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La RSE : nouvelle régulation du capitalisme ou interprétation ...

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Or, si les acteurs étatiques et les acteurs économiques privés sont l’expression d’une même configuration<br />

de p<strong>ou</strong>voir et si t<strong>ou</strong>te forme de g<strong>ou</strong>vernance est à la fois orientée par les privilèges et bridée<br />

par les contraintes de l’expansion capitaliste de l’économie de propriété, le risque est grand de voir<br />

émerger un cadre institutionnel supranational reflétant d’abord les intérêts et les contraintes des principaux<br />

centres de p<strong>ou</strong>voir économique, politique et militaire. Au sein d’une telle structure normative,<br />

t<strong>ou</strong>te modalité favorisant la concentration <strong>du</strong> p<strong>ou</strong>voir serait nécessairement privilégiée, indépendamment<br />

des répercussions éco-sociales qu’elle p<strong>ou</strong>rrait entraîner.<br />

Or, le cadre institutionnel international semble suivre un itinéraire de ce type : alors que la propriété<br />

et son expansion commerciale fait l’objet, à travers l’OPMI et l’OMC, d’une régulation extrêmement<br />

stricte, la g<strong>ou</strong>vernance environnementale internationale se caractérise une d<strong>ou</strong>ble tendance :<br />

d’une part, la généralisation des normes procé<strong>du</strong>rales (à l’instar <strong>du</strong> Global Compact, des normes ISO<br />

9000 et 14000 <strong>ou</strong> de certains labels volontaires) qui, sans offrir de garantie en termes de performance<br />

éco-sociale, amplifient les asymétries entre agents économiques à travers l’exclusion des acteurs monétairement<br />

vulnérables ; d’autre part, par l’élaboration de structures institutionnelles explicitement<br />

ancrées sur la rationalité de l’économie de propriété reposant sur l’exclusivité, la marchandisation et la<br />

capitalisation (à l’instar <strong>du</strong> régime climatique international). A contrario, cet itinéraire se caractérise<br />

également par la très faible avancée institutionnelle des normes substantives.<br />

• <strong>La</strong> <strong>RSE</strong> contemporaine – une interprétation capitaliste de la régulation<br />

L’échec de la tentative européenne ne fait que mettre en exergue les limites, identifiées depuis<br />

longtemps par l’économie institutionnelle critique, des différentes options que constituent l’autorégulation<br />

des entreprises, la régulation volontaire, <strong>ou</strong> la régulation concertée. De telles limites motivent<br />

t<strong>ou</strong>s les partisans d’une subordination des activités économiques privées aux limites de re<strong>n<strong>ou</strong>velle</strong>ment<br />

naturelles et sociales à travers une régulation exogène formelle. Parmi les propositions de cadrer<br />

le <strong>capitalisme</strong> moderne à travers l’établissement de normes écologiques et sociales substantives, relevons<br />

ici l’œuvre pionnière de l’économiste institutionnaliste William Kapp [1910-1976], qui proposait<br />

dès 1950 de déterminer à travers l’établissement de normes écologiques (s<strong>ou</strong>s forme de maxima écologiques)<br />

et sociales (minima sociaux), un corridor de développement au sein <strong>du</strong>quel les agents d’une<br />

économie capitaliste sont libres de mobiliser le potentiel capitaliste [Kapp, 1950, 1965, 1972] 49 .<br />

P<strong>ou</strong>r autant, ces limitations ne remettent pas en question l’importance d’une plus grande implication<br />

des différents acteurs sociaux dans la régulation nécessaire de l’économie, mais plutôt les limites<br />

de ce type d’instrument dans un contexte façonné par la dynamique de compétition permanente que se<br />

livrent les acteurs économiques et politiques. Dans ce type de contexte, l’intérêt, p<strong>ou</strong>r les grandes entreprises,<br />

d’une régulation concertée avec les acteurs sociaux, est évident. Plus s<strong>ou</strong>ple et, partant plus<br />

conforme aux intérêts des acteurs les plus puissants, cette sorte de régulation à la carte, concoctée en<br />

partenariat avec une panoplie d’acteurs sociaux, dont certains peuvent être ralliés à leur cause de<br />

manière bilatérale (à travers, par exemple, le financement par une entreprise des activités d’une ONG),<br />

ne peut ab<strong>ou</strong>tir à des situations réellement contraignantes p<strong>ou</strong>r les entreprises. C’est la raison p<strong>ou</strong>r<br />

laquelle certains auteurs parlent d’un régime m<strong>ou</strong> (soft law).<br />

P<strong>ou</strong>r autant, dans la situation de d<strong>ou</strong>ble contrainte dans la quelle se tr<strong>ou</strong>vent aussi bien les acteurs<br />

économiques privés que les acteurs étatiques, le renforcement de la démocratie participative et l’imposition<br />

de ce modèle décisionnel à la <strong>RSE</strong> demeure une piste qu’il vaut la peine d’explorer. Mais une<br />

attention particulière doit alors être donnée de façon à éviter la régulation concertée n’ab<strong>ou</strong>tisse une<br />

participation de façade, comme dans la démarche avortée de l’Union Européenne, mais vise au contraire<br />

une implication réelle, substantielle et ab<strong>ou</strong>tie des acteurs civils dans le processus de contrôle et<br />

d’orientation <strong>du</strong> système de pro<strong>du</strong>ction. P<strong>ou</strong>r cela, une forte pression de l’opinion sur les acteurs politiques<br />

est requise, de manière à ce que les p<strong>ou</strong>voirs publics assument leur rôle de représentant de<br />

l’intérêt collectif. Le cas échéant, il se p<strong>ou</strong>rrait que la <strong>RSE</strong> constitue l’antichambre d’un système<br />

régulatif et managérial inédit, dans un contexte de mondialisation caractérisé par l’absence d’autorité<br />

régulatrice forte, capable d’imposer une régulation éco-sociales aux acteurs économiques, privés <strong>ou</strong><br />

étatiques [Gendron, 2009a]. P<strong>ou</strong>r autant, s’il participe à l’évolution <strong>du</strong> mode de développement capi-<br />

49 Avec d’autres, et notamment l’économiste lgnacy Sachs [1981, 1993], Kapp est à l’origine <strong>du</strong> concept et de l’approche de<br />

l’écodéveloppement.<br />

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