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ARTICLE INTRODUCTIFChaque personne interviewée dans ce numéro de Regards croisés sur lasanté apporte un éclairage particulier sur la diversité des questions quenous nous posons autour des 5 principaux enjeux identifiés. Il ne s’agitdonc pas pour nous de questionner chacune d’el<strong>le</strong>s sur l’ensemb<strong>le</strong> deces enjeux, mais bien entendu d’orienter chaque interview plus spécifiquementsur certains points susceptib<strong>le</strong>s d’être abordés plus finementpar la personne en question. Afin de faciliter la <strong>le</strong>cture de chacune desinterviews, et d’alléger la formulation de nos questions souvent assezpointues, nous vous proposons dans cet artic<strong>le</strong> introductif de préciserquelques éléments de contexte essentiels qui nous ont amenés à nousinterroger sur <strong>le</strong>s 5 enjeux que vous retrouverez au travers des différentesinterviews.• Le nombre excessif de médicaments sur <strong>le</strong> marché français :Régulièrement, un scanda<strong>le</strong> en lien avec un médicament défraie la chroniqueet cela dans un contexte où l’on entend de plus en plus souventévoquer, de différentes parts, <strong>le</strong> fait que l’on consomme plus de médicamentsen France que dans presque tous <strong>le</strong>s pays comparab<strong>le</strong>s. Ledoute sur l’intérêt et l’efficacité de la consommation médicamenteusegrossit dans l’opinion publique, alimenté par des déclarations <strong>document</strong>éessur l’inutilité de trop nombreux médicaments qui vont parfoisjusqu’à <strong>le</strong>s accuser d’être dangereux. Qu’en est-il réel<strong>le</strong>ment de cettesituation du marché du médicament en France ? Quels en sont <strong>le</strong>s élémentsexplicatifs et spécifiquement français ? Certains médicamentsconsidérés comme peu ou moins uti<strong>le</strong>s en population généra<strong>le</strong> ne peuvent-ilsse révé<strong>le</strong>r bénéfiques dans certaines situations ou auprès decertaines populations ? Et, dans ce cas, quel système de modulation del’offre médicamenteuse pourrait permettre de se rapprocher d’un justeéquilibre pour l’accès aux traitements uti<strong>le</strong>s au cas de chaque usager,tout en évitant <strong>le</strong> risque de surconsommation néfaste ?• La lisibilité de l’information sur <strong>le</strong> médicament et la visibilité de lapharmacovigilance :Ce climat de défiance naissant vis-à-vis du médicament, de plus en pluspalpab<strong>le</strong> même s’il reste intuitif, est à mettre en relation avec <strong>le</strong> constatd’un manque d’informations disponib<strong>le</strong>s sur <strong>le</strong> médicament pour <strong>le</strong>susagers. On entend dire qu’un service public de référence en la matièrepourrait être mis en place, on a même des échos sur la volonté desindustriels d’assurer une sorte de service après-vente des médicamentscomme cela existe pour de nombreux produits grands publics proposantdes services consommateurs qui peuvent renseigner sur <strong>le</strong>ur bonfonctionnement. Dans quel cadre de tel<strong>le</strong>s initiatives peuvent-el<strong>le</strong>sacquérir une certaine viabilité et légitimité pour répondre aux besoinsdes usagers ? Cette question sur l’information renvoie à cel<strong>le</strong>s sur lasurveillance des médicaments et sur la vigilance de <strong>le</strong>urs effets indésirab<strong>le</strong>sune fois qu’ils sont mis sur <strong>le</strong> marché. Les usagers ont jusqu’àprésent peu de possibilités de s’impliquer dans ces dispositifs de surveillanceet de vigilance, tout comme il <strong>le</strong>ur est diffici<strong>le</strong> d’en suivre <strong>le</strong>sremontées d’information, mais de nouvel<strong>le</strong>s dispositions ont été prévuespar la dernière loi sur <strong>le</strong> renforcement de la sécurité sanitaire dumédicament pour favoriser la participation des usagers aux signa<strong>le</strong>mentsdes effets indésirab<strong>le</strong>s. Ces dispositions seront-el<strong>le</strong>s en mesured’entraîner un meil<strong>le</strong>ur accès des usagers à une information lisib<strong>le</strong> et enpermanence actualisée sur <strong>le</strong> médicament, gage d’une confianceretrouvée vis-à-vis de celui-ci ?• Les questionnements sur <strong>le</strong>s génériques :Les interrogations des usagers sont nombreuses concernant <strong>le</strong>s génériquestant il semb<strong>le</strong> que, sur ce dossier encore, <strong>le</strong>s informations deréférence manquent et apparaissent trop souvent comme contradictoiresentre <strong>le</strong>s différents émetteurs audib<strong>le</strong>s sur <strong>le</strong> sujet. Ainsi, s’iln’existe par exemp<strong>le</strong> qu’un seul cadre légal définissant <strong>le</strong>s « génériques »en France, limité aux médicaments inscrits sur <strong>le</strong> répertoire des génériquesétabli par l’Agence nationa<strong>le</strong> de Sécurité du Médicament (ANSM,ex AFSAPPS), on sait malgré tout que sous cette même appellation existentdes réalités différentes certaines correspondant à des médicamentsexactement identiques (dits « auto-génériques »), d’autres à desmédicaments dont la substance active ne change pas mais dont peuventêtre modifiés <strong>le</strong>s excipients ou encore la forme galénique notamment(dits « essentiel<strong>le</strong>ment similaires » et « assimilab<strong>le</strong>s »). De ce fait,ne serait-il pas légitime d’exiger des garanties sur la qualité et l’efficacitédes traitements génériques qui ail<strong>le</strong>nt au-delà des tests aujourd’huiréalisés se limitant à mesurer la bioéquiva<strong>le</strong>nce de la seu<strong>le</strong> substanceactive. Les excipients pouvant diverger, <strong>le</strong>urs effets ne devraient-ils pasêtre davantage suivis ? Cela ne devrait-il pas faire l’objet d’une vigilancepost AMM renforcée ? Une attention particulière ne devrait-el<strong>le</strong> pas êtreportée à la substitution par des génériques lorsqu’il s’agit de médicamentsà marge thérapeutique étroite dont on sait qu’el<strong>le</strong> peut être affectéey compris par des modifications margina<strong>le</strong>s ? De même, lorsqu’ils’agit de personnes polymédiquées, ne devrait-on pas se pencherdavantage sur l’étude des interactions médicamenteuses dont on a uneconnaissance encore souvent floue, et dont l’opacité ne peut êtrequ’augmentée par la multiplicité des génériques existants ?• L’encadrement des prescriptions « hors autorisation de mise sur <strong>le</strong>marché » dans <strong>le</strong> cadre des nouvel<strong>le</strong>s « recommandations temporairesd’utilisation » :L’affaire Mediator a révélé la possibilité d’excès manifestes dans l’utilisationd’un médicament « hors AMM », c’est-à-dire pour des indicationsdifférentes de cel<strong>le</strong>s pour <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s il a été testé et a reçu une autorisationpar <strong>le</strong>s autorités sanitaires compétentes. Une des priorités despouvoirs publics a donc été, à travers la loi relative au renforcement dela sécurité sanitaire du médicament, d’encadrer ces prescriptions horsAMM pour en éviter l’utilisation abusive tout en garantissant qu’el<strong>le</strong>spuissent perdurer lorsqu’el<strong>le</strong>s sont uti<strong>le</strong>s aux malades. C’est notamment<strong>le</strong> cas pour certaines maladies rares, lorsque des traitements sont présumésefficaces sans avoir pu malgré tout être testés par rapport à l’indicationen question et alors qu’il n’existe aucune alternative thérapeutique: un nouveau dispositif spécifique, intitulé « RecommandationTemporaire d’Utilisation » (RTU), a donc été instauré à cette fin. Dans <strong>le</strong>sconditions détaillées ci-dessus, une RTU constitue une mesure temporairedont la durée ne peut excéder 3 ans au cours desquels <strong>le</strong>s laboratoirespharmaceutiques concernés s’engagent à réaliser <strong>le</strong>s étudesnécessaires pour obtenir une autorisation de mise sur <strong>le</strong> marché classique.Un dispositif qui ne va pas sans interrogation sur sa capacité àsécuriser <strong>le</strong>s prescriptions hors AMM et aboutir à l’obtention d’uneAMM à terme, ou encore sur la volonté qu’auront <strong>le</strong>s laboratoires pharmaceutiquesd’y adhérer.• La politique de fixation des prix des médicaments :Lorsqu’il est remboursé par la sécurité socia<strong>le</strong>, la fixation du prix d’unmédicament par <strong>le</strong> CEPS doit théoriquement tenir compte de l’améliorationdu service médical rendu qu’il apporte, des prix des médicamentsà même visée thérapeutique, des volumes de vente prévus ouconstatés ainsi que des conditions prévisib<strong>le</strong>s et réel<strong>le</strong>s de son utilisation.Mais au-delà de cette définition formel<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s modalités et <strong>le</strong>s critèresde fixation de prix, pourtant à la croisée des stratégies des laboratoirespharmaceutiques et des choix citoyens pour l’orientation de ladépense publique, paraissent souvent opaques et flous. Comment laprocédure de fixation des prix des médicaments pourrait-el<strong>le</strong> gagner entransparence ? La présence de représentants des usagers peut-el<strong>le</strong>avoir un rô<strong>le</strong> à jouer en la matière ?Regards croisés sur la santé3


INTERVIEWAssociation membre du <strong>CISS</strong> : AFM - Association française contre <strong>le</strong>s myopathiesMédicament : <strong>le</strong>s usagers garants de l’équilibreentre priorités sanitaires et intérêts commerciauxChristophe DUGUETDirecteur des actionsrevendicatives de l’AFMConfié à l’ANSM, <strong>le</strong> nouveau dispositif de« Recommandation Temporaire d’Utilisation »encadre la prescription hors AMM, pour unedurée temporaire limitée à 3 ans. Que pensez-vousde l’intérêt de ce dispositif ?Christophe DUGUET : Les trois ans ne sont pasvéritab<strong>le</strong>ment un enjeu, car <strong>le</strong> renouvè<strong>le</strong>mentd’une RTU n’est pas interdit, même s’il n’estpas automatique. Ce dispositif constitue malgrétout une avancée pour mieux encadrerl’utilisation hors AMM de molécu<strong>le</strong>s en majoriténécessaires aux patients. C’est éga<strong>le</strong>mentun <strong>le</strong>vier pour contraindre <strong>le</strong>s laboratoires à faire évoluer <strong>le</strong>s RTU vers desAMM. Mais s’il apporte de bonnes réponses, c’est pour une petite partieseu<strong>le</strong>ment des utilisations hors AMM. En l’occurrence, <strong>le</strong>s molécu<strong>le</strong>sencore au début de vie commercia<strong>le</strong>, propriétés d’un laboratoire et pour<strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s il y a suffisamment de données pour élaborer une RTU et forcer<strong>le</strong> laboratoire à al<strong>le</strong>r vers l’AMM. Or, un grand nombre d’utilisationshors AMM concerne des molécu<strong>le</strong>s anciennes, amorties, « génériquées »et pour <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s, au-delà de la pratique médica<strong>le</strong>, il n’existe pasd’études formel<strong>le</strong>s suffisantes permettant à l’ANSM d’accepter <strong>le</strong> risqued’élaborer une RTU. On risque donc d’avoir des centaines d’utilisationsde molécu<strong>le</strong>s qui ne pourront obtenir de RTU, par manque de donnéeset d’études, de frilosité de l’ANSM, ou de défaut des capacités humainespour produire avant de longues années <strong>le</strong>s centaines de RTU nécessaires.C’est donc pour nous une limite et un motif d’inquiétude car, même si endehors des RTU la loi prévoit toujours la possibilité d’une prescriptionmédica<strong>le</strong> hors AMM au vu des données acquises de la médecine, celasignifiera pour des milliers de patients l’arrêt du remboursement de produitsqui aujourd’hui <strong>le</strong> sont. Un dispositif qui constitue donc une avancée,mais qui dans sa mise en application va poser beaucoup de difficultéspour <strong>le</strong>s patients, sauf si l’assurance maladie faisait preuve d’une grandesoup<strong>le</strong>sse... ce dont on ne peut que grandement douter.LA FIXATION DU PRIX RÉSULTEAUJOURD’HUI D’UNE NÉGOCIATIONOPAQUE SUR UN COÛTD’OPPORTUNITÉ ET NON SUR UNCOÛT RÉEL POUR L’INDUSTRIEVous semb<strong>le</strong>-t-il possib<strong>le</strong> de mettre en place des dispositifs de sécurisationdu médicament hors AMM, particulièrement dans <strong>le</strong> cas despathologies ou des populations pour <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s essais cliniquessont très diffici<strong>le</strong>s à réaliser ?C D : Pour certains traitements, il y a objectivement des obstac<strong>le</strong>s techniques,éthiques ou économiques. Par exemp<strong>le</strong>, dans <strong>le</strong> dispositif actuel, aucun laboratoireprivé n’acceptera de financer un essai clinique sur une molécu<strong>le</strong> génériquedu domaine public utilisée hors AMM pour moins de cinq centspatients. Et aucune structure académique n’en trouvera <strong>le</strong> financement ! Dansces conditions et pour toutes ces situations très particulières, on doit pouvoirautoriser des centres de référence, labélisés par <strong>le</strong> ministère dans <strong>le</strong> domainedes maladies rares ou dans d’autres maladies, à effectuer des prescriptionshors AMM remboursées. À condition qu’el<strong>le</strong>s soient accompagnéesd’un suivi permettant d’acquérir progressivement des données sur l’efficacitéet la sécurité du médicament. A notre sens, c’est <strong>le</strong> seul moyen de sécuriserplusieurs centaines d’utilisations de produits qui, au moins à court terme,ne pourront faire l’objet d’une RTU. Notre système est capab<strong>le</strong> de faire du caspar cas pour des médicaments qui n’ont pas du tout d’AMM et de <strong>le</strong>s rembourser,avec <strong>le</strong> dispositif des ATU. Par contre il n’est pas en mesure de faireéga<strong>le</strong>ment du cas par cas pour de très petites cohortes de patients qui nécessitentdes utilisations hors AMM pour des produits déjà existants. Dans tous<strong>le</strong>s cas où il n’y a pas d’alternative, il faut pouvoir créer un dispositif qui permettede soigner <strong>le</strong>s patients dans des conditions de sécurité et d’efficacitésatisfaisantes même si ce ne sont pas cel<strong>le</strong>s de l’AMM.Dans <strong>le</strong> cadre des RTU comme des AMM, comment percevez-vous lanouvel<strong>le</strong> place accordée aux usagers et à <strong>le</strong>urs associations commeacteur de la pharmacovigilance par <strong>le</strong> signa<strong>le</strong>ment direct des effetssecondaires ?C D : C’est une avancée, mais cette disposition est encore trop méconnue etil y a un effort d’information à faire. Je ne suis pas sûr qu’il y ait beaucoup depatients comme de professionnels qui connaissent cette nouvel<strong>le</strong> possibilité.Par contre, on voit déjà que ce dispositif manque de transparence et de lisibilité,notamment sur la façon dont <strong>le</strong>s patients l’ont utilisé pour faire remonterdes données. Des réunions, mêmes enregistrées, d’une commission del’ANSM ne suffiront pas à assurer cette transparence qui seu<strong>le</strong> permettrad’autoalimenter <strong>le</strong> système et de détecter <strong>le</strong>s signaux faib<strong>le</strong>s, dont on saitqu’ils sont très souvent de vrais indicateurs d’a<strong>le</strong>rte à prendre en compte.A la croisée des stratégies des laboratoires pharmaceutiques et deschoix citoyens pour l’orientation de la dépense publique, la procédurede fixation du prix des médicaments paraît souvent opaque et floue.Pensez-vous souhaitab<strong>le</strong> et possib<strong>le</strong> d’en améliorer la transparence ?C D : La question n’est pas simp<strong>le</strong>. Le dispositif actuel est en p<strong>le</strong>ine évolutionpuisque <strong>le</strong> mécanisme du service médical rendu va disparaître auprofit de l’indice thérapeutique relatif qu’élabore la HAS. Mais si cela faitl’objet de discussions avec l’industrie, il n’y a en revanche pas de concertationavec <strong>le</strong>s associations. La fixation du prix résulte aujourd’hui d’unenégociation opaque sur un coût d’opportunité et non sur un coût réelpour l’industrie. C’est-à-dire sur ce que la société accepte de payer pourun service rendu. Compte tenu du nombre de besoins thérapeutiquesnon couverts, ce système nous semb<strong>le</strong> anormal et dans <strong>le</strong> contexte économiqueactuel, la société ne peut plus financer des marges déraisonnab<strong>le</strong>savec de l’argent public, qui plus est pour la santé. Le prix d’unmédicament devrait donc être basé sur <strong>le</strong>s coûts réels de développement,de fabrication, d’études de suivi et bien sûr de rémunération durisque pris par l’industriel. Le CEPS est une boîte noire et la présence dereprésentants d’usagers, soumis par la nature même du système actuelde secret industriel et commercial, à une tota<strong>le</strong> confidentialité, ne changeraitpas grand chose. C’est bien l’ensemb<strong>le</strong> du système et <strong>le</strong>s critèresde fixation des prix qui doivent être rendus plus transparents. Et dans cenouveau cadre <strong>le</strong>s usagers auraient pour rô<strong>le</strong> de garantir cette transparence.L’information doit aussi être améliorée, il n’est pas normal que desprestataires privés possèdent des données sur <strong>le</strong>s médicaments qui nesont pas rendues publiques. Enfin, je suis très inquiet des conséquencesde la loi de sécurité sanitaire, concernant <strong>le</strong>s questions de conflit d’intérêts.Poussée à l’extrême, comme on <strong>le</strong> voit aujourd’hui, el<strong>le</strong> confond lanotion de « lien d’intérêt » avec cel<strong>le</strong> de « conflit d’intérêt » conduisantparfois à récuser <strong>le</strong>s experts <strong>le</strong>s plus compétents. Si <strong>le</strong> doute doit bénéficierau patient, il ne faudrait pas que cette recherche de risque zéro stérilisel’innovation thérapeutique et prive <strong>le</strong> patient de traitements quiauraient pu améliorer sa qualité et son espérance de vie. Il faut réfléchirà un système où, en toute connaissance, <strong>le</strong> patient doit avoir la possibilitéde décider du risque qu’il est prêt à prendre… ce qui, dans <strong>le</strong>s cas demaladies très graves, est particulièrement important. Dans <strong>le</strong> domaine dumédicament, <strong>le</strong>s autorités sanitaires ne doivent pas être <strong>le</strong>s seu<strong>le</strong>s à déciderà la place de chaque patient du risque qu’il est prêt à prendre.4 Regards croisés sur la santé


INTERVIEWAssociation membre du <strong>CISS</strong> : FNAPSY - Fédération Nationa<strong>le</strong> des Associations d'Usagers en PsychiatrieMédicament : écouter <strong>le</strong>s maux,mais aussi <strong>le</strong>s paro<strong>le</strong>s des patientsClaude FINKELSTIENPrésidente de la FNAPSYParmi <strong>le</strong>s pays européens, la France est souventcitée pour sa surconsommation et sonoffre pléthorique de médicaments, dont certainssont parfois dits inuti<strong>le</strong>s, voire dangereux.Comment percevez-vous ces déclarationsconcernant <strong>le</strong>s médicaments destinésaux maladies psychiques ?Claude FINKELSTIEN : À l’étranger et notammentdans <strong>le</strong> nord de l’Europe, j’ai été questionnée,à ma grande surprise, sur <strong>le</strong> rapportqui pouvait exister en France entre la consommationrecord d’antidépresseur et <strong>le</strong> fort tauxde suicide, ce qui semb<strong>le</strong> évidemment paradoxal. Il y a un trop grandnombre et trop de prescriptions d’antidépresseurs, notamment par <strong>le</strong>sgénéralistes, mais aussi parfois <strong>le</strong>s psychiatres, et c’est un vrai souci.Notre société répond de plus en plus par la molécu<strong>le</strong> à des événementsgraves, mais naturels, comme <strong>le</strong> deuil, ce qui est inquiétant. D’autre part,cette surprescription d’antidépresseurs, sans toujours une interrogationsuffisante des patients au préalab<strong>le</strong>, peut s’avérer dangereuse, particulièrementdans <strong>le</strong> cas des syndromes bipolaires en provoquant une trèsgrave phase maniaque. Concernant <strong>le</strong>s antipsychotiques, troisième grandefamil<strong>le</strong> de médicaments pour <strong>le</strong>s maladies psychiques, on prescritsouvent <strong>le</strong> dernier antipsychotique sorti des laboratoires, sans en étudier<strong>le</strong>s effets sur <strong>le</strong> patient, ce qui est dommageab<strong>le</strong>. Même chez <strong>le</strong>s enfants,on donne trop de médicaments, ce qui n’est pas du tout <strong>le</strong> cas dansd’autres pays d’Europe. Par exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong>s enfants hyperactifs à qui l’ondonne de la ritaline associée à du risperdal pour en contrer <strong>le</strong>s effetssecondaires, il y a là quelque chose que je ne comprends pas.La dernière loi sur <strong>le</strong> médicament prévoit de nouveaux dispositifs depharmacovigilance pour inciter <strong>le</strong>s usagers et <strong>le</strong>urs associations àfaire remonter directement des signa<strong>le</strong>ments. Pensez-vous pertinenteet efficace une tel<strong>le</strong> implication des usagers ?C F : Oui, à condition de passer par l’intermédiaire des associations, entout cas pour <strong>le</strong>s maladies psychiques, car directement ça me semb<strong>le</strong>une lourde responsabilité pour <strong>le</strong>s patients. Bien que dans <strong>le</strong> cas duMediator, faire remonter ce qu’ils savaient depuis longtemps de seseffets problématiques aurait été uti<strong>le</strong>. Concernant <strong>le</strong>s maladies psychiques,tous <strong>le</strong>s patients savent que <strong>le</strong>s effets secondaires ou <strong>le</strong>s interactionssomatiques sont souvent non négligeab<strong>le</strong>s, mais la possibilité de<strong>le</strong> faire remonter par <strong>le</strong>s associations <strong>le</strong>ur donnerait au moins l’impressiond’être écoutés. Quant à évoquer l’efficacité d’un tel dispositif, ça megêne, car depuis longtemps <strong>le</strong>s patients vivent et dénoncent <strong>le</strong>s effetssecondaires et <strong>le</strong>s interactions somatiques de <strong>le</strong>urs traitements sans avoirjusque-là été entendus. Alors proposer une nouvel<strong>le</strong> voie pour que <strong>le</strong>sinformations remontent est forcément pertinent, et ça ne pourra de toutefaçon pas être moins efficace que précédemment.La mise en place d’un service public de référence ou la création d’unesorte de « service après-vente » des médicaments par <strong>le</strong>s industrielsvous semb<strong>le</strong>nt-el<strong>le</strong>s des initiatives à même de répondre aux besoinsd’information des usagers sur <strong>le</strong> médicament, particulièrement pour<strong>le</strong>s maladies psychiques ?C F : Un service public serait, à mon sens, vraiment intéressant. Cela donneraitla possibilité aux patients de se renseigner directement, mais dans<strong>le</strong> contexte qui est <strong>le</strong> nôtre en France, je ne suis pas sûre que ce soit possib<strong>le</strong>.En revanche, surtout pas de « service après-vente » par <strong>le</strong>s laboratoires.Nous n’avons pas une grande confiance en eux, car ils dissimu<strong>le</strong>nténormément de choses sur <strong>le</strong>s effets secondaires et <strong>le</strong>s interactions desmédicaments, notamment pour <strong>le</strong>s antipsychotiques. Une agencepublique serait pour nous une garantie, mais à condition qu’el<strong>le</strong> apporteune information sur <strong>le</strong>s grandes molécu<strong>le</strong>s et non directement sur <strong>le</strong>smédicaments et qu’el<strong>le</strong> puisse aussi diffuser <strong>le</strong>s signa<strong>le</strong>ments qui remontentdes associations.LES USAGERS SONT TOUJOURSTRÈS DÉPENDANTS DESMOLÉCULES AUXQUELLES ILSSONT HABITUÉS ET LA SUBSTITU-TION PEUT VRAIMENT LESDÉSTABILISER.Quel<strong>le</strong>s précautions spécifiques prendre en matière de substitutiondans <strong>le</strong> cadre des maladies psychiques, notamment pour <strong>le</strong>s médicamentsà marge thérapeutique étroite, pour <strong>le</strong>s personnes polymédiquéespouvant cumu<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s substitutions et <strong>le</strong>s interactions médicamenteuseset pour <strong>le</strong>s personnes potentiel<strong>le</strong>ment plus fragi<strong>le</strong>s tel<strong>le</strong>sque <strong>le</strong>s personnes âgées ?C F : Il est en effet nécessaire de prendre des précautions spécifiques enmatière de substitution, car dans <strong>le</strong> cas du traitement médicamenteux desmaladies psychiques et s’agissant particulièrement des antipsychotiques,<strong>le</strong>s molécu<strong>le</strong>s sont toujours diffici<strong>le</strong>s à doser. Il faut un dosage suffisantpour que <strong>le</strong> patient en ait <strong>le</strong>s bénéfices, mais pas trop pour en limiter <strong>le</strong>seffets secondaires qui sont souvent importants, notamment sur <strong>le</strong> poidset sur <strong>le</strong> fonctionnement de la thyroïde. Or <strong>le</strong>s génériques sont souventmal acceptés et diffici<strong>le</strong>s à équilibrer. Les usagers sont toujours trèsdépendants des molécu<strong>le</strong>s auxquel<strong>le</strong>s ils sont habitués et la substitutionpeut vraiment <strong>le</strong>s déstabiliser et constitue donc une question très sensib<strong>le</strong>.Le gouvernement doit réfléchir à cette obligation du génériqueparce qu’el<strong>le</strong> pose aux patients des problèmes de dosage des traitementset d’équilibre entre <strong>le</strong>s bénéfices et <strong>le</strong>s effets secondaires. Qui plus estdans <strong>le</strong>s cas de polymédication, pour <strong>le</strong>squels je recommande la plusgrande prudence. Dans <strong>le</strong> cas des maladies psychiques, il semb<strong>le</strong>raitlogique de ne pas être soumis à une politique de systématisation durecours aux génériques, mais d’être en mesure de respecter uneapproche au cas par cas pour <strong>le</strong>s prescripteurs comme pour <strong>le</strong>s usagers.6 Regards croisés sur la santé


INTERVIEWAssociation membre du <strong>CISS</strong> : AIDES - Association française de lutte contre <strong>le</strong> VIH/sidaL’intérêt des patients :la première exigence du médicamentFranck BarbierResponsab<strong>le</strong> santéde l'association AIDESLes premiers génériques de traitementsanti-VIH vont faire prochainement <strong>le</strong>ur apparition.Des précautions spécifiques voussemb<strong>le</strong>nt-el<strong>le</strong>s devoir être prises en matièrede substitution lorsqu’il s’agit de traitementsaux combinaisons comp<strong>le</strong>xes et subti<strong>le</strong>stels que ceux du VIH ?Franck BARBIER : Dans <strong>le</strong> cas du VIH, Il estrecommandé, et d’usage, de prescrire desdosages sanguins et de vérifier <strong>le</strong>s concentrationsadéquates de médicaments, comptetenu des interactions, du haut niveau d’observancerequis pour <strong>le</strong> maintien de l’efficacité thérapeutique et des effetsindésirab<strong>le</strong>s parfois lourds en termes de qualité de vie. Ce peut être <strong>le</strong> caslors d’un échappement viral (remontée de la quantité de virus sanguindevenant détectab<strong>le</strong>) ou de forts effets indésirab<strong>le</strong>s. Les doses peuventainsi parfois être adaptées. Cette habitude généra<strong>le</strong>ment acquise devraêtre systématique en cas de substitution d’un princeps pour un générique.Pour <strong>le</strong>s personnes présentant notamment des problèmes rénaux(clairance de la créatinine), des adaptations sont même déjà proposéespar <strong>le</strong>s experts. Il est vrai qu’une perturbation du rein ou du foie parexemp<strong>le</strong>, comme on peut <strong>le</strong> voir aussi chez certaines personnes âgées,modifient <strong>le</strong> mécanisme de métabolisation et d’élimination des médicaments.La question de la dose adéquate, ni trop ni trop peu, est donc unepréoccupation bien connue dans <strong>le</strong> VIH. En revanche la tendance actuel<strong>le</strong>des inventeurs de médicaments, sur de plutôt bons motifs comme ladiminution du nombre total de comprimés, à associer <strong>le</strong>s trithérapiesdans des « combos » (3 molécu<strong>le</strong>s à doses fixes) rend déjà plus compliquées<strong>le</strong>s adaptations. Ce que disent <strong>le</strong>s recommandations européennessur <strong>le</strong> VIH, puisque d’autres pays en Europe sont déjà concernés de façonbien plus concrète qu’ici, c’est qu’il ne faut pas remplacer une molécu<strong>le</strong>,ou deux sur 3, par un générique amenant à déconstruire <strong>le</strong> combo.Est-il nécessaire de clarifier pour <strong>le</strong>s usagers ce que recouvre l’appellation« génériques » ? Vous semb<strong>le</strong>-t-il uti<strong>le</strong>, dans ce cadre notamment,qu’un organisme public d’information sur <strong>le</strong> médicament soit misen place ?F B : Il est nécessaire de pouvoir soigner et se soigner en connaissance decause. Pour cela, l’information, quels que soient son type et son mode decommunication, doit être appropriab<strong>le</strong> par ceux qui prescrivent et ceuxqui prennent <strong>le</strong>s médicaments. Je ne suis pas sûr qu’un terme comme« essentiel<strong>le</strong>ment similaire » ne soit pas plus porteur de représentationsque d’une information neutre sur sa nature exacte. Un certain nombre depersonnes évoquent parfois <strong>le</strong>s excipients comme fauteurs de troub<strong>le</strong>.Une liste sur <strong>le</strong>s effets re<strong>le</strong>vés des excipients pourrait être uti<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>smédicaments courants, et particulièrement dans <strong>le</strong>s affections de longuedurée. Pour prendre un exemp<strong>le</strong> concernant <strong>le</strong> VIH, si la version généricab<strong>le</strong>du Ka<strong>le</strong>tra (un antirétroviral) voyait <strong>le</strong> jour sous la forme initia<strong>le</strong> decapsu<strong>le</strong> hui<strong>le</strong>use du princeps il y a plusieurs années, <strong>le</strong>s effets indésirab<strong>le</strong>sdigestifs seraient plus importants que sous sa forme actuel<strong>le</strong> decomprimé avec polymère, plus chère à fabriquer et disposant d’un brevetspécifique. Ce n’est pas un détail, car il s’agit de traitements au longcours, voire à vie, qui peuvent avoir un fort impact sur la vie quotidienne,socia<strong>le</strong> et affective. Une différence de tolérance est éventuel<strong>le</strong>mentacceptab<strong>le</strong> sur quelques jours dans <strong>le</strong> cas de problèmes aigus, mais pour<strong>le</strong>s maladies au long cours, el<strong>le</strong> devient un problème central dans la viedu patient. L’information sur <strong>le</strong> médicament -neutre, transparente et, j’insiste,appropriab<strong>le</strong>- est certainement quelque chose d’uti<strong>le</strong>. Il faut êtrevigilant sur la réception de l’information par <strong>le</strong>s utilisateurs, notammentauprès des plus vulnérab<strong>le</strong>s ou des plus précaires. On n’est pas quittequand on rend publique une information si el<strong>le</strong> n’atteint pas, ou mal, sacib<strong>le</strong> ou que cel<strong>le</strong>-ci ne sait qu’en faire.Un nouveau dispositif intitulé « Recommandation Temporaired’Utilisation » (RTU) a été créé dans la dernière loi sur <strong>le</strong> médicamentafin d’encadrer <strong>le</strong>s prescriptions de médicaments hors AMM. Que pensez-vousde l’intérêt de ce dispositif ?F B : Il a été créé pour sécuriser la prescription hors AMM. Cela partaitd’une idée logique après <strong>le</strong>s dérives qu’on a connues. Mais l’on peut seposer la question, comme pour <strong>le</strong>s ATU dans <strong>le</strong> pré AMM, de savoir si <strong>le</strong>bénéfice de sécurisation attendu n’entrave pas fina<strong>le</strong>ment davantage l’accèsau médicament, en regard des besoins réels. C’est pourquoi, à AIDESet au TRT-5, dans <strong>le</strong> cadre du débat sur <strong>le</strong> texte de loi, nous avons ditnotre opposition lorsque la demande de sécurisation amenait de facto àune restriction insupportab<strong>le</strong> de l’accès, notamment avec la volonté d’exclure<strong>le</strong>s troub<strong>le</strong>s graves ou <strong>le</strong>s raisons majeures de qualité de vie, au seulmotif du risque immédiat de décès. Le curseur doit être placé finement,avec comme seul critère <strong>le</strong>s besoins globaux des malades et non desintérêts privés, des affichages médiatiques ou encore des rationalisationsadministratives. Pour <strong>le</strong>s ATU comme pour <strong>le</strong>s RTU, c’est à l’épreuve quenous jugerons si <strong>le</strong> curseur a été mieux ajusté qu’avant. On peut <strong>le</strong> penser,mais cela reste à prouver. Nous verrons aussi s’il pourrait l’être encoremieux.Comment percevez-vous la possibilité de mise en œuvre d’une RTU, ycompris lorsqu’il existe une alternative thérapeutique, pour répondresoit à un impératif de santé publique, soit à une exigence de maîtrisedes dépenses d’assurance maladie ?F B : La création des RTU cherche à répondre de façon équilibrée à unedoub<strong>le</strong> demande. D’abord pouvoir prescrire hors AMM lorsque l’intérêtdu malade prime, en tenant compte du rapport entre <strong>le</strong>s bénéfices et <strong>le</strong>srisques ; ensuite, assurer un niveau d’encadrement et de sécurité endehors des garanties <strong>le</strong>s plus solides apportées par <strong>le</strong>s données scientifiquesayant conduit à l’octroi d’une AMM. Dans cet esprit je répondraipotentiel<strong>le</strong>ment oui à la première partie de la question, sur la santépublique. La réponse est différente concernant la maîtrise des coûts. Cen’est pas l’objet. Le possib<strong>le</strong> détournement du dispositif à cette fin risquede nuire à l’intérêt premier. En revanche, <strong>le</strong>s raisons pour <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s certainss’intéressent au dispositif peuvent être entendues, mais devraientpouvoir trouver un « véhicu<strong>le</strong> » approprié.DANS LE CAS DU VIH, L’HABITUDEDES DOSAGES SANGUINS DEVRAÊTRE SYSTÉMATIQUE EN CAS DESUBSTITUTION D’UN PRINCEPSPAR UN GÉNÉRIQUERegards croisés sur la santé7


INTERVIEW<strong>CISS</strong> régionaux : <strong>CISS</strong>-LorraineLorraineL’évolution du système du médicamentpasse par <strong>le</strong>s usagersPierre LAHALLE-GRAVIERPrésident du <strong>CISS</strong>-LorraineQuel<strong>le</strong> est votre perception du rapport desusagers aux médicaments génériques :confiance, crainte, compréhension desenjeux ?Pierre LAHALLE-GRAVIER : C’est en fait surtoutune question d’habitude de prise d’un médicament.Le patient ponctuel fait a priori touteconfiance à son praticien et à son pharmacienpour <strong>le</strong>s médicaments qui lui sont prescrits,n’étant pas particulièrement habitué à unmédicament précis <strong>le</strong> fait que ce soit un princepsou un générique n’aura pas d’importancepour lui. Mais <strong>le</strong> patient chronique, d’autant plus s’il est âgé, est enrevanche très habitué à son médicament dont il considère d’expériencequ’il est celui qui lui convient et cela depuis longtemps. Tout changementde médicament représente dans ce cas un risque perturbant, y compriss’il est prescrit par <strong>le</strong> médecin mais encore plus s’il est imposé par <strong>le</strong>pharmacien, et se traduira donc par une tendance à refuser <strong>le</strong> générique.Ainsi, dernièrement, lorsque la consigne de suppression du tiers payanten cas de refus du générique a été appliquée de façon systématisée parcertaines caisses primaires d’assurance maladie, de nombreux maladeschroniques ont été bruta<strong>le</strong>ment confrontés à cette obligation perturbantequi pesait sur eux en allant parfois jusqu’à provoquer une déstabilisationpresque panique. Car, si la substitution ne semb<strong>le</strong> pas poser de problèmedans la majorité des cas, el<strong>le</strong> est au contraire médica<strong>le</strong>mentcontre-indiquée pour un certain nombre de pathologies, dont <strong>le</strong>s épi<strong>le</strong>psiespour <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s la Haute Autorité de Santé a d’ail<strong>le</strong>urs el<strong>le</strong>-mêmerecommandé de ne pas substituer <strong>le</strong>s traitements par des génériques.Dans certains cas en effet, la modification des excipients peut avoir desconséquences sur l’action de la molécu<strong>le</strong> princeps, ou entrainer desinteractions potentiel<strong>le</strong>ment problématiques avec d’autres médicaments,ou encore fausser de façon margina<strong>le</strong> un dosage lorsqu’il est très précisou que la formulation est comp<strong>le</strong>xe. C’est pourquoi a été réaffirmée cetété par la Caisse nationa<strong>le</strong> d’Assurance Maladie, sous la pression desassociations, la possibilité pour <strong>le</strong> médecin d’utiliser la mention « nonsubstituab<strong>le</strong> » lorsqu’el<strong>le</strong> est médica<strong>le</strong>ment requise pour permettre à unpatient de conserver <strong>le</strong> princeps tout en continuant à bénéficier du tierspayant. Sur <strong>le</strong> fond, 98% de la population n’a rien compris au génériqueet a besoin de faire confiance aux praticiens, laquel<strong>le</strong> a malheureusementété un peu émoussée ces dernières années. Les usagers ont prisconscience qu’il y avait peut-être d’autres intérêts que <strong>le</strong>ur santé quijouaient dans <strong>le</strong>s décisions prises en matière de médicament.La création d’un « service public d’information sur la santé » intégrantcel<strong>le</strong> sur <strong>le</strong> médicament vous semb<strong>le</strong>-t-el<strong>le</strong> une idée intéressante, ous’agit-il là d’une responsabilité qui peut reposer sur laboratoires pharmaceutiques?P L-G : Je <strong>le</strong> répète, la grande majorité des personnes ne comprend rienaux médicaments et el<strong>le</strong> fait, ou faisait, confiance à son praticien. Lesnotices des médicaments sont tota<strong>le</strong>ment illisib<strong>le</strong>s et sont surtout faites,comme d’ail<strong>le</strong>urs <strong>le</strong>s mentions sur <strong>le</strong>s boîtes, pour protéger <strong>le</strong> vendeur et<strong>le</strong> laboratoire, mais el<strong>le</strong>s n’ont absolument pas pour vocation de renseigner<strong>le</strong> public. Je pense que l’important est de rétablir la confiance enversceux qui prescrivent et ceux qui délivrent <strong>le</strong>s médicaments. Il faut doncque dans <strong>le</strong>s lieux où s’élaborent l’information, <strong>le</strong> prix, l’AMM etc. desmédicaments, soient présents des témoins citoyens comme gage pourrétablir cette confiance qui a été mise à mal. En ce qui concerne la communicationvers <strong>le</strong> patient, cela s’appel<strong>le</strong> de l’éducation thérapeutique etel<strong>le</strong> doit aussi se faire en coopération avec <strong>le</strong>s représentants des usagers,qui ont beaucoup à y apporter par <strong>le</strong>ur connaissance de terrain qui vafaciliter la démarche de rendre <strong>le</strong> patient acteur de sa santé. C’est uncadre dans <strong>le</strong>quel <strong>le</strong>s laboratoires peuvent être impliqués dans l’informationdélivrée, mais sous la surveillance de services publics et avec uneimplication de représentants des usagers. Une approche multipartite systématiséepermettra peut-être d’éviter de nouvel<strong>le</strong>s affaires comme cel<strong>le</strong>du Mediator ou des prothèses mammaires PIP.Les usagers se sentent de plus en plus concernés par <strong>le</strong>s questionsliées à la pharmacovigilance et il <strong>le</strong>ur est maintenant possib<strong>le</strong> de faireremonter directement des signa<strong>le</strong>ments liés à des effets indésirab<strong>le</strong>s.Le saviez-vous et que pensez-vous de cette plus grande implication desusagers ?P L-G : Pour l’avoir expérimenté dans <strong>le</strong>s agences régiona<strong>le</strong>s de santé, jeconfirme que l’implication des usagers dans <strong>le</strong>s systèmes aiguise, chez <strong>le</strong>spersonnes qui se trouvent aux commandes, <strong>le</strong> sens des responsabilités.Concernant la pharmacovigilance, des dispositifs existent déjà, mais la plupartdu temps entre praticiens, entre « sachants ». Quand il y a un témoin« moins sachant », cela oblige <strong>le</strong>s professionnels, <strong>le</strong>s responsab<strong>le</strong>s publicsou privés, à clarifier, expliquer, vulgariser et tout <strong>le</strong> processus gagne alorsen clarté, et donc en sécurité s’agissant de la pharmacovigilance. À monsens, l’usager seul n’est pas toujours apte à faire remonter directementdes informations, mais cela peut alors passer par <strong>le</strong>s associations d’usagers.Le signa<strong>le</strong>ment de l’usager n’est pas spontanément <strong>le</strong> facteurdéc<strong>le</strong>nchant, mais <strong>le</strong> facteur obligeant à enquêter. Dans un rô<strong>le</strong> équiva<strong>le</strong>ntà celui de l’assesseur dans un tribunal. Il ne dit rien, mais sa présence obligeà ce que <strong>le</strong> juge fasse son travail en toute équité.En revanche, <strong>le</strong>s représentants des usagers n’ont encore aucune placeau sein du Comité économique des produits de santé où sont fixés <strong>le</strong>sprix des médicaments, selon des modalités encore considérées parcertains comme opaques. Leur présence pourrait-el<strong>le</strong>, d’après vous, enaméliorer la transparence ?P L-G : La seu<strong>le</strong> place laissée aux usagers est de payer <strong>le</strong>s cotisations desécurité socia<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s mutuel<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s impôts. Si <strong>le</strong> fonctionnement ducomité économique des produits de santé était transparent, <strong>le</strong> prix desmédicaments serait <strong>le</strong> même dans tous <strong>le</strong>s pays. Et nous <strong>le</strong> savons bien,ici dans l’Est de la France, car il suffit de franchir <strong>le</strong>s frontières del’Al<strong>le</strong>magne, du Luxembourg ou de la Belgique pour avoir quatre prix différentspour la même molécu<strong>le</strong>. Très honnêtement, je ne pense pas que<strong>le</strong>s usagers aient à y prendre part au niveau de la tâche technique de fixationdu prix. Leur place est en revanche dans la détermination des règ<strong>le</strong>s,c’est-à-dire la définition des modalités de la fixation du prix des médicaments,sur la base de critères objectifs : coût de la recherche, délimitationde la marge de façon autoritaire et non de gré à gré. Des règ<strong>le</strong>s trèsstrictes que <strong>le</strong>s comités ad hoc n’auraient plus qu’à appliquer, en s’assurantde <strong>le</strong>ur bon fonctionnement par des contrô<strong>le</strong>s, un rapport annuel,etc. Des instances déjà existantes, comme la Conférence de Santé, pourraientêtre sollicitées pour apporter un regard extérieur, notamment dupoint de vue des usagers, sur cette politique de fixation des prix. Il estinadmissib<strong>le</strong> que, dans un secteur tel que celui du médicament, des intérêtséconomiques puissent durab<strong>le</strong>ment et démesurément primer sur ladimension de santé publique. L’aspect financier entre bien entendu enligne de compte, mais <strong>le</strong> médicament doit rester avant tout un produit desanté plutôt que de commerce. Son prix doit être fixé d’un point de vuetechnique plus qu’économique, c’est-à-dire qu’il ne peut pas être <strong>le</strong>simp<strong>le</strong> résultat de la confrontation de l’offre et de la demande, mais doitcorrespondre à un calcul objectivé intégrant <strong>le</strong> coût réel de la productionde la molécu<strong>le</strong> pendant 20 ans, recherche comprise. Le représentant desusagers peut porter ce regard visant l’intérêt col<strong>le</strong>ctif, à caractèrepresque moral ou en tout cas humaniste.Regards croisés sur la santé9


INTERVIEWHAS - Haute Autorité de SantéPour une meil<strong>le</strong>ure applicationdes référentiels de bonne pratiqueJean-Luc HAROUSSEAUPrésident du Collègede la HASQue pensez-vous du dispositif de RTU ? Quese passera-t-il au-delà des 3 années quepeut durer cette mesure temporaire… s’agitild’un délai qui permettra la réalisation desétudes d’extension d’AMM?Jean-Luc HAROUSSEAU : Sur <strong>le</strong> principe, la RTUvise à éviter la prescription hors AMM etreprésente donc un bénéfice incontestab<strong>le</strong>pour <strong>le</strong> patient. Dans <strong>le</strong>s faits, on pressentmalgré tout quelques limites à l’efficacité dece dispositif concernant <strong>le</strong>s médicaments disposantdéjà d’une AMM. Cela engage en effet<strong>le</strong>s firmes pharmaceutiques dans des procédures assez onéreuses desuivi des nouvel<strong>le</strong>s indications de ces médicaments faisant l’objet de RTU,ce qui ne garantit donc pas <strong>le</strong>ur recours à ce dispositif. Cela risquenotamment d’être <strong>le</strong> cas pour des molécu<strong>le</strong>s assez anciennes, ayant desindications hors AMM bien connues et pratiquées, mais pour <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s<strong>le</strong>s laboratoires ne souhaiteront pas porter la charge financière d’uneprocédure de RTU alors même que ces molécu<strong>le</strong>s sont déjà génériquées.De la même façon, des indications destinées à des populations trop restreintes,dans <strong>le</strong> cadre de maladies rares notamment ou de prescriptionpédiatrique etc…, feront diffici<strong>le</strong>ment l’objet de RTU en raison là aussi ducoût de cette procédure. Il faudrait donc aujourd’hui al<strong>le</strong>r plus loin dansl’approche des RTU. En prévoyant par exemp<strong>le</strong> des dérogations tenantcompte des pratiques et qui pourraient être fixées en lien avec <strong>le</strong>s guidesde bonne pratique de la HAS et des centres de référence des maladiesrares. Notamment en ce qui concerne <strong>le</strong>s cas de médicaments anciensdont on connait très bien <strong>le</strong>s rapports bénéfices / risques pour certainesindications différentes de <strong>le</strong>ur AMM d’origine.ON DOIT CONSTATER LE TROPFAIBLE IMPACT DES RECOMMAN-DATIONS DE BONNES PRATIQUESDES MÉDICAMENTS PRODUITESPAR LA HAS.On par<strong>le</strong> beaucoup du manque d’informations disponib<strong>le</strong>s sur <strong>le</strong> médicamentpour <strong>le</strong>s usagers. La mise en place d’un service public de référenceou d’un service après-vente par <strong>le</strong>s industriels vous semb<strong>le</strong>ntel<strong>le</strong>sdes initiatives viab<strong>le</strong>s pour répondre aux besoins d’informationdes usagers ?J-L H : Je ne peux répondre que sur la partie publique, <strong>le</strong>s stratégies desindustriels en la matière n’étant aucunement de mon ressort. Il y a bien,en effet, un travail en cours pour réunir <strong>le</strong>s informations produites parl’ANSM, la HAS et <strong>le</strong> CNAMTS : <strong>le</strong>s résumés des caractéristiques desproduits qui précisent <strong>le</strong>s indications et <strong>le</strong>s contre-indications des médicaments,<strong>le</strong>s synthèses des avis de la HAS sur <strong>le</strong>ur intérêt thérapeutiqueet sur <strong>le</strong>ur bon usage, et <strong>le</strong>s informations sur <strong>le</strong>ur prix. Cela devrait se traduired’ici l’été 2013 par la mise en ligne d’une information de référenceen la matière.En revanche, pour ce qui concerne la création d’un « dictionnaire desmédicaments », qui mette en relation <strong>le</strong>s informations sur <strong>le</strong>s médicamentsavec la description des maladies et de <strong>le</strong>urs symptômes, sur <strong>le</strong>modè<strong>le</strong> de ce qui existe au Royaume-Uni sous l’appellation BritishNational Formulary, cela nécessite un travail sur <strong>le</strong> long terme dont on nesait pas si, comment, ni quand il aboutira.EN L’ABSENCE DE BÉNÉFICETHÉRAPEUTIQUE SUFFISANT,UN MÉDICAMENT PLUS RÉCENTDEVRAIT ÊTRE MOINS CHER.La France reste caractérisée par une forte consommation médicamenteusepar rapport à des pays comparab<strong>le</strong>s. Comment l’expliquer ? Que<strong>le</strong>st <strong>le</strong> lien entre surconsommation et pléthore de la pharmacopée,compte tenu notamment des déclarations radica<strong>le</strong>s de certainsconcernant la présence de médicaments inuti<strong>le</strong>s et même dangereuxsur <strong>le</strong> marché français ?J-L H : Bien que <strong>le</strong>s chiffres <strong>le</strong>s plus récents semb<strong>le</strong>nt indiquer que <strong>le</strong>sFrançais ne soient plus <strong>le</strong>s plus gros consommateurs de médicaments aumonde, nous restons malgré tout dans <strong>le</strong> top 3 ou 4 au niveau desdépenses pharmaceutiques et pas tant en raison d’un effet lié aux prixqui, pour <strong>le</strong>s médicaments princeps , ne sont pas plus é<strong>le</strong>vés que cheznos voisins, mais surtout en raison d’une consommation excessive decertaines classes médicamenteuses. Il y a d’abord des explicationsd’ordre culturel à cela, tant du point de vue des habitudes de prescriptiondes médecins que des attentes des patients. Ensuite, on ne peut pas nierun certain effet de la promotion organisée par l’industrie pharmaceutique,notamment dans <strong>le</strong> cadre de la visite médica<strong>le</strong>, qui peut inciter à lasurconsommation médicamenteuse. Enfin, et surtout de notre point devue, on doit constater <strong>le</strong> trop faib<strong>le</strong> impact des recommandations debonnes pratiques des médicaments produites par la HAS. Sur ce dernierpoint, on espère que l’inscription du suivi de certaines de nos recommandationsparmi <strong>le</strong>s critères du paiement à la performance, dans <strong>le</strong>cadre de la dernière convention médica<strong>le</strong> signée entre l’Assurance maladieet <strong>le</strong>s syndicats de médecins, permettra <strong>le</strong>ur plus large diffusion etapplication.En revanche, <strong>le</strong> lien entre pléthore de médicaments et surconsommationne me paraît pas évident. Le grand nombre de médicaments en Franceest dû au fait que pour une même classe thérapeutique il existe beaucoupde médicaments différents disponib<strong>le</strong>s. Cela pose d’ail<strong>le</strong>urs la questionde l’admission au remboursement de médicaments proches de certainsdéjà existants et n’apportant qu’un bénéfice thérapeutique minimal à lamarge. De mon point de vue, dans ce cas, et c’est prévu par <strong>le</strong> Code dela Sécurité Socia<strong>le</strong>, <strong>le</strong> médicament plus récent ne devrait être accepté auremboursement par l’Assurance maladie que s’il est moins cher.10 Regards croisés sur la santé


INTERVIEWCEPS - Comité Economique des Produits de SantéLa fixation du prix du médicament :un outil au service d’une stratégie clairement définie.Jean-Yves FAGONVice-président du CEPSSection médicamentPensez-vous souhaitab<strong>le</strong> de clarifier la procédurede fixation des prix des médicaments,et si oui selon quels axes ? Les représentantsdes usagers pourraient-ils y contribueret dans quel rô<strong>le</strong> ?J-Y FAGON : Oui, nous avons certainementquelques progrès à faire en matière d’informationsur <strong>le</strong>s accords conclus au sein duCEPS. Cela a d’ail<strong>le</strong>urs été discuté dans <strong>le</strong>cadre de l’accord que nous venons de signeravec <strong>le</strong>s industriels du médicament et il estdonc maintenant prévu que nous rendionspublics un certain nombre d’éléments concernant <strong>le</strong>s conventions passéesavec <strong>le</strong>s entreprises du médicament, notamment en matière deremises négociées ainsi que des clauses relatives au respect des posologieset des populations cib<strong>le</strong>s.En revanche, il n’est pas question d’ouvrir <strong>le</strong> Comité à des observateurs.Ce débat a eu lieu au moment des assises du médicament, et la questiona été tranchée en ce sens.niveau de la prescription et notamment dans <strong>le</strong>s choix des molécu<strong>le</strong>s,pour savoir payer moins cher des médicaments anciens et plus cher desmédicaments innovants lorsqu’ils existent et qu’ils sont uti<strong>le</strong>s. C’est aussila baisse des prix des médicaments anciens qui permet de bénéficier demédicaments innovants, et <strong>le</strong>s génériques s’inscrivent p<strong>le</strong>inement danscet équilibre.IL N’EST PAS QUESTION D’OUVRIRLE CEPS À DES OBSERVATEURSLa politique de fixation des prix des médicaments est souvent évoquéecomme un moyen pour la puissance publique d’influencer <strong>le</strong>s stratégiesde recherche des laboratoires privés en fonction des priorités desanté publique. Cet argument vous semb<strong>le</strong>-t-il réaliste sur la forme, etlégitime sur <strong>le</strong> fond ?J-Y F : Le fait de privilégier l’innovation pharmaceutique fait partie des missionsinitia<strong>le</strong>s qui ont été confiées au CEPS dès sa création. C’est doncune constante de notre action et des choix que nous établissons dans lafixation des prix des médicaments. De plus, <strong>le</strong> CEPS met aussi en œuvre<strong>le</strong> Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) dans <strong>le</strong> cadre duqueldes crédits sont destinés aux entreprises ayant opéré des investissementsen Europe de nature à y maintenir ou à y accroître des activitésnotamment de recherche. Toutefois, l’intervention du CEPS sur larecherche et l’innovation, tant au niveau de la fixation des prix que de l’attributionde crédits CSIS, n’a pas pour objet <strong>le</strong>ur orientation, mais <strong>le</strong>urincitation par <strong>le</strong>ur financement a posteriori. L’orientation de la rechercherelève quant à el<strong>le</strong> de dispositifs à visée stratégique, par exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong> planCancer ou encore <strong>le</strong> plan Alzheimer.Que pensez-vous de la nouvel<strong>le</strong> possibilité de mise en œuvre d’une RTUaux fins de maîtrise des dépenses d’assurance maladie lorsqu’unemolécu<strong>le</strong> particulièrement onéreuse se trouve en situation de monopo<strong>le</strong>.Ne craignez-vous pas que cela entraîne une baisse des exigencesde qualité des produits de santé sous couvert d’économies pour la col<strong>le</strong>ctivité?J-Y F : Cette forme d’utilisation de la RTU me semb<strong>le</strong> tout aussi légitimeque cel<strong>le</strong> prévue dans <strong>le</strong>s cas d’absence d’alternative thérapeutique, à lacondition qu’el<strong>le</strong> s’inscrive dans la même perspective d’une extensiond’autorisation de mise sur <strong>le</strong> marché à terme. Ce qui est important dansla RTU, c’est son caractère transitoire : on prévoit un dispositif intermédiaire,mais malgré tout encadré pour répondre à un objectif de santépublique à court terme, dans <strong>le</strong> but que soit entreprise une procédureclassique d’extension d’AMM à moyen terme. Si la logique est suivie jusqu’aubout, il n’y a donc aucun risque de nivel<strong>le</strong>ment par <strong>le</strong> bas des exigencesde qualité des médicaments, cel<strong>le</strong>-ci ne dépendant pas de <strong>le</strong>urprix, mais de <strong>le</strong>ur AMM.Au contraire, dans une enveloppe financière contrainte, un équilibre estnécessaire entre <strong>le</strong> recours à des molécu<strong>le</strong>s anciennes et/ou non innovantesà prix bas et des molécu<strong>le</strong>s innovantes à prix éventuel<strong>le</strong>menté<strong>le</strong>vé. Il nous faut, en France, apprendre à avoir une utilisation plus sobredu médicament et un travail est certainement à faire en la matière auConcernant <strong>le</strong>s génériques, on dit souvent qu’ils sont plus chers enFrance que dans de nombreux autres pays européens. Comment l’expliquez-vouset est-il possib<strong>le</strong> de remédier à cette situation ?J-Y F : Je ne suis pas d’accord avec cette idée reçue. Les analyses comparativessont en général assez incomplètes pour permettre une juste comparaison.Lorsqu’on effectue <strong>le</strong>s comparaisons sur une base assez largeet dans <strong>le</strong> cadre des quatre pays dont <strong>le</strong>s caractéristiques sont <strong>le</strong>s pluscomparab<strong>le</strong>s (Al<strong>le</strong>magne, Ang<strong>le</strong>terre, Italie, France), il s’avère que nousnous situons globa<strong>le</strong>ment dans la moyenne au niveau des prix des génériques.Certains peuvent être plus chers, et d’autres au contraire <strong>le</strong> sontmoins. De plus, il est uti<strong>le</strong> de rappe<strong>le</strong>r qu’il existe une industrie des génériquesdans notre pays. De toute façon, <strong>le</strong> prix des génériques rembourséspar l’Assurance maladie obéit à une règ<strong>le</strong> qui <strong>le</strong> fixe à 40% du prix duprinceps au début et qui prévoit de <strong>le</strong> réviser ensuite régulièrement enfonction de différents critères dont son niveau de diffusion. Et il mesemb<strong>le</strong> qu’à l’étranger <strong>le</strong>s mécanismes de fixation des prix des génériquesobéissent à des logiques assez proches.S’il y a un problème en France quant au coût des génériques, il est davantagelié à des problèmes de moindres volumes que d’excès des prix unitaires.Regards croisés sur la santé13


INTERVIEWCNOM - Conseil National de l'Ordre des MédecinsSortir d’une certaine forme de dépendancemédicamenteuse par l’éducation thérapeutiqueDr Michel LEGMANNPrésident de l’Ordredes MédecinsDans <strong>le</strong>s prescriptions médica<strong>le</strong>s, quels doiventêtre la place des génériques et l’encadrementdes « non substituab<strong>le</strong>s » dont <strong>le</strong>sassociations de patients voient bien l’utilitélorsqu’ils sont médica<strong>le</strong>ment justifiés ?Dr LEGMANN : Nous sommes évidemmentfavorab<strong>le</strong>s aux génériques, pour autant qu’ils’agisse de prescrire des molécu<strong>le</strong>s actives.Quant à la mention non substituab<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> doitêtre réservée aux situations pour <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s labioéquiva<strong>le</strong>nce n’est pas démontrée ou la biodisponibilitéconsidérée comme insuffisante.Sans oublier <strong>le</strong> problème des excipients qui a éga<strong>le</strong>ment été sou<strong>le</strong>vé,notamment pour <strong>le</strong>s vaccins, mais aussi celui des colorants, qui entrainentdes risques de confusion, en particulier pour <strong>le</strong>s personnes âgéeshabituées à la cou<strong>le</strong>ur de <strong>le</strong>urs médicaments. Il faut comprendre que <strong>le</strong>médecin traitant, dans l’intérêt des patients et pour éviter <strong>le</strong>s risques deconfusion, tienne à la mention non substituab<strong>le</strong>. Une certaine soup<strong>le</strong>ssedoit donc être conservée. Enfin, nous considérons qu’il faudrait faire figurersur la boîte des médicaments la dénomination internationa<strong>le</strong> de lamolécu<strong>le</strong>, voire peut-être éga<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> nom commercial auquel <strong>le</strong>s usagerssont habitués, ce que <strong>le</strong>s médecins traitants font souvent manuel<strong>le</strong>mentpour éviter toute confusion et par prudence pour <strong>le</strong>urs patientshabitués depuis des années au même médicament.De même, certains avancent qu’un grand nombre de médicaments disponib<strong>le</strong>sen France sont inuti<strong>le</strong>s, voire dangereux. Qu’en pensez-vous ?Dr M L : Je vois évidemment à quoi vous faites allusion, mais ce sont desexcès qui sont extrêmement critiquab<strong>le</strong>s et dont <strong>le</strong>s conséquences peuventêtre gravissimes, car ils ont conduit certains patients à arrêter spontanément<strong>le</strong>ur traitement, qui dans certaines pathologies est vital.Nombre de médecins se sont plaints de l’incidence de ces publicationset nous sommes à la limite du scanda<strong>le</strong>. Les auteurs de ces ouvragesn’ont pas mesuré la responsabilité qu’ils prenaient et pour cela nous <strong>le</strong>scondamnons. Mais effectivement, d’un point de vue global, il y a trop demédicaments, dont un certain nombre avec une faib<strong>le</strong> efficacité. Il fauttout de même reconnaître que depuis quelques années, <strong>le</strong>s pouvoirspublics font la chasse aux médicaments peu efficaces, dans laquel<strong>le</strong> s’inscritaussi la nouvel<strong>le</strong> agence sur la sécurité du médicament, et que lapharmacopée s’est un peu réduite. Certains de ces médicaments ne sontd’ail<strong>le</strong>urs plus remboursés, ce qui <strong>le</strong>s conduit donc à une mort inéluctab<strong>le</strong>,car <strong>le</strong>s usagers sont attachés au remboursement, encore plus dans<strong>le</strong> contexte économique actuel. C’est donc une situation qui évolue dans<strong>le</strong> temps et dans <strong>le</strong> bon sens.LA MENTION NON SUBSTITUABLEDOIT ÊTRE RÉSERVÉE AUX SITUA-TIONS POUR LESQUELLES LABIOÉQUIVALENCE N’EST PASDÉMONTRÉE OU LA BIODISPONI-BILITÉ CONSIDÉRÉE COMMEINSUFFISANTEPartagez-vous <strong>le</strong>s analyses selon <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s il y a une trop grandeconsommation de médicaments en France ? Quel rô<strong>le</strong> peut jouer <strong>le</strong>médecin prescripteur dans une utilisation plus mesurée et pertinentedu médicament ?Dr M L : Nous sommes tout à fait d’accord pour souligner cette habituded’une trop grande consommation de médicaments en France. Sachantque pour <strong>le</strong>s benzodiazépines, <strong>le</strong>s hypnotiques et <strong>le</strong>s antistress, la Francedétient quasiment <strong>le</strong> record du monde en proportion de sa population. I<strong>le</strong>st indiscutab<strong>le</strong> qu’il faut diminuer cette consommation. Mais ce véritab<strong>le</strong>processus de désintoxication exige de consacrer du temps aux patientset nécessite une consultation longue qui doit être tarifée en conséquence.Le médecin prescripteur aurait alors pour rô<strong>le</strong> d’analyser avec <strong>le</strong>spatients, particulièrement <strong>le</strong>s personnes âgées, <strong>le</strong>s origines et <strong>le</strong>s causesde cette surconsommation pour revenir aux besoins réels des patients.C’est aussi une question d’éducation thérapeutique des usagers.Pourquoi en France <strong>le</strong> patient qui ne sort pas d’une consultation médica<strong>le</strong>avec une ordonnance bien remplie s’estime-t-il lésé ? Cela passe doncpar une éducation et une hygiène thérapeutiques qui nécessitent dutemps et des investissements.Selon l’Académie de médecine, « <strong>le</strong> sport doit faire partie des prescriptionsmédica<strong>le</strong>s ». Au-delà, on sait que des techniques médica<strong>le</strong>s alternatives,tel<strong>le</strong> l’ostéopathie, peuvent parfois répondre de façon trèsappropriée à des problèmes de santé, par exemp<strong>le</strong> certaines dou<strong>le</strong>urs.Comment vous positionnez-vous sur ces approches alternatives aumédicament ?Dr M L : Le sport c’est évidemment fondamental, et j’ai vu avec plaisircroître <strong>le</strong> nombre de joggers ces dix dernières années. C’est un fait desociété nouveau qui va dans <strong>le</strong> bon sens, <strong>le</strong> sport doit faire partie de l’hygiènede vie. Le médecin doit en par<strong>le</strong>r, à mon sens, cela fait partie desutilisations thérapeutiques. D’ail<strong>le</strong>urs, certaines spécialités, comme la cardiologie,n’hésitent pas à sou<strong>le</strong>ver en permanence la question du sport.Concernant l’ostéopathie, la naturopathie… je suis un peu plus réservé.Je ne nie pas que ces techniques puissent rendre service dans certainscas. Mais de manière généra<strong>le</strong>, je crois que ces approches alternativesdoivent s’inscrire dans une démarche diagnostique plus globa<strong>le</strong> et sousla responsabilité d’un médecin. Et non pas une prise en charge directe,par exemp<strong>le</strong> par un ostéopathe, qui plus est non-médecin et non-kinésithérapeute.Ceci pour être certain qu’on ne va pas manipu<strong>le</strong>r quelqu’unqui a par exemp<strong>le</strong> des métastases de la colonne vertébra<strong>le</strong>. Sachant qu’ily a aujourd’hui des milliers d’ostéopathes formés hâtivement dans deséco<strong>le</strong>s payantes. Quant à l’équilibre entre <strong>le</strong>s méthodes alternatives et <strong>le</strong>smédicaments, il m’est diffici<strong>le</strong> d’y répondre compte tenu de ce que j’aiévoqué précédemment, il y va pour moi de la sécurité des patients.14 Regards croisés sur la santé


INTERVIEWCNOP - Conseil National de l’Ordre des PharmaciensMédicaments et génériques :la chasse aux idées reçuesIsabel<strong>le</strong> ADENOTPrésidente de l'Ordredes PharmaciensVous semb<strong>le</strong>-t-il nécessaire d’améliorer l’informationdu public sur <strong>le</strong>s génériques ? Que<strong>le</strong>st <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> du pharmacien en la matière ?Isabel<strong>le</strong> ADENOT : Définitivement oui ! Il fautaméliorer l’information sur <strong>le</strong>s génériques.Trop de patients doutent de <strong>le</strong>ur qualité, ayantentendu ou lu des informations contradictoireset ayant dans l’esprit que, pour d’autresproduits, « moins cher » signifie « moindrequalité ». Il faut donc <strong>le</strong> répéter, <strong>le</strong>s médicamentsgénériques subissent exactement <strong>le</strong>smêmes contrô<strong>le</strong>s de qualité que <strong>le</strong>s médicaments« d’origine ».Il faut aussi combattre cette idée reçue : « <strong>le</strong>s génériques viennent del’étranger et sont donc de moindre qualité ». Dans <strong>le</strong>s faits, la quasi-totalitédes matières premières des médicaments, qu’ils soient princeps ougénériques, vient d’autres pays hors de l’Union européenne. Les autoritéssanitaires des différents pays européens se coordonnent entre el<strong>le</strong>spour effectuer <strong>le</strong>s contrô<strong>le</strong>s de ces matières premières. Et pour l’heure,pour la fabrication du produit fini, la France est <strong>le</strong> 3ème pays producteureuropéen. Les Français ne <strong>le</strong> savent souvent pas.A ces questions de qualité s’ajoutent parfois d’autres questions sur <strong>le</strong>sprix, l’existence simultanée des princeps et des génériques, la différencedes formes galéniques… El<strong>le</strong>s sont légitimes et <strong>le</strong>s pharmaciens, professionnelsde santé spécialistes du médicament, y répondent. Favoriser <strong>le</strong>bon usage du médicament, c’est <strong>le</strong>ur mission et ils en sont fiers. Mais ilfaut avouer que la situation n’est pas faci<strong>le</strong> en ce moment, tant la « cacophonie» est réel<strong>le</strong> !Plus globa<strong>le</strong>ment, on par<strong>le</strong> beaucoup du manque d’informations disponib<strong>le</strong>ssur <strong>le</strong> médicament pour <strong>le</strong>s usagers. Les hypothèses de mise enplace d’un service public de référence en la matière ou de créationd’une sorte de « service après-vente » des médicaments par <strong>le</strong>s industrielsvous semb<strong>le</strong>nt-el<strong>le</strong>s des initiatives nécessaires ?I A : Les prescripteurs et <strong>le</strong>s pharmaciens dispensateurs donnent desinformations sur <strong>le</strong>s médicaments. Les notices, toutes contrôlées par <strong>le</strong>sautorités sanitaires, éga<strong>le</strong>ment. Mais au-delà, des usagers souhaitent ensavoir plus : <strong>le</strong>s essais cliniques, l’évaluation du bénéfice par rapport aurisque ou à de nouvel<strong>le</strong>s stratégies thérapeutiques, la disponibilité, etc…Ils doivent pouvoir trouver toute cette information, sûre, de qualité etindépendante. Aujourd’hui, ce n’est pas <strong>le</strong> cas. Un vrai parcours du combattant: <strong>le</strong>s sources officiel<strong>le</strong>s sont nombreuses, diverses et parfoisnébu<strong>le</strong>uses. Il faut donc <strong>le</strong>s regrouper dans un portail unique et faciliterl’accès aux informations par des puissants moteurs de recherche. Ce portai<strong>le</strong>xiste dans de nombreux pays européens, il est temps que la Franceen dispose. La Ministre de la Santé a déclaré al<strong>le</strong>r vers la mise en placed’un tel service public. Espérons qu’il réponde aux attentes, car c’est bienaux autorités publiques de fournir cette information.Accessib<strong>le</strong> à tous, il rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s différentes vigilances auxquel<strong>le</strong>s sontsoumis <strong>le</strong>s pharmaciens et dans une partie professionnel<strong>le</strong> facilite l’envoides signa<strong>le</strong>ments.La France est souvent citée comme un pays où l’on consomme beaucoupde médicaments, dont certains sont même dits inuti<strong>le</strong>s, voiredangereux. Quel rô<strong>le</strong> peut jouer <strong>le</strong> pharmacien dans la recherche d’uneutilisation plus mesurée et pertinente du médicament ?I A : Les Français prennent encore beaucoup de médicaments. Trop sansdoute. Ils <strong>le</strong> reconnaissent d’ail<strong>le</strong>urs eux-mêmes. Mais ils ne sont plus <strong>le</strong>splus gros consommateurs et c’est tant mieux. Les efforts pour <strong>le</strong> bonusage du médicament portent <strong>le</strong>urs fruits. Car faut-il <strong>le</strong> rappe<strong>le</strong>r un médicamentest un produit particulier. Il comporte des bénéfices précieux : <strong>le</strong>straitements des cancers et du VIH par exemp<strong>le</strong> n’ont vraiment plus rien àvoir avec ceux d’il y a seu<strong>le</strong>ment quelques années. Mais il comporte aussides risques. Alors, dire qu’il est dangereux est un euphémisme. Pourautant, jeter <strong>le</strong> troub<strong>le</strong> dans l’esprit de tous par des raccourcis médiatiquesajoute à la confusion et n’est pas sans conséquences. De nombreuxpatients arrêtent bruta<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>ur traitement et se précipitent versdes charlatans en tout genre…Le médicament, bien utilisé, contribue p<strong>le</strong>inement aux progrès thérapeutiques.Il faut tout faire pour rétablir la confiance sur ce produit particulieret en favoriser <strong>le</strong> bon usage : juste ce qu’il faut, quand il faut ! C’est pourquoil’Ordre des pharmaciens s’oppose formel<strong>le</strong>ment à la banalisationque certains appel<strong>le</strong>nt de <strong>le</strong>urs vœux en l’assimilant à un produit deconsommation courante. Au contraire, il a développé avec <strong>le</strong>s pharmaciens<strong>le</strong> Dossier Pharmaceutique qui améliore la sécurité des personnesdans <strong>le</strong>ur usage du médicament (informations disponib<strong>le</strong>s sur ce dossiersur www.ordre.pharmacien.fr).IL FAUT TOUT FAIRE POUR RÉTA-BLIR LA CONFIANCE SUR CE PRO-DUIT PARTICULIER QU’EST LEMÉDICAMENT ET EN FAVORISERLE BON USAGESur la pharmacovigilance, de nouveaux dispositifs permettent aux usagerset aux associations de faire remonter plus directement <strong>le</strong>s signa<strong>le</strong>mentssur d’éventuels effets secondaires qu’ils auraient identifiés.Que pensez-vous de ces dispositifs, et quel<strong>le</strong> est <strong>le</strong>ur complémentaritéavec <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> du pharmacien ?I A : Enfin la France a ouvert cette possibilité aux usagers ! Il est maintenantessentiel que tous <strong>le</strong>s Français en connaissent l’existence. De nombreuxpays européens avaient de l’avance dans ce domaine. Et l’expériencequ’ils en tirent, c’est que <strong>le</strong>s signa<strong>le</strong>ments des usagers sont trèsuti<strong>le</strong>s. Bien sûr <strong>le</strong>s pharmaciens peuvent accompagner <strong>le</strong>s patients qui <strong>le</strong>désirent dans <strong>le</strong>ur démarche de signa<strong>le</strong>ment. Ils disposent pour ce faired’un site que l’Ordre a créé cette année, www.pharmavigilance.fr.Regards croisés sur la santé15


INTERVIEWLEEM - Les entreprises du médicamentMédicament : balayer <strong>le</strong>s idées fausseset maintenir la confiancePhilippe LAMOUREUXDirecteur général du LEEMDe nombreuses voix s’élèvent pour dire qu’ily a pléthore de médicaments en France etsurtout surconsommation. Partagez-vouscet avis et quel<strong>le</strong>s en sont selon vous <strong>le</strong>scaractéristiques ?Philippe LAMOUREUX : La France a longtempsété présentée comme <strong>le</strong> premier paysconsommateur de médicaments. Depuisquelques années, plusieurs études publiquesou privées montrent que cette opinion couranteest fausse, même si pour certainesclasses thérapeutiques nous restons un paysde forte consommation. Globa<strong>le</strong>ment, on assiste progressivement à uneconvergence de la consommation de médicaments en Europe, due audéveloppement des systèmes de protection socia<strong>le</strong>, de la médecine etdes référentiels de bon usage. En mars 2011, une étude de la CNAM surla consommation des sept principaux pays européens, pour huit classesmajeures de médicaments, montre que la France a la plus faib<strong>le</strong> croissanceet que la consommation européenne s’uniformise. Les dernièresdonnées disponib<strong>le</strong>s (2009) placent la France au deuxième rang, derrière<strong>le</strong> Royaume-Uni et à égalité avec l’Espagne. De la même manière, laFrance arrive en troisième position en nombre de spécialités commercialiséeset en cinquième pour <strong>le</strong>s DCI. On n’arrive pas à faire connaître ceschiffres. Si on étudie <strong>le</strong> montant de la dépense de médicaments rapportéeau nombre d’habitants et au pouvoir d’achat, la France est au cinquièmerang mondial derrière <strong>le</strong>s États-Unis, <strong>le</strong> Canada et à peu près àégalité avec l’Al<strong>le</strong>magne et <strong>le</strong> Japon. La spécificité de la France est d’avoirdes profils de prescription qui traduisent bien son attachement à l’accèsà l‘innovation thérapeutique des patients, notamment dans certainesgrandes pathologies, comme <strong>le</strong> cancer ou <strong>le</strong>s maladies orphelines.La politique de fixation des prix des médicaments est souvent perçuecomme un moyen pour la puissance publique d’influencer <strong>le</strong>s stratégiesde recherche des laboratoires privés. Cet argument vous semb<strong>le</strong>t-iljustifié ? Pensez-vous que la procédure de fixation des prix pourraitêtre plus transparente ?P L : Je dirai plutôt non. Comme l’Italie, la France a un système de prixadministrés différent des autres grands marchés que sont <strong>le</strong>s États-Unis,<strong>le</strong> Royaume-Uni, l’Al<strong>le</strong>magne ou la Suisse. Les prix sont plutôt dans lafourchette basse et en réalité, ce système ne permet pas d’influencer <strong>le</strong>slaboratoires, parce qu’il est très lié à la va<strong>le</strong>ur ajoutée thérapeutique d’unproduit et pas du tout à son intérêt pour la santé publique. En contrepartie,il autorise un large accès des patients à l’innovation. Aujourd’hui, <strong>le</strong>sbesoins thérapeutiques non couverts sont tels qu’ils nécessitent de travail<strong>le</strong>rà l’échel<strong>le</strong> européenne. C’est <strong>le</strong> cas pour la recherche d’une cinquièmegénération d’antibiotiques que l’Italie, <strong>le</strong> Royaume-Uni ou laFrance n’ont pas <strong>le</strong>s moyens de mener seuls. Concernant la transparencedu système, c’est une question sans réponse. À titre d’exemp<strong>le</strong>, surdix mil<strong>le</strong> molécu<strong>le</strong>s criblées, une seu<strong>le</strong> va jusqu’à l’AMM et faire un essaiclinique chez l’homme coute environ un milliard de dollars, sachantqu’une fois sur deux vous vous trompez. La mise au point de nouvel<strong>le</strong>smolécu<strong>le</strong>s est de plus en plus comp<strong>le</strong>xe parce que <strong>le</strong>s exigences de sécuritésanitaire ont augmenté et c’est normal. La transparence, c’est aussiexpliquer que si <strong>le</strong> prix des médicaments innovants paraît très é<strong>le</strong>vé, c’estqu’en réalité ils bénéficient à un nombre restreint de patients sur <strong>le</strong>quel<strong>le</strong>s coûts de recherche doivent pouvoir être amortis. Il faut aussi rappe<strong>le</strong>rque nous sommes <strong>le</strong> secteur qui investit <strong>le</strong> plus dans la recherche.Aujourd’hui, <strong>le</strong> système français est extrêmement transparent dans lamesure où tous <strong>le</strong>s critères d’appréciation sont connus et qu’il va encoreêtre amélioré par <strong>le</strong> décret sur la médicoéconomie et <strong>le</strong> suivi des produitsen temps réel qui amènera à une révision régulière des prix.Le nouveau dispositif de « Recommandation Temporaire d’Utilisation »(RTU) encadre <strong>le</strong>s prescriptions hors AMM, en particulier lorsqu’iln’existe aucune alternative thérapeutique même si el<strong>le</strong>s viennentd’être élargies aux cas où el<strong>le</strong>s peuvent engendrer des économies substantiel<strong>le</strong>spour l’Assurance maladie (affaire Avastin ® /Lucentis ® ).Comment percevez-vous l’utilité de ces RTU ?P L : La création des RTU et l’organisation du suivi des patients répondentà l’intérêt que nous partageons d’optimiser <strong>le</strong>s soins, mais <strong>le</strong>s textes deloi publiés soulèvent un certain nombre de commentaires de fond. Enparticulier quand ce système fait peser une responsabilité juridique etfinancière sur <strong>le</strong>s industriels qui n’ont pas <strong>le</strong>s moyens de garantir l’efficacitéd’un dispositif dans <strong>le</strong>quel la prescription est l’acte d’un professionnelavec <strong>le</strong>quel ils n’ont pas nécessairement de lien, contrairement auxATU. On peut aussi s’interroger sur la possibilité réel<strong>le</strong> des entreprises àdéposer une demande d’extension d’AMM compte tenu des difficultéspratiques et scientifiques, eu égard au faib<strong>le</strong> nombre de patients concernéset s’agissant de produits innovants avec des AMM européennes. Sion n’aboutit pas à l’AMM et puisque <strong>le</strong>s RTU sont limitées à trois ans, laquestion de la continuité de la prise en charge des malades se pose.Comment sera gérée la transition d’un statut à un autre et comment lanouvel<strong>le</strong> agence de sécurité des médicaments va-t-el<strong>le</strong> pouvoir élaborer<strong>le</strong>s centaines, voire <strong>le</strong>s milliers de RTU nécessaires ?La dernière partie de la question fait allusion, je pense, à une dispositionnouvel<strong>le</strong> votée dans la LFSS pour 2013. De notre point de vue el<strong>le</strong> estcontraire à l’esprit initial de la loi ainsi qu’au droit européen, de peu deportée économique et surtout loin des objectifs d’amélioration de la sécuritédes patients ou d’optimisation de l‘accès au médicament.On par<strong>le</strong> beaucoup du manque d’informations disponib<strong>le</strong>s sur <strong>le</strong> médicamentpour <strong>le</strong>s usagers. La mise en place d’un service public de référenceou la création d’un « service après-vente » par <strong>le</strong>s industrielsvous semb<strong>le</strong>nt-el<strong>le</strong>s des initiatives viab<strong>le</strong>s ? Laquel<strong>le</strong> vous paraît laplus à même de répondre aux besoins d’information des usagers ?P L : Nous préférons clairement que cette information des usagers viennedes autorités plutôt que d’experts autoproclamés qui entretiennent laconfusion, y compris à l’égard des autorités sanitaires et des médecins etqui alarment inuti<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s malades. Un service centralisé, faci<strong>le</strong>mentaccessib<strong>le</strong> et inscrit dans la durée serait donc une bonne solution, parceque notre priorité aujourd’hui est de préserver la confiance dans <strong>le</strong> médicament,et la transparence nourrit la confiance. La question du serviceaprès-vente n’est pas dans <strong>le</strong>s perspectives à court terme des industrielsen France, <strong>le</strong> cadre juridique ne s’y prête pas, et si <strong>le</strong>s industriels prennentla paro<strong>le</strong> on va <strong>le</strong>s accuser d’être juge et partie. Les crises de cestrois dernières années ont abouti à dévaloriser la paro<strong>le</strong> publique. C’estdonc un enjeu majeur, pour <strong>le</strong>s patients et <strong>le</strong>s industriels qui ont un intérêtpartagé à reconstruire une paro<strong>le</strong> publique crédib<strong>le</strong> qui rétablisse laconfiance. Il est compliqué d’avoir un discours simp<strong>le</strong> sur quelque chosequi ne l’est pas et dans la culture actuel<strong>le</strong> il est plus faci<strong>le</strong> d’être dans <strong>le</strong>registre incantatoire que dans <strong>le</strong> discours pédagogique. L’intérêt despatients est effectivement d’avoir une information objective et fiab<strong>le</strong>, etquand on voit aujourd’hui que la publication de certains livres entraînedes patients à arrêter <strong>le</strong>ur traitement, y compris sur des pathologieslourdes, cela montre à quel point cette question est sensib<strong>le</strong> et délicate.16 Regards croisés sur la santé


INTERVIEWGEMME - Association GEnériques Même MEdicamentGénérique : un médicament sans marque,moins cher et qui soigne aussi bien.Pascal BRIEREPrésident du GEMMEL’appellation commune de « génériques »recouvre des réalités assez différentes :médicaments « autogénériques », « essentiel<strong>le</strong>mentsimilaires » ou « assimilab<strong>le</strong>s ».Pensez-vous qu’expliquer au public ces différencesfaciliterait son adhésion ? Quidevrait alors avoir la charge de cette information?Pascal BRIERE : Dans <strong>le</strong> droit français, ces différentesappellations n’existent pas. Les génériquesrépondent à une définition précise : il ya ceux qui <strong>le</strong> sont et ceux qui ne <strong>le</strong> sont pas,mais il n’existe pas d’autre distinction. La France est d’ail<strong>le</strong>urs <strong>le</strong> seul paysà avoir constitué un répertoire fermé des génériques substituab<strong>le</strong>s par <strong>le</strong>pharmacien et en dehors duquel <strong>le</strong>s médicaments ne peuvent être reconnuscomme génériques, ce qui est une garantie importante de qualitépour l’usager. La difficulté vient, à mon sens, des très nombreux émetteursqui ont pris position sur <strong>le</strong>s génériques sans tenir compte ducontexte et qui sont venus perturber <strong>le</strong> message. Par exemp<strong>le</strong>, lorsquel’Académie de médecine souligne qu’un générique de la vancomycine estmoins efficace que <strong>le</strong> princeps, c’est vrai… mais en Colombie !C’est pourquoi, il me semb<strong>le</strong> en effet essentiel que ce sujet de santépublique soit repris en main par un organisme d’État, en l’occurrencel’INPES de par sa dimension d’éducation à la santé, dans <strong>le</strong> cadre d’unecampagne expliquant clairement <strong>le</strong> seul message qui vail<strong>le</strong> en la matière :<strong>le</strong>s génériques sont de qualité équiva<strong>le</strong>nte aux princeps. En attendant,dès janvier 2013 <strong>le</strong> GEMME va prendre l’initiative d’interpe<strong>le</strong>r <strong>le</strong> publicsur <strong>le</strong>s médicaments génériques au travers d’annonces fortes multimédiasdu type : « aucune maladie ne fait la différence entre génériques etmédicaments d’origine », « tout <strong>le</strong> monde reconnaît l’intérêt des génériquessauf ceux qui ont des intérêts contraires », etc. On espère que cesera un élément d’amorçage de l’action publique qui sera plus que jamaisdéterminante. Car, objectivement, on s’étonne qu’une industrie citoyenne,porteuse d’économies substantiel<strong>le</strong>s pour la col<strong>le</strong>ctivité et qui produitmajoritairement en France et en Europe, ne soit pas davantage soutenue.Les exigences de sécurité sanitaire ne devraient-el<strong>le</strong>s pas être renforcéesau niveau de l’autorisation de mise sur <strong>le</strong> marché des génériques,et ensuite de la vigilance sur <strong>le</strong>ur utilisation ?P B : Il n’est pas nécessaire de renouve<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s tests portant sur la toléranceet l’efficacité de la molécu<strong>le</strong> active d’un médicament, puisqu’el<strong>le</strong> nevarie pas entre <strong>le</strong> princeps et <strong>le</strong> générique. En revanche, on teste sabonne diffusion dans l’organisme, sur laquel<strong>le</strong> influent éventuel<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>sdifférences d’adjuvants ou de forme galénique en particulier. C’est cequ’on appel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s tests de bioéquiva<strong>le</strong>nce. Et <strong>le</strong>s marges statistiques devariation établies pour valider la qualité d’un générique sont scientifiquementreconnues. El<strong>le</strong>s correspondent à cel<strong>le</strong>s qu’on retrouverait pour unmême princeps testé à deux moments différents chez une même personne: l’absorption d’un médicament n’est pas linéaire, el<strong>le</strong> peut varierselon l’organisme de la personne, et c’est lorsqu’il s’inscrit dans cettemarge de variation reconnue qu’un générique est validé.Je tiens à souligner que ce doute sur la qualité des génériques est unepolémique franco-française qui ne se pose nul<strong>le</strong> part ail<strong>le</strong>urs, et qui estcertainement due à nos habitudes de prescription. En effet, <strong>le</strong>s prescriptionsdes médecins français indiquent historiquement <strong>le</strong> nom de marquedu médicament, alors qu’à l’étranger on utilise <strong>le</strong> plus souvent la « dénominationcommune internationa<strong>le</strong> » qui fait référence à une molécu<strong>le</strong>. Sibien qu’en France <strong>le</strong>s patients sont attachés à un produit, alors qu’ail<strong>le</strong>ursils <strong>le</strong> sont à un traitement. Seul <strong>le</strong> médecin pourrait éduquer <strong>le</strong> patient enla matière pour accompagner un changement d’habitude. Or, il a tropsouvent été contourné dans la politique du générique.N’y a-t-il pas des précautions particulières à prendre quant à la substitutionlorsqu’il s’agit de médicaments à marge thérapeutique étroite,ou qu’on s’adresse à des personnes polymédiquées ? Est-ce <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> du« non substituab<strong>le</strong> » ?P B : Nous sommes favorab<strong>le</strong>s au « non substituab<strong>le</strong> » dans <strong>le</strong> cadre prévupar la loi, c’est-à-dire quand il est médica<strong>le</strong>ment justifié pour un patienten particulier, mais pas quand il fait l’objet d’une utilisation trop systématisée.Voir des ordonnances où à chaque ligne est indiquée la mention« NS », y compris pour des médicaments encore brevetés, c’est inacceptab<strong>le</strong>.Pour une personne polymédiquée, <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> du pharmacien est essentielcomme acteur de santé publique pour s’assurer qu’el<strong>le</strong> a bien comprisson traitement. La substitution doit être progressive, et si <strong>le</strong> patient necomprend pas ou est perdu, on ne substitue pas. C’est une question desanté publique. Et c’est d’ail<strong>le</strong>urs surtout pour ces difficultés d’adaptationau changement, plutôt d’ordre psychologiques ou cognitives, que je voisl’utilité du « non substituab<strong>le</strong> ». Parce que, encore une fois, d’un point devue strictement chimique et médical, <strong>le</strong>s génériques sont de qualité etd’efficacité équiva<strong>le</strong>ntes aux princeps. Il y a ensuite la question de la stabilitédans la substitution, et il est évidemment préférab<strong>le</strong> qu’on dispensetoujours <strong>le</strong> même générique à une personne âgée ou à un malade chronique.Ce à quoi incite la dernière convention entre <strong>le</strong>s pharmaciens etl’assurance maladie qui fixe, pour onze molécu<strong>le</strong>s identifiées, un objectifde stabilité dans la substitution lorsqu’il s’agit de personnes de plus de 75ans.On entend souvent dire que <strong>le</strong>s génériques sont trop chers en Francepar rapport à <strong>le</strong>ur prix dans <strong>le</strong>s autres pays européens. Qu’est-ce quiexplique cette situation ?P B : Si on s’en tient aux médicaments remboursés, <strong>le</strong> prix des génériquesest fixé autoritairement par <strong>le</strong> CEPS en fonction du prix du princeps correspondant: lorsqu’il est admis au remboursement son prix est systématiquementde 40% de celui du princeps, puis il baisse de 7% au boutde dix-huit mois, et ensuite chaque année pour s’ajuster aux objectifs dedépenses de la sécurité socia<strong>le</strong>. Très vite, <strong>le</strong>s génériques sont donc jusqu’à80% moins chers que <strong>le</strong>s princeps. Je réfute donc l’idée que <strong>le</strong>sgénériques soient chers en France et nous avons d’ail<strong>le</strong>urs réalisé uneétude qui montre que nos prix sont dans la moyenne européenne. Notrepriorité col<strong>le</strong>ctive ne doit pas être de faire pression sur <strong>le</strong> prix des génériques,mais d’assurer <strong>le</strong>ur plus grande diffusion qui n’est aujourd’huiencore que de 35% en moyenne pour une spécialité donnée. Enfin, uneapproche uniquement centrée sur <strong>le</strong>s prix constitue une incitation à ladélocalisation, ce qui peut à terme avoir un coût pour <strong>le</strong>s patients : changementde forme du médicament, rupture d’approvisionnement, logiquede marché pure qui implique des prix beaucoup plus fluctuants, à la baissecomme à la hausse...CE DOUTE SUR LA QUALITÉDES GÉNÉRIQUES EST UNE POLÉ-MIQUE FRANCO-FRANÇAISERegards croisés sur la santé17


INTERVIEWEclairage européen : Col<strong>le</strong>ctif Europe et MédicamentPour une Europe du médicament au service des patientsPierre CHIRAC et Laure LECHERTIERMembres du Col<strong>le</strong>ctif Europe et MédicamentParmi <strong>le</strong>s pays européens, la France est souvent citée pour sa surconsommationet son offre pléthorique de médicaments, dont certainssont parfois dits inuti<strong>le</strong>s, voire dangereux. S’agit-il réel<strong>le</strong>ment d’unespécificité française ?Les comparaisons internationa<strong>le</strong>s montrent effectivement que la Franceest parmi <strong>le</strong>s tout premiers pays pour la consommation de médicaments,en montant et en volume. Les raisons de cette singularité sont sans doutemultip<strong>le</strong>s, d’ordre culturel, économique, etc. Il n'est pas sûr que <strong>le</strong> marchédu médicament français soit plus particulièrement encombré qued'autres de médicaments à balance bénéfices-risques défavorab<strong>le</strong> auxpatients, mais cela ne justifie en rien d'accepter cette situation, bien sûr.Et puis quand même, <strong>le</strong> désastre Mediator (benfluorex) a révélé qued'autres pays voisins (Belgique, Espagne, Suisse, etc.) avaient su réagirefficacement pour protéger <strong>le</strong>s patients.Cela étant dit, <strong>le</strong> Col<strong>le</strong>ctif Europe et Médicament ne travail<strong>le</strong> pas spécifiquementsur ces sujets. La mission que nous nous sommes donnée estde suivre <strong>le</strong>s projets rég<strong>le</strong>mentaires d’origine européenne et françaisedans <strong>le</strong> domaine de la santé et plus particulièrement du médicament etautres produits de santé ; d’en réaliser une analyse quant à <strong>le</strong>urs conséquencesprévisib<strong>le</strong>s pour <strong>le</strong>s soignants, <strong>le</strong>s patients, <strong>le</strong>s usagers, et <strong>le</strong>ssystèmes de protection socia<strong>le</strong> solidaire ; et d’en promouvoir activementdes améliorations.LE DÉSASTRE DU MEDIATOR ARÉVÉLÉ DE GRAVES LACUNESDANS LA FORMATION DES SOI-GNANTS, DES DÉFAUTS DANSL'ÉVALUATION DES MÉDICA-MENTS, DES CONFLITS D'INTÉ-RÊTS DANS LES AGENCES, DESDEMANDES TROP FORTES DESPATIENTS POUR DES SOLUTIONSMÉDICAMENTEUSES.Le scanda<strong>le</strong> du Mediator a, en France, révélé des lacunes dans <strong>le</strong>s dispositifsde pharmacovigilance. Il est maintenant prévu une implicationplus grande et plus directe des usagers et des associations dans <strong>le</strong>signa<strong>le</strong>ment des effets secondaires. Qu’en est-il dans <strong>le</strong>s autres paysde l’Union, et au niveau européen ?Avant de par<strong>le</strong>r des insuffisances de la pharmacovigilance en France, ilfaut rappe<strong>le</strong>r que <strong>le</strong> désastre du Mediator a aussi révélé de graves lacunesdans la formation initia<strong>le</strong> et continue des soignants, des défauts dansl'évaluation des médicaments, des conflits d'intérêts structurels dans <strong>le</strong>sagences, des attentes et demandes trop fortes des patients pour dessolutions médicamenteuses, etc.Pour en venir à la notification directe d'effets indésirab<strong>le</strong>s par <strong>le</strong>s patients,el<strong>le</strong> est à l’ordre du jour dans tous <strong>le</strong>s pays européens, puisqu’el<strong>le</strong> a étérendue obligatoire par la Directive 2010/84/UE, comme l’avait demandénotamment <strong>le</strong> Col<strong>le</strong>ctif Europe et Médicament. L’expérience ancienne duRoyaume-Uni, du Danemark, des Pays-Bas et cel<strong>le</strong> plus restreinte de laFrance autour du VIH-sida, a déjà prouvé tout l’intérêt d’une notificationdes effets indésirab<strong>le</strong>s par <strong>le</strong>s patients. D'abord, ils sont <strong>le</strong>s premiersconcernés par <strong>le</strong>s effets indésirab<strong>le</strong>s, et sont donc particulièrement motivéspour notifier. L’expérience montre aussi que <strong>le</strong>s patients ne notifientpas <strong>le</strong>s mêmes effets indésirab<strong>le</strong>s que <strong>le</strong>s soignants, probab<strong>le</strong>ment pourplusieurs raisons : par exemp<strong>le</strong> parce que <strong>le</strong>s soignants se lassent denotifier des effets indésirab<strong>le</strong>s connus, alors que <strong>le</strong>s patients <strong>le</strong>s découvrentet en souffrent de manière à chaque fois nouvel<strong>le</strong>. Par ail<strong>le</strong>urs, certainseffets indésirab<strong>le</strong>s sont banalisés par des soignants, alors que despatients ne <strong>le</strong>s supportent pas ; d’autres effets indésirab<strong>le</strong>s sont jugés diffici<strong>le</strong>sà aborder par <strong>le</strong>s soignants, par exemp<strong>le</strong> des troub<strong>le</strong>s urogénitauxou cognitifs, etc. Et certains soignants semb<strong>le</strong>nt estimer aussi que <strong>le</strong>seffets indésirab<strong>le</strong>s sont une sorte de "prix à payer", voire même unepreuve que <strong>le</strong> médicament est efficace... En conclusion, oui, c'est unetrès bonne chose que <strong>le</strong>s patients puissent notifier <strong>le</strong>s effets indésirab<strong>le</strong>s,ils contribueront ainsi de manière constructive à l'évolution des connaissancessur <strong>le</strong>s médicaments, et donc à <strong>le</strong>ur meil<strong>le</strong>ur usage.L’affaire Mediator a éga<strong>le</strong>ment exacerbé <strong>le</strong>s doutes sur l’indépendancedes experts intervenant dans <strong>le</strong> domaine des médicaments. Existe-t-il,dans certains pays, des initiatives novatrices pour gérer de façon crédib<strong>le</strong>et réaliste la question des liens et conflits d’intérêt, afin de réhabiliterla confiance envers <strong>le</strong> travail des experts ?Aux Etats-Unis d'Amérique, pays du libéralisme économique, de ladéfiance des citoyens envers <strong>le</strong>s autorités fédéra<strong>le</strong>s et <strong>le</strong> secteur publicen général, l'agence du médicament et des aliments FDA dispose de plusde 11 000 employés, contre 1 000 à l’ANSM (et 2 000 experts externes),et moins de 600 à l’EMA (avec 4 500 experts externes). C’est dire qu’il ya des manières très différentes de considérer cette question du recoursà l'expertise, en interne ou en externe.Au niveau international, il existe un débat ancien et sans cesse renouvelésur la question des conflits d'intérêts dans <strong>le</strong> domaine de la santé, etc'est un sujet très régulier dans la presse biomédica<strong>le</strong> internationa<strong>le</strong>. EnFrance, nous sommes encore au début de la prise de conscience desconséquences délétères pour <strong>le</strong>s patients de l'existence de conflits d'intérêtsdans <strong>le</strong> domaine du médicament, depuis la formation initia<strong>le</strong> etcontinue des soignants jusqu'à l'évaluation des médicaments par <strong>le</strong>sagences. En 2012, <strong>le</strong> Par<strong>le</strong>ment européen a refusé pendant plusieursmois de donner son quitus à l'Agence européenne du médicament pour<strong>le</strong>s années 2010 et 2011, en raison de sa non-gestion des conflits d'intérêts.C'est un bon signal que <strong>le</strong>s choses commencent à s'améliorer unpeu.Aux Etats-Unis encore, mais aussi au Royaume-Uni notamment, l’importancedes budgets publics de recherche clinique permet d’effectuer desessais très intéressants, mais aussi de constituer des panels d'experts18 Regards croisés sur la santé


indépendants des firmes. Certains diront que ce n'est pas réaliste d'envisagercela en France compte tenu de la crise financière. Et pourtant, desmédicaments mal étudiés et mal autorisés coûtent très chers en souffrancehumaine, en traitement des effets indésirab<strong>le</strong>s, en hospitalisations,en opérations des valves cardiaques notamment, etc.Concernant <strong>le</strong>s génériques, <strong>le</strong>ur place dans <strong>le</strong>s prescriptions semb<strong>le</strong>accuser un certain retard en France. A quoi cela est-il dû ?La situation de la France est une exception au niveau international.L’Al<strong>le</strong>magne, <strong>le</strong> Royaume-Uni et <strong>le</strong>s Etats-Unis par exemp<strong>le</strong>, ont des tauxtrès é<strong>le</strong>vés de prescription et d’utilisation des génériques, et cela depuisplusieurs décennies. Le mouvement de contestation des génériques enFrance par des médecins, Académie de médecine en tête, est surtout lapreuve d’un manque dramatique de formation initia<strong>le</strong> sur <strong>le</strong>s médicamentsen général, et sur <strong>le</strong>s génériques en particulier. Cela étant dit, il y a deslimites à l'utilisation des génériques, et il existe quelques rares cas bienconnus où il vaut mieux ne pas changer de médicament en cours de traitement,par exemp<strong>le</strong> en cas de marge thérapeutique étroite. Mais dans cescas, c'est vrai aussi si on a commencé avec un générique. En somme, l'espritcritique est une très bonne chose en matière de médicaments, mais ilfaut raisonner aussi sur des éléments scientifiques tangib<strong>le</strong>s. Le doute sur<strong>le</strong>s médicaments introduit par <strong>le</strong> désastre Mediator ne doit pas avoir poureffet indésirab<strong>le</strong> de tuer <strong>le</strong>s génériques en France !POUR ÊTRE UTILE, L’INFORMA-TION SUR LE MÉDICAMENT DOITÊTRE FIABLE. OR L’EXPÉRIENCEPROUVE QUE LES FIRMES PHAR-MACEUTIQUES NE SONT PAS UNESOURCE FIABLE.L’information sur <strong>le</strong> médicament est éga<strong>le</strong>ment un point faib<strong>le</strong> enFrance. La création d’un service public est d’ail<strong>le</strong>urs envisagée, mais onentend aussi par<strong>le</strong>r d’une sorte de « service après vente » des médicamentspar <strong>le</strong>s laboratoires. Qu’en est-il, dans <strong>le</strong>s différents pays européenset au niveau de l’Union, de la rég<strong>le</strong>mentation et de la mise enœuvre de l’information sur <strong>le</strong> médicament ?La rég<strong>le</strong>mentation européenne du médicament interdit la publicité grandpublic pour <strong>le</strong>s médicaments de prescription. La Commission européennen’a eu de cesse ces dix dernières années de faire <strong>le</strong>ver cette interdiction,ce à quoi <strong>le</strong> Col<strong>le</strong>ctif Europe et Médicament s’opposait, mais el<strong>le</strong> adû récemment abandonner ce projet face à l’hostilité du Par<strong>le</strong>ment et duConseil européens.Le Col<strong>le</strong>ctif Europe et Médicament est très favorab<strong>le</strong> à une meil<strong>le</strong>ureinformation des usagers et des patients sur <strong>le</strong>s médicaments, et plus largementsur la santé, la prévention, <strong>le</strong>s produits de santé, etc. Mais pourêtre uti<strong>le</strong>, cette information doit être fiab<strong>le</strong>. Or l’expérience prouve que<strong>le</strong>s firmes pharmaceutiques ne sont pas une source fiab<strong>le</strong> d’informationsur <strong>le</strong>s médicaments, en raison d'un insurmontab<strong>le</strong> conflit d'intérêts.Plusieurs procès aux États-Unis ont même montré qu’el<strong>le</strong>s étaientcapab<strong>le</strong>s de manipu<strong>le</strong>r grossièrement l’information sur <strong>le</strong>s médicaments,pour cacher des effets indésirab<strong>le</strong>s graves, depuis <strong>le</strong>s essais cliniquesjusqu'à la pharmacovigilance. Dans un "système après-vente", une firmeaura beaucoup de mal à vous dire d'al<strong>le</strong>r plutôt voir chez <strong>le</strong>s concurrents.C'est pourtant ce qu'il faut souvent dire aux patients. En termes de "serviceaprès-vente", ce qui manque cruel<strong>le</strong>ment aujourd'hui, c'est une participationimportante des firmes à la réparation des dommages et à l'indemnisationdes victimes de <strong>le</strong>urs médicaments. Là encore, <strong>le</strong> désastreMediator montre que l'on est très loin du compte et que tout reste à faire.Nous demandons que la question de la prévention des effets indésirab<strong>le</strong>s(y compris <strong>le</strong>s erreurs liées aux soins) d'une part, et de la réparation desdommages et l'indemnisation des victimes des produits de santé d'autrepart, soient des priorités de santé publique.Les génériques sont aussi souvent présentés comme plus chers enFrance, et plus globa<strong>le</strong>ment la politique de fixation des prix des médicamentssouffre d’un manque de transparence dans l’hexagone.Quel<strong>le</strong>s sont <strong>le</strong>s pratiques en matière de fixation des prix à l’étranger ?Plusieurs études ont été réalisées sur <strong>le</strong> prix des génériques en Europe :selon <strong>le</strong>ur méthodologie, el<strong>le</strong>s n’aboutissent pas aux mêmes conclusions.Les génériques sont moins chers que <strong>le</strong>s médicaments princeps car il ya peu de frais de recherche et développement. La décote de prix par rapportau princeps est aujourd’hui établie à environ 60% et pourrait probab<strong>le</strong>mentêtre augmentée. Toutefois, la question centra<strong>le</strong> est cel<strong>le</strong> de <strong>le</strong>urprescription et de <strong>le</strong>ur utilisation. La responsabilité de tous <strong>le</strong>s acteursdoit être engagée.Sur un plan général, la politique de prix manque en effet de transparence(absence de publication des clauses prix-volumes des laboratoires,absence de transparence sur <strong>le</strong>s composantes-clés des prix des médicaments-recherche, développement, marketing…-, absence de transparencesur l’accord cadre gouvernement-firmes). De plus, <strong>le</strong> système desremises versées par <strong>le</strong>s firmes en cas de dépassement des volumes estun système injuste, ne bénéficiant pas aux patients. Enfin, un tel systèmene fait qu’opacifier <strong>le</strong> marché, en déconnectant <strong>le</strong>s prix réels des prix affichés.Les pratiques à l’étranger ne sont pas plus transparentes.Le Col<strong>le</strong>ctif Europe et Médicament a été créé en 2002 à l'occasiond'une révision importante du cadre juridique européen dans <strong>le</strong> domainedu médicament. C'est un col<strong>le</strong>ctif informel constitué depuis l'originede quatre grandes famil<strong>le</strong>s d'acteurs de la santé : associations demalades, organisations familia<strong>le</strong>s et de consommateurs, organismesd'assurance maladie et organisations de professionnels de santé. Ilcollabore en permanence avec d'autres col<strong>le</strong>ctifs européens avec <strong>le</strong>squelsil élabore des positions et des actions communes.Pour en savoir plus : <strong>le</strong> site de la revue Prescrire permet d'accéder àdes travaux du Col<strong>le</strong>ctif.Pour en savoir plus :www.prescrire.org/Fr/1/194/ReportList.aspxRegards croisés sur la santé19


10, villa Bosquet75007 ParisTél. : 01.40.56.01.49www.<strong>le</strong>ciss.orgRegards croiséssur la santéLe Col<strong>le</strong>ctif Interassociatif Sur la Santé (<strong>CISS</strong>) représente depuis plus de 15 ans <strong>le</strong>sintérêts communs à tous <strong>le</strong>s usagers du système de santé et œuvre pour un accès detous à des soins de qualité.Le <strong>CISS</strong> rassemb<strong>le</strong> 40 associations nationa<strong>le</strong>s et 25col<strong>le</strong>ctifs régionaux intervenant dans <strong>le</strong> champ de lasanté à partir des approches complémentaires d’associationsde personnes malades et handicapées,d’associations familia<strong>le</strong>s et de consommateurs, d’associationsde personnes âgées et retraitées.Il veil<strong>le</strong> en particulier au respect des droits desmalades consacrés par la loi du 4 mars 2002.Les associations membres du <strong>CISS</strong>Nos missions• L'information des usagers du système de santé.• La formation de <strong>le</strong>urs représentants.• La définition de stratégies communes pour améliorerla prise en charge des usagers.• La communication publique de nos constats et denos revendications.Editeur : Le <strong>CISS</strong>10, villa Bosquet75007 ParisDirecteur de publication :Claude RambaudComité éditorial :Nicolas Brun,Marianick Lambert,Marc Morel, Marc ParisRédaction : Patrick RetouxADMD - AFD - AFH - AFM - AFPric - AFVS - AIDES - Alliance du Cœur - Alliance Maladies Rares - ANDAR -APF - Autisme France - AVIAM - Epi<strong>le</strong>psie France - Famil<strong>le</strong>s Rura<strong>le</strong>s - FFAAIR - FNAIR - FNAPSY - FNAR -FNATH - France Alzheimer - France Parkinson - FSF - La CSF - Le LIEN - Les Aînés Ruraux - Ligue Contre <strong>le</strong>Cancer - Médecins du Monde - ORGECO - SOS Hépatites - Transhépate - UAFLMV - UNAF - UNAFAM -UNAFTC - UNAPEI - UNISEP - UNRPA - Vaincre la Mucoviscidose - VMEHDes Col<strong>le</strong>ctifs existent aussi en région<strong>CISS</strong>-Alsace • <strong>CISS</strong>-Aquitaine • <strong>CISS</strong>-Auvergne • <strong>CISS</strong>-Basse-Normandie • <strong>CISS</strong>-Bourgogne • <strong>CISS</strong>-Bretagne •<strong>CISS</strong>-région Centre • <strong>CISS</strong>-Champagne-Ardenne • <strong>CISS</strong>-Corse • <strong>CISS</strong>-Franche-Comté • <strong>CISS</strong>-Guadeloupe •<strong>CISS</strong>-Haute-Normandie • <strong>CISS</strong>-I<strong>le</strong>-de-France • <strong>CISS</strong>-Languedoc-Roussillon • <strong>CISS</strong>-Limousin • <strong>CISS</strong>-Lorraine •<strong>CISS</strong>-Martinique • <strong>CISS</strong>-Midi-Pyrénées • <strong>CISS</strong>-Nord-Pas-de-Calais • <strong>CISS</strong>-Océan Indien • <strong>CISS</strong>-Pays-de-la-Loire •<strong>CISS</strong>-Picardie • <strong>CISS</strong>-Poitou-Charentes • <strong>CISS</strong>-Provence-Alpes-Côte d’Azur • <strong>CISS</strong>-Rhône-AlpesCoordonnées sur : www.<strong>le</strong>ciss.org/ciss-regionauxCrédits photos :© Droits réservés© S.Blot (p.7)Conception, réalisationet illustrations :Dialogue & Stratégiedialog.paris@wanadoo.frImpression : MEGATOPTirage : 5 000 exemplairesISSN : 1969-1386Santé Info DroitsUne question juridique ou socia<strong>le</strong> liée à la santé ?Notre équipe d'écoutants, composée d'avocatset de juristes spécialisés, est là pour vous répondre !Réalisé grâce au soutien duwww.<strong>le</strong>ciss.org/sante-info-droits

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