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Interview d'Annie Lacroix-Riz sur la Synarchie - Le Canard républicain

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<strong>Interview</strong> <strong>d'Annie</strong> <strong>Lacroix</strong>-<strong>Riz</strong> <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>Synarchie</strong>l'exception de deux recrues « idéologiques » - l'ancien syndicaliste des Postes René Belin, premier lieutenant etsuccesseur présumé de Jouhaux, et le publiciste de droite Jacques Benoist-Méchin -, on n'y trouvait que des hautsfonctionnaires et des cadres dirigeants du groupe Worms : il s'agissait des « animateurs de 1e c<strong>la</strong>sse, des hommesqui ne sont pas considérables dans <strong>la</strong> hiérarchie capitaliste, comme Jean Coutrot, Gabriel <strong>Le</strong> Roy Ladurie [fondé depouvoir de <strong>la</strong> banque Worms] et tant d'autres », beaucoup plus que des « chefs héréditaires de l'économie française,qui ont toujours voulu demeurer dans l'ombre. » [11]<strong>Le</strong> noyau des « Deux Cents Familles » (les 200 plus gros actionnaires de <strong>la</strong> Banque de France) formant <strong>la</strong> synarchie,club de grands banquiers et industriels [12], régnait <strong>sur</strong> <strong>la</strong> Confédération générale de <strong>la</strong> Production française. Celle-ciavait changé de nom en juillet 1936, devenant Confédération générale du patronat français pour rendre plus efficace<strong>la</strong> guerre de c<strong>la</strong>sses, après <strong>la</strong> sérieuse alerte de mai-juin. Elle avait changé de président, débarquant officiellementl'« animateur de 1e c<strong>la</strong>sse » René Duchemin, roi de <strong>la</strong> chimie lourde (président de Kuhlmann), membre du Comitédes experts initiateur en 1926 du programme déf<strong>la</strong>tionniste (des sa<strong>la</strong>ires) de Poincaré, fondateur du cartelinternational de <strong>la</strong> chimie en 1927 et devenu à cette date membre du petit groupe qu'avaient créé en septembre1926 à Luxembourg les fondateurs (dont <strong>la</strong> dynastie Wendel) du cartel international de l'acier, le « comitéfranco-allemand d'information et de documentation » (CFAID) - ancêtre inconnu mais incontestable du ComitéFrance-Allemagne de Ribbentrop de novembre1935 -, régent de <strong>la</strong> Banque de France depuis janvier 1933, etc.Duchemin fut maintenu au sommet réel de <strong>la</strong> CGPF, mais, son nom étant officiellement lié à <strong>la</strong> signature des accordsMatignon (8 juin 1936) qu'il fal<strong>la</strong>it rejeter au plus tôt, il fut publiquement remp<strong>la</strong>cé par un « animateur » de moindrerang, l'idéologue C<strong>la</strong>ude-Joseph Gignoux.Gignoux était (comme André François-Poncet dans <strong>la</strong> décennie antérieure) un sa<strong>la</strong>rié du Comité des Forges, quil'avait depuis 1925 affecté à <strong>la</strong> direction de son quotidien La Journée Industrielle et l'avait en outre, en septembre1931, chargé de mission dans les structures de col<strong>la</strong>boration économique avec le Reich mises en p<strong>la</strong>ce avec <strong>la</strong>bénédiction l'État, sous une présidence du Conseil de Laval [13]. Ce cagou<strong>la</strong>rd avéré avait été appelé à ce postepour inciter « les patrons à être des patrons » [14], c'est à dire déc<strong>la</strong>rer <strong>la</strong> guerre de c<strong>la</strong>sse et, entre autres, casser lesyndicalisme renforcé par le mouvement de 1936. Sa promotion, je l'ai dit, maintenait intacte <strong>la</strong> réalité du pouvoirdans <strong>la</strong> CGPF.L'autorité suprême y demeurait détenue par le trio Banque de France, Comité des Forges et Comité des houillères,noyau initial de <strong>la</strong> synarchie auquel s'était agrégé tout ce qui comptait dans l'économie française : d'Ernest Mercier,magnat de l'électricité et chef d'une des ligues fascistes des années 1920, le Redressement français, à Jacques<strong>Le</strong>maigre-Dubreuil, chef d'une des ligues fascistes des années 1930, celle dite des Contribuables, nommé le 15octobre 1936 délégué des actionnaires de <strong>la</strong> Banque de France, pour succéder aux « régents » en apparenceévincés par <strong>la</strong> réforme purement cosmétique du 24 juillet. Ces synarques étaient les plus gros bailleurs de fonds, etsouvent les adhérents, des ligues fascistes groupées (sans disparaître individuellement) depuis1935-1936 enCagoule.Ils dirigeaient non seulement <strong>la</strong> politique intérieure du pays, mais aussi sa politique extérieure. <strong>Le</strong> grand historien desre<strong>la</strong>tions internationales Jean-Baptiste Duroselle croyait que « <strong>la</strong> politique a[vait] devancé l'économie » dans le choixde <strong>la</strong> politique d'Apaisement envers le Reich [15]. Or, « l'économie », loin de se <strong>la</strong>isser guider par les hommespolitiques, dont elle contrô<strong>la</strong>it <strong>la</strong> quasi-totalité, avait elle-même fixé cette ligne depuis 1923-1924. C'est ce grandcapital qui avait tramé toutes « les intrigues menées chez nous de 1933 à 1939 en faveur de l'Axe Rome-Berlin pourlui livrer <strong>la</strong> domination de l'Europe en détruisant de nos propres mains tout l'édifice de nos alliances et de nosamitiés. » Marc Bloch, qui dénonça, en mars 1944 cette stratégie, jugeait « les responsabilités des militaires français» plus graves que « celles des politiciens comme Laval, des journalistes comme Brinon, des hommes d'affairescomme ceux du Creusot, des hommes de main comme les agitateurs du 6 février » [16].De fait, le groupe qui chapeautait le tout était celui « des hommes d'affaires comme ceux du Creusot » - allusion àEugène Schneider, chef de Skoda et maître de <strong>la</strong> Tchécoslovaquie depuis sa fondation sous l'égide de <strong>la</strong> FranceCopyright © <strong>Le</strong> <strong>Canard</strong> républicain Page 4/17

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