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Mars 2008 - Fadben

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M E D I A D O CF A D B E NFédération des enseignants documentalistesde l’Education NationalePrésidente :Françoise ALBERTINIBureaux parisiens :25 rue Claude Tillier75012 PARISTél. : 01.43.72.45.60fadben@wanadoo.frhttp://www.fadben.asso.frSuivi éditorial :Ivana BALLARINI-SANTONOCITOAbonnement servi aux adhérentsVente au numéro : 10 €5 0 a n sd e s C D IM a r s 2 0 0 8P r o f e s s e u rd o c u m e n t a l i s t eMémoire de luttes,raisons de combattreS o m m a i r eEdito ............................................................................................................................................................................ p. 2Ivana Ballarini-SantonocitoGuide de construction d’une profession évolutive ............................................................................................... p. 3Jean-Paul BraunLe professeur documentaliste, la fabrique d’un métier : vers une didactique de l’informationdocumentation............................................................................................................................................................ p. 8Jean-Louis CharbonnierL’action de la FADBEN : promouvoir les CDI, faire reconnaître une profession ...................................... p. 11Françoise Chapron50 ans. Temps perdu ? Temps retrouvé ? ............................................................................................................ p. 17François Roux1986-<strong>2008</strong> : et si on revenait aux sources ? .......................................................................................................... p. 20Robert MartinLe dialogue avec l’institution : un marché de dupes nécessaire ....................................................................... p. 22France Vernotte PrévostAction associative et institution : l’exemple du protocole d’inspection des professeurs documentalistes etdu référentiel métier produit par la FADBEN .................................................................................................... p. 25Isabelle FuctusLa FADBEN et les réformes : de l’anticipation à la généralisation, des solutions insolubles ...................... p. 28Colette Charrier-LigonatL’action de la FADBEN : organiser huit congrès et proposer une réflexion prospective ........................... p. 31Gilles PerrinRepères chronologiques .......................................................................................................................................... p. 35ISSN 1260-7649MEDIADOC FADBEN - 1 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


Edito…<strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>, le 8 ème Congrès de la FADBEN se prépare, ouvrant une fois de plus la réflexion professionnellevers l’avenir. Gilles Perrin dresse ici un panorama exhaustif des huit Congrès aux thématiques d’avant-garde.Avenir porté par cette culture de l’information qui entre dans l’école avec son lot d’enjeux éducatifs et desavoirs nouveaux dont la didactique de l’information s’empare pour en faire des objets d’étude avec en pointde mire la formalisation d’un curriculum documentaire. Jean-Louis Charbonnier, un des pionniers de cettedidactique, explicite pour nous les fondements historiques de la « fabrique » du métier de professeurdocumentaliste. Métier tourné, dès son origine, vers les apprentissages scolaires et donc de natureessentiellement pédagogique et didactique.Mais si les enjeux de la culture de l’information sont unanimement reconnus, le dialogue avec l’institutionressemble souvent à un « marché de dupes », nous dit France Vernotte-Prévost. Et s’il est vrai que le contexteinstitutionnel, malgré tout parfois favorable, n’a jamais été simple, il devient, depuis l’introduction en 2004 duconcept de Politique documentaire d’établissement, de plus en plus inquiétant.Pour preuve le Protocole d’inspection aux allures de circulaire de missions déguisée qu’Isabelle Fructusanalyse en le mettant en parallèle avec le Référentiel métier publié par la FADBEN : deux visions quelque peudifférentes du métier se font ici jour. Viennent ensuite le Cahier des charges des IUFM et le rapport sur Le stage enresponsabilité dans la formation initiale des professeurs dénonçant le « risque pour le système éducatif » quereprésenterait la « responsabilité d’enseignement » confiée aux professeurs documentalistes. Citons encore lagrille d’évaluation des PLC2 où vient d’être ajoutée une colonne « Non concerné » qui renverrait, dans le casdes professeurs documentalistes, aux trois compétences fondatrices du rôle de tout enseignant (concevoir uneséquence, organiser le travail de la classe et évaluer les élèves)…Suite d’initiatives qui portent atteinte à la mission pédagogique instituée par la Circulaire de missions de1986 et la création, en 1989, du CAPES de Sciences et techniques documentaires, pourtant toujours envigueur et que la FADBEN a activement contribué à instaurer. Ecoutons Robert Martin et François Roux enrelater l’épopée.A contrario, la mission gestionnaire est amplifiée par l’assignation d’un rôle prédominant de conceptiond’une politique documentaire étendue et de pilotage d’un système d’information ayant pour objectif la mise àdisposition de ressources et l’accroissement du marché du numérique. Est-ce là l’avenir qui s’ouvre à nous ?Nous pouvons à juste titre nous inquiéter, avec Colette Charrier-Ligonat, des orientations prises actuellementen matière de politique éducative, alors que dans les années 90 et 2000 un vent rénovateur apportait la miseen place des « nouveaux dispositifs » laissant, idéalement, une large place aux apprentissages infodocumentaires.Une fois de plus, la FADBEN veillait au grain !Alors, l’envie nous prend de revenir à nos fondamentaux, aux sources de ce qui a toujours été le combat etla dynamique portés par la FADBEN. L’envie nous prend de revisiter notre histoire, d’aiguiser notre actionprésente aux luttes et aux stratégies qui nous ont permis d’avancer, depuis 50 ans que les CDI existent, depuisplus de 20 ans que la circulaire qui régit nos missions nous protège, depuis près de 20 ans que le CAPES nousaccorde ce statut d’enseignant qui nous tient à cœur.Françoise Chapron, mémoire ardente de tous les combats, passés et présents, menés par la FADBEN,nous guide sur ce chemin qui, depuis 1958, date d’ouverture du premier CDI, a abouti à la création duCAPES en 1989.Jean-Paul Braun réinterroge lui aussi cette période, faisant un détour par la sociologie des professions pourmieux comprendre le processus de professionnalisation entrepris alors, et se demandant si les éléments quiont contribué à cette construction peuvent être convoqués à nouveau aujourd’hui.Si les CDI et la profession d’enseignant documentaliste se sont construits dans l’élan de la massification etde la démocratisation de l’école, le contexte actuel de restriction budgétaire et de soumission aux lois de larentabilité et du marché n’augure rien de bon, certes……reste le sursaut démocratique et citoyen impulsé par les enjeux liés au développement d’une culture del’information à l’école qui, des pratiques informelles et guidées par les intérêts commerciaux, devraitpermettre d’accéder à une culture humaniste réfléchie et maîtrisée. C’est là le message du 8 ème Congrès.Replongeons alors aux sources de notre histoire pour continuer à construire ensemble un avenir porteurd’espoir. C’est là le message unanime des contributeurs de ce numéro, tous fidèles acteurs de la FADBEN.Ivana Ballarini-SantonocitoMEDIADOC FADBEN - 2 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


Guide de construction d’une profession évolutiveJean-Paul BraunDocteur en sciences de l’éducationL’histoire commence il y a cinquante ans… En janvier 1958, à l’instigation de Ch. Brunold, alors Directeur duSecond degré, l’Inspecteur général Jacotin avait sollicité Marcel Sire, proviseur du lycée Janson-de-Sailly, pourl’ouverture, à titre expérimental, d’un service de documentation dans son établissement. Il avait été choisi avec cettearrière-pensée que, si l’expérience y réussissait, il ne pourrait qu’en être de même dans d’autres établissements, pluslégers en effectifs et d’organisation plus souple. La personnalité du proviseur dut aussi intervenir dans ce choix :diplômé de l’ENS Saint-Cloud, Marcel Sire exerça la fonction de professeur de sciences naturelles ; sa formation denaturaliste n’était sans doute pas étrangère à son intérêt pour les méthodes actives d’observation et d’expérimentationqu’une circulaire au titre précurseur avait mises en avant dès 1952 1 . Par la suite, Marcel Sire sera nommé Inspecteurgénéral de l’Instruction publique en 1966, affecté au département de la Vie scolaire qui venait d’être créé ; à ce titre, ilsuivra de près l’évolution des centres de documentation jusqu’à son départ en retraite en 1972.Mais, pour l’heure, en 1958, on ne parle pas encore de CDI. L’appellation retenue pour ce premier service dedocumentation a été Centre local de documentation pédagogique. Appellation certes ampoulée pour un serviceembryonnaire mais qui visait d’emblée un objectif ambitieux : être à l’échelon d’un établissement ce que les Centresrégionaux de documentation pédagogique (CRDP) étaient à l’échelon des académies. La bibliothèque que le lycéeJanson-de-Sailly possédait déjà, réservée aux professeurs et aux élèves de Khâgne, devient donc CLDP. L’organisationen est confiée à un professeur d’histoire-géographie, Jean-Gabriel Gaussens, adjoint d’enseignement, qui devient ainsi lepremier documentaliste exerçant en établissement scolaire, et même le premier professeur documentaliste, dans lamesure où il continue à assurer une partie de son service en classe !L’expérience est rapidement étendue à une vingtaine d’établissements de la grande région parisienne, sous la houlettede Simone Marchais, une collaboratrice de l’Inspecteur général Jacotin, chargée de ce dossier. Depuis son bureau del’Institut pédagogique national, 29 rue d’Ulm, mais le plus souvent sur le terrain, elle conseille les chefs d’établissements,recrute et initie les documentalistes, organise les premières formations. Cinquante ans après, le paysage a bien changé.La quasi-totalité des établissements publics sont dotés d’un CDI. Les documentalistes sont titulaires d’un CAPESspécifique, formés en IUFM comme tout professeur, et leur rôle pédagogique est mis en avant par la circulaire qui régitleur mission. Pour autant, rien ne semble acquis pour cette profession encore jeune qui, aujourd’hui comme hier, n’enfinit pas de douter sur les intentions des décideurs à son égard. Afin d’y voir plus clair, un détour par une analysesociologique n’est pas inutile. Le modèle élaboré au sein du département de sociologie de l’université de Chicago nousaidera à comprendre le processus de construction d’une profession.L’Ecole de ChicagoDans la continuité du fonctionnalisme, mais en rupture sur certains points, l’interactionnisme va contribuer àrenouveler la sociologie des professions. Everett Hugues est le chef de file de cette tendance qui correspond à laseconde période de l’Ecole de Chicago. Pour les interactionnistes, on appelle profession un métier qui a réussi à se fairereconnaître et à se faire accepter comme un organe essentiel de la société. Il n’y a donc pas lieu de faire une distinctionradicale entre métier et profession : une profession, c’est un métier qui a réussi. Réussi quoi ? Et comment ?Dans la société, quand est fabriquée une nouvelle machine, quand le besoin d’une nouvelle fonction apparaît, ondonne à un certain nombre de gens la permission, l’autorisation légale, d’utiliser cette machine, de remplir cettefonction ; ce que Hugues appelle licence. Très peu de temps après, ces mêmes gens vont se retourner vers la société et, aunom du travail bien fait, au nom de la compétence acquise, au nom de leur investissement personnel, ils vontrevendiquer une mission ; ce que Hugues appelle mandate, qu’on peut comprendre comme une addition de vocation à etde compétence pour. Au nom du mandate, ces nouveaux venus vont plaider pour le monopole d’exercice de leur fonction. Acet effet, il faut trouver un nom, qui marque le territoire professionnel que l’on veut occuper. Sous ce nom doitapparaître la volonté de préciser une (ou plusieurs) activité(s) centrale(s) : on établit des frontières. Prenons l’exempledes métiers qui apparaissent aujourd’hui en France dans le développement local. On rencontrera très peu de personnespour nous dire « je suis développeur local ». Non, ces personnes nous expliquent plutôt « pour développer, il faut fairececi, cela », nous parlent d’urbanisme, puis précisent leurs responsabilités dans ce cadre : c’est la phase de clôture del’espace professionnel. D’ici quelque temps, un nom (ou des noms) de métier se fera connaître pour couvrir cet espace.Pour que s’effectue le passage du licence au mandate, il faut qu’un groupe de promoteurs de la profession se pose enporte-parole et défenseur des intérêts de la profession. Ceux que le sociologue Howard S. Becker baptise les« entrepreneurs de morale » parce qu’ils cherchent à créer des normes et à les faire appliquer. Par exemple : l’entrée dans1 « Le rôle de la documentation dans l’enseignement du second degré », circulaire du 13 octobre 1952.MEDIADOC FADBEN - 3 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


la profession, la formation, la carrière, la déontologie. Pour Hugues, toutes les professions construisent des plaidoyersprofessionnels, créent un monde dans lequel ce plaidoyer professionnel est plausible. Ce sont surtout les organisationsprofessionnelles (les Ordres pour certaines professions libérales) qui perpétuent ces discours, en veillant aux modesd’accès, en délimitant l’espace d’exercice de la profession et en surveillant le déroulement des carrières. En effet, il estimportant d’envisager le concept de carrière sans lequel l’exercice du métier relèverait d’une routine sans perspective etdonc sans motivation. Il y a, bien sûr, des carrières ascendantes bien lisibles, comme dans la diplomatie ou dans l’armée.On peut aussi envisager la carrière sur un autre plan que celui des revenus et du prestige : par exemple, une carrièregéographique pour un enseignant. Dans le cadre de la carrière, les professions cherchent à créer des situations quipermettent au novice de s’identifier à ce qu’il sera plus tard, de se projeter dans l’avenir à partir de la situation présente :il peut alors imaginer quels seront ses responsabilités et ses revenus à moyenne et longue échéance. Ainsi, un jeuneénarque en stage à l’ambassade de France à Washington peut se laisser aller à rêver qu’un jour il occupera le logementde fonction de Son Excellence. Projection qui participe à la fois de l’initiation et de la socialisation : c’est la loi de laséniorité.Retour au CDISans perdre de vue le détour théorique que nous venons d’effectuer, il est temps de revenir plus explicitement àl’histoire des CDI commencée par la création d’un CLDP au lycée Janson-de-Sailly en 1958. La date n’est pas sansintérêt, elle nous ramène à l’histoire de l’enseignement et de l’éducation. Conçu dans l’immédiat après-guerre, le planLangevin-Wallon, qui va rester pour longtemps une référence majeure sans jamais atteindre le stade des décisionsministérielles, s’inscrit dans la mouvance de « L’Ecole nouvelle », foisonnement de mouvements qui militaient pour larénovation de la vie scolaire. En 1945 est ainsi entreprise l’expérience des « classes nouvelles », sous l’égide de GustaveMonod, alors Directeur de l’enseignement secondaire. Une pédagogie originale accompagne la structure des classesnouvelles : individualisation basée sur l’étude psychologique, appel à l’intérêt profond et au besoin d’invention,éducation à la responsabilité, développement du sens social, importance donnée à l’étude du milieu naturel et humain.Des déclarations d’intentions que n’auraient reniées ni Célestin Freinet ni Roger Cousinet, et qu’on retrouvera, pourcertaines, retranscrites dans la circulaire du 13 octobre 1952 sur le rôle de la documentation dans l’enseignement dusecond degré.Dans le même temps, on met en place dans certains établissements des bibliothèques centrales d’élèves, à l’exemplede celle qui s’est ouverte en 1947 au lycée Longchamp de <strong>Mars</strong>eille. Comme l’indique l’adjectif, elles ont pour missionde rassembler en un même lieu les bibliothèques de classe que certains professeurs pouvaient tenir en utilisant unearmoire au fond de leur salle de cours. Par cette centralisation, on espère toucher un public plus large. On diversifieaussi le type d’ouvrages mis à la disposition des élèves : à côté des indispensables classiques privilégiés par lesprofesseurs de Lettres, on commence à acheter des romans que l’on classerait aujourd’hui dans la catégorie « littératurede jeunesse ». Mais on achète également des ouvrages documentaires destinés à favoriser la curiosité intellectuelle et letravail de recherche. Une volonté pédagogique s’affirme ainsi, qui va jusqu’à conditionner l’emprunt de plusieurs livresde bibliothèque à l’emprunt d’un documentaire. De plus, des expériences d’animation sont parfois tentées, inspirées dece que mettent en place certaines bibliothèques publiques, comme L’Heure joyeuse à Paris 2 .Le dernier élément historique à prendre en compte pour bien comprendre le contexte de l’émergence et dudéveloppement des CDI, c’est évidemment le mouvement de massification de l’enseignement qui se concrétise avec laV° République par l’ouverture du secondaire à tous les enfants de la nation : réforme Berthoin de 1969 qui prolongel’obligation scolaire jusqu’à 16 ans ; réforme Fouchet de 1963 qui crée les collèges d’enseignement secondaire pouraccueillir cette population nouvelle et nombreuse ; et enfin, instauration du collège unique avec la réforme Haby de1975. Il y a une vingtaine d’années, l’historien de l’éducation Antoine Prost situait le développement des CDI dans lecadre de cette démocratisation 3 . Au XIX e siècle, expliquait-il, les salles d’études étaient prévues dans les établissements,chaque élève y avait sa place assignée et même les externes devaient y passer quelques heures par jour. Avec ladisparition progressive de l’internat, les lycées se sont reposés sur les familles quant au soin de fournir aux élèves leurcadre habituel de travail personnel. Tant que ces familles étaient, pour la plupart, bourgeoises, cela ne posait aucunproblème. La population scolaire d’aujourd’hui est différente : beaucoup d’élèves rentrent chez eux avant leurs parentset habitent dans des logements où la place est mesurée. Surtout, ils n’y disposent pas de livres de référence alors que labourgeoisie d’autrefois soignait ses bibliothèques. D’où l’importance des CDI, qu’il avait été décidé de créer dans tousles établissements du second degré. En même temps qu’il faisait cette analyse d’une logique démocratique imposant lacréation des CDI, Antoine Prost était bien conscient des limites de leur développement : CDI trop petits, personnel ennombre insuffisant pour assurer une ouverture optimale, pauvreté des budgets affectés.2 Fondée en 1924, « L’heure joyeuse » s’inscrivait dans la lignée des bibliothèques pour enfants d’inspiration anglo-saxonne : lecturesur place, prêt de livres et activités d’animation. De nombreux bibliothécaires et documentalistes y ont suivi des stages deformation.3 Prost, Antoine. Eloge des pédagogues.- Paris : Seuil, 1985.MEDIADOC FADBEN - 4 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


Du service au centreQue l’on envisage la création des CDI sous l’angle d’une logique démocratique (la prolongation de la scolaritéobligatoire) ou d’une logique managériale (le regroupement des ressources), le comportement attendu dudocumentaliste s’inscrit dans une logique de service. Il est là pour répertorier, classer, accueillir et mettre à disposition.D’ailleurs, si l’on met à part le cas du premier CLDP du lycée Janson-de-Sailly, les premiers services avaient pour sigleSD. Ils étaient des services de documentation jusqu’en 1966 où ils deviennent SDI, services de documentation etd’information. A l’origine, le SD, installé dans une seule salle, n’accueille que les professeurs qui y trouvent unedocumentation légère et un matériel sommaire de reprographie. A cette époque, la reprographie de textes était mêmeapparue comme un moyen de montrer l’utilité du SD, de le faire connaître et d’inciter les professeurs à le fréquenter :c’est peut-être pour cette raison qu’on rencontre encore aujourd’hui, ici ou là, des CDI ayant en charge laphotocopieuse des professeurs ! Rapidement, les SD se sont ouverts aux élèves, aussi bien parce qu’ils ont centralisé lesbibliothèques de classe au profit d’une bibliothèque d’établissement que parce qu’on les a associés à la pédagogie desméthodes actives.Responsable d’un service, le documentaliste est aussi souvent perçu comme au service de. Font partie desreprésentations rattachées à cette expression les notions d’obligation, de charge, de servitude. On évoque alors lepersonnel, la domesticité. Cette idée a pu être renforcée par le fait que les documentalistes ont été, jusqu’à la création duCAPES de Documentation, recrutés parmi les maîtres auxiliaires et les adjoints d’enseignement. De ces derniers, leGrand Larousse Universel nous dit qu’il s’agit de « fonctionnaires titulaires de la licence chargés dans les lycées etcollèges d’un service mixte d’enseignement et de surveillance. Créés par le décret du 2 décembre 1945, ils ont remplacéles répétiteurs et les professeurs-adjoints. » On sent rôder autour de nous les mânes des pions tristes que la littératurenous a fait connaître avec Alphonse Daudet (Le Petit Chose) et Jules Vallès (Le Bachelier). La nomination de professeursen reconversion (maladie, problèmes relationnels avec les élèves) sur des postes de documentalistes n’a pu querenforcer négativement cette image. Dans ce registre des rapports ancillaires, le documentaliste n’occupe décidémentpas la bonne place… puisque c’est la place de la bonne !Heureusement, les choses ne vont pas rester en l’état car il y eut, dès le début, des volontés convergentes pourattribuer aux services de documentation une place centrale au sein du système éducatif, et pas seulement par leregroupement en un même lieu de toutes les ressources de l’établissement. Ces volontés convergentes émanaient depionniers venus de trois horizons différents : de l’institution elle-même, des chercheurs en pédagogie et enfin desprofessionnels du terrain.Parmi les pionniers institutionnels, il faut citer, outre Marcel Sire que j’ai déjà évoqué, deux Inspecteurs généraux,auteurs de rapports qui ont permis des évolutions : Messieurs Tallon (1974) et Quencez (1982). Avec les délaisinhérents aux lenteurs administratives, à l’évolution des mentalités et aux opportunités politiques, ces rapportsdéboucheront sur les circulaires de 1977 (circulaire de fonctions) et de 1986 (circulaire de missions). A mi-chemin entreles parutions de ces deux circulaires, le ministre de l’Education nationale Joseph Fontanet hérita, entre autres, durapport de la commission Joxe qui avait été chargée d’analyser le malaise des enseignants du second degré et deproposer des mesures pour favoriser l’évolution de la relation pédagogique.Dans sa conférence de presse du 24 janvier 1973, le ministre annonça, parmi d’autres mesures qu’il retenait de cerapport, la mise en place progressive, en cinq ans, de centres de documentation et d’information dans tous lesétablissements 4 . Cette décision est capitale à plus d’un titre, même s’il fallut attendre plus de vingt ans pour que soittenue la promesse d’un CDI par établissement. Premièrement, on voit apparaître l’appellation que nous connaissonsencore aujourd’hui : le SDI devient CDI et cela entraîne des répercussions pour son implantation et son aménagement :« Le fonctionnement du centre documentaire ne peut être que facilité par un regroupement aussi fonctionnel quepossible des divers éléments qui le composent (bibliothèques, salles de lecture, salles de documentation). On peutestimer que l’intégration de ces divers éléments en un seul ensemble, diversifié et modulé selon les fonctions, est lameilleure solution 5 . » Au moment où la réforme Fouchet fait sortir de terre des centaines de CES, les architectesimaginent des CDI répondant à ces normes. En deuxième lieu, dans cet après-mai 68, il faut des leviers pour faireévoluer l’école. Pendant les années qui vont suivre, les CDI et les documentalistes vont être considérés comme un desleviers possibles de l’innovation. On retrouvera cette option du ministre Fontanet notamment sous les ministèresSavary (avec les chantiers de la rénovation) et Jospin (allocution de Strasbourg).Encore faut-il, dans cette perspective, que les documentalistes présentent un profil approprié à cette missionnouvelle. La question -récurrente- de leur statut au sein de la communauté des professeurs est posée. En même tempsque s’affirme leur rôle pédagogique, ils n’en voient pas la traduction en termes de carrière. De ce fait, ils sont en porteà-fauxpar rapport aux professeurs de disciplines, par rapport à leur chef d’établissement et parfois même par rapport à4 Prost, Antoine. Histoire générale de l’Enseignement et de l’Education en France, tome IV.- Paris : Nouvelle Librairie de France, 1981 p.347.Signalons qu’Antoine Prost joua un rôle déterminant pour promouvoir les CDI au sein de la commission Joxe.5 « Aménagement des CDI », circulaire ministérielle du 14 mars 1974.MEDIADOC FADBEN - 5 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


leurs élèves. Un malaise persistant pèse alors sur ce nouveau corps qui veut trouver dans la promotion de la pédagogiedocumentaire la voie de sa propre reconnaissance.Pédagogie et documentationDans cette quête, ceux que j’appelle les pionniers de la pédagogie seront les adjuvants les plus efficaces desdocumentalistes. Au premier rang de ces pionniers, il faut placer Jean Hassenforder dont on connaît les étudesdéterminantes dans le domaine des bibliothèques, de la lecture et de la documentation 6 . En 1977, il publie encollaboration avec Geneviève Lefort, un recueil d’expériences qui devait s’imposer comme la référence pour l’utilisationpédagogique de la documentation 7 . Les auteurs envisagent les centres documentaires comme constituant unenvironnement favorable à l’étude, le cadre d’un milieu de vie propice au développement culturel. Mais il y a plus.Certes, par leurs connaissances des documents, par les services qu’ils mettent en œuvre, les documentalistes peuventapporter un concours utile aux enseignants. Leur rôle ne s’arrête pas là : ils exercent une influence éducative directeauprès des élèves tant par l’environnement documentaire lui-même que par les conseils donnés.Cinq ans plus tard, le livre d’Albert Moyen consacré au travail autonome confirma cette orientation en lui proposantdes applications pratiques 8 . Dans sa partie centrale, le livre présente l’activité documentaire comme un des pivots dutravail autonome, et les CDI comme supports de cette activité doivent permettre l’accession à une plus grandepossibilité d’autonomie. Albert Moyne met en évidence le triple rôle du documentaliste : rôle administratif, rôle humain,rôle pédagogique.A sa façon, la circulaire de missions de 1986 qui situe l’activité des documentalistes dans le cadre de la rénovationpédagogique précise les conclusions de ces chercheurs en affirmant d’emblée que la mission du documentaliste est « denature essentiellement pédagogique » et qu’elle doit être conduite en étroite liaison avec les professeurs del’établissement. Nous ne nous attarderons pas ici sur le contenu de cette circulaire qui est étudiée par ailleurs dans cenuméro.Inter-CDI et la FADBENDans la lente maturation de cette fonction, il faut souligner le rôle des pionniers de la profession en lien avec lespionniers de l’institution et les pionniers de la pédagogie dont je viens de parler. Ces pionniers de la profession sont desdocumentalistes de terrain qui ont voulu briser l’isolement et se donner collectivement les moyens d’influer sur le coursdes choses. Sociologiquement, ils correspondent à la catégorie des « entrepreneurs de morale », au sens où Beckeremploie cette expression. Ils ont pesé sur l’organisation de la profession à la fois sur un plan symbolique et sur un planpratique. C’est le cas notamment de la revue Inter CDI et de l’association professionnelle FADBEN.C’est en 1972 qu’un documentaliste d’Etampes, Roger Cuchin, lance la revue Inter SDI, dont il assurera la rédactionen chef jusqu’en 1996 (avec le changement de titre qui s’imposera). Ce périodique bimestriel va très vite toucherl’ensemble des documentalistes de France et constituer entre eux un trait d’union indispensable et irremplaçable. Enfaisant le pari de leur donner la parole, et ils ont su la prendre. A côté des signatures des rédacteurs habituels, on peut ylire des articles envoyés à la rédaction par des documentalistes présentant leurs expériences de la base dans tous lesdomaines où s’exerce leur fonction : statut, pédagogie documentaire, littérature de jeunesse, audiovisuel, informatique,voyages, action culturelle, techniques documentaires, bibliothéconomie, 10%, PAE, etc… Sur la longue durée, la lecturedu « Courrier des lecteurs » et de la « Tribune libre » montre bien comment, par la plume, les documentalistes ont suexprimer toute leur impatience devant les lenteurs et les incohérences de l’Administration, souvent ressenties commedes injustices. Participant à la fois de l’exutoire et de la catharsis, ces deux rubriques ont, par leur pouvoird’identification collective, contribué à la construction de l’identité professionnelle de la fonction 9 . Mais cela n’aurait passuffi si la FADBEN, sans lien organique avec Inter-CDI mais dans une proximité très étroite de préoccupations, n’avaitpas réussi à fédérer les énergies pour la défense et l’illustration d’un métier nouveau. D’autres auteurs précisent dans cenuméro le rôle éminent joué par cette association créée en 1972, je n’y insiste donc pas davantage. Il convient d’ajouter,pour être complet, que les organisations syndicales se sont montrées actives pour faire avancer les revendications desdocumentalistes, par exemple au moment des discussions sur le projet de statut (malgré les approches différentes sur cesujet entre le SNES et le SGEN). Le point d’orgue de l’activité de la FADBEN à cette époque a été la venue à sonpremier Congrès, à Strasbourg le 19 mai 1989, du ministre de l’Education nationale, Lionel Jospin. Il y prend la parolepour une allocution qui résonne aux oreilles des congressistes comme la reconnaissance institutionnelle tant attendue etla justification de leur engagement. Le ministre prend l’engagement de créer un CDI dans tous les établissements quin’en sont pas encore pourvus. Il annonce la création d’un CAPES de sciences et techniques documentaires qui établit6 Voir : « Hommage à Jean Hassenforder », in Perspectives documentaires en éducation n°42, 1997 (INRP Publications).7 Hassenforder, Jean, Lefort, Geneviève. Une nouvelle manière d’enseigner : Pédagogie et documentation.- Paris : Les cahiers de l’enfance,1977.8 Moyne, Albert. Le travail autonome.- Paris : Fleurus, 1982.9 Voir : Viry Claude « La revue Inter-CDI, moteur de la construction de la profession de professeur documentaliste » in Perspectivesdocumentaires en éducation n° 58, 2003 (INRP).MEDIADOC FADBEN - 6 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


l’égalité statutaire des documentalistes et des autres enseignants. Comme ces derniers, les documentalistes seront formésdans les IUFM nouvellement créés. Enfin le ministre relie étroitement le rôle des documentalistes aux grands principesde la Loi d’orientation et place les CDI au service de la dynamique de rénovation.Et maintenant…Presque vingt ans ont passé. Evidemment, l’histoire ne s’est pas arrêtée en 1989 ! Si la création du CAPES aconstitué une avancée certaine on sait qu’elle n’a pas résolu tous les problèmes. Comment croire à l’égalité statutairequand professeur documentaliste et professeur de discipline ne sont toujours pas considérés de la même façon pour letraitement, par exemple, des heures supplémentaires et de l’ISOE ? Comment parler de rénovation pédagogique quanddes chefs d’établissement utilisent encore le CDI comme une permanence ? Et que signifie cette impossibilité, malgrédeux élaborations récentes successives, de publier une nouvelle circulaire de mission plus en phase avec les besoins dela période actuelle ? Ces questions en cachent d’autres, qui sont bien plus importantes.En effet, si l’on a suivi l’argumentation que j’ai proposée, on admettra que nous sommes en présence d’un besoinnouveau dans la société d’aujourd’hui. Celui d’éduquer tous les jeunes, de leur entrée à l’école jusqu’à leur sortie dusystème scolaire, à l’usage raisonné des technologies de l’information et de la communication. On admettra égalementque si les professeurs documentalistes souhaitent apporter leur contribution à cette éducation, les conditions d’exercicede leur fonction doivent évoluer sensiblement. Si les besoins de la société sont suffisamment prégnants et définis, alorsil faut que s’opère à nouveau la synergie qui a permis à la fonction de documentaliste de se développer jusqu’à lacréation du CAPES. Comme nous avons essayé de le démontrer, cette synergie doit réunir trois catégories departenaires, dont les intérêts ne sont pas coïncidents, pas nécessairement au départ, mais qui sont appelés à faire naîtreles compromis qui permettront la meilleure prise en compte de la nouvelle exigence sociale. Ces trois catégories departenaires correspondent à ceux que nous avons appelés pionniers dans cet article en évoquant la genèse de laprofession. Le lecteur saura faire la transposition en comprenant que c’est une partie à trois qui se joue.Les pionniers institutionnels. Aujourd’hui, les instances ministérielles et l’Inspection générale. On peut considérerque le rapport Durpaire, en 2004, s’inscrivait dans cette lignée.Les pionniers de la pédagogie. Aujourd’hui, tous ceux -chercheurs universitaires et acteurs du terrain- qui s’attachentà donner un contenu à l’idée d’un cursus de formation à la maîtrise de l’information. On pense notamment auxréférentiels FADBEN (1997, 1998, 2007), aux Assises nationales Education à l’information et à la documentation. Cléspour la réussite de la maternelle à l’université (2003), aux travaux conduits par l’équipe réunie autour de PascalDuplessis dans l’académie de Nantes.Les pionniers de la profession. Aujourd’hui, comme autrefois, il s’agit de l’organisation professionnelle FADBEN etdes organisations syndicales qui, d’ailleurs, procèdent à des rapprochements sur des dossiers spécifiques.Les passerelles existent déjà entre ces trois catégories. Parfois informelles, parfois dans des cadres organisationnelsbien précis. Parfois dans la compréhension mutuelle, parfois à la limite du blocage. Chacun ne part pas du même pointet tous ne visent sans doute pas la même ligne d’arrivée. Mais il faudrait bien que les chemins se croisent et qu’à traversles approches différentes et les rapports de force qui en découlent une ligne claire se dessine pour engager lesprofesseurs documentalistes, dans le respect de leur héritage (pédagogique, éducatif et culturel), à leur juste place dansce défi que nous devons tous relever pour la société de demain : l’éducation des jeunes à la maîtrise de l’information. Ceserait un beau cadeau pour les noces d’or des CDI. Michel Treut François Roux Claude Péquignot Claude Fournier Françoise Chapron© Françoise ChapronMEDIADOC FADBEN - 7 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


Le professeur documentaliste, la « fabrique » d’un métierVers une didactique de l’information-documentationJean-Louis CharbonnierProfesseur honoraire, IUFM de NantesCe cinquantième anniversaire de la création du premier « service de documentation » au Lycée Janson-de-Sailly à Paris sera pour moi essentiellement l’occasion de souligner le passage du paradigme du « service »auquel étaient affectés des personnels dont la qualification n’avait pas eu besoin d’être attestée par uneprocédure formelle, à celui d’une « fonction d’enseignement » qui caractérise des personnels affectés dans lecadre d’une procédure formelle de recrutement, un concours, en l’occurrence, le CAPES de documentation,et qui, désormais, ont reçu une double responsabilité : être des professionnels de l’informationdocumentationpour faire exister ce qui est devenu en 1973 le « centre de documentation et d’information »et, dans le même temps, former les élèves à des pratiques réfléchies et informées des systèmes d’informationdocumentation.Autrement dit, pourquoi d’une fonction essentiellement technique de mise à disposition dedocuments, à l’intention des professeurs exclusivement, pour soutenir les efforts d’une rénovationpédagogique attendue comme développement des « pédagogies nouvelles » qui depuis la Libération avaientdéjà porté leurs fruits, notamment dans l’enseignement élémentaire, en est-on venu à cette définition à laJanus bifrons : documentaliste et enseignant, vis-à-vis des élèves, que les personnels essaient de faire exister,pour autant que les situations d’exercice le leur permettent ?Si le déroulement des évènements ne saurait être compris comme l’accomplissement univoque d’unehistoire « écrite d’avance », il est utile et nécessaire, cependant, de s’interroger a posteriori sur le sens de ce quis’est accompli, durant cette période qui couvre maintenant un demi-siècle. La contingence de certainessituations et de certaines évolutions ne retire pas son sens à ce qui s’est fait, bien au contraire, elle le révèle, àtravers des choix qui progressivement ont construit une expérience collective et des manières, collectivementpartagées, de résoudre les questions de « pratique » rencontrées. Toute anthropologie historique des métiersdoit en passer par là, quelle que soit la catégorie de professionnels étudiée, avec cet avantage que l’inscriptionmatérielle dans des textes, des documents de diverse nature, apporte des matières sur lesquelles il nous estloisible de réfléchir et sur lesquels l’investigation doit porter. Cette histoire-là ne saurait être abolie par décret,circulaire ou « protocole », fût-il d’inspection ! Tout cela, même quand il s’agit de projets mort-nés, fait partieaussi de l’histoire. Ce sera donc ma posture méthodologique pour analyser la fabrication du métier deprofesseur documentaliste.Du « Service » au « Centre » : naissance d’une fonction enseignanteLe premier objet d’étude pourrait être constitué par la transformation de service en centre. En 1973, leMinistre Fontanet transforme les « Services de documentation et d’information », SDI, en « Centres dedocumentation et d’information », CDI. Ce changement de nom correspond aussi à un changementvolontariste des pratiques installées : le SDI, conçu principalement pour l’usage des enseignants del’établissement se voyait confier la totalité des ressources documentaires (livres, périodiques, diapositives,films, enregistrements sonores) et pour l’usage de tous, et notamment des élèves. La même année, au sein ducollège expérimental de Marly-le-Roi, est constitué, dans le cadre de l’expérimentation du « Travailindépendant » qui s’appellera bientôt « Travail autonome » un C.A.D., Centre d’autodocumentation au seinduquel les élèves sont non seulement invités à travailler sur des documents scolaires comme « non-scolaires »,mais reçoivent aussi une formation documentaire dispensée par les documentalistes, en collaboration avec lesprofesseurs des autres disciplines, afin de favoriser leur autonomie dans leurs apprentissages scolaires.Comme on le voit, il s’agit de bien plus qu’un changement de nom du lieu : la fonction enseignante émergedu seul fait que les élèves deviennent la cible numériquement la plus importante du CDI et qu’ils appellentune intervention pédagogique.La décennie 70 est aussi celle qui voit s’instaurer, avec la réforme « Haby », le collège unique où vont semêler toutes les populations scolaires autrefois séparées dans les différentes filières de premier cycle. Cettefusion, non-préparée, va produire des effets inattendus sur les documentalistes, dont la plus grande partie, ilMEDIADOC FADBEN - 8 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


faut le souligner, pour le meilleur comme, parfois, pour le pire, sont d’anciens enseignants, même si bonnombre d’entre eux sont des auxiliaires. La question de l’échec scolaire devient une question centrale, elleprend la forme, souvent de pratiques culturelles (en particulier la lecture) inappropriées aux attentes implicitesde l’école. S’ouvre ainsi un chantier pédagogique majeur que ces enseignants devenus documentalistes (on nedit pas encore enseignants documentalistes !) vont investir en usant des moyens à leur disposition : leurvolonté d’agir et de ne pas laisser la place au seul jeu de l’héritage social et culturel, à défaut d’instructionsque le ministère de l’éducation (qui à cette époque n’est plus « nationale ») se révèle incapable de fournir, lamobilisation de résultats d’expériences plus ou moins formalisées issues de quelques disciplines (français,l’histoire géographie qui resteront pour longtemps des partenaires privilégiés).C’est ainsi qu’on va constater, dans des cas de plus en plus nombreux, le passage d’une pratique vécue àune pratique qui se problématise, modestement, dans des situations qui sont autant des contraintes que desheuristiques car elles ouvrent sur des voies de développement et d’exploration de solutions à expérimenter,d'hypothèses à tester plus qu’à vérifier. C’est le premier sens que je donne à « fabrique », dans la mesure où laprofession s’est inventée dans les incertitudes d’une activité pratique (ces arts de faire, et leur braconnage,pour reprendre l’expression de Michel de Certeau 10 ) que l’institution ne s’est pas montrée en capacité denormer, sinon après coup et très partiellement, souvent avec une bonne décennie de retard sur les pratiques.La formalisation commencera à se manifester à la fin de la décennie, en témoignent quatre ouvrages publiésquasiment en même temps, notamment celui de Brigitte Chevalier 11 , qui exerce alors au Collège Républiquede Bobigny, Méthodologie d’utilisation d’un CDI qui constituera pour longtemps une référence dans l’actionprofessionnelle (technique et pédagogique) des documentalistes. Il convient de faire remarquer, ici, que si lesinstructions officielles restent bien timides, elles existent, cependant, et ne manquent pas de rappeler que lafonction comporte une dimension pédagogique, certes, imprécise, mais affirmée, et que quelques inspecteursgénéraux (Sire, Tallon, Quencez, Toussaint) s'efforceront d'encourager cette conception de la mission despersonnels des CDI.D’une pratique à sa théorisation : naissance de la didactique de l’informationdocumentationAinsi commence ce processus de longue durée avec l’instauration d’une dialectique du faire, desinventions et de la réflexivité pour dépasser 12 , c’est-à-dire conduisant à un état où non seulement lescontradictions antérieures sont résolues mais où de nouvelles tensions naissent, promesses de nouvellesinventions, faites de la recherche de nouvelles cohérences. Une démarche de type praxéologique se met enœuvre dont les éléments essentiels viendront, dans les années 80 et 90, des concepts issus de la « pédagogiepar objectifs » (PPO) introduits dans la formation continue qui commence à voir le jour à partir de 1982.C’est sans doute le mérite principal de la PPO d’avoir permis cette formalisation en termes, pas très stabilisés,de capacités, compétences, savoir-faire, objectifs, permettant de décrire et de transmettre une expérience à unecommunauté professionnelle, à partir d’une terminologie qui fait, à peu près, l’accord de tous. Elle a permisune socialisation de l’expérience pédagogique dans laquelle la FADBEN a joué un rôle essentiel par lesnombreux stages, séminaires et publications internes qu’elle a su mettre en œuvre. C’est la plus grande partiede la profession qui s’est ainsi mise en mouvement pour dessiner les contours d’une action pédagogiqueconcertée et pensée avec les moyens qui s’offraient à elle. Avec la création du CAPES en 1989 puis des IUFMen 1991, l’affaire prend une nouvelle dimension et commence une nouvelle phase dans l’invention du métier :les épreuves du concours poussent vers une définition plus rigoureuse (elle mettra du temps à s’établir) dessavoirs requis dans la formation et elles donnent à voir un ensemble de « contenus » de formation que lesétudiants et les stagiaires doivent maîtriser a minima pour accéder au corps, elles instituent également la« séquence pédagogique » comme un passage obligé dans le parcours de formation et de certification. Par cefait, elles entraînent une bonne partie des personnels en place dans leur sillage.Dans cette dialectique, au total, l’autorité ministérielle, malgré le relais de courroies de transmission,parfois à peine consentante, a joué, bien involontairement, un rôle important pour mobiliser et relancer, aprèsparfois quelques périodes de désarroi, le travail d’approfondissement de cette invention par les personnels.10Certeau (1990)11 Chevalier (1980)12Au sens hégélien, marxien, voire bachelardien, pour ceux que les références germaniques effraient, du terme.MEDIADOC FADBEN - 9 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


Leur rôle, et celui de ceux qu’ils ont reconnus comme leur porte-parole dans cette construction, estirremplaçable. Je me permettrai de citer ici la coopération qui de fait s’est établie entre la FADBEN et leSNES et qui a été décisive pour que la circulaire de missions de mars 1986, puis la création du CAPES, voientenfin le jour. Cette solidarité dans l’action, à partir de prémisses fondées différemment a représenté une force,qui aujourd’hui s’est élargie à un front syndical qu’on n’avait pas connu dans ces années 80-90.La légitimité ne se décrète pas, l’histoire de la profession en a administré de nombreuses fois la preuve :malgré les réticences, voire l’opposition résolue et obstinée des ministres, de l’inspection et des hautsfonctionnaires, il a bien fallu acter dans des documents officiels plus ou moins satisfaisants au regard desattentes, les avancées bien réelles des pratiques et de la réflexion. C’est un deuxième sens de « fabrique », quiressort alors de cette histoire, un lieu d’élaboration délibérée du métier, qui trouve dans la constructiondidactique 13 et le travail de réflexion sur un curriculum documentaire son aboutissement et sa signification laplus plénière. Les « Assises nationales Éducation à l’information et à la documentation : clefs pour la réussitede la maternelle à l’université » tenues en mars 2003 ont constitué un nouveau point de départ en se fondant àla fois sur la nécessité d’un travail de construction didactique et, pour cela, de la définition d’un curriculumdocumentaire rendu nécessaire pour assurer la cohérence des apprentissages et leur efficacité. L’agrémentaccordé par le ministère de la recherche au projet d’ « Equipe de recherche technologique en éducation »(ERTé) déposé par l’université Lille 3 sur le sujet « Culture informationnelle et curriculum documentaire »,développé conjointement par deux laboratoires, montre à l’évidence que les refus réitérés du ministère del’éducation nationale de prendre la question au sérieux ne sont guère fondés en raison scientifique, et ne sontque dénis du réel. De ce point de vue, les tentatives inlassables en vue de faire faire à la profession un retouren arrière sur le paradigme du service 14 , et renoncer à la fonction pédagogique/didactique sont pitoyables carnon seulement elles réduisent la fonction à la tâche de conduire une « politique documentaire », mais ellesnient la réalité d’une histoire qui a non pas un sens mais du sens, comme d’autres veulent en finir avec 1968voire 1789 !13 Beguin (1996), Charbonnier (1997)14 La conférence d’Alain Warzée, inspecteur général EVS, prononcée à l’ESEN le 30 janvier 2006, est de ce point de vue trèséloquente puisqu’il dit renoncer, de manière tactique, semble-t-il, au retour à la notion de « service » pour garder le terme« centre », s’étant rendu compte que les professeurs documentalistes manifestaient leur refus et leurs craintes d’un telchangement.BibliographieBéguin (1996) - Béguin, Annette. –« Didactique ou pédagogie documentaire ». Ecoledes Lettres collège, 15 juin 1996, p. 49-64. (n° spécial,« Quel CDI voulez-vous ? »)Certeau (1990) - Certeau, Michel de. -L’invention du quotidien : 1. Arts de faireCharbonnier (1997) - Charbonnier, Jean-Louis. – « Les ‘Apprentissages documentaires’ et ladidactisation des sciences de l’information ».Spirale : revue de recherches en éducation, n° 17, janvier1997Chevalier (1980) - Chevalier, Brigitte. -Méthodologie d’utilisation d’un CDI. Hachette, 1980MEDIADOC FADBEN - 10 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


L’action de la FADBEN :promouvoir les CDI, faire reconnaître une professionFrançoise ChapronMaître de conférences IUFM de Haute NormandiePrésidente honoraire de la FADBENDeux cents services de documentation pédagogique existent lorsque paraît leur première circulaired’organisation en 1962. Le regroupement des ressources pédagogiques des enseignants de grands lycéesparisiens puis de province a été entrepris en 1958 par la création du premier CLDP (Centre local dedocumentation pédagogique) au Lycée Janson-de-Sailly à Paris.Le proviseur de l’établissement Marcel Sire, devenu Inspecteur Général de la Vie Scolaire sera leurpromoteur jusqu’à sa retraite en 1972. Le premier documentaliste Jean Gabriel Gaussens est un adjointd’enseignement, catégorie regroupant à l’époque des personnels titulaires, nantis d’une licence, pouvantexercer des tâches d’administration, de surveillance ou d’enseignement ou combiner les unes et les autres surun maxima horaire de 36h (s’ils exercent au moins un mi-temps d’enseignement, 9h, ils sont AE chargésd’enseignement). Il y aura aussi des personnels titulaires variés certifiés, agrégés, instructeurs, ou nontitulaires, maîtres auxiliaires licenciés et non licenciés affectés en SD, puis CDI. Mais ce statut de référencepersiste implicitement encore aujourd’hui ; les horaires des professeurs documentalistes, bien que devenuscertifiés, en portent encore la trace.A partir de 1966, les SDI (le I d’information désignant l’information culturelle et d’orientation scolaire)sont progressivement ouverts aux élèves, leur fonds étant regroupé (quelquefois théoriquement) avec ceuxdes quelques 200 bibliothèques générales de loisir et culture issues de l’expérience des classes nouvelles enlycée à partir de 1945. Ces quelques éléments illustrent le cadre polymorphe et originellement ambigu quiprélude à leur développement au niveau des fonctions et des catégories de personnels.D’ailleurs, ces structures bivalentes sont gérées par des personnels qui ne se sentent pas la même mission :culturelle pour les bibliothécaires qui adhérent à l’ABEN, documentaire, voire pédagogique, (certainsrevendiquent même de garder une partie de service dans leur discipline) pour ceux qui se regroupent àl’ADEN, les sigles parlant d’eux mêmes, jusqu’à la création de la FADBEN en 1972.Ils sont dénommés « documentalistes-bibliothécaires » de 1972 à la création du CAPES en 1989.Quelques jeunes AE ou professeurs auxiliaires munis d’une licence (exigée à partir de 1969), et motivés parcette fonction reprochent à l’ADEN, un peu débordée par le nombre de CDI crées en province, une visiontrop « gestionnaire » et « parisienne ». Claude Péquignot est le premier à créer une association académiqueautonome à Grenoble. Lors d’une réunion de l’ADEN à Paris il plaide pour une structure rénovée et estchargé de contacter les amicales de province. Celle de Rouen, avec Claude Fournier, le suit immédiatementcomme celles de Rennes, Toulouse, <strong>Mars</strong>eille notamment. L’ADEN est dissoute pour éviter une scission. Ennovembre 1972, se tient le premier comité directeur de la nouvelle Fédération des Associations de Documentalistesbibliothécairesde l’Education Nationale présidée par Claude Péquignot, qui regroupe désormais les 19 associationsacadémiques autonomes déjà créées, les membres de l’association des bibliothécaires pédagogiques, quiadhérent à un statut fédéral globalement maintenu et régulièrement actualisé.Parallèlement, s’est crée en 1972, le CEDIS (Centre d’études de documentation et d’information scolaire).Sa revue, Inter CDI, développe aussi une réflexion sur la profession mais se veut un vecteur d’échanges depratiques et de services aux collègues. En novembre 1976, après l’élection à la présidence de la FADBEN deClaude Fournier, un protocole d’accord est signé avec Roger Cuchin, son rédacteur en chef ; il offre à laFADBEN un espace d’expression propre sous la forme d’un « 4 pages » central distinct dans chaque numéroà partir du numéro 25 de janvier 1977 ; plus tard le cahier central disparaît et les textes de la FADBEN sontpubliés dans la revue elle-même jusqu’à la création de la revue MEDIADOC par la FADBEN après 1990.Rappeler ces quelques éléments permet de mieux appréhender les étapes ultérieures.La FADBEN, dès sa création, se positionne donc comme la structure de promotion, de réflexioncollective et de défense de ces personnels sans statut, ni surveillants ni professeurs, mais soucieux de prendreune place définie dans un système en mutation. En effet, l’Ecole, après 1968 doit « s’ouvrir vers la vie » etMEDIADOC FADBEN - 11 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


vers une société où la production de biens culturels, entre autres pour la jeunesse, augmente et où ledéveloppement des médias, et particulièrement la télévision, commence à concurrencer le rôle traditionnel detransmission de l’école fondé sur l’écrit.Revendiquer un statut et une mission pédagogique : 1973-1981L’activité principale de la FADBEN dès 1973 s’oriente vers l’obtention d’un statut nécessaire à cettenouvelle fonction. Si la frange la plus militante et la plus jeune souhaite un statut d’enseignant, tous lesadhérents sont soucieux de donner une identité, une place à des personnels d’origine hétéroclite, sansformation réelle et dont les missions ne sont pas définies, même si un Guide des SDI a été publié en 1972 sousla direction de Marcel Sire. En 1970, le statut des CPE est publié. Il constitue un modèle possible pour despersonnels dont les rapports d’Inspection générale sous la plume de Marcel Sire et surtout de Georges Tallonqui le remplace, pointent l’anomalie statutaire. Les SDI portés par le développement du travail autonomedeviennent des CDI en 1974, et le terme de « centre » est autant un souhait d’implantation topographiquedans l’établissement (avec des plans modernes inspirés des centres documentaires québécois dans lesquels « sespécialise » un autre Inspecteur général, Jacques Treffel), qu’un vocable symbolique de la place, « le cœur »selon la métaphore de Marcel Sire, à accorder à un lieu porteur d’innovation pédagogique dans un systèmemodernisé.L’Inspecteur général Tallon, conçoit de manière précise les fonctions de ces centres et rédige en septembre1974, une note sur les CDI et les fonctions de leurs responsables.Le Ministère, en novembre 1974, réunit un groupe de travail pour réfléchir à un cadre statutaire. LaFADBEN, représentée par Claude Péquignot, président et Claude Fournier, vice-président, y est invitée auxcôtés de responsables de syndicats du second degré (SNES, SGEN CFDT, SNALC, CNGA).La négociation se déroule jusqu’en 1976 au rythme de réunions régulières auxquelles la FADBEN apportesa contribution spécifique, et où elle fait le lien entre des syndicats qui ne dialoguent que peu ensemble.Lors d’une séance de travail, on propose aux représentants des personnels de réfléchir aux fonctions àpartir de la note de G. Tallon, (présentée comme confidentielle, alors qu’elle circule dans le milieuprofessionnel !)Ainsi s’élabore la circulaire du 17 février 1977 qui reconnaît la fonction essentiellement pédagogique desresponsables de CDI. Un numéro spécial FADBEN Information présente le protocole d’accord signé partoutes les organisations acceptant la mise en oeuvre d’un statut de CD (conseiller de documentation pour lesnon licenciés) et de CPD (conseillers principaux de documentation pour les licenciés), faute d’autreperspective. La solution retenue est refusée par le Ministère des Finances début 1977.La déception est forte. Mais somme toute, l’échec de ce statut spécifique non enseignant, le ministèreayant d’entrée de jeu refusé un cadre de certifié, permettra, certes au prix d’une longue attente, la création infine du CAPES en 1989.Pour autant, l’obtention d’une circulaire de mission pédagogique, et l’abaissement de l’horaire de présenceà 30/36H par une note du 4 mai 1977, constituent un appui pour avancer dans la défense d’une fonctionrésolument pédagogique. De plus, sa participation au groupe de travail a assuré une représentativitéindiscutable de la FADBEN au niveau institutionnel.Claude Péquignot, soucieux de l’évolution de la réflexion au-delà du statut, se retire. La présidence deClaude Fournier est marquée par une réflexion résolument pédagogique. Le premier séminaire de travail del’association se tient à Port Mort dans l’Eure, académie du Président et de la secrétaire générale que je suisdevenue, début mai 1978.Pendant deux jours, les participants, deux représentants par académie, parmi lesquels de jeunes collèguesnouveaux souhaitant exercer une mission de pédagogues (et qui prendront des responsabilités associativesultérieurement) et les membres du bureau national, tracent les lignes de force qui seront mises en forme par lebureau national à partir du copieux rapport de synthèse d’Albert Degardin. Jeune élu au bureau national, lelillois Jean Pierre Cuvelier apporte sa conviction de pédagogue engagé à la rédaction du ManifesteDocumentation, discipline nouvelle, titre volontairement provocateur, jouant sur le double sens du terme au sens deméthode intellectuelle et de matière d’enseignement.Ce texte, jusqu’en 1984, constitue le texte de référence de la FADBEN, et l’orientation qu’elle défendauprès de l’institution, débat avec les adhérents et fait connaître à ses partenaires.MEDIADOC FADBEN - 12 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


C’est à Lille, naturellement, en juin 1980, que se tient son premier colloque national Documents etcommunications. Deux cent soixante collègues y dialoguent avec Jean Hassenforder, pionnier des CDI et desBCD, soutien de la profession naissante, le journaliste Jean François Kahn, et y écoutent Michel Jullian del’EPI (Enseignement public informatique) esquisser les potentialités de la micro informatique naissante pourles CDI. Des éditeurs viennent y présenter les premiers ouvrages d’initiation des élèves dont ceux de ClaudeFournier et Brigitte Chevalier. Jean Pierre Cuvelier y affirme la nécessité « d’initier les élèves au décodage desmoyens d’information, à leur production même. La critique du document comporte souvent la connaissancede sa source... elle devra maintenant comporter une étude du médium étudié. »Notons que cette première grande manifestation se déroule au moment où le ministère a décidé d’affecter300 enseignants en surnombre et/ou en réadaptation, en guise « d’amélioration » (sic) de la couverture enpostes des CDI en période de crise budgétaire ! La FADBEN et à travers elle la profession, répond par unrenforcement de sa réflexion professionnelle. Et un numéro spécial de protestation et de mobilisation seraenvoyé à tous les adhérents, l’ancêtre de Médiadoc !La période qui s’écoule de 1979 à 1981, sous la présidence de Bernard Fourniaud, permet à la FADBEN,nantie d’une position pédagogique et revendicative claire, de nouer des contacts, de communiquer autour deses convictions et de nouer des alliances et des partenariats. La FADBEN établit des contacts avecl’interprofession et surtout avec l’ADBS qui regroupe les professionnels de l’information. Elle participe, en1981, à la commission Pingaud / Barreau du Ministère de la Culture, réunie autour de l’avenir du livre et desprofessions de la filière culturelle et commence à y dialoguer avec les représentants des bibliothèquespubliques et l’ABF.D’autre part, l’association a été intégrée à la Conférence des Présidents des Associations de spécialistes où elletravaille en liaison avec les représentants pédagogiques de l’APMEP (maths), de l’AFEF (français), del’APHG (histoire géographie), de l’APBG (biologie), de l’Union des physiciens notamment. Ensemble,jusqu’au milieu des années 80, elles porteront une part des propositions d’innovation pédagogique, avant queles positions de repli traditionnel de certaines associations après la réforme Savary, ne nous amènent commeles structures citées, à quitter ce groupement (qui subsiste aujourd’hui autour de positions très conservatrices).La FADBEN publie un travail sur l’éducation aux médias, fruit d’un séminaire avec l’ARPEJ (Associationrégions presse enseignement jeunesse) avant même la création du CLEMI et entretient des contacts (noués aucours d’un stage au Québec en 1977 auquel je participais), avec l’ASTED équivalent de l’ADBS et de laFADBEN réunies. Ainsi devient-il possible de suivre concrètement l’évolution des bibliothèques scolaires, enpleine expansion là-bas, et de découvrir les réflexions menées notamment par Paulette Bernhard à l’Ecole debibliothéconomie de Montréal, ainsi que les référentiels de formation anglo-saxons.La parution des premiers ouvrages de formation documentaire déjà évoqués légitime la circulaire de 1977et offre un appui aux premières pratiques pédagogiques sur le terrain.Cette décennie d’activité associative permet d’ancrer la fonction pédagogique des documentalistes, de lesregrouper pour réfléchir ensemble, de les faire mieux connaître des partenaires professionnels etpédagogiques. La FADBEN se positionne aussi comme un interlocuteur sinon écouté, au moins reçu dans lesservices de l’institution. Mais le dossier statutaire reste au point mort.Vers un statut fondé sur une mission pédagogique centrale : 1981-1989L’alternance politique, en 1981, permet à la FADBEN, partenaire reconnu et sollicité par l’institution, departiciper à plusieurs étapes de réflexion marquantes conduisant à l’obtention du statut en 1989.Elle est consultée par André de Peretti chargé d’un rapport sur la formation continue des enseignants.Lors de l’audience qu’il nous accorde, j’y accompagne Bernard Fourniaud, successeur de Claude Fournier,nous sentons un réel intérêt chez lui pour notre mission et le rôle que les CDI peuvent jouer dans larénovation engagée par Alain Savary. André de Peretti met ensuite en place des modules de formation pourles enseignants dans le cadre de l’INRP, relayés par les MAFPEN (Missions académiques de formation)créées à la suite de son rapport. Il propose d’intégrer à l’équipe de conception du module III : Utilisation desressources documentaires et conseils méthodologiques. Trois membres de l’association y participent, représentant lestypes d’établissements (Jean Guy Larregola, Danielle Martinod et moi-même). Ce module, coordonné parBrigitte Chevalier, est à la base de stages interacadémiques auxquels un certain nombre de membres de laMEDIADOC FADBEN - 13 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


FADBEN participent. Les actions de formation sont ensuite démultipliées, au niveau académique, suivies pardes binômes de professeurs de discipline et de documentalistes.Des militants associatifs s’investissent donc dans la nouvelle formation continue et aussi dans la mise enplace d’une première formation initiale fixée à cinq semaines en 1982. Puis certains prennent en charge toutou partie des premières sessions interne, voire externe du CAPES en 1990.Une partie d’entre eux sera sollicitée pour mettre en place les dispositifs de formation en IUFM à partir de1991.Les contacts sont réguliers, dès 1981, avec le cabinet ministériel, dont fait partie Yvon Robert, et avec ledirecteur des collèges Maurice Vergnaud qui signe, en juin 1982, une circulaire sur les objectifs pour la viescolaire dont une partie est consacrée au rôle du CDI dans l’autonomie des élèves. Les rapports sont plusrares avec la direction des lycées auprès de laquelle, cependant, est émise une protestation quant aux mesuresde reconversion de PLP en documentation décidées en 1985.La FADBEN publie dans Inter CDI n°69 de mai-juin 1984 une Contribution pour de nouvelles missions pour lesCDI et les documentalistes, élaborée à la suite du comité directeur de décembre 1983 (qui m’élit à la présidence)demandant la mise à jour du texte de 1977, et intégrant les réflexions du module III, notamment ledéveloppement de compétences liées aux étapes de la recherche documentaire (incluant l’évaluation desproductions documentaires).Yvon Robert, directeur de la DPE réunit le 26 avril 1984 un groupe de travail avec l’ensemble dessyndicats du second degré, les représentants des directions ministérielles et l’Inspection générale représentéepar Georges Tallon. L’objectif initial est de réguler les affectations en documentation et d’organiser uneformation d’adaptation. Marguerite-Marie Burger, vice présidente et moi-même représentons la FADBEN.Nous demandons que soit avant tout définies et actualisées les missions attendues des CDI et desdocumentalistes en nous appuyant sur notre contribution validée par plusieurs représentants syndicaux.Ensuite, disons-nous, pourra être déterminé le niveau de formation initiale requis et, enfin, évoqué le cadrestatutaire adapté à ces missions. Cette proposition sera le fil rouge de la position permanente de l’associationjusqu’en 1989. Le SNES émet le même souhait. Yvon Robert demande à chacun d’y réfléchir en partant denotre texte de proposition, dont l’orientation, après examen, est approuvée par plusieurs syndicats.Dès le 15 mai, s’engage l’élaboration d’un texte sur la base d’une esquisse proposée par la DPE. YvonRobert se déclare ouvert à une réflexion sur un statut CAPES en parallèle. Après trois séances collectives en1984 et la publication d’un avant-projet dans Inter-CDI n°71 de novembre-décembre 1984, de multiplescontacts bilatéraux et navettes de courriers portant sur la rédaction du texte dans les détails ont lieu, jusqu’àfin 1985, entre les représentants des personnels et les quatre directions concernées. Quelques pointsd’achoppement, sur l’accueil pendant les pauses méridiennes, l’action de soutien aux élèves, la gestion desmanuels scolaires ou l’ONISEP, subsistent. Il aura manqué quelques navettes, selon Yvon Robert lui-même,pour aplanir ces points de désaccord. Mais la défaite électorale annoncée de mars 1986 précipite la signatureet la parution de la circulaire du 13 mars 1986 au dernier Bulletin officiel du 27 mars avant le changement deministre. Par ailleurs, les échanges sur un projet de CAPES externe et interne ont avancé, mais lespropositions en cours de négociation seront ajournées jusqu’en juillet 1988. Les contacts ne reprendrontqu'après l’arrivée au ministère de Lionel Jospin, de son conseiller Luc Soubré et du nouveau conseillertechnique pour l’éducation de Michel Rocard, Yvon Robert.En revanche, la demande de l’attribution de la grille de rémunération des AE chargés d’enseignement auxdocumentalistes, réclamée depuis 1976, qui constitue une mesure plus que symbolique, car elle a quelqueseffets sur les fins de carrière et de retraite, fait l’objet d’un refus du ministère. Une démarche directe auprès duPremier Ministre Laurent Fabius est entreprise et une lettre au Président de la République est publiée dansInter-CDI n° 78 de fin 1985. La FADBEN dépose un recours auprès du tribunal administratif de Paris quirenvoie le problème devant le Conseil d’Etat en juillet 1986. Cette décision ne sera finalement prise qu’enaoût 1987 (sous le ministère Monory).Cette même année, est organisé à Rouen un second séminaire (après celui de Montpellier tenu en juin 1986sur la décentralisation) consacré à l’informatisation des CDI. L’association se saisit ainsi chaque année d’unthème en lien avec l’évolution ou l’actualité de la profession.MEDIADOC FADBEN - 14 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


C’est au duo rouennais, formé par François Roux, nouveau président à partir de décembre 1986 et MichelTreut, secrétaire général, que reviendra la tâche délicate de mener à terme et avec talent, un dossier inachevé,celui de l’obtention du CAPES, objectif majeur de la FADBEN depuis sa création.Les conséquences positives du CAPES, l’universitarisation de la formation, les combats pour asseoir lamission pédagogique centrale encore mal reconnue malgré cet acquis fondamental, sont évoqués par d’autresacteurs et militants dans ce numéro.Le CAPES est un point de « bascule » fondamental pour une profession en quête d’identité et dereconnaissance à parité des autres enseignants. Il s’inscrit dans la logique du contenu de la circulaire de 1986,en vue de former les élèves à la maîtrise de l’information, finalité affirmée après 1989.Son obtention a mobilisé inlassablement, dans la durée et la continuité des passages de témoins et deprésidences, des équipes nationales et académiques, ayant pris en main leur destin face à une institution quin’a pas souvent été moteur dans la réflexion, contrairement à d’autres dossiers ou personnels.Le dialogue s’est noué avec quelques représentants plus sensibles au rôle des CDI et à laprofessionnalisation des personnels comme les Inspecteurs généraux Gorges Tallon et Guy Pouzard, dontl’action a été majeure pour la rénovation du CAPES ; avec des responsables ministériels comme YvonRobert, Luc Soubré ou Bernard Toulemonde (notamment pour les TPE) ; des chercheurs comme JeanHassenforder et André de Peretti qui nous ont soutenu au long de la route et avant qu’ils ne soient relayés pardes chercheurs en sciences de l’information, en premier lieu Gérard Losfeld et Yves-François Le Coadic,après 1990. Certains, au contraire, ont manifesté constamment une hostilité à la nature essentiellementpédagogique de notre mission et regretté la création du CAPES, leurs noms sont dans les mémoires desmilitants !D’autres acteurs, quelques représentants syndicaux notamment, ont bien sûr agi pour faire avancer lesdemandes. Mais, c’est à partir des éléments dynamiques de la profession elle-même, qu’a émergé la réflexionet c’est l’énergie des militants de l’association professionnelle qui a permis leur engagement partout où lediscours pouvait être porté, y compris dans les dispositifs de formation mis en place. Ils n’ont pas comptéleur temps, et montré leur ténacité entre moments de découragement et de satisfaction.Réfléchir et anticiper pour proposer, promouvoir et défendre collectivement et solidairement la profession,c’était l’ambition des pionniers ! Ces principes restent toujours aussi pertinents aujourd’hui dans un contexteplutôt préoccupant où le regard dans le rétroviseur incite à se souvenir de la mobilisation de collègues prenanten main leur avenir et soutenus par la voix de la FADBEN.Cette construction collective a été et reste aussi une belle aventure humaine qui dure et doit setransmettre vers les plus jeunes générations qui doivent se saisir de leur destin avec passion et conviction.50 ans après, l’énergie est plus que jamais nécessaire pour défendre ce métier que nous avons porté et, engrande partie, dessiné.« Agir est difficile, mais l’inaction est sans espoir » disait Alain Savary.MEDIADOC FADBEN - 15 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


Nouvelles d’Alsace, 20 mai 1989MEDIADOC FADBEN - 16 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


50 ans - Temps perdu ? Temps retrouvé ?François RouxPRCE documentation, NancyPrésident de la FADBEN de 1986 à 1991« Les perles seules brillent sur la couronne. On n’y voit pas les blessures par lesquelles elle fut conquise. » Friedrich Schiller (DonCarlos)C’était un temps béni !...Le succès de 1989 fut le fruit d’une très longue maturation et l’aboutissement d’efforts conjugués. Toutautant que de rencontres humaines décisives.Au moment de l’élection du président que je devenais, dans ce sous-sol de la rue des Fauconniers (75004Paris), en décembre 1986, je savais le travail accompli, et avec Michel Treut, trésorier et beaucoup plus, noussavions que nous partions sur une base solide mais sans relation, sans introduction auprès de quiconque, sansvéritable ‘réseau’, dans un temps où, si ce n’est le Ministre de l’époque 15 , mais du moins son entourage n’étaitpas connu pour se montrer très favorable à ce qui allait devenir notre objectif obsessionnel : le CAPES.Serait-il intéressant de décrire ce grand tour d’horizon fait avec l’ensemble des syndicats du Conseil supérieurde l'Éducation 16 durant cette première année ? Non. Ici, l’accord fut trouvé, avec la seule réserve, habituelle,du SGEN. Mais si ces rencontres nous prirent du temps, elles confirmèrent, sans surprise, combien cettecause était défendable et rencontrait un assentiment général.Le changement de donne politique de 1988 nous fixa ainsi une échéance à ne pas manquer. Je n’ai jamaiscompté le nombre de courriers adressés en quelques mois 17 à des personnalités apparaissant dans la pressequotidienne parce qu’elles figuraient dans le nouveau gouvernement du moment, mais à titre d’exemple, demesure, au moment du premier Congrès 18 , ce ne furent pas moins de soixante courriers envoyés au Monde etune bonne quarantaine d’autres envoyés dans la presse quotidienne.Cela n’a jamais été écrit, et cela n’était pas reçu avec évidence à l’époque, mais la FADBEN, s’était dotéeen un an d’un secrétariat qui avait trouvé toute son efficacité en bénéficiant de trois emplois aidés 19 . Ce futmême pendant deux à trois ans, à l’issue du Congrès, l’objet d’une subvention ministérielle officielle pour quenous puissions payer - combien a minima - ce ‘secrétariat’.Le cadre est donné. Mais cela aurait-il pu suffire sans l’immense conviction, l’énorme énergie développéesautant par les membres du bureau de la FADBEN (Je passais sans doute à l’époque pour un harceleur autéléphone), que par tous celles et ceux rencontrés dans ce qui n’étaient pas encore vraiment les ‘Régions’ àl’époque, les associations académiques, les séminaires, les journées de réflexion… rencontres multiples avecles autres associations professionnelles des bibliothèques, des archives, de la documentation 20 …C’est à la fin août de 1988 qu’eut lieu la rencontre décisive : un conseiller du Ministre 21 nous recevait, semontrait sensible à notre exposé et dans les semaines qui suivirent, rapidement, nous tombions d’accord surun scénario. Difficile à rendre public, car assez peu crédible et sachant que cette ‘publicité’ l’aurait renducaduc immédiatement.15 René Monory Ministre de l’éducation nationale (1986-1988)16 Il n’est pas certain qu’il portait exactement ce nom à ce moment-là…17 C'est-à-dire, de mémoire, jusqu’en juillet 198818 Metz, mai 198919 Anecdote : la machine à écrire italienne acquise en vue du Congrès a rendu l’âme en sept mois d’utilisation intense… carelle était destinée à un usage à mi-temps ! Nous sommes passés au micro ordinateur emprunté au lycée dans lequel jetravaillais, y compris au mois d’août, et dont une salle fut véritablement ‘squattée’ pendant quelques années !20 Et le passage obligé, pour le dit président, au travail de nuit obligatoire !21 On peut donner le nom de cet inspecteur général honoraire aujourd’hui, Luc Soubré, dont la parole a toujours été fidèlementtenue jusque dans les détails. Qu’il en soit encore remercié. L’exemplarité de sa démarche, à ma connaissance, ne fut jamaiségalée, en dépit de beaucoup de prétentions ici et là. Il est vrai que la relation ambiguë avec l’institution Éducation mériterait àelle seule une thèse tant la documentation a été et reste un prétexte pour beaucoup à mener des carrières flatteuses, sans rienconnaître de la profession, en la méprisant tout en gérant sans vergogne le concours de recrutement.MEDIADOC FADBEN - 17 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


Nous allions donc vivre Michel et moi, ce partage d’un ‘secret’, avec ses deux volets : le Capes était à peuprès certain 22 ... et le Ministre 23 viendrait à un ‘Congrès’ que notre Fédération, statutairement, n’avait pas deraison d’organiser !Pour cet ‘événement’ la mobilisation, la motivation, la disponibilité, l’audace, l’efficacité de l’équipe del’association de Strasbourg furent déterminantes. C’est grâce à eux que la FADBEN s’est engagée surl’organisation de Congrès mobilisateurs et éclairants sur le chemin de la documentation en collèges et lycées.La machine était en route, le travail, jamais achevé, ne faisait que commencer. Nous allions passer pour dejoyeux drilles mais l’objectif serait atteint. Dont acte.Précisons que nous n’avons jamais été associés ensuite à la mise en place du CAPES, pas la moindreconsultation, si ce n'est que très ponctuelle. Pas plus que sur la question des heures supplémentaires !Il semblerait qu’il y a des Chefs qui pensent à tout cela et qui, manifestement étonnés par la parution dutexte officiel, pris de court, ont voulu se rattraper....c’est un temps de doutes !Beaucoup de ‘cadres’ de l’Education Nationale travaillent sur le même chemin aujourd’hui. Disons-le, cen’est pas la bonne voie. Et la vigilance de la FADBEN ne peut faiblir face à ceux qui avaient su nous donnerde si bons conseils (dans les inspections, dans les CRDP, parmi les chefs d’établissements…) Pour eux, ladocumentation en collèges et lycées est restée un champ d’intervention qui n’a pas bougé, pratique pourplacer des enseignants en difficulté, utile pour la façade. La réflexion professionnelle poursuivie au sein de laFADBEN, et que l’institution n’a jamais bien menée, lui semble parfois même digne d’intérêt, tel un réservoird’idées, de conceptualisation que l’on voit resurgir ici ou là.S’il y a déficit d’image des professeurs documentalistes, celui-ci est lié à des modèles anciens dont ne veutpas se débarrasser l’Éducation nationale. Faut-il se demander pourquoi ?Nous souffrons trop souvent, et on sait si bien le faire dans l’Éducation nationale !, du syndrome deDromoscopie 24 . Il s’agit d’une inversion des responsabilités. Pour résumer, quand les voitures s’écrasent surles arbres au bord de la route, on coupe les arbres 25 . Si tout n’est pas parfait dans les CDI, on ne peut pas lesfermer mais on peut faire porter tous les maux aux professeurs documentalistes qui en sont les responsables.On ne verra plus en eux les porteurs d’innovation mais un facteur de 'risques'. Quand on veut noyer sonchien…Aujourd’hui si la profession se sent fragilisée, si les centres de documentation du secondaire voient leurutilisation détournée, ce sont les conceptions des années 50, 60, 70 voire 90 qui sont encore dans toutes lestêtes et dominent dans les représentations. Ce n’était pas si différent en 1988 - sous Monory - quand unconseiller nous avait déclaré que nous pourrions retrouver une vie ‘normale’ sous peu, en nous prenant sansdoute pour de grands malades. Rien de neuf sous le soleil ?Or, la profession a bougé, a connu et connaîtra encore bien des évolutions. Ainsi la ‘centralisation’ desressources documentaires est passée, n’a plus sa pertinence. Face à un système aussi pyramidal (et l’arrivée desÉnarques à la tête du Ministère n’a rien arrangé – temps De Robien), c’est l’existence même de notredispositif qui dérange. Nous avons toujours su évoluer et le mouvement se poursuit. Mais la convergenceavec l’institution n’est pas exactement au rendez vous.Revenons à des questionnements simples : à quoi sert un CDI aujourd’hui ? Quel est le rôle, certespédagogique, mais au milieu, parmi les enseignants du professeur documentaliste ? Il existe une responsabilitétactique, voire stratégique de notre profession quant aux objectifs de l’éducation. Affirmons-la, réaffirmons-la.Et comment mieux nous situer que dans nos territoires, régions, départements, villes parmi nos collèguesprofessionnels dans le même secteur d’activité ? Qui, après tout, finance nos locaux, notre matériel, et ce22 C’est à Saint Lô, je crois, en lisant Ouest France, alors que je participais à une table ronde organisée par l’associationacadémique, un mercredi matin que j’ai appris la parution du texte …et que j’ai presque fait semblant d’être surpris…23 Souvenez vous : Lionel Jospin qui allait traverser une mauvaise passe de grève et de mouvements divers dans le secondaire ala fin de 88, au début de 89…24 Cette perception déroutante avait été désignée par Paul Virilio en 1984 dans L’horizon négatif (Galilée).25 C’est ainsi, par exemple, qu’on en vient à évoquer le ‘risque’ que représentent les professeurs documentalistes dans lesystème éducatif. Replaçons la lorgnette dans le bon sens.MEDIADOC FADBEN - 18 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


depuis plus de vingt ans ? Qui, localement, a le plus grand intérêt à notre travail sur et avec Internet ? Quiconnaît les enjeux du partage de l’information et des rebondissements économiques et sociaux de laredistribution sociale qu’engendre le partage de la connaissance et de l’information ? Qui connaît bien cettefonction de ‘régulateur’ ? Les collectivités locales. Créons des coopérations locales, par un dialogue nourri, pardes partenariats. Le challenge est à relever en permanence, c’est une stimulation positive.Et le local mène à ce que certains francophones ont appelé le ‘glocal’, c'est-à-dire pour nous un enjeueuropéen qu’il ne faut pas perdre de vue. On regarde de près nos établissements et leurs CDI, leursprofesseurs documentalistes. Ici encore, poursuivons les rencontres. Des programmes européens existentaujourd’hui pour mener à bien ce type de projets. Gardons l’initiative. La structure associative est un excellentoutil à cet égard.Ainsi, on ne retrouve jamais ce que l’on a perdu là où on l’a trouvé. L’innovation est notre force, elle créele trouble : cela était vrai il y a 50 ans, cela reste vrai aujourd’hui.Et la FADBEN prendra le tournant de sa propre professionnalisation en revendiquant et en assumant laprise en charge de formations reconnues, d’expertises labellisables par notre institution, suivant en cela uneassociation de documentalistes connue et reconnue 26 .Autrement dit, à 50 ans, il est temps de passer à une association vraiment professionnalisée dans sesfonctionnements, sa structure et son envergure.Il est temps qu’un ‘code des bons usages‘ se mette en place avec notre administration de tutelle, nonseulement pour éviter toute ambiguïté, que les rôles soient clairement distribués 27 , mais aussi pour permettrede sortir d’une inertie qui n’engendre pas le développement de la liberté indispensable et de la responsabilitéassociée.Rappelons à tous ce fait historique : pour son premier triomphe à Rome, Pompée ne passant pas avecquatre éléphants dut prendre un cheval.Il est temps pour nous de prendre notre cheval !François Roux reste aujourd’hui PRCE documentation mais il n’est plus dans cette fonction de professeur documentaliste depuis trèslongtemps. Il n’apporte ici qu’un témoignage et un regard qui espère pouvoir contribuer à trouver un horizon pour une profession qui est loind’avoir épuisé ses ressources.Le Monde, 24 mai 1989Annonce de la création du CAPES au 1 erCongrès de la FADBEN à Strasbourg26 Vous avez reconnu l’ADBS, indéfectible partenaire depuis ces vingt ans, au moins !27 Et ceci à défaut de la mise en place d’une véritable référence disciplinaire prise en charge par des ‘spécialistes’ de notreprofession en lieu et place de la référence à une Inspection trop généraliste, sans spécificité affirmée.MEDIADOC FADBEN - 19 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


1986 – <strong>2008</strong> : et si l’on revenait aux sources ?…Robert MartinFormateur à l’IUFM d’Aix en ProvencePrésident FADBEN de l'académie Aix-<strong>Mars</strong>eille, 1982 à 1989Membre du Bureau national de la FADBENCertes, les quelques années de retraite – déjà ! – m’ont fait prendre une distanciation avec le métier et lestextes officiels. Cependant, la circulaire de mission occupe une place toute particulière et privilégiée dans messouvenirs. Elle cristallise mes années d’enthousiasme, de rêve et d’une petite dose d’utopie partagées avec mescollègues du Bureau National. Années d’amitié, de militantisme et d’espoirs, de beaucoup d’espoirs. Nousavions le sentiment très fort qu’on allait jeter les bases, les assises d’un métier nouveau, aux lendemainsenchanteurs, avec le CAPES en point de mire sur un fond lumineux. Développer et finaliser la réflexion denos devanciers pour tracer des perspectives d’avenir et participer à ce vaste élan de rénovation pédagogique.Pionniers, bâtisseurs, ces mots, je ne sais si nous les avons formulés, dits à haute voix, mais sûrement penséstrès fort. Car cette circulaire s’inscrivait dans le contexte d’une époque, les années 1980-1990, appelée plustard la décennie des grands rapports, qui se voulait être celle de l’innovation, des changements et des ruptures.Du texte rédigé par la FADBEN...Petit retour en arrière… Arrêtons-nous en premier lieu sur le texte FADBEN Réflexions et propositions pour denouvelles instructions concernant les CDI et les Documentalistes-Bibliothécaires 28 , préambule à un second texte sur Lesmissions des documentalistes-bibliothécaires des CDI de l’éducation nationale 29 . Je me souviens du contexte, des réunionsde travail où selon les mots du moment, « ça phosphorait, ça cogitait dur… », de discussions passionnées,d’échanges parfois vifs mais très constructifs.Premier étonnement ! Ce texte met en place des garde-fous, précisant ce que doit être un CDI, pour évitertout dévoiement, toute dérive, tous errements. Or, et c’est le miracle des textes officiels, certains passages sesont volatilisés lors de l’écriture, évaporés dans la circulaire de 1986. Voilà donc comment on ouvrevolontairement un texte à toutes les interprétations et ambiguïtés possibles. Hypocrisie à peine masquée desupprimer, par exemple, le paragraphe définissant les tâches qui, en aucun cas, ne pouvaient entrer dans lesmissions des documentalistes et qui précisait, entre autres : « Que soit rappelé ici que le documentaliste n'estpas un surveillant chargé d'une « permanence annexe ». Que la gestion des manuels scolaires relève d'uneprise en compte par les services d'intendance en ce qui concerne les commandes, réception, estampillage,inventaire et administrative pour l'organisation du prêt, du contrôle et de la récupération des livres en find'année scolaire. »C’est ainsi qu’on passe d’un texte à une « circulaire ». Il m’en a fallu du temps pour le comprendre. Et, à lasuite de ce préambule de 1984, il y eut notre proposition de texte des missions de 1984. J’appréhendais de lerelire, car ce texte, je le connaissais mieux que la circulaire de missions de1986 qui m’irritait par certainsaspects. En effet, notre texte était pour moi, militant, le texte de référence, n’en déplaise à certains. Il avait étéécrit par des professionnels pour des professionnels. Texte clair, structuré, précis, délimitant bien nosmissions. Toutefois, je ferai quelques critiques. A vouloir trop imposer le CDI et le rôle du documentalistedans l’établissement, on a multiplié les missions des documentalistes. Mais cette soif de reconnaissance laissaitune trop grande liberté au ministère pour rajouter « du plus et du flou ». De plus, il y avait une part de naïveté,d’innocence que de penser qu’il y aurait des personnels au pluriel au CDI capables d’effectuer les tâchesqu’une seule personne ne peut faire à elle seule, à moins d’être contrainte de dégager des priorités, renforçantl’idée qu’on peut tout faire et n’importe quoi dans certains cas....à la circulaire ministérielleEnfin, la circulaire ministérielle de missions de 1986 est une reprise du texte de la FADBEN sur nosmissions avec de nombreux emprunts au texte du préambule, Réflexions et propositions pour de nouvellesinstructions concernant les CDI et les Documentalistes-Bibliothécaires. Mais une reprise déstructurant le texte del’association, avec des « copier / coller » hors contexte, des amalgames rendant plus vagues et imprécises nos2829Inter-CDI, n°69, mai-juin 1984, p. 7-9Ibid. p. 10-11MEDIADOC FADBEN - 20 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


Le dialogue avec l’Institution : un marché de dupes nécessaireFrance Vernotte PrévostPrésidente de la FADBEN de 1993 à 1998Des quatre années passées à la Présidence de la FADBEN -et de tant d’autres à ses côtés-, s’il me reste unengagement associatif inébranlable, et des amitiés indéfectibles, je m’interroge aujourd’hui encore sur notrestatut d’association professionnelle représentative qui fait de la FADBEN un interlocuteur incontournable del’Institution : ce dialogue avec l’Institution ne produit-il pas des effets là où on ne les attend pas ?Naviguer à vueC’est un contact régulier, interrompu puis repris, souvent implicite, parfois conflictuel, constructifoccasionnellement dont je peux témoigner. L’intelligence réciproque, qui est de règle dans un partenariatdémocratique où chaque partie s’engagerait sur le long terme pour confronter les approches respectives dansune visée commune, ne fut pas à l’œuvre. Si nous avons tenté de l’amorcer, ce partenariat ne fut pas le soucide nos interlocuteurs. Ces derniers se seront contentés de sollicitations ponctuelles, résultats de démarchespersonnelles qui s’évanouissaient au changement de poste de ceux qui s’intéressèrent sincèrement à notredossier ou de ceux qui crurent pouvoir en tirer un bénéfice personnel…Nous aurons tout essayé, multipliant les rencontres, sollicitant les entrevues, participant aux diversesconsultations, alimentant les rapports, faisant des propositions et les soumettant à négociation. Toutes lesformules communément requises dans un commerce entre gens de compagnie, bien élevés et respectueux dudialogue démocratique, auront été tentées avec l’Institution. Nous avons ainsi sollicité régulièrement leMinistre de l’Education Nationale, le cabinet du Premier ministre, le Directeur de l’enseignement scolaire,celui des personnels enseignants, le Directeur des affaires financières, sans oublier l’Inspection Générale, deson doyen à celui de la Vie scolaire, le Comité national des programmes quand il en existait un. Et les diversespersonnalités qui, ici ou là, étaient susceptibles d’appuyer nos demandes.Ah ! Nous fûmes reçus poliment par des conseillers pressés qui ignoraient le plus souvent le dossier, etdécouvraient naïvement, sinon notre existence, du moins la problématique générale de la documentation dansle système éducatif. Certains seront allés jusqu’à nous demander de « qui nous dépendions », d’autres aurontpris scrupuleusement des notes. D’aucuns n’auront pas hésité à utiliser leur sous-information commebouclier, se dédouanant ainsi de toute responsabilité et rendant impossible toute prise de décision, accusantau passage le service voisin d’incompétence.Nous aurons ainsi découvert les vicissitudes d’un fonctionnement institutionnel pesant et fragmenté dansdes directions étanches. Nous n’avons jamais caché notre indignation quand un groupe de travail « avorté »dans une Direction voisine était superbement ignoré de la Direction qui nous proposait d’en réunir un secondqui poursuivrait sensiblement les mêmes objectifs en ignorant les conclusions du précédent !Glané dans le florilège des bons mots : « nous avons déjà commis l’erreur de créer l’agrégation d’EPS,alors, vous comprenez, en documentation… » « Vous avez une Inspection ? » « Vous pensez bien que nousne pouvons pas créer de nouveaux contenus alors que personne ne veut en lâcher ». « Mais, vous êtes seuldans un établissement : vous ne pouvez donc pas prendre en charge les élèves. Ces savoirs doivent donc êtreintégrés aux programmes des disciplines »…Lors de ces échanges souvent déconcertants, quelquefois authentiquement sincères, l’enjeu fut pour nousde mettre notre crédibilité à la fois au service de l’évolution de la profession et au service d’une visiondémocratique et civique de l’Ecole. Deux modalités différentes de concertation mettent en évidence lesintérêts et les limites de nos relations avec l’Institution. Deux exemples empruntés à la période de maprésidence (1994-1998) peuvent venir à l’appui de notre réflexion.Emettre des propositions lors de consultations médiatiséesRégulièrement, l’Etat éprouve le besoin, de prendre la température du terrain et d’en faire émerger despropositions. Que ce soit à l’occasion d’un changement politique ou pour médiatiser une forme dedémocratie participative dans un environnement maussade, de vastes consultations nous donnentMEDIADOC FADBEN - 22 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


l’opportunité de dialoguer largement avec les différents acteurs du système éducatif, à la recherche d’unenouvelle vision de l’école.Il en fut ainsi de la Consultation nationale organisée par François Bayrou au printemps 1994 pour « Unnouveau contrat pour l’école ». Elle nous a permis d’apporter notre contribution spécifique et d’émettre despropositions sur les missions et contenus de l’Ecole, sa place dans la société, l’évolution des métiers del’éducation et la vie des établissements. Parmi nos propositions, dans les vingt-deux commissionsthématiques, apparaissaient déjà 30 entre autres, je cite :– la reconnaissance des compétences spécifiques des enseignants documentalistes dans le processus deformation des élèves et la définition d’un référentiel de formation des élèves à l’information,– l’explicitation des savoirs scolaires mis en œuvre dans une pédagogie de l’information,– la nécessité de l’observation et de l’analyse des nouvelles stratégies d’apprentissage et de lecturegénérées chez l’élève par l’exploitation des nouvelles technologies éducatives,– l’exigence de personnel qualifié en nombre dans les quartiers sensibles,– une nécessaire déontologie de la profession,– l’ouverture d’un recrutement au niveau de l’agrégation et un corps d’inspection spécifique,– le rôle de laboratoire pédagogique des centres de ressources en IUFM.Parmi les cent cinquante-cinq propositions retenues, la proposition 50 : « A terme, tous les collègesbénéficient d’un centre de documentation et d’information et d’un documentaliste (à partir de 1995, sur 3 ans)», peut être considérée comme la réponse directe et générale à notre implication. Quid de notre trentaine depropositions précises ? Rien d’autre pour cette fois, en effet...Ce type de consultation a pour nous cependant le mérite de nous permettre un temps de réflexion et dediscussion collectives, d’enclencher dans l’association une dynamique, ainsi que la production d’écritsprofessionnels. On peut aussi conclure avec d’autres que les rapports qui font suite à ces consultationsreprennent des idées émises qui, si elles ne trouvent pas de traduction politique immédiate, peuvent influerl’avenir, à long terme, par un effet de résurgence…En témoigne l’effet de la consultation Meirieu de 1998 « Quels savoirs enseigner en lycée ? », où nousproposions d’introduire au baccalauréat une épreuve sur dossier personnel interdisciplinaire, résultat d’unedémarche documentaire. Ce dossier devait donner lieu à soutenance, ce qui exigerait de l’élève la restitutionde sa démarche de recherche et une attitude réflexive sur les sources utilisées d’où la mise en place d’une coévaluationenseignant de discipline et enseignant documentaliste.Comment ne pas supposer que la décision d’introduire en 2000 (dans un premier temps de manièreexpérimentale face à l’opposition majoritaire des enseignants) deux heures consacrées en classe de premièreaux TPE (travaux personnels encadrés), on connaît la suite…Si nous avons pu en effet émettre des propositions à chaque fois qu’un espace de discussion était ouvertpar l’Institution, c’est essentiellement à notre initiative, après moult interventions et au prix d’une stratégiealliant la pugnacité à la patience qu’ont été créées des structures de réflexion consacrées à notreproblématique professionnelle, groupes de travail pour la plupart.D’une circulaire avortée à la construction de notre référentielIl en est ainsi du groupe de travail sur les compétences documentaires au collège dont la création futannoncée à la tribune de notre congrès de Rouen, en mai 1996, par Dominique Raulin au nom du directeurdes Lycées et Collèges. Cette décision de réunir un groupe fonctionnant sur le modèle des GTD (groupes detravail disciplinaires) chargés d’émettre propositions et avis sur l’évolution des programmes d’enseignement ettravaillant sur le long terme venait récompenser notre persévérance et la pertinence de notre argumentaire,mais elle était aussi l’aboutissement d’une stratégie que nous avions mise en place dans le cadre d’une refontedes programmes de collège. Il était alors question de définir un socle de connaissances et de compétencesexigibles en fin de troisième, réflexion dont nous étions évidemment absents, n’étant pas un groupedisciplinaire !Las ! Nous n’étions pas au bout de nos peines…30 Médiadoc-spécial, Juin 1994MEDIADOC FADBEN - 23 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


Tout d’abord, il me fut proposé de participer à ce groupe en mon nom personnel et non en tant queprésidente de la FADBEN. Ne pas l’accepter revenait à prendre le risque d’abandonner la représentativitéassociative. L’accepter m’astreignait au devoir de réserve et donc à une communication partielle avecl’association.Puis il y eut ce sentiment que ceux qui coprésidaient le groupe, soit les représentants de l’InspectionGénérale et de l’Université n’étaient pas favorables à sa constitution : étaient-ils en désaccord avec l’objectifde travail, écrire sur des savoirs, dont ils déniaient la spécificité disciplinaire ? N’acceptaient-ils pas que celasoit l’aboutissement d’une démarche associative ? Que cette dernière mette en lumière une défaillance de leurpart ? Leur choix, du moins aléatoire, des membres de la commission composée à part égale d’enseignants dediscipline et de documentalistes, de même que la conduite des travaux démontra par la suite que notresentiment était justifié.Enfin, le souhait du Directeur des lycées et collèges, qui donnait mission au groupe de rédiger unecirculaire, à l’intention des équipes d’établissement, et de proposer un référentiel de compétences endocument d’accompagnement des nouveaux programmes de collège, fut détourné : plus question deréférentiel. Le projet de circulaire, communiqué pour avis aux syndicats, associations, inspection mourut de sabelle mort un jour de changement de direction au Ministère. La peur avait dû s’emparer de l’Institution : et sices compétences allaient constituer l’ébauche d’un corpus disciplinaire… alors le projet de référentiel avaitavorté faute de combattants. L’Inspection générale avait pris soin de nous rendre très minoritaires autour dela table de négociation : aucun des noms que j’avais proposés, à leur demande, n’avait d’ailleurs été retenu !D’autres circulaires ont été ensuite mises en chantier par des chemins détournés et sinueux sans qu’aucunen’aboutisse.Alors, que fit la FADBEN ? Eh bien, elle se mit au travail et publia dans la foulée le référentiel decompétences !Effet inattendu de concertations successives, sans cesse avortées : l’affirmation d’une réflexion associativeresponsable qui se traduit par la production des outils dont nous avons besoin.A la lumière de mon expérience, illustrée par quelques exemples concrets et au vu de la reproduction dumême phénomène qui nous amène aujourd’hui à un autre projet de circulaire et à une pseudo consultation,évanouies dans le brouillamini institutionnel, je vois avec fierté que nous poursuivons paisiblement notreréflexion professionnelle. Des publications paraissent qui honorent notre profession : les Savoirs scolaires eninformation documentation, le Référentiel métier. Depuis trente ans cette année, c’est ce chemin-là que nousempruntons, celui de la responsabilité et de la congruence. Qu’en sera-t-il des trente années à venir ?« La langue continuera à mettre en mots le monde » 31 et vous ne vous tairez pas.31 A. Ernaux, Les années, Paris, Gallimard, 1998MEDIADOC FADBEN - 24 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


Action associative et institution :l’exemple du protocole d’inspection des professeurs documentalistes et duréférentiel métier produit par la FADBENIsabelle FructusPrésidente de la FADBEN de 2004 à 2007Quelle est la marge de manœuvre d’une association telle que la FADBEN pour faire avancer laprofession ?L’exemple du Protocole d’inspection des professeurs documentalistes 32 mis en regard avec le RéférentielMétier 33 proposé par la FADBEN permet de montrer ce qui les oppose et les rapproche, et d’expliciter lesmodalités d’action originales d’une association qui a voulu construire une profession et veut toujours la faireévoluer.Les contraintes de l’institution :La réglementationL’institution doit se situer dans le contexte de la circulaire de 1986. C’est une contrainte qui limite lesavancées, mais aussi les inflexions que l’institution pourrait donner à la profession. Par exemple, il estclairement rappelé dans le protocole que l’évaluation des professeurs documentalistes est distincte del’évaluation de la politique documentaire de l’établissement.Elle doit aussi tenir compte des orientations ministérielles et des objectifs fixés au niveau général pourl’ensemble des professeurs. Le socle commun est donc rappelé (TIC, autonomie et initiative).Les contraintes budgétairesDes impératifs budgétaires conditionnent aussi la nature des projets. C’est vrai pour l’ensemble desministères, c’est particulièrement vrai pour les ministères gérant des fonctionnaires. Cela ne peut devenir quede plus en plus signifiant dans le contexte de réduction globale du nombre de fonctionnaires (voir le nombrede places ouvertes au concours externe).Tout projet pour l’éducation est donc passé au filtre d’une politique de réduction des coûts. Ce qui oblige àposer ainsi les termes d’une évolution : comment faire mieux avec moins ? Reconnaissons que c’est unegageure… Comment cette contrainte se traduit-elle pour les enseignants documentalistes ? Leur nombren’augmentant pas (et même étant amené à diminuer), il est logique de transférer certaines de leurscompétences à d’autres et de mettre l’accent sur la collaboration avec les autres enseignants, d’essayerd’intégrer aux programmes existants les enseignements qu’ils seraient susceptibles d’assurer dans d’autrescontextes.La prise en compte de la professionL’institution connaît bien les attentes de la profession et peut-être en partage-t-elle certaines. Si elle ne peuty répondre complètement, elle utilise certains éléments proposés par elle. Par exemple, dans le protocole, elleest attentive à nommer les personnels : professeurs documentalistes. Elle prend en compte la nécessité deformer tous les élèves.Un lexique révélateurIl est révélateur de comparer les verbes employés dans les deux documents. Reprenons dans l’ordre lesdifférentes missions proposées dans le protocole en comparaison avec les différents pôles proposés dans leréférentiel :32 Le protocole d’inspection des professeurs documentalistes est consultable sur :www.pedagogie.ac-nantes.fr/html/peda/doc/informations/inspection/Protocole_inspection.pdf33 Le Référentiel Métier a été publié dans la revue Médiadoc (mars 2006)MEDIADOC FADBEN - 25 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


Protocole d’inspectionConcevoir et mettre en œuvre la politiquedocumentaireContribuer à la formation des élèves à lamaîtrise de l’informationOrganiser et mettre à disposition le systèmed’informationFaciliter l’ouverture de l’établissementRéférentiel métier FADBENEtre acteur de la politique documentaireEnseigner l’information documentationConcevoir et gérer le système d’informationContribuer à l’ouvertureLe terme représentant l’investissement le plus fort est pour l’institution : la politique documentaire. Pour leRéférentiel produit par la FADBEN, c’est l’enseignement et le système d’information.Dans le protocole : le professeur documentaliste conçoit la politique documentaire, au lieu d’en être l’un des acteurs il est question de formation, jamais d’enseignement un système d’information ne se conçoit pas, il s’organiseSur une répartition voisine des différentes missions, se découvrent donc des axes qui sont sensiblementdifférents.Les tâches proposées dans le protocoleDans le protocole, les missions sont déclinées en tâches. Notons que ces tâches ne sont pas hiérarchisées :c’est l’Inspecteur qui est invité à tenir compte de la diversité des établissements (voir la fin du document).Certains points sont curieusement absents : le nombre d’enseignants documentalistes (mais pas, en revanche, le nombre d’enseignants en général, laparticipation d’autres personnels à l’action documentaire) les tâches sont très « matérielles », comme il se doit. Elles ne sont jamais mises en relation avec descompétences professionnelles, ni avec des savoirs ou savoir-faire dont les professeurs documentalistesdevraient faire la démonstration. C’est dommage, puisqu’il s’agit d’évaluer les personnels et leurscompétences pour assurer les missions qui leur sont confiées. les moyens financiers affectés à la documentation dans l’établissement.Conception de la politique documentaire :Quelques tâches ne manquent pas de surprendre dans leur formulation : « participer aux instances de pilotage pédagogique » ou « mettre en place un mode de relation direct avecle chef d’établissement » : cela semble plutôt relever du rôle du chef d’établissement… « connaître les textes réglementaires »… : seul point où des connaissances sont exigées, mais non traduitesen tâchesFormation des élèvesLa formulation reprend strictement les termes de la circulaire de 1986. Là encore, quelques éléments àrelever : « identifier les apprentissages »… : nous sommes d’accord, mais il est un peu surprenant que l’institutiondélègue ainsi aux professeurs le fait de déterminer ce qu’il faut apprendre aux élèves. N’est-ce plus le rôlede l’Etat ? « élaborer des outils »… : il s’agit là de médiation pédagogique, avec les limites de ce dispositif une certaine assimilation est faite des actions éducatives, pédagogiques, de formation et culturelles.Système d’informationC’est la partie qui identifie le plus de tâches. Elles sont toutes intéressantes en elles-mêmes, mais…comment tout faire ? Il aurait fallu là un bémol.MEDIADOC FADBEN - 26 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


Quelques remarques encore : ouverture du CDI : la question des horaires d’ouverture reste très ambiguë la place du projet personnel d’orientation : placée dans l’accueil du public, ce qui est une place trèsminorée par rapport à ce que l’on pouvait imaginer.Faciliter l’ouvertureToutes les tâches indiquées ne paraissent pas spécifiques du professeur documentaliste. On aurait attenduquelques mots du type : « comme les autres personnels de l’établissement scolaire et en tant queprofesseur… »Si l’on voulait faire comparaison avec le milieu des bibliothèques en général, le niveau de compétences (àmettre en relation avec les tâches citées) ressemble à celui exigé de conservateurs. Faut-il rappeler qu’auniveau des rémunérations, les professeurs documentalistes sont assimilables aux bibliothécaires ? Faut-ilrépéter que leur parcours professionnel, si ce n’est à changer de métier, s’arrête au niveau du CAPES ?Enfin, la contrainte horaire et le nombre des personnels n’existent tout simplement pas. On fait commesi…L’action associativeQue faire de ces constats ? Stigmatiser une institution qui voudrait la fin des professeurs documentalistes ?Pointer du doigt des différences insurmontables ? S’arc-bouter sur une position défensive ?Je ne crois ni en l’efficacité d’une telle stratégie du bloc contre bloc ni en l’effet positif de la caricature despoints de vue des uns et des autres. Il vaut mieux, et cela a toujours été le point de vue de la FADBEN : construire, avec les collègues, une représentation du métier à la fois réaliste et innovante ; se donner des axes forts : depuis sa création, pour la FADBEN, c’est la visée pédagogique de la mission del’enseignant documentaliste ; défendre la profession, ce qui n’est ni défendre des acquis ni se perdre en incantations idéologiques, mais :♦ produire des outils : le référentiel métier et le corpus de notions 34 à enseigner sont aussi des outilspour défendre la profession♦ créer des partenariats pour la réflexion : universitaires engagés dans des recherches en informationdocumentationou en sciences de l’éducation, autres enseignants, institutionnels soucieux dedévelopper la culture de l’information, parents d’élèves qui pensent à l’avenir de leurs enfants, autresprofessionnels de l’information confrontés peu ou prou aux mêmes obstacles, syndicats qui portentaussi une vision du métier…Tout cela, c’est défendre spécifiquement la profession, parce que cela permet une prise de conscience desproblèmes réellement posés (ceux des élèves !) et en s’appuyant sur une argumentation solide et convaincante.C’est ce type d’approche qui a permis, dans un contexte favorable, la création du CAPES. En effet, celle-cia été possible parce qu’un travail de réflexion abouti a pu, en temps et en heure, accompagner cette évolutiondécisive.Reconnaissons-le : nous ne pouvons guère jouer sur le contexte, sur une volonté politique de développerréellement une formation à l’information débouchant sur des mesures vraiment efficaces. Mais nous nepouvons pas plus rester sur des positions uniquement défensives. En revanche, nous pouvons aller de l’avant,faire exister des idées, une vision du métier, penser des propositions nouvelles et les proposer à l’institutionpour un dialogue constructif.C’est ce que montre selon moi le travail fait autour du Référentiel métier, véritable proposition de laFADBEN pour l’évolution de la profession. Parce qu’il existe, parce qu’il est largement partagé au sein del’association, il permet de lire les propositions institutionnelles et de dialoguer avec elle sur des bases solides etclairement affichées.Face à l’inquiétude quant à l’avenir de la profession, continuons à faire la preuve qu’elle est bien vivante !34 Voir Médiadoc, mars 2007MEDIADOC FADBEN - 27 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


La FADBEN et les réformes : De l’anticipation à la généralisation,des solutions insolubles !Colette CHARRIER-LIGONATProfesseur documentaliste, Lycée Guez de Balzac (16)Formateur IUFM Poitou-CharentesPrésidente de la FADBEN de 1998 à 2004Ecrire aujourd’hui sur les réformes dans l’Education nationale me donne envie de parler au passé ; d'une partparce que j’ai déjà beaucoup écrit sur ce sujet, d'autre part parce que je ne vois rien de très nouveau et de bon seprofiler à l’horizon pour les enseignants documentalistes. Au delà du témoignage, en rassemblant mes idées, quepuis-je écrire de neuf et de prospectif pour la profession ? En effet, qu’est-ce qui aujourd’hui peut nous donner dugrain à moudre dans une période peu faste me semble-t-il à l’innovation prétexte à rénovation. Plus que jamaisdepuis les réformes des années 80, il n’y a eu aussi peu d’aventures pédagogiques si ce n’est celles liées auxnouvelles technologies qui sont censées favoriser les apprentissages. Mais nous on le sait bien, et surtout à laFADBEN, une machine, aussi performante soit-elle ne peut révolutionner l’école. Après l’ordinateur, la dernièreinvention qui est celle du tableau interactif comme nouveau média d’apprentissage peut à juste titre nousinterroger. A l’heure de formaliser les projets d’établissement, quels peuvent être les axes de la politiquedocumentaire dans le cadre des orientations académiques centrées sur la politique éducative ?Je vais essentiellement brosser un tableau historique de manière à orienter la réflexion vers les perspectives quis’offrent à nous dans le contexte éducatif actuel.FADBEN et rénovation pédagogiqueDepuis les années 80, la FADBEN maintient des orientations novatrices en matière de pédagogie et soutienttoutes les rénovations avec pour commencer la rénovation des collèges. A cette époque, c’est l’arrivée desordinateurs dans les CDI, le début de l’informatisation des ressources documentaires et la constitution d’une basede données pour répondre aux besoins engendrés par l'explosion documentaire. Très vite se fait sentir le besoin deformer à la recherche documentaire, à l’usage des ressources et du CDI. Une prise de conscience de l'intérêt de laméthodologie du travail intellectuel va déboucher sur la création de six modules de formation transversale dans lecadre de l’INRP dont le fameux module 3 consacré à la méthodologie de la recherche documentaire. LaFADBEN, largement consultée, sera partie prenante dans ce travail qui donnera lieu à publication. Les premiersouvrages qui sortiront dans la foulée sont à mettre à l’actif des militants FADBEN comme celui du Président del’époque, « Doc., doc. Entrez ». Un groupe de documentalistes de Grenoble sortira l’ouvrage : « Je cherche, jetrouve, je classe ». Autant de succès avec le livre de Brigitte Chevalier sur la « Méthodologie d’utilisation d’unCDI » pour aider les documentalistes dans leurs tâches de formation et les placer déjà à l’époque comme desagents de la rénovation pédagogique. C'est le début du travail autonome et de la prise de conscience del'importance des apprentissages dans et en dehors de la classe en liaison avec le développement du travail surdocuments. La naissance des étapes de la recherche documentaire pose, dans ce contexte, le début là aussi, dutravail en binôme discipline/documentation sur l'ensemble du processus et sur l'évaluation du produit final. Lesmilitants de la FADBEN, non seulement engagés sur le terrain, vont proposer des stages académiques dans lecadre des MAFPEN pour irriguer et rénover la formation continue. Ils piloteront très souvent les formations, etce seront très souvent les mêmes qui, ensuite, oeuvreront pour le CAPES et la formation initiale qui a suivi. Làencore, la FADBEN s'inscrit dans un long processus de rénovation pédagogique, dont la montée en puissance setraduit dans les réformes qui se sont fait jour depuis les années 9O, avec la rénovation du lycée en particulier, dansles années 2000, et avec les nouveaux dispositifs.L’association face à un long chapelet de réformesDe ce jour-là, les dispositifs institutionnels s'enchaîneront et apporteront leurs espérances à la hauteur desenjeux mesurés par les acteurs engagés sur le terrain. Il en va ainsi de la mise en œuvre des réformes, se traduisantpar une généralisation d'expériences novatrices récupérées pour répondre à un besoin de rénovation pédagogiqueau service de la réussite scolaire. Les modules en seconde, les Travaux Croisés au collège seront autant d'occasionspour travailler en équipe avec les autres professeurs dans le cadre d'une aide à l'élève pour apprendre autrement.Parallèlement, l'Institution va reconnaître et réaffirmer le rôle pédagogique du professeur documentaliste,membre du corps enseignant. Les membres de l'Association, comme toujours, vont s'engouffrer dans ce nouveauparadigme qui va davantage se centrer sur le rôle du professeur documentaliste et ses missions que sur le lieu CDI.MEDIADOC FADBEN - 28 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


Mais on reste toujours dans une approche cumulative des tâches pédagogiques liées aux profils des acteurs duterrain et aux opportunités de mise en œuvre, ici ou là, dans des compromis de chaque instant.Les Itinéraires de Découverte (IDD) succéderont aux Travaux Croisés (TC) pour le collège, les TravauxPersonnels Encadrés (TPE) verront le jour au lycée avec les Projets Pluridisciplinaires à Caractère Professionnel(PPCP), plus marginaux dans le système éducatif. Les TPE, par une volonté affirmée de l'Institution, auront droità une mise en œuvre réfléchie et orchestrée avec une première année d'expérimentation. Là aussi, la FADBEN aété consultée et associée aux travaux. Pour ma part, Présidente à l'époque, j'ai pu tester le protocole expérimentalproposé par le Ministère. Une mise en œuvre sur le terrain de mon établissement scolaire, avec les consultationsacadémiques, ont permis de faire remonter nos observations et ont donné lieu à la publication d'un numéro deMédiadoc consacré aux nouveaux dispositifs. D’autres numéros de la revue professionnelle montrent bien que laFADBEN a encore anticipé à sa mesure la rénovation pédagogique utile à l'évolution de l'enseignement pourrépondre aux nouveaux besoins de l'école. En publiant des outils comme le référentiel de compétences, les savoirsscolaires en information-documentation et leurs mises en œuvre, l’Association se situe bien dans une perspectivepédagogique novatrice. Elle anticipe les outils à l’échelon d’une réflexion nationale, utiles à la profession sur leterrain et qui font cruellement défaut au plan institutionnel.La pédagogie de projet comme dénominateur communC'est bien avec ces nouveaux dispositifs des années 90, que l'on assiste à une véritable évolution de lapédagogie documentaire dans une approche transversale des savoirs. En ce qui nous concerne, le professeurdocumentaliste est mentionné comme un enseignant spécifique associé, on parle de travail sur documents et derecherche documentaire. L'élève est au cœur du dispositif pédagogique et l'enseignant se positionne commemédiateur dans une démarche interdisciplinaire. C'est la pédagogie de projet dont la finalité est une production quiest évaluée par l'équipe pédagogique censée intégrer l’enseignant documentaliste. Mais, ce qui est le plus novateur,c’est bien le fait d'évaluer enfin la démarche documentaire de l'élève. Celle-ci est consignée dans un carnet de bordou une feuille de route selon les dispositifs. Elle est l'objet d'un barème d'évaluation. Les TPE sont le dispositif leplus abouti en la matière avec une première année formative en première et une deuxième année en terminale,objet d'une évaluation pour le baccalauréat. La FADBEN a bien vu dans ces dispositifs une réponse à ses attentesinstitutionnelles en matière de compétences documentaires à prendre en compte dans les apprentissages desélèves. Des méthodes de travail centrées sur le document dans les années 80, on passe à la pédagogiedocumentaire, qui, de part la nature des dispositifs, officialise de fait le partenariat discipline/documentation etinduit une reconnaissance professionnelle.Parallèlement, les compétences documentaires sont pointées dans les programmes d'enseignement. Mais lesréformes des programmes ne se prononcent pas sur les modalités et les moyens. Quelles formations ? Par qui ?Avec quelle progression ? Pour quelle évaluation ? Sans compter les dérives procédurales et la confusionentretenue entre information et informatique. En effet, avec l'ampleur du phénomène Internet, recherche etproduction d'information s’apparentent, pour beaucoup, avec la maîtrise des nouveaux outils de l'information etde la communication. Les cartes sont brouillées, preuve en est du dispositif B2i qui fait un amalgame entrecompétences informationnelles et compétences informatiques comme en attestent certains items.Un avenir bien menacé pour les réformesLe système des réformes semble bien fragile pour nous. Les IDD sont moribonds, les TPE n'existent plusqu'en première et pour combien de temps ? La rumeur court… Nombreux sont les enseignants documentalistesqui ont investi ces dispositifs pour mettre en œuvre des formations, mais il ne reste guère que les TPE, et encore,il faut former et évaluer la même année ! Mission impossible ! La banalisation d'un cadre horaire et d'une structureprivilégiée en première aurait pu créer des bonnes conditions si l'effet nombre n'était pas un obstacle à la mise enœuvre généralisée. Les enseignants documentalistes ont aussi beaucoup investi L'Education Civique, Juridique etSociale (ECJS) en lycée, mais là aussi, en se heurtant à des problèmes de temps et de moyens humains. L'ECJS seprésentait au départ comme un dispositif intéressant. L'Institution avait même créé un GTD (Groupe TechniqueDisciplinaire) spécifique qui a travaillé plusieurs années à la mise en œuvre de cet enseignement. La FADBEN aété partie prenante dans ce projet avec un représentant au sein du groupe chargé d'élaborer les contenus et lesmodalités de la mise en œuvre dans les programmes. Les traces de notre contribution apparaissent là aussi dans lesdocuments d'accompagnement. Mais le concret sur le terrain est souvent tout autre quant aux dérives de cetenseignement qui ne respecte pas toujours la philosophie du dispositif. D’ailleurs, l’ECJS est mise en cause etmenacée quant à son bien-fondé et au fait d’être dans les mains de certains enseignants, alors que ce devrait êtrel’affaire de tous, selon les propos récents de l’Inspection Générale à des Assises sur l’Education.MEDIADOC FADBEN - 29 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


La difficile représentativité de la FADBENMais le plus frustrant a souvent été lié au fait que, malgré notre investissement dans les travaux institutionnels,il a fallu le faire souvent individuellement sans que la FADBEN soit officiellement représentée pour des raisons deparité avec les syndicats. Force de proposition pour le Ministère, moteur des avancées sur le terrain, la FADBEN,tant par l'action que l'échange, le débat, les manifestations et les publications a toujours été partie prenante desinnovations. Faire passer des idées sur une parole, par un individu présent à un moment donné, pour une causedonnée, tel est le challenge à relever par les représentants de l’Association professionnelle, mais sans appartenanceà celle-ci ! Difficile pari d’équilibriste !En fait, tous ces dispositifs ne sont que des brèches pour nous, dans lesquelles nous pouvons nous infiltrer,mais se révèlent très souvent des failles dans lesquelles on se perd. Parce que toute innovation pédagogique, aumérite de ses acteurs -dont la FADBEN disons-le, est souvent la seule à avoir fait des propositions concrètes- dèsl'instant qu'elle est récupérée et généralisée, ne se voit pas offrir les moyens par l'Institution. Les nouveauxdispositifs de ces dernières années en sont une brillante illustration. Mais n'aura-t-on toujours de cesse que de"profiter" des opportunités sans asseoir une véritable légitimité ? On en revient au fait que l'on peut toujoursajouter des dispositifs comme réponse généralisée à des pédagogies innovantes, on manque de clarificationd'objets d'apprentissages en information-documentation qui légitimeraient la pédagogie documentaire qui n'a paslieu d'être sans acquisition de savoirs.Mais quel est donc le fond du problème ? Le CDI, lieu d'apprentissages sans être pour autant un lieud'enseignement, le documentaliste, un enseignant sans être un professeur !Quelles ouvertures institutionnelles ? Quelles nouvelles perspectives pour laprofession ?Ce ne sont pas les nouvelles perspectives de rénovation qui peuvent nous rassurer. Une récente manifestationoù se sont exprimés plusieurs Inspecteurs Généraux de la Vie Scolaire faisait état de ces nouvelles orientations enmatière de politique éducative d’établissement. On préconise un recentrage disciplinaire dans un contexte éducatifà prendre en compte à l’échelle de l’Etablissement scolaire. Il n’est plus question de séparer l’éducatif et lepédagogique. L’éducation c’est la transmission de savoirs et de valeurs sans dissocier contenus et méthodes.L’éducation c’est l’affaire de tous les agents, terme préféré à acteurs, et elle ne peut être traitée que dans uneapproche plurielle grâce à une mutualisation des compétences pour une réponse collective efficace. Tels étaient lespropos d’une Vie Scolaire en pleine interrogation et en pleine refondation. Quelles seront alors les compétencesqui nous seront attribuées ? Comment notre profil professionnel peut-il se situer entre disciplinaire et éducatif ?Quel enjeu éducatif de demain pour former l’élève à devenir un futur citoyen éduqué ? Comment nous sera-t-ildonné de participer aux apprentissages ? Peut-on enfin espérer dans ce nouveau paradigme, une réelle prise encompte d’une éducation à l’information qui serait au carrefour entre éducation et pédagogie ? Quelles seront lesespaces de négociation ? L’Inspection Générale réaffirme le rôle du Conseil Pédagogique comme espace dedélibération interdisciplinaire et éducatif qui doit intégrer les enseignants documentalistes et les CPE. Elle remeten cause l’intérêt des nouveaux dispositifs qui se sont succédés et ajoutés au fil des années sans apporter desolutions viables en profondeur. C’est le système lui-même qui doit intégrer et réunir toutes les composantes d’uneéducation réussie. Chacun peut inscrire l’éducation à « son programme » mais comment se répartiront les rôlespour que chaque partition concourre à une approche éducative globale et avec quelle mise en cohérence ? Il estsouligné le rôle fondamental du Chef d’établissement comme homme orchestre de la politique éducative à l’échellede l’Etablissement.Tant que ne seront pas définis les éléments à prendre en compte pour une éducation de l’élève dans le milieuscolaire, tant que ne sera pas reconnue la nécessaire éducation à l’information comme étant en partie l’affaire desspécialistes en information-documentation que nous sommes, notre profil restera en suspens au gré des aléas dusystème éducatif. Les réformes, à considérer comme des greffes, n’ont rien réglé. Et ce n’est pas une Institution àla langue de bois qui nous permet aujourd’hui d’espérer ! La FADBEN, de son côté continue sa réflexionprospective quant à l’innovation pédagogique pour que soit un jour reconnue une éducation à l’information. Lecongrès <strong>2008</strong> et les travaux de l’ERTé sont de grands projets pour cultiver notre espoir.MEDIADOC FADBEN - 30 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


L’action de la FADBEN : Organiser huit congrès et proposer uneréflexion prospectiveGilles PerrinProfesseur documentaliste retraitéPrésident honoraire FADBEN de l'académie de DijonTrésorier honoraire de la FADBEN1958-<strong>2008</strong> : cinquante ans d’existence d’un métier qui a évidemment beaucoup évolué. Depuis sa créationen 1972, la Fédération des enseignants documentalistes de l’éducation nationale a rythmé la vie desprofesseurs documentalistes. Son rôle pour promouvoir et faire évoluer le métier a été incessant et surtoutdéterminant. En organisant régulièrement un congrès depuis 1989, elle s’est efforcée de proposer uneréflexion prospective.1 er congrès à Strasbourg les 19, 20 et 21 mai 1989 : Diagnostic etprospective d’une profession.En 1989, le premier congrès est en quelque sorte l’aboutissement d’un long travail conduitnotamment par la <strong>Fadben</strong> pour créer le « Capes de sciences et techniques documentaires ». François Roux,président de la <strong>Fadben</strong>, est l’initiateur du premier congrès et crée ainsi une dynamique qui perdureaujourd’hui. C’est le début d’une série de congrès qui vont jalonner l’histoire des CDI en prenant en compteles évolutions économique, éducative, pédagogique, politique et technologique.Après trente ans de pratiques, il est temps, en effet, en 1989 d’établir un diagnostic et d’avoir une visionprospective pour la profession, « au moment où le gouvernement dépose au Parlement un projet de loid’orientation sur l’éducation », comme le déclare Lionel Jospin. C’est ce moment qu’a choisi le ministre del’éducation nationale, en répondant à l’invitation de la <strong>Fadben</strong>, pour « faire le point […] sur la conception et lerôle des centres de documentation et d’information au sein des établissements scolaires ».Ce premier congrès marque un vrai tournant dans l’évolution du métier. Pour bien appréhender sonimpact, et avec le recul que nous avons à présent, il suffit de reprendre les têtes de chapitres de l’interventionministérielle :– les CDI au service de la dynamique de rénovation ;– le CDI a aussi un rôle privilégié à jouer dans l’approche des technologies nouvelles ;– un plan pour les centres de documentation et d’information ;– la création du CAPES de sciences et techniques documentaires.On ne peut refaire l’histoire. Mais on peut se poser la question : que serait aujourd’hui le métier deprofesseur documentaliste, et en particulier dans sa dimension pédagogique, si ce Capes n’avait pas été créécette année-là ? Cette création est le point de départ d’un long cheminement évoqué sous la forme de« longues marches » par André de Peretti lors de son discours inaugural. Avec le recul, on peut mieux mesurercombien ce premier congrès fut précurseur. En effet, les sept congrès qui suivront vont jalonner la voie tracéeet vont permettre aux participants et à la profession de s’interroger sur la place de la documentation dans lesdivers systèmes éducatifs européens, sur les pratiques d’information, sur les enjeux démocratiques dans lecontexte d'un environnement informationnel en mutation au début du vingt-et-unième siècle.Paulette Bernhard, de l’université de Montréal, développe le concept «d'habiletés d'information» et posealors les bases de ce qui sera le référentiel de compétences produit et publié par la <strong>Fadben</strong> dans le Médiadocdaté de décembre 1997. Puis l’idée d’un curriculum documentaire, défendue en 2003 lors des Assisesnationales pour l’éducation à l’information, va faire son chemin. Il s’agit de conforter « l’ancrage pédagogiquede [la] profession », dont le rôle pédagogique est symbolisé par la création du Capes comme l’a soulignéLionel Jospin. Déterminer des contenus info-documentaires et mettre en place les apprentissages nécessairespour l’ensemble des élèves de la maternelle à l’université sont des enjeux qui ont été au centre des débats surla formation du citoyen lors du septième congrès.MEDIADOC FADBEN - 31 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


Toujours lors de ce premier congrès, la commission 7, animée par Marie-Paule Saj qui a coordonné lesActes des quatre premiers congrès, pose déjà la problématique du projet documentaire d’établissement enévoquant « CDI et politiques documentaires » et en insistant sur la nécessité de « rationaliser nos actions etleur donner une cohérence afin d’aboutir à une politique documentaire réfléchie ».Une table ronde, animée par France Vernotte, qui sera ensuite présidente de la <strong>Fadben</strong> au moment duquatrième congrès, et intitulée « le CDI et les autres systèmes éducatifs européens » aborde déjà le thème dudeuxième congrès.2e congrès à Poitiers les 24, 25 et 26 mai 1991 : Communication,documentation, information dans l’enseignement secondaire en Europe.Alors que l’Union européenne n’est constituée que de douze membres, François Roux, dans sondiscours inaugural, invite les acteurs de ce deuxième congrès, venus de nombreux pays d’Europe et duQuébec, à réfléchir sur le « rôle nouveau de la documentation au sein [des] différents systèmes éducatifs » despays en présence. C’est l’occasion pour tous les pays représentés de faire le point sur la place faite auxbibliothèques scolaires et aux centres de documentation dans leur système éducatif. L’originalité des CDIfrançais dans le paysage documentaire européen est soulignée et la spécificité de l’enseignant documentalistefrançais enviée. C’est ce que Jean-Yves Théberge, président de l’association du personnel des servicesdocumentaires scolaires au Québec, se plaît à mentionner : « Le Capes de sciences et techniquesdocumentaires tel qu’il existe en France est pour nous une source d’inspiration ».Dans le domaine de la documentation, de la communication et de l’information, des comparaisons sontétablies entre les différents pays, des convergences sur les pratiques professionnelles sont constatées, despropositions pour l’avenir sont faites. Comme l’indique Françoise Belet en conclusion d’une table ronde :« Gageons que ces projets, que ces propositions se concrétiseront et constitueront l’ébauche de l’existenced’un espace documentaire européen dans le domaine éducatif ». Et Françoise Chapron de souligner dans lasynthèse : « Ce congrès […] avait la valeur d’un grand geste symbolique ».3e congrès à <strong>Mars</strong>eille les 15, 16 et 17 octobre 1993 : Information etpratiques d’information : quelle recherche ?En 1990, la <strong>Fadben</strong> organise un séminaire intitulé Quel profil professionnel pour les documentalistes des CDIdes établissements scolaires du second degré ? et en 1992 un autre séminaire intitulé Les IUFM : quelles réponses pour ladocumentation et les documentalistes de CDI ? C’est dans la continuité de cette problématique que Michel Treut,président de la <strong>Fadben</strong> lors de ce troisième congrès, indique, dans le cadre du thème du congrès, que « la<strong>Fadben</strong> […] se doit, du moins, d’aider à mieux définir le contenu scientifique et professionnel du métier ».René Mayer, dans son intervention intitulée « Information et compétitivité », y annonce en quelque sorte lethème du congrès de Rouen, en insistant sur la place grandissante qu’occupe l’information dans tous lessecteurs de l’économie. Les métiers de l’information représentent-ils un enjeu pour le XXIe siècle ? Leconcept même d’information est au cœur des débats, Claude Baltz insistant sur le fait qu’il ne faut pasdissocier information et communication. Yves Le Coadic dresse l’état de la recherche en information, tandisqu’Hélène Trocmé-Fabre fait le point sur l’état de la recherche à propos du savoir-apprendre et que FrançoiseChapron situe les enjeux et les perspectives des apprentissages documentaires.4e congrès à Rouen les 16, 17 et 18 mai 1996 : Professiondocumentaliste : un enjeu pour le XXIe siècle ?Comme le souligne France Vernotte, présidente de la <strong>Fadben</strong> lors de ce quatrième congrès, dans sondiscours inaugural à propos du thème choisi : « N’était-ce pas déjà le même souci en 1989, à Strasbourg,lorsque nous formulions un diagnostic sur notre profession ? ». Certes, nous sommes passés à la cybercultureet le moment est venu de traiter de l'évolution du métier de documentaliste dans le contexte d'unenvironnement informationnel en mutation. Ce congrès est alors l’occasion de faire le point notamment sur« documentation et discipline », « les NTIC et l’évolution du métier de documentaliste », « NTIC et nouveauxapprentissages », « les représentations du métier de documentaliste » et sur « le CDI de demain ». Marie-France Blanquet termine la synthèse du congrès par un message d’humanisme.Mais, sans mésestimer les autres interventions, toutes importantes et riches, je veux mentionner deuxinterventions marquantes : celles de Bernard Toulemonde et d’Yvon Robert, deux personnalités éminentesMEDIADOC FADBEN - 32 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


qui ont marqué le monde de la Documentation. Bernard Toulemonde, outre ses multiples et très hautesfonctions au ministère de l’éducation nationale et au cabinet du premier ministre, a été président du jury duCapes externe. Lors de son intervention inaugurale, il s’est posé en visionnaire d’un travail interdisciplinaire etde dispositifs pluridisciplinaires en disant : « j’aimerais tant qu’aux professeurs des différentes disciplines onleur parlât de temps en temps de la documentation et qu’on les prépare au travail en commun avec lesdocumentalistes ». Quant à Yvon Robert, il n’est pas inutile de rappeler qu’il a signé, en mars 1986, lacirculaire des missions qui continue de réglementer l’activité des CDI et des documentalistes. Mais surtout,dans son discours inaugural, parlant de l’agrégation, il prend position : « Il n’est pas admissible à mes yeux quecertains personnels des établissements secondaires, enseignants comme vous et comme quelques autres, nepuissent pas avoir cette reconnaissance. J’espère bien, comme vous l’imaginez, retrouver quelquesresponsabilités dans l’éducation nationale et croyez bien que je m’emploierai sur ce sujet ». Ce rappel ne peutsusciter que des regrets ! Il y a sans doute eu des occasions manquées…5e congrès à Bordeaux les 26, 27 et 28 mars 1999 : Pour un élève infozappeurou info-lettré ?Colette Charrier-Ligonat est présidente de la <strong>Fadben</strong> pour l’organisation des congrès de Bordeaux etde Dijon. Comme elle le précise dans son discours inaugural, le titre de ce congrès est « un titre choc à l’heureoù l’on vante tous les bienfaits des nouvelles technologies pour la formation du citoyen ». Les professeursdocumentalistes sont « confrontés à un nouvel environnement informationnel qui [les] interroge sur la partdes apprentissages à conduire » ; c’est en ces termes que la présidente énonce la problématique. Jean-MarcMonteil, recteur de l’académie de Bordeaux, souligne quant à lui « la nécessité de gérer l’information d’unemanière nouvelle et de l’intégrer, avec ses outils, dans le cadre des apprentissages fondamentaux de nosélèves ». L’enseignement est en effet confronté à ce que Bernard Stiegler appelle « l’anarchieinformationnelle » ; la question se pose de « transformer l’information en savoir ». Mais pour ce faire, l’élève abesoin de ce que Séraphin Alava nomme en parlant du rôle du documentaliste comme « rôle de passeurculturel et de médiateur d’apprentissage ». Marie-France Blanquet, face aux élèves anorexiques ouboulimiques de la société d’information, prône une diététique de l’information. En somme, à l'heure oùl'informatique est de plus en plus utilisée pour rechercher, traiter et produire de l'information, la professiondoit analyser les conséquences d'un tel bouleversement, en particulier lié à l’arrivée d’Internet dans lesétablissements scolaires. C’est l’objet de la table ronde animée par Claude Morizio, ayant pour thème« Internet dans l’établissement scolaire en général, au CDI en particulier ».6e congrès à Dijon les 15, 16 et 17 mars 2002 : Temps des réseaux,partage des savoirs.Le temps des réseaux est arrivé à la fin du XXe siècle notamment avec Internet. Ce premier congrèsdu XXIe siècle se devait d’aborder la problématique des « autoroutes de la communication : pour unir ouséparer les hommes ? » ; c’est Philippe Breton, chercheur au CNRS, qui tente de donner une réponse. Mais ledeuxième élément de la problématique est au cœur des préoccupations du monde enseignant ; Yves Jeanneretapporte un éclairage sur le partage des savoirs. Les TIC apportent en effet leur lot de promesses, de réalités etd’ambiguïtés au sein même des établissements scolaires, et plus précisément dans les CDI ; Monique Linarddonne des pistes de réflexion sur la révolution quantitative et qualitative dans l’information. Cette révolutionnécessite de nouveaux apprentissages et une pédagogie adaptée : l’hypertexte n’est-il pas un nouvel enjeu de ladocumentation, en particulier pour la lecture d’informations. André Tricot apporte son expertise sur« l’activité de recherche d’information dans les systèmes de documents ». Tant au niveau des ressources qu’auniveau des stratégies éducatives, des bouleversements s’opèrent : des réseaux professionnels se créent,mutualiser semble plus facile, la formation à distance peut devenir réalité. L’institution scolaire incitantfortement à cette époque à dépasser le découpage des formations en disciplines, une table ronde est animéepar France Vernotte sur le thème de l’interdisciplinarité. Guy Pouzard, président du jury du Capes externe,pense que la « fonction documentaire [est] appelée elle aussi à profondément évoluer ».MEDIADOC FADBEN - 33 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


7e congrès à Nice les 8, 9 et 10 avril 2005 : Information etdémocratie : formons nos citoyens.Participer à la construction d’une vie démocratique, n’est-ce pas un des enjeux de l’école ? IsabelleFructus, présidente de la <strong>Fadben</strong> pour le congrès de Nice, propose à la profession, dans son discoursinaugural, d’avoir l’ambition de « participer à ce travail de construction ». « La formation à la maîtrise del’information, socle de l’apprentissage tout au long de la vie » participe à la formation d’un citoyen éclairé etresponsable ; c’est le titre de l’intervention d’Abdelaziz Abid pour le compte de l’Unesco. Cetteproblématique du lien entre la formation de tous les élèves à la maîtrise de l’information et une sociétédémocratique est le fil rouge du congrès ; elle est au cœur des débats de la table ronde intitulée « Pour uncurriculum en information-documentation ». Dans le nouvel environnement médiatique de ce début du XXIesiècle, créé par le développement des technologies de l’information et de la communication, l’éducation auxmédias, thème traité par le Québécois Jacques Piette, prend une dimension nouvelle. C’est le concept decyberculture que Claude Baltz va développer dans ses aspects pédagogique, social et politique, affirmant danssa conclusion « que le oui à la cyberculture [lui] paraît donc relever d’une nécessité citoyenne ».8e congrès à Lyon les 28, 29 et 30 mars <strong>2008</strong> : Culture del’information : des pratiques aux savoirs.A l’heure où ces lignes sont écrites, le huitième congrès organisé par la <strong>Fadben</strong> va s’ouvrir dansquelques jours à Lyon sous la présidence de Françoise Albertini. La problématique de ce congrès résulte d’uncertain nombre d’interrogations relatives à l’accès massif aux technologies de l’information et de lacommunication et fait écho aux thèmes traités depuis le premier congrès : un diagnostic de la profession doità nouveau être fait. Les enjeux évoqués au congrès de Rouen sont toujours bien présents : le métier deprofesseur documentaliste au XXIe siècle a-t-il toujours le même sens ? La question posée au congrès deBordeaux est plus que jamais d’actualité : qu’en est-il de la culture de l’information ? En quoi concerne-t-ellel’école ? Cette culture fait-elle partie d’un socle commun que tout citoyen doit posséder ? Au-delà despratiques spontanées, quels besoins en savoirs scolaires de l’information-documentation fait-elle émerger ?L’objectif majeur du professeur documentaliste n’est-il pas de conduire des élèves vers une utilisationraisonnée des technologies d’accès à l’information ?Le Bureau national de la <strong>Fadben</strong> m’a demandé d’écrire ces quelques pages. Je l’ai fait avec plaisir, prenant letemps de reprendre les Actes des sept premiers congrès, parfois, je dois le dire, avec une certaine nostalgie.J’ai eu la chance de participer à tous ces congrès ; je mesure le chemin parcouru. Il n’était pas simple de lesfaire revivre de façon assez succincte et forcément incomplète. Je ne peux qu’encourager tous les collègues àen exploiter les Actes et à bien appréhender ainsi le travail fait par la <strong>Fadben</strong> au cours de ces années. Et afinque les plus jeunes n’oublient pas le travail des anciens, j’invite à la lecture d’une annexe des Actes du 3 econgrès, intitulée « La <strong>Fadben</strong> : déjà vingt ans » (p. 85-87) ; ce sera l’occasion, pour beaucoup sans doute, dedécouvrir les noms des cinq premiers présidents de la <strong>Fadben</strong>, de 1973 à 1993, et les actions qu’ils ontconduites.MEDIADOC FADBEN - 34 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


Repères chronologiques1947 : Ouverture de la première « bibliothèque centrale d’élèves » au lycée Longchamp de <strong>Mars</strong>eille1952 : Le rôle de la documentation dans l'enseignement du second degré. Circulaire du 13 octobre 1952 surl’utilisation du document comme support pédagogique1958 : Création du premier CLDP (Centre local de documentation pédagogique) au Lycée Janson de Sailly(Paris)1962 : Instruction générale concernant le service de documentation des établissements d'enseignement.Circulaire du 10 février sur l'organisation des « services de documentation pédagogique »1966 : Les SDI (Services de documentation et d'information) s'ouvrent aux élèves1972 : Création de la FADBENLancement de la revue Inter-SDI par Roger Cuchin, documentaliste d’Etampes, qui deviendra Inter-CDIavec le changement d’appellation1973 : 24 janvier, conférence de presse du Ministre Joseph Fontanet annonçant la mise en place progressive,en cinq ans, de centres de documentation et d’information dans tous les établissementsLes SDI deviennent des CDI (Centres de documentation et d'information)1974 : Rapport Tallon : Le Centre de Documentation et d'Information. Son rôle - Son fonctionnement. Septembre 19741975 : Coordination des responsabilités à l'égard des centres de documentation et d'information (C.D.I.). Circulaire du 12mars 19751977 : Fonctions des responsables de centres de documentation et d'information (CDI) des établissements d'enseignement dusecond degré. Circulaire du 17 février 19771978 : FADBEN. Manifeste Documentation, discipline nouvelle ? [Prochainement en ligne sur le site de laFADBEN]1980 : Documents et communications. FADBEN : 1 er Colloque national de la documentation à l'école. Lille, 7-8juin [Prochainement en ligne sur le site de la FADBEN]1982 : Développement de la « pédagogie par objectifs »1986 : Mission des personnels exerçant dans les centres de documentation et d'information. Circulaire du 13 mars 19861989 : Création du CAPES de documentation. Discours du ministre d'État, ministre de l'Education Nationale, de laJeunesse et des Sports, prononcé au congrès de la Fédération des associations de documentalistes-bibliothécaires del'Education Nationale (Lionel Jospin), 19 mai 19891 er Congrès FADBEN : Diagnostic et prospective d’une profession. Strasbourg, 19-21 mai 19891991 : 2 ème Congrès FADBEN : Communication, documentation, information dans l’enseignement secondaire en Europe.Poitiers, 24-26 mai 19911993 : 3 ème Congrès FADBEN : Information et pratiques d’information : quelle recherche ? <strong>Mars</strong>eille, 15-17 octobre19931994 : Un nouveau contrat pour l’école. Consultation nationale organisée par F. Bayrou1996 : 4 ème Congrès FADBEN : Profession documentaliste : un enjeu pour le XXI ème siècle. Rouen, 16-18 mai 19961998 : Rapport Meirieu : Quels savoirs enseigner dans les lycées ? 11 mai 19981999 : 5 ème Congrès FADBEN : Pour un élève info-zappeur ou info-lettré ? Bordeaux, 26-28 mars 19992000 : Réforme des lycéesMise en place des TPE et des PPCPMEDIADOC FADBEN - 35 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>


2001 : Réforme des collègesMise en place de l’ECJS2002 : Mise en place des IDD6 ème Congrès FADBEN : Temps des réseaux, partage des savoirs. Dijon, 15-17 mars 20022003 : Assises nationales Éducation à l’information et à la documentation : clefs pour la réussite de la maternelle à l’université.11-12 mars 20032005 : 7 ème Congrès FADBEN : Information et démocratie : formons nos citoyens ! Nice, 8-10 avril 20052006 : Création de l’ERTé « Culture informationnelle et curriculum documentaire »<strong>2008</strong> : 8 ème Congrès FADBEN : Culture de l’information : des pratiques aux savoirs. Lyon, 28-30 mars <strong>2008</strong>Les présidences de la FADBEN1972-1976 : Claude Péquignot1976-1979 : Claude Fournier1979-1983 : Bernard Fourniaud1983-1986 : Françoise Chapron1986-1991 : François Roux1991-1993 : Michel Treut1993-1998 : France Vernotte-Prévost1998-2004 : Colette Charrier-Ligonat2004-2007 : Isabelle Fructus2007- : Françoise Albertini© Danielle MartinodFrançoise Chapron François Roux Michel Treut Colette Charrier-Ligonat Isabelle Fructus France Vernotte-Prévost Françoise Albertini MEDIADOC FADBEN - 36 - <strong>Mars</strong> <strong>2008</strong>

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