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Caméra-stylo - Passion Cinéma

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Journal cinématographique<br />

Programme n° 175, avril–mai 2012<br />

Association <strong>Passion</strong> <strong>Cinéma</strong> | CP 1676, CH-2001 NEUCHATEL | +41 32 723 77 00 | box@passioncinema.ch | www.passioncinema.ch<br />

Films de perdition<br />

La Chaux-de-Fonds<br />

<strong>Cinéma</strong> Scala<br />

EN PREMIÈRE vISIoN<br />

TWIxT<br />

de Francis Ford Coppola<br />

Me 25 avril – Ma 1 er mai à 18h15<br />

EN PREMIÈRE vISIoN<br />

LES ADIEux à LA REINE<br />

de Benoît Jacquot<br />

Me 2 – Ma 8 mai à 18h15<br />

EN PREMIÈRE vISIoN<br />

uN éTé BRûLANT<br />

de Philippe Garrel<br />

Me 9 – Ma 15 mai à 18h15<br />

EN PREMIÈRE SuISSE<br />

DE RouILLE ET D’oS<br />

de Jacques Audiard<br />

Je 17 – Ma 22 mai à 18h et 20h30<br />

EN PREMIÈRE SuISSE<br />

SuR LA RouTE<br />

de Walter Salles<br />

Me 23 – Ma 29 mai à 18h et 20h30<br />

La Chaux-de-Fonds<br />

<strong>Cinéma</strong> ABC<br />

EN PREMIÈRE vISIoN<br />

oSLo, 31. AuGuST<br />

de Joachim Trier<br />

Programmation prévue début mai,<br />

prochainement plus d’information<br />

sur www.abc-culture.ch/cinema<br />

Neuchâtel<br />

<strong>Cinéma</strong> Bio<br />

EN PREMIÈRE SuISSE<br />

DETAChMENT<br />

de Tony Kaye<br />

Me 25 avril – Ma 1 er mai à 18h15<br />

et 20h30<br />

EN PREMIÈRE vISIoN<br />

oSLo, 31. AuGuST<br />

de Joachim Trier<br />

Me 2 – Ma 8 mai à 18h15<br />

EN PREMIÈRE vISIoN<br />

uN éTé BRûLANT<br />

de Philippe Garrel<br />

Me 9 – Ma 15 mai à 18h15<br />

EN PREMIÈRE SuISSE<br />

DE RouILLE ET D’oS<br />

de Jacques Audiard<br />

Je 17 – Ma 22 mai à 18h et 20h30<br />

EN PREMIÈRE SuISSE<br />

SuR LA RouTE<br />

de Walter Salles<br />

Me 23 – Ma 29 mai à 18h et 20h30<br />

Horaires sous réserve de modifications: consultez les sites www.cinepel.ch ou www.passioncinema.ch<br />

Léa Seydoux et Julie-Marie Parmentier dans «Les Adieux à la reine» de Benoît Jacquot<br />

Ados sans repères, reine flageolante, beatniks<br />

en rupture de ban, amoureux désaccordés,<br />

écrivain raté délirant, dresseuse d’orques<br />

frappée d’hémiplégie… Jusqu’au 29 mai,<br />

<strong>Passion</strong> <strong>Cinéma</strong> entraîne les cinéphiles sur<br />

les chemins parfois sublimes de la perdition<br />

cinématographique avec, pour guides, des<br />

experts en la matière nommés Francis Ford<br />

Coppola, Joachim Trier, Philippe Garrel, Tony<br />

Kaye et Benoît Jacquot. Sans oublier Jacques<br />

Audiard et Walter Salles dont les derniers films<br />

en date, «De rouille et d’os» et «Sur la route»,<br />

sont présentés en grande première suisse.


LES ADIEux à LA REINE<br />

de Benoît Jacquot<br />

avec Léa Seydoux, Diane Kruger, Virginie Ledoyen, Michel Robin, etc.<br />

Né en 1947, le Français Benoît Jacquot appartient à<br />

la génération des cinéastes apparue dans le reflux<br />

désenchanté de la Nouvelle Vague, celle des Chantal<br />

Akerman, Philippe Garrel, André Téchiné et Jacques<br />

Doillon. Après des films pessimistes qui attestent de<br />

l’impossibilité de tenir les promesses des Godard,<br />

Rivette et compagnie, le réalisateur de «Sade» (2000)<br />

semble renaître à lui-même en vampirisant avec<br />

talent l’être féminin profond. Adaptant un roman de<br />

Chantal Thomas, Jacquot nous offre par le biais de<br />

sa liseuse favorite, la jeune Sidonie Laborde (Léa<br />

Seydoux), un accès direct à Marie-Antoinette (Diane<br />

Kruger), la reine frivole et étrangère, durant ces jours<br />

de révolution au terme desquels elle sera déchue puis<br />

guillotinée. Après la prise de la Bastille, un sauvequi-peut<br />

généralisé règne à la cour du château de<br />

Versailles, déjà infesté de moustiques et de rats.<br />

Mue par une admiration sans bornes pour la reine,<br />

Sidonie profite de la panique générale pour tenter de<br />

se rendre indispensable. Hélas, la reine ne songe qu’à<br />

sauver la vie de la duchesse de Polignac (Virginie<br />

Ledoyen) dont elle est passionnément éprise, jusqu’à<br />

user de sa liseuse comme d’un leurre… De façon<br />

prodigieusement vivante, le cinéaste nous fait vivre<br />

de l’intérieur l’effondrement d’une société pourrie<br />

sur la branche, entraînant dans la catastrophe les<br />

sans-grades pris au piège de leur propre aliénation!<br />

France, 2012, couleur, 1h40<br />

DE RouILLE ET D’oS<br />

de Jacques Audiard<br />

avec Marion Cotillard, Bouli Lanners, Matthias Schoenaerts,<br />

Céline Salette, etc.<br />

Après l’admirable «De battre mon cœur s’est<br />

arrêté» (2005) et «Un prophète» (2009), faux film<br />

de genre débordant de manière sidérante tous<br />

les clichés liés à la fiction carcérale, Jacques<br />

Audiard signe un sixième long-métrage qui va<br />

sans nul doute créer l’événement à Cannes,<br />

«Sur la route» de Walter Salles «Un été brûlant» de Philippe Garrel<br />

«Les Adieux à la reine» de Benoît Jacquot<br />

pour peu qu’il y soit sélectionné bien sûr… Se<br />

retrouvant avec un fils de cinq ans sur les bras,<br />

Ali (Matthias Schoenaerts) quitte le nord de<br />

la France pour rejoindre le soleil et sa sœur<br />

à Antibes. Cette dernière l’accueille avec une<br />

grande bienveillance et l’héberge dans le garage<br />

de son pavillon. Peu après, à la sortie d’une boîte<br />

de nuit, en intervenant dans une bagarre, Ali<br />

croise le destin de Stéphanie (Marion Cotillard),<br />

une dresseuse d’orques, belle et inaccessible<br />

comme une princesse! Il ne pense alors jamais<br />

la revoir. Las, le malheur va les réunir derechef:<br />

gravement blessée au cours du spectacle<br />

aquatique dont elle est la grande ordonnatrice,<br />

Stéphanie perd l’usage de ses jambes. Sans pitié<br />

ni compassion, Ali va tenter de l’aider, histoire de<br />

la faire simplement revivre… A l’heure de mettre<br />

sous presse le journal de <strong>Passion</strong> <strong>Cinéma</strong>, très<br />

peu d’informations ont filtré à propos de ce film<br />

ô combien attendu, mais encore en cours de<br />

finition, sinon que «De rouille et d’os» semble à<br />

nouveau emprunter au registre du conte pétri de<br />

réel, comme le faisait déjà «Un prophète»… Et de<br />

faire battre très fort notre cœur de cinéphile!<br />

France, 2012, couleur, 1h55<br />

DETAChMENT<br />

de Tony Kaye<br />

avec Adrien Brody, Marcia Gay Harden, Sami Gayle, Betty Kaye, etc.<br />

Réalisateur œuvrant aussi bien dans le domaine<br />

de la fiction que dans celui du documentaire, Tony<br />

Kaye est un auteur très engagé, qui traite avec<br />

passion de questions sociales vitales. Dans la<br />

lignée de «American History X» (1998), une fiction<br />

impressionnante sur le mouvement skinhead<br />

néonazi aux Etats-Unis, il aborde aujourd’hui les<br />

thèmes de l’éducation et de la faillite parentale...<br />

Henry Barthes (Adrien Brody) est engagé comme<br />

professeur remplaçant dans un lycée difficile de la<br />

banlieue new-yorkaise. Pour une raison mystérieuse,<br />

cet homme réservé s’efforce de toujours rester à<br />

«De rouille et d’os» de Jacques Audiard<br />

distance, refusant toute attache. Deux adolescentes<br />

vont toutefois tenter de déjouer son attitude, allant<br />

jusqu’à fissurer sa carapace et révéler un profond<br />

traumatisme. Lycéenne douée pour la photographie,<br />

Meredith (Betty Kaye) croit voir en lui un père de<br />

substitution. De son côté, Erica (Samy Gayle), une<br />

fugueuse patentée et toxicomane, veut à tout prix<br />

en faire son amant… Faisant un sort aux clichés<br />

liés à la violence en milieu scolaire, Tony Kaye<br />

décrit avec pudeur et sensibilité des jeunes en<br />

déroute dont l’école publique, minée par les coupes<br />

budgétaires, ne sait plus que faire, favorisant une<br />

ghettoïsation souvent fatale. Avec un sens de la<br />

métaphore cassante des plus salutaires, auquel il<br />

adjoint un souci constant du réel, le cinéaste dresse<br />

un constat très amer, qui atteste d’une société<br />

en perdition, toutes générations confondues!<br />

Etats-Unis, 2011, couleur, 1h37<br />

Cannes 2011, Un Certain Regard<br />

oSLo, 31 AoûT<br />

de Joachim Trier<br />

avec Anders Danielsen Lie, Hans Olav Brenner, Ingrid Olava,<br />

Kjærsti Odden Skjeldal, etc.<br />

Après «Nouvelle donne» en 2008, où il montrait de<br />

manière très subtile la désillusion d’un adolescent<br />

rêvant de devenir écrivain, le cinéaste danois et<br />

norvégien Joachim Trier retrouve le jeune acteur<br />

Anders Danielsen Lie pour un second long-métrage<br />

prenant la forme d’une suite avec un personnage<br />

semblable, mais qui aurait (mal) grandi… Au<br />

dernier jour de l’été, Anders se rend à Oslo pour un<br />

entretien d’embauche. Arrivé au terme d’une cure<br />

de désintoxication qu’il a subie dans une clinique<br />

sise en pleine campagne, l’ancien étudiant en<br />

littérature en profite pour revoir en ville quelques<br />

amis d’antan, ainsi que sa sœur. Au fil des heures,<br />

ce trentenaire, écrivain raté et prématurément<br />

vieilli, va se rendre compte que le monde a<br />

continué sans lui, qu’il n’y a rien à en attendre et<br />

qu’il vaut mieux peut-être disparaître… Librement<br />

inspiré du roman «Le Feu follet» de Pierre Drieu<br />

La Rochelle (paru en 1931 et déjà adapté par<br />

Louis Malle en 1961), ce film, à la beauté souvent<br />

déchirante, prend la forme d’une ballade douce et<br />

cruelle. Porté par son acteur sidérant de justesse,<br />

«Oslo, 31 août» reflète peu à peu tous nos rêves<br />

de jeunesse envolés, tirant des errances de son<br />

protagoniste désenchanté un suspense presque<br />

douloureux, tant le spectateur sent bien que sa<br />

vie ne tient qu’à un fil… Mêlant des souvenirs qui<br />

ont le grain du Super-8 à une vision du présent<br />

partant inéluctablement en quenouille, Trier touche<br />

au summum de la perdition. A voir absolument!<br />

OSLO, 31. AUGUST – Norvège, 2011, couleur, 1h36<br />

SuR LA RouTE<br />

de Walter Salles<br />

avec Sam Riley, Garrett Hedlund, Kristen Stewart, Kirsten Dunst, etc.<br />

Tiré du manifeste de la «Beat Generation», le film<br />

«Sur la route» peut se prévaloir d’une genèse<br />

mouvementée. A l’origine, il y a bien sûr le roman de<br />

Jack Kerouac, écrit en 1948, sans cesse retravaillé<br />

jusqu’en 1956, et que l’auteur présenta à ses<br />

éditeurs potentiels sous la forme d’un gros rouleau<br />

de papier continu, que l’on devait dérouler comme<br />

un ruban de bitume pour le lire… Quelques années<br />

plus tard, le producteur Roger Corman lance le sousgenre<br />

du «road-movie». L’un de ses poulains, un<br />

dénommé Francis Ford Coppola, rêve de lui donner<br />

son chef-d’œuvre «adulte» avec l’adaptation de «Sur<br />

la route». Détenteur des droits du livre depuis 1968,<br />

le réalisateur de la trilogie du «Parrain», après bien<br />

des déboires financiers, peut enfin concrétiser ce


projet qui, à l’entendre, «avait fini par le hanter»! Il en<br />

a confié la réalisation à Walter Salles, le réalisateur<br />

de «Central do Brasil» (1998) et de «Carnets de<br />

voyage» (2003) sur le Che… Jack Kerouac apparaît<br />

enfin sur grand écran, sous les traits de Sal Paradise,<br />

un jeune écrivain new-yorkais aimant suivre les<br />

fous en tout genre. A la mort de son père, Sal<br />

rencontre le poète Dean Moriarty, l’icône solaire<br />

et ravageuse des beatniks. Avec Marylou, le trio<br />

vagabond et déjanté prend la route, à bord d’une<br />

voiture qui acquiert quasiment une valeur mystique.<br />

Multipliant les rencontres étranges, la consommation<br />

d’alcool et de drogues, ils se perdent pour mieux<br />

se trouver, s’inventant une morale inédite…<br />

ON THE ROAD – Etats-Unis / Brésil, 2012, couleur, 2h20<br />

TWIxT<br />

de Francis Ford Coppola<br />

avec Val Kilmer, Bruce Dern, Elle Fanning, Ben Chaplin, etc.<br />

Après «L’Homme sans âge» (2007) et «Tetro»<br />

(2009), Francis Ford Coppola livre un nouveau<br />

chef-d’œuvre basé sur son propre vécu, à prendre<br />

comme un exorcisme ricanant, l’âge de l’auteur<br />

avançant, mais lardé d’éclats poétiques indicibles…<br />

Pour la promotion de son enième roman à base<br />

de sorcières, un écrivain raté débarque dans la<br />

bourgade de Swan Valley dont l’étrangeté évoque<br />

irrésistiblement la série «Twin Peaks». En manque<br />

d’inspiration et désireux de se renouveler, Hall<br />

Baltimore (Val Kilmer) apprend de la bouche d’un<br />

shérif cacochyme (Bruce Dern) qu’un fait divers<br />

terrifiant a eu lieu dans les environs, voilà quelques<br />

dizaines d’années. Pendant son sommeil, l’écrivain un<br />

brin dépassé rencontre le fantôme d’Edgar Allan Poe<br />

qui fréquenta jadis la région. Avec son aide, Baltimore<br />

rouvre l’enquête, d’autant qu’un nouveau cadavre<br />

est apparu dans la morgue de fortune du shérif.<br />

Avec un aplomb sidérant, le vieux Coppola, puisant<br />

dans ses propres deniers, file de façon vertigineuse<br />

les métaphores et les genres, formant un creuset<br />

inédit dont s’échappe une forme cinématographique<br />

d’une liberté inouïe. Vampirisme inhérent à toute<br />

création artistique, puritanisme étasunien originel<br />

«Detachment» de Tony Kaye<br />

«Twixt» de Francis Ford Coppola<br />

et mortifère, hommage au cinéma fantastique<br />

de son ancien mentor Roger Corman qui porta à<br />

l’écran plusieurs nouvelles de Poe, autobiographie<br />

douloureusement déguisée, nuits américaines qui<br />

réveillent les fantômes du vieil Hollywood… N’en<br />

jetez plus, la coupe est merveilleusement pleine!<br />

Etats-Unis, 2011, couleur, 1h29<br />

Venise 2011, en compétition<br />

uN éTé BRûLANT<br />

de Philippe Garrel<br />

avec Monica Bellucci, Louis Garrel, Jérôme Robart, Céline Sallette, etc.<br />

Très peu distribué en Suisse, le cinéaste français<br />

Philippe Garrel tourne depuis bientôt un demi-siècle<br />

des films intimistes incomparables, empreints d’une<br />

sincérité absolue, qui expriment tous ou presque<br />

la hantise de ne pas savoir se faire aimer. «Un été<br />

brûlant» ne fait pas exception, bien au contraire!<br />

On le comprend dès le deuxième plan du film, qui<br />

montre l’un des protagonistes se suicidant au volant<br />

de sa voiture… A Rome, un jeune peintre, Frédéric<br />

(Louis Garrel), vit avec Adèle (Monica Bellucci),<br />

une actrice de cinéma. Reclus dans un luxueux<br />

appartement, ils voient leur couple lentement se<br />

désagréger, exigeant trop d’eux-mêmes. Un jour,<br />

par hasard, Frédéric rencontre un ami proche, dont<br />

il s’était un peu éloigné, Paul (Jérôme Robart),<br />

qu’il invite à passer quelques jours chez lui avec<br />

sa compagne Elisabeth (Céline Sallette). Figurants<br />

de cinéma, ces derniers hésitent sur le cours à<br />

donner à leur existence, mais ne s’en font pas grief!<br />

De fait, la confrontation entre les deux couples va<br />

avoir des répercussions dramatiques… Rejeton de<br />

l’acteur Maurice Garrel, lequel fait ici une apparition<br />

inoubliable en résistant fantomatique (il est décédé<br />

avant la fin du tournage), le réalisateur des «Baisers<br />

de secours» et de «J’entends plus la guitare» dirige<br />

son propre fils dans ce qui apparaît peu à peu comme<br />

une variation fascinante du «Mépris» de Godard,<br />

sur un ton plus désespéré… S’il existe un grand<br />

cinéaste de la perdition c’est bien Philippe Garrel!<br />

France, 2010, couleur, 1h25<br />

«Oslo, 31 août» de Joachim Trier<br />

<strong>Caméra</strong>-<strong>stylo</strong><br />

Pendant des décennies, la salle de cinéma<br />

a été considérée comme un lieu de<br />

perdition pour des spectateurs égarés. Dès<br />

les premiers vagissements du septième<br />

art, les ligues de décence se sont mises en<br />

état d’alerte et ont noirci des kilomètres<br />

de papier en recommandations fébriles et<br />

diverses. Au jour d’aujourd’hui, la plupart<br />

font sourire, tel ce comminatoire «Il ne<br />

sera produit aucun film qui abaisserait<br />

les principes moraux de ses spectateurs»<br />

et ce tout aussi préventif «Le mal ne doit<br />

pas être présenté de manière séduisante»<br />

ou encore ce savoureux précepte<br />

impossible à tenir: «Le public doit avoir<br />

en permanence la certitude que le mal<br />

est mauvais et que le bien est bon». Fort<br />

heureusement, ces conseils charitables ne<br />

furent guère suivis par les cinéastes qui,<br />

au sujet des aspirations plus ou moins<br />

secrètes de leur public, savaient très bien<br />

à quoi s’en tenir. Ce fut donc en pure<br />

perte que certains esprits s’échinèrent à<br />

faire du cinéma un art sous contrainte<br />

morale, atteignant souvent des sommets<br />

d’hypocrisie, à l’instar du célèbre Al<br />

Capone, un exemple de vertu, qui déclara<br />

un jour: «Les films de gangsters font du<br />

mal à la jeunesse et n’ont aucune utilité».<br />

Se refaire une santé<br />

Sans conteste, les «films de perdition»<br />

ont exercé et exercent toujours un attrait<br />

supérieur pour les spectateurs. A croire<br />

qu’il n’y a rien de mieux que le spectacle<br />

de l’effondrement, de la déréliction et de la<br />

chute pour se refaire une santé sur le dos<br />

de pauvres personnages subissant moult<br />

contrariétés, certes, mais sans que cela<br />

n’améliore pour autant notre condition<br />

humaine: le réel que nous retrouvons à<br />

la sortie du cinéma n’a pas changé. Tout<br />

au plus, aura-t-il eu le temps d’empirer…<br />

Sauf que, selon le film, notre regard sur<br />

lui aura peut-être évolué, se sera chargé<br />

d’un supplément d’acuité, de lucidité, de<br />

celle qui nous empêche hélas de faire<br />

la révolution en sortant du «Voleur de<br />

bicyclette» ou des «Quatre cent coups»!<br />

Tant mieux, murmureront les comptables<br />

des excès révolutionnaires. Dans un<br />

ouvrage très recommandé, le philosophe<br />

et essayiste Stanley Cavell s’est demandé<br />

si, en nous entraînant aussi activement au<br />

malheur (des autres), le cinéma nous rendait<br />

meilleurs. Ce grand penseur persiste à<br />

le croire et il n’a sans doute pas tort..<br />

Un don pour la perdition<br />

Il est clair que l’art cinématographique a<br />

le don singulier de nous perdre… Il suffit<br />

de voir «Twixt», le dernier film de Francis<br />

Ford Coppola pour s’en convaincre, même<br />

si maints critiques, peut-être effarouchés<br />

par l’audace du vieux cinéaste, ont refusé de<br />

s’y aventurer. Formellement, un film peut et<br />

devrait toujours tout se permettre: brouiller<br />

les temporalités, mêler les niveaux de<br />

réalité, casser les genres, réussir à déjouer<br />

les attentes (pourtant mille fois théorisées<br />

dans les manuels de scénarios abêtissants).<br />

C’est pour cette raison que nous chérissons<br />

des films «tordus» comme ceux de Jacques<br />

Audiard, où nous nous fourvoyons à chaque<br />

fois de manière sidérante. Un vieux sage<br />

chinois a écrit, il y a des siècles de cela,<br />

«qu’il faut se perdre pour comprendre<br />

que l’on s’était égaré». Il s’agissait sans<br />

doute d’un grand cinéaste avant l’heure!<br />

Vincent Adatte


NIFFF, DouZIÈME PRISE<br />

Du 6 au 14 juillet prochain, le NIFFF, alias le<br />

Festival International du Film Fantastique de<br />

Neuchâtel, promet d’inaugurer la saison estivale<br />

avec un bouquet de fi lms qui prouveront une fois<br />

encore la diversité exceptionnelle de ce genre<br />

cinématographique encore largement sous-estimé!<br />

Au jour d’aujourd’hui, la programmation de la<br />

douzième édition est encore en gestation. Mais il<br />

y a fort à parier que le NIFFF ne reculera devant<br />

aucun excès, poétique, expérimental ou gore, pour<br />

nous faire découvrir en avant-première le meilleur du<br />

cinéma fantastique du moment, dans le cadre de ses<br />

compétitions de longs et de courts-métrages.<br />

Levons déjà le voile sur l’un des événements<br />

phares du prochain festival, soit l’inauguration<br />

d’un programme exceptionnel courant sur trois<br />

éditions, qui sondera les rapports passionnants<br />

que le fi lm fantastique entretient avec la musique,<br />

ceci par le biais d’une rétrospective consacrée<br />

aux comédies musicales fantastiques. La Lanterne<br />

Magique y présentera, à sa manière, «Peau d’âne»<br />

(1970) de Jacques Demy dans le cadre d’une<br />

séance «les enfants et les parents d’abord» qui<br />

s’annonce mémorable. Autre morceau de choix, une<br />

projection «dead or alive» du toujours ahurissant<br />

«Rocky Horror Picture Show» (1975). De son côté, le<br />

Nouvel Ensemble Contemporain (NEC) interprétera<br />

la musique composée par Gottfried Huppertz pour<br />

«Metropolis» (1927), le chef-d’œuvre de Fritz Lang,<br />

dont on découvrira à cette occasion la version<br />

intégrale et restaurée.<br />

DES INvITATIoNS à uNE SéANCE Du NIFFF<br />

Comme chaque année, <strong>Passion</strong> <strong>Cinéma</strong> vous invite<br />

aussi à découvrir une séance d’un fi lm d’auteur à<br />

haut risque dans le cadre de la douzième édition.<br />

Pour tenter d’obtenir vos sésames, envoyez un<br />

courriel à box@passioncinema.ch en mentionnant<br />

vos nom, prénom et adresse postale.<br />

www.nifff.ch<br />

INFoRMEZ-vouS SuR PASSIoNCINEMA.Ch<br />

Consulté loin à la ronde, le site Internet de <strong>Passion</strong><br />

<strong>Cinéma</strong> constitue le moyen le plus sûr de se tenir<br />

au courant de l’actualité cinématographique dans<br />

son ensemble, sur tous les écrans, du cinéma<br />

à la télévision! Accessible gratuitement et sans<br />

publicité, passioncinema.ch accorde non seulement<br />

une visibilité exceptionnelle aux cycles de <strong>Passion</strong><br />

<strong>Cinéma</strong>, mais aussi à tous les fi lms d’auteur qui<br />

sortent en salles, sans oublier les festivals, les<br />

événements spéciaux, ainsi que les indispensables<br />

nouveautés et reprises éditées en DVD!<br />

De façon quotidienne, passioncinema.ch passe aussi<br />

à son crible critique les toiles marquantes diffusées<br />

par les chaînes de télévision, sans ostracisme, du<br />

cinéma d’auteur au documentaire, en passant par<br />

le fi lm de genre. Fait réjouissant, cet outil rêvé par<br />

tous les amateurs de bon cinéma est aujourd’hui<br />

consulté par des milliers d’internautes, en Suisse<br />

romande et bien au-delà de nos frontières. Fidèle à<br />

sa vocation d’exaucer les désirs des internautes les<br />

plus cinéphiles, <strong>Passion</strong> <strong>Cinéma</strong> propose également<br />

une infolettre régulière qui permet d’obtenir des<br />

invitations pour des avant-premières ou des séances<br />

spéciales organisées en présence de cinéastes. Pour<br />

faire partie de ce cercle de privilégiés, il suffi t de<br />

s’inscrire sur le site!<br />

Vous souhaitez soutenir cette démarche unique<br />

et les activités de <strong>Passion</strong> <strong>Cinéma</strong>… Rien de plus<br />

facile, abonnez-vous à la version papier de notre<br />

journal en versant la somme de 20 francs (ou<br />

plus) sur le CCP n°20-402566-5, <strong>Passion</strong> <strong>Cinéma</strong>,<br />

Neuchâtel, sans oublier de mentionner vos nom,<br />

prénom et adresse complète (postale et courriel).<br />

Pour promouvoir la diversité et une offre de qualité,<br />

nous avons plus que jamais besoin de votre soutien!<br />

www.passioncinema.ch<br />

Fonds pour l’encouragement<br />

de la culture cinématographique<br />

du canton de Neuchâtel<br />

«LES LuMIÈRES DE LA vILLE» Aux JARDINS<br />

MuSICAux<br />

Après «Le Cirque» l’an passé, l’orchestre émérite des<br />

Jardins Musicaux s’attaque à un autre chef-d’œuvre<br />

de Charlie Chaplin, «Les Lumières de la ville», sublime<br />

mélodrame soumis à un régime de douche écossaise<br />

inoubliable! Un vagabond, une jeune aveugle, un<br />

millionnaire alcoolisé, un claquement de portière que<br />

l’on n’entend pas… Avec ces quelques éléments,<br />

Charlie Chaplin a conçu entre 1928 et 1930 un<br />

chef-d’œuvre qui accueille toutes les dimensions<br />

de l’humain, culminant dans une scène de<br />

reconnaissance sublime, comme l’on n’en tournera<br />

sans doute jamais plus!<br />

Très loin d’attenter à son génie comique, l’avènement<br />

du cinéma sonore aura permis à Chaplin de<br />

concrétiser ses rêves de composition musicale. C’est<br />

en effet pour «Les Lumières de la ville» qu’il composa<br />

sa toute première musique de fi lm. Le travail sur<br />

la partition prit six bonnes semaines, l’arrangeur<br />

Arthur Johnson écrivant la musique que «Charlot» lui<br />

fredonnait…<br />

Coproduit par Les Jardins Musicaux, La Lanterne<br />

Magique et La <strong>Cinéma</strong>thèque Suisse, ce spectacle<br />

total est vivement recommandé aux familles, pour la<br />

simple et bonne raison que Chaplin fait rire et émeut<br />

à tout âge, au-delà de tout clivage générationnel. En<br />

outre, voir ou revoir ce condensé d’humanité dans<br />

l’écrin de la Grange aux Concerts, accompagné en<br />

direct par une quarantaine de musiciens, constitue<br />

une expérience destinée à rester gravée dans les<br />

mémoires !<br />

www.jardinsmusicaux.ch<br />

Rédaction: Vincent Adatte et Raphaël Chevalley | Edition: Pierre Dubois | Administration et coordination: Michèle et Francine Pickel | Layout: headbanger.ch | Impression: IOP, Peseux | © <strong>Passion</strong> <strong>Cinéma</strong><br />

«Sur la route» de Walter Salles

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