47- [LA CROIX (Emeric de)]. Le Nouveau Cynée, ou Discours des occasions et moyens d’establir une paixgénérale & la liberté du commerce par tout le monde. Em. Cr. P. [Emeric Cruce Parisien]. Paris, JacquesVillery, 1623, in-8, [6] ff. n. ch. (titre, préface), 226 pp., [8] ff. n. ch. de table des matières, veau brun, dos ànerfs cloisonné et fleuronné, tranches mouchetées (reliure de l’époque). Restaurations aux charnières et au dos, desmouillures infra‐paginales, mais bon exemplaire.Prix sur demandeEdition originale d’une rareté proverbiale.Elle ne serait connue qu’à une douzaine d’exemplaires recensés en-dehors de ceux des fonds en France.D’après la BnF, il y eut un retirage à la date de 1624, sans doute la remise en vente des exemplaires non écoulés, avecun nouveau titre. Puis les autres éditions sont des reprints modernes. Seule la Bibliothèque de Grenoble signale unexemplaire à la date de 1628, mais on peut se demander s’il ne s’agit pas d’une mauvaise transcription.Bien avant les travaux de l’abbé de Saint-Pierre, l’ouvrage qui prend son titre du conseiller du roi Pyrrhus (Cynéas,présenté par Plutarque comme le modèle des hommes d’Etat cherchant la paix) forme un plaidoyer éloquentcontre le recours à la guerre et en faveur du règlement arbitré des conflits internationaux. C’est en même temps unargumentaire en faveur de la libre circulation des biens (d’où la liaison faite avec la «liberté du commerce» dès le titre),en liaison avec des instruments économiques communs (monnaie commune ; système unifié des poids et mesures,intervention étatique dans le domaine économique). Or, il est couramment admis que le lien étroit entre ces deuxaspects -, pacifisme et libéralisme (ou étatisme) économique -, est un acquis du XIXe siècle. La réflexion développéepar La Croix est donc manifestement en avance d’un, voire de deux siècles sur l’idéologie ambiante, ce qui est sansdoute l’explication de l’extrême rareté de l’ouvrage : trop étranger à la pensée de l’époque, il a probablement étéconsidéré comme un ensemble de divagations semblables à celles des «fous littéraires» des XIXe et XXe siècles, etconséquemment laissé dans l’oubli. La pensée «montante» est alors celle exprimée par son presque-contemporainJean Bodin (1529-1596) et ses émules les «Politiques» : et elle fait de la souveraineté exclusive des Etats ou desprinces la pierre angulaire de toute construction politique durable. Ce qui lui valut à l’époque discrédit, lui confèreévidemment aujourd’hui une valeur d’anticipation assez fascinante, dans la mesure où la réalisation de ses intuitionsn’a commencée à voir le jour qu’avec le XXe siècle (Société des Nations, monnaie unique dans un espace non unifiépolitiquement, interventionnisme économique accru, etc.), et encore fort imparfaitement.En même temps, comme nombre de précurseurs, La Croix n’est pas un météore surgi de nulle part, et ses thèsess’enracinent dans la réalité de son temps : ainsi, c’est son christianisme profond et sérieux qui forme la racine de sonpacifisme radical ; la paix est la valeur suprême des rapports entre les hommes, parce que c’est le don même de Dieu,garanti par le Christ («Pacem do vobis, pacem meam do vobis»). Mais prendre cet impératif, facile à lire uniquementdans l’ordre spirituel, comme un appel à régir réellement le temporel des nations, voilà qui est novateur, surtout dansla mesure où sont imaginés un ordre international stable fondé sur la recherche de la paix, ainsi qu’une organisationpermanente censée la garantir. Le lieu et le mode de cette conférence des princes sont définis : elle doit se tenir àVenise, ou dans un autre Etat de petite dimension, et réunir les souverains eux-mêmes ou du moins leurs délégués :tous les motifs et prétextes de conflits doivent leur être soumis. Le problème de l’inclusion des peuples non chrétiens,censés portés à la conflictualité permanente (Turcs, «Tartares»), dans le système général est également explicitementévoqué.L’auteur lui-même (1590 ? - 1648 ?) est quasiment un inconnu : on le suppose religieux, mais c’est plus une conjecturequ’une certitude.Cf. INED 1252. - Louis-Lucas (Pierre) : Un plan de paix générale et de liberté au XVIIe siècle (P., Tenin, 1919).48- [LA METTRIE (Julien Offray de)]. Ouvrage de Pénélope ; ou Machiavel en médecine. Par Aletheius Demetrius.Berlin, s.n., 1748-1750, 3 vol. in-12, [4]-X-[34]-144-238, [4]-368 et [4]-386 pp., un f. n. ch. d’errata, avec insertion dedeux cartons chiffrés 175*-178* et 201*-212* entre respectivement les pp. 178 et 179, 212 et 213, veau blond, doslisses ornés, encadrement de triple filet doré sur les plats, tranches dorées sur marbrure, coupes finement guillochées,dentelle intérieure, gardes en papier bleu (reliure de l’époque). Infime manque à la coiffe inférieure du volume III. 5.000 €Edition originale de l’un des titres les plus rares de La Mettrie, dans le tirage portant l’adresse de Berlin (un secondporte celle de Genève, Cramer), et dans une condition que l’on peut regarder comme exceptionnelle pour ce genrede titre. Le troisième volume, intitulé Supplément à l’Ouvrage de Pénélope, a tendance à manquer dans bien desexemplaires des collections publiques ; il contient une clef des principaux noms codés attaqués dans les deux premiersvolumes.Il s’agit en effet d’une très violente satire dirigée contre les principaux médecins de l’époque : Boerhaave,Linné, Astruc, Winslow. La matière en avait été préparée dans les précédents pamphlets médicaux de La Mettrie(Saint‐Côme vengé, 1744 ; Politique du médecin, 1746 ; La Faculté vengée, 1747), mais son extrême dureté suscital’indignation de la corporation médicale, et le fit proscrire, notamment par le Parlement de Paris, qui ordonna sasuppression.Cet aspect de la pensée de La Mettrie (1709-1751), dont les audaces exaspéraient les «philosophes» eux-mêmes,est assez peu connu : on ne retient généralement de lui que le théoricien d’un matérialisme radical, encore peuacclimatable dans l’Europe du XVIIIe siècle, mais les études de médecine qu’il avait suivies et son expérience demédecin des Gardes-Françaises pendant la Guerre de Sept Ans jouèrent un grand rôle dans son évolution personnelle,et il se forgea assez vite la conviction que la plupart des pratiques thérapeutiques de son époque étaient empreintesde charlatanerie, ce qui, au su de l’évolution radicale que l’art médical allait subir entre 1750 et 1850, n’était pas simal vu.Stoddard, La Mettrie, a bibliographical inventory, 35. Tchemerzine-Scheler III, 950.Exemplaire de Monsieur Nervet, avec nom poussé en lettres dorées en haut de chaque contreplat. Il est tentant d’yvoir un parent (fils ? neveu ?) du médecin Michel Nervet (1663-1729), né et mort à Evreux, de l’une des plus anciennesfamilles bourgeoises de Normandie. Il avait laissé le souvenir d’un bon praticien, mais ses goûts le portaient vers leslangues anciennes, comme la plupart de ses frères (Guillaume - 1655-1690 - ; Jean, l’avocat - 1658-1729 - ; Jacques,curé de la Trinité - 1669-1756 - ; Nicolas, curé de Gauville - 1677-1742).Très bel exemplaire relié en veau blond.- 16 -
49- LA MOTTRAYE (Aubry de). Voyages en Europe, Asie et Afrique. Où l’on trouve une grande variété de recherchesgéographiques, <strong>historique</strong>s et politiques sur l’Italie, la Grèce, la Turquie, la Tartarie, Crimée, et Nogaye, la Circasie,la Suède, la Laponie, etc. Avec des remarques instructives sur les mœurs, coutumes, opinions, etc., des peuples et despaïs où l’auteur a voyagé. La Haye, T. Johnson et J. Van Duren, 1727, 2 vol. gr. in-4, [14]-472-23 pp. et [6]-496-39 pp,ill., veau brun moucheté, dos à nerfs orné, dauphin et fleur de lys couronnés en pied (rel. de l’époque). Petits trous dever au dos sans gravité, certains coins usés, accroc sur le plat inférieur du tome 1. 5.500 €Première édition française illustrée de frontispices de vignettes sur les pages de titre de chaque tome, de 4 cartes etde 47 planches gravées qui montrent des vues, des costumes, des monuments, des plans et des médailles. Il fautsouligner que certaines de ces gravures sont de William Hogarth.Protestant français, Aubry de La Mottraye partit de Paris en 1698 et passa 26 années de sa vie à voyager. Son principalouvrage, le Voyage en Europe, Asie et Afrique fut d’abord publié en anglais (1723) avant de retrouver sa langue originelleen 1727. Selon Boucher de la Richarderie, «les caractères de véracité et d’exactitude distinguent singuliérement ceVoyage».Il parcourt l’Europe (Rome, Londres, Gibraltar, etc.), consacre une partie importante de son récit à la Turquie, avecun long développement sur Constantinople, et à la Grèce. Le périple s’arrête en Europe du Nord où La Mottrayedevint le confident de Charles XII de Suède.Bel exemplaire orné de l’élégant fer alternant dauphin et lys couronné.Boucher de La Richarderie, I, 216. Blackmer, 946. Gay, 73.50- LA RUE (Gervais de). Essais <strong>historique</strong>s sur les bardes, les jongleurs et les trouvères normands et anglo‐normands,suivis de pièces de Malherbe, qu’on ne trouve dans aucune édition de ses Oeuvres. Caen, Mancel, 1834, 3 vol. in-8,[4]-LXXIX-312, [4]-396 et 396 pp., veau blond, dos à nerfs à doubles caissons dorés, encadrement de double filet dorésur les plats, double filet doré sur les coupes, tranches dorées, triple filet doré intérieur (Bauzonnet‐Maison Purgold).Bel exemplaire. 1.800 €Edition originale de cet ouvrage important dont le titre dissimule un peu l’ampleur : en fait, c’est une véritablehistoire littéraire de la Normandie au Moyen Âge qu’a donnée ici l’abbé de La Rue (1751-1835), chanoine de lacathédrale de Bayeux, qui avait consacrée sa vie aux recherches sur sa province natale.Frère II, 163.Exemplaire d’A. Chaisemartin, président du tribunal de Loches, avec étiquettes ex-libris contrecollées sur toutes lespremières gardes. L’ouvrage fut ensuite donné au célèbre érudit tourangeau Jules-Antoine Taschereau (1801‐1874)le 20 octobre 1861 (bel ex-dono sur les gardes volantes du volume I).51- LABORDE (Alexandre de). Itinéraire descriptif de l’Espagne, et tableau élémentaire des différentes branches del’administration et de l’industrie de ce royaume. A Paris, Chez Nicolle et Lenormant, 1809, 5 vol. et 1 atlas in‐8, tableaudépliant, index, veau fauve marbrée, dos lisse orné de semés de filets entrelacés dorés, de fleurons et de frises dorées,tranches jaunes mouchetées (reliure de l’époque). Petit travail de vers sur le premier plat du tome II et sur le secondplat du tome III. 3.000 €Seconde édition, publiée un an après l’édition originale, complète de l’atlas de 29 planches (27 cartes et 2 tableauxgéologiques).Davois, II, 128 : «Intéressant pour l’état des troupes de l’Espagne au début de la guerre (1808-1814). Maisonmilitaire du roi, cavalerie, infanterie. Troupes légères, de la marine, ordres militaires. Population, mœurs, histoire,etc.»Très bel exemplaire.Armes «A la Charte»52- LE BEUF (Désiré). La Ville d’Eu. Eu, Houdbert-Cordier, 1844, fort vol. grand in-8, [10]-X-[2]-612-VII pp., exemplairerelié sans les 18 planches lithographiées, chagrin aubergine, dos lisse orné de filets et caissons dorés, bel encadrementde filets à froid et dorés, de larges guirlandes florales sur les plats, avec motif de la Charte constitutionnelle doréepoussé au centre des plats, simple filet doré sur les coupes, tranches dorées, gardes doublées de papier ivoire (reliurede l’époque). 2.500 €Edition originale (il existe une réimpression de 1993) de cette monographie locale.Frère II, 174.Précieux exemplaire offert par l’auteur au Roi Louis-Philippe, avec L.A.S. d’ex-dono de l’auteur reliée en débutde volume. Cette destination explique aussi la présence du rare motif de la Charte poussé au centre des plats.53- LE CHEVALIER (Jean-Baptiste). Voyage de la Troade, fait dans les années 1785 et 1786. Troisième édition,revue, corrigée et considérablement augmentée. Paris, Dentu, an X - 1802, 3 vol. in-8 de texte, un vol. in-folio d’atlas,XVIII-303, [4]-332 et [3]-313 pp. [volumes de texte] ; [2]-14 pp., et 37 vues et cartes sur 29 planches [volume d’atlas],veau marbré, dos lisses ornés de guirlandes et d’urnes dorées, encadrement de simple filet et guirlande dorés sur lesplats, hachures dorées sur les coupes, tranches citron mouchetées de rouge [volumes de texte] ; demi-veau orné dumême au dos, coins en vélintranches citron mouchetées de rouge [volume d’atlas], (reliure de l’époque). Une estafiladeavec manque de cuir sur le dernier plat du volume III, mais bel exemplaire. 2.500 €Edition la plus complète (avec la relation de la traversée de Venise à la Troade, avec la description des îles Ioniennes,que l’on ne trouve pas dans les précédentes). La première (de 1798) ne comportait au demeurant qu’un seulvolume.Il est dommage que Le Chevalier (1752-1836), secrétaire particulier de notre ambassadeur auprès de la Porte, sesoit presque exclusivement attaché à rechercher les vestiges de l’Iliade et de l’antiquité dans le sol de la Troade, sibien que sa description, tout entière tournée vers le passé et sa reconstitution supposée, passe à côté des réalitéscontemporaines de la Grèce et de l’Anatolie. Quant au volume III, il ne contient que la traduction de l’ouvrage deMoritt sur le même sujet.Blackmer 994.- 17 -