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André Malraux ou la Tentation du Bangladesh - Bruno Corlais

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d’Oxford et de l’Université sanskrite de Bénarèslors de son second voyage officiel en Inde [11août 1965], reçoit le même titre de l’Universitéde Rajshahi des mains <strong>du</strong> Président Chowdhury,et en présence de Mujibur Rahman et <strong>du</strong> vicerecteur.Accueilli ‘‘au nom de cette forêtd’ombres’’, revêtu de <strong>la</strong> toge r<strong>ou</strong>ge des docteurshonoris causa – ce r<strong>ou</strong>ge qui est aussi <strong>la</strong> c<strong>ou</strong>leurdes martyrs – il y prononce, dans un disc<strong>ou</strong>rssolennel et lyrique un vibrant hommage à cette‘‘longue et grandiose tradition que celle desarmées en haillons’’(18), évoquant selon <strong>la</strong>formule malraucienne ces deux sortes denations ‘‘qui ne sont jamais plus grandes quelorsqu’elles le sont p<strong>ou</strong>r elles-mêmes […] ; etcelles qui ne sont jamais grandes quelorsqu’elles le sont p<strong>ou</strong>r t<strong>ou</strong>s : <strong>la</strong> France desCroisades et de <strong>la</strong> République.’’ Appe<strong>la</strong>nt àn<strong>ou</strong>veau les soldats de l’An II : ‘‘Et sur vospropres tombes, il y a peut-être le s<strong>ou</strong>venir desvieux mots de justice et de liberté…’’. Seulelibération à son sens avec celle de l’Inde qui nes’achève pas par un totalitarisme, elle ‘‘a tentéd’unir le <strong>la</strong>ngage <strong>du</strong> Bengale éternel, à celui denotre Révolution.’’‘‘N<strong>ou</strong>s v<strong>ou</strong>s avons défen<strong>du</strong> parce quev<strong>ou</strong>s étiez le peuple le plus cruellementdécimé, le plus menacé.’’(19)Le 23 avril, avant de regagner Delhi, ilvisite les ports de Dacca et de Chittagong,seconde ville <strong>du</strong> pays où il prononce unn<strong>ou</strong>veau disc<strong>ou</strong>rs, message d’espoir comme leprécédent (‘‘A quoi bon aller sur <strong>la</strong> lune, si c’estp<strong>ou</strong>r se suicider ?’’ dira-t-il à n<strong>ou</strong>veau àl’adresse des jeunesses désespérées) et hymne à<strong>la</strong> paix : ‘‘Il fal<strong>la</strong>it obtenir <strong>la</strong> Victoire. Maisauj<strong>ou</strong>rd’hui le Bang<strong>la</strong>desh veut <strong>la</strong> paix. La paixavec TOUS. Et v<strong>ou</strong>s devez travailler p<strong>ou</strong>r <strong>la</strong>seconde victoire, qui est de créer l’Etat. […] Ilfaut que quand on dira plus tard : ‘‘Ils ontcombattu avec leurs mains nues’’, on puisseaj<strong>ou</strong>ter : ‘‘Le Bang<strong>la</strong>desh libre a fait mieux endix ans que le Bang<strong>la</strong>desh asservi en vingt-cinqans.’’ Les combattants de <strong>la</strong> guerre ontcommencé ici. Que commence ici le combatexemp<strong>la</strong>ire de <strong>la</strong> paix.’’(20)Cependant ici dans son disc<strong>ou</strong>rs<strong>Malraux</strong> situe les Bang<strong>la</strong>dais par rapport àl’Inde, fait remarquer Michaël de Saint-Cheron : le faisait-il p<strong>ou</strong>r ménager <strong>la</strong> sensibilitédes ses hôtes indiens qui avaient pris en chargeson voyage au Bang<strong>la</strong>desh ; <strong>ou</strong> était-ce que,connaisseur de <strong>la</strong> civilisation indienne, ‘‘il était24ignorant de celle <strong>du</strong> Pakistan Oriental’’(21) ?Cependant, dans son dernier disc<strong>ou</strong>rs prononcélors de l’inauguration de l’Art Gallery deChittagong le 23, il rappellera les grandescréations bengalies tant dans le domaine de <strong>la</strong>poésie que de <strong>la</strong> musique et de <strong>la</strong> sculpture <strong>du</strong>Xe siècle, et leur influence sur le Népal et leTibet. P<strong>ou</strong>r lui, il faut ‘‘faire confiance à <strong>la</strong>puissance créatrice <strong>du</strong> Bengale.’’(22).En guise de conclusion‘‘Ec<strong>ou</strong>te ce soir, jeunesse de monpays…’’ (23)Ainsi le Bang<strong>la</strong>desh, ‘‘dès avant sa naissance’’,attendait-il André <strong>Malraux</strong>. Un instant pris aujeu semble-t-il de l’action, le ‘‘Coronel’’ de <strong>la</strong>Grande Guerre d’Espagne et le Colonel Bergerde <strong>la</strong> brigade Alsace-Lorraine, âgé alors de 70ans, a lors de cette visite ‘‘à titre personnel’’(24)deux ans plus tard embrassé le Bang<strong>la</strong>desh t<strong>ou</strong>tentier sur un seul visage. Il prononça lors decette rencontre tant historique que quasispirituelle des disc<strong>ou</strong>rs d’un mémorable lyrismeaux accents de sa voix – ‘‘sa voix de rapsode’’,écrit Michaël de Saint-Cheron – si pathétiquedont on se s<strong>ou</strong>vient lors <strong>du</strong> transfert des cendresde Jean M<strong>ou</strong>lin au Panthéon, le 19 décembre1964. On y retr<strong>ou</strong>ve ces ‘‘mots qui font vivre’’comme l’écrivait Paul Eluard (25) et ce sont aussiles mots malrauciens de justice et liberté, cesont les mots de communion – qui est le liendans <strong>la</strong> mort – et de fraternité – qui est le liencontre <strong>la</strong> mort.‘‘<strong>Malraux</strong> était devenu le symbole del’espoir p<strong>ou</strong>r le Bang<strong>la</strong>desh’’, écrivait L<strong>ou</strong>ise deVilmorin, il incarnait un mythe. Il aura su icimontrer comment n<strong>ou</strong>s p<strong>ou</strong>vons ‘‘contribuer à<strong>la</strong> compréhension internationale et audéveloppement de l’amitié entre les peuples’’,question posée à t<strong>ou</strong>t <strong>la</strong>uréat <strong>du</strong> prix Jawahar<strong>la</strong>lNehru qui lui fut remis à New Delhi le 16novembre 1974. Il posait de son côté cettequestion dans ‘‘Hôtes de Passage’’ : ‘‘Quellere<strong>la</strong>tion y a-t-il entre un homme et le mythequ’il incarne ?’’(26), il n<strong>ou</strong>s aura éc<strong>la</strong>iré sur ceciégalement.Le 21 juillet 1973, le Président de <strong>la</strong>République <strong>du</strong> Bang<strong>la</strong>desh fera parvenir cemessage d’amitié à André <strong>Malraux</strong> : ‘‘N<strong>ou</strong>sv<strong>ou</strong>s s<strong>ou</strong>haitons longue vie parce que le mondea besoin de v<strong>ou</strong>s ; que v<strong>ou</strong>s faites <strong>la</strong> guerre p<strong>ou</strong>r<strong>la</strong> paix ; que v<strong>ou</strong>s menez <strong>la</strong> lutte en faveur des

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