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MAQ PETIT BULLETIN_LYON - Le Petit Bulletin

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P02_03 — LE <strong>PETIT</strong> <strong>BULLETIN</strong> N°718 — DU 26.06 AU 02.07.13À LA UNELEADER DE LAMBCHOP DEPUIS 25 ANS, KURT WAGNERPORTE SUR LUI L’AMBIVALENCE DE SA MUSIQUE. CELLED’UN PUR PRODUIT DU TENNESSEE PROFOND QUI A RÉUSSISON ÉMANCIPATION, D’UN ANCIEN POSEUR DE PARQUETDEVENU PRESQUE PAR HASARD L’UN DES GRANDSCOMPOSITEURS DE SON TEMPS. EN LIVRANT, DEPUISNASHVILLE LA RÉAC’, UNE COUNTRY D’OUTSIDERRAFFINÉE ET AUDACIEUSE.© Bill Steber<strong>Le</strong> cas Wagner— STORY —TEXTES : STÉPHANE DUCHÊNEUn pompiste à lunettes, un redneck instruit, voilàde quoi a toujours eu l’air Kurt Wagner, leader deLambchop. Casquette de bouseux sur la tête etbésicles de geek sur le nez : le look d’un type àcheval entre deux mondes. Un fils de biochimiste,doué de ses mains, un poseur de parquet érudit etartiste – longtemps après les premiers succès deson groupe, Wagner continuera de gagner sa vie enposant des lattes quand d’autres en tirent. Lorsqu’onen vient à sa musique, les repères sont encoredavantage brouillés. Ce voudrait être de la country,Tennessee oblige, mais c’est beaucoup plus que çaet tout à fait autre chose : crooning, post-rock, jazz,soul 70’s, baladés entre orchestrations ambitieuses etsimplicité biblique. La voix même de Wagner est uneénigme : on ne saurait dire si elle est aiguë ou grave,présente ou absente, se perdant parfois dans le murmure,dans l’inflexion, dans le claquement d’une consonne,un trémolo mourant. C’est que Kurt Wagner atoujours été à la fois là où on le croyait et déjà ailleurs,exactement – étrange coïncidence – comme sonhomonyme des X-Men, nom de code “NightCrawler“,homme-démon capable de se téléporter.MUSIC CITYEn réalité, natif de Nashville, alias “Music City“, capitaledu culte country dont la Grand Ole Opry House,née d’une émission de radio, est à la fois l’église et lepanier de crabes, Wagner ne pouvait échapper à cettemusique. Une grâce autant qu’une malédiction : lacountry des 60’s-70’s et ses arrangements c(r)oulantsous les violons l’ont nourri au sein et inonderontnaturellement ses disques. Mais si dans le Nashville del’adolescence “wagnerienne“, on peut se balader,façon Porter Wagoner, avec un costume lumineux, onvous refuse l’entrée d’un club pour port de cheveuxlongs – ce qui en dépit des apparences fut le cas deWagner. Lorsque Lambchop débute, c’est donc dans laquasi clandestinité du Lucy’s, où passent quelquesrésistants de l’alternative-country – cette déviancerévolutionnaire des années 80 et 90 qui, de Palaceà Mark Kozelek, laboure la country jusqu’à la fairesaigner (voir encadré). Mais auparavant, c’est ailleursque se construit Wagner, au gré des expériences etdes voyages. À Memphis, la jumelle antithétique etrock de Nashville, la ville du King, où il s’échappe àdix-sept ans pour gagner un peu de liberté, Kurt ingurgitepunk et blues, tout en y étudiant les arts plastiques.Dans le Montana, il rencontre le mythe RichardBrautigan, l’auteur de La Pêche à la truite en Amérique,avec lequel il passe le plus clair de son temps à picoler.Suivent une année en Angleterre et un séjour avorté àChicago, où on le vire de son appartement.IVRESSE MUSICALEBack to Nashville, donc, avec un immense sentimentd’échec et de frustration, mères de la meilleure country.La dépression, réelle, pousse Wagner à écrire et écrireencore, fut-ce sur cette vie qui est, comme sur un titred’How I Quit Smoking (1995), «une petite tragédie»ou, de manière obsessionnelle, sur la mort, encorerécemment avec le pourtant instrumental SuicideLasts Forever, sur son récent EP Mister N. Et puisil y la rencontre déterminante d’un autre sudiste,de Georgie celui-là, un petit bonhomme en chaiseroulante à la voix de craie, champion du monde de latentative de suicide, qui le bouleverse et l’encourage :Vic Chesnutt – c’est à cet ami, décédé en 2009 d’uneoverdose de relaxants musculaires, qu’il consacred’ailleurs son dernier album en date, le poignantMr. M (voir encadré). Dès lors, happé par la musique,il convie tous ceux qui le souhaitent à l’accompagneret dis-pose vite d’un ensemble qui lui permet toutesles folies musicales, enchaînant les albums avec unerégularité métronomique : de l’ambitieux Nixon,fabuleuse fanfare country-soul, au plus rentré maisnéanmoins magnifique …Is a Woman, en passant parle double album concept Aw C’mon / No You C’mon,Wagner ne s’imposera aucun garde-fou, comme leprouveront d’incongrues et magnifiques reprises desKinks ou des gothiques Sisters Of Mercy. Car tout l’artde «côtelette d’agneau» (Lambchop en anglais, donc)– sans doute peut-on y voir un rapprochement lacanienavec l’art du barbecue, surtout de la part d’unWagner capable de théoriser sur la nécessité ou nonpour la viande de coller à son os pour sublimer sessaveurs (lui trouve que non), est de savoir prendre sontemps, de savoir dérouler les morceaux jusqu’à enrécolter la substantifique moelle. La même éthiques’impose à l’écoute de cette musique qui ne souffre pasl’impatience, le zapping, l’inattention. Comme un bonBourbon, il faut la laisser respirer, admirer ses teintesambrées, y revenir plusieurs fois. Et se laisser aller à cemoment si particulier et souvent trop court de l’ivresse,où cotonneux et désinhibé, on n’a pas encore basculévers la descente, alors qu’elle nous aspire de toutesses forces. C’est justement là que depuis vingt-cinq ans,Kurt Wagner et ses agneaux maintiennent leur ivressemusicale. Là où la country parvient à embrasser tousles genres musicaux. Au point qu’on se demande quiest vraiment celui qui la produit, homme insaisissableapparemment sans âge. Et si, comme sa viande, ilpréfère sa musique à l’os, comme les gens de chez lui,ou dépourvue de toute entrave.> LambchopÀ l’Épicerie Moderne, dimanche 30 juin

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