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emile cioran, un philopsophe entre deux langues et deux cultures

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d’adoption que je choisis d’<strong>un</strong> instant à l’autre Je rédigeai alors très vite LePrécis de Décomposition». 5Comme l’affirme G. Liiceanu 6 : «La rupture d’avec la langue maternelle nerésulte pas d’<strong>un</strong>e délibération, elle n’est même pas le fait d’<strong>un</strong>e décision, ellesurvient simplement, de toute l’autorité d’<strong>un</strong>e vérité suggérée par <strong>un</strong>e instancesupra –individuelle». S’agit-il d’<strong>un</strong>e conversion mystique?Afin d’expliquer c<strong>et</strong>te attitude Cioran, suggère ainsi que ce passage aufrançais comme langue d’expression ne serait pas <strong>un</strong> choix intellectuellementvoulu mais <strong>un</strong> appel divin auquel on ne saurait se soustraire. Ce changement n’estpas accompli sans <strong>un</strong> certain renoncement, sans <strong>un</strong> sacrifice. Cioran abandonnerasa langue natale, car, affirme-t-il, «Le passage à <strong>un</strong>e autre langue ne peut se fairequ’au prix d’<strong>un</strong> renoncement à sa propre langue. Il faut accepter ce sacrifice». 7L’adoption de la langue française vise l’explication d’<strong>un</strong>e transfigurationexistentielle. En abandonnant sa langue maternelle pour écrire en français, lephilosophe a décidé de se lancer dans <strong>un</strong>e aventure qui dépasse largement le cadred’<strong>un</strong> simple changement linguistique, pour essayer de se transfigurer pour gagner<strong>un</strong>e sorte de salut. De c<strong>et</strong>te façon la nouvelle langue fonctionne comme <strong>un</strong>renouvellement, comme <strong>un</strong>e seconde naissance qui lui perm<strong>et</strong> de trouver <strong>un</strong>enouvelle identité.A partir de 1956 avec son livre La Tentation d’exister, Cioran développe <strong>un</strong>eréflexion sur le style «comme aventure» 8 . Dès 1949 la réflexion sur le langage estthématiquement liée à <strong>un</strong>e rupture avec le passé roumain. Cioran, qui se veut <strong>un</strong>homme sans biographie, «<strong>un</strong> apatride métaphysique» a décidé de couper touteattache avec l’homme qu’il a été.«C’est ainsi que j’ai pris la décision de ne plus jamais me mêler des affairesroumaines. Je m’en sens d’ailleurs plus détaché que jamais». 91Il faut pourtant reconnaitre que si la réflexion sur le langage ne s’est pasimposée <strong>un</strong>iquement comme système philosophique, l’auteur m<strong>et</strong> en évidence lesprémisses du divorce métaphysique.«Il existe <strong>un</strong>e modalité bien plus complexe de trahir, écrit-il, sansréférence immédiate, sans rapport à <strong>un</strong> obj<strong>et</strong> ou à <strong>un</strong>e personne. Ainsiabandonner tout sans qu’on sache ce que représente ce tout: s’isoler deson milieu, repousser - par <strong>un</strong> divorce métaphysique- la substance qui vousa pétri, qui vous entoure <strong>et</strong> qui vous porte». (Précis de décomposition, 63).Son objectif, la conquête de la langue étrangère, devient le prétexte d’<strong>un</strong>equête identitaire à laquelle Cioran a décidé de s’amender. Pour y parvenir il s’estfixé <strong>deux</strong> impératifs essentiels à son programme.5 Emile Cioran, «Entr<strong>et</strong>iens avec Gerd Bergfl<strong>et</strong>h», in Entr<strong>et</strong>iens, Gallimard, 1995, p. 143-157,p. 145.6Gabriel Liiceanu, E. M. Cioran, Itinéraires d’<strong>un</strong>e vie, Paris, Michalon, 1995, p. 50.7Cioran, Entr<strong>et</strong>iens, op. cit., p. 114.8Le style comme aventure est le titre de la septième partie de La Tentation d’exister.9 Sonia Franca-Rosoff, «Les imaginaires de <strong>langues</strong>», in Sociolinguistique, territoire <strong>et</strong> obj<strong>et</strong>s,Lausanne, Delachaux <strong>et</strong> Niestlé, Textes de base en sciences sociales, 1996, p. 79, cité par NoëlCordonnier, ibid. p. 86.

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