P04_05 — LE <strong>PETIT</strong> <strong>BULLETIN</strong> N°890 — DU 29.05 AU 04.06.13CINÉMAServillo dans La Grande Bellezza, traversant fêtes etorgies avec la sensation d'entrer dans son crépuscule,ou l'euphorie puis le spleen qui structuraient Gatsby lemagnifique, la compétition cannoise a proposé un lotde films où l'insouciance et la légèreté se nimbaientd'un parfum de cercueil et d'amertume. Jim Jarmusch etson Only lovers left alive, très bonne surprise de fin defestival, s'inscrit dans ce courant, avec plus de bonnehumeur. À travers son couple de vampires glamour quis'ennuient face à leur propre éternité, Jarmusch se livreà un autoportrait en vieux con has been et débranché,ce qui ne manque ni de panache, ni d'autodérision.Bloqué au XXe siècle de l'écrit et de l'analogique, il jettequelques piques à la jeunesse numérisée du XXIe, maisavec ce qu'il faut d'élégance et d'ironie pour ne jamaissombrer dans le ressassement à la Wenders…DR— CINÉMA —Cannes, à la Vie, àl'amour…EN COURONNANT "LA VIE D'ADÈLE" D'ABDELLATIF KECHICHE, INCONTESTABLEMENT LEMEILLEUR FILM DE LA COMPÉTITION, STEVEN SPIELBERG ET SON JURY ONT POSÉ UN BEAUPOINT FINAL À UN 66E FESTIVAL DE CANNES PASSIONNANT EN SON CENTRE, MOINS STI-MULANT DANS SES PÉRIPHÉRIES. CHRISTOPHE CHABERTY croyait-on vraiment ? Imaginait-on Steven Spielbergse lever de sa chaise durant la cérémonie du palmarèscannois pour annoncer, du haut de sa stature de cinéastemondialement reconnu et présentement président dujury, la Palme à La Vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche,chef-d'œuvre du naturalisme à la française relatant lapassion entre Adèle et Emma à coups de grands blocs deréalité réinventée, des premiers regards à la dernièreétreinte en passant par de longs moments d'intimitéphysique ? C'est pourtant ce qui s'est passé, et on enest encore ému. Car si La Vie d'Adèle n'était pas notrefilm préféré de la compétition – on dira lequel plus tard– c'était d'évidence le meilleur, le plus incontestablementample et abouti, le plus furieusement contemporain,que ce soit danssa matière romanesque,ses personnagesou son dispositif.Kechiche est aujourd'-hui l'héritier direct dePialat, même s'il développeaussi sa propresingularité et même si,avec ce film-là, ildévoile sa part lamoins sombre, la plus solaire, comme une antithèseabsolue de son précédent et terrible Vénus noire. C'estaussi l'éclosion de deux comédiennes, qu'il convienttoutefois de distinguer dans leur approche du jeu :Adèle Exarchopoulos tient le film du premier au dernierplan, et elle a ce charme des apparitions, ce naturel descomédiennes qui donnent tout comme s'il n'y avait pasd'après ; Léa Seydoux, en revanche, a déjà du métier, iciou dans le grand ailleurs hollywoodien, et elle composeune Emma aux cheveux bleus avec ce qu'il faut de techniquepour la faire oublier, ce qu'il faut de précision pourque cela se transforme en magie. <strong>Le</strong>s deux réunies composentun couple dont la crédibilité est pour beaucoupdans l'immersion émotionnelle et sensuelle que procurela vision du film, dont les trois heures passent en unsouffle si bien qu'on en redemanderait presque –sympa, Kechiche a sous-titré son film Chapitre 1 et 2,laissant l'espoir d'un futur chapitre 3 et 4.PALMARÈS DANS LE DÉSORDREEt le reste du palmarès et de la compétition, alors ?En dehors d'un inexplicable Prix de la mise en scène àAmat Escalante et son Heli dont on ne pense pas vraimentdu bien – on l'a dit la semaine passée – Spielberget son jury ont récompensé de bons films un peu dans ledésordre, laissant sur le bord de la route quelques œuvrespourtant passionnantes. Pas vraiment contestable,le Grand Prix à Inside Llewin Davis des frères Coen asalué ce faux film mineur qui s'avère, la boucle de sonrécit bouclée, un filmmonde dans la lignéemétaphysique deBarton Fink ouA serious man. Suivantla destinée d'un folkeuxfictif et foireuxdans le Greenwichvillage de 1961, le filmouvre sans arrêt desabîmes de sens derrièreson allégresse faite de dialogues punchy, de tribulationscomiques et de chansons interprétées in extenso.La réflexion des Coen sur l'absurdité del'existence et l'absence de Dieu n'a jamais été aussijoyeuse qu'ici, et ils la complètent par une pertinenteillustration du double sens du mot «révolution» : tourcomplet sur soi-même avant retour au point de départet bouleversement radical de l'ordre des choses.<strong>Le</strong> Japonais Hirokazu Kore-Eda a lui reçu le prix du jurypour Tel père, tel fils, jolie variation autour de ses thèmesde prédilection – l'enfance, la famille, la transmission– dont on regrette juste la dernière demi-heure, quiressemble à l'addendum d'un scénariste un peu tropconsciencieux. Jia Zhangke aurait sans doute été bienplus à sa place avec le prix de la mise en scène qu'avecLa Vie d'Adèle est le filmde la compétition le plus ampleet abouti ; le plus furieusementcontemporain aussile prix du scénario qui lui a été remis pour son formidableA touch of sin, mais il est bon d'avoir distingué cecinéaste qui a pris le risque d'emmener son cinéma versde nouveaux horizons, plutôt que de capitaliser sur saréputation. C'est-à-dire l'inverse d'Asghar Farhadi et duPassé, bon film au demeurant, mais sans grande surprisede sa part. Intelligemment, le jury a finalementrécompensé ce qu'il y a de mieux dans le film, à savoirBérénice Bejo, dont la prestation est exceptionnelle enfemme vacillante et pétrie de culpabilité. En revanche, lePrix d'interprétation masculine au vétéran Bruce Derndans le très faible Nebraska d'Alexander Payne est assezpiteux, dans une compétition qui brillait par de formidablesperformances d'acteur. On pense bien sûr à MichaelDouglas dans Behind the candelabra de StevenSoderbergh, où il révèle des talents insoupçonnés defantaisie et d'émotion pour camper le pianiste gay etoutrancier Liberace ; mais Mathieu Amalric, excellentdans Jimmy P. d'Arnaud Desplechin et dans La Vénus àla fourrure de Polanski, aurait tout aussi bien pu prétendreau titre, tout comme Mads Mikkelsen, intense dansMichael Kohlhaas ou Oscar Isaac, révélation du film desCoen.CHAMPAGNE ET LUTTE ARMÉEPalmarès pas mal du tout, donc, et compétition de fortbon niveau, aussi. Dont on peut se plaire à tracer deslignes qui relieraient les films entre eux. Par exemple, lathématique «lutte armée» qui traverse à la fois A touchof sin, le rugueux Michael Kohlhaas d'Arnaud DesPallières et l'étonnant Borgman, retour surprise duHollandais Alex Van Warmerdam après des annéesd'oubli. Chez Jia Zhangke, c'est l'idéal communisted'une Chine laminée à sa base par l'individualisme et laprivatisation qui fait de la résistance, même si le récit,construit en quatre histoires distinctes, va vers un désenchantementqui n'augure rien de bon pour l'avenirdu pays ; chez Des Pallières, c'est dans le texted'Heinrich Von Kleist où un marchand de chevaux auXVIe siècle prend les armes et lève une armée depaysans pour réparer l'injustice qui lui a été faite, qu'iltrouve des accents presque mélenchoniens, notammentquand une tentative d'amnistie des combattants setransforme en marché de dupes ; enfin, chez VanWarmerdam, les damnés de la terre en sortent – littéralement– pour aller troubler l'ordre bourgeois résuméà un couple avec enfants, via une machination diaboliquementorchestrée par ce groupuscule sans nom etsans obédience, mais aussi par un scénario et une miseen scène constamment surprenants. Deuxième thèmerécurrent, et radicalement opposé au précédent : lechampagne et la gueule de bois qui va avec. Que cesoient les numéros exubérants et queer de Liberace àLas Vegas chez Soderbergh, soufflés en quelques moispar l'irruption du sida, l'errance mondaine de ToniFRAGILE ET TARDIFQuelques films, toutefois, ont posé question dans lacompétition : on ne parle pas du navet de Takashi MiikeShield of straw, indigne d'y figurer, ou de Grigris deMahamat-Saleh Haroun, dont la naïveté et les défautssont à peu près égaux à ceux de son précédentUn homme qui crie. Plutôt de The Immigrant de JamesGray et Jimmy P. d'Arnaud Desplechin. Deux films difficiles,qui ne répondaient ni aux attentes placées dansleurs cinéastes, ni dans le cahier des charges qu'onavait sans doute abusivement écrit à propos de leursdernières œuvres. Gray n'a pas livré la fresque attendue,mais un drame en chambre aux influences russes(Tchekhov, Dostoievski), qui nous a laissés froid sansqu'on sache si c'était son but ou sa limite. Desplechin,lui, s'est presque trop bien coulé dans le moule américain,au point de s'éloigner radicalement de son style siparticulier. Pourtant, Jimmy P., œuvre complexebrassant souvenirs de la Seconde Guerre mondiale etdu génocide indien, éclosion de la psychanalyse et récitd'amitié entre deux homme que tout oppose, est unbeau film fragile, trop fragile pour Cannes sans doute.Mais c'est Roman Polanski qui a frappé un grand couple dernier jour – trop tard sans doute – avec La Vénusà la fourrure. C'est ce film dingue que l'on a préféréentre tous, en définitive, car voir un immense cinéastefaire défiler tout son cinéma entre les quatre murs d'unthéâtre et avec deux acteurs merveilleux, le tout grâceà une science du spectacle, des émotions et de la miseen scène qui serait celui d'un vieux briscard s'il netémoignait aussi d'une insolente juvénilité, a quelquechose de jouissif et d'inattendu.TOUT N'EST PAS PERDU…En dehors de ce centre de gravité passionnant qu'étaitla compétition, Cannes a été plus contestable. <strong>Le</strong>s séancesspéciales ont frappé par leur manque d'intérêt et Uncertain regard a fait l'effet d'un grand pêle-mêle d'auteursoù se croisaient le meilleur (Alain Guiraudie et sonexplosif Inconnu du lac, dont on va reparler très vite) etle pire (Claire Denis présentant un film à l'inachèvementcriminel, <strong>Le</strong>s Salauds), avec pas mal de bof bof aumilieu (Fruitvale station, un grand prix de Sundance trèsmoyen, ou encore Omar, qui a reçu un accueil trèsfavorable mais aussi très douteux, les spectateursconfondant le film avec la cause qu'il défend de manièrepour le moins expéditive). La Quinzaine des réalisateurs,de son côté, s'est embourbée dans d'obscuresséries B échappées du marché du film et dont l'avenirpasse par la VF des multiplexes et les bacs à soldes DVD(The Last days on mars ou Magic Magic). Une révélation,toutefois, celle de Jeremy Saulnier et son stupéfiantBlue ruin, croisement entre les thèmes de JeffNichols dans Shotgun stories et la maîtrise des Coendans Blood simple – rien que ça. Pour la blague, ons'amusera en disant qu'au cours de ce festival deCannes, un des moments forts à été celui où tout estperdu ; All is lost, titre du deuxième film de J.C.Chandor après Margin call, présenté hors compétition,et tour de force prodigieux : un one-man-film sans dialogueautour d'un homme dérivant sur l'océan.L'homme, «notre homme» comme il est dit au générique,c'est Robert Redford, rendu à sa pleine dimensiond'acteur légendaire, portant le film sur ses épaules,celui-ci devenant presque un documentaire sur le comédien,son professionnalisme et sa sagesse. Du naturalismede Kechiche au spectacle intime de Chandor, finalement,c'est le même amour de l'acteur et la mêmecélébration de la vie qui a irrigué ce beau festival.
SORTIES DE LA SEMAINEDRL'AttentatUn film de Ziad Doueiri (Fr-Belge-Lib-Gat, 1h45) avec AliSuliman, Reymonde Amsellem...Tiré du best-seller de YasminaKhadra, L'Attentat racontecomment un médecin israélien d'originearabe travaillant dans unhôpital de Tel Aviv voit sa vie bouleverséeaprès un attentat suicidedont le kamikaze pourrait être sapropre femme. Deux thèmes s'enchâssentainsi : connaît-on vraimentla personne avec qui on partagesa vie ? Et que pèse l'humanismeéclairé face au sentimentd'humiliation d'un peuple qui netrouve plus que la violence pourexprimer sa colère ? Il y a doncdeux lignes dans le film de ZiadDoueiri : la première est un drameintimiste en forme d'enquête existentielle,peuplé de flashbacks opacifiantl'énigme de départ ; ladeuxième est une réflexion sur leconflit israélo-palestinien qui mueen thriller efficace et tendu une foispassé de l'autre côté du mur. Entermes de cinéma, c'est clairementcelle-ci que le metteur en scène privilégie,cherchant une efficacité àl'américaine qui accroche le spectateurau gré de scènes choc et àsuspense. Il y a du savoir-faire,indéniable, dans ce storytelling quidigère intelligemment le pavé deKhadra. Mais plus Doueiri tented'accrocher le spectateur, plus ilrend confus son dessein final, donnantl'impression d'une petitedémonstration de force narrativequi oublie, au passage, l'ambivalencede ses personnages et finitpar tout expliquer pour n'effrayerpersonne.CHRISTOPHE CHABERTLA SEMAINE PROCHAINEPARCOURSFORMATIONEMPLOIVIE ÉTUDIANTESE LOGER, FINANCER SES ÉTUDES,BONS PLANS ÉTUDIANTSDRPAS VUS !Very bad trip 3De Todd Philips (ÉU, 1h40) avecZach Galifianakis, BradleyCooper, Ed Helms…Troisième gueule de bois pour letrio qui, cette fois, doit faire face àun kidnapping.The CallPolluting paradiseDe Fatih Akin (All-Turquie,1h38) documentaire<strong>Le</strong> réalisateur retourne dans sonvillage natal en Turquie, transforméen décharge à ciel ouvert, poury recueillir le témoignage de plusieursgénérations d'habitants.Shokuzai, cellesqui voulaient sesouvenirGinger & RosaDe Sally Potter (Ang, 1h30)avec Elle Fanning, AliceEnglert…<strong>Le</strong> passage de l'adolescence àl'age adulte de deuxLondoniennes dans les années 60,de l'amitié à la dispute, entreinsouciance pop, révolutionsexuelle et ombre de la guerrefroide.Je suis supporterdu standardImaginer demain, inventer notre futur,participer à la construction partagéedu territoire pour écrire ensemblele grand récit métropolitain.PLUS SI JEUNEMAISPAS SI VIEUXPOUR VIVREMA VILLE !Jacques, habitant de Saint-Martin d’HèresImaginer demain, inventer notre futur,participer à la construction partagéedu territoire pour écrire ensemblele grand récit métropolitain.DRDRDRDe Brad Anderson (ÉU, 1h35)avec Halle Berry, AbigailBreslin…Sauver la vie d'une adolescentelorsqu'on travaille dans un centred'appels téléphoniques, c'est possible,avec ce thriller qui aurait pus'appeler Ne raccrochez pas, c'estune erreur.De Kiyoshi Kurosawa (Jap,1h59) avec Kyoko Koizumi,Hazuki Kimura…Quatre fillettes ont été témoins dumeurtre d'une de leurs camaradesde classe, mais ne peuvent se souvenirdu visage du tueur. Desannées après, elles essaient deretrouver la mémoire de l'événement.Une série télé signée KiyoshiKurosawa, devenu en salles unfilm en deux parties – la secondesort mercredi prochain.De et avec Riton Liebman (Fr-Belg, 1h30) avec Léa Drucker…Un supporter du Standard de Liègeest prêt à tous les sacrifices pouraider son équipe à remporter desvictoires. Jusqu'à sa rencontreavec Martine, qui va l'aider àdécrocher.L’ÉVOLUTION DE LA VILLEFACE AU VIEILLISSEMENTDE LA POPULATIONLA MAISON DE L’HABITANT6, AVENUE DES ILES DE MARS - PONT-DE-CLAIXLigne 1 : arrêt Iles de MarsLE RENDEZ-VOUS POURCOMPRENDRE ET SE FAIRE ENTENDRE 18:00 - 20:30mercredi 29 MAI 2013Plus d’informations > lametro.fr