc.). Ainsi, sur le long terme, on ne parle plus d'aléas<br />
mais d'incertitude complète sur l'avenir.<br />
En revanche, trois dimensions se dégagent. L'étude d'exploitations sur 25 ou 30 ans révèle<br />
plusieurs échelles d'adaptation :<br />
ππ<br />
À court terme : s'adapter pour faire face à des aléas ;<br />
ππ<br />
À moyen terme : s'engager dans le changement ;<br />
ππ<br />
Dans le long terme : choisir des trajectoires même si l'on ne connaît pas le futur.<br />
Plus concrètement, chez certains, face à la disponibilité des terres, l'engagement de la famille<br />
dans le travail, les opportunités de marché, les contextes des fermes restent relativement<br />
inchangées. Les personnes, pour se préserver ne sont jamais à l'optimum et elles se préservent<br />
des marges de manœuvre. D'autres fermes en revanche, reconfigurent leur système tous<br />
les 10 ou 15 ans : organisation de la famille, activités de la famille, projets de production,<br />
grands éléments de conduite. Pour tenir, elles sont capables de négocier des changements de<br />
systèmes quand la nécessité se présente. Enfin, certains systèmes changent tous les deux ou<br />
trois ans : main d'oeuvre, activités, contenu du projet de production, comme s'ils s'exerçaient<br />
un ajustement permanent. C'est surtout le cas dans des systèmes confrontés à un marché, un<br />
contexte réglementaire ou à des prix très variables.<br />
Parler de résilience, de flexibilité ou de vulnérabilité, c'est enfin se poser la question de la<br />
nature et de l'objet de cette résilience : est-ce celle du sytème technique, de l'exploitation,<br />
du ménage ? Et dans quelle dimension : la production, l'économie, le travail ? Il faut toujours<br />
savoir quel cadre est concerné : est-ce le système technique, système famille-exploitation, le<br />
ménage ?<br />
LES 5 POINTS POUR LIMITER LA VULNÉRABILITÉ DES SYSTÈMES*<br />
∆ « La recherche de l'optimisation et de l'efficience peut être antagoniste au<br />
développement d'une capacité à faire face aux aléas, au maintien de leviers pour<br />
s'adapter »<br />
∆ Il faut savoir préserver des marges de manœuvre pour ajuster des décisions ou<br />
absorber des chocs.<br />
∆ La diversité est un facteur favorable pour s'adapter aux aléas.<br />
∆ Il faut être capable de changer de manière radicale : trouver une cohérence entre<br />
des valeurs et des pratiques, apprendre des difficultés passées.<br />
∆ Sans oublier l'importante des réseaux de réassurance pour s'entraider ou<br />
apprendre.<br />
*Intervention de Benoît Dedieu, chef du département du SAD à l'Inra.<br />
16
LES FERMES BIO PLUS RÉSILIENTES ?<br />
Dans les systèmes bio, plusieurs caractéristiques touchent à la vulnérabilité, la flexibilité<br />
et la résilience. Le renouvellement des techniques agronomiques est continu, l'absence de<br />
recours aux produits phytosanitaires de synthèse oblige à une réactivité importante vis-à-vis<br />
de la météo. De quoi se demander si les fermes bio sont plus résilientes que les fermes en<br />
conventionnel ? Pour Benoît Dedieu : « Impossible de savoir. À chacun d'interroger les cinq<br />
principes qui limitent la vulnérabilité d'un système. C'est un sujet pour la recherche », juget-il.<br />
La diversification des ateliers et des productions est également prégnante dans les systèmes en<br />
bio. Est-elle une contrainte davantage qu'un atout ? « La diversité engendre une complexification<br />
par rapport à la spécialisation. C'est certain. En revanche, en termes d'activités, de ressources<br />
et de production, la diversité a des avantages. Par exemple, dans le Sahel où la contrainte<br />
climatique est extrême, on constate que les troupeaux qui durent sont composés de races<br />
très diverses. Certaines sont improductives pendant des années, mais elles seront les seules<br />
à produire en cas d'extrême sécheresse. Mais globalement, nous sommes encore démunis sur<br />
cette question. Pour y répondre vraiment, il faudrait savoir mesurer l'impact de la complexité<br />
sur le travail agricole. Il faudrait travailler avec des ergonomes sur ces questions ».<br />
LA RÉSILIENCE EN QUESTION À L'INTERAFOCG<br />
Réfléchie dans le domaine de la recherche, la résilience a aussi investi des groupes d'échanges<br />
de producteurs. C'est le cas à l'InterAfocg. « Nous avions une interrogation, explique Gabrielle<br />
Sicard, chargée de mission dans l'association. Certaines fermes qui avaient de bons résultats<br />
technico-économiques se retrouvaient rapidement fragilisées lors de crise ou de contextes<br />
incertains et changeants ». Pour se familiariser avec la résilience, l'association croise alors des<br />
observations de terrain et invite des intervenants extérieurs au monde agricole à expliciter le<br />
sujet, comme la chercheuse autrichienne Ika Darnhofer, spécialiste de la question.<br />
A la clé, deux exemples. Dans le Loiret, dès 2007, 60 adhérents se réunissent pour réfléchir à<br />
des références qui les aident à aller vers plus de résilience. Dans le groupe, les fermes sont<br />
à 70 % en bio et à 50 % en vente directe, notamment en maraîchage, volailles et grandes<br />
cultures. La méthode a d'abord consisté à créer des cas-types. En 2011, dans le Pays-Basques,<br />
les producteurs de lait de brebis s'interrogent : entre 2006 et 2008, leur revenu courant a été<br />
divisé par deux. Quelles sont les fermes qui s'en sont le mieux sorti ? Selon quels ressorts ?<br />
QUELS INDICATEURS ET QUELS RÉSULTATS ?<br />
Résultats ? Quelques données clé ressortent : « La question du temps est majeure dans le<br />
cas du Loiret. Il est, par exemple, ressorti que pour se dégager deux semaines de vacances,<br />
les lots de volailles doivent être planifiés deux ans à l'avance ». Dans le Pays-Basques,<br />
l'étude menée auprès des 27 fermes débouche sur un questionnaire avec 73 critères et des<br />
indicateurs à l'échelle de la ferme : ils sont liés au système (autonomie, diversité, flexibilité,<br />
etc.) mais aussi à l'agriculteur lui-même.<br />
« Ces études nous ont permis de nous interroger et de changer notre regard sur la performance<br />
des fermes, témoigne Gabrielle Sicard. Celles qui ont les meilleures résultats technicoéconomiques<br />
ne sont pas forcément les plus résilientes ». D'après l'association, plusieurs<br />
dimensions entrent également en jeu : le degré d'ouverture de l'agriculteur sur les attentes de<br />
la société ou la veille sur l'évolution des pratiques culturales. Enfin, à l'issue de ces travaux,<br />
l'Inter-Afocg conclut : « la résilience d'un système passe d'abord par la capacité de résilience<br />
de son pilote ».<br />
En terme de pédagogie créative, comment imagine-t-on<br />
un monde demain qui soit différent de celui d'aujourd'hui.<br />
Comment sortir du cadre ?<br />
Gabrielle Sicard, chargée de mission à l'Inter-Afocg<br />
17
LE TÉMOIGNAGE DE FRANÇOIS THÉRY<br />
QUELLE EST TA VISION DE LA RÉSILIENCE ?<br />
« Quand je me suis installé comme agriculteur, j'ai commencé à faire de l'intensif dans un<br />
système spécialisé. Ce n'était pas ma vision de l'agriculture. Quand j'ai voulu changer, j'ai<br />
essayé de faire ça dans la sécurité. J'ai d'abord commencé à travailler sur l'autonomie. J'étais<br />
en Gaec sur 110 ha et je suis passé à 50 ha avec 11 cultures et 6 variétés différentes de pommes<br />
de terre, sans irrigation. Du coup, je n'avais plus d'endettement. J'ai aussi mis en place des<br />
rotations en fonction de la qualité de mes terres : pommes de terre et chicorées sur mes terres<br />
les plus productives par exemple. J'ai introduit de la luzerne sur 20 ha. La marge de manœuvre<br />
existe aussi dans la manière de construire ses itinéraires techniques de production. Vu le coût<br />
de l'azote, et l'incertitude sur la minéralisation, j'ai pensé à l'économie sur ce poste : je ne<br />
priorise pas toujours le rendement. Je ne joue pas au poker. Côté commercialisation, je me<br />
suis engagé directement dans un coopérative 100% bio pour la chicorée. Sur la PDT je fais 50-<br />
50 entre demi-gros et gros.<br />
Pour avoir un bon équilibre agronomique, je savais qu'il fallait que je mette de l'élevage parce<br />
que je restais sur un système spécialisé mais je ne l'ai pas fait. Il y a aussi des aspects sur<br />
lesquels je n'ai pas pu travailler comme le travail du sol et la fertilisation. Ce n'est pas le<br />
manque de références qui a joué, c'est que j'étais seul en bio dans un rayon de 15 kilomètres.<br />
Idem sur le temps de travail : j'aurais aimé aller plus loin sur cette question mais ce n'est pas<br />
dans la culture de mon secteur. Or, c'est plus facile d'avancer quand on est pas tout seul. Le<br />
fait d'être isolé, ce n'est pas simple.<br />
Pour moi, l'autonomie financière a été la première étape vers la résilience. Avant j'étais dans<br />
un système risqué, surtout pendant la conversion. La mise en place de la diversité m'a aidée.<br />
Ça a été ma marge de manœuvre : plus d'espèces, plus de variétés, plus de débouchés. Cela<br />
fait 15 ans que je suis en bio, et je n'ai pas à me plaindre. Ce sont les convictions et les<br />
valeurs qui m'ont guidé : il faut s'appuyer sur des valeurs pour changer. »<br />
UNE QUESTION : LA RÉSILIENCE EST-ELLE RÉFÉRENÇABLE ?<br />
François Théry :<br />
« Dans le Nord, nous avons eu des tornades ces dernières<br />
années. Je ne peux pas travailler là-dessus, c'est trop<br />
imprévisible. Mais quand je sais qu'un opérateur veut revoir<br />
les prix à la baisse, alors là, je peux travailler sur le sujet.<br />
Les références doivent toujours être ciblées. Vous pouvez<br />
avoir toutes les références possibles, tant qu'un agriculteur<br />
ne ressentira pas le besoin de changer, il ne changera pas et<br />
il ne pourra pas être résilient. Ma référence, je l'ai pas mal<br />
trouvée chez les producteurs bio. Je pense aussi que plus on<br />
est nombreux et solidaire, plus on est résilient. Car, être isolé<br />
rend les choses plus difficiles. »<br />
Benoît Dedieu :<br />
« La question est : quelles sont les ressources utiles pour<br />
changer ? La notion de référence est-elle la plus adaptée pour<br />
aborder la résilience ? Sur le long terme, nous démarrons<br />
les recherches donc on ne sait pas. Seule certitude, il va<br />
probablement falloir se préparer à encaisser des chocs et<br />
pouvoir opérer des changements radicaux avec une capacité<br />
d'apprentissage. D'autant qu'une réalité pèse : la prévisibilité.<br />
Excepté chez celui qui est totalement autonome dans sa<br />
commercialisation, les producteurs sont dépendants de<br />
l'aval ».<br />
18
Le mot de la fin<br />
PAR JEAN-MARC MEYNARD, PRÉSIDENT DU CONSEIL<br />
SCIENTIFIQUE DE L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE<br />
ET STÉPHANIE PAGEOT, PRÉSIDENTE DE LA FNAB.<br />
En tant que grand témoin, Jean-Marc Meynard donne son analyse des échanges<br />
de l’après-midi : « Le débat sur l'observatoire nous a mené à des allers et retours<br />
entre des références systèmes et thématiques ; bio et conventionnel. À l'avenir,<br />
nous n'avancerons qu'en n'évitant de parler de tous les objectifs en même temps.<br />
Il faut y aller pas à pas. Néanmoins, ce débat a permis d'aborder la question<br />
des références nationales : adressées aux pouvoirs publics, mutualisées dans<br />
les régions, pouvant aider les étudiants dans les formations, donnant l'image<br />
d'une agriculture biologique française intégrée. La question des cas-types est<br />
souvent revenue et il existe des acquis dans ce domaine, comme Inosys. Mais<br />
valoriser des acquis ne veut pas dire entrer dans des cases. On peut réfléchir à la<br />
manière dont on choisit les cas-types, à l'articulation entre l'intérêt des données<br />
locales et leur valorisation nationale. On peut réfléchir sur des valeurs de la bio :<br />
partage du travail, de la valeur ajoutée, emploi, vivabilité. Derrière tout cela et<br />
pour valoriser les acquis, il faut réfléchir à des usages nouveaux et il faut donc<br />
les définir. Il faut clarifier les objectifs des références et les hiérarchiser. Il existe<br />
un accord général sur la mobilisation collective : mais elle n'est pas simple !<br />
Quelle motivation économique à produire des données ? Comment articuler<br />
les niveaux national, régional et local ? Et ce, dans toutes les organisations<br />
concernées. Le national peut travailler sur la coordination mais c'est au niveau<br />
régional ou plus local que les partenariats seront utiles et doivent être lancés.<br />
Il est possible d'imaginer que des régions pilotes inaugurent ce travail, même<br />
si tout le monde n'est pas prêt à partir en même temps. Enfin, je pense que<br />
la recherche de références dévoile des lacunes de connaissances, notamment<br />
scientifiques. Quelles références pour des politiques publiques ? Quel apport des<br />
références agronomiques ? Quid de la résilience ? Des ressorts du changement ?<br />
Les recherches doivent être menées et il me semble que l'implication des<br />
chercheurs doit se concrétiser sur ces sujets. »<br />
Stéphanie Pageot poursuit : « Je me retrouve dans les<br />
propos de Jean-Marc. Nous voulions faire un point<br />
sur le travail que nous avons fait dans le réseau,<br />
mais à terme nous voulons surtout aller plus loin :<br />
nous professionnaliser et travailler collectivement.<br />
Le rapport récent sur les limites du plan Ecophyto<br />
montre encore qu'il y a un vrai besoin de partager<br />
nos compétences avec les conventionnels pour qu'ils<br />
puissent se passer des produits phytosanitaires. Les<br />
références peuvent nous y aider. « Si vous voulez<br />
avancer dans vos recherches et vos références,<br />
faites intervenir la recherche », dit en substance<br />
Jean-Marc. Et je le rejoins totalement sur ce point.<br />
Je dirai à nouveau que nous devons avancer sur<br />
cet observatoire, en hiérarchisant effectivement les<br />
priorités ».<br />
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LA FNAB : UN RÉSEAU, DES VALEURS, DES HOMMES<br />
La Fédération Nationale d’Agriculture Biologique des régions de France (FNAB), a été<br />
créée en 1978 afin de porter la voix des producteurs biologiques. C’est à ce jour<br />
en France le seul réseau professionnel agricole qui soit spécialisé en agriculture<br />
biologique.<br />
NOS 3 RAISONS D'ÊTRE :<br />
STRUCTURE DE<br />
DÉVELOPPEMENT<br />
Apporter une expertise<br />
Accompagner les pouvoirs<br />
publics, institutions et<br />
professionnels<br />
DÉVELOPPER L'AGRICULTURE<br />
BIOLOGIQUE PARTOUT<br />
ET POUR TOUS<br />
ORGANISATION<br />
PROFESSIONNELLE<br />
Porter la voix des<br />
producteurs biologiques en<br />
France et à l'international<br />
Animer un réseau de<br />
terrain<br />
PROMOUVOIR ET DÉFENDRE<br />
LE MÉTIER D'AGROBIOLOGISTE<br />
MOUVEMENT<br />
CITOYEN<br />
Informer<br />
Sensibiliser<br />
Mobiliser la société civile<br />
Imaginer un nouveau<br />
modèle<br />
CONSTRUIRE UNE AUTRE<br />
AGRICULTURE<br />
POUR EN SAVOIR +<br />
www.fnab.org<br />
Actualités de la bio,<br />
publications, formations,<br />
ressources audio et<br />
vidéos pour se former et<br />
s’informer.<br />
www.repasbio.org<br />
L’introduction de produits<br />
bio en restauration<br />
collective, démarche,<br />
accompagnement,<br />
expériences, témoignages,<br />
actualités et contacts.<br />
www.conversionbio.org<br />
Les questions à se poser<br />
pour passer en bio, les<br />
étapes de la conversion<br />
et de l’installation,<br />
les possibilités<br />
d'accompagnement,<br />
contacts utiles et<br />
témoignages<br />
Avec le soutien :<br />
Rédaction :<br />
Virginie Jourdan - Déc. 2014<br />
Crédits photos :<br />
FNAB, GRAB Haute-Normandie<br />
Mise en page :<br />
Compote de Com' www.compote-de-com.com<br />
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