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sont leurs objets, soit pour surveiller leur comportement,<br />

soit pour les utiliser si elles n’ont personne pour<br />

les « protéger ». Ne pas avoir de grand frère ou de<br />

« protection » implique d’être une fille « facile », exposée<br />

au harcèlement, aux propositions, etc. Les garçons<br />

entendent signifier aux filles qu’elles sont une propriété<br />

de la bande et à leur disposition. Le viol collectif<br />

(tournante) est une forme de renforcement du groupe<br />

des hommes. On en rencontre le principe au Québec<br />

dans les logiques d’appartenance aux gangs décrites<br />

par M. Perreault et G. Bibeau. Les adolescentes qui<br />

souhaitent rejoindre un groupe sont soumises à des<br />

violences sexuelles qui les intronisent. Elles vivent ce<br />

rite d’humiliation comme une nécessité à laquelle elles<br />

ne peuvent se dérober.<br />

Marie, qui décrit longuement son « initiation sexuelle »,<br />

essaie de transformer son expérience malheureuse en<br />

une démonstration d’excellence en endossant une attitude<br />

« masculine » de résistance à la douleur ; elle fait<br />

du viol collectif « une épreuve de courage » en regardant<br />

froidement les garçons comme pour leur montrer<br />

qu’ils n’auront jamais le dessus sur elle.<br />

ensembles et s’inscrivent dans la logique de la loi du<br />

plus fort.<br />

En parlant de « féminalité » pour qualifier ces filles,<br />

que Stéphanie Rubi (2005) nomme les « crapuleuses »,<br />

Hakima Aït el Cadi (2005) joue sur la consonance de<br />

ce terme avec celui d’animalité, soulignant l’apparition<br />

chez des filles de comportements brutaux plutôt associés<br />

aux garçons. Nombre de filles adoptent en effet<br />

des modalités de présence au monde qui tranchent<br />

avec les stéréotypes du féminin. Elles sont impliquées<br />

dans les bandes adolescentes vouées à la délinquance<br />

ou au racket sur des filles plus faibles à leurs yeux, qui<br />

se font brimer à cause de leur calme et de leur réussite<br />

scolaire. Elles n’hésitent pas à insulter, à frapper sous<br />

le prétexte qu’il vaut mieux porter le premier coup que<br />

le recevoir.<br />

Dans les lieux où elles doivent s’affirmer, les filles<br />

tendent à investir les valeurs masculines les plus<br />

rigides pour tirer leur épingle du jeu dans leur relation<br />

avec les autres en ne s’en laissant jamais conter. Elles<br />

s’habillent, marchent et se comportent comme des garçons,<br />

crachent régulièrement, arborent un air renfrogné<br />

et des attitudes tranchées, elles sont prêtes à se battre<br />

dans l’univers de la rue. Elles dénigrent leur statut de<br />

« filles » pour s’assimiler autant que possible aux garçons,<br />

manière de se durcir, de s’imposer, de calquer les<br />

ritualités masculines et éventuellement de dénigrer les<br />

autres filles, plus « faibles », de s’habiller et se de comporter<br />

en caillera. Elles endossent le comportement de<br />

« garçons » comme posture de protection, notamment<br />

si elles ne sont pas « protégées » par un grand frère.<br />

Adopter cette attitude « virile » c’est refuser d’être une<br />

« bouffonne » et afficher au contraire une réputation<br />

de « dure » qui force le respect des garçons et attise<br />

la peur des autres filles. Elles gagnent ainsi un droit de<br />

libre circulation dans les quartiers populaires de grands<br />

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