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automne Hiver2015 2014<strong>barbarie</strong> BarBariemade in europeDossierdossier // internet et vie politiqueMade in Europe#018#<strong>019</strong>Le culte découvrez de gov-faces l’image et thunderclap en Europe !zoom sur les élections européennesqui va diriger l’union européenne ?europe, pourquoi tant de haine ?Zoom sur les régionalismes // Le cas de la Catalogne / Une Bavièreindépendante actualités ? /// Les l’europe Eurorégions et le conflit ukrainien / les défis du nouveau roi d’espagneActualités le petit plus // L’Europe // entrez qui dans lutte la contre Bulle européenne le réchauffement / l’eurovision climatique : émission / ringarde Quoi neuf ou avec véritaBle Erasmus enjeu + géopolitique ??Le petit plus // Que peuvent les femmes pour l’Europe ? / Football : Quel avenirpour le Barça ?BarBarie - Automne 2014 - #0181


En cette saison hivernale, la rédaction de Barbariea choisi de se pencher sur un thème qui touchechacun d’entre nous au quotidien : le culte del’image. Si le terme désignait initialement l’adorationde figures diverses (religieuses ou politiques, voiredictatoriales), il s’est aujourd’hui étendu à cette attiranceirrésistible bien contemporaine que nous avons pour les« belles choses ». Oui, nous sommes tous, bon gré, malgré, devenus de fins esthètes.Les hommes et femmes politiques, de Marine Le Pen àSilvio Berlusconi, l’ont compris depuis longtemps : leurapparence à la fois physique et médiatique et le charismesont des facteurs déterminants pour mener à bien unecampagne électorale.L’obsession pour la beauté ne date pas d’hier, maiselle a pris des proportions gigantesques dans uneépoque de l’ultra-médiatisation où tout peut être filmé,photographié, partagé via internet, téléphones portables,télévisions… et ce, à la vitesse de la lumière. Et puisquetout le monde est amené à être exposé, autant que ce soitsous un angle flatteur.Vaste sujet, donc, qui a infiltré la sphère publique commela sphère privée. Publique parce que les médias nousabreuvent d’images stéréotypées et parfois trompeusesaux conséquences considérables : les images nousdisent parfois pour qui voter, les images influencentnotre perception des autres et de la société, les imagesnous affectent dans notre intimité la plus profondeet définissent la perception (parfois très négative)que nous avons de nous-mêmes et de notre corps ;les images peuvent à l’inverse nous faire sombrer dansun narcissisme démesuré ! Là se déploie aussi toute lapluralité culturelle de l’Europe : les pays, de par leurmentalité, leur mode de vie, divergent considérablementsur la question du traitement de l’image de soi, aussi bienque l’image des autres.Ce culte de la beauté, certains ont décidé d’en faire uneactivité lucrative, comme ces Youtubeuses qui vousprodiguent des conseils afin d’être la plus belle pour allerdanser. D’autres ont décidé de le contrer et de montrer desvisages atypiques, qui ne correspondent pas à nos canonsde beauté actuels : c’est ce qu’a accompli Del Keens enfondant son agence de mannequins non‐conventionnels.Pour ce numéro, Barbarie a donc voulu interroger dediverses façons cette omniprésence de l’image dans nossociétés européennes.Mais bien sûr, nos rédacteurs ne se sont pas arrêtéslà ! Suite aux divers référendums indépendantistes enÉcosse et en Catalogne, ils vous proposeront un petittour d’horizon des différents régionalismes en Europe. Sices derniers sont souvent synonymes de séparation et deconflits, nous verrons que les Eurorégions proposent aucontraire un schéma alternatif de véritable coopération.Le tout sans oublier l’actualité européenne et notretraditionnel « Petit Plus » !Maintenant, place à la lecture !Elise Moyou, rédactrice en chef.ÉditorialEquipeMASTER AFFAIRES EUROPÉENNESSORBONNE – PARIS IVRédactrice en chef : Elise MoyouResponsables images : Elise Moyou, Fanny CohenConception graphique : Laetitia RemyRédacteurs : Hakim Benbadra, Zoé Carré-Cassaigne,Fanny Cohen, Guilhem Colombani, Alice Cros, SolveigFenet, Justine Fernandes, Anna Foënet Pla, AlessandraMarano, Elise Moyou, Sophie Roche, Tina Sokol, FlorianStaudt, Ekaterina Tsaregorodsteva, Nina TsiklaouriRelectures : Sophie-Lou Arcese Le Nir, Zoé Carré-Cassaigne, Yoann Clouet, Guilhem Colombani, EnzoCrespin, Alice Cros, Léa Degorre, Justine Fernandes,Lou Ouaniche, Agathe Renard, Margaux Savarit, NinaTsiklaouriImages : Pixabay / © Misfit Models / FlickrLa rédaction tient à remercier Del Keens ainsi queMartine Méheut pour les entretiens qu’ils nous ontaccordés.Avec nos remerciements au FSDIE de l’Université Paris-Sorbonne pour son soutien financier ayant permiscette publication.Contact : maesorbonne2015@gmail.comSite web : http://affaireseuropeennes.euFacebook : https://www.facebook.com/MAES.SorbonneTwitter : https://twitter.com/maes_assoc3


Parlons d’Europe...SOMMAIREActualitésLe pouvoir d’impulsion de l’Europe sur les questions climatiques ............................................... 07Erasmus + plus d’étudiants, plus de financements et plus de possibilités ! ................................. 10Zoom sur le régionalisme en EuropeCatalogne : la résistance indomptable ............................... ........................................................... 12L’Allemagne et ses irréductibles bavarois : le débat actuel sur l’indépendance de la Bavière ... 14Wie deutsch sind die Lederhosen ?16Zur aktuellen Unabhängigkeitsdebatte des Bundeslandes Bayern ..............................................Les Eurorégions : un outil européen à double tranchant pour les États membres ? ................... 18Dossier : le culte de l’image en EuropeLes divers visages de Silvio Berlusconi : entre médias, spots télévisés et Bunga Bunga .............. 22Quand Barbie fait de la politique, ou la décrédibilisation des femmes politiques par l’image ...... 24La représentation des extrêmes politiques dans la presse : deux poids, deux mesures ............... 26Quelle diversité dans les médias européens ? ................................................................................ 29Misfit Models: promoting a new kind of beauty ........................................................................... 31Le personal branding : accroissement du narcissisme ou tremplin professionnel ? ...................... 34Le règne des vidéoblogueuses, ou la beauté 2.0 ............................................................................. 36Consommer le luxe à la russe ........................................................................................................ 38Quand la Suède se met à nu ........................................................................................................... 40L’art de se déshabiller outre-Rhin42Une réflexion sur notre perception de la nudité ............................................................................Conférence annuelledu Master Affaires EuropéennesLa Sorbonne Paris IVLa mobilité en Europe : quelles opportunités pour les jeunesEuropéens ?À l’occasion de la conférence organisée chaque année par les étudiants du MasterAffaires Européennes de l’université Paris IV, la promotion Viviane Redinga décidé d’aborder la question de la mobilité des jeunes en Europe.Alors que de nombreux pays européens connaissent une criseéconomique majeure et que le chômage des jeunes atteint dessommets, la mobilité s’impose pour de nombreux Européens.Des thématiques variées seront ainsi abordées, qui permettrontà tout un chacun d’obtenir des informations sur les opportunitésqu’offre l’Union européenne : la mobilité en Europe peut-elle êtreune réponse sérieuse au problème du chômage des jeunes en Europe? Est-elle un tremplin ou au contraire une contrainte ?Une réflexion plus poussée sur les enjeux qu’englobe l’expression «Génération Erasmus » sera en outre menée.Cette conférence se déroulera sous la bienveillance de la marraine de la promotion 2015 du Master AffairesEuropéennes : Mme Viviane Reding, ancienne Vice-présidente de la Commission européenne et actuellementdéputée au Parlement européen.Plusieurs personnalités seront réunies dans le cadre d’une table ronde afin d’apporter leur expertise et explorer cevaste sujet, notamment :¤ Béatrice CASEAU, Maitre de Conférence, chargée de l’Europe auprès du Bureau des Relations Internationalesde Paris Sorbonne ;Le Petit PlusEntretien avec Martine Méheut, Présidente de l’Association Citoyennes pour l’Europe ............ 46Serbie : quelques pas de plus vers l’intégration européenne ? ...................................................... 50Barça : en Liga ou en Ligue 1 ? ....................................................................................................... 52¤ Hadrien DUBUCS, Docteur en Géographie ;¤ Valentin DUPOUEY, Président ESN France.Vous êtes cordialement invités à vous joindre au débat, l’entrée sera ouverte à tous !La conférence aura lieu le 19 février 2015 à 18h45dans l’amphithéâtre Descartes de la Sorbonne(17 rue de la Sorbonne à Paris).Pour tout renseignement, contactez-nous par e-mail (maesorbonne2015@gmail.com)ou sur notre page Facebook : https://www.facebook.com/MAES.Sorbonne.45


Le pouvoir d’impulsionde l’Europesur les questions climatiquesLes problèmes climatiques et en particulier le réchauffement de la planète sont desquestions urgentes à résoudre au niveau international, notamment au niveau del’Union Européenne, laquelle pourra peser dans les négociations prévues lors dusommet des Nations Unies sur le climat qui aura lieu à Paris en décembre 2015.Des citoyens inquiets quant auréchauffement climatiqueLes Européens se montrent préoccupés par les problèmesla protection de l’environnement et de la lutte contre leréchauffement climatique.Actualitésclimatiques, plus que par les problèmes économiquesselon un sondage de juin 2011 1 . Dans l’ensemble,89 % considèrent qu’il s’agit d’un problème grave.Globalement, le changement climatique est perçu commele deuxième problème le plus grave auquel est confrontéle monde après la pauvreté, la faim et le manque d’eaupotable (considérés comme un seul et même problème).On peut alors comprendre que la majeure partiedes citoyens des États membres attendentde l’UE des avancées dans le cadredu respect de l’environnement, àtravers une baisse à long terme desémissions de gaz à effet de serre.Toutefois, ils restent conscientsque cette baisse des émissionscarbone s’accompagnera d’uneutilisation accrue des énergiesrenouvelables, ce qui créera àterme des emplois. Ils ont biencompris que régler les problèmesclimatiques peut, dans une certainemesure, aider à résorber le chômage. C’est cedésir d’une société plus verte et propre que les Étatsdoivent entendre et prendre en compte dans leurs choixpolitiques intergouvernementaux dans les domaines deCes inquiétudes sont confirmées par les prévisions del’Agence Internationale de l’énergie (AIE) qui, dans songrand rapport prospectif publié le 12 novembre, meten lumière la future augmentation de la consommationmondiale d’énergie (37 %) d’ici à 2040. Cela aura pourconséquence une augmentation des émissions de gaz àeffet de serre et de la température sur terre (+ 3,6°C).La réaction des gouvernementsC’est dans ce contexte alarmiste que laréponse aux inquiétudes des citoyenseuropéens de la part des différentschefs d’État et de gouvernementeuropéens s’est affirmée.En effet, les Vingt-Huit sontparvenus à un accord sur troisobjectifs climatiques majeurs :diminuer les émissions de gazà effet de serre d’« au moins »40 % par rapport à 1990 d’ici à2030 ; porter la part des énergiesrenouvelables à 27 % du mix énergétiqueet enfin réaliser 27 % d’économies d’énergie.Seul le premier objectif sera contraignant.C’est un signal important pour les autres pays pollueurs,qui devront, d’ici au printemps 2015, annoncer leurActualitésLe pouvoir d’impulsion de l’Europe sur les questions climatiques ................................................. 07Erasmus + plus d’étudiants, plus de financements et plus de possibilités ! ................................... 101Eurobaromètre spécial 372 : changement climatique.Barbarie Hiver 2015 7


propre contribution à l’accord susceptible d’être signécharbon émettent 70 % des émissions de CO² du secteurEspérons que la bonne volonté montrée par l’UE puisseen va du futur de notre planète et du nôtre, car plus lepar les 195 pays membres au cours de la Convention desde l’énergie dans le monde et représentent environ unconvaincre ses partenaires mondiaux : la Chine et lestemps passe et plus le besoin d’actions concrètes contreNations Unies sur le climat qui aura lieu en décembrequart de la production énergétique au sein de l’UE 2 .États-Unis, entre autres, pour le prochain sommet desle réchauffement climatique se fait sentir.2015 à Paris.C’est par étapes que l’UE peut faire avancer la situation.La sortie du charbon serait une bonne façon pourNations Unies à Paris. Le fait que la France, État membrede l’UE, accueille cette conférence est symbolique etHakim Benbadra.Par le biais de cet accord européen, qui souffre del’Europe de diminuer ses émissions de gaz à effet depeut permettre à l’UE de peser et servir d’exemple. Ilquelques lacunes, l’UE peut jouer un rôle moteur au seinserre. Malheureusement, cela reste peu probable à courtdes négociations en montrant la voie aux autres paysterme au vu de l’importance de cette matière fossile pourriches comme l’Australie, la Chine ou encore les Etats-les membres d’Europe de l’Est et Centrale.Unis, lesquels polluent bien trop par rapport à ce quenotre planète est capable de supporter.Mais le symbole reste remarquable : l’UE est la premièreL’Union européenne : un précurseurdans la lutte contre le réchauffementclimatique ?Sourceshttp://abonnes.lemonde.fr/climat/article/2014/10/25/climat-une-bonne-base-de-depart_4512459_1652612.htmlentité politique à mettre sur la table des engagementsQuoi qu’il en soit, l’approche de l’UE face au changementhttp://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2014/10/24/les-pays-europeens-s-engagent-a-reduire-leurs-emissions-de-gaz-a-chiffrés avant la conférence de Paris.climatique est unique sur la scène internationale : leseffet_4511680_3244.htmlRéduire les émissions carboneobjectifs de Bruxelles sont très ambitieux mais les 28États membres peinent à convaincre leurs partenaireshttp://europa.eu/rapid/press-release_IP-11-1162_fr.htmhttp://maplanete.blogs.sudouest.fr/archive/2014/07/24/le-top-ten-des-centrales-a-charbon-les-plus-polluantes-d-Cependant, cet accord ne saurait être suffisant. Lemondiaux.eur-1024732.htmlfardeau du réchauffement climatique ne peut êtrehttp://www.touteleurope.eu/les-politiques-europeennes/environnement/synthese/la-lutte-contre-le-changement-climatique.Actualitésporté par l’Europe seule. Chaque pays développé doitassumer sa part afin de limiter la hausse moyenne destempératures à 2°C, comme recommandé par le Groupeintergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat.L’un des points fondamentaux pour atteindre cet objectifest de jouer sur les économies d’énergie ainsi que dediminuer l’utilisation de centrales à charbon (qui est ladeuxième source d’énergie primaire derrière le pétrole),très polluantes. L’économie d’énergie est le meilleurmoyen pour lutter contre la dépendance énergétique del’Europe en diminuant la consommation énergétique dematières fossiles tout en réduisant les émissions de gaz àL’Union Européenne est depuis toujours au premier rangdans la lutte au réchauffement climatique. Nous avonspu le voir lors du protocole de Kyoto en 1997, puis lorsde la conférence de Doha en 2012 au cours de laquelle leprotocole de Kyoto a été prolongé jusqu’en 2020, et biensûr à travers l’accord signé fin octobre 2014.Voilà le fruit d’un plan d’action visant à mettre en placeune politique commune de l’énergie et à lutter contre lechangement climatique.Cet accord fait mieux que celui de janvier 2008 qui avaitpour but de permettre à l’UE d’atteindre, d’ici 2020,htmlhttp://abonnes.lemonde.fr/energies/article/2014/11/12/selon-l-aie-la-temperature-sur-terre-pourrait-grimper-de-3-6-degresd-ici-2040_4522103_1653054.htmlActualitéseffet de serre.l’objectif ambitieux des « 3 fois 20 » : une réductionde 20 % des émissions de gaz à effet de serre, uneEn ce qui concerne les centrales à charbon, elles polluentamélioration de 20 % de l’efficacité énergétique etplus que celles au gaz et sont encore très utiliséesune part de 20 % d’énergies renouvelables dans lacomme source d’énergie en Europe de l’Est et en Chineconsommation européenne d’énergie. Mais surtout, ilprincipalement. Si l’on prend l’exemple de l’Allemagne,montre l’adéquation des vues entre les États membreson peut constater que ses émissions de CO² ont augmentéet la Commission, qui avait présenté en janvier 2013 uneaprès que le gouvernement a décidé d’abandonnernouvelle série d’objectifs pour 2030 en matière de climatprogressivement le nucléaire civil à la suite de l’accidentet d’énergie. Ce programme se prononçait en faveurde Fukushima. Cette augmentation est due à l’utilisationd’une économie de l’UE compétitive, sûre et émettantplus fréquente des centrales à charbon afin de produirepeu de carbone. On retrouve cette ambition dans l’accordde l’énergie. D’ailleurs, les centrales électriques àsigné récemment à 28.1Chiffres de WWF.8 Barbarie Hiver 2015 Barbarie Hiver 20159


Erasmus + :plus d’étudiants,plus definancementset plus depossibilités !d’euros pour la période 2007-2013. Le nouveauprogramme ne recouvrant pas exactement lesmêmes réalités, il faut noter ici qu’on ne peut lescomparer si facilement.Erasmus+ : 7 programmes différents. Lenouveau programme d’échange et de mobilité comptedésormais sept branches distinctes : une branche scolaire(anciennement Comenius), une branche universitaire,une pour la formation professionnelle et l’enseignement…Tous ces programmes sont désormais regroupés au seindu programme Erasmus+, même s’ils conservent chacunun budget distinct.ActualitésEn 2012, le célèbre programme d’échangeeuropéen Erasmus fêtait ses 25 ans.Symbole de l’appartenance européenneet du mélange des cultures, le programmeest un succès. En 25 ans, près de3 millions d’étudiants sont partis pour unsemestre ou un an dans une universitéétrangère grâce à Erasmus.Désormais connu de tous, le programme Erasmusest une réussite pour l’Union Européenne : ilpermet d’ouvrir l’esprit, de favoriser la mobilitéau sein de l’Union et d’améliorer l’employabilité decentaines de milliers de jeunes chaque année. Toutefois,dans les années 2010, après plus de 20 ans d’existence,l’Union Européenne hésitait à renouveler le programmeen raison de difficultés financières liées à la crise.Finalement, après avoir constaté son succès et son utilitédans la création d’une Europe plus unie, le programmesera renouvelé et même amélioré : de 2014 à 2020,le programme portera le nom d’Erasmus+ ! Voyons àprésent ce que la nouvelle version apporte de plus…Erasmus+ : un budget global plusimportant. 14,7 milliards d’euros sont destinésau programme pour la période 2014-2020. Ensomme, c’est une augmentation de 40 % par rapportà la période précédente. Cette augmentationdevrait permettre de faire partir plus d’étudiants,améliorant ainsi la mobilité en Europe.Erasmus+ : des partenaires plusnombreux. De nombreux pays hors-UE sontinclus dans le nouveau programme, notammentles pays voisins de l’Union (la Moldavie, l’Ukraine,l’Algérie ou le Maroc pour n’en citer que quelquesuns).Le système de bourses a été modifié pourpermettre un ajustement en fonction du coût de la viedans le pays d’accueil. C’est une mesure qui sembletout à fait justifiée, à condition qu’elle ne diminuepas le montant global des bourses attribuées !ZoomLes Régionalismes en EuropeLe renouvellement du programme est une grande joiepour tous ceux qui aiment l’Europe et qui veulent voirles jeunes générations découvrir et échanger à travers lecontinent. D’ailleurs, en septembre 2014, la CommissionEuropéenne a défendu dans un communiqué nonseulement les bénéfices de la mobilité en matièred’employabilité et de mobilité professionnelle, mais aussien ce qui concerne la vie privée : selon leur enquête, 93 %des anciens étudiants Erasmus seraient prêts à s’installerà l’étranger, et 27 % d’entre eux auraient rencontré leurconjoint lors d’un séjour à l’étranger !Alors n’hésitez plus, partez à l’étranger !2007-2013 : Programme pour l’éducationet la formation tout au long de lavie. Pendant la période précédente, Erasmusfaisait partie du « programme pour l’éducation etla formation tout au long de la vie ». Ce systèmeglobal regroupait différents sous-programmestels que Comenius (pour les scolaires), Erasmus(pour l’enseignement supérieur), Grundtvig (pourla formation des adultes)… Erasmus+ simplifiel’organisation et la rend plus claire. L’enveloppefinancière globale était de près de 7 milliardsPlus d’informations sur http://ec.europa.eu/programmes/erasmus-plus/index_fr.htmAlice Cros.Catalogne : la résistance indomptable ............................... ............................................................. 12L’Allemagne et ses irréductibles bavarois : le débat actuel sur l’indépendance de la Bavière ....... 14Wie deutsch sind die Lederhosen ?Zur aktuellen Unabhängigkeitsdebatte des Bundeslandes Bayern ................................................ 16Les Eurorégions : un outil européen à double tranchant pour les États membres ? ...................... 1810Barbarie Hiver 2015


Catalogne :la résistance indomptableMais du côté de Mariano Rajoy le plan est tout autre :il veut donner de l’élan en Catalogne à un discours enfaveur d’une Espagne unie. Face au constat d’une faibleprésence du gouvernement central, Madrid a aussi décidéde résister, soutenant que les partisans de l’indépendancese font peut-être bien entendre, mais sont inférieurs enEt en espagnol ?Cataluña :la resistencia irreprimibleLe 9 novembre dernier, plus de deux millions de Catalans ont voté, lors du scrutinsur l’indépendance de leur région, une consultation pourtant non reconnue par legouvernement central.nombre.Il faut rappeler que dans ce contexte, hormis l’Espagneil y a aussi l’Union Européenne, de qui la Catalogneaurait plus de mal à se défaire. Bruxelles est dans tousles cas catégorique : une Catalogne indépendante sortiraEl 9 de noviembre pasado, más de dosmillones de catalanes participaron en laconsulta independentista de su comunidad,una consulta que nunca fue reconocida por elgobierno central.d’emblée de l’UE. Et pour pouvoir la réintégrer, il faudraitLe caractère symbolique du vote n’a pas altéréla détermination des Catalans dont environ80,7 % se sont exprimés pour une Catalogneelle permet de marquer les limites territoriales de laCatalogne, mais surtout de souligner l’identité communede son peuple.que la région obtienne l’accord de tous les États membres.Nina Tsiklaouri.A pesar del carácter simbólico del voto, el pasadonoviembre el 80,7% de los catalanes se expresaron afavor de la independencia. Sin embargo, el gobiernoindépendante. En tout cas, c’est une promesse tenue parde Mariano Rajoy siempre se negó a reconocer esteArtur Mas : le président du gouvernement catalan n’a pasLe catalanisme ne tarde pas à devenir un mouvementvoto considerando que la independencia de Cataluñareculé devant l’opposition de l’Etat central et a mené àpolitique qui se voit toutefois freiner entre 1939 et 1975.debería decidirse a nivel nacional.bien la consultation qui était prévue depuis plus d’un an.Au cours des années de sa dictature, Franco surveilleZoomPourtant, le gouvernement de Mariano Rajoy a toujoursrefusé de reconnaître ce vote, considérant que la décisionde l’indépendance de la Catalogne doit revenir à tous lesEspagnols. « Un échec total », c’est en ces termes qu’ila qualifié la consultation alors que la tenue de celle-citémoigne de la fermeté du peuple catalan.Une histoire de résistanceCette détermination n’est pas sans lien avec l’histoire de lade près les nationalismes : en Catalogne ou encoredans le Pays Basque, toute manifestation nationaliste,même anodine, est interdite, à commencer par la languerégionale. Il faut attendre les années 70 et la mort deFranco pour que la Catalogne se réaffirme : en 1978 lanouvelle Constitution espagnole reconnaît et garantit ledroit à l’autonomie de chaque « comunidad 1 » espagnole.Par la suite, les partis catalans gagnent progressivementen influence, augmentant par conséquent la voix politique1« Comunidad autonoma » = communautés autonomesd’Espagne, au nombre de 17.La resistencia podría ser un hilo conductor de lahistoria catalana, comunidad integrada a España aprincipios del siglo XVI. A pesar de eso, resistiendosin descanso, la comunidad sigo conservando susespecifidades culturales y algunos privilegios.Más tarde en el siglo XIX, la emergencia del catalanismopermitió galvanizar y perpetuar el sentimientonacionalista. El movimiento adquirió rapidamenteZoomCatalogne, rattachée à l’Espagne au début du XVI ème siècle.de la Catalogne au Parlement national espagnol.un carácter político pero que será amortiguadoCependant, déjà à cette époque, elle a pu conserver sesbajo la dictatura franquista. Finalemente en 1978, laspécificités culturelles puisque, dans les années 1640, leQue l’identité catalane très prononcée soit enracinée dansnueva Constitución reconoce y garantiza el derecho adésir de la couronne espagnole d’intégrer complètementl’histoire ne fait pas de doute mais le nationalisme s’estla autonomía de cada comunidad.la région au reste du royaume avait conduit à une révolte.fortement accentué au cours des dernières années. LaDepuis ce soulèvement, la monarchie espagnole acceptecrise économique et ses retombées ont particulièrementAhora cabe preguntar cuál es el paso siguiente. « Somde reconnaître les institutions catalanes et certainsaffermi le désir des Catalans de se séparer de l’Espagne.i serem » dice el lema catalan : a raíz de los resultadosprivilèges sont accordés à la région.Étant le cœur de l’économie du pays, la région a en effetde la consulta, los independentistas esperan labeaucoup souffert de la crise.legitimación política de su causa y la autorizaciónPlus tard, au début du XX ème siècle, l’apparition ducatalanisme galvanise et perpétue le sentiment« Som i serem »por el gobierno central de la organización de unreferéndum.nationaliste. Ce mouvement émergeant construit sa« Nous sommes et serons », dit la devise catalane. Lalégitimité notamment dans la tradition culturelle catalane,consultation symbolique qui a mobilisé environ unIndependizarse de España si pero Cataluñala mise en avant de la langue étant sa démonstrationtiers des Catalans semble impulser le processus verstambién estaría lista a dejar la Unión Europea ?première.l’indépendance. Avec ces résultats, la suite espérée estÉsta es categórica en todos los casos : unad’aboutir à la légitimation politique du mouvementCataluña independiente abandonaría la UniónLa Catalogne réunit alors tous les ingrédients duindépendantiste ; Artur Mas réclame à présent que leinmediatamente.nationalisme : un grand territoire - qui plus est prospère-gouvernement espagnol autorise l’organisation d’unet un passé historique bien distinct. La langue, quantréférendum.à elle, a une place primordiale dans le nationalisme :12 Barbarie Hiver 2015 Barbarie Hiver 201513


Et en allemand ?Wie deutsch sind dieLederhosen ?Zur aktuellenUnabhängigkeitsdebatte desBundeslandes Bayern.Die bayrische Verärgerung über die derzeitige deutscheFinanzverfassung ist dabei ein weiterer TropfenÖl im Feuer der bayrischen Separatisten. Doch beiall den derzeitigen Streitereien und Debatten umeinen möglichen Austritt, ist die Unterstützung dersüddeutschen Autonomie-Bestrebungen keineswegsmit der in Schottland oder Katalonien vergleichbar (inder 2011 von der CSU-nahen Hanns-Seidel-Stiftunglancierten Studie sprachen sich rund 60% für denVerbleib Bayerns in der BRD aus). Die Loslösung wirdnur von wenigen, altgedienten CSU-Politikern und derEntscheidungsfreiheit. In vielen Politikbereichen,beispielsweise in aktuellen Fragestellungen rund umdas Steuer- und Asylrecht ; bei verkehrspolitischenAngelegenheiten oder beim Thema Bildung habendie Bundesländer gegenüber dem Bund eine starkeVerhandlungsposition und jener ist dazu gezwungen,einen Konsens zu suchen.Zu guter Letzt würde ein Austritt auch die internenRegionskonflikte innerhalb Bayerns befeuern. Denndie drei Landesteile Altbayern, Schwaben und FrankenIm Zuge der jüngsten Unabhängigkeitsreferenden in Schottland und Kataloniensind die rebellischen Stimmen derer wieder zu hören, die für die Unabhängigkeitdes Freistaates Bayern plädieren. Doch es wäre zu einfach, an dieser Stelle dieaktuelle Debatte um das flächengrößte Bundesland als simple Folge der verstärktenAutonomie-Bestrebungen innerhalb der Europäischen Union zu deklarieren. Sie liegtvielmehr in den Ursprüngen deutscher Staats- und Nationalbildung begründet, undwird durch den Föderalismus in seiner heutigen Form als zentrales Identitätsmerkmalverstärkt.Bayernpartei aktiv vorangetrieben – die einzige Partei,die die Eigenstaatlichkeit des Freistaates fordert und diebei der letzten Landtagswahl auf gerade mal 1,1% kam.So schön der Gedanke an die eigene Unabhängigkeitvielleicht für manche Bayern auch sein mag. Rechtlichwürde ein Austritt schwer zu legitimieren sein. DasGrundgesetz sieht soweit kein Austrittsrecht dereinzelnen Länder vor. Lediglich im Art.29 GG ist dieMöglichkeit einer Länderneugliederung vorgesehen –sind gleichzeitig eigenständige Stämme, die sichkulturell voneinander unterscheiden. Ebenso wieim Falle Bayerns, gibt es daher auch eine fränkischeUnabhängigkeitsbewegung, die die Zwangsvereinigungmit Bayern zu Beginn des 19. Jahrhunderts im Falle einerUnabhängigkeit Bayern aufheben möchte.Insgesamt lässt sich festhalten, dass eine UnabhängigkeitBayern unter den politischen, wirtschaftlichen,rechtlichen und sozialen Vorzeichen wenig Sinn ergibtaber keiner Abspaltung vom deutschen Staatsgebiet. Dieund in absehbarer Zeit wird es auch nicht zu einerZoomDenn während Frankreich bereits seit dem 16.Jahrhundert (beziehungsweise spätestensseit der Französischen Revolution) mit seinerstrukturellen Binnengliederung in Départementseine „nation unie et indivisible“ bildet, geprägt durchkulturelle Homogenisierung und zentralstaatlicherschließlich im gleichen Jahr in einem gesondertenBeschluss für die Rechtsgültigkeit der Bonner Verfassungstimmte), bleibt dieser Umstand ein Ausdrucksymbolischer Trotzhaltung. Jene zwei historischenMomente, bei denen Bayerns Eigenständigkeit zurDebatte stand, markieren die Besonderheit derBefürworter führen deshalb das Selbstbestimmungsrechtder Völker (Art.1 UN-Charta) an, was aber selbst unterVölkerrechtlern als Argumentationsgrundlage starkumstritten ist.Mit einer Einwohnergröße von allein 12 Millionen undeiner hohen Wirtschaftskraft durch wirtschaftlich starkeernsthaften Entscheidung kommen. Bis dahin bleiben dieBayern mit ihren eigenen Traditionen und Bräuchen Teilder gesamtdeutschen Kultur. Übrigens ist der Gedanke desAustritts eines Bundeslandes nicht neu: 2007 hatte dasbevölkerungsreichste Bundesland Nordrhein-Westfalen(NRW), damals unter CDU-Ministerpräsident JürgenRüttgers, gefordert, dem BENELUX-Vertrag beizutreten,ZoomHegemonie, war die deutsche Nationalstaatsbildungbayrischen Verteidigung ihrer föderalen Unabhängigkeit.Industriebetriebe (u.a. Automobilwirtschaft), ist Bayernda man wirtschaftlich den Vertragsstaaten näher stünde,seit dem Hochmittelalter einem langwierigen Prozessnicht nur größer als die benachbarte Tschechischeals den meisten neuen Bundesländern. Mittels einerterritorialer Fragmentierung in einen fast nur nochAuch in der aktuell geführten Debatte über eine geplanteRepublik, Österreich und die Schweiz, sondern esÖffnungsklausel hatte NRW seine Zusammenarbeitsymbolisch wirksamen Verbund faktisch souveränerReform des sogenannten Länderfinanzausgleichs führtbildet auch im gesamteuropäischen Vergleich eine dermit den BENELUX-Ländern intensiviert und damit eineEinzelstaaten ausgesetzt, der erst mit dem DeutschenBayern die Sperrspitze gegen die bisherige Ordnungwirtschaftlich stärksten Regionen. Nichtsdestotrotzweitere grenzübergreifende Kooperationsform unterBund staatsrechtlich in die Form des Staatenbundesder föderalen Finanzbeziehungen an (gefolgt vonsehen Volkswirtschaftler wenig Hoffnung, dass sich derWahrung der föderalen Eigenständigkeit geschaffen.umgegossen wurde und mit der Gründung des DeutschenBaden-Württemberg, Hessen und Hamburg). UnterFreistaat wirtschaftlich auf europäisch und vor allem aufVielleicht wäre das auch ein Beispiel für Bayern ? EinsKaiserreiches unter Bismarck 1871 ein Ende fand.dem Motto die stärkeren Bundesländer helfen deninternationaler Ebene langfristig behaupten könne.bleibt jedenfalls klar : die Lederhosen, die bleiben bis aufschwächeren, zielt der Länderfinanzausgleich auf dieWeiteres deutsch !Bayern, das bis dahin bereits über eine langeeigenstaatliche Tradition verfügte (historische QuellenVereinheitlichung der Lebensverhältnisse und damitder Umverteilung der Steuereinnahmen zwischen Bund,Ebenso wäre ein Austritt aus der Bundesrepublik politischnicht nachvollziehbar. Denn die Bundesländer genießenFlorian Staudt.erwähnen die ersten bayrischen Herzöge bereits um 500Länder und Kommunen. Bayern als eines der reichstenim Gegensatz zu den Regionen zentralistisch regiertern. Chr.), ist seitdem Teil Deutschlands - wenn auch in einerBundesländer ist seit längerem darüber verärgert,Ländern wie das Vereinigten Königreich oder Spaniengewissen Sonderrolle. Hervorzuheben sind hier nichtständig für die ärmeren Bundesländer wie Berlin oderbereits ein hohes Maß an Autonomie und regionalernur die Sonderrechte, die Bayern nach dem Beitritt zumSachsen zu bezahlen, ohne in irgendeiner Weise davonDeutschen Kaiserreich bekam (unter anderem das Rechtzu profitieren. Die bayrische Regierung will deshalb dasauf ein eigenes Heereswesen), sondern auch die bis heutebis 2<strong>019</strong> auslaufende Umverteilungssystem reformierenunterlassene Unterzeichnung des seit 1949 geltenden(als mögliche Finanzierungsalternative könnten dieGrundgesetzes (GG) als Verfassung der Bundesrepublikeinzelnen Bundesländer stattdessen eigenmächtig dieDeutschland (BRD). Obwohl alle 16 BundesländerEinkommensteuer erhöhen).verfassungsrechtlich gleichgestellt sind (da Bayern16 Barbarie Hiver 2015 Barbarie Hiver 201517


Les Eurorégions : un outileuropéen à double tranchantpour les États membres ?L’Eurorégion Pyrénées-Méditerranée :un exemple de coopérationinterrégionaleAvec une superficie supérieure à celle de 16 des 28pays européens (109 823 km²), et une population plusimportante que 19 d’entre eux (14 millions), l’Eurorégionhauteur de 75% du Fonds européen de développementrégional (FEDER), cette plateforme vise à structureret faciliter les rapports entre les entreprises afin depromouvoir la coopération et limiter la concurrence ausein de l’Eurorégion. Un autre aspect important de ceprojet est le gain de visibilité et d’attractivité obtenu par laLe 18 septembre 2013 s’est tenu le référendum sur l’indépendance de l’Écosse tandisque la Catalogne a fait la sourde oreille aux mises en garde répétées de Madrid ausujet de l’organisation d’une consultation sur l’indépendance. Entre temps, le projetde réforme territoriale française a commencé la navette législative entre l’Assembléeet le Sénat.Pyrénées-Méditerranée ne cache pas son ambition dedevenir une référence en termes de coopération politiquetransfrontalière.Depuis sa création en 2004, ce projet de coopérationpolitique entre deux régions françaises (Midi-Pyrénées,Languedoc-Roussillon) et deux communautésmise en commun de moyens financiers mais aussi d’outilsd’intelligence économique (outils de veille secteur,mise en relation avec les chercheurs de l’Eurocampus).Aujourd’hui, la plateforme CREAMED rassemble 1400entreprises à travers 89 structures d’accompagnement.Le dernier objectif en date de l’Eurorégion est l’appui auxCes événements, que certains considèrent comme les signes avant-coureurs d’unefragmentation de l’Europe qui verrait les États-nations se désagréger, sont considéréspar d’autres comme l’expression de la démocratie et du droit à l’autodéterminationdes peuples.autonomes espagnoles (Catalogne, Baléares) a permisla mise en place d’outils concrets qui visent à renforcerl’intégration territoriale et économique de l’Eurorégion.Anticipant l’évolution géoéconomique de l’Europe versune compétition de régions ou groupements de régionsentreprises des différentes régions à la participation auprogramme européen Horizon 2020. La mise en placed’une stratégie eurorégionale de l’innovation axée surtrois filières considérées comme prioritaires (e-santé,agroalimentaire et gestion de l’eau) devrait permettrebassins d’emploi, le GECT Pyrénées-Méditerranée a choisil’apparition de nouvelles synergies eurorégionales.ZoomUn régionalisme reconnu par l’UnioneuropéenneLes séparatismes régionaux et la réforme territorialede la France, pays historiquement centralisateur,s’inscrivent dans la logique de subsidiarité (ascendantevers le supranational, mais également descendante versles régions) adoptée par l’Union européenne dans leTraité de Maastricht avant d’être précisée dans le Traitéde Lisbonne.En effet, si les régionalismes séparatistes ont des originesplus ou moins anciennes et des revendications plus oumoins légitimes, la reconnaissance par l’Europe desrégions comme actrices de la construction européenne adoté ces entités infra-étatiques d’une légitimité qui leurpermet d’envisager à moyen terme de « court-circuiter »les États auxquels elles appartiennent.accompli permettant à la Communauté européenned’alors et à l’UE d’aujourd’hui de passer d’une situationde facto à une situation de jure. Mais l’UE, en accord avecle Traité de Lisbonne, ne peut se mêler de l’intégritéterritoriale des États membres. Or, aujourd’hui l’Écosseou la Catalogne envisagent l’indépendance et l’accessionau statut d’État-nation, et cela au détriment de l’intégritédes États membres que sont le Royaume-Uni et l’Espagne.La coopération transfrontalière est encouragée par laCommunauté européenne depuis 1985 avec la créationd’entités juridiques donnant une existence de jure àdes regroupements économiques : d’abord avec lesGroupements européens d’intérêts économiques (GEIE),dont le plus connu reste la chaîne de télévision Arte, puispolitique en 2006 avec la création des Groupementseuropéens de coopération territoriale (GECT).de concentrer ses efforts, et ses moyens financiers surtrois priorités : l’enseignement supérieur, les entrepriseset l’innovation.Aujourd’hui, le réseau universitaire Eurocampus misen place par le GECT Pyrénées- Méditerranée en 2004,regroupe 87 établissements d’enseignement supérieur,510 000 étudiants et 45 000 chercheurs dans plus de100 laboratoires, ce qui en fait le plus grand des Campuseuropéens et le 7 ème mondial.Le but revendiqué de cette initiative est d’accroître lamobilité des étudiants au sein de l’Eurorégion, de réduireles barrières linguistiques et de mettre les recherches encommun en vue de favoriser l’innovation.Avec une telle importance de l’enseignement dans lesconstructions nationales européennes, on peut penser auxSi l’Eurorégion semble avoir le vent en poupe et seprojeter dans l’avenir, des différences au niveau structurelentre les régions françaises et les communautésautonomes espagnoles pourraient poser des problèmes.En effet, alors que la réforme territoriale qui doit élargirles compétences des régions françaises est encore endiscussion, de son côté la Catalogne a organisé uneconsultation officieuse sur une potentielle indépendanceet les Baléares ont élu en 2011 un président deCommunauté autonome « unioniste ».Ces différences dans les niveaux d’autonomieentre régions françaises et espagnoles et de désird’indépendance entre communautés espagnoles, sontdéterminantes pour le futur de l’Eurorégion ; toutcomme le sera le futur découpage régional de la Francequi pourrait voir la fusion des régions Midi-Pyrénées etZoomEn 1994, le Comité des Régions (CdR) est créé avecle statut d’organe consultatif afin de « rapprocher lescitoyens de l’Union européenne ». Depuis sa mise en place,le CdR a vu ses compétences confirmées et élargiespar chacun des traités européens, le nombre de sesreprésentants ayant lui aussi évolué de 189 en 1994 à353 suite à l’adhésion de la Croatie en 2013. La créationdu CdR comme assemblée consultative donnant la paroleaux entités infra-régionales n’est pas sans rappeler laméthode dite « Monnet-Schuman » ou des « petits pas »qui consiste à mettre les États membres devant un faitDepuis 2006, 24 GECT regroupant des régionset départements de 15 États membres et un Étatextracommunautaire (Serbie) ont vu le jour et 21 autressont actuellement en développement.Un de ces GECT, l’Eurorégion Pyrénées-Méditerranée,fêtait ses dix ans d’existence en octobre de cette année,anniversaire à l’occasion duquel l’UE a récompensé cetteEurorégion du « prix GECT 2014 ». Après une décenniequels sont les résultats de ce GECT ?« hussards noirs de la République » inculquant les valeursrépublicaines aux petits Français ; l’importance donnéeà l’éducation par l’Eurorégion est loin d’être anodine etdépasse les seules préoccupations économiques car ellepermet la construction d’une fidélité et d’une « identitéacadémique » eurorégionales.Le deuxième grand projet de l’Eurorégion Pyrénées-Méditerranée est une plateforme de coordination desdifférentes pépinières régionales d’entreprises appeléeCREAMED. Lancée en 2010 grâce au financement àLanguedoc-Roussillon.Les Eurorégions : un enjeu capital dela politique européenne ?Le budget alloué à la politique régionale européenne pourla période 2014-2020 sera de 351,8 milliards d’euros(32,5 % du budget total de l’UE pour cette période) alorsque le budget pour la période 2007-2013 était de 347milliards (c’est-à-dire 40 % du budget total de l’UE pourcette période).18 Barbarie Hiver 2015 Barbarie Hiver 201519


Ce budget sera distribué par le biais de cinq fonds : leFonds européen de développement régional (FEDER),le Fonds social européen (FSE), le Fonds de cohésion(FC), le Fonds européen agricole pour le développementrural (FEADER) et le Fonds européen pour les affairesmaritimes et la pêche (FEAMP). Les objectifs de lapolitique régionale européenne restent les mêmes quepour la période 2007-2013 avec une volonté de réduireles disparités entre les régions en axant ses efforts surle soutien de la croissance et l’emploi, la lutte contre lechangement climatique et la dépendance énergétiqueainsi que la résolution du problème de l’exclusion sociale.Aujourd’hui, les GECT sont les plateformes quipermettent aux régions ayant choisi de s’allierspatialement, économiquement et dans une certainemesure culturellement, de prétendre aux financementsde l’UE. La plupart des Eurorégions ou GECT possèdentaujourd’hui un bureau de représentation à Bruxelles,l’Eurorégion Pyrénées-Méditerranée ne faisant pasexception.La facilité d’agrégation ou de séparation que permettentactuellement les GECT donne un nouveau souffle à ladimension fédérale de l’UE. Les frontières internes de l’UEse transforment en frontières « coutures » évolutives ausein de l’espace européen qui est défini par une frontièreextérieure commune stabilisée pour le moment.Guilhem Colombani.ZoomDossierLe culte de l’image en EuropeLes divers visages de Silvio Berlusconi : entre médias, spots télévisés et Bunga Bunga ................ 22Quand Barbie fait de la politique, ou la décrédibilisation des femmes politiques par l’image ..... 24La représentation des extrêmes politiques dans la presse : deux poids, deux mesures ................. 26Quelle diversité dans les médias européens ? .................................................................................. 29Misfit Models: promoting a new kind of beauty ............................................................................. 31Le personal branding : accroissement du narcissisme ou tremplin professionnel ? ........................ 34Le règne des vidéoblogueuses, ou la beauté 2.0 ............................................................................... 36Consommer le luxe à la russe ........................................................................................................... 38Quand la Suède se met à nu ............................................................................................................. 40L’art de se déshabiller outre-RhinUne réflexion sur notre perception de la nudité .............................................................................. 4220Barbarie Hiver 2015


Les divers visages deSilvioBerlusconi :entre médias, spotstélévisés et BungaBunganous pouvons le voir dans les photos de sa biographie,une image qui réchauffe sûrement les cœurs des grandsmèresde la province italienne.Mais la puissance communicante du leader politiquele plus connu d’Italie est aujourd’hui affaiblie par lesscandales sexuels et financiers qui l’ont touché, de plusen plus nombreux depuis quelques années.Depuis le cas « Ruby Rubacuori », Berlusconi estmondialement connu pour sa plus grande faiblesse : lesfemmes. Déjà en 2009, il s’est vu surnommer « Papi »,suite à des photos publiées dans les revues italienneshaute voix son innocence : et voilà l’image de Silvio-Papivictime de la justice italienne !La force des images, positives et négatives, d’un mêmepersonnage justifient son succès médiatique et doncpolitique au niveau national : son pouvoir d’influenceéconomique et politique, malgré la fin de son mandatet sa sortie (ou pas…) de la vie politique, sont toujoursremarquables. Il est toujours l’un des hommes les plusriches d’Italie, patron de trois grandes chaînes téléviséesprivées et d’un empire médiatique sans précédent, qu’ilcontinuera d’exploiter.DossierElles sont nombreuses les images, les vidéos et les affichesdes leaders politiques mettant en scène leur personne ou leurpersonnage. Ces hommes sont monarques, révolutionnaires, dictateurs ou démocrates.Ils combattent sur des fronts opposés et propagent des idéaux et visions différents.Mais ils ont tous un point en commun : ils cultivent avec rigueur, à un niveau quasiobsessionnel, leur image. Voici une brève analyse des diverses images de l’hommepolitique italien le plus aimé et le plus détesté de l’Italie contemporaine : le chevalierSilvio Berlusconi.Depuis un siècle, les femmes et les hommespolitiques utilisent méthodiquement leurportrait pour véhiculer des messages depropagande, pour séduire les électeurs ainsi que pourmanipuler le public. Utilisé initialement par les dictateursbien connus du XX ème siècle afin de promouvoir le cultea été renforcé autour de Silvio Berlusconi, hommed’affaires des médias, propriétaire de multiples chaînestélévisées, journaux et maisons d’édition.Pendant la campagne présidentielle de 2001, vingtmillions d’Italiens ont reçu chez eux une copie de sapendant une fête d’anniversaire d’une jeune, NoemiLetizia, fille d’un ami de famille, et à l’origine de sonsurnom. Mais c’est avec Ruby et les festins heureux -plusconnus sous le nom de « Bunga Bunga »- que Papi a subiune chute de popularité inexorable. Et si on y rajoute lesscandales financiers, le puzzle est complet.Récemment, il a été jugé par le tribunal de Milan pourévasion fiscale en utilisant son entreprise Mediaset(la chaîne télévisée lui appartenant). Pour cela, il a étécondamné à quatre ans de détention. Il reste pourtantdifficile d’imaginer l’ex-Président du Conseil derrièreles barreaux. Certains militants pro-berlusconiens sesont d’ailleurs mobilisés dans les rues pour clamer àDans l’Italie berlusconiana, où la télévision à fortevocation sexiste a exercé une influence significative surune génération entière d’Italiens, on ne s’étonne mêmepas que l’une des plus hautes charges institutionnelles aitété prise par un personnage dont le succès n’est pas lefruit de ses actions politiques, économiques ou sociales,mais surtout la conséquence de ses apparitions sur lesplateaux télévisés, d’une bonne campagne médiatisée etdes concours de beauté. D’ailleurs, Silvio Berlusconi estle premier à considérer la beauté et l’image comme un «moyen d’échange et un instrument de succès, de carrière etd’ascension sociale 1 ». Comment ne pas le croire ?Alessandra Marano.Dossierde la personnalité, l’art de mettre en scène l’image abiographie quasi fiabesque et romancée, publiée par1Interview avec le journaliste Severgnini en 2010.aussi acquis un rôle fondamental dans les démocratiesla maison d’édition Mondadori, qui lui appartient. Lesd’aujourd’hui à travers l’utilisation massive des médiasimages utilisées, celles d’un homme proche de la famille,dans la politique. Silvio Berlusconi, homme d’affaires etd’un homme d’affaires rusé et brillant, ou encore d’unleader politique italien, représente un cas emblématiquehomme politique engagé, frappent aux yeux du supposéde la puissance de la médiatisation.lecteur et sont d’une force communicative à la limite dela caricature.L’usage stratégique de l’image, ou bien « des images »,dans la communication politique de Silvio BerlusconiLes visages publics du politicien italien sont doncest centrale depuis sa décision de créer en 1994 le partipluriels : depuis le début de sa carrière politique,Forza Italia et de se présenter aux présidentielles du «Berlusconi s’est présenté au public en utilisant l’image laBel Paese ».plus adaptée selon le contexte. Voici donc le portrait del’homme politique qui aime son pays et qui agit toujoursLa campagne présidentielle mise en place a été marquéeen faveur du bien commun ; l’image, bien évidemment,par un coup médiatique sans précédent : un inoubliablela plus convoitée pendant ses campagnes présidentielles.spot télévisé représentant une Italie stéréotypée àEt puis, moins publique mais aussi très populaire surtouttravers les images romantiques de personnes souriantes,chez les jeunes Italiens, la représentation d’un brillantde paysages de carte postale et de belles femmes, le touthomme d’affaires qui a pu compter sur de « bonnesaccompagné d’une musique mélancolique : le parfaitrelations » qui lui ont permis l’ascension au pouvoir et aucliché italien. Depuis, un véritable empire médiatiquesuccès. Mais aussi l’image du bon père de famille, comme22 Barbarie Hiver 2015 Barbarie Hiver 201523


Quand Barbie fait de lapolitique,ou la décrédibilisation desfemmes politiques par l’imageêtre pas autant de commentaires ciblant leur allure, carils sont faiblement exposé(e)s par les médias de masse,et donc quasiment invisibles aux yeux du citoyen lambda.Néanmoins, on compte en moyenne 37 % de femmesau sein du Parlement européen alors que la populationféminine dépasse les 50 % dans l’Union européenne.Avec la création de l’Institut européen pour l’égalité entreles hommes et les femmes (EIGE), inauguré en 2007, onpeut espérer que la situation s’améliore.La parité en politique permettrait certes d’amener àune meilleure représentation des femmes, mais encorefaudrait-il qu’elles soient prises au sérieux et qu’on arrêtede les considérer systématiquement sur des critèresesthétiques ou moraux.Anna Foënet-Pla.Si peu d’hommes politiques osent assumerclairement leurs positions misogynes, beaucoup setrahissent par un comportement ou des remarquesenfin, cela se justifie puisque dans l’imaginaire collectif,l’allégorie de la justice est représenté… par une femmetenant le glaive et la balance. Et pourtant, même à ceambiguës, voire ostensiblement sexistes. Ces attaques, quiposte, les femmes font l’objet de railleries concernantSourcesvisent le plus souvent le physique – une technique lâche,leur physique, leurs habits, voire leur vie privée.http://www.europarl.europa.eu/elections2014-results/fr/gender-balance.htmlmais efficace –, renvoient généralement à une certaineLorsque Rachida Dati était Garde des Sceaux, ses tenueshttp://www.lesinrocks.com/2014/10/10/actualite/les-10-derapages-les-sexistes-politiques-dedith-cresson-najat-vallaud-image, très codifiée, de la femme : celle-ci est censée êtrevestimentaires, ses goûts de luxe et le mystère entourantbelkacem-11529142/belle, mais aussi discrète, intelligente mais pas trop, afinl’identité du père de son enfant ont fait verser beaucouphttp://www.alternatives-economiques.fr/la-france-encore-loin-de-la-parite-en-politique_fr_art_1101_55035.htmlde ne pas surpasser son homologue masculin. Et surtout,d’encre. Les médias la présentaient alors comme unehttp://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0304-l-europe-au-feminin-pour-une-parite-dans-les-institutions-de-l-surtout, elle ne doit jamais hausser le ton, sans quoi ellefemme frivole, manipulant et séduisant les hommes pourunion-renouvelees-en-2014Dossiercourt le risque d’être qualifiée d’hystérique, tandis qu’unhomme ayant la même attitude ferait simplement preuved’une autorité bien virile. Ainsi, les femmes politiquessemblent être avant tout évaluées sur l’image qu’ellesrenvoient plutôt que sur leurs compétences réelles.« Toi et moi, on sait très bien commenttu es arrivée là… »À en juger par les dérapages, rarement subtils, de certainsparvenir à ses fins, et mettaient en avant ses nombreusesliaisons, l’assimilant à une femme de petite vertu.Difficile donc de sortir du schéma binaire maman/putaintant ancré dans les mentalités.La République de l’imageCes derniers temps, la France semble même avoir touchéle fond. Entre Cécile Duflot accueillie par les sifflementshttp://eige.europa.eu/sites/default/files/MH0213843ENC_PDF.Web_.pdfhttp://sinon-je-fais-de-la-politique.tumblr.comhttp://www.lapresse.ca/international/europe/201410/18/01-4810440-sexiste-la-politique-francaise.phpDossierélus, tout porte à croire qu’ils se sentent menacés pardes parlementaires car elle portait une robe, Véroniquela gent féminine. Du désormais célèbre « Mais qui vaMassonneau, députée écologiste, interrompue dans songarder les enfants ? » lancé par Laurent Fabius à proposdiscours dans l’hémicycle par les caquètements d’unde la candidature de Ségolène Royal aux présidentiellesdéputé UMP ou encore Barbara Pompili, coprésidente dude 2007, aux piques lancées à Najat Vallaud-Belkacemgroupe écologiste à l’Assemblée, surnommée « Barbie »,l’accusant – entre autres – d’avoir joué de ses charmesles interventions sexistes vont bon train.pour accéder au Ministère de l’Éducation nationale,Le culte de l’image se manifeste partout, et depuison constate tristement que les mentalités n’ont pasquelques années, même les hommes en font les frais.vraiment évolué : la femme, toute politique qu’elle soit,Les principaux exemples se trouvent parmi les (ex-)reste cantonnée à un rôle de maman, ou de putain.présidents de la République. En effet, Nicolas Sarkozy etFrançois Hollande n’ont pas été épargnés par les critiquesDe plus, il suffit de se référer aux ministères les plussur leur apparence, que ce soit sur la petite taille dusouvent alloués aux femmes : considérés commepremier ou sur les rondeurs du second.étant mineurs et largement tournés vers la famille,Si certains considèrent que l’égalité des genres progresse,l’environnement ou la culture, ils sont en somme associéson peut tout de même déplorer que cela se fasse d’uneà l’image maternelle et stratégiquement déconsidérés.manière aussi superficielle…Les femmes ayant accédé aux ministères régaliens secomptent sur les doigts d’une main : seul le ministère deEurosexisme ?la Justice a eu à sa tête plus d’une femme (cinq en toutPar ailleurs, dans les instances européennes, tout est loindepuis la nomination d’Élisabeth Guigou en 1997). Maisd’être rose. Les élu(e)s européen(ne)s ne subissent peut-24 Barbarie Hiver 2015 Barbarie Hiver 201525


La représentation des extrêmespolitiques dans la presse :deux poids, deux mesuresCes bilans sont le fruit de facteurs politico-socioéconomiquescomplexes et pluriels. Mais une questions’impose : quel rôle les médias ont-ils joué là-dedans ?En effet, comment expliquer qu’un parti à l’histoire et à laréputation sulfureuse ait réussi à percer et à gagner uneEn étant bien attentif, on ne peut que lui donner raison :lorsqu’il s’agit de choisir les photos de M. Mélenchon, lesjournalistes travaillant pour les grands médias de tousbords se montrent peu bienveillants.Il est en effet souvent représenté dans des postures peuplace de choix dans la sphère médiatique ainsi que danssympathiques, la bouche grande ouverte, le poing levé, àDossierDepuis l’apparition de la télévision, les hommespolitiques du monde entier ont su, avec brio,s’approprier les médias comme un outilprivilégié à la fois pour faire passer leurs idées et pourmettre en scène leur image. C’est un exercice très codifié,souvent parfaitement maîtrisé grâce à l’assistance d’unearmada de conseillers en communication. Ce phénomènea pris une telle ampleur que de nos jours, la forme a prisle pas sur le fond et le supplante.Toutefois, les politiques maîtrisent-ils autant leur imagequ’ils le pensent ? Bien sûr, personne n’est à l’abri d’un fauxpascommunicant, mais serait-il possible que l’esclavemédiatique se retourne contre le maître politique ? Loind’être un toutou au service des dirigeants, ne serait-cepas les journalistes qui forgent l’image des hommes etfemmes politiques, à l’insu même des concernés ?Des figures politiques nouvellesÀ une époque où les citoyens ne se retrouvent plus dansun système bipartite ou il faut choisir entre les classiquesUMP et PS, l’attention s’est récemment portée sur depetits partis marginaux (même si certains prennent uneampleur considérable de jour en jour).comme une véritable alternative de gauche dans la lignéedes grandes figures communistes et révolutionnaires.Ces deux personnalités écrasantes sont du pain bénipour les médias qui se sont arraché leurs interventionspubliques et ce, particulièrement lors de la campagne de2012.Des destins différentsPourtant, force est de constater que Le Pen et Mélenchonn’ont pas eu la même trajectoire politique, n’ont paspartagé les mêmes difficultés et encore moins les mêmesvictoires.Le Front National est en effet arrivé en troisième positionau premier tour des dernières élections présidentielles,a remporté les élections européennes avec 25,4 % dessuffrages exprimés et est considéré comme meilleur partid’opposition de droite par 60 % des Français sondés 1 .Mme Le Pen n’a d’ailleurs pas hésité une seconde àautoproclamer le FN comme premier parti de France.Quant au Front de gauche, s’il a recueilli le scorehonorable de 11 % aux élections présidentielles deles bulletins de vote au sein d’un pays multiculturel quicompte 6 millions de musulmans, qui accomplit un travailde mémoire conséquent sur les horreurs de l’Holocausteet dont les citoyens se sont en majorité prononcés enfaveur du mariage homosexuel 2 ? Pourquoi un parti degauche rejetant l’austérité, militant pour un changementradical des institutions et la mise en place d’une VI èmeRépublique n’a-t-il pas trouvé son public dans le paysde la Révolution, qui a longtemps compté le PC commetroisième parti de France et qui érige son système desécurité sociale comme fierté nationale ? Quitte à fairebasculer les forces politiques, pourquoi avoir donné unepréférence nette à un extrême plutôt qu’à un autre ?La Belle contre la BêteOn le sait, les Français ont besoin d’un monarque ou,à défaut, d’une figure paternelle forte. Le culte de lapersonnalité est déterminant dans une campagnepolitique en France ; soigner son image publique est donccapital.La faille se situerait-elle là ? En quoi l’iconographie deMarine Le Pen et celle de Jean-Luc Mélenchon divergentelles?l’image de certains dictateurs funestement célèbres. Sestraits sont souvent contractés, ses gestes agressifs ouévoquant une certaine violence.Quant au contenu des articles, certains journalistes nefont pas preuve d’une objectivité sans faille : Mélenchonest présenté comme un homme instable : « Mais quellemouche a piqué Jean-Luc Mélenchon ? » titre L’Express.On note aussi des expressions telles que « il susciteà la gauche de la gauche un authentique culte de lapersonnalité 3 », « triomphe individuel 3 », « tyranniser 3 »,Marcela Iacub qui associe Mélenchon « aux pirescrimes 4 », ou lorsque sa citation « Je veux […] que lepeuple s’empare, par une Constituante, du grand coupde balai qu’il faut donner pour purifier cette atmosphèrepolitique absolument insupportable » se transforme, sousla plume d’un rédacteur de Libération, en un gros titre :« Mélenchon pour la purification éthique ». C’est là tout unchamp lexical évoquant des personnages tels que Hitler,Staline ou encore Mao Zedong et qui rappelle la partsombre de l’histoire du communisme ; de quoi faire peuraux Français et se demander où se situe l’objectivité deces journalistes sensés diffuser l’information de manièreimpartiale.DossierAinsi, au lieu de se concentrer sur la droite et la gauchetraditionnelles, les médias ont commencé à communiquersur les extrêmes : le Front National et le Front de Gauche.Tous deux ont en effet l’avantage d’être menés par deschefs de parti très charismatiques : d’un côté, MarineLe Pen, grande blonde aux yeux bleus, à la voix rauqueet déterminée, fille du fondateur du parti ; une femmevirile qui peut séduire aussi bien les électeurs que lesélectrices…De l’autre côté, Jean-Luc Mélenchon : homme de gaucheaux idées trotskystes n’ayant pas la langue dans sa poche,2012, sa situation n’a cessé de se détériorer avec letemps. En effet, si le parti s’est montré solidaire enversle candidat socialiste François Hollande pour le secondtour, aucun de ses membres n’a été convié à participerau gouvernement. Ultime humiliation : seuls 6,25 % desélecteurs français ont opté pour le Front de gauche auxélections européennes.Si Jean-Luc Mélenchon a malgré tout conservé son sièged’eurodéputé, il a qualifié ce résultat de « très décevant ».Las de ces échecs à répétition, il annonce en août 2014sa démission de la tête du Front de gauche ; il ne renoncepas au combat politique pour autant, mais songe à fonderun autre parti.L’homme de gauche est lui-même parfaitement conscientdu traitement médiatique qui lui est infligé. Sur leplateau de l’émission On n’est pas couché, il affirmait :« Vous verriez comment je suis traité en photo… ! C’estaffreux ! (…) Le traitement de l’image est très important, denos jours plus que jamais. Vous faites un papier, on me posedix questions, je me creuse la cervelle, je relis après, c’estvachement intelligent et tout. On met en gros une photode moi où j’ai les doigts en crochet, la bouche ouverte surle côté et les cheveux [hirsutes]… C’est fini : on ne lit mêmepas. » Et de conclure ensuite en pointant une photo peuavantageuse : « Je ne suis pas comme ça ! ».Bref, si l’on s’en tient à sa représentation médiatique,Jean-Luc Mélenchon ressemble à un braillard dangereuxet aux ambitions totalitaires.Mme Le Pen, elle, n’a pas à se plaindre de sa place dansles médias français et le fait pourtant. Après tout, si ellea bien réussi sa campagne de dédiabolisation du FN,n’est-ce pas en toute logique grâce à la complaisance desmédias ? Son père, fondateur du parti, l’avoue volontiers :« Marine, ce sont les médias qui l’ont faite. »On remarque en effet qu’en termes de photos, celles quisont choisies pour illustrer son actualité la représententil s’impose vite, grâce à sa verve et son franc-parler,258 % des Français y étaient favorables en novembre 2012 selon un sondage LH2 pour Le Nouvel Observateur ; 63 % l’étaient aussien janvier 2013 selon Ifop pour Atlantico.1Sondage réalisé par Ifop pour Le Journal du Dimanche et publié le 2 novembre 2014.3Extrait de l’article « La résistible ascension de Jean-Luc Mélenchon » paru dans Libération le 9 mai 2013.4Extrait de l’article « Un normal pour un bien » paru dans Libération le 10 mai 2013.26 Barbarie Hiver 2015 Barbarie Hiver 201527


souvent souriante, calme et posée. Elle inspire doncl’image d’une femme forte, stable, droite dans ses botteset déterminée, qui n’a pas besoin d’être vindicative pours’imposer. On peut même, dans un article 5 de L’Express,voir une photo d’elle les bras tendus, telle une figurechristique.Il faut dire que Mme Le Pen jouit d’une apparenceincroyablement télégénique : tout d’abord, c’est uneprogramme, mais au contraire à légitimer sa présencepolitique au point de la normaliser. Malgré eux ou non,les journalistes, en la transformant en star médiatique, sesont rendus complices du succès électoral de Mme Le Pen.Une information appauvrie ?Tout cela atteste du fait que le traitement de l’imagepar les médias contribue à la politique d’une manièresignificative. Or le danger est que l’information, quandQuellediversitédans les médiaseuropéens ?de handicap, musulmans, voici une liste non exhaustivede personnes souffrant d’une médiatisation encoredégradante.L’étude paneuropéenne menée en 2008 Media4diversity 1a souligné le poids des médias dans le problème dediscrimination. La médiatisation de certaines actualitésdemeure parfois stigmatisante pour les minorités : c’estle cas du traitement médiatique des attaques du WorldDossierfemme, elle incarne donc un vent d’air frais dans unpaysage politique dominé par les hommes. Sa forceréside surtout dans un paradoxe : avec son brushingblond et ses yeux bleus, elle attire le public et semble sice n’est sympathique, au moins affable. Malgré tout, elleest la digne fille de son père et en a hérité une carrureimposante, une gouaille indéniable et une déterminationà toute épreuve. La force de Marine Le Pen, c’est sonandrogynie : cette façon d’osciller en permanence entrele masculin et le féminin, entre la force et la douceur. Etqu’est-ce qui vend mieux dans les médias que l’ambiguïtésexuelle ?Longtemps considérée comme persona non grata à latélévision, la leader du FN s’est pourtant imposée surtous les écrans depuis quelques années et est invitée surtoutes les émissions à forte audience. Selon Europe 1,Marine Le Pen a été en 2013 la personnalité politique laplus invitée dans les matinales.Et les journalistes, d’abord accusés par l’intéressée de luifaire de mauvais procès, d’être élitistes et impartiaux, ontfini par marcher au pas face à elle, à ne plus être dansl’opposition et la contestation pure de ses idées et de sonelle repose essentiellement sur l’image, est relayée demanière très superficielle et exacerbe cette nouvelletendance de l’ « infotainment », c’est-à-dire quandl’actualité doit être divertissante. Entre buzz, phraseschocs et importance écrasante de l’apparence, le sérieux,les idées et le débat politique ont de plus en plus de malà trouver leur place.De là à dire que l’on assiste, de façon subreptice, à uneforme de propagande massive de la part des grandsgroupes de presse, il n’y a qu’un pas à ne pas franchir.Mais on peut se demander si l’on ne cherche pas à abrutirles foules…À défaut de se battre contre les grands groupes de pressedétenus soit par des consortiums, soit par des hommespolitiques siégeant à l’Assemblée Nationale, peut-êtreque la meilleure solution pour tout un chacun est derester vigilant sur toutes les données dont les médiasnous abreuvent chaque jour et de développer autant quefaire se peut notre esprit critique…Elise Moyou.La diversité constitue l’une desprincipales valeurs de l’Union européenneet de ses États membres. Depuis 2000,« Unie dans la diversité » est mêmeprésentée comme la devise de lacommunauté européenne. Pourtant, cettediversité est régulièrement mise à mal pardivers acteurs de la société. Parmi eux,les médias sont régulièrement pointés dudoigt. Accusé de discrimination et de sousreprésentation de certaines minorités,l’espace médiatique des États membrespeine encore à présenter une diversitéculturelle et sociale représentative.Les médias participent à la propagation dereprésentations erronées et péjoratives d’unepartie de la société européenne. Des minoritésse retrouvent mises à mal par certaines rédactions. Deplus, dans leurs choix imprudents d’images et de mots,ces dernières tendent à imposer leur propre norme deTrade Center à New York, des émeutes de 2005 en France,des attaques contre les Roms en Italie, ou encore de lapublication des caricatures du prophète Mahomet dansle journal danois Jyllands-Posten.LES MESURES PRéVENTIVES ET NONCONTRAIGNANTES DE L’UNIONEUROPéENNELa défense de la « diversité » par de grands acteursinstitutionnels traduit l’importance qui lui est apportée.Le 2 novembre 2001, la Conférence générale de l’UNESCOadopte la Déclaration universelle sur la diversitéculturelle et élève cette dernière « au rang d’héritagecommun de l’humanité » 2 . Son article 6 mentionne plusparticulièrement le rôle à jouer par les médias dans lasauvegarde de la diversité culturelle : « Tout en assurantla libre circulation des idées par le mot et par l’image, ilfaut veiller à ce que toutes les cultures puissent s’exprimeret se faire connaître » 3 .Cette Convention est entrée en vigueur le 18 mars2007 après sa ratification par la France et 12 autresÉtats membres ou associés de l’Union européenne le 18décembre 2006.DossierSourceswww.antoineleaument.frhttp://opiam2012.wordpress.com/http://teleobs.nouvelobs.com/actualites/20141107.OBS4443/comment-marine-le-pen-a-pris-le-pouvoir-dans-lesmedias.htmlreprésentation. Beauté, marginalité, normalité… c’estune société parfois bien éloignée de la réalité qui estreprésentée dans la presse, à la télévision et sur lesondes. Par exemple, les « Une » de l’édition françaisedu magazine Elle ont souvent été dénoncées pour yreprésenter presque exclusivement des mannequinsblancs de type « occidental », imposés comme véritablesmodèles de beautés. Si les exceptions existent –ennovembre 2013, Christiane Taubira avait fait la « Une »du célèbre magazine féminin– elles sont encore rares…Femmes, habitants des banlieues, personnes en situationDepuis, à l’échelle européenne comme nationale,plusieurs rapports et campagnes ont été menés. Entre2008 et 2010, le Conseil de l’Europe a porté la campagne« Dites non à la discrimination ».À l’époque, l’un de ses objectifs était d’écrire, de voir etd’entendre la diversité dans les médias. Non contraignant,son rapport a été à l’origine de diverses propositionsà l’attention des acteurs médiatiques européens. Ilincitait par exemple les écoles de journalisme à adopter1Étude menée par Internews Europe (Paris), en partenariat avec le Media Diversity Institute (Londres) et la Fédérationinternationale des journalistes (FIJ, Bruxelles).2Page consultée le 05.05.14, www.unesco.org, http://www.unesco.org/bpi/fre/unescopresse/2001/01-120f.shtml.5Article « Les Juifs brandissent la menace Marine Le Pen » publié le 6 juin 2014.3Page consultée le 05.05.14, www.unesco.org, http://www.unesco.org/bpi/fre/unescopresse/2001/01-120f.shtml.28 Barbarie Hiver 2015 Barbarie Hiver 201529


une approche professionnelle et attentive aux sociétésmultiethniques. Quant aux entreprises médiatiques,il s’agissait d’éviter les présentations stéréotypéespéjoratives de communautés culturelles, ethniques oureligieuses.D’une manière générale, les médias des États membressemblent confrontés à un certain nombre de lacunes.Parmi elles, le manque d’implication des décideurspolitiques et l’absence de formations journalistiquesen matière de diversité. L’étude Media4diversity pointeégalement l’absence des questions liées à la diversitédans les agendas médiatiques et politiques des pays dela communauté européenne. Aujourd’hui, les politiquesmises en place en faveur de la diversité culturelle dans lesmédias demeurent volontaristes et n’ont par conséquentaucun pouvoir contraignant.des minorités en France. La représentation des « nonblancs» aurait augmenté entre 2009 et 2013, passant de11 à 16 %.Le handicap, quant à lui, connaîtrait également uneaugmentation, bien que minime : 0,2 % des personnesindexées sont en situation de handicap en 2009, pour untotal de 0,4 % en 2013 6 .Misfit Models :promoting anew kind ofbeautyConcernant la presse écrite, elle demeure le mauvais élèveen matière de diversité. En 2011, aucun représentant de lapresse quotidienne régionale n’est venu signer la Chartede la diversité. Seuls l’Agence France-Presse, L’Humanitéet les groupes Amaury, Hachette Filipacchi, Le Monde etPrisma Presse étaient au rendez-vous. La même année,le Club Averroes 7 remettait son rapport au ministre dela Culture et de la Communication de l’époque, FrédéricMitterrand, dénonçant une presse « sourde et aveugle » etde « timides avancées » dans le secteur de la télévision etde la radio 8 .DossierLA DIVERSITé DANS LES MEDIAS FRANÇAISEn France, tout commence en 1998. Pour la première fois,la télévision française est accusée par le collectif Égalité,composé d’artistes et d’intellectuels noirs français, d’êtretrop « blanche » 4 . Cette critique est progressivement priseen compte par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)qui conclut au travers d’une étude 5 à une faible présencedes « minorités visibles » à la télévision française.Le 18 décembre 2006, la France ratifie la Convention surla protection et la promotion de la diversité des expressionsculturelles de l’Unesco. Le CSA crée quant à lui en 2007l’ « Observatoire de la diversité », chargé de sensibiliserles acteurs du monde de l’audiovisuel et de formuler despropositions relatives à la diversité.En 2013, le « Baromètre de la diversité à la télévision »mis en place afin de mesure les progrès accomplis parles chaînes, constate une évolution de la représentationLe dernier rapport du CSA sur la diversité de la sociétéfrançaise à la télévision et à la radio, remis au Parlementen avril 2014, a révélé que « l’origine et le handicaprestent les principaux motifs de discrimination 9 ». En juin2014, des membres de l’Observatoire de la diversité dontl’ancien président du CSA Hervé Bourges ont lancé unappel en faveur de toujours plus de diversité, soulignantnotamment « les crispations identitaires qui se sontexprimées lors des élections municipales en France et enEurope lors des élections européennes [qui] traduisentl’essoufflement de notre capacité collective à entrer dansl’ère de la diversité ». L’impact des médias sur les sociétésn’est donc pas à sous-estimer…Sophie Roche.For twenty years, Del Keens workedfor the British agency Ugly Models andmodelled for brands such as CalvinKlein and Diesel. With his sad eyes, hisbeer belly and bad teeth, he does notlook like the male models you usuallysee in the papers or on the streets. Infact, he worked as what is called an“unconventional model”, that is to saya model who does not meet the usualbeauty standards.When Keens moved to Berlin in 2006 andrealised he could not find an agency thatwould represent him the same way UglyModels did, he decided to found his ownagency. He called it Misfit Models, aname which he thought was both subtleand inoffensive. Through his work, hegives the opportunity to some peoplewho would not normally be consideredbeautiful enough, as measured byconventional standards, to work asmodels. This is a way for him to declarepublicly that beauty really is the eye ofthe beholder.Interview conductedby Elise MoyouCan you tell us how you got the idea tofound the agency Misfit Models ?“The idea came to me a few years ago. I used to workas a model for the agency Ugly Models in London, so Ialready knew the industry. I came to Berlin, tried to finda job there, but it was difficult since I could not speak thelanguage very well. So I eventually decided to create myown model agency because I already knew this industryand realised there were no character model agency inGermany. Founding it was not so easy : it took me a fewyears to make researches, but I was deeply convincedthere was a demand for unusual looking models in thiscountry. The agency started with about 100 models ; wehave now 250 models on our website, 80 will be addedshortly and 100 more will join soon…”Why did you choose to stay in Berlin ?Why not open this agency in London ?“Because I think Berlin is a very relaxed and chilled citycompared to London. London is more violent and crazyin the area where I come from (Brixton), you have to beaware of what is going on around you at every moment.Whereas Berlin is very laid-back. Germans also tendto follow the rules more than the Brits: they follow therules, they respect the law and will not do somethingwhich is not “richtig” (in English: “right”). There is goodand bad everywhere, but I like it here. And like I saidbefore, I knew there was no such agency in Germany, soI jumped at the opportunity.”Dossier4MACE Éric, « Mesurer les effets de l’ethnoracialisation dans les programmes de télévision : limites et apports de l’approchequantitative de la « diversité » », Réseaux, 2009/5 n° 157-158, p. 233-265. DOI : 10.3917/res.157.0233.5MALONGA Marie-France, Présence et représentation des « minorités visibles » à la télévision française (2000).6CSA, Baromètre de la diversité à la télévision, TNS, 2013.7Structure fondée en 1997 et regroupant près de 400 professionnels autour de la promotion de la diversité dans les médiasfrançais.8Club Averroes, Médias et diversité, Rapport Annuel, 2010.When we asked him for an interview,he kindly agreed and gave us theopportunity to discover the world ofunconventional modelling and to discussbeauty in today’s society.9Représentation de la diversité de la société française à la télévision et à la radio - Rapport au Parlement : avril 2014.30 Barbarie Hiver 2015 Barbarie Hiver 201531


DossierIs there a strong demand for unusual-lookingmodels in Germany or elsewhere ?“For advertising, yes. There is a demand for the averageperson on the street, not the tall, blond, blue-eyed,Scandinavian goddess with a perfect figure and perfectteeth, simply because people do not relate to it. If youwant to sell a beer in a commercial, you will use a manwith a jolly face who has a belly and looks like he enjoyshis beer ! So advertising companies need those people.But the problem is that most actors and actresses all lookthe same. Ad companies need someone who looks likethey can drive a taxi, or a bus, or who looks like a builder,or the old lady… They need characters and this is whereGermany is falling short.Another problem is that unusual-looking models do notsell themselves, they do not make themselves noticed, sothere is a sort of “establishment” in the model industry,and this is boring, boring, boring !”What kind of companies reach out to you foradvertising campaigns ?“Various types of companies will need our models. Ahealth insurance company, for example, will be lookingfor a tiny old man. There is also a car renting companywhich launched a campaign with our models lookingunattractive and ridiculous with the slogan: “We spentless money on our models so you can rent our cars for acheap price” 1 . It will all depend on the product and onhow they are marketing it.But generally speaking, advertising companies needdifferent-looking people holding their products in theirads so that people in the streets will look up to it andthink “What the fuck is that ?”. Seeing unconventionallookingpeople will draw their attention and make themlook twice.How do you find your models ? Do theycome up to you spontaneously or do youhunt them in the streets ?“They spontaneously send emails to me. I am in thepublic eye, so when people see me or hear about me inthe media, they think “Hey, if this guy can be a model, I cando it too !” and then they contact me. If I like them andthink that they fit a look that is needed, I will sign them.There are also a lot of pretty young girls who want tomodel contacting me, but they are not the kind of peopleI am really looking for.I need a large range of different models : small, tall, blond,black, Asian, bald, tattooed, hairy, people in a wheelchair…For example, a company needed a dwarf and a man witha hairy back to shoot a music video. So the more differentmodel selection we have, the better it is for the agency.The models I hire need to have a face that stands out inthe crowd and they must be confident. They also need tobe nice and professional.”Do you have the feeling that working asan unconventional looking model helpsthem to accept the way they look, to accepttheir difference ? Can it somehow work as atherapy ?“Yes, it can be. These people have to get on with theirlooks and accept it rather than hiding away. But withtheir appearance, they never imagined they could end upon a billboard when in fact, they can! When I worked forUgly Models, I modelled for Levi’s and Calvin Klein !My models are happy to do this job : it brings themmoney and self-esteem. They are also an inspiration forother people who feel like they do not fit into the currentbeauty standards.”When magazines are criticised for portrayingonly very slim, beautiful and young people,they respond by saying that they only sell afantasy, because people don’t want to see realpeople but on the contrary want to dream.Do you agree with this ?“Everybody likes pretty flowers and puppies, don’t they ?But puppies grow up and flowers wilt. No one wantsto live in reality, and this is what sells. No one wants tolook at the inside, they want to look at the nice, shiny yetuntrue side of life.Everybody wants a nice house, a nice car… This is whatsociety is expecting you to do: women must have babieswhile men have to work hard, get a good job, contributeto society and become… a sheep! It is all part of apropaganda which promotes conformism. You cannot fitin if you are too fat or if you have a big nose… Anythingthat makes you stand out from the crowd.”If the use of unusual-looking models weremore generalised, do you think it couldimpact the perception that people haveof themselves ? Do you think it could helppeople to accept their looks ?“I cannot really tell if people will stick to conventionaltypes of beauty or not. I think there will always becompanies, like in the fashion industry, which will try tosell beauty.Eventually, unusual-looking models could break throughand become really big but society wants beauty. Evenif tattoos are very trendy at the moment in the fashionworld, it won’t last because fashion is always searchingfor the next new trend.Beauty always sells. Everyonewants perfect teeth, a perfect figure, nice manicuredhands. It is the norm. Society rejects what is different,and it takes a lot to change society.”When you founded your agency, was itsomehow an attempt to create or offer newbeauty standards ?“Yes. Beauty comes from within and every type of beautyshould be celebrated. For example, one of my models isvery big Biker : tattooed, with a beard and looks veryimpressive. Some people could be scared of the way helooks and yet, he is the nicest person I have met! There isbeauty within everybody.Running this company also gives me the opportunity toput minorities in the spotlight. For example, there are nota lot of Black people living in Germany, and so they arerarely portrayed in the media. But even the communitiesthat are very present, like the Vietnamese or the Turkish,are not seen in the German media although they areconsumers as well. They have to be represented somehowtoo !”For more information : www.misfitmodels.de/DossierUnfortunately, ad companies will make unusual-lookingmodels look stupid, or put them in unflattering situations.This is what we are paid to do. For example, small peopleare always made fun of in the media. So I always ask mymodels if they are comfortable with the idea that peoplewill be laughing at them because of the ad campaign.Nearly all the models who work for me are fine with it.”Who are the most popular models ?“Men between 30 and 40 years old. For some reason,women do not seem to get so much work at the moment,but this is changing.”What is your point of view on today’sobsession with beauty, thinness and youth ?“Fuck them! (laughs) There has always been thisobsession with beauty, thinness and youth. Women aretold that they have to look good and sexy with a shortskirt and a nice cleavage in order to please a man. This iswhat society perceives women as and what women seeas a role to fit into. But some women don’t want to wear adress, they want to wear tracksuits. So what ? Why can’ta woman wear that ?”1In German : “Bei dem Model ging was schief, dafür ist der Mitpreis attraktiv.“32 Barbarie Hiver 2015 Barbarie Hiver 201533


Le personalbranding :accroissementdu narcissismeou tremplinprofessionnel ?d’élargir leurs cercles sociaux et diffuser leur point de vuesur un grand nombre de sujets. »On peut alors se demander si le personal branding sertseulement à se glorifier ? Faut-il cesser de fréquenterles réseaux sociaux de peur de se laisser pervertir parces influences malsaines ? Pas nécessairement ! Parceque finalement, il faut l’accepter, nous sommes d’unecertaine façon tous un peu égoïstes, que ce soit sur le Netlorsqu’on peaufine notre profil, ou chez nous quand nousnous regardons dans un miroir (non, ne jetez pas tousvos miroirs à la poubelle !).Pourtant, le personal branding n’est pas seulementL’utilisation du personal branding va encore plus loin etc’est d’ailleurs à ce niveau-là qu’interviennent des coachset des conseillers : utiliser le web comme un tremplin.La crise financière de 2008 a eu des répercussionsimportantes sur l’emploi. La peur du chômage estgrandissante. Dans l’idée, par exemple, qu’il est plusfacile d’obtenir un emploi lorsqu’on est recommandépar quelqu’un, on se dit que ce quelqu’un peut être unami, une connaissance et on a alors plus de chances derencontrer ce genre de contact sur son réseau social quedans la rue.DossierLe terme « personal branding » est apparu pourla première fois en 1981 dans le livre The Battlefor your Mind de Al Ries et Jack Trout. Depuis,le concept n’a cessé de prendre de l’ampleur. Avecl’explosion des réseaux sociaux au cours de cettedernière décennie, la notion d’identité numérique a faitson apparition. Et le personal branding également appelé« marketing personnel » désigne le fait de gérer son identiténumérique en créant sa propre marque rattachée à sapersonne, et non à un produit. Notre identité numériquene serait donc pas rattachée à un produit certes, maiss’agirait-il alors de faire de sa propre personne, de sonnom, un produit ? Faire du personal branding, c’est fairela promotion de notre identité numérique. C’est-à-direfaire attention à ce que nous racontons sur nous et à lamanière dont le message est perçu. Mais c’est égalementporter attention à ce que nous associons à nous-mêmes(photo, image, vidéo) et à la manière dont les symbolessont perçus, tout comme surveiller ce qui constitue notreréseau (hommes, productions, avis) et la manière dontnous interagissons.Le narcissisme 2.0Le personal branding semble s’inscrire dans unphénomène bien plus général : si l’explosion des réseauxsociaux a apporté de belles choses, comme relier les genspartout dans le monde, elle a aussi ses effets néfastes,comme par exemple l’amplification du narcissisme. Faitonici référence à ces innombrables photos de filles avecleur mythique bouche en cul-de-poule ? Sûrement… Lenarcissisme c’est avoir un amour excessif porté à l’imagede soi. On se rappelle aussi de Narcisse qui, hypnotisépar le reflet dans la rivière de son si doux visage s’esttristement noyé.sens grandiose de l’importance accordée à soi-mêmepeut conduire à un besoin excessif d’adoration imméritéeet un manque total d’empathie pour les autres. D’aprèsMayo Clinic¸ une fédération hospitalo-universitaireet de recherche américaine, les traits narcissiquespeuvent se manifester de différentes manières : la fiertéou l’admiration pour peu ou aucun effort accompli,une exagération pour ses réalisations ou ses proprestalents, une préoccupation malsaine pour le pouvoir etle succès, ainsi que la suffisance, le manque d’empathie,l’exploitation des autres ou encore le mépris de ceuxjugés inférieurs.D’après l’étude de l’Université du Michigan (U-M)Defining social networking sites and measuring their use :How narcissists differ in their use of Facebook and Twitterd’Elliot T. Panek, Yioryos Nardis et Sara Konrath, lesmédias sociaux comme Facebook et Twitter attirent lesgens qui ont besoin de booster leur ego. Cette recherchea montré qu’avec les médias sociaux, l’obsession estmoins de se connecter avec les autres, mais plutôt dese connecter par vanité, égocentrisme et marketingpersonnel.Les participants à l’étude de l’U-M ont répondu à desquestions concernant l’étendue de leur utilisationdes réseaux sociaux. Les réponses ont été évaluées enfonction de la personnalité du participant et sur différentsaspects du narcissisme incluant l’exhibitionnisme, lasupériorité, l’autorité et l’autosuffisance. Selon Panek,l’un des auteurs, les adultes narcissiques se servent deFacebook comme d’un miroir : « la plupart des adultesdans la force de l’âge ont déjà formé leur moi social et ilsutilisent les réseaux sociaux afin de susciter l’approbationde personnes faisant déjà partie de leurs cercles sociaux. »une histoire de narcissisme : derrière cette apparentesuperficialité se cache une certaine logique.Un marché du travail numérique enpleine émergence ?Le personal branding, c’est d’abord le fait de gérer vospublications et leur accessibilité. En effet, une méfiances’est développée par rapport aux hackers. À partir de2013, une succession de scandales a éclaté, comme celuidu programme de surveillance électronique PRISM parexemple. Ces affaires font bien comprendre que, malgrétous vos efforts pour renforcer la confidentialité de vosprofils, votre identité numérique ne vous appartient pasen totalité.Le terme englobe aussi le souci d’entretenir votreréputation. Vous en avez sûrement déjà fait l’expérience,vos activités en ligne peuvent avoir des conséquencesdans votre vie réelle. L’identité numérique n’est plusseulement une notion virtuelle, elle fait désormaispartie de votre vie quotidienne. En effet, le Net est unespace où les frontières entre vie publique /vie privéeet vie personnelle/vie professionnelle sont poreuses.Aux débuts de Facebook, par exemple, le grand défiétait d’avoir un maximum d’ « amis ». Mais qui sontces « amis » qui voient vos photos ? Est-ce que ce sontdes personnes de votre famille ? De bons amis ? D’/Desanciens camarades d’école ? Des collègues de bureau ?Ou bien de simples connaissances ? Pour ne pas avoirde problèmes, mieux vaut ne pas faire en ligne ce quevous ne feriez pas dans la vie réelle, et bien réfléchir auxconséquences de vos actes.Les réseaux sociaux offrent en effet de réelles opportunitéset une meilleure visibilité aux sites d’emploi spécialisésdans un secteur précis. Les offres d’emploi circulent plusfacilement, touchant plus personnellement les personnesdirectement concernées, comme les personnes entransition de carrière, les entrepreneurs, les professionslibérales, les coachs, les thérapeutes, les consultants,les créateurs d’entreprises, les porteurs de projets, lescadres ou encore les étudiants, etc. C’est donc aussi danscette optique que le personal branding se développe deplus en plus.De nos jours, le web est devenu une vitrine professionnelleincontournable, car même lorsque l’on n’est pas présentsur les réseaux sociaux, cela présente déjà un trait denotre caractère pour le recruteur. Pour résumer, vosprofils représentent les « centres d’intérêts » de votre CV.Personal brander, c’est donc surtout mettre en valeur sonprofil sur les réseaux sociaux, non par souci esthétique ounarcissique, mais dans un but professionnel. On vend sapersonne sur internet comme on la vend dans un CV, unelettre de motivation ou lors d’un entretien d’embauche.Le personal branding n’est qu’un outil supplémentairedans la promotion de soi.Nous avons tous le droit d’avoir une vie privée, et lesloisirs de chacun ne devraient pas gêner vos futursemployeurs… ils pourraient même vous en rapprocher.D’une manière générale, il faut profiter des opportunitésque le web offre pour s’épanouir.L’enjeu, aujourd’hui, lorsque l’on crée un compte surun réseau social, c’est qu’il soit utile tout en préservantnotre intimité de notre projet professionnel. Tout est unequestion de bon sens.DossierAlors qu’il y a un niveau sain de confiance en soi etd’estime de soi qui peut contourner le narcissisme, unLes jeunes, au contraire, « peuvent surestimer l’importancede leurs propres opinions. […] À travers Twitter, ils essaientSolveig Fenet.34 Barbarie Hiver 2015 Barbarie Hiver 201535


Le règne desvidéoblogueuses,ou la beauté 2.0des make-up des plus softs aux plus colorés. L’avantagede ses vidéos accélérées, c’est qu’il est facile d’avoir unevue d’ensemble sur ce qu’il faut faire pour reproduire sesmake-up. Et parce que porter l’un de ses maquillages,c’est être sûre d’être la plus remarquée de la soirée !♦ En ItalieLes jeunes filles sont centrées sur leur extériorité et necherchent plus à se connaître, à chercher à savoir qui ellessont à l’intérieur”, déplore-t-elle.Avis objectif ou nouvelle forme demarketing ?Vous rêvez de ressembler à Monica Bellucci, Rihanna ouLes vidéoblogueuses sont ce qu’on appelle, dans leDossierUn mode de communication au succèsfulgurantCette mode vient tout droit des États-Unis. Outre-Atlantique, de nombreux sites beauté proposent depuisplusieurs années déjà des tutoriels pour aider leursspectatrices adolescentes à se maquiller, se coifferou même s’habiller. Par mimétisme -et parce qu’il estdésormais techniquement facile de le faire- de jeunesEuropéennes ont lancé leur propre chaîne de tuto.Il y a moins de cinq ans, Isabel Llano a eu l’idée dedécouper les bouts d’une paire de chaussettes, de lesenrouler jusqu’à former une sorte de donut et elle amis en ligne une vidéo sur YouTube où elle expliquaitcomment faire un chignon avec ce cylindre. Son siteweb, Isasaweis.com, a rapidement affiché près de 40 000abonnés, et ses vidéos ont été vues plus de 13 millionsde fois. Aujourd’hui, son compte Facebook recense plusde 390 000 abonnés. En Espagne, Isasaweis est la stardes vidéoblogs de beauté, l’un des derniers phénomènesapparus sur Internet.« Les maquilleuses professionnelles sont très biens, ditIsabel Llano, mais elles ne sont pas adaptées à la filleVéritable phénomène viral, les tutoriels beautéenvahissent la Toile pour le plus grand bonheurdes novices en coiffure et maquillage. Youtubeusesà la notoriété planétaire ou jeunes débutantes quigagnent à être connues : voici un tour d’Europe deces passionnées de beauté qui donnent à travers leursvidéos les clés pour être au top en toutes circonstances.L’un des secrets des vidéoblogueuses est l’interactivité.Les sites Internet et les chaînes YouTube permettent auxinternautes de commenter les contenus, de poser desquestions, et surtout de recevoir une réponse immédiate.Tour d’Europe des youtubeuses beauté♦ En FranceEnjoyPhoenix (de son vrai nom, Marie Lopez) a 19 ans.Depuis 2011, elle est youtubeuse. À raison de deux foispar semaine, le mercredi après-midi et le vendredi àl’heure du goûter, cette étudiante lyonnaise publie surInternet des vidéos, des « tutoriels » pour apprendreà se maquiller ou à se coiffer « lisse », « tressé » ou «wavy ». Celle qui rêve d’être « chroniqueuse beauté à latélévision » organise aussi des « meet-up », sortes derendez-vous qui rassemblent sa communauté Web (1,2millions de personnes). Cococharnelle : la chaleureuseest la créatrice d’un blog beauté éponyme. Cococharnellepartage depuis cinq ans ses conseils beauté (maquillage,bons plans produits) avec les internautes. Ses conseilss’adressent aux jeunes filles à la peau noire pour le teintet les autres pour le reste.♦ En AllemagneOn a trouvé la Marie allemande ! “Bibis Beauty Palace”Jessica Alba ? La belle Italienne de 23 ans, Sweet Beauty1990, vous propose des make-up de stars, pas toujoursportables mais tellement glamours, parfaits pour vossoirées ! Sa botte secrète ? Des conseils beauté hypergirly !Analyse du phénomèneLes Youtubeuses insistent sur leur sentimentd’appartenance communautaire. Elles peuventcompter sur les encouragements, les complimentset les suggestions de leurs fans. Une facette de cetteactivité que Justine Atlan, présidente de l’associationE-enfance, voit d’un bon œil : « ce transfert decompétences, ce partage de conseils entre amis estintéressant. C’est dans l’esprit d’Internet ces échangesd’informations de pair à pair. »Cet état d’esprit contribue, en partie, au succèsdes vidéos de ces jeunes femmes qui, la plupartdu temps, choisissent le thème de leurs vidéos ensuivant l’avis de leurs abonnés, grâce aux réseauxsociaux, notamment Facebook et Twitter.Le but est aussi là : plaire à un maximum de personnes etobtenir un maximum d’abonnés.Face à ce phénomène, Béatrice Copper-Royer,pédopsychiatre, pointe le risque “d’un développement dunarcissisme à outrance” et la volonté de ces jeunes fillesde “cultiver le culte de l’image de soi”. Pour Justine Atlan,présidente de l’association de prévention E-enfance, cephénomène n’est autre que le signe inquiétant d’unehyper-sexualisation des fillettes, dont les parents sonten partie responsables : “On ne laisse plus les petites fillesêtre des petites filles. Cela engendre une perte de repères.langage du marketing, des “prescriptrices de tendances”.C’est-à-dire que leurs opinions revêtent une grandeimportance aux yeux de leurs adeptes.Attirées par leur audience, les marques n’hésitentpas à les solliciter pour faire de la publicité. D’autresYoutubeuses maîtrisent les règles du jeu et n’hésitent pasà contacter directement les marques.C’est justement cet amateurisme et cette fraîcheur quiaimantent les marques. Les vidéos des Youtubeuses sedistinguent des pubs classiques dans le sens où ellesfont preuve d’une véritable objectivité qui plaît auxconsommateurs.Cependant, cette confiance des internautes peuts’évanouir si la blogueuse perd de sa crédibilité. Chaquepublication peut virer à la publicité déguisée, tant elleest susceptible de propulser les ventes. « C’est devenuun business », convient une attachée de presse. Et lephénomène tétanise la presse féminine, car les jeuneslectrices sont désormais rivées sur leur smartphone,et les annonceurs filent sur le Web. Les marques dontles ventes peuvent dépendre d’un bon ou d’un mauvaisbuzz sur le Net s’inquiètent elles aussi: « toutes revoienttotalement leur façon de communiquer », convient CarolineCaille, chargée de clientèle de l’agence de communicationZmirov. De quoi rendre le secteur des Youtubeuses unpeu moins amateur, au risque de perdre sa fraîcheur tantappréciée...Justine Fernandes.Dossierlambda. Mon vidéoblog plaît parce que j’y explique descompte, à 20 ans, déjà plus de 500 000 abonnés sur satrucs simples pour se mettre en valeur sans dépenser tropchaine Youtube. Tresses, chignons, boucles… Vous l’aurezd’argent. » Ingénieure en informatique, elle a monté soncompris : le « hair style », c’est son domaine ! Avec saSourcessite avec pour tout matériel la webcam de son ordinateurlongue et belle chevelure blonde, elle se lance dans toushttp://www.letudiant.fr/trendy/beaute/face-look/le-tour-du-monde-des-youtubeuses-beaute.htmlet sa propre chambre en guise de plateau de tournage.les types de coiffures. La clé de son succès? Ses idées dehttp://www.elle.fr/Beaute/Soins/Tendances/Qui-sont-les-20-meilleures-Youtubeuses-beauteRésultat, beaucoup de femmes disent qu’en voyant cescoiffures originales, tendances et techniques.http://www.europe1.fr/france/coucou-les-filles-la-mode-des-jeunes-youtubeuses-beaute-1785845vidéos elles ont l’impression de bavarder avec une amie ;♦En Grande Bretagnehttp://www.courrierinternational.com/article/2010/10/27/se-filmer-en-beauteelles s’identifient à elle.Direction l’Irlande, avec Little Kiva, dont les vidéosBlogueuse beauté, c’est un métiervalent le coup d’œil. Excellente maquilleuse, elle proposeLe Monde.fr | 10.11.2014 à 17h17 |36 Barbarie Hiver 2015 Barbarie Hiver 201537


Consommer le luxe à la russeet préfèreront économiser pour s’acheter un bien degrande marque. Influencées par ce qu’elles voient dansBien que, vingt ans plus tard, le pouvoir d’achat et lesconditions de vie de ces masses aient été améliorés,la pop culture des Etats-Unis et notamment les sériesle fossé entre les plus riches et les plus pauvres resteParis est sans nul doute l’endroit idéal pourobserver ces hordes de touristes russes, attiréesmoins par l’héritage culturel français que par lesN’oublions pas que l’ère soviétique, à ce moment, toucheà sa fin : les troubles économiques sont graves et lesétalages des magasins sont vides ; ce déficit de produits, yaméricaines, toutes ces femmes chassent les Jimmy Chooet les Manolo Blahnik.invraisemblable. La différence est particulièrementfrappante notamment entre les deux capitales, Moscou etSaint-Pétersbourg, et les villes et villages de province. Lagrands magasins tels que le Printemps ou les Galeriescompris ceux de première nécessité, alimente le fantasmeNéanmoins, il faut garder en mémoire que le phénomènepaupérisation massive de la population fut donc le prix àLafayette. Outrageusement riches, ils dépensent, sansconsumériste des Russes et les pousse à briguer uneest limité aux habitants des grandes villes russes.payer pour qu’un pourcentage minime de la populationfléchir ni réfléchir, des milliers d’euros pour quelqueséconomie de marché. La Perestroïka et la privatisationLe revers de cette opulence née de la Perestroïka estpuisse rouler en Maserati.paires de chaussures et du prêt-à-porter de grandemarque. Cette fièvre acheteuse traduit une fascinationde compagnies et richesses nationales, ainsi que lapériode de libéralisation de l’économie qui a suivi, ontl’appauvrissement de la population en général dû à lalibéralisation brutale et mal gérée des marchés, suivieEkaterina Tsaregorodtseva.pour toute chose dite « occidentale », qui existe depuisalors permis à une partie de la population de s’enrichird’une inflation incontrôlée et incontrôlable.des décennies parmi la population russe mais qui a,de manière exponentielle en un laps de temps très court.durant ces dernières années, atteint des proportionsgigantesques.Ces nouveaux riches, ou « novyierusskiie 1 », n’ont aucuneexpérience réelle des affaires ou du réinvestissementL’économie soviétique reposait sur des plansde leurs profits. Ils dépensent leur fortune en grandesquinquennaux de production et était orientée versmarques et en grande masse, désormais accessibles surl’industrie militaire avant tout. Par définition, elle étaitle marché russe, construisent des complexes résidentielsdonc incapable de fournir aux Russes un choix large deaux allures de Disneyland et s’offrent des écuries entièresproduits d’utilisation personnelle, tels que des vêtementsde voitures hors de prix.Dossierou des accessoires, et encore moins des objets de luxe (larévolution bolchévique et ouvrière de 1917, rappelonsle,était justement dirigée contre les classes nobles etbourgeoises).Dans ce monde soviétique où toute la population portaitles mêmes habits, apparut chez certains jeunes uneenvie de se démarquer de la grande masse vêtue degris. Ainsi naquit le mouvement des « stiliagi », espèceNe sachant pas encore comment dépenser leur argentélégamment, ils commettent des fautes de goûts quiseront immortalisées par le folklore russe sous formesd’anecdotes, comme la fameuse veste de costardframboise accompagnée d’une grosse chaîne en or massif.Le boom des centres commerciaux et des galeriesmarchandes de luxe répond au besoin de se protégerDossierde contre-culture soviétique de la fin des années 1940de la contrefaçon en acquérant les biens « en lieu sûr ».qui a duré jusque dans les années 1960. Ces hipstersLa production occidentale est par défaut considérée desoviétiques s’habillaient de couleurs vives et écoutaient,meilleure qualité que celle nationale, que les Russes sontclandestinement, swing et boogie-woogie américains.prêts à payer au prix fort. Et les producteurs occidentauxPlus tard, dans les années 1980 et 1990, la fascinationne s’en privent pas : leurs biens sont souvent vendus pluspour le mode de vie américain fait du blue jean un objetcher en Russie que dans leur pays d’origine.de convoitise difficile à obtenir et devant être importésous le manteau depuis l’étranger.Pour les femmes russes, qu’elles soient les épouses oules concubines des précités oligarques ou des businessAu niveau culturel, on voit apparaître ça et là des groupesladies qui ne doivent leur réussite professionnelle qu’àde rock’n’roll underground, comme le légendaireelles-mêmes, être à la mode veut dire avoir réussi dansMachina Vremeni. Ces musiciens clandestins, avec leursla vie. Et elles le démontrent de manière ostentatoirechansons aux paroles subtiles et mélodies mémorables,en s’affichant avec des objets à la marque bien visiblese font porteurs de messages souvent antisoviétiques etet au prix élevé. Des consommatrices plus modestes,quasiment toujours libéraux.elles, feront quand même passer leur budget alloué auxvêtements et cosmétiques avant celui de l’alimentation,1“Nouveaux Russes”.38 Barbarie Hiver 2015 Barbarie Hiver 201539


Quand la Suèdese met à nupornographiques suédoises cultes (injustementméconnues en France, d’ailleurs : certaines scènes sonttellement kitsch et cocasses qu’elles valent le détour !)que l’on peut, tels de vilains petits voyeurs, découvrirsur les pré-supposées liberté et insouciance sexuelles desSuédoises. Aucun n’a confirmé cette réputation.Si la libération des mœurs s’est déployée d’abordderrière de petits trous creusés dans les murs… De quoien Suède, la mondialisation a permis d’exporter cePour réchauffer les longues et froidesnuits d’hiver, le Spritmuseum deStockholm (le musée des vins etspiritueux) a proposé jusqu’au 18 janvierla très réjouissante exposition « SwedishSin » où sont déconstruits tous les clichéssuédois autour de la nudité, de l’alcool etsurtout... du sexe.en faire rougir plus d’un !Pourtant, malgré tous ces faux débats sur la libertésexuelle, « Swedish Sin » tient en filigrane un tout autrepropos, terrible, sur la Suède : son vrai péché, son vraiproblème dont elle s’est longtemps sentie honteuse, c’estbien l’alcool, avec lequel les Suédois ont entretenu unrapport très compliqué au point que les politiques soientintervenus à de nombreuses reprises.Pour conclure cette promenade dans les méandres duphénomène dans la majeure partie de l’Occident, à telpoint qu’il devient difficile de coller des étiquettes surchaque nationalité. La libération sexuelle n’est désormaisplus l’apanage des Suédoises…Audacieuse et rafraîchissante, cette exposition désossela fabrique des préjugés et montre que les Suédois sontparfaitement conscients de leur réputation. L’occasionpour eux de se réapproprier leur image…Elise Moyou.péchés, le Spritmuseum diffuse une vidéo où un hommenu se balade dans Stockholm et interroge les passantsLLa Suède, pays scandinave entré dans l’Unioneuropéenne en 1995, reste méconnue en France.De nombreux clichés circulent autour de cettefilms des années 1950 ont profondément choqué lesAméricains de l’époque : « Hon dansade en sommar »(« Un été de bonheur ») où l’on voit l’actrice principaleDossiercontrée que beaucoup ont du mal à situer sur unecarte, quelque part au milieu, ou peut-être à côté de laNorvège et de la Finlande. Ainsi, la Suède évoque au pireVictoria Silvstedt, playmate reconvertie en animatrice deLa Roue de la Fortune sur TF1, et au mieux Les Fraisessauvages Ingmar Bergman. Mais ce que la Suède suscitesurtout lorsqu’on prononce son nom, c’est un sourirebéat sur les lèvres de ces messieurs qui se représententimmédiatement de sublimes sylphides blondes etseins nus, et « Sommaren med Monika » (« Un été avecMonika ») d’Ingmar Bergman qui met en scène un coupled’adolescents ayant des relations sexuelles hors mariage.Il n’en fallait pas plus aux États-Unis, dans un soubresautpuritain qui leur est bien propre, pour considérer laSuède comme le pays du péché, de la débauche, résultatd’une politique trop socialiste et d’un État-providencetrop généreux.Dossierlongilignes courant nues à la lumière d’une auroreLe fait est que le pays scandinave a été particulièrementboréale.avant-gardiste en matière de sexualité : l’éducationsexuelle a été rendue obligatoire dans les écoles en 1955,Avec son exposition « Swedish Sin », le musée desla pornographie a été légalisée en 1967, au point d’êtrevins et spiritueux de Stockholm a réussi avec brio, etaffichée dans les rues, à la vue de tous et même des plussurtout beaucoup d’humour, à réunir un peu tous cesjeunes. La Suède est rapidement devenue le « pays duingrédients. Le but ? Remonter aux sources et analyserporno » dans l’esprit de tous.cette réputation hédoniste et sensuelle de la Suède, etsurtout des Suédoises, dont les mœurs seraient, aux yeuxCertains amalgames ont toutefois été faits à cettedu monde, particulièrement légères.époque : alors que la Suède produisait de nombreuxfilms éducationnels sur la sexualité, dont le plus connuTrès documentée, cette exposition retrace d’abordest « From The Language Of Love », beaucoup les ontl’évolution des mentalités en Suède dès le début du XX èmeassimilés à de la pornographie au point de rassemblersiècle : la mode des baignades en mer, la popularité du30 000 personnes lors d’une manifestation à Londresnaturisme, l’émergence d’une éducation sexuelle dès lesen signe de protestation lorsque l’un d’entre eux a étéannées 1930, l’arrivée de la pilule contraceptive etc.diffusé en Grande-Bretagne.On découvre alors que ce sont les États-Unis qui sontTous ces propos sont appuyés par d’autres œuvresà l’origine de l’image sulfureuse de la Suède ; deuxphotographiques, cinématographiques et surtout40 Barbarie Hiver 2015 Barbarie Hiver 201541


On loue beaucoup les Français pour montrer de manièrevis-à-vis du corps, le vêtement ne sert pas à cacher sadécomplexée la nudité dans les médias (cinéma,nudité à tout prix, mais devient un moyen pratique de setélévision, publicité). Pourtant, ce qu’on interprèteprotéger du froid ou, dans le meilleur des cas, un outilDossierL’art de sedéshabilleroutre-RhinUne réflexion surnotre perceptionde la nuditéAux quatre coins du monde, les Françaisjouissent d’une réputation romanesqueet romantique : artistes de l’amour,de la sensualité et du sexe, il suffiraitde dégainer son plus fort accentfrançais pour évoquer une imageriedes plus érotiques. Partout, surtoutaux États‐Unis, on admire cette libertésexuelle qui aurait soi-disant été lancéeen France et dont la figure de proueserait Brigitte Bardot qui avait fièrementdévoilé ses fesses dans le film Le Méprisde Godard.Et si tout cela n’était qu’une vasteimposture ? Et si la vraie libertécorporelle s’incarnait ailleurs enEurope ? Et si, au fond, le culte ducorps nu et décomplexé ne trouvait pasplutôt sa source dans un pays souventconsidéré comme très rigoriste, à savoirl’Allemagne ?En avril 2014, les médias français se sont biengaussés de cette nouvelle : la ville de Munich adécidé de légaliser le nudisme dans six zones biendéfinies. À titre de comparaison, le fait de s’exposer enmaillot de bain à Paris est puni d’une amende, voire mêmede deux mois de prison, tandis que la nudité dans un lieupublic est sanctionnée d’un an d’emprisonnement, carconsidérée comme une exhibition sexuelle.L’activité nudiste en Allemagne n’a rien de révolutionnaireet était déjà courante depuis plusieurs années : unAllemand sur sept affirme se rendre régulièrement surdes plages nudistes. Le fait que Munich, suivant les pasde Berlin et Francfort, ait décidé de légaliser le nudismen’a pourtant rien d’anecdotique : on peut effectivementêtre surpris que ce soit la capitale bavaroise, unerégion connue pour son conservatisme religieux, quiait pris une telle mesure. Mais cela montre en véritécombien l’Allemagne a un rapport à la nudité totalementdédramatisé, au point d’entrer dans les mœurs, mêmedans des coins plus traditionalistes du pays !Cette mentalité ne date pas d’hier : c’est dans lesannées 1920 qu’a émergé la « Freikörperkultur », c’està-direla « culture du corps libre ». Au même moment,le naturisme * connaît un vif succès dans les paysgermanistes. Pour la première fois, on associe la nuditéà la liberté. Cette explosion se fait en réponse à l’exoderural massif : les villes se remplissent tandis que lescampagnes se dépeuplent, et la nature devient non plusun lieu de travail, mais de loisirs où l’on se détend. Car,chez les Allemands, la nudité est intrinsèquement liée àla nature : elle permet de mieux apprécier les sensationsdu monde extérieur.comme un rapport totalement sain et décontracté aucorps n’est en réalité dicté que par des codes et stratégiesde marketing qui n’ont rien à voir avec un goût prononcépour la sensualité dans la vie de tous les jours. Car sil’on montre un corps dévêtu en France, ce n’est pas paracceptation du corps humain, mais pour évoquer ce quivend le mieux : le sexe. Et c’est certainement pour celaque la nudité choque toujours autant chez nous. Or, enAllemagne, un corps nu n’est pas synonyme d’érotisme,mais rime plutôt avec liberté.J’ai longtemps été inconsciente de ce rejet du corps nu enFrance, tant cette pudibonderie me semblait généraliséeet banalisée. Je me souviens avoir entendu des remarquessur ma tenue lorsque j’étais au lycée et que les bretelles demes sous-vêtements étaient visibles. Un corps légèrementdécouvert serait donc indécent. Parallèlement, combiende fois ai-je entendu mon entourage critiquer une jeunefille dans la rue qui portait une jupe ou un short trop courtalors qu’elle ferait mieux de cacher ses jambes blafardesmarquées de cellulite ? Sous de telles injonctions et detelles critiques, un corps imparfait est considéré commeun corps sale. Cela m’a longtemps semblé normal et jeme suis soumise à ces diktats esthétiques de bienséance ;j’ai persisté à cacher ce sein que la société française nesaurait voir. Par automatisme et de façon inconsciente,je me suis autocensurée et interdit de porter des robestrop courtes en plein été parce que ma peau tient plus deBlanche-Neige que de Kim Kardashian et parce que je n’aipas une silhouette de brindille.Et puis, en vivant pendant un an en Allemagne, j’airéalisé à quel point cette attitude n’était ni généralisée,ni normale, ni saine. J’ai constaté avec étonnement que,dans les piscines et les vestiaires de salles de sport, lesAllemandes se douchaient et se promenaient nues entoute insouciance, tandis que, dans pareille situation, lesFrançaises auraient plutôt tendance à se contorsionnerafin de dissimuler au maximum leur intimité.Les Allemands souffrent du stéréotype (parfois mérité) depersonnes ayant au mieux des habitudes vestimentairestrès originales, voire marginales, ou au pire d’êtretotalement désintéressés des soucis esthétiques imposéspar la mode. Dans la lignée de cette logique germaniquecréatif, un véritable mode d’expression. Le vent de libertévestimentaire qui souffle en Allemagne est extrêmementrafraîchissant et m’a profondément marquée.Certains lecteurs seraient tentés de me rétorquer : « LesAllemands aiment se montrer nus, pas les Français… Etalors ? »J’approuve totalement le fait qu’il faut respecter lesdifférences culturelles de chaque pays. Je ne tiens pasà forcer les Français à dévoiler leur nudité contre leurgré. Mais je ne peux m’empêcher de lever les yeux auciel lorsque j’entends les Français glousser à la simpleprononciation du mot « nudisme » et l’associer à uneactivité déviante. Car changer son rapport au corps nupourrait, au final, être plus bénéfique qu’on ne le penseet il faut parfois savoir adopter les bonnes habitudes desautres.Selon une enquête Ocha/CSA datant de 2003, 60 %des Françaises interrogées avaient un poids considérécomme normal selon des critères médicaux. Pourtant,seul un quart d’entre elles se considéraient satisfaites deleur poids, et 2 sur 3 se sentent mal dans leur corps.Comment expliquer un tel décalage entre la réalitéscientifique et la vision déformée que les femmesfrançaises ont de leur corps ?Le problème est qu’à force de ne montrer la nudité quedans les médias et non dans l’espace public, l’image quel’on se fait du corps nu devient peu à peu irréaliste :la télévision, le cinéma, la publicité et les magazinesn’exposent que des corps de mannequins filiformes, sansla moindre aspérité car photoshopés. Et comme les vraiscorps, ceux de nos voisins et voisines, se cachent avecune pudeur excessive, nous n’avons aucune possibilitéde comparer notre corps à celui des autres. Nous n’avonsaucune occasion de réaliser que ces corps parfaits surpapier glacé n’existent pas dans la vraie vie. Nous ne nousimaginons pas une seconde que les corps normaux ontdes bourrelets, de la cellulite, des vergetures… Et nouspensons ainsi que ne pas correspondre à ces standardsprésentés dans les médias revient à être anormal etdisgracieux.Dossier*à ne pas confondre avec le nudisme !42 Barbarie Hiver 2015 Barbarie Hiver 201543


En bref, ne pas montrer les vrais corps des vrais gensavec leurs imperfections au profit d’images idéaliséeset édulcorées nous blesse dans notre ego, crée nonseulement une image de soi désastreuse, mais rend aussiintolérant à la différence, à la diversité physique de l’êtrehumain.Cacher un corps nu au nom de la morale, c’est l’associerà quelque chose de honteux, sale et laid. Or, lorsqu’elleest dépourvue de tout puritanisme, la nudité semblenaturelle et évidente. Loin d’être associé à une perversion,se voir nu est peut-être la clef pour s’aimer un peu plus.Après tout, il n’y a pas que sur le plan économique quel’on pourrait apprendre des Allemands…Elise Moyou.DossierLe petit plusEntretien avec Martine Méheut, Présidente de l’Association Citoyennes pour l’Europe .............. 46Serbie : quelques pas de plus vers l’intégration européenne ? ........................................................ 50Barça : en Liga ou en Ligue 1 ? ......................................................................................................... 5244Barbarie Hiver 2015


« Il ne s’agit pas seulement de savoir ce que l’Europe fait pour les femmesfemmes, qui, pour un certain nombre d’entre elles, étaitrendre compte qu’elles se débrouillent aussi bien que lesmais ce que les femmes font pour l’Europe »très différent du mien. Je me suis rendu compte qu’il étaittrès important de défendre les droits des femmes ainsihommes. »Entretien avec Martine Méheut,Présidente de l’AssociationCitoyennes pour l’Europeque la parité et que toutes ces lois avaient une raisond’exister, parce que tous les hommes n’étaient pas aussimagnifiques que mon père et mon mari.Par ailleurs, je me suis également rendu compte dansle cadre de mes activités politiques liées à l’Europe,que, où que je sois et quelque soit ma responsabilité,Ce dont vous parlez m’évoque les formations aumanagement proposées par des associations commemesure d’accompagnement à la mise en place de quotasféminins en entreprise. Il est intéressant de constaterque celles-ci s’adressent en premier lieu aux femmes,alors qu’il est bien nécessaire pour tous « d’apprendre àmanager ».il y avait toujours beaucoup d’hommes autour de moiet très peu de femmes. Je me suis demandée pourquoi« Si l’on prend l’exemple des écoles de Jésuites, les élèvesLe Petit PlusPourriez-vous brièvement présenter votreparcours professionnel ?« J’ai un parcours professionnel assez bizarre : j’aicommencé par des études de philosophie, puis, étantmariée à un homme qui travaillait en entreprise, je mesuis dit que je n’allais pas vivre avec quelqu’un dont je neconnaissais pas du tout le domaine professionnel. Je suisentrée chez L’Oréal et suis devenue chef de produit pourla marque de laque Elnett. Je suis ensuite passée chezDanone où j’ai travaillé comme chef de produits pour lamarque Gallia.Entretemps, j’avais fait le Collège d’Europe. J’étaisdevenue « Européenne » grâce à Paul Valéry qui, à traversla lecture, m’a montré que l’Europe était une immensecivilisation. Puis j’ai eu la nostalgie de la philosophie ety suis revenue tardivement, alors que j’avais déjà deuxenfants : j’ai passé l’agrégation de philosophie et j’aiLors d’une rencontre dans un café parisien, MartineMéheut, Présidente de l’Association Citoyennes pourl’Europe, a partagé avec nous ses convictions defemme et d’Européenne. Quelques semaines aprèsl’adoption par le gouvernement allemand d’unprojet de loi de quota féminin dans les instancesdirigeantes de ses entreprises 1 , cet entretiena été l’occasion de revenir sur les questionsd’égalité hommes-femmes au travail, mais ausside leadership féminin.enseigné la philosophie. J’ai cependant gardé la veineeuropéenne et je suis devenue présidente de l’Unionpour l’Europe Fédérale puis présidente de l’AssociationEuropéenne de l’Éducation. »Quelles raisons vous ont poussée à vousintéresser à la question de l’égalité entre lesfemmes et les hommes ?« Durant toute une période, j’ai considéré que lesféministes étaient trop vindicatives : pour moi, lesfemmes étaient aussi intelligentes que les hommeset elles pouvaient se débrouiller toutes seules. J’ai euun père très féministe, si on peut dire, c’est-à-dire trèsrespectueux des femmes, et un mari qui l’était toutautant. Mon milieu faisait que je ne voyais pas bienpourquoi toutes ces femmes étaient aussi revendicatives.Et puis on m’a décorée du prix « Femme d’Europe » eton m’a demandé d’aller faire des conférences auprès desfemmes. C’est là que j’ai découvert ce qu’était le vécu desles femmes s’intéressaient si peu à l’Europe. J’ai alorsenquêté, avec un résultat intéressant : les femmes croientdavantage en l’Europe que les hommes parce qu’elles enattendent beaucoup pour l’avenir, pour leurs enfants etleurs petits-enfants. Mais comme toujours, elles doutentd’elles-mêmes. Elles considèrent qu’elles ne connaissentpas assez bien, qu’elles ne comprennent pas bien cesujet, et pour cette raison, elles ne s’engagent pas dansles mouvements et les associations européennes. C’estpour cela que j’ai créé l’association « Citoyennes pourl’Europe » pour leur dire « vous êtes certainement aussibonnes que les hommes et vous avez sûrement quelquechose à dire que ne diront pas les hommes. »Selon vous, comment expliquer aujourd’huiles inégalités hommes-femmes, notammentdans le milieu professionnel ?« Dieu sait que je me suis battue auprès du Ministèrede l’Éducation Nationale lorsque j’étais présidente del’Association Européenne de l’Éducation pour que lesenseignants aient un minimum de connaissances del’Europe, mais aussi pour que l’on inclue une formationdestinée aux filles pour la prise de parole en public.Cela me paraît essentiel : les femmes, les filles n’osentpas parler quand il y a du monde, en public ; on voittrès bien que ce sont les hommes qui parlent et pas lesfemmes. Cela me paraît essentiel car c’est en prenantcette confiance en elles qu’elles vont pouvoir avoir desresponsabilités, de l’expérience et, progressivement, seont une formation qui consiste en une sorte de « minithéâtre », où ils doivent prendre la parole sur une estrade.On sait que pour passer les concours des grandes écoles, ilfaut avoir suffisamment d’aisance et savoir parler devantun jury ; on les entraîne donc à cela. L’exemple que jevous présente est rare, mais le fait de faire du théâtre oude participer à des compétitions sportives devant un jurylorsque l’on est jeune donne une certaine assurance quipourra aider lorsque l’on se retrouvera devant un jury deconcours. C’est la même chose dans l’entreprise : il y ades réunions de direction où il est nécessaire de prendrela parole. »Selon vous, peut-on lier ou comparer leprocessus de ségrégation horizontale à celuide ségrégation verticale 2 ?« L’Association Française de Philosophie, qui rassemblebeaucoup plus d’hommes que de femmes, a invité il y aquelques années Françoise Héritier 3 à s’exprimer à laSorbonne. Dans la salle ne se trouvaient presque quedes hommes. Françoise Héritier a expliqué que danstoute société peut être observée une hiérarchie desoccupations, présente sous différentes variations d’ungroupe humain à l’autre. Dans certaines régions d’Afrique,la couture est valorisée. Ce sont alors les hommes quioccupent ces postes, et ceux qui ne sont pas considéréscomme valorisants sont occupés par les femmes. Il s’agitd’une hiérarchie des tâches en fonction du féminin et dumasculin. »2La ségrégation professionnelle est la concentration des femmes et des hommes dans des types et niveaux d’activité et d’emploidifférents. En se plaçant du point de vue du groupe « femmes », la ségrégation horizontale renvoie à la concentration de tâchesréservées aux femmes dans certains secteurs d’activité ou dans des professions spécifiques et la ségrégation verticale à la sousreprésentation de celles-ci dans les niveaux élevés de responsabilité.Le Petit Plus3Françoise Héritier, née en 1933, est une anthropologue française. Elle a succédé à Claude Lévi-Strauss au Collège de France,1Le 11 décembre 2014, le gouvernement fédéral allemand s’accordait sur un quota du sexe sous-représenté s’appliquant auxinaugurant la chaire d’« étude comparée des sociétés africaines ». Héritier a notamment interrogé le fondement de la hiérarchieconseils de surveillance de 108 entreprises allemandes cotées et soumises à la cogestion. Le texte devrait être adopté au début deentre les sexes.et la ségrégation verticale à la sous représentation de celles-ci dans les niveaux élevés de responsabilité.l’année 2015.46 Barbarie Hiver 2015 Barbarie Hiver 201547


Le Petit PlusQuelle a été votre position au moment del’introduction de la loi Copé-Zimmermann en2011, prévoyant la mise en place d’un quotadu sexe sous-représenté dans les instances dedécision d’entreprises françaises ?« J’ai pensé beaucoup de bien de cette loi. Pendant untemps, j’ai cru que les femmes arriveraient à se débrouillerseules mais je suis à présent convaincue qu’avec toutesles réticences qui existent dans les mentalités, il estnécessaire d’imposer des règles. »Certaines études4soulignent le rôlespécifique joué par les membres des instancesdirigeantes des entreprises, notammentdes comités exécutifs, sur le processusd’identification et sur le développementde modèles de références pour les femmestravaillant dans la même entreprise...« La position de quelqu’un dans l’entreprise signifiequelque chose pour les autres. J’ai étudié au sein del’Institut des Hautes Études de la Défense Nationale(IHEDN), je fréquente beaucoup de militaires et je suisravie de voir que le secteur militaire se féminise. Il y aaujourd’hui par exemple quelques femmes Généralesde l’armée de l’air. Le fait qu’une femme devienneprochainement responsable d’un sous-marin nucléaireest quelque chose de très important 5 .Nicole Gnesotto est une des expertes françaises enmatière de Défense. Contrairement à ce que l’on peutpenser, de temps en temps, lors de tables rondes sur laDéfense, on rencontre plusieurs femmes expertes en cedomaine. »« En général, les femmes qui ont des postes trèsimportants – si elles sont mariées – ont aussi un mariaux responsabilités professionnelles importantes. Unhomme ayant un poste à responsabilités me disait encorerécemment : « C’est ma femme qui s’occupe des enfants ».C’est une mentalité qui existe : même lorsqu’une femme ades responsabilités importantes, c’est elle qui doit penseraux responsabilités familiales, et à la question de qui vas’occuper des enfants. »Quel est le meilleur moyen de contrer cegenre de stéréotypes ?« Commencer dès la petite enfance. Il faut voir ce que fontpar exemple les « Ceméa » (Centres d’Entraînement auxMéthodes d’Éducation Active), ces réseaux qui mettenten place des programmes d’éducation intégrant untravail sur la remise en cause des stéréotypes.À propos d’éducation, la directrice de l’organisation« Femmes européennes scientifiques » m’évoquait ladifficulté qui existe à encourager les jeunes filles à fairedes carrières scientifiques. De même, l’astrophysicienPierre Léna, qui a lancé la Fondation « La main à la pâte» 6 me disait que, tandis que les filles ont de meilleursrésultats dans l’enseignement secondaire dans lesmatières scientifiques que les garçons, ce sont en majoritéles garçons qui entrent dans les classes préparatoiresscientifiques. Pour quelle raison ? Non pas pour faire dela recherche, mais parce que ces classes sont un tremplinpour qui souhaite travailler dans les entreprises privées.Lorsque l’on a fait Polytechnique ou Centrale, on trouvedu boulot. Pendant ce temps-là, on perd les filles qui,elles, seraient restées dans la recherche car si elles fontdes classes préparatoires scientifiques, c’est parce que ladiscipline les intéresse. »entreprises. On peut par exemple imaginer inviter leshommes aux postes de senior à réfléchir à la manièredont on pourrait intégrer, faire de la place aux femmesqui ne sont pas encore senior. Personnellement, je tiensà avoir des hommes dans mon association parce que tantque les hommes ne s’investiront pas, on ne parviendrapas à résoudre la question de l’égalité hommes-femmes.Il est intéressant d’impliquer les hommes qui sont à despostes à responsabilité parce qu’ils sont eux-mêmesarrivés à leurs fins : ils sont en fin de carrière et n’ontplus rien à perdre.Un groupe d’investisseurs financiers s’est ainsi parexemple organisé pour miser sur des sociétés dirigées pardes femmes, parce que sur le plan boursier elles étaientplus rentables. Ces hommes se sont rendu compte que lessociétés dirigées par des femmes se portaient mieux et ilsse sont par conséquent mis à investir dans ces sociétés. »Comment positionnez-vous votre associationvis-à-vis du féminisme ? Acceptez-vousl’étiquette « féministe » ? Commentdéfiniriez-vous les objectifs de « Citoyennespour l’Europe » ?« Je ne souhaite pas que « Citoyennes pour l’Europe » soitconsidérée comme une association « féministe ». Il nes’agit pas seulement de savoir ce que l’Europe fait pourles femmes mais ce que les femmes font pour l’Europe.Après avoir débuté sa carrière dans le marketingau sein de grands groupes internationaux,Martine Méheut a passé une agrégation et undoctorat d’État en philosophie et a enseignédans des classes préparatoires H.E.C. Elle estaujourd’hui membre du Conseil national del’Association Européenne des Enseignants(A.E.D.E.), membre du Bureau national duMouvement Européen et Présidente del’Association Citoyennes pour l’Europe.Elle a publié plusieurs essais, dont « Lefédéralisme est-il pensable pour une Europeprochaine ? » (Kimé, 1994), « L’esprit dufédéralisme dans l’histoire de l’Europe » (avecIvan Serge Keller et Roger Lombreaud, AEDE,1997), « Penser le bonheur » (Ellipses, 1997) et« Le bonheur athénien », (Éditions de La TableRonde 2006).Elles sont citoyennes européennes au même titre queles hommes. Il n’est donc pas là uniquement questionde l’égalité. Apposer l’étiquette « féministe » seraitréducteur : l’agriculture, l’énergie sont aussi des sujetsqui intéressent les femmes. »Propos recueillis par Fanny CohenLe Petit PlusEn ce qui concerne les structures de garde d’enfants, onne s’imagine pas nécessairement que celles-ci puisseavoir une influence directe sur l’activité des femmes à despostes de direction ou à hautes responsabilités. Il s’agitsouvent en effet de personnes qui mettent leur carrière aupremier plan et qui, pour cette raison, peuvent renoncerà avoir des enfants...Quelles initiatives peuvent être misesen œuvre au sein des entreprises afin depromouvoir l’égalité hommes-femmes auxpostes de responsabilité ?« Il faut former les enfants, les jeunes, mais aussi fairequelque chose auprès des hommes seniors au sein des4Voir par exemple The construction of workplace identities for women : Some reflections on the impact of female quotas and rolemodels de J. Takagi and S. Moteabbed in “Diversity quotas, diverse perspectives”, S. Gröschl, J. Takagi, ESSEC Business School(2012).5En avril 2014, le Ministre français de la Défense Jean-Yves le Drian annonçait que les sous-marins français allaient accueillir desfemmes dans leur équipage (voir notamment l’article du Monde.fr du 15 avril 2014 : « Armée française : les femmes autorisées àbord des sous-marins »).6La Fondation « La main à la pâte » a pour objectif premier d’aider les enseignants à découvrir et à enseigner la science et latechnologie en mettant en œuvre une pédagogie d’investigation permettant de stimuler chez les élèves esprit scientifique,compréhension du monde et capacités d’expression.48 Barbarie Hiver 2015 Barbarie Hiver 201549


Serbie : quelques pas de plusvers l’intégration européenne ?trop générale qui montre un certain désintérêt pour lesparticularismes nationaux.Point positif ? Le Premier ministre et le PrésidentAinsi, bien qu’en termes d’investissements étrangers,les Emirats entreprennent des projets d’envergure(« Belgrade sur l’eau » incluant la rénovation de l’institutde géologie Geozavod), le pays compte toujours surAprès l’obtention du statut officiel de candidat à l’adhésion de l’Union européenne en2012, la Serbie, l’un des nombreux petits États balkaniques, vacille entre fantômes dupassé et difficultés du présent. Mais l’actualité de cette fin d’année permet d’entrevoirdes progrès tant au niveau national que dans ses rapports avec l’UE.actuels avaient auparavant appartenu au Parti radical(eurosceptique) et ont décidé de se tourner vers lesnégociations européennes. D’ailleurs, c’est ce qu’ont faitbeaucoup de Serbes en abandonnant en masse les partispolitiques ultranationalistes, qui ne sont plus représentésdans le Parlement et dont l’impact est minimisé dans lal’Allemagne mais aussi sur son vieil ami d’antan qu’estla France. A l’occasion de la visite officielle de M. Valls àBelgrade, des accords bilatéraux ont été négociés entreles deux pays pour encourager les investissementsfrançais, notamment grâce à la privatisation d’entreprisespubliques aujourd’hui peu compétitives et en contribuantLe Petit PlusQuand se mêlent compétitionssportives et enjeux politiques...Tout commence le 14 octobre dernier à l’occasion du matchéliminatoire de l’Euro 2016 organisé à Belgrade entre laSerbie et l’Albanie, lorsque l’arbitre décide d’interromprele jeu avant la mi-temps. La cause ? Un drapeauultranationaliste (celui de la Grande Albanie) accroché àun drone qui survolait le stade, provoquant bousculades,mêlant joueurs, staff et spectateurs hooligans, mais aussiet surtout le refus de l’équipe albanaise de poursuivre lematch. Pire encore, les tensions vont jusqu’à s’exporteren dehors du terrain avec des drapeaux brûlés, ceux del’UCK brandis pour accueillir la représentation albanaiseà son retour, des slogans vengeurs et même des attaquescontre l’Ambassade de Serbie à Tirana. De même, l’agencePresheva Jonë a révélé que des manifestants pro-albanaisavaient l’intention de saisir la Cour européenne desDroits de l’Homme pour comportement anti-albanais dela part de l’UEFA.Bien que la FIFA ait décidé d’imposer une amende àchaque fédération et de donner suite au résultat dumatch le 2 décembre prochain, cet incident sportifreflète des tensions plus profondes que de simplesheurts de supporters surexcités. Les partisans duprojet ultranationaliste de la Grande Albanie rêvent deregrouper tous les albanophones dans un seul pays ennovembre entre Edi Rama, Premier ministre albanais etson homologue serbe, Aleksandar Vučić.L’objectif de cette visite était de rapprocher les deuxpays sur d’autres terrains que celui de la question duKosovo. Pourtant, les divergences sur ce territoire ontété amenées au cœur du débat par le Premier ministrealbanais, ce qui a provoqué un véritable incidentdiplomatique retransmis en direct. En effet, considéréecomme province serbe ou comme État indépendant, lasituation du Kosovo est un sujet très sensible et la causedes tensions non seulement politiques mais aussi, àprésent, sportives entre les deux pays.Cette nouvelle provocation souligne l’instabilité politiqueet territoriale de la péninsule dont les frontièresinternes sont encore remises en question. Alors que l’UEpromeut l’intégralité territoriale en Ukraine, elle sembleencourager la reconnaissance de cette province serbe entant qu’État indépendant ii sous prétexte d’une langueet d’une appartenance ethnique différentes barrantainsi d’un trait la devise officielle de l’UE : In varietateconcordia, Unité dans la diversité.Prôner l’ouverture et la neutralitéC’est ce que le Président serbe, Tomislav Nikolić, adécidé de promouvoir pour s’éloigner des partis-prispresse de tous bords politiques.Il ne reste plus pour l’UE que de prouver ses bienfaits afinde convaincre l’opinion publique serbe des avantagesqu’offre cette organisation en leur permettant unniveau de vie correct et du bien-être via la coopérationéconomique ; convaincre le peuple, peut-être en ouvrantles yeux sur les injustices inaudibles jusqu’alors. Parexemple, en surveillant de plus près les organismesmis en place à l’échelle locale notamment l’Eulex iv dontl’ancien juge a été accusé de corruption par la justicebritannique.Toujours dans l’optique de cette politique à la Suisse, legouvernement serbe décide de toucher les deux blocs eninvitant le Président russe pour célébrer la libération deBelgrade en 1944 mais aussi le Premier ministre français,Manuel Valls, afin de déblayer le chemin qui mène versl’adhésion à l’UE. Elle refuse également d’imposer dessanctions contre la Russie malgré les recommandationsdu Commissariat pour la politique de voisinage et del’élargissement.Toutefois, ces liens de fraternité slaves ne l’empêchent pasde s’insérer progressivement et surtout qualitativementdans l’économie de marché, modèle choisi par sesnouveaux dirigeants (mais aussi contesté) après l’échecdu redressement après-guerre lié à la corruption.à des projets innovants et modernisateurs (prolonger lemétro belgradois ou agrandir l’aéroport Nikola Tesla).Malgré cette ouverture de l’économie, le public nesemble pas forcément épouser la nouvelle politique dugouvernement car on craint une dépendance trop forteaux géants capitalistes. Il faut avouer que le risque detomber dans les griffes de l’ultralibéralisme est présent,même si des risques doivent être pris pour accéléreret adapter l’économie du pays à la ligne directriceeuropéenne, ce qui permettra de favoriser la créationd’emplois et ainsi de convaincre les Serbes des avantagesqu’offre la coopération européenne.Ces différents exemples de l’actualité politique etéconomique serbe témoignent de l’évolution de l’imagerenvoyée par la Serbie au monde mais surtout à l’UE,partenaire indispensable qu’elle essaie de séduire pouraméliorer la vie de ses habitants. Les freins à l’adhésionque peuvent représenter les affaires de corruption,les incidents diplomatiques mais surtout l’instabilitéterritoriale, ne l’empêchent pas, malgré tout, de rêverd’un avenir meilleur. Il s’agit d’arracher l’image de guerrequi lui colle à la peau en trouvant l’entente et la gloire,concepts au centre même de la culture serbe.Tina Sokol.Le Petit Pluss’appropriant une partie du Monténégro, de la Serbie, deultranationalistes des années 1990 et rejoindre enla Macédoine et pourquoi pas de la Grèce. On comprendquelque sorte la politique de non-alignement de laiLe rapport est publié en anglais sur le site internet de la Commission européenne : http://ec.europa.eu/enlargement/countries/pourquoi cette menace à l’intégrité du territoire serbe apériode titiste tout en coopérant avec l’Ouest et l’Est, etstrategy-and-progress-report/index_fr.htmété vécue comme une provocation par les spectateurs dunon pas en se positionnant comme une alternative.iiLa Commission européenne définit le statut du Kosovo en se basant sur la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nationsstade Partizan de Belgrade.unies de 1999 ainsi que sur l’avis de la Cour internationale de justice qui n’a pas jugéla déclaration d’indépendance du KosovoCependant, la libération provisoire par le TPIY de l’anciencomme un viol du droit international.Il s’agit d’une gêne plus profonde car cet incident pourraitultranationaliste, Vojislav Šešelj iii , est venue mettre deiiiPrésident du Parti radical serbe. Accusé pour crimes de guerre et incarcéré, il a été remis en liberté provisoire le 6 novembre parternir l’image de la Serbie dans la mesure où elle se doit del’huile sur le feu. Près de 10 000 personnes se sont réuniesle Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie pour des raisons de santé.normaliser ses relations avec son voisin méridional selonà Belgrade le 15 octobre dernier non pas seulement pourivL’EULEX ou la Mission d’Etat de droit de l’UE est une mission extérieure présente au Kosovo depuis 2008 pour remplacer lale Rapport d’avancement 2014 établi par la Commissionl’accueillir, mais pour manifester leur mécontentementMINUK (Mission d’administration intérimaire des Nations unies au Kosovo). Selon son site internet, la mission devrait contribuereuropéenne i . Dans cette optique de pacification desface à un chômage galopant et une UE perçue commeau renforcement des institutions comme la police et le système judiciaire ainsi que faciliter le dialogue avec Belgrade. La presserelations, une rencontre officielle avait été prévue letrop exigeante qui ne tiendrait pas compte des difficultéskosovare révèle les déclarations d’un magistrat britannique, Maria Bamieh, qui accuse la mission d’être trop proche du milieu22 octobre puis repoussée, à cause des incidents, au 10du pays. L’UE semble avoir une politique d’élargissementkosovar car certains juges auraient classé des dossiers importants liés au crime organisé.50 Barbarie Hiver 2015 Barbarie Hiver 201551


Barça :en Ligaou en Ligue 1 ?Un référendum qui fait débatEn Espagne, la question de la Catalogne divise depuislongtemps. Le statut d’autonomie obtenu en 2006 nesuffit plus : les Catalans veulent aller plus loin. Sur fondde crise économique, la région qui produit à elle seule20% de la richesse espagnole veut désormais obtenirQui pourrait imaginer une Liga sans le FC Barcelona ? Lafin de son célèbre classico entre le FC Barcelona et sonplus grand adversaire le Real Madrid, qui déchaîne chaquefois les foules en Espagne ? S’il ne peut plus participer à laLigue espagnole, quid de l’avenir du Barça ? Rejoindraitilson actuel rival de Ligue des Champions, le Paris Saint-Cette dernière possibilité a d’ailleurs provoqué uneréaction assez virulente de la part de la présidente du FNMarine le Pen, ainsi que de son parti politique. En effet, EricDomard - conseiller au sport de Marine Le Pen- a clarifiéla position du Front National : il est « catégoriquementopposé à la participation du FC Barcelone comme de toutson indépendance. Tenant compte de ces aspirations,Germain, pour se livrer à un duel sur les pelouses de laautre club étranger au championnat de France de footballArthur Mas, président de la région, a souhaité soumettreLigue 1 française ?professionnel. ».le « peuple catalan » à un référendum afin de luidonner l’opportunité de choisir son propre destin.Certains en rêvent. Après le mythique duel espagnolSi la suspension du référendum le 29 novembre dernierLe 9 novembre, jour du référendum, aurait dû devenir uneopposant actuellement Lionel Messi au Madrilènea temporairement mis fin à la controverse, cettejournée historique pour la Catalogne. Mais la machineChristiano Ronaldo, se dirige-t-on vers une rivalité Lionelproblématique risque à nouveau de secouer le footballpolitique en a décidé autrement : suite au recours déposéMessi contre Zlatan Ibrahimovic ? La Pulga contre leespagnol dans les années à venir.par le chef de gouvernement espagnol Mariano Rajoy, letribunal constitutionnel a suspendu lundi 29 septembregéant suédois?Zoé Carré-Cassaigne.le référendum sur l’indépendance de la Catalogne, jugéeinconstitutionnelle.Le Petit PlusLe 9 novembre dernier, le référendumsur la question de l’indépendance de laCatalogne divisait l’Espagne. Finalementsuspendu par le tribunal constitutionnel,ce plébiscite a soulevé des questionsdans les domaines sociaux, économiqueset politiques. Le monde du football n’apas échappé à ce séisme médiatique :symbole d’une Catalogne forte, le FCBarcelone s’est retrouvé au centre de lacontroverse. Au point d’imaginer unesortie de la Liga ?Quel avenir pour le Barça ?Trois fois vainqueur de la Ligue des Champions, la plusprestigieuse compétition européenne, le FC Barcelonesuscite depuis plusieurs années l’admiration de la planètefootball. Lionel Messi, emblème de cette suprématiefootballistique, illumine de son talent la Liga semaineaprès semaine.Or, si la Catalogne exige si ardemment l’indépendance,comment l’équipe catalane qu’est le FC Barcelonepourrait-elle rester une équipe espagnole pouvantreprésenter l’Espagne en tant que pays ?Dans ces conditions, un football espagnol sans le grandBarça est-il envisageable ? Selon Javier Trebas, présidentde la ligue de football espagnol, la réponse est oui : « le FCBarcelone ne jouerait pas la Liga espagnole si la Catalognedevenait indépendante ». En Espagne, la Loi du sport nelaisse pas de place au doute : le seul État non-espagnolautorisé à disputer la Liga ou toute autre compétitionofficielle espagnole est Andorre.Le Petit PlusCe n’est pourtant pas l’avis de Johann Laporta, ancienprésident du club Blaugrana et fervent défenseur del’indépendance de la Catalogne, qui n’envisage pas uneseule seconde l’hypothèse de Javier Trebas. Selon lui, «l’État catalan et l’État espagnol trouveront la meilleuresolution. Car une Liga sans le Real Madrid et le Barça nesignifierait plus rien. »52 Barbarie Hiver 2015 Barbarie Hiver 201553


2014Hiver201556 48 BarBarie - Automne 2014 - #018 automneBarbarie Hiver 2015

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