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NOUVELLES LITTÉRAIRES

Nouvelles littéraires créées dans un cours de Création littéraire, programme Arts et Lettres, Cégep de l'Abitibi-Témiscamingue

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Une lueur d’espoir<br />

Lundi matin. Une chaleur réconfortante me<br />

tire du sommeil. Un grondement répétitif,<br />

presque mécanique, rythme les battements<br />

de mon cœur. Je ne prends même plus la<br />

peine de vérifier l’origine de cette chaleur.<br />

Je sais. Molly, ma chatte, a pris l’habitude<br />

de me rejoindre au lever du soleil. Par la<br />

fenêtre, des faisceaux de lumière froide et<br />

tamisée pénètrent la maison. J’étire mes<br />

bras vers le plafond, suppliante.<br />

J’entame mon rituel. Mon réveil indique<br />

sept heures. Je touche délicatement le tissu<br />

moelleux de mes draps. J’observe le paysage<br />

hivernal par la fenêtre. Du bout des<br />

doigts, je perçois le froid de janvier sur la<br />

vitre. J’observe le givre, cette structure<br />

de glace d’une beauté incroyable qui s’est<br />

créée cette nuit encore. Les amas de neige<br />

qui entourent les maisons du quartier forment<br />

des murs de Berlin à l’infini. Cette<br />

froideur que je ressens dans tout mon être<br />

me rappelle que je suis bien là, réveillée,<br />

consciente de ma réalité. Une réalité douloureuse<br />

qui durera encore longtemps : les<br />

hivers ici sont interminables.<br />

Ah, le silence... Enfin presque, puisque au<br />

fond, j’entends le bruit léger du frigo, celui<br />

de l’aiguille qui complète sa trajectoire saccadée<br />

soixante fois la minute, et celui de ma<br />

respiration lente et profonde.<br />

Sept heures trente. Sans faire de bruit, je<br />

me dirige vers la cuisine. Je prépare des<br />

toasts, un jus d’orange et un petit bol de<br />

céréales. Le silence est rompu par des cris<br />

oppressants. Kiki est réveillée. Ses pleurs<br />

MARTINE CAYOUETTE<br />

sont si intenses le matin. Comme si elle souhaitait<br />

ne s’être jamais réveillée elle aussi.<br />

Elle crie jusqu’à ce que je la prenne dans<br />

mes bras. Ce que je fais, avant de changer<br />

sa couche.<br />

Dans la salle à manger, je l’installe dans<br />

sa chaise haute. Assise à la table, je dirige<br />

la cuillère de Pablum dans une trajectoire<br />

courbée en prétendant qu’il s’agit d’un avion.<br />

Le geste est stupide. Les avions ne volent<br />

pas en virevoltant dans le ciel. Je continue<br />

malgré tout ce manège irréaliste, le regard<br />

vide. Cela l’amuse et tant qu’elle est heureuse,<br />

elle mange sans protester. Puis, vient<br />

mon tour de me nourrir. Mes toasts sont<br />

déjà froids et secs. Je les avale sans plaisir.<br />

Manger un repas chaud ne m’est pas encore<br />

arrivé depuis la naissance de Kiki. Ce n’est<br />

pas le cas de Charles qui, lui, n’a jamais eu<br />

à arrêter sa vie pour elle.<br />

À vingt-cinq ans, il est satisfait d’avoir une<br />

« petite famille ». Tous les jours, il part<br />

travailler à la mine à une heure de route<br />

d’ici. Parfois, je rêve qu’il est là à mon<br />

réveil, qu’il me dit de me reposer, qu’il<br />

va s’occuper de notre enfant. Malheureusement,<br />

ce n’est jamais le cas. Il doit se<br />

réveiller tôt pour le travail. Il est absent<br />

toute la journée et revient le soir pour le<br />

souper. Son retour est un véritable soulagement.<br />

À partir de ce moment, il prend<br />

Kiki dans ses bras et ne veut plus la quitter.<br />

Il l’appelle même sa « Petite Fierté ».<br />

Dans l’après-midi, alors que la petite fait<br />

sa sieste, je consulte le courrier. J’ai<br />

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