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Les subventions à la pollution - Cerna

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CERNA, Centre d’économie industrielleEcole Nationale Supérieure des Mines de Paris60, bld St Michel - 75272 Paris cedex 06Téléphone : (33) 01 40 51 90 91Télécopie : (33) 01 44 07 10 46E-mail : leveque@cerna.ensmp.fr<strong>Les</strong> <strong>subventions</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong>Par François Lévêque, professeur d’économie <strong>à</strong> l’Ecole des mines de Paris, et FrançoisCaulry et Caroline Daude, élèves de l’Ecole PolytechniqueLa Recherche, no 325, Novembre 1999Avant de taxer les activités polluantes, il serait bon de se pencher sur <strong>la</strong> panoplie des aidespubliques qui encouragent <strong>la</strong> <strong>pollution</strong>. En France, des premières mesures ont été récemmentadoptées en faveur d'une fiscalité pénalisant <strong>la</strong> production d'émissions polluantes, de déchets,ainsi que <strong>la</strong> consommation de ressources naturelles. En revanche, rien encore n'a été mis enoeuvre pour réduire les incitations <strong>à</strong> polluer qui résultent des politiques d'aides aux secteurs del'énergie, du transport et de l'agriculture. <strong>Les</strong> deux voies ne devraient-elles pas êtreempruntées conjointement ? Quelle est l'utilité d'une taxe sur le carbone concernantl'utilisation du charbon si les <strong>subventions</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> production et <strong>à</strong> <strong>la</strong> consommation de cetteressource fossile sont maintenues ? Peut-on envisager de taxer les nuisances des poids lourdssans d'abord s'assurer que le transport routier paie bien sa quote-part des coûtsd'investissement et d'entretien des infrastructures ? A quoi sert une taxe sur les engrais si lesoutien <strong>à</strong> l'agriculture continue d'être assuré par des <strong>subventions</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> production quiconduisent les exploitants agricoles <strong>à</strong> en utiliser toujours plus ?Des premières mesures de taxation de <strong>la</strong> <strong>pollution</strong> ont été adoptées dans l'ensemble des paysindustrialisés. Elles visent <strong>à</strong> inciter les entreprises et les consommateurs <strong>à</strong> mieux respecterl'environnement. Dans le même temps, les gouvernements continuent cependant de menerdes politiques d'aides sectorielles qui ont pour effet, <strong>à</strong> l'inverse, d'accroître <strong>la</strong> <strong>pollution</strong>. Lemontant de ces aides est évalué globalement par l'OCDE <strong>à</strong> 100 milliards d'euros, soit 0,75 %


François Lévêque, Caroline Daude & François Caulry<strong>Les</strong> <strong>subventions</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong>du PIB 1 . En France, l'écotaxe a apporté cette année 2 milliards de francs dans les caisses del'Etat. Son nom officiel est « taxe générale sur les activités polluantes » (TGAP). Il s'agit enréalité d'un panier de taxes anti<strong>pollution</strong> rassemblées sous ce vocable. Il est prévu qu'elledouble en l'an 2000 et passe <strong>à</strong> 12,5 milliards d'ici <strong>à</strong> 2003. En regard de ces chiffres, quel estle montant en France des dépenses de politique sectorielle préjudiciables <strong>à</strong> l'environnement ?Cet article présente une première estimation et explique comment les <strong>subventions</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong><strong>pollution</strong> et leurs effets sont évalués.Tableau 1 : <strong>Les</strong> <strong>subventions</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong> en FranceSecteur Nature de <strong>la</strong> subvention <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong> Montant de <strong>la</strong> Pollutionsubvention correspondantePrincipales modalités de calcul(en milliards defrancs)(en MdT deCO2)Energie Avantage fiscal en faveur du charbon 2,8 MdF 15,2 Mt CO 2 Imposition d’un taux de taxe équivalent <strong>à</strong> celui du fioul ;é<strong>la</strong>sticité-prix de <strong>la</strong> demande domestique 0,44 ; é<strong>la</strong>sticité-prixde <strong>la</strong> demande industrielle 0,84 ; 4 tonnes de CO 2 émise partep de charbon.EnergieTransportTransportAgricultureAgricultureAgricultureAgricultureNon-paiement du coût complet del’électricité dans les DOM-TOM et enCorseAvantage fiscal en faveur du diesel(véhicules particuliers)Non-paiement du coût complet desroutes par les poids-lourdsSubventions directes aux grandesculturesPrime <strong>à</strong> l’hectare d’irrigation (subventiondirecte)Aide aux investissements d’irrigation(subvention directe)Aide fiscale par <strong>la</strong> minoration de <strong>la</strong>redevance de l’eau2 GF 1,4 Mt CO 2 Augmentation des prix facturés pour parvenir au coûtcomplet ; é<strong>la</strong>sticité-prix de <strong>la</strong> demande de 0,58 ; <strong>la</strong> productiond’électricité dans les DOM-TOM et en Corse est réalisée <strong>à</strong>partir de fioul ; pour le territoire métropolitain, 1 Kwhproduit <strong>à</strong>partir de fioul correcpond <strong>à</strong> 812g d’émissions de CO 2 .8,6 GF 3,4 Mt CO 2 Imposition d’un taux de taxe équivalent <strong>à</strong> celui de l’essence ;é<strong>la</strong>sticité-prix de <strong>la</strong> demande de 0,3 ; 3,4 tonnes de CO2 partonne de gazole.8,6 GF 6,8 Mt CO 2 Augmentation de <strong>la</strong> fiscalité sur le gazole pour parvenir aucoût complet ; é<strong>la</strong>sticité-prix de <strong>la</strong> demande de 0,3 ; 3,4tonnes de CO2 par tonne de gazole.30 GF 3Mt CO 2 Suppression de l’aide directe <strong>à</strong> <strong>la</strong> culture des céréales, desoléagineux et des protéagineux versée <strong>à</strong> l’hectare en fonctiondu niveau historique du rendement. Diminution de 13 % de <strong>la</strong>quantité d’engrais minéraux si cette aide est supprimée. 0,03 td’émission de N 2 O par tonne d’engrais azoté épandue ; 1 t deN 2 O=310 t équivalent de CO 2 .1,2 GF — —0,65 GF — —1GF — Alignement de <strong>la</strong> redevance pour le prélèvement de l’eau surle montant de <strong>la</strong> redevance domestiqueL'estimation que nous avons réalisée retient huit <strong>subventions</strong> aux secteurs de l'énergie, destransports et de l'agriculture (tableau 1). Leur montant total atteint 55 milliards de francs. Ilen résulte une production de 30 millions de tonnes de CO2. Dans le domaine de l'énergie, lesprincipales <strong>subventions</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong> sont les aides en faveur du charbon, et <strong>la</strong> tarificationde l'électricité en Corse et dans les départements et territoires d'outre-mer, qui décourage ledéveloppement des énergies renouve<strong>la</strong>bles. Dans le transport routier interurbain, <strong>la</strong> fiscalité,très élevée, ne favorise pas globalement les dép<strong>la</strong>cements et <strong>la</strong> <strong>pollution</strong> qui en découle. Enrevanche, certains dép<strong>la</strong>cements pourtant plus polluants sont subventionnés par rapport <strong>à</strong>d'autres. C'est le cas des dép<strong>la</strong>cements individuels en véhicule diesel et ceux des poids lourds.En agriculture, un des secteurs les plus soutenus de l'économie, les aides ont pour effet1OCDE, Réformer les <strong>subventions</strong> <strong>à</strong> l'énergie et aux transports, implications environnementales etéconomiques, Paris, 1997.<strong>Cerna</strong> 2


François Lévêque, Caroline Daude & François Caulry<strong>Les</strong> <strong>subventions</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong>d'augmenter les volumes produits et, par conséquent, <strong>la</strong> consommation d'intrants et deressources naturelles, notamment les engrais et l'eau.Notre estimation prend en compte trois différents types de <strong>subventions</strong>. Le premier est <strong>la</strong>subvention directe. Il correspond <strong>à</strong> l'acception <strong>la</strong> plus courante du terme de « subvention ».Il s'agit d'un paiement direct de l'Etat pour soutenir <strong>la</strong> production, <strong>la</strong> vente ou l'achat d'unbien. Par exemple : un versement visant <strong>à</strong> couvrir des pertes d'exploitation, <strong>la</strong> distributiond'une prime, ou une subvention d'investissement. Naturellement, il n'existe pas de telspaiements qui soutiendraient <strong>la</strong> production de déchets et d'émissions polluantes pour ellemême.<strong>Les</strong> <strong>subventions</strong> dont il est question ici concernent les décisions publiques de soutien<strong>à</strong> certains secteurs de l'économie dont l'activité est défavorable <strong>à</strong> l'environnement.Crédits d'impôt. <strong>Les</strong> aides fiscales sont le second type de <strong>subventions</strong> considéré. Il s'agitd'exemptions aux règles générales de <strong>la</strong> fiscalité qui sont accordées au bénéfice particulierd'un secteur, d'une activité ou d'une catégorie d'usagers. Sont recensés parmi les aidesfiscales : les exonérations et allègements de TVA, les déductionsd'impôts sur les bénéfices etles revenus, les dé<strong>la</strong>is de paiement, les crédits d'impôts, les exemptions de taxes locales, etc.Dès lors qu'une mesure fiscale avantage un procédé de production ou un produit aussipolluant et a fortiori plus polluant que son substitut, elle peut être considérée comme uneaide <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong>.Pour évaluer les effets des <strong>subventions</strong> surl'environnement, il est nécessaire de savoir commentl'augmentation des recettes ou <strong>la</strong> diminution des coûtsqui résultent des aides se répercutent sur les quantités demarchandises produites et consommées ; commentvarient les émissions <strong>à</strong> <strong>la</strong> suite de ces volumessupplémentaires ; et, enfin comment les variations desémissions perturbent l'environnement. <strong>Les</strong> effets des<strong>subventions</strong> vont donc dépendre du contexte : réactiondes agents aux variations de prix, techniques utilisées,options de politique environnementale, caractéristiquesdes milieux naturels.Le troisième type de subvention pris en compte est le non-paiement du coût complet decertains services publics <strong>à</strong> l'origine d'activités polluantes, comme les infrastructuresroutières. L'Etat, <strong>à</strong> travers son administration ou par l'intermédiaire d'entreprises publiquesen monopole, fournit aux usagers des biens tarifés <strong>à</strong> un montant inférieur <strong>à</strong> leurs coûts deproduction (exemple : route urbaine, transport collectif, électricité rurale). <strong>Les</strong> recettesauprès des consommateurs ne couvrant qu'une partie des dépenses, d'autres sources definancement, en particulier l'impôt, doivent être mises <strong>à</strong> contribution.Le mécanisme général des <strong>subventions</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong> est que l'aide fournie au secteurbénéficiaire abaisse les coûts ou augmente les recettes de ce dernier ; ce qui se traduit par unaccroissement du volume produit et consommé ; et, <strong>à</strong> technique inchangée, par une<strong>Cerna</strong> 3


François Lévêque, Caroline Daude & François Caulry<strong>Les</strong> <strong>subventions</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong>augmentation proportionnelle des émissions, des déchets et des consommations deressources naturelles ; augmentation qui dégrade les écosystèmes.Chaîne de causalité. Comme on le voit sur le schéma ci-dessus, l'évaluation des effetsenvironnementaux des aides publiques repose sur l'analyse d'une longue chaîne de causalité.Le premier maillon est celui de l'incidence de <strong>la</strong> subvention sur les niveaux de production desdifférents secteurs d'activités. La subvention modifie les revenus et les prix re<strong>la</strong>tifs,modification qui se traduit par une nouvelle composition de <strong>la</strong> production dans l'ensemble del'économie. A ce stade, une première simplification souvent utilisée - et que nous avonségalement adoptée - consiste <strong>à</strong> faire comme si les effets de <strong>la</strong> subvention n'affectaient que lesecteur bénéficiaire, et son aval et amont immédiats. <strong>Les</strong> effets indirects et de substitutionsont ignorés. Par exemple, l'augmentation des prix de l'électricité dans les départements etterritoires d'outre-mer devrait se répercuter en une baisse des tarifs pour les consommateursmétropolitains ; donc se traduire par une augmentation de leur consommation et, enconséquence, des émissions de CO2. De même, les <strong>pollution</strong>s liées aux énergies renouve<strong>la</strong>blesqui seraient favorisées par le renchérissement de l'électricité dans ces régions ne sont pasprises en compte. Une seconde simplification porte sur le comportement des entreprises etdes consommateurs. L'hypothèse retenue, <strong>à</strong> <strong>la</strong> base de tout calcul économique, est que lespremières cherchent <strong>à</strong> maximiser leur profit, tandis que les seconds cherchent <strong>à</strong> maximiserleur satisfaction individuelle.Le dernier maillon. Le deuxième maillon de <strong>la</strong> chaîne établit <strong>la</strong> correspondance qui existeentre une modification dans les quantités de marchandises produites et l'évolution desniveaux d'émissions. L'hypothèse retenue est celle d'équiproportionnalité entre lesvariations de volumes de marchandises et d'émissions. Il s'agit l<strong>à</strong> encore d'une fortesimplification. <strong>Les</strong> techniques de production sont souvent associées <strong>à</strong> des rendementscroissants, y compris en matière de dé<strong>pollution</strong>. De plus, l'hypothèse de proportionnalitéignore le rôle que peuvent jouer les politiques de l'environnement.Si un quota d'émissions p<strong>la</strong>fonne le montant total de rejets autorisés dans un secteur,l'augmentation du volume produit devra, pour respecter <strong>la</strong> loi, se réaliser sans effets surl'environnement.La dernière liaison <strong>à</strong> établir est celle qui relie le niveau des émissions et les dommages. <strong>Les</strong>dommages effectivement causés <strong>à</strong> l'environnement par l'accroissement d'émissions sontfonction des re<strong>la</strong>tions dose-effet, indicatives de <strong>la</strong> capacité d'assimi<strong>la</strong>tion du milieurécepteur. Menés par des économistes, les travaux d'évaluation des <strong>subventions</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong><strong>pollution</strong> s'arrêtent en général avant ce dernier maillon. C'est donc seulement un niveau de<strong>pollution</strong> potentiel qui est estimé. Remarquons cependant que les résultats formulés entermes de quantité d'émissions évitées suffisent si l'on veut comparer les effets de <strong>la</strong><strong>Cerna</strong> 4


François Lévêque, Caroline Daude & François Caulry<strong>Les</strong> <strong>subventions</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong>suppression des <strong>subventions</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong> aux effets escomptés de l'introduction denouvelles taxes sur les activités polluantes.La variable clé de l'analyse économique des effets des <strong>subventions</strong> apparaît dans <strong>la</strong> cinquièmecolonne du tableau 1 : c'est l'é<strong>la</strong>sticité. Elle mesure <strong>la</strong> sensibilité de <strong>la</strong> demande et de l'offre <strong>à</strong>un changement du prix. Elle s'exprime par le pourcentage de <strong>la</strong> variation en quantité divisépar le pourcentage de <strong>la</strong> variation en prix. Par exemple, une é<strong>la</strong>sticité de <strong>la</strong> demande de 0,5signifie qu'une baisse de prix de moitié induit une augmentation de <strong>la</strong> quantité demandée deuxfois plus petite, c'est-<strong>à</strong>-dire du quart. Selon <strong>la</strong> valeur de l'é<strong>la</strong>sticité, les <strong>subventions</strong> serontplus ou moins efficaces et plus ou moins préjudiciables <strong>à</strong> l'environnement (voir l'encadré «Effets des <strong>subventions</strong> sur les prix, les volumes et les fuites »). Plus ou moins efficaces dansle sens où, au lieu de profiter au secteur ciblé par <strong>la</strong> subvention, une partie du total des aidesparvient en fait aux fournisseurs ou aux clients. Cet effet de fuite est très prononcé dans lecas des aides <strong>à</strong> <strong>la</strong> production agricole. On estime que les trois quarts des montants consacrésau soutien des prix agricoles ne profitent pas aux bénéficiaires prévus 2 . A l'inverse, une aidedirecte au revenu, c'est-<strong>à</strong>-dire non conditionnée par un niveau de production ou d'utilisationd'intrants, se caractérise par un effet de fuite peu marqué. Plus ou moins préjudiciable pourl'environnement dans le sens où <strong>la</strong> subvention se traduit par une augmentation des quantitésproduites et consommées, et donc par des émissions ou des déchets supplémentaires, qui sontplus ou moins fortes.On observe ainsi que <strong>la</strong> subvention <strong>à</strong> <strong>la</strong> consommation dans le cas d'é<strong>la</strong>sticités élevées est <strong>à</strong><strong>la</strong> fois défavorable <strong>à</strong> l'efficacité du transfert et <strong>à</strong> l'environnement. Ce sont les <strong>subventions</strong> <strong>à</strong>réformer en priorité.Electricité domestique. Après avoir décrit <strong>la</strong> méthode suivie, examinons maintenant endétail chacune des huit <strong>subventions</strong> considérées.En France, le secteur de l'énergie n'est plus, globalement, subventionné. En revanche, ilexiste des différentiels de taxation et de tarification qui continuent de favoriser les sourcesd'énergie les plus polluantes. Hormis <strong>la</strong> TVA et contrairement aux autres énergies, lecharbon, par exemple, n'est pas taxé (cf. tableau 2). Il bénéficie ainsi d'une aide fiscale dontle montant peut être évaluée <strong>à</strong> 2,8 milliards de francs. Ce montant est obtenu en alignant lestaux de taxation du charbon domestique et industriel avec ceux du fioul, ce qui ramènerait leprix du charbon domestique <strong>à</strong> 3 110 F/tep et celui du charbon industriel <strong>à</strong> 1 118 F/tep ; par lejeu de l'é<strong>la</strong>sticité de <strong>la</strong> demande par rapport aux prix, cette augmentation se traduirait parune baisse de <strong>la</strong> consommation évaluée <strong>à</strong> 3,8 millions de tep. La nouvelle consommationdorénavant taxée s'élèverait alors <strong>à</strong> 6,6 millions de tep. Sachant qu'une tep de charbon <strong>à</strong>2 OCDE, Subsidies and the Environment, Exploring the linkages, OECD documents, Paris, 1996.<strong>Cerna</strong> 5


François Lévêque, Caroline Daude & François Caulry<strong>Les</strong> <strong>subventions</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong>l'usage final dégage 4 tonnes de CO2, les émissions évitées grâce <strong>à</strong> <strong>la</strong> baisse de <strong>la</strong>consommation peuvent être évaluées <strong>à</strong> 15,2 millions de tonnes.L'électricité domestique est payée partout en France au même tarif. Cette péréquation estmotivée par des considérations de service public 3 , en particulier l'aménagement du territoire.Or <strong>la</strong> production en Corse et dans les départements et territoires d'outre-mer présente uncoût beaucoup plus élevé que dans le reste de <strong>la</strong> France. La facturation de <strong>la</strong> consommationélectrique ne couvre alors que partiellement les dépenses : 63 % pour les DOM-TOM et 67% pour <strong>la</strong> Corse. En valeur absolue le manque <strong>à</strong> gagner pour EDF (qui en fait est payé par lesautres clients de <strong>la</strong> compagnie en monopole) s'élève <strong>à</strong> 2 milliards de francs. Cette aide estsévèrement dénoncée pour ses effets environnementaux 4 . Dans les DOM-TOM, elle afavorisé une forte croissance de <strong>la</strong> consommation d'électricité produite <strong>à</strong> partir de fioul et adécouragé des solutions alternatives comme l'équipement de chauffe-eau so<strong>la</strong>ires et <strong>la</strong>conception de bâtiment, limitant les besoins de climatisation. On peut calculer que l'aide liée<strong>à</strong> <strong>la</strong> péréquation contribue <strong>à</strong> 1,4 million de tonnes d'émissions de CO2.Tableau 2 : Prix et taxes de l’énergie en FranceTaxe totale hors TVAPrix TTCen F/TepTaxe totale hors TVAen % du prix TTCcharbon domestique 0 2 398 0charbon industriel 0 757 0gaz naturel domestique 0 2 490 0gaz naturel industriel 89,8 892 10,1électricité domestique 810 9130 8,9électricité industrielle 121 3 320 3,7fioul domestique 623 2 714 22,9fioul industriel 623 1 925 32,3Moteurs Diesel. Comme dans le secteur de l'énergie, dans sa globalité le secteur du transportinterurbain n'est pas subventionné. En se limitant au transport routier, le bi<strong>la</strong>n comptableest même excédentaire puisqu'on évalue les recettes routières spécifiques (vignettes, taxessur les carburants, péages, etc.) <strong>à</strong> 157 milliards de francs, alors que les dépenses publiquesdirectes (investissements et entretien des infrastructures) liées <strong>à</strong> l'activité routière s'élèvent <strong>à</strong>105 milliards de francs 5 . C'est au niveau des différents segments de l'activité qu'apparaissentdes <strong>subventions</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong>. Tous les automobilistes savent que le carburant pour lesmoteurs Diesel est taxé <strong>à</strong> un taux plus faible que le supercarburant sans plomb. Cedifférentiel de taxation incite <strong>à</strong> une plus grande consommation de gazole et est <strong>à</strong> l'origine de<strong>la</strong> forte diésélisation du parc automobile. L'aide fiscale dont bénéficient les huit millions devoitures diesels peut être évaluée <strong>à</strong> huit milliards de francs. Ce montant correspond <strong>à</strong> un3 C. Henry, Concurrence et services publics dans l'Union européenne, PUF, coll. «Economie », Paris, 1997.4 Y. Martin, Electricité dans les DOM, note de <strong>la</strong> Mission interministérielle de l'effet de serre, 6 juin, ministèrede l'Environnement, Paris, 1994.5 J.-P. Orfeuil, « Evaluation des coûts externes des transports routiers en France et des conséquences de leur<strong>Cerna</strong> 6


François Lévêque, Caroline Daude & François Caulry<strong>Les</strong> <strong>subventions</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong>alignement de <strong>la</strong> taxe intérieure sur les produits pétroliers du gazole sur celle de l'essence, quientraînerait une baisse de consommation du gazole de 837 millions de litres, soit 996 000tonnes de gazole. En comptant un volume d'émission de 3,4 tonnes de CO2 par tonne degazole, cette baisse correspond <strong>à</strong> 3,4 millions de tonnes de CO2 évitées. Contrairement auxvéhicules de tourisme et utilitaires légers, les poids lourds ne paient pas <strong>à</strong> travers lesdifférentes taxes et péages auxquels ils sont soumis <strong>la</strong> totalité des coûts routiers qui leurincombent. Ces coûts sont estimés <strong>à</strong> 25,3 milliards de francs, alors que les recettesn'atteignent que 16,7 milliards de francs 6 . La subvention correspondante est donc de 8,6milliards de francs. Dans l'hypothèse d'une élévation de <strong>la</strong> fiscalité sur le gazole pour couvrirles coûts complets, on observerait une baisse de <strong>la</strong> consommation de 2,4 milliards de litres,ce qui éviterait 6,8 Mt d'émissions de CO2.L'agriculture est une des activités traditionnellement les plus aidées. En 1997, les aides sousforme de soutiens de marché, de paiements directs et d'orientation des productions se sontélevées <strong>à</strong> 60 milliards de francs. C'est aussi, du fait des techniques qu'elle emploie aujourd'hui,l'une des plus polluantes. A travers <strong>la</strong> consommation d'engrais et <strong>la</strong> production des déjectionsanimales, elle contribue pour les deux tiers <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong> par les nitrates. A traversl'irrigation, elle est responsable d'un tiers des prélèvements d'eau du territoire national (horsconsommation des centrales nucléaires). A travers l'élevage bovin, source d'émissions deN2O et de CH4, elle contribue <strong>à</strong> l'effet de serre pour 45 millions de tonnes d'équivalentCO2 7 . Le mécanisme historique de soutien repose sur <strong>la</strong> fixation d'un prix réglementé audessusdu cours mondial, accompagnée de garanties <strong>à</strong> l'achat des excédents de production etde versements de restitution aux exportations. Ce mécanisme assure un certain niveau derevenus des agriculteurs, mais au prix d'une course au volume et <strong>à</strong> <strong>la</strong> productivité, qui setraduit par une consommation chaque année plus élevée d'intrants chimiques (engrais etproduits phytosanitaires). La solution qui s'impose est de remp<strong>la</strong>cer les aides <strong>à</strong> <strong>la</strong> productionpar des mesures de soutien direct des revenus. Un tel mécanisme permet d'atteindre l'objectifde redistribution de richesse en faveur des agriculteurs <strong>à</strong> un moindre coût budgétaire etécologique car cette forme d'aide limite les effets volume et de fuite. C'est ce qui acommencé <strong>à</strong> être mis en p<strong>la</strong>ce depuis 1992 dans le cadre de <strong>la</strong> réforme de <strong>la</strong> politiqueagricole commune. Le découp<strong>la</strong>ge des <strong>subventions</strong> agricoles <strong>à</strong> <strong>la</strong> production n'est cependantpas encore complètement réalisé. Dans le cas des grandes cultures (céréales, oléagineux,protéagineux), l'aide directe n'étant que partiellement découplée, elle continue d'entraîner uneffet positif sur <strong>la</strong> consommation d'engrais. A partir de plusieurs travaux réalisés par l'INRAinternalisation », OCDE, p. 153-160, 1997.6 Y. Martin, Rapport d'évaluation de <strong>la</strong> politique française de maîtrise de l'énergie, Comité interministériel del'évaluation des politiques publiques et Commissariat général du P<strong>la</strong>n, La Documentation française, janvier1998.7 Centre international technique d'études de <strong>la</strong> <strong>pollution</strong> atmosphérique (CITEPA), programme CORALIE,version du5 août 1999.<strong>Cerna</strong> 7


François Lévêque, Caroline Daude & François Caulry<strong>Les</strong> <strong>subventions</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong>de Rennes 8 , <strong>la</strong> consommation d'engrais supplémentaire liée <strong>à</strong> cette aide peut être estimée <strong>à</strong>13 %. En équivalent CO 2 , ce<strong>la</strong> représente une quantité de <strong>pollution</strong> additionnelle de3 millions de tonnes.Par ailleurs, les agriculteurs bénéficient d'une prime <strong>à</strong> l'hectare irrigué (de 574 francs <strong>à</strong> 1415francs selon les cultures et les départements) ainsi que de <strong>subventions</strong> aux investissementsd'irrigation (pour un montant total de 650 millions de francs par an). La suppression de cesaides diminuerait sans aucun doute <strong>la</strong> consommation d'eau des agriculteurs, estiméeaujourd'hui <strong>à</strong> 4,9 milliards de mètres cubes. Cet effet n'a pas été quantifié car on ne disposepas de <strong>la</strong> valeur des é<strong>la</strong>sticités. Il en serait de même de l'effet de <strong>la</strong> mise <strong>à</strong> niveau de <strong>la</strong>redevance agricole sur le prélèvement d'eau affectée aux agences de bassin. L'agricultureoccupe le second rang des activités économiques pour le prélèvement en eau, mais necontribue <strong>à</strong> <strong>la</strong> redevance qu'<strong>à</strong> hauteur de 3,1 %. Aujourd'hui, l'agriculture débourse1,1 centime par mètre cube contre 15,6 centimes pour les collectivités locales.Cet avantage représente une subvention de 700 millions de francs. Par ailleurs,contrairement aux autres usagers, les agriculteurs ne contribuent que de façon marginale <strong>à</strong> <strong>la</strong>redevance pour détérioration de <strong>la</strong> qualité de l'eau alors qu'ils en sont les plus grandsresponsables.Solidarité nationale. Comme nous l'avons rappelé en introduction, le montant de <strong>la</strong> taxegénérale sur les activités polluantes devrait passer de 2 milliards de francs aujourd'hui <strong>à</strong> plusde 10 milliards de francs d'ici <strong>à</strong> 2003. La réforme des 35 heures, dans son volet definancement des baisses de charges sociales, prévoit, en effet, qu'<strong>à</strong> cette échéance, 25milliards de francs soient apportés par des prélèvements nouveaux, dont <strong>la</strong> moitié parl'écotaxe et l'autre moitié par une contribution sur les bénéfices des sociétés. Pour répondre<strong>à</strong> cet objectif de réduire <strong>la</strong> <strong>pollution</strong> en dégageant 12,5 milliards de recettes, l'augmentationde l'écotaxe n'est pas l'unique solution. L'estimation avancée dans cet article, bienqu'extrêmement grossière et incomplète, montre que <strong>la</strong> suppression de <strong>subventions</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong><strong>pollution</strong> est un autre moyen envisageable. La suppression de certaines <strong>subventions</strong>, commecelles des paiements directs, procure même de nouvelles recettes sans accroître les chargesqui pèsent déj<strong>à</strong> sur les entreprises et les ménages. Pour d'autres <strong>subventions</strong>, décider leursuppression ou leur réforme permettrait également de mettre fin <strong>à</strong> des transfertséconomiquement peu efficaces. Faire jouer <strong>la</strong> solidarité nationale en faveur de certainescatégories de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion - les agriculteurs, les habitants des départements et territoiresd'outre-mer par exemple - n'implique pas de le faire par des mécanismes conduisant <strong>à</strong>gaspiller et l'argent des contribuables et les ressources naturelles. Du fait de ces avantages, <strong>la</strong>8 M. Baudry, Modélisation et estimation des effets de <strong>la</strong> nouvelle politique agricole commune : une approche par<strong>la</strong> notion de facteur allouable, mémoire de DEA, INRA ESR Rennes ; A. Gohin, Modélisation du complexeagroalimentaire français dans un cadre d'équilibre général, thèse de doctorat de l'université de Paris-I, 1998.<strong>Cerna</strong> 8


François Lévêque, Caroline Daude & François Caulry<strong>Les</strong> <strong>subventions</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong>suppression des <strong>subventions</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong> doit toujours être menée en parallèle <strong>à</strong> <strong>la</strong> mise enp<strong>la</strong>ce de taxes faisant payer les pollueurs.Effets des <strong>subventions</strong> sur les prix, les volumes et les fuitesLe cas représenté par cette figure est celui d'une subvention <strong>à</strong> <strong>la</strong> consommation (par exemple, taux de taxe allégé sur le charbon).Elle produit trois effets.Effet prix. D représente <strong>la</strong> courbe de demande et O <strong>la</strong> courbe d'offre p'' est le prix de marché de départ. U est <strong>la</strong> subvention <strong>à</strong> <strong>la</strong>consommation par unité de produit. Cette subvention décale <strong>la</strong> courbe de demande vers le haut en position D'. L'égalité entre l'offreet <strong>la</strong> demande est maintenant réalisée <strong>à</strong> un nouveau prix p'. La demande en hausse a fait monter le prix du marché (Delta P).Effet volume. <strong>Les</strong> quantités produites avant et après <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce de <strong>la</strong> subvention sont respectivement q et q'. La quantitéproduite a augmenté (Delta Q). L'ampleur de cette variation dépend de l'é<strong>la</strong>sticité de l'offre et de <strong>la</strong> demande au prix. Plus <strong>la</strong> courbede demande est p<strong>la</strong>te (forte é<strong>la</strong>sticité), plus l'effet volume sera prononcé. Il en est de même pour <strong>la</strong> courbe d'offre. Inversement,plus <strong>la</strong> courbe de demande est inclinée (faible é<strong>la</strong>sticité), plus l'effet volume sera faible. Il en va de même pour <strong>la</strong> courbe d'offre. Sil'on adopte l'hypothèse que les effets sur l'environnement sont proportionnels <strong>à</strong> <strong>la</strong> quantité de bien produit, une subvention estd'autant plus préjudiciable <strong>à</strong> l'environnement que l'é<strong>la</strong>sticité de l'offre et de <strong>la</strong> demande pour le bien subventionné est élevée. Dans<strong>la</strong> figure B, où <strong>la</strong> courbe de l'offre et celle de <strong>la</strong> demande sont plus p<strong>la</strong>tes, <strong>la</strong> subvention U porte un plus grand préjudice pourl'environnement que dans <strong>la</strong> figure A.Effet de fuite. La subvention versée par <strong>la</strong> puissance publique ne bénéficie qu'en partie <strong>à</strong> ses destinataires. <strong>Les</strong> consommateursreçoivent le montant de subvention par unité achetée, mais une partie de ce gain s'efface du fait de <strong>la</strong> hausse du prix de marchéque <strong>la</strong> subvention entraîne. La subvention <strong>à</strong> <strong>la</strong> consommation profite également aux producteurs.Dans <strong>la</strong> figure A, les é<strong>la</strong>sticités de <strong>la</strong> demande et de l'offre sont égales. L'augmentation de prix représente <strong>la</strong> moitié de <strong>la</strong>subvention. L'aide profitera alors <strong>à</strong> part égale aux consommateurs et aux producteurs. L'effet de fuite est de 50 % : pour atteindre unobjectif donné d'augmentation du revenu des consommateurs, <strong>la</strong> subvention versée doit être le double.Dans <strong>la</strong> figure B, l'é<strong>la</strong>sticité de <strong>la</strong> demande est supérieure <strong>à</strong> celle de l'offre (courbe plus p<strong>la</strong>te). L'effet de fuite est donc supérieur.Dans le cas d'une subvention <strong>à</strong> <strong>la</strong> consommation, plus l'é<strong>la</strong>sticité de <strong>la</strong> demande est grande par rapport <strong>à</strong> celle de l'offre, plus l'effetde fuite du soutien sera marqué.RéférencesDominique Bureau, Olivier Godard, Jean-Charles Hourcade, C<strong>la</strong>ude Henry et A<strong>la</strong>in Lipietz,Fiscalité de l'environnement, rapport du Conseil d'analyse économique n° 8, LaDocumentation française, 1998.OCDE, Subsidies and Environment, Exploring the Linkages, OCDE documents, Paris, 1996.OCDE, Réduire les <strong>subventions</strong> pour améliorer l'environnement, OCDE, Paris, 1998.<strong>Cerna</strong> 9

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