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Pour lire le rapport - Ipis

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2 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu3RemerciementsSommaireÉditeurSteven SpittaelsAuteursChapitre 1 (Katanga) :Steven Spittaels (IPIS - Directeur) et Elisabeth Caesens (The Carter Center –Chef de projet, Lubumbashi)Chapitre 2 (Maniema) :Ken Matthysen (IPIS - Chercheur) et Gérard Nimpagaritse (Musée royal del’Afrique centra<strong>le</strong> – Géologiste)Chapitre 3 (Bafwasende et Mambasa) :Filip Hilgert (IPIS – Chercheur) et Rachel Perks (PACT – Ancien directeur Congo)Partenaires locauxKatanga : Université de Lubumbashi (y compris la branche de Ka<strong>le</strong>mie)Maniema : Maniema Liberté (Réseau ressources naturel<strong>le</strong>s RDC, Point focal Maniema) ;CIRECAT (Centre interdisciplinaire de recherche sur l’environnement, la cartographie et latechnologie appropriée).Province Orienta<strong>le</strong> : OCEAN, Kisangani (Organisation concertée des écologistes et amis de lanature) (Réseau ressources naturel<strong>le</strong>s RDC, Point focal Province Orienta<strong>le</strong>) ;CENADEP, Kisangani (Centre national d’appui au développement et à la participation populaire) ;Georges Baelo Stevens (facilitateur provincial dans la gestion des conflits en Province Orienta<strong>le</strong>).ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS 4SOMMAIRE EXÉCUTIF 5INTRODUCTION 8CHAPITRE 1 : NORD-KATANGA (STEVEN SPITTAELS ET ELISABETH CAESENS) 131.1 Les minerais du Nord-Katanga 131.2 Les sites d’exploitation minière du Nord-Katanga 151.3 Analyse généra<strong>le</strong> du commerce de minerais 171.4 Présence de groupes armés et violations des droits de l’homme 241.5 Conclusion 25CHAPITRE 2 : MANIEMA (KEN MATTHYSEN ET GÉRARD NIMPAGARITSE) 292.1 Les minerais du Maniema 292.2 Les sites d’exploitation minière du Maniema 332.3 Analyse généra<strong>le</strong> du commerce de minerais 352.4 Présence de groupes armés et violations des droits de l’homme 402.5 Conclusion 43CHAPITRE 3 : TERRITOIRES DE BAFWASENDE ET MAMBASA(FILIP HILGERT ET RACHEL PERKS) 473.1 Les minerais des territoires de Bafwasende et Mambasa 473.2 Les sites d’exploitation minière des territoires de Bafwasende et Mambasa 493.3 Analyse généra<strong>le</strong> du commerce de minerais 513.4 Présence de groupes armés et violations des droits de l’homme 603.5 Conclusion 63CONCLUSIONS GÉNÉRALES ET RECOMMANDATIONS 65ANNEXE : PRIX DU COLTAN ET DE LA CASSITÉRITE 70RévisionJason Stearns (ancien coordonateur du groupe d’experts de l’ONU sur la RDC)Timothy Raeymaekers (maître de conférences à l’Université de Zurich)


4 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu5Acronymes et abréviationssommaire exécutifAFM Administrateur de foyer minierAMIKI Association minière du Kivu S.P.R.L.ANR Agence nationa<strong>le</strong> de renseignementCaMi Cadastre minierCAR Central African ResourcesCE Commission européenneCEEC Centre d’évaluation, d’expertise et de certification des substances minéra<strong>le</strong>sprécieuses et semi-précieusesDDR Désarmement, démobilisation et réintégrationDGM Direction généra<strong>le</strong> des migrationsDI Déplacés internesFARDC Forces armées de la République démocratique du CongoFDLR Forces démocratiques de libération du RwandaGémico Généra<strong>le</strong> des mines du CongoIGMC Ituri Gold Mining CompanyIPIS International Peace Information ServiceKGL Kilo Goldmines LtdMGL Minière des Grands LacsMONUC Mission de l’Organisation des Nations unies en RD CongoMONUSCO Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RD CongoMPA Metal Processing AssociationMPC Mining Processing CongoNDJOKAM Société Ndjoka agro-minièreOCC Office congolais de contrô<strong>le</strong>OCHA Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (Office for theCoordination of Humanitarian Affairs)OFIDA Office des douanes et accisesOKIMO Office des mines d’or de Kilo-MotoONG Organisation non gouvernementa<strong>le</strong>ONU Organisation des Nations uniesPABG Pan African Business GroupPE Permis d’exploitationPK Point kilométriquePNC Police nationa<strong>le</strong> congolaisePNUD Programme des Nations unies pour <strong>le</strong> développementPPRD Parti du peup<strong>le</strong> pour la reconstruction et la démocratiePR Permis de rechercheRCD Rassemb<strong>le</strong>ment congolais pour la démocratieRDC République démocratique du CongoSAESSCAM Service d’assistance et d’encadrement du Small-Sca<strong>le</strong> MiningSakima Société aurifère du Kivu-ManiemaSNCC Société nationa<strong>le</strong> des chemins de fer du CongoSOMINDO Société minière de NdongaSominki Société minière et industriel<strong>le</strong> du KivuWBK Wa Ba<strong>le</strong>ngela Kasai-Investments Congo S.P.R.L.ZER Zone exclusive de recherchei) ContexteLe <strong>rapport</strong> intitulé « Exploitation minière et commerce des minerais dans l’arrière-pays du Kivu » estune commande de la Direction généra<strong>le</strong> du développement (DG Développement) de la Commissioneuropéenne. Il vise à comb<strong>le</strong>r un manque informationnel en identifiant <strong>le</strong>s principaux sites minierset en analysant <strong>le</strong>s réseaux d’échanges commerciaux de l’arrière-pays de l’est de la Républiquedémocratique du Congo (RDC) situés dans <strong>le</strong> Maniema, <strong>le</strong> Nord-Katanga et la Province Orienta<strong>le</strong>,et en analysant <strong>le</strong>s réseaux de transport existant entre ces territoires et <strong>le</strong>s centres urbains régionauxde Bukavu, Goma, Butembo et Bunia.Suite à de nombreux comptes rendus sur <strong>le</strong>s conditions d’insécurité et <strong>le</strong>s violations des droitsde l’homme liées aux activités minières dans <strong>le</strong> Nord-Kivu, <strong>le</strong> Sud-Kivu et l’Ituri ces dernièresannées, <strong>le</strong>s secteurs miniers de ces régions ont fait l’objet de plusieurs publications. Les provincesdes Kivu, rongées par <strong>le</strong>s conflits, y sont généra<strong>le</strong>ment décrites comme des régions échappant aucontrô<strong>le</strong> de l’État, où <strong>le</strong>s économies souterraines prospèrent (une analyse à laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong> présidentcongolais Joseph Kabila semb<strong>le</strong> s’être rallié lorsqu’il a décidé, <strong>le</strong> 11 septembre 2010, de suspendretoute activité minière dans <strong>le</strong> Nord et <strong>le</strong> Sud-Kivu, ainsi que dans <strong>le</strong> Maniema).Cependant, on ignore encore si ces économies souterraines s’étendent éga<strong>le</strong>ment à d’autres zonesd’exploitation minière bordant <strong>le</strong>s provinces des Kivu, étant donné <strong>le</strong> peu de documentationexistant sur <strong>le</strong>s principaux réseaux de l’arrière-pays. La nécessité s’est donc fait sentir d’enquêtersur <strong>le</strong>s problèmes et <strong>le</strong>s opportunités spécifiques du secteur minier dans ces régions moins connues.Le <strong>rapport</strong> est composé de trois chapitres : <strong>le</strong> premier est consacré à l’activité minière dans <strong>le</strong> Nord-Katanga, <strong>le</strong> deuxième aux mines de la rive est du f<strong>le</strong>uve Congo, dans <strong>le</strong> Maniema, et <strong>le</strong> troisièmetraite du secteur minier dans <strong>le</strong>s territoires de Bafwasende et de Mambasa de la Province Orienta<strong>le</strong>.Chaque chapitre suit la même structure. La première partie traite des ressources en mineraisde la région, la deuxième présente <strong>le</strong>s principaux sites d’exploitation, la troisième traite dusecteur minier (négociants, itinéraires, compagnies minières etc.) et la quatrième se focalise sur<strong>le</strong>s violations des droits de l’homme et l’implication des groupes armés et de l’armée nationa<strong>le</strong>congolaise dans <strong>le</strong>s zones minières.Trois cartes détaillées, qui font partie intégrante de cette étude, ont été publiées en ligne sur :www.ipisresearch.be/maps/hinterland/Katanga/web/index.htmlwww.ipisresearch.be/maps/hinterland/Orienta<strong>le</strong>/web/index.htmlwww.ipisresearch.be/maps/hinterland/Maniema/web/index.htmlOutre l’emplacement des mines étudiées dans <strong>le</strong> <strong>rapport</strong>, el<strong>le</strong>s présentent des informations, concernantla propriété, l’implication de l’armée ou de milices, <strong>le</strong> nombre de mineurs artisanaux, <strong>le</strong>s prix desminerais ainsi que plusieurs autres données. Les légendes sont disponib<strong>le</strong>s sur la même page Web. Leschapitres qui suivent ont été construits à partir de ces cartes et d’un éventail d’autres sources.


6 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu7ii) Principa<strong>le</strong>s conclusions• Le territoire de l’arrière-pays n’a rien à envier aux Kivu en termes de production minéra<strong>le</strong>.Le Maniema produit une part considérab<strong>le</strong> de la cassitérite arrivant à Bukavu et Goma,<strong>le</strong>s principaux centres d’échanges commerciaux pour <strong>le</strong>s minerais. Le Nord-Katanga est <strong>le</strong>fournisseur de coltan <strong>le</strong> plus important de Bukavu et probab<strong>le</strong>ment la zone minière de coltan laplus importante de tout l’est de la RDC. Quant aux territoires de Bafwasende et de Mambasa,ils produisent un pourcentage non négligeab<strong>le</strong> de l’or congolais.• L’arrière-pays jouant <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de fournisseur des provinces des Kivu, <strong>le</strong>s grands bénéficiairesdu commerce de minerais de ce territoire sont <strong>le</strong>s négociants basés dans ces dernières. C’estparticulièrement vrai pour <strong>le</strong> Maniema, où à cause du mauvais état des infrastructures detransport, la majeure partie de la production doit être transportée par avion jusqu’à Goma etBukavu depuis des pistes dispersées dans toute la province.Les négociants de Butembo (et Bunia) comptent parmi <strong>le</strong>s principaux bénéficiaires du commercede l’or dans <strong>le</strong>s territoires de Bafwasende et Mambasa. Cependant, dans plusieurs zones duterritoire de Mambasa, certains opérateurs exploitant l’or de manière semi-industrialisée et <strong>le</strong>spoliticiens qui <strong>le</strong>s soutiennent semb<strong>le</strong>nt éga<strong>le</strong>ment faire des profits substantiels.Dans <strong>le</strong> Nord-Katanga, la situation est différente. Un comptoir unique s’y occupe destransactions du coltan produit loca<strong>le</strong>ment et, dans une moindre mesure, de la cassitérite.Ce comptoir, qui s’est installé récemment avec <strong>le</strong> soutien du gouvernement provincial deLubumbashi, a mis sur la touche <strong>le</strong>s négociants traditionnels originaires des Kivu.• Bien qu’il n’y ait pas de situation de conflit aussi comp<strong>le</strong>xe que dans <strong>le</strong>s Kivu, des groupesarmés sont néanmoins présents dans <strong>le</strong>s territoires de l’arrière-pays. La plupart, y comprisl’armée congolaise, tirent des revenus de l’exploitation minière et du commerce illégal desminerais.C’est probab<strong>le</strong>ment dans <strong>le</strong> territoire de Bafwasende que la situation est la plus grave. Lesforces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) y profitent de la guerre quisévit depuis de longues années contre <strong>le</strong>s milices maï-maï pour s’impliquer dans <strong>le</strong> commercede minerais. Dans <strong>le</strong>s deux territoires, de graves violations des droits de l’homme commisespar <strong>le</strong>s FARDC ont été signalées.Même si la situation n’est pas aussi grave dans <strong>le</strong> Maniema, certaines zones d’exploitationminière subissent des incursions régulières de la part de groupes armés, y compris des FDLR,ainsi que des extorsions de la part de certains membres de l’armée et des autorités civi<strong>le</strong>s. Àl’extrême nord du Katanga, <strong>le</strong>s FDLR ont mené quelques raids sur de petits sites miniers,tandis que <strong>le</strong>s FARDC réalisent des profits dans plusieurs autres sites de plus grande amp<strong>le</strong>ur.• Les difficultés rencontrées par <strong>le</strong>s mineurs artisanaux dans <strong>le</strong>s territoires de l’arrière-payssont <strong>le</strong>s mêmes que dans <strong>le</strong>s Kivu. Les mineurs ne reçoivent quasiment aucun soutien del’État et travail<strong>le</strong>nt souvent sur des sites dangereux, où <strong>le</strong>s biens de consommation courantedoivent être amenés par avion et parfois échangés contre quelques grammes d’or. Les acteurséconomiques du secteur, quant à eux, n’investissent presque rien pour répondre aux besoinssociaux de <strong>le</strong>ur main-d’œuvre. En outre, <strong>le</strong>s mineurs artisanaux ne sont généra<strong>le</strong>ment pasorganisés, ce qui affaiblit <strong>le</strong>ur pouvoir de négociation dans <strong>le</strong> processus d’évaluation du prixdes minerais.iii) Recommandations stratégiquesLa situation ne se prête pas à la proposition de recommandations faci<strong>le</strong>s et rapides. Néanmoins,en nous basant sur nos recherches et nos analyses, nous pouvons proposer pour examen <strong>le</strong>s lignesd’action suivantes :• Le problème d’insécurité dans l’arrière-pays n’est pas aussi comp<strong>le</strong>xe que dans <strong>le</strong>s Kivu. Dece fait, <strong>le</strong> gouvernement congolais, avec <strong>le</strong> soutien de ses partenaires internationaux, devraits’atte<strong>le</strong>r à développer <strong>le</strong> secteur minier dans cette région.• Le fait que <strong>le</strong>s conditions de sécurité soient relativement bonnes dans la plupart des territoiresde l’arrière-pays offre une opportunité, au niveau international, de faire des efforts devérification préalab<strong>le</strong> de la provenance des minerais, puisque la plupart des sites miniersconcernés se situent en dehors des zones de conflit.• L’application rigoureuse de processus de DDR et de réforme du secteur de la sécurité estabsolument essentiel<strong>le</strong> pour améliorer <strong>le</strong>s conditions de sécurité dans <strong>le</strong>s zones minières del’arrière-pays. Dans <strong>le</strong> cadre de cette action, l’armée congolaise devrait chercher à retirer sesunités des zones d’exploitation n’étant pas menacées par des groupes armés. Et là où des forcesde sécurité sont déployées, des précautions devraient être prises pour protéger la population.Le renforcement de la justice militaire devrait être prioritaire dans <strong>le</strong> cadre du processus deréforme du secteur de la sécurité.• La réhabilitation des infrastructures de transport devrait être l’une des priorités de l’investissementpublic et des donateurs dans chacune des trois régions étudiées. Le gouvernement congolaisdevrait mettre en place une stratégie pour ouvrir l’arrière-pays, stratégie qui s’attaquerait à troisproblèmes fondamentaux : <strong>le</strong>s infrastructures, la transparence de l’administration et la sécurité.• Des mesures d’incitation pourraient être introduites dans l’actuel système d’échangescommerciaux afin d’encourager l’installation de nouveaux comptoirs dans la région. Enrespectant certains critères (en matière de transparence, de professionnalisation etc.), ilspourraient bénéficier d’une aide matériel<strong>le</strong> ou technique.• Donner plus de responsabilités aux provinces, y compris une plus grande part dans la taxationdu commerce de minerais, <strong>le</strong>s inciterait à mieux gérer <strong>le</strong> secteur minier et à lutter contre <strong>le</strong>sabus. Devraient être inclus dans ce processus toutes <strong>le</strong>s parties prenantes loca<strong>le</strong>s par la créationde forums réunissant <strong>le</strong>s administrations provincia<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s négociants et <strong>le</strong>s représentants de lasociété civi<strong>le</strong>.• Une coordination entre <strong>le</strong>s différentes provinces est el<strong>le</strong> aussi nécessaire. Il faudrait, par exemp<strong>le</strong>,que <strong>le</strong>s services publics responsab<strong>le</strong>s des questions minières dans <strong>le</strong>s différentes provinces etrégions concernées échangent et comparent davantage <strong>le</strong>urs données. La possibilité de créerdes structures officiel<strong>le</strong>s de coordination (par exemp<strong>le</strong> entre <strong>le</strong> Katanga et <strong>le</strong> Sud-Kivu pour <strong>le</strong>coltan ou entre <strong>le</strong> Maniema et <strong>le</strong> Nord-Kivu pour la cassitérite) devrait être envisagée.• La formation de groupes de représentants pour <strong>le</strong>s mineurs artisanaux et <strong>le</strong>s négociants(qu’il s’agisse de coopératives, d’associations ou autres) contribuerait éga<strong>le</strong>ment de manièresignificative à une amélioration de la gouvernance dans <strong>le</strong> secteur.


8 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu9IntroductionLe présent <strong>rapport</strong>, commandé par la DG développement de la Commission européenne, a pourbut de comb<strong>le</strong>r un manque informationnel sur <strong>le</strong> secteur minier de ce que l’on appel<strong>le</strong> « l’arrièrepays» de l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Il identifie <strong>le</strong>s principaux sitesminiers des provinces de Maniema, du Nord-Katanga et de l’Orienta<strong>le</strong> et analyse <strong>le</strong>s réseauxd’échanges commerciaux entre ces sites et <strong>le</strong>s centres urbains régionaux de Bunia (en Ituri),Bukavu (dans <strong>le</strong> Sud-Kivu), Goma et Butembo (dans la province du Nord-Kivu).Suite à de nombreux comptes rendus sur <strong>le</strong>s conditions d’insécurité et <strong>le</strong>s violations des droitsde l’homme liées aux activités minières dans <strong>le</strong> Nord-Kivu, <strong>le</strong> Sud-Kivu et l’Ituri ces dernièresannées, <strong>le</strong>s secteurs miniers de ces régions ont fait l’objet de plusieurs publications. Les provincesdes Kivu, rongées par <strong>le</strong>s conflits, y sont généra<strong>le</strong>ment décrites comme des régions échappant aucontrô<strong>le</strong> de l’État, où <strong>le</strong>s économies souterraines prospèrent – une analyse à laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong> présidentcongolais Joseph Kabila semb<strong>le</strong> s’être rallié lorsqu’il a décidé, <strong>le</strong> 11 septembre 2010, de suspendretoute activité minière dans <strong>le</strong> Nord et <strong>le</strong> Sud-Kivu, ainsi que dans <strong>le</strong> Maniema. Cependant, onignore encore si ces économies souterraines s’étendent éga<strong>le</strong>ment à d’autres zones d’exploitationminière bordant <strong>le</strong>s provinces des Kivu, étant donné <strong>le</strong> peu de documentation existant sur <strong>le</strong>sprincipaux réseaux de l’arrière-pays.Cette étude vient compléter un autre <strong>rapport</strong>, éga<strong>le</strong>ment commandé par la CE : « Étude sur<strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de l’exploitation des ressources naturel<strong>le</strong>s dans l’alimentation et la perpétuation descrises de l’est de la RDC », publié en octobre 2009. Il s’agit d’une étude analytique de ladocumentation récente existant sur <strong>le</strong> sujet, qui synthétise <strong>le</strong>s informations disponib<strong>le</strong>s sur<strong>le</strong>s sites d’exploitation minière et sur <strong>le</strong>s routes commercia<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong>s Kivu et dans l’Ituri,évalue <strong>le</strong>s facteurs économiques et politiques et <strong>le</strong>s mesures proposées par la communautéinternationa<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s actions à entreprendre à court et à long terme et enfin, propose denouveaux axes de recherche.Après la publication du présent <strong>rapport</strong>, un troisième paraîtra en janvier 2011 sous <strong>le</strong> titre de :« The comp<strong>le</strong>xity of resource governance in a context of state fragility: the case of eastern DRC »(Les difficultés de gestion des ressources dans un contexte gouvernemental fragi<strong>le</strong> : <strong>le</strong> cas del’est de la RDC). Il fournira un aperçu de la comp<strong>le</strong>xité des réseaux commerciaux de mineraiss’étendant entre Bunia, Butembo, Goma, Bukavu et <strong>le</strong>s pays voisins, par <strong>le</strong> biais de 12 études decas détaillées. Le <strong>rapport</strong> se concentrera à la fois sur l’économie souterraine et <strong>le</strong>s circuits officiels.Structure et résuméLe présent <strong>rapport</strong>, qui est <strong>le</strong> deuxième sur <strong>le</strong> sujet, traite du secteur minier dans trois régionsbordant <strong>le</strong>s Kivu. Le premier chapitre est consacré à l’activité minière dans <strong>le</strong> Nord-Katanga,<strong>le</strong> deuxième aux mines de la rive est du f<strong>le</strong>uve Congo, dans <strong>le</strong> Maniema, et enfin <strong>le</strong> troisième etdernier chapitre traite du secteur minier dans <strong>le</strong>s territoires de Bafwasende et Mambasa de laProvince Orienta<strong>le</strong>.Ces trois chapitres sont structurés de la même façon. La première partie traite des ressourcesminières de la région et fournit des informations sur la production de chaque minerai, ainsi quedes données historiques. Les principaux sites d’exploitation sont présentés dans une deuxièmepartie, qui sert d’introduction aux cartes des sites miniers qui accompagnent chaque chapitre (voirci-après). La troisième partie traite du secteur minier en lui-même en présentant <strong>le</strong>s négociants,<strong>le</strong>s itinéraires, <strong>le</strong>s compagnies minières, etc. La quatrième partie se focalise plus particulièrementsur <strong>le</strong>s violations des droits de l’homme et <strong>le</strong>s profits réalisés par <strong>le</strong>s groupes armés et l’arméenationa<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC).Dans <strong>le</strong> Nord-Katanga, deux mesures prises au niveau provincial ont eu un impact notab<strong>le</strong> sur <strong>le</strong>commerce de minerais. En conséquence, une société unique y exerce désormais un quasi monopo<strong>le</strong>sur <strong>le</strong> commerce du coltan et de la cassitérite. Jusqu’en septembre 2009, <strong>le</strong> système des échangescommerciaux de minerais dans cette région était inextricab<strong>le</strong>ment lié à celui des provinces duKivu, mais <strong>le</strong>s autorités provincia<strong>le</strong>s sont parvenues à <strong>le</strong> transformer et en faire un système de <strong>le</strong>urpropre conception.Dans <strong>le</strong> Maniema, <strong>le</strong>s mineurs artisanaux ont repris <strong>le</strong>s anciennes exploitations industriel<strong>le</strong>s.Plusieurs compagnies minières ayant échoué à faire redémarrer cette production à grande échel<strong>le</strong>se sont reconverties dans la commercialisation de minerais extraits par <strong>le</strong>s mineurs artisanauxdans <strong>le</strong>urs propres concessions. Le Maniema lui-même ne tire quasiment aucun bénéfice de sesrichesses minières. À cause du mauvais état de ses infrastructures de transport, sa production esten très grande partie transportée par avion vers <strong>le</strong>s comptoirs de Goma et Bukavu, dans <strong>le</strong>s Kivu,depuis des pistes réparties dans toute la province.L’extraction de l’or dans <strong>le</strong>s territoires de Bafwasende et de Mambasa échappe largement aucontrô<strong>le</strong> des autorités provincia<strong>le</strong>s et des agences de contrô<strong>le</strong> minières gouvernementa<strong>le</strong>s, et laplus grande partie de <strong>le</strong>ur production est vendue dans <strong>le</strong> Nord-Kivu. Il est peu probab<strong>le</strong> quecette situation évolue prochainement car dans <strong>le</strong> territoire de Bafwasende, de nombreux sitesminiers sont illéga<strong>le</strong>ment contrôlés par des groupes armés ou des soldats des FARDC cherchantà s’enrichir. Dans <strong>le</strong> territoire voisin de Mambasa, certaines compagnies privées procèdent àune exploitation semi-industrialisée dans la rivière Ituri, sans déclarer <strong>le</strong>ur production ou <strong>le</strong>ursexportations. Enfin, un système de gestion des sites miniers antérieur au Code minier national de2002 y limite encore la marge de manœuvre de l’État.Méthodologie et processus de rechercheLes trois chapitres sont basés sur des documents provenant de sources loca<strong>le</strong>s, des entretiens avec<strong>le</strong>s parties prenantes, des visites des sites miniers effectuées en juin et juil<strong>le</strong>t 2010 et des groupesde discussion. Les parties prenantes interrogées étaient des négociants, des autorités loca<strong>le</strong>s, desobservateurs internationaux, des ONG loca<strong>le</strong>s et enfin des fonctionnaires congolais des différentsservices d’État de la RDC responsab<strong>le</strong>s des questions minières, qui ont fourni la plupart desinformations présentées ici.Les visites des sites miniers ont été menées en majorité par des partenaires locaux engagés par <strong>le</strong>sauteurs. Des équipes de chercheurs locaux (deux par chapitre) ont réuni de nouvel<strong>le</strong>s données enexplorant <strong>le</strong>s zones minières munies de GPS et de questionnaires. Le travail a été coordonné par<strong>le</strong> personnel des universités ou de certaines ONG loca<strong>le</strong>s. Tous avaient soit de l’expérience dansla recherche sur <strong>le</strong> domaine minier (dans quatre cas sur six), soit déjà travaillé sur <strong>le</strong> terrain dansd’autres domaines avec des GPS (dans deux cas sur six). Dans la plupart des cas, <strong>le</strong>s équipes ontcoopéré avec <strong>le</strong>s fonctionnaires des services publics du secteur minier.Plusieurs méthodes ont été utilisées pour évaluer <strong>le</strong> travail des chercheurs locaux. Après réceptionde premiers résultats préliminaires, l’un des deux auteurs effectuait une visite de suivi pour trouverdes solutions aux problèmes rencontrés. Le journal de trajet des GPS était vérifié s’il y avait <strong>le</strong>moindre doute sur <strong>le</strong>s déplacements des équipes. Enfin, <strong>le</strong>s données <strong>rapport</strong>ées étaient confrontéesaux cartes préexistantes et aux autres données en possession des auteurs ou rassemblées au coursde <strong>le</strong>urs recherches sur <strong>le</strong> terrain. De manière généra<strong>le</strong>, et si l’on considère <strong>le</strong> délai très court etl’amplitude de la tâche à accomplir, <strong>le</strong>s équipes de recherche ont produit un bon travail et fourni


10 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu11des données uniques. Naturel<strong>le</strong>ment, ces dernières restent incomplètes et sont susceptib<strong>le</strong>s dechanger, <strong>le</strong> secteur minier de l’est de la RDC étant en perpétuel<strong>le</strong> évolution.Chaque chapitre a été rédigé par deux auteurs issus de formations différentes, qui ont parcourula région ensemb<strong>le</strong> et se sont relus mutuel<strong>le</strong>ment. L’ensemb<strong>le</strong> des chapitres a ensuite été éditépar l’International Peace Information Service (IPIS, service international d’information pour lapaix) et <strong>le</strong> texte comp<strong>le</strong>t a été révisé par deux experts indépendants, l’un étant un universitairereconnu et l’autre un ancien responsab<strong>le</strong> du groupe d’experts de l’ONU. La plus grande partie desrecherches, y compris sur <strong>le</strong> terrain, a été effectuée entre juin et août 2010.Trois cartes détaillées, qui font partie intégrante de cette étude, ont été publiées par l’IPIS enligne sur :www.ipisresearch.be/maps/hinterland/Katanga/web/index.htmlwww.ipisresearch.be/maps/hinterland/Orienta<strong>le</strong>/web/index.htmlwww.ipisresearch.be/maps/hinterland/Maniema/web/index.htmlOutre l’emplacement des mines, <strong>le</strong>s cartes présentent d’autres informations concernant notammentla propriété, <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> des zones par l’armée ou <strong>le</strong>s milices, <strong>le</strong> nombre de mineurs, <strong>le</strong>s prix desminerais ainsi que plusieurs autres données. Les légendes sont disponib<strong>le</strong>s sur la même page Web.Les chapitres qui suivent ont été construits à partir de ces cartes.Difficultés rencontréesMener à bien <strong>le</strong> type de recherches décrites ci-dessus représente un défi d’amp<strong>le</strong>ur en RDC, où uncertain nombre de difficultés a dû être surmonté.La première concerne <strong>le</strong> manque de fiabilité des données existant sur <strong>le</strong> secteur minier. Les registresofficiels du commerce et <strong>le</strong>s statistiques sont truffés d’incohérences, de lacunes et d’inexactitudesqui défient toute représentation fiab<strong>le</strong> et complète du commerce de minerais. Ce constat est valab<strong>le</strong>pour toute la région. En tentant d’analyser ce secteur, <strong>le</strong> seul fait sur <strong>le</strong>quel tous <strong>le</strong>s chercheurstombent d’accord est qu’il n’existe pas une seu<strong>le</strong> source fiab<strong>le</strong> de données complètes et précises 1 .L’une des principa<strong>le</strong>s raisons en est l’amp<strong>le</strong>ur du commerce illégal dans la région, qui emprunte desvoies détournées pour s’exporter. Cela concerne en particulier l’or, mais éga<strong>le</strong>ment la cassitérite,<strong>le</strong> coltan et la wolframite (minerai de tungstène). Les rares statistiques officiel<strong>le</strong>s qui existentne sont pas correctement intégrées entre <strong>le</strong>s différents services publics à cause de problèmes decommunication et de logistique. De plus, dans l’arrière-pays du Kivu, en raison du manque decomptoirs officiel<strong>le</strong>ment reconnus (de commerce et d’exportation), seu<strong>le</strong> une quantité limitée desminerais exploités et commercialisés est inscrite dans <strong>le</strong>s registres gouvernementaux officiels.Service d’assistance et d’encadrement du small-sca<strong>le</strong> mining (SAESSCAM), mais <strong>le</strong>s informationsdisponib<strong>le</strong>s sur <strong>le</strong>ur emplacement géographique précis sont presque inexistantes. Il y a plusieursexplications à cela, notamment l’absence d’une col<strong>le</strong>cte centralisée des données de la part desautorités provincia<strong>le</strong>s et des agences de contrô<strong>le</strong> de l’activité minière, la difficulté d’accès à cesmines en raison d’un manque de routes praticab<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s conditions d’insécurité. Ce problème nepeut être résolu qu’en visitant <strong>le</strong>s sites muni d’un GPS, approche qui a été adoptée par <strong>le</strong>s auteursautant que possib<strong>le</strong> dans <strong>le</strong>s délais qui <strong>le</strong>ur étaient impartis.La troisième difficulté rencontrée est directement liée à la précédente. Il s’agit du problème d’accèsaux sites miniers très isolés ou situés dans des zones peu sûres. Les chercheurs locaux connaissantla région et sa population ont pu se déplacer relativement faci<strong>le</strong>ment jusque dans des endroitsquasi inaccessib<strong>le</strong>s à un étranger, mais d’autres <strong>le</strong>ur sont restés inaccessib<strong>le</strong>s même à eux en raisonde l’insécurité qui y règne. <strong>Pour</strong> chacune des trois zones de l’arrière-pays étudiées, <strong>le</strong> <strong>rapport</strong>explique quels sites n’ont pas pu être visités par <strong>le</strong>s équipes de recherche loca<strong>le</strong>s.Le quatrième défi a été celui de l’évaluation de l’importance respective de chaque site minier,un élément crucial pour l’analyse du secteur dans l’arrière-pays. Travail<strong>le</strong>r à partir des chiffresde production fournis par <strong>le</strong>s personnes interrogées dans <strong>le</strong> cadre des recherches ne constituaitpas une solution fiab<strong>le</strong>. Évaluer de tel<strong>le</strong>s informations demande qu’on passe du temps à chaquesite pour observer la chaîne de production et par<strong>le</strong>r avec <strong>le</strong>s individus concernés. Les personnesinterrogées sont en effet susceptib<strong>le</strong>s de grossir <strong>le</strong>s chiffres en espérant que <strong>le</strong>ur mine sera perçuecomme rentab<strong>le</strong> et attirera <strong>le</strong>s aides extérieures ou au contraire de <strong>le</strong>s minimiser de peur de payerplus de taxes ou d’attirer des attentions commercia<strong>le</strong>s malveillantes.Une autre approche, qui a consisté à comparer <strong>le</strong> nombre de mineurs artisanaux travaillant surchacun des sites, a donc été adoptée afin de produire des données plus objectives. Mais cettedémarche comporte el<strong>le</strong> aussi des inconvénients. Il est en effet très ardu d’obtenir des estimationssur <strong>le</strong>s mineurs artisanaux, <strong>le</strong>ur nombre variant rapidement en fonction de la rentabilité du site(ils sont attirés par la demande extérieure), de la saison (ces mineurs se partagent souvent entreagriculture, activité minière et petit commerce) ou encore de raisons personnel<strong>le</strong>s (un mineurpeut s’adonner à cette activité dans un but précis, par exemp<strong>le</strong> pour payer des frais scolaires ouhospitaliers, ou pour d’autres besoins, puis l’abandonner pendant plusieurs mois). De ce fait, <strong>le</strong>sestimations fournies aux équipes de recherche ne peuvent être considérées comme entièrementfiab<strong>le</strong>s, bien qu’el<strong>le</strong>s fournissent une mesure approximative de la production d’une mine enparticulier et de l’amp<strong>le</strong>ur du commerce de minerais dans une zone donnée.En règ<strong>le</strong> généra<strong>le</strong>, tous <strong>le</strong>s chiffres et toutes <strong>le</strong>s statistiques concernant <strong>le</strong> commerce doiventêtre abordés avec beaucoup de précautions, ce qui ne signifie pas qu’ils sont inutilisab<strong>le</strong>s. Lesdonnées en el<strong>le</strong>s-mêmes sont peut-être insuffisantes pour tirer des conclusions, mais el<strong>le</strong>s peuventconfirmer certaines tendances lorsque d’autres types d’informations sont éga<strong>le</strong>ment disponib<strong>le</strong>s.Dans chacun des chapitres, cette question des données disponib<strong>le</strong>s est traitée et des exemp<strong>le</strong>sspécifiques des problèmes de fiabilité rencontrés sont fournis.La deuxième difficulté qui s’est présentée concerne plus particulièrement la recherche sur <strong>le</strong>terrain en RDC. Les personnes interrogées faisaient allusion à de nombreux endroits, mais peud’entre el<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s avaient vraiment visités et il était diffici<strong>le</strong> de trouver des informations précisessur <strong>le</strong>ur emplacement géographique. C’est particulièrement vrai pour <strong>le</strong>s sites miniers. Parexemp<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s noms de certains sites sont mentionnés sur <strong>le</strong>s listes de la Division des mines ou du1 Pact Inc. (juin 2007), Researching Natural Resources and Trade Flows in the Great Lakes Region, DFID/USAID/COMESA, p. 5.


12 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu13Katako-KombeLodjaLubefuLusamboe<strong>le</strong>ngeya-KamwangaLupatapataMbuji-MayiKatandaMiabiya aTshi<strong>le</strong>ngeRD CongoNord-KatangaKailoProvince Orienta<strong>le</strong>ÉquateurKinduNord-KivuShabundaPangiManiemaSud-KivuKinshasaBandunduKasaï OrientalBas CongoKasaï OccidentalChef-lieu de provinceChef-lieu de district/Vil<strong>le</strong>KabareChef-lieu de territoireBukavuLocalitéWalunguVillageAéroport national de première classeUviraAéroport national de seconde classeMwengaAérodromeAutrePisteKatangaCheminLubumbashiVoie ferréeLuama-Kivu Hunting Cours Reserved'eauPortMount Kabobo ReserveParc nationalRéserve de chasseLacProvinceTerritoireZones BurundiminièresColtanCassitériteOrkm0 2550 100KibomboKasongoManiemaKabambareSud-KivuFiziBenderaLungaF<strong>le</strong>uve CongoLubaoKongoloKongoloDomaine de chasse de Luama-KatangaMulunguyiKalimaKisengoKasaï OrientalNyunzuKa<strong>le</strong>mieTANZANIENyunzuLukugaKabaloMayi Baridi (100kg)KabaloLubaKabindaKa<strong>le</strong>mieChapitre 1 : Nord-Katanga(Steven Spittaels et Elisabeth Caesens)1.1 Les minerais du Nord-KatangaLa communauté minière internationa<strong>le</strong> s’intéresse depuis plusieurs dizaines d’années aux réservesde cuivre et de cobalt du sud de la province du Katanga. Plus récemment, il semb<strong>le</strong>rait que <strong>le</strong> nordde la province soit un « scanda<strong>le</strong> géologique » au même titre que <strong>le</strong> sud, mais pour des minerais serapprochant plutôt de ceux que l’on trouve dans <strong>le</strong>s Kivu, comme <strong>le</strong> coltan, la cassitérite et l’or. Lesol de la région pourrait éga<strong>le</strong>ment contenir d’autres minerais en quantités importantes, commel’argent. 2 Les paragraphes suivants ne décrivent que ceux qui sont exploités à l’heure actuel<strong>le</strong>.CassitériteLes territoires du centre du Katanga, tels que Manono, Ma<strong>le</strong>mba-Nkulu et Mitwaba, disposentd’importants gisements de cassitérite (minerai d’étain) et de coltan, qui y est souvent associé.Manono a abrité l’une des rares compagnies industriel<strong>le</strong>s du nord de la copper belt (ceinture decuivre), Géomines, qui exploitait l’étain à l’époque colonia<strong>le</strong> et dont <strong>le</strong> nom est ensuite devenuZaïre-Étain (puis Congo-Étain, après la chute de Mobutu). Depuis la deuxième guerre du Congo(1998-2003), des mineurs artisanaux ont repris cet ancien site industriel et ont commencéà exploiter de nouveaux gisements, récemment découverts. 3 D’après <strong>le</strong>s chiffres officiels, laproduction de cassitérite en 2009 dans <strong>le</strong>s territoires de Manono, Ma<strong>le</strong>mba-Nkulu et Mitwabas’est é<strong>le</strong>vée à 1 368 tonnes environ. 4KamijiNgandajikaMwene DituShaba E<strong>le</strong>phant ReserveLuiluunting DomainKaniamaSandoaF<strong>le</strong>uve CongoManonoKabongoMuyumbaManonoManonoKabongoKatongeNseyaKaminaKaminaLac UpembaLuenaLuvuaNgoyaKanunkaKabalaMa<strong>le</strong>mba-NkuluMa<strong>le</strong>mba NkuluDomaine de chasse de Lubudi-SampwePwetoMitwabaPwetoBukamaParc national de l'UpembaLac MweruBukamaMitwabaLac TanganyikaMobaMobaZAMBIEColtanLe coltan a toujours été <strong>le</strong> principal minerai extrait dans <strong>le</strong>s territoires de Nyunzu et de Ka<strong>le</strong>miemais il a éga<strong>le</strong>ment gagné en popularité dans ceux de Manono et de Ma<strong>le</strong>mba-Nkulu. Dans <strong>le</strong>nord du territoire de Manono en particulier, <strong>le</strong>s gisements de coltan attirent de plus en plus demineurs. 5 Cet intérêt accru pourrait être la conséquence de l’évolution du prix de ce minerai sur<strong>le</strong> marché mondial (voir <strong>le</strong>s graphiques représentant cette évolution des prix entre 2008 et 2010,ainsi qu’un tab<strong>le</strong>au des prix d’exportation en annexe).Il existe une autre explication à la popularité croissante du coltan : la nouvel<strong>le</strong> taxe provincia<strong>le</strong>s’appliquant aux minerais du Katanga à destination d’autres provinces. L’impact de cette taxesur <strong>le</strong> commerce du coltan a été plutôt limité, mais il a en revanche beaucoup perturbé celui dela cassitérite. Le sujet des taxes appliquées par <strong>le</strong>s provinces et <strong>le</strong>urs effets sur <strong>le</strong> commerce deminerais est abordé plus bas dans <strong>le</strong> <strong>rapport</strong>.LubudiParc national de KundelunguDiloloLubudiKasengaKasengaMutshatshavers LubumbashiTshanga<strong>le</strong><strong>le</strong> Hunting Carte Domainétablie Kolwezi par l'IPIS (Sources: IPIS, Référentiel géographique commun, Musée royal de l'Afrique centra<strong>le</strong>)KolweziMutshatshaLikasiLufira Biosphere ReserveKamboveKipushiLubumbashi2 Entretien avec un représentant de l’ITIE à Lubumbashi, en juil<strong>le</strong>t 2010.3 La production des sites de Congo-Étain a toujours été en partie artisana<strong>le</strong>, même à l’apogée de l’industrialisation du secteur. Ce qui diffèreaujourd’hui, c’est que la composante industriel<strong>le</strong> a complètement disparu. La nouvel<strong>le</strong> société d’exploitation de cassitérite Mining MineralResources (MMR) affirme vouloir relancer dans <strong>le</strong>s années à venir la chaîne de production dans <strong>le</strong> territoire de la province du Katanga, dela phase d’extraction à cel<strong>le</strong> de la transformation en étain.4 En comparaison, Géomines a produit presque sept fois plus par an pendant la Deuxième Guerre mondia<strong>le</strong>. Entretien mené par l’IPISauprès d’un ancien employé de Géomines à Manono, en juin 2010.5 Entretien avec <strong>le</strong> personnel de la SAESSCAM à Lubumbashi, en mai 2010.Sakania


18 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu19Les comptoirs du Kivu actifs dans <strong>le</strong> Nord-Katanga sont <strong>le</strong>s suivants : Muyeye, Olive, Panju,MDM, Global Minerals Company et T.T.T. Ils mènent <strong>le</strong>urs opérations principa<strong>le</strong>ment par <strong>le</strong>biais d’intermédiaires.ENCADRÉ 1Comparaison des statistiques du Katanga et du Sud-KivuNon seu<strong>le</strong>ment il est impossib<strong>le</strong> de vérifier <strong>le</strong>s chiffres de la production de minerais katangais dans<strong>le</strong>s statistiques du Sud-Kivu, mais la comparaison des données disponib<strong>le</strong>s d’un côté et de l’autrelaisse soupçonner l’existence d’un trafic clandestin à grande échel<strong>le</strong>. Les statistiques de la Divisiondes mines de Ka<strong>le</strong>mie montrent que durant <strong>le</strong>s trois premiers mois de l’année 2010, 30 tonnes decoltan ont été acheminées depuis Tanganyika vers <strong>le</strong>s Kivu 21 . La cargaison la plus importante, d’un peuplus de 10 tonnes, a été transportée à Uvira en février et <strong>le</strong> 21 du même mois, la Division des mines adonné son feu vert pour qu’el<strong>le</strong> soit acheminée jusqu’à Bukavu 22 .Cependant, <strong>le</strong>s données de l’OCC et de la Division des mines de Bukavu mentionnent des chiffresd’exportation ne s’é<strong>le</strong>vant qu’à 7 tonnes pour <strong>le</strong>s six premiers mois de l’année 2010. Cela signifieraitdonc que sur <strong>le</strong>s 30 tonnes de coltan ayant officiel<strong>le</strong>ment quitté Ka<strong>le</strong>mie pour Bukavu entre <strong>le</strong> débutde l’année et la fin du mois de mars 2010, 24 ont été soit stockées sur une période de trois à six mois,soit transportées illéga<strong>le</strong>ment de l’autre côté de la frontière.Il ne fait aucun doute qu’une étude comparative plus détaillée des statistiques concernant <strong>le</strong>s échangesde minerais entre provinces dans tout l’est révé<strong>le</strong>rait d’autres disparités du même ordre.Une première intervention de LubumbashiLe Nord-Katanga ayant été traditionnel<strong>le</strong>ment une région agraire, contrôlée par <strong>le</strong>s rebel<strong>le</strong>s duRassemb<strong>le</strong>ment pour la démocratie (RCD) pendant <strong>le</strong>s guerres du Congo, ses ressources avaientété quelque peu oubliées par <strong>le</strong>s autorités provincia<strong>le</strong>s, installées à Lubumbashi. Lorsque <strong>le</strong>sconditions de sécurité ont commencé à s’améliorer et que <strong>le</strong>s échanges commerciaux se sontintensifiés, <strong>le</strong>s tensions sont montées dans la capita<strong>le</strong> provincia<strong>le</strong> de Lubumbashi face au monopo<strong>le</strong>exercé par <strong>le</strong>s négociants du Kivu. Les minerais ne transitant pas par Lubumbashi échappaientsystématiquement au contrô<strong>le</strong> administratif, économique et douanier des autorités loca<strong>le</strong>s. Cesdernières ont donc résolu de reprendre <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong>.En octobre 2009, <strong>le</strong> gouverneur de la province du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe, augmentéde facon drastique <strong>le</strong>s frais administratifs, à hauteur de 5 dollars <strong>le</strong> kilogramme, pour « touttransfert de la cassitérite et de ses minerais accompagnateurs de la province du Katanga vers touteautre province ». 23 Les frais s’é<strong>le</strong>vaient auparavant à moins de 0,1 dollar <strong>le</strong> kilogramme, ce chiffreétant toujours applicab<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s transferts de cassitérite et de coltan transitant par la capita<strong>le</strong>provincia<strong>le</strong>. 24 La cassitérite se vendant à moins de 5 dollars <strong>le</strong> kilogramme à la mine, cette mesurea eu pour conséquence de doub<strong>le</strong>r <strong>le</strong> coût des échanges pour <strong>le</strong>s négociants des autres provinceset a effectivement sonné <strong>le</strong> glas des exportations vers <strong>le</strong>s Kivu.L’impact sur <strong>le</strong> commerce de la cassitérite dans <strong>le</strong> centre du Katanga a été considérab<strong>le</strong>. En dépitdes protestations des négociants du Kivu, <strong>le</strong>s flux de cassitérite à destination du nord ont diminuéde manière significative au cours des mois qui ont suivi la mise en application de cette mesure. Les21 Division des mines, district du Tanganyika, Statistiques des substances minéra<strong>le</strong>s déclarées au service des mines 1er trimestre exercice 2010.Les négociants ayant envoyé ces cargaisons sont : Yalala, Ntambaka, Buyoya et Cizungu.22 Attestation de transport des substances minéra<strong>le</strong>s des productions artisana<strong>le</strong>s, 21 février 2010.23 Artic<strong>le</strong> 1 de l’arrêté provincial n˚ 2009/0035/KATANGA du 9 octobre 2009 instituant <strong>le</strong>s modalités de transfert de la cassitérite et sesaccompagnateurs de la province du Katanga vers d’autres provinces.24 Entretien avec <strong>le</strong> personnel de la SAESSCAM à Lubumbashi, en mai 2010.documents administratifs ne mentionnent aucun transfert de minerai depuis Manono au coursdes premiers mois suivants cette dernière. Et depuis décembre, tous <strong>le</strong>s minerais de la régionconvergent vers Lubumbashi. Aucun des anciens transporteurs des Kivu ne figure dans la liste deceux qui opèrent <strong>le</strong>s transports vers la capita<strong>le</strong> provincia<strong>le</strong>.Le cas de KongoloL’exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong> plus frappant de l’impact qu’a eu cette mesure est celui de Kongolo. Jusqu’enseptembre 2009, Kongolo était <strong>le</strong> point de transition principal de la cassitérite provenant deManono et de Ma<strong>le</strong>mba-Nkulu et destinée à Goma et Bukavu. Les minerais arrivaient par bateaudepuis Muyumba (ou même depuis Bukama) dans <strong>le</strong> port improvisé de Kongolo, puis étaientensuite transbordés dans des avions Antonov à destination des Kivu. La piste de Kongolo étaitparticulièrement appréciée pour <strong>le</strong> transport de minerais car el<strong>le</strong> pouvait accueillir des avions deplus grande tail<strong>le</strong>, ce qui diminuait <strong>le</strong>s coûts de transport de manière significative 25 . À son apogée,deux à trois avions décollaient chaque jour de Kongolo. À cette époque, la vil<strong>le</strong> comptait septcompagnies aériennes en activité. Leurs transporteurs <strong>rapport</strong>aient dans cette vil<strong>le</strong> isolée des biensde consommation courante et de la nourriture et repartaient avec des chargements de minerais. Lapopulation appréciait la reprise temporaire de l’économie loca<strong>le</strong> que cela représentait 26 .En octobre 2009 cependant, <strong>le</strong>s échanges commerciaux passant par Kongolo se sont complètementarrêtés. La taxe de 5 dollars sur <strong>le</strong>s exportations vers <strong>le</strong>s autres provinces a ôté toute rentabilitéau pont aérien entre Kongolo et <strong>le</strong>s Kivu. Pendant des mois, pas un seul avion de fret n’a atterri àKongolo. Un service limité a repris en mars-avril 2010, avec un ou deux atterrissages par semaine.Les cargaisons sont composées de produits agrico<strong>le</strong>s et de cargaisons personnel<strong>le</strong>s. Les avions netransportent apparemment plus de minerais, bien qu’en une occasion un petit chargement ait étédécouvert sous une cargaison de produits agrico<strong>le</strong>s 27 .Deux des sept compagnies qui travaillaient à Kongolo, AGEFRECO et COFRED, sont toujoursen activité mais affirment qu’el<strong>le</strong>s sont en difficulté et risquent de devoir fermer el<strong>le</strong>s aussi. Alorsque l’importance des cargaisons de minerais permettait autrefois aux compagnies de proposer uncoût de transport inférieur à 0,5 dollar <strong>le</strong> kilogramme, el<strong>le</strong>s doivent désormais facturer 1,7 dollar<strong>le</strong> kilogramme, un tarif qui n’est pas du tout attractif pour <strong>le</strong>s clients 28 .L’impact de la politique provincia<strong>le</strong> s’est éga<strong>le</strong>ment fait ressentir dans <strong>le</strong> port de Kongolo, bienque dans une moindre mesure. Les mêmes bateaux circu<strong>le</strong>nt à la même fréquence entre Bukama etKongolo, mais ils ne transportent plus de minerais. Les deux bateaux qui venaient de Muyumbaet n’acheminaient que de la cassitérite restent désormais à quai. 29Outre cette taxe provincia<strong>le</strong>, <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de Kongolo en tant que centre de transit a éga<strong>le</strong>ment étémis en péril par deux projets de réhabilitation de routes qui ont rendu <strong>le</strong> transport par camionplus attractif que l’avion. D’une part, la route entre Lubumbashi et <strong>le</strong> centre minier de Manonos’améliore et d’autre part, l’accès à Ka<strong>le</strong>mie par la route à l’est est en réparation.25 Manono, qui se trouve plus près des sites d’exploitation minière, dispose aussi d’une piste aérienne, mais el<strong>le</strong> n’a pas la même capacitéd’accueil que cel<strong>le</strong> de Kongolo. En septembre 2009, <strong>le</strong>s coûts de transport de la cassitérite par avion depuis Manono étaient supérieurs à4 USD/kg, tandis que <strong>le</strong>s coûts combinés du transport par voie fluvia<strong>le</strong> et aérienne via Kongolo s’é<strong>le</strong>vaient à moins de 3,5 USD/kg.26 Entretien avec <strong>le</strong>s autorités loca<strong>le</strong>s à Kongolo, en juin 2010.27 Entretien avec <strong>le</strong>s autorités loca<strong>le</strong>s et <strong>le</strong> responsab<strong>le</strong> des activités minières à Kongolo, en juin 2010.28 Entretien avec <strong>le</strong> responsab<strong>le</strong> d’une compagnie de transport à Kongolo, en juin 2010. On ignore pourquoi <strong>le</strong>s vols ont repris en mars/avril,puisque <strong>le</strong> transport de produits agrico<strong>le</strong>s et de petites cargaisons n’est pas vraiment rentab<strong>le</strong>. Il y a deux explications possib<strong>le</strong>s. La premièreest que <strong>le</strong>s avions servent à un trafic d’or clandestin. Les contrô<strong>le</strong>s du trafic d’or étant de plus en plus sévères au PK 25 (à l’intersectionKa<strong>le</strong>mie/Bendera) pour <strong>le</strong>s hommes d’affaires venant des Kivu, <strong>le</strong>s trafiquants sont obligés d’emprunter d’autres itinéraires. De plus,Mulunguyi, un important site minier, s’étend à 110 km « seu<strong>le</strong>ment » de Kongolo. L’autre possibilité est que la reprise des vols soit liéeà la signature d’un contrat entre la MMR et la Division des Mines loca<strong>le</strong> <strong>le</strong> 25 mars, de même que la saisie d’un camion chargé de coltanappartenant à des négociants de Bashi à Kisengo quelques jours plus tard (voir ci-dessous). Si certains négociants ne veu<strong>le</strong>nt pas vendre <strong>le</strong>urcoltan à la MMR, il se peut qu’ils tentent de <strong>le</strong> faire passer en contrebande par petites cargaisons depuis Kongolo, plutôt que de risquer deprendre la route Ka<strong>le</strong>mie-Bendera. Une cargaison de minerais au moins a été découverte, cachée dans un avion quittant Kongolo.29 Entretien avec un officier des FARDC dans <strong>le</strong> port de Kongolo, en juin 2010.


22 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu23Il est possib<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s travaux de portée socia<strong>le</strong> de la MMR ne deviennent une priorité que plus tard.À Manono, où el<strong>le</strong> a ouvert un comptoir il y a un an et où aucun contrat n’établit d’obligationssocia<strong>le</strong>s pour la société en contrepartie de son monopo<strong>le</strong>, la société a exécuté un certain nombrede travaux d’infrastructure de caractère social. El<strong>le</strong> a par exemp<strong>le</strong> réhabilité certaines éco<strong>le</strong>s etconstruit quatre puits. 42 Plus récemment, <strong>le</strong>s auteurs ont pu voir deux camions au siège de laMMR à Lubumbashi, prêts à livrer des équipements de sécurité aux mineurs de différents sitessur <strong>le</strong>squels la compagnie travail<strong>le</strong>. Néanmoins, il faut bien constater que <strong>le</strong> discours dépasse deloin <strong>le</strong>s réalisations concrètes sur <strong>le</strong> terrain 43 .ENCADRÉ 3L’influence des campagnes contre <strong>le</strong>s minerais de conflit sur la politiqueprovincia<strong>le</strong> qui vise à augmenter <strong>le</strong>s contrô<strong>le</strong>s du commerce des minerais.Plusieurs raisons peuvent expliquer <strong>le</strong>s mesures prises au niveau provincial pour empêcherl’exportation de minerais katangais vers <strong>le</strong>s Kivu et favoriser un comptoir unique. L’idée première estsans doute de rediriger une part plus importante des revenus fiscaux générés par <strong>le</strong> commerce deminerais dans <strong>le</strong> nord de la région vers Lubumbashi.Néanmoins, d’après <strong>le</strong>s explications fournies par <strong>le</strong>s fonctionnaires congolais lors de plusieurs entretiens,il semb<strong>le</strong>rait qu’el<strong>le</strong>s aient éga<strong>le</strong>ment été inspirées par <strong>le</strong>s récentes pressions exercées au niveauinternational pour résoudre <strong>le</strong> problème des minerais dits « de conflit » ou « du sang » dans l’est de la RDC.Le financement de groupes armés grâce au commerce des ressources naturel<strong>le</strong>s pose depuislongtemps problème au Congo. Pendant plus de dix ans, <strong>le</strong>s rebel<strong>le</strong>s comme <strong>le</strong>s soldats ont tiré unepartie de <strong>le</strong>urs revenus du contrô<strong>le</strong> qu’ils exerçaient sur l’exploitation et <strong>le</strong> transport des minerais. Desgroupes d’experts successifs de l’ONU ainsi que bon nombre d’ONG ont produit d’importantes étudessur ce phénomène dès son apparition. La pression internationa<strong>le</strong> pour que ce problème soit résolu n’acependant jamais été aussi forte qu’au cours de ces trois dernières années.En outre, il semb<strong>le</strong> qu’il y ait une volonté croissante d’apporter une solution au problème de la part desresponsab<strong>le</strong>s politiques congolais. Depuis 2009, diverses initiatives ont été lancées dans ce but par unlarge éventail d’acteurs, parmi <strong>le</strong>squels l’ONU, <strong>le</strong> milieu industriel des métaux et d’autres encore 44 .El<strong>le</strong>s sont suivies de près par ces mêmes ONG qui tentent de maintenir <strong>le</strong> problème en première placede l’agenda politique depuis 2008. 45Toutes <strong>le</strong>s parties prenantes du commerce de minerais ayant été sensibilisées au problème, il n’estpas surprenant que l’administration provincia<strong>le</strong> du Katanga essaie de soustraire <strong>le</strong> commerce desressources de la province de l’emprise des réseaux « louches » qui opèrent depuis <strong>le</strong> Nord et <strong>le</strong> Sud-Kivu. Il ne fait aucun doute non plus que la politique visant à expurger <strong>le</strong>s échanges commerciaux deminerais katangais soit soutenue par un certain nombre de négociants du secteur. La réputation deplusieurs d’entre eux a d’ail<strong>le</strong>urs souffert du rô<strong>le</strong> qu’ils ont joué dans des échanges commerciaux deminerais avec <strong>le</strong>s provinces du Kivu, conséquence directe du fait que <strong>le</strong>urs noms aient été mentionnésdans des <strong>rapport</strong>s dénonçant <strong>le</strong>ur implication. Certains affirment que cela <strong>le</strong>ur a causé quelquessérieux problèmes bancaires, comme des rappels de prêts par exemp<strong>le</strong> 46 .La récente décision du président Kabila de suspendre toute activité minière dans <strong>le</strong> Nord-Kivu, <strong>le</strong>Sud-Kivu et <strong>le</strong> Maniema semb<strong>le</strong> confirmer ce raisonnement. La Malaysia Smelting Corp., plus grosacheteur de cassitérite du Congo, et l’ ITRI Ltd., groupe industriel dans <strong>le</strong> domaine de l’étain, ont tousdeux exprimé <strong>le</strong>ur soutien à cette décision et ont précisé que cela n’affectera en rien <strong>le</strong>s exportationsdepuis <strong>le</strong> Katanga. 47Il semb<strong>le</strong>rait que pour eux, établir une distinction claire entre <strong>le</strong>s minerais « propres » du Nord-Katanga (qui ne sert de base à aucun groupe rebel<strong>le</strong>, exception faite d’un cas mentionné ci-dessous)et <strong>le</strong>s minerais « sa<strong>le</strong>s » de la guerre qui se dérou<strong>le</strong> dans <strong>le</strong>s Kivu <strong>le</strong>ur permettrait de faire commerceen toute tranquillité. 48Le Nord et <strong>le</strong> Sud-Kivu, ainsi que <strong>le</strong> Maniema, perdront donc <strong>le</strong>urs bénéfices au profit du Katanga. Cetteprise de distance vis-à-vis du commerce avec <strong>le</strong>s Kivu se révè<strong>le</strong> donc être un geste très avantageux dela part de Lubumbashi.La réponse des négociants du KivuLes négociants du Kivu n’apprécient pas du tout ce qu’ils perçoivent comme une campagne dediscrimination intentionnel<strong>le</strong> de la part de l’élite politique et économique du Sud-Katanga. Danstout <strong>le</strong> nord, ils se plaignent de la « dictature économique de la MMR », des « graves restrictionsde <strong>le</strong>ur liberté de mouvement » et de « violations du Code minier ».<strong>Pour</strong> <strong>le</strong>s régions dans <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s ils semb<strong>le</strong>nt avoir perdu la batail<strong>le</strong> – <strong>le</strong>s territoires riches encassitérite du centre du Katanga – <strong>le</strong>s représentants du Kivu ont changé de stratégie. Plutôtque de faire transporter <strong>le</strong>s minerais jusqu’aux comptoirs des Kivu par des négociants, <strong>le</strong>scomptoirs eux-mêmes ont ouvert des succursa<strong>le</strong>s à Lubumbashi. Parmi ces nouveaux venus, onretrouve notamment des sociétés bien établies comme Panju et la Global Mining Company 49 .Officiel<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong>s autorités katangaises aiment accueillir de nouveaux comptoirs tels que ceux-là.Mais ces derniers <strong>rapport</strong>ent devoir faire face à un véritab<strong>le</strong> harcè<strong>le</strong>ment et hésitent donc à resterouverts à Lubumbashi.Quant à la concurrence pour <strong>le</strong>s mines de coltan qui font l’objet d’un contrat entre <strong>le</strong> ministèredes Mines de la province et la société MMR, <strong>le</strong>s négociants Bashi ne semb<strong>le</strong>nt pas avoir encorebaissé <strong>le</strong>s bras. L’union des négociants de Kisengo, notamment, a lancé une campagne de lobbyings’appuyant sur divers moyens d’action. Plus de vingt négociants de Kisengo ont signé un mémodénonçant ce qu’ils appel<strong>le</strong>nt « toute politique mercantiliste favorisant <strong>le</strong>s Indiens au détriment desnationaux ». 50 Dans ce même document, ils demandent la libéralisation des échanges commerciauxde minerais dans <strong>le</strong> Katanga et <strong>le</strong> désengagement de la MMR des sites d’exploitation minière. Cesnégociants très bien organisés ont prévu un certain nombre d’autres démarches pour rallier dessoutiens à <strong>le</strong>ur cause. Ils essaient par exemp<strong>le</strong> de porter <strong>le</strong> problème à l’attention du gouvernementnational. 51 Cependant, <strong>le</strong>urs efforts semb<strong>le</strong>nt ne pas avoir encore porté <strong>le</strong>urs fruits.42 NGOY AMISI G., Mining Mineral Resource, un exploit à Manono, tanganikanews, 6 juin 2010. Voir http://tanganikanews.centerblog.net/43 Le flou règne éga<strong>le</strong>ment sur la façon dont sont financés ces projets sociaux et par qui. À Manono par exemp<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s projets rémunérés (telsque <strong>le</strong>s puits d’eau) réalisés par Solutions for Africa (une filia<strong>le</strong> de la maison mère de la MMR, Somika, dédiée au développement social)et ceux de la MMR ont reçu des subventions de la part de chacune des deux branches de la Somika. De la même façon, une brochure dela MMR nous informe que la compagnie est en train de réhabiliter la route reliant Ka<strong>le</strong>mie et Nyunzu, mais dans <strong>le</strong>s faits, ces travaux sontexécutés par l’État et <strong>le</strong>s actions de la MMR semb<strong>le</strong>nt se limiter à la construction de quelques ponts seu<strong>le</strong>ment.44 <strong>Pour</strong> une description complète de ces initiatives et de <strong>le</strong>urs statuts jusqu’en mai 2010, veuil<strong>le</strong>z consulter ce <strong>rapport</strong> à paraître : CUVELIERJ. e.a., Voices from below: local views on initiatives to reform the Congo<strong>le</strong>se mining sector, exposé de Make IT Fair, à paraître.45 <strong>Pour</strong> une description complète de ces initiatives et de <strong>le</strong>urs statuts jusqu’en mai 2010, veuil<strong>le</strong>z consulter ce <strong>rapport</strong> à paraître : CUVELIERJ. e.a., Voices from below: local views on initiatives to reform the Congo<strong>le</strong>se mining sector, exposé de Make IT Fair, à paraître.46 E-mail du représentant des négociants, septembre 2009. Apparemment, <strong>le</strong>urs réputations ont suffisamment souffert pour que certainescompagnies décident de suspendre <strong>le</strong>urs achats de cassitérite dans <strong>le</strong>s provinces du Kivu. Le négociant belge Traxys a pris cette décisionen mai 2009. Et en septembre de la même année, AMC, l’une des fonderies d’étain <strong>le</strong>s plus importantes à l’échel<strong>le</strong> mondia<strong>le</strong>, a suivi cetexemp<strong>le</strong> après ce qui a semblé être une confrontation directe avec l’ONG Global Witness.47 KAVANAGH M., Congo Says Mining Ban Doesn’t Apply to Stockpi<strong>le</strong>s, Bloomberg, 13 septembre 2010.48 Il faut garder à l’esprit, cependant, que dans <strong>le</strong> Nord-Katanga, des soldats de l’armée régulière, qui sont souvent d’anciens membres desmilices, ont commis de graves violations des droits de l’homme sur <strong>le</strong>s sites d’exploitation minière. Par conséquent, <strong>le</strong> débat reste ouvertquant au fait que ces zones peuvent être considérées comme exemptes de « minerais du sang ». Voir la quatrième partie de ce chapitre.49 Entretien avec un haut conseil<strong>le</strong>r du ministère des Mines de la province à Lubumbashi, en juil<strong>le</strong>t 2010.50 Association des négociants de Kisengo (ANK), Mémo, 24 mai 2010, p. 2.51 Entretien avec <strong>le</strong> président et <strong>le</strong> secrétaire de l’ANK à Ka<strong>le</strong>mie, en juin 2010.


24 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu25L’installation à Ka<strong>le</strong>mie d’un bureau de la société T.T.T., basée dans <strong>le</strong>s Kivu, pourrait être liée àcette situation.Itinéraires de transport actuelsComme nous l’avons déjà fait remarquer, avant <strong>le</strong> contrat avec la MMR, c’était pratiquementtoute la production de coltan de Nyunzu et de Ka<strong>le</strong>mie qui quittait <strong>le</strong> territoire à destination desKivu. Mais depuis, <strong>le</strong>s itinéraires d’exportation sont devenus incertains. Les négociants Bashiessaient toujours de se frayer un chemin jusqu’aux comptoirs de Bukavu, mais ils sont soumisà des contrô<strong>le</strong>s très stricts à la fois au niveau des sites miniers et au « Point 25 », <strong>le</strong> carrefour setrouvant à 25 kilomètres de Ka<strong>le</strong>mie et menant à Bendera et au Sud-Kivu. Comme indiqué plushaut, il se pourrait qu’une partie de la production transite encore par Kongolo.Au cours de plusieurs entretiens à Ka<strong>le</strong>mie, la direction de la société MMR a affirmé qu’el<strong>le</strong> avaitrécemment exporté une première cargaison (de 52 tonnes de coltan et 22 tonnes d’étain) de l’autrecôté du lac Tanganyika, à destination du port de Pulungu, en Zambie. De là, la cargaison est partiepour <strong>le</strong> port de Durban, en Afrique du Sud 52 . Lorsqu’il lui a été demandé pourquoi la cargaisonn’était pas passée par <strong>le</strong> port de Kigoma, en Tanzanie, beaucoup plus proche, la direction dela MMR a affirmé qu’el<strong>le</strong> essayait d’éviter toute confusion avec <strong>le</strong>s voies de ravitail<strong>le</strong>ment des« minerais du sang » des Kivu, qui transitent en effet via <strong>le</strong> port de Dar-Es-Salaam en Tanzanie 53 .Ces déclarations sont cependant contredites par <strong>le</strong>s documents d’expédition de cette cargaison,qui indiquent que sa destination fina<strong>le</strong> est bien Dar-Es-Salaam.L’itinéraire emprunté par la cassitérite de la MMR provenant du territoire central du Katangacoïncide éga<strong>le</strong>ment avec celui des minerais des négociants du Kivu en Tanzanie. Une fois transportéede Manono, Ma<strong>le</strong>mba-Nkulu, Mitwaba et Bukama à Lubumbashi par la route ou la voie ferrée(depuis Luena) et après réception des documents officiels, la cassitérite de la MMR rejoint <strong>le</strong> portde Dar-Es-Salaam, d’où el<strong>le</strong> est ensuite à nouveau déplacée, à destination de la Malaysia SmeltingCorporation. 54 Son concurrent local, la Global Mining Company, suit <strong>le</strong> même parcours : Lomami,Lubumbashi, Dar-Es-Salaam, Malaysia Smelting Corporation. 55extorquent éga<strong>le</strong>ment des ressources du secteur minier en dehors des sites, principa<strong>le</strong>ment en<strong>le</strong>vant illéga<strong>le</strong>ment des taxes ou en pratiquant d’autres formes d’extorsion aux postes de contrô<strong>le</strong>.Les deux paragraphes ci-dessous décrivent des cas récents d’interférence de groupes armés dansdes activités minières.Premier cas : LungaUn incident récent illustre bien <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> que des hommes armés exercent sur certaines zonesminières. Fin mars 2010, un mineur artisanal ayant découvert une grosse pépite d’or a aussitôt été« escorté » par des hommes de Tango Fort, ancien <strong>le</strong>ader maï-maï assez mal intégré (de son vrainom Stanis Kahezya) 57 , vers une destination inconnue. Tango Fort et un officier de l’Agence nationa<strong>le</strong>de renseignement ont ensuite menacé un fonctionnaire qui enquêtait et rédigeait un <strong>rapport</strong> surl’incident. L’homme, un agent de la Division des mines, a craint pour sa sécurité physique et a écrit uncourrier à l’administrateur du territoire de Nyunzu, l’implorant de « veil<strong>le</strong>r sur lui » en mettant en copie<strong>le</strong>s adresses de neuf autres personnes d’autorité. 58 Le harcè<strong>le</strong>ment par des hommes en uniforme estun phénomène largement répandu dans <strong>le</strong>s territoires de Nyunzu et de Ka<strong>le</strong>mie. Les responsab<strong>le</strong>s dusecteur minier continuent de dénoncer <strong>le</strong>s problèmes posés par ces groupes mal contrôlés dans <strong>le</strong>s<strong>rapport</strong>s adressés à <strong>le</strong>ur hiérarchie. 59Deuxième cas : BenderaLa seu<strong>le</strong> zone du Katanga dans laquel<strong>le</strong> opèrent encore des groupes rebel<strong>le</strong>s est cel<strong>le</strong> qui s’étendau nord du territoire de Ka<strong>le</strong>mie. Les FDLR et l’une des branches du groupe maï-maï Yakutumbasont installés dans cette zone et on pense qu’ils coopèrent. 60 Les FDLR, dont <strong>le</strong>s forces équiva<strong>le</strong>ntà cel<strong>le</strong>s d’un bataillon, agissent depuis <strong>le</strong>s monts Mitumba, <strong>le</strong>ur principa<strong>le</strong> base d’opération étantinstallée à Kabobo, qui se trouve à 25 kilomètres de Bendera. La zone sous contrô<strong>le</strong> des FDLRborde <strong>le</strong> lac Tanganyika.Pendant la première moitié de l’année 2010, <strong>le</strong>s membres des FDLR (avec <strong>le</strong> possib<strong>le</strong> appui de labranche Bavon des Maï-Maï Yakutumba) ont apparemment effectué plusieurs raids sur <strong>le</strong>s mines d’orde la région. 611.4 Présence de groupes armés et violations des droits de l’hommeBien qu’il n’y ait pratiquement aucune activité rebel<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> Nord-Katanga depuis 2007, et encoremoins de guerre ouverte, des hommes en uniforme continuent de poser de sérieux problèmesde sécurité et de commettre de graves violations des droits de l’homme aux sites d’exploitationminière de Nyunzu et de Ka<strong>le</strong>mie, dans <strong>le</strong>s territoires du nord. On peut identifier plusieurs groupeset nombre d’entre eux sont des unités des FARDC. Les soldats des FARDC de Ka<strong>le</strong>mie, Kongoloet Nyunzu sont en poste dans plusieurs zones minières mais en visitent d’autres. Au cours desdernières années, toutes ces unités ont été impliquées dans des incidents graves et se sont plusieursfois affrontées entre el<strong>le</strong>s avec vio<strong>le</strong>nce. 56Le comportement des unités des FARDC dans <strong>le</strong>s territoires de Nyunzu et de Ka<strong>le</strong>mie est <strong>le</strong>même que dans d’autres zones de l’est de la RDC. El<strong>le</strong>s interfèrent dans <strong>le</strong>s activités minièresde diverses façons. Parfois, el<strong>le</strong>s font travail<strong>le</strong>r des gens pour el<strong>le</strong>s (volontairement ou par laforce). En d’autres occasions, el<strong>le</strong>s sont payées pour surveil<strong>le</strong>r la mine, ou el<strong>le</strong>s imposent destaxes illéga<strong>le</strong>s aux travail<strong>le</strong>urs ou el<strong>le</strong>s vo<strong>le</strong>nt simp<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s ressources. Ces unités de l’armée52 Entretien avec <strong>le</strong> directeur de la MMR à Lubumbashi, en juil<strong>le</strong>t 2010.53 Entretiens avec la direction de la MMR à Ka<strong>le</strong>mie et Lubumbashi, en juin et juil<strong>le</strong>t 2010.54 Entretien avec <strong>le</strong> directeur de la MMR à Lubumbashi, en juil<strong>le</strong>t 2010.55 Au cours des six mois suivant son installation à Lubumbashi début 2010, la GMC a transporté environ 120 tonnes de cassitérite en Malaisie.Entretien avec <strong>le</strong>s représentants de la Global Mining Company à Lubumbashi, en juil<strong>le</strong>t 2010.56 <strong>Pour</strong> la période de septembre 2007-septembre 2008, de tels incidents ont fait l’objet d’études approfondies dans une série de <strong>rapport</strong>s del’IPIS écrits par Steven Spittaels et Filip Hilgert, disponib<strong>le</strong>s à l’adresse suivante : http://www.ipisresearch.be/updates-katanga.php1.5 ConclusionDeux mesures prises récemment à l’échel<strong>le</strong> provincia<strong>le</strong>, la taxe de 5 dollars et <strong>le</strong> contrat établissantla MMR comme « comptoir unique », ont eu un impact majeur sur <strong>le</strong> commerce de minerais dans<strong>le</strong> Nord-Katanga.Le commerce du coltan et de la cassitérite katangais est désormais quasiment monopolisé par unseul négociant. Alors qu’avant septembre 2009, <strong>le</strong> système d’échanges commerciaux des mineraisdans cette région présentait une structure similaire à celui des Kivu et était inextricab<strong>le</strong>mentlié à ce dernier, après mars 2010, il a été transformé par <strong>le</strong>s autorités provincia<strong>le</strong>s pour formerun système à part entière. La province a agi de son propre chef dans cette affaire, ce qui estexceptionnel et soulève des questions concernant la légalité de ces mesures.57 Il est diffici<strong>le</strong> de savoir si Tango Fort fait vraiment partie des FARDC. Le général Padiri, commandant de la 6 e région militaire (<strong>le</strong> Katanga), adéclaré en mai 2010 qu’il servait en tant que « conseil<strong>le</strong>r spécial » pour <strong>le</strong>s opérations en cours contre <strong>le</strong>s FDLR dans la région frontalièreentre <strong>le</strong> Katanga et <strong>le</strong> Sud-Kivu.58 Sources écrites confidentiel<strong>le</strong>s, 2010, acquises par <strong>le</strong>s chercheurs.59 Sources écrites confidentiel<strong>le</strong>s, 2010, acquises par <strong>le</strong>s chercheurs.60 Source écrite confidentiel<strong>le</strong> de l’ONU.61 Un chercheur local a visité la mine de Mibombo (voir carte é<strong>le</strong>ctronique), où <strong>le</strong>s activités minières avaient fortement diminué après l’unede ces attaques des FDLR. Parmi <strong>le</strong>s autres sites où des attaques des FDLR ont été signalées, on trouve Kilwe-Mapanda et Kinyama, maisces derniers n’ont pas été visités.


26 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu27Ce changement d’orientation des échanges commerciaux a généré plus de rentrées fisca<strong>le</strong>s pourLubumbashi et renforcé son contrô<strong>le</strong> sur <strong>le</strong>s zones minières isolées, réduisant peut-être ainsi <strong>le</strong>pouvoir exercé sur <strong>le</strong>s échanges commerciaux par <strong>le</strong>s hommes forts locaux. La canalisation d’unegrande partie des échanges par <strong>le</strong> biais d’une seu<strong>le</strong> compagnie éclaire une situation jusque-làopaque, où une multitude d’intermédiaires intervenaient, et représente peut-être une occasion deréduire la corruption loca<strong>le</strong>. Le revers de la médail<strong>le</strong> est que <strong>le</strong>s négociants et <strong>le</strong>s transporteurssont presque forcés de sortir de la chaîne des échanges. Cela contribue à créer de graves tensionscar <strong>le</strong>s négociants, qui ont payé une licence annuel<strong>le</strong> pour vendre et acheter des minerais, sevoient tout d’un coup refuser l’accès aux sites miniers <strong>le</strong>s plus importants et <strong>le</strong>s plus productifs.D’un autre côté, il semb<strong>le</strong> que cette situation ne changera pas grand-chose pour <strong>le</strong>s creuseurs et lapopulation loca<strong>le</strong>. Bien que la MMR ait certaines obligations socia<strong>le</strong>s, qui figurent dans <strong>le</strong> contratqu’el<strong>le</strong> a signé avec <strong>le</strong> ministère provincial des Mines, el<strong>le</strong> ne paraît pas en avoir fait sa priorité.Tout comme <strong>le</strong>s négociants, <strong>le</strong>s itinéraires commerciaux ont changé et excepté pour l’or, ils sontrelativement bien définis. Les minerais sont en général transportés par la route à Lubumbashi,en ce qui concerne la majeure partie de la production de cassitérite, ou à Ka<strong>le</strong>mie, dans <strong>le</strong> casdu coltan.Le secteur minier katangais diffère de celui des Kivu sur un point majeur : excepté une faib<strong>le</strong>présence des FDLR dans <strong>le</strong> nord-est de la province, il n’est pas victime d’interférences de la part degroupes armés. Néanmoins, <strong>le</strong>s incidents sur <strong>le</strong>s sites miniers sont chose courante et sont souventliés à la mauvaise conduite de soldats des FARDC ou d’autres agents armés.D’après ce qui a été <strong>rapport</strong>é plus haut, il est clair que <strong>le</strong>s compagnies internationa<strong>le</strong>s auront plusde facilités à faire des efforts de vérification préalab<strong>le</strong> de <strong>le</strong>urs opérations dans <strong>le</strong> Nord-Katangaque dans <strong>le</strong>s Kivu. Bien que certaines mines soient très isolées et que des problèmes de sécuritépersistent, une mise à l’essai dans un nombre important de sites miniers est tout à fait possib<strong>le</strong>.En outre, <strong>le</strong>s rares statistiques disponib<strong>le</strong>s indiquent que la production de minerais, notamment decoltan, est particulièrement importante dans la partie sud de l’arrière-pays des Kivu, ce qui constitueune motivation économique supplémentaire pour <strong>le</strong>s compagnies de contrô<strong>le</strong>r attentivement <strong>le</strong>urschaînes de production dans cette région et de la préserver de toute influence des autres régions.Un positionnement clair quant à la façon de gérer <strong>le</strong>s problèmes de violations des droits del’homme perpétrées par <strong>le</strong>s soldats de l’armée congolaise constitue cependant une condition sinequa non à une vérification préalab<strong>le</strong> crédib<strong>le</strong> des opérations.


28 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu29LomelaRD CongoProvince Orienta<strong>le</strong>ÉquateurNord-KivuManiemaSud-KivuBandunduKinshasaKasaï OrientalBas CongoKasaï OccidentalKatangaKisanganiOpalaKatako-KombeKasaï OrientalOrienta<strong>le</strong>Réserve de Lomami-LualabaPuniaKailoKibomboLubefuLubaoUbunduKabakabaF<strong>le</strong>uve F<strong>le</strong>uve CongoCongoKinduYumbiKibomboKalongolongoManiemaManiemaLubutuPuniaPangiRéserve de ManiemaSud-KivuPangiF<strong>le</strong>uve F<strong>le</strong>uve CongoCongoMusafiriKasongoLubutuKatangaNord-KivuNamoyaDomaine de chasse de Luama-KivuWamazaSalamabilaKabeyaFiziKasongoKimano II IILac TanganyikaMalotaKabambareKasangaKongoloChef-lieu de provinceParc nationalChef-lieu de de territoireRéserve de chasseLocalitéRéserve naturel<strong>le</strong> protégéeVillageAéroport national de de première classeZones minièresAérodromeCassitériteOrOrAutreWolframiteRoute asphaltéeDiamantPisteVoie ferréeCours d'eauLacÉTATProvinceTerritoireBafwasendeLuberoParc national de la MaikoLake EdwardBitu<strong>le</strong>AmisiOssoNtufiaTshamakaKaseseKabambareRutshuruWalika<strong>le</strong>NyunzuMwengaMasisiKa<strong>le</strong>mieGomaRWANDANkumwaPont UlindiKa<strong>le</strong>heLac KivuParc national de Kahuzi-BiegaKumba BasokoZamba-ZambaMakundjuBukavuKabareKailoKalima BimpombeShabundaLubi<strong>le</strong>WalunguBengoKampeneKamaBikengekm0 2550 100BURUNDIUviraUviraCarte établie par l'IPIS (Sources: IPIS, Référentiel géographique commun, Musée royal de l'Afrique centra<strong>le</strong>)Lake AlbertChapitre 2 : Maniema(Ken Matthysen et Gérard Nimpagaritse)2.1 Les minerais du ManiemaLa province du Maniema, qui a fait partie des Kivu pendant vingt-deux ans, a été rétablie en1988. 62 El<strong>le</strong> a été subdivisée en sept territoires : Lubutu et Punia au nord, Kailo et Pangi au centre,Kabambare, Kasongo et Kibombo au sud. Le Maniema couvre une superficie de 132 500 km 2 , cequi représente 5,6 % du territoire national de la RDC. 63 En 2008, <strong>le</strong> Bureau de la coordination desaffaires humanitaires des Nations unies (OCHA) a estimé sa population à 2,25 millions environ. 64Le Maniema est riche en cours d’eau et <strong>le</strong>s trois quarts de son territoire sont couverts de forêt.Le f<strong>le</strong>uve Congo s’écou<strong>le</strong> du sud au nord en col<strong>le</strong>ctant <strong>le</strong>s eaux de ses affluents qui s’étendent surl’ensemb<strong>le</strong> du territoire de la province. 65Le Maniema disposait autrefois d’un important secteur agrico<strong>le</strong> et produisait du riz, du maïs, dumanioc, des cacahuètes et des bananes, 66 mais <strong>le</strong>s guerres successives ont eu un effet dévastateursur sa production.Le Maniema a éga<strong>le</strong>ment un gros potentiel pour l’activité minière. C’est la quatrième province dupays en termes de richesse des sols, après <strong>le</strong> Katanga, la Province Orienta<strong>le</strong> et <strong>le</strong> Kasaï-Oriental. Lesprincipaux minerais qu’on y trouve sont la cassitérite, la wolframite, <strong>le</strong> coltan, l’or et <strong>le</strong> diamant. 67À l’époque colonia<strong>le</strong>, l’exploitation minière artisana<strong>le</strong> a décollé dans <strong>le</strong> Maniema. La province,qui constituait une zone d’exploitation majeure de l’étain, a très vite attiré diverses entreprisesprivées belges, comme Symetain, du groupe Empain, et Cobelmines. 68 En raison de la hausse dela production, <strong>le</strong>s compagnies ont commencé à industrialiser l’exploitation à la fin des années1940 et au début des années 1950. Ceci a permis une nouvel<strong>le</strong> croissance de la production, quis’est poursuivie jusqu’à la fin des années 1960, lorsque plusieurs gisements sont arrivés à quasiépuisement. Enfin en 1976, la Société minière et industriel<strong>le</strong> du Kivu (Sominki) a été créée, parla fusion de plusieurs compagnies (parmi <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s la MGL, Cobelmines et Symetain), dont <strong>le</strong>capital était détenu à 28 % par l’État du Zaïre. 69Aucun des actionnaires de la Sominki ne montrant d’intérêt réel pour la compagnie ou ne croyanten el<strong>le</strong> 70 , en partie à cause de l’iso<strong>le</strong>ment des mines du Maniema, cette dernière n’a pas été capab<strong>le</strong>de faire face à la chute des prix de l’étain sur <strong>le</strong> marché mondial en 1985. 71 Les chutes des prix quiont suivi en 1987 et en 1991 ont obligé la Sominki à limiter ses activités à la commercialisationdes minerais exploités de façon artisana<strong>le</strong> sur ses concessions. Mais la société ne payait que trèspeu ses creuseurs pour <strong>le</strong>ur production de minerais, ce qui ne l’a pas rendue très attractive auprèsd’eux et a entraîné une baisse supplémentaire de sa production.62 La province du Maniema a existé en tant qu’entité unique à partir de mai 1962, jusqu’au programme de centralisation du président Mobutuen décembre 1966. TURNER T., The Congo wars: conflict, myth & reality, Zed Books Ltd, Londres, 2007, p. 78.63 Programme des Nations unies pour <strong>le</strong> développement, Province du Maniema, Profil résumé : Pauvreté et conditions de vie de ménages, mars2009.64 International A<strong>le</strong>rt, The ro<strong>le</strong> of the exploitation of natural resources in fuelling and prolonging crises in the Eastern DRC, janvier 2010, p. 12.65 Programme des Nations unies pour <strong>le</strong> développement (2009), op. cit.66 KABANGA MUSAU Donatien, Les transformations des relations économiques dans <strong>le</strong>s zones de conflit Nord-Kivu et Maniema, PNUD, janvier2004 ; RDC Ministère du Plan, Monographie de la province du Maniema, mars 2004, pp. 41-4267 Ministère du Plan de la RDC, op. cit.68 International A<strong>le</strong>rt (2010), op.cit.69 MTHEMBU-SALTER Gregory, La dynamique socia<strong>le</strong> et économique de l’industrie minière à Kalima, RDC, Institute for Security Studies (ISS),avril 2009, p. 270 Ibidem, p. 371 International A<strong>le</strong>rt (2010), op.cit.


30 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu31À ce jour, l’exploitation industrialisée n’a pas repris, et ce malgré <strong>le</strong>s nombreux permis d’explorationémis. La production de minerais au Maniema demeure exclusivement artisana<strong>le</strong>. Le secteur minierde la province a été d’autant plus perturbé par <strong>le</strong>s guerres successives qui ont fait rage dans <strong>le</strong> pays.Les rares chiffres disponib<strong>le</strong>s pour la production indiquent qu’el<strong>le</strong> remonte à nouveau la pente cesdernières années. Cette hausse est due au nombre croissant de mineurs artisanaux arrivant dansla région, attirés par l’amélioration des conditions de sécurité depuis la fin de la guerre et par <strong>le</strong>sprix plus avantageux que <strong>le</strong>ur propose la Sakima 72 pour <strong>le</strong>ur production, puisque que <strong>le</strong>s prix desminerais se sont bien portés au niveau du marché mondial entre 2002 et 2008. 73Tab<strong>le</strong>aux 3 et 4 : Les minerais du Maniema 74TerritoiresLubutuPuniaKaseseKailoKalimaKampeneKamaKibomboBikengeSalamabila/NamoyaSud-est du territoire deKabambare (secteurs deBahombo et Babuyu)Minerais exploitésCassitérite, or et diamants. Le diamant était auparavant <strong>le</strong> minerai <strong>le</strong> plusexploité de Lubutu, mais il a perdu sa place prépondérante et <strong>le</strong>s creuseurs setournent de plus en plus vers l’exploitation d’autres minerais. 74Cassitérite, coltan, or (dans la forêt) et diamants (en grande partie abandonné).Cassitérite, ainsi que du coltan et de la wolframite en petites quantités.Cassitérite, wolframite et or (dans la forêt).Cassitérite, mais plus de wolframite.Or, ainsi que de petites quantités de cassitérite, de coltan et de wolframite.Or ainsi que de petites quantités de cassitérite.DiamantsOrOr, ainsi que de petites quantités de cassitérite.Or, coltan et cassitérite.Sources :CEEC, Statistiques généra<strong>le</strong>s sur la production et la commercialisation des substances minéra<strong>le</strong>s précieuses et semi-précieuses au Maniema,2007-2009Entretiens menés par l’IPIS avec <strong>le</strong> SAESSCAM, la MONUC et <strong>le</strong>s organisations de la société civi<strong>le</strong> à Kindu, en juin 2010Chiffres de la production de minerais par territoire, Maniema (2009)Territoires Wolframite (kg) Coltan (kg) Cassitérite (kg) Or (grammes) Diamants(carats)Kindu 68 370 995 811 213Lubutu 300 67 600 750Punia 1 925 8 750 1 016 416 2 314 671Kailo 71 679 10 745Pangi 469 783 1 023 15Kabambare 8 057 6 779Kasongo 10 305 5 904,5KibomboTotal 141 974 9 050 2 578 717 16 983,5 686Source : <strong>rapport</strong> annuel 2009 de la Division des mines de la province du Maniema72 MTHEMBU-SALTER Gregory (2009), op.cit.73 IPIS, Culprits or scapegoats? Revisiting the ro<strong>le</strong> of Belgian mineral traders in eastern DRC, mai 2009, p. 7.74 Entretien avec des responsab<strong>le</strong>s du SAESSCAM à Kindu, en juin 2010.Il y a quelques contradictions entre <strong>le</strong>s deux tab<strong>le</strong>aux présentés ci-dessus, mais ils fournissentune bonne vue d’ensemb<strong>le</strong> de la répartition géographique de l’exploitation de minerais dans laprovince du Maniema.CassitériteL’axe <strong>le</strong> plus important pour ce minerai traverse <strong>le</strong> centre de la province, allant de Kalima àKasese en incluant <strong>le</strong>s territoires de Pangi, Kindu, Kailo et Punia. D’autres territoires produisentéga<strong>le</strong>ment de la cassitérite, mais en quantités plus réduites.WolframiteLa wolframite est exploitée en particulier dans la zone qui s’étend autour du centre de Kailo. Saproduction n’est cependant pas aussi importante que cel<strong>le</strong> de la cassitérite.Or<strong>Pour</strong> l’or, une importante zone d’exploitation s’étend dans la partie sud du Maniema. Ce« sillon d’or », qui part de Twangiza, passe par Kamituga et Lugushwa et aboutit à Namoya,se trouve aussi dans <strong>le</strong>s territoires de Kabambare, au nord-ouest de Kasongo et au sud-ouestde Pangi. Il comprend entre autres <strong>le</strong>s zones minières suivantes : Namoya-Salamabila, Bikenge,Kama et Kampene.DiamantsLes territoires du nord du Maniema produisent eux aussi de l’or, mais en plus faib<strong>le</strong>s quantités.On trouve notamment plusieurs mines d’or à Lubutu et dans la partie nord de Punia. Cetterégion produisait autrefois des quantités considérab<strong>le</strong>s de diamants. Ces dernières annéescependant, la production a connu un revers, <strong>le</strong>s mineurs se tournant de plus en plus vers lacassitérite. Le territoire de Kibombo, sur la rive gauche du f<strong>le</strong>uve Congo, abrite aussi quelquesgisements de diamants.ColtanIl semb<strong>le</strong> que <strong>le</strong> territoire de Punia soit actuel<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> seul où <strong>le</strong> coltan est encore exploité enquantités importantes.PrixLes prix proposés par <strong>le</strong>s négociants aux mineurs artisanaux pour <strong>le</strong>ur production minière varienten fonction des coûts de transport, de la pureté des minerais et de la concurrence sur <strong>le</strong>s prix.Le tab<strong>le</strong>au ci-dessous donne une vue d’ensemb<strong>le</strong> de l’éventail des prix rencontrés au cours desrecherches. <strong>Pour</strong> plus de détails sur <strong>le</strong>s prix appliqués dans chacune des mines, veuil<strong>le</strong>z vousreporter à la carte accompagnant <strong>le</strong> <strong>rapport</strong>.Tab<strong>le</strong>au 5 : Prix minimums et maximums payés aux mineurs dans <strong>le</strong>s mines figurant sur lacarte accompagnant <strong>le</strong> <strong>rapport</strong>.Cassitérite Coltan OrPrix minimum 2 000 FC*/kg 8 000 FC/kg 20 000 FC/g**Prix moyen 4 508 FC/kg 13 333 FC/kg 28 904 FC/gPrix maximum 5 500 FC/kg 17 000 FC/kg 40 000 FC/g**** 1 dollar américain = un peu moins de 900 francs congolais (taux de change appliqué en juin 2010)** Données obtenues en grammes (1 g = 0,806 K)*** Le prix <strong>le</strong> plus é<strong>le</strong>vé que nos chercheurs locaux aient enregistré pour l’or est incroyab<strong>le</strong>ment é<strong>le</strong>vé (supérieur au prix du marché).L’explication la plus plausib<strong>le</strong> est qu’il y a eu une confusion entre <strong>le</strong>s différentes mesures de l’or. Étant donné qu’il y a quelques donnéesaberrantes de ce type dans cel<strong>le</strong>s qui ont été recueillies, nous en déduisons que <strong>le</strong> prix moyen de l’or est beaucoup moins é<strong>le</strong>vé que <strong>le</strong>schiffres présentés dans <strong>le</strong> tab<strong>le</strong>au.


36 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu37Tab<strong>le</strong>au 7 : Chiffres de la commercialisation de minerais dans <strong>le</strong>s comptoirs duManiema (kg)Cassitérite2007Cassitérite2008Cassitérite2009Cassitéritejanvier-juin2010Coltan2008Coltan2009GMC – Punia - - 40 500 A - - -GMC – Kalima - - 5 100 A - - -JMT 289 100 A 475 066 A - - 1 806 A -TTT Kindu - - 496 000 A 166 500 B - -TTT Punia - - 182 400 A - 8 750 ATengen MetalCongo- - 10 950 A 39 850 B - -A: Statistiques du CEECB: Statistiques de l’OCCSources: - CEEC, Statistiques généra<strong>le</strong>s sur la production et la commercialisation des substances minéra<strong>le</strong>s précieuses et semi-précieuses auManiema, 2007-2009- OCC, Exportation 2009, document manuscrit reçu en juil<strong>le</strong>t 2010Il y a cependant certains négociants en activité dans la province, qui vendent <strong>le</strong>urs mineraisdirectement aux comptoirs installés dans <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s frontalières de la RDC. À Goma et Bukavu,MPC et Olive achèteraient à Kalima et Kasese ; MDM et Panju à Kasese ; Muyeye, à Kaseseet Lubutu ; Cotracom et Namukaya achèteraient quant à eux de l’or à Bikenge. 94 D’après <strong>le</strong>sstatistiques du CEEC, <strong>le</strong>s comptoirs du Maniema exportaient 27,4 % de la cassitérite produitedans la province en 2009, tandis que <strong>le</strong> reste était transporté par <strong>le</strong>s négociants vers <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>sfrontalières. En 2008, <strong>le</strong> pourcentage ne s’é<strong>le</strong>vait qu’à 15,1 % et 17,2 l’année précédente. 95Transporteurs et compagnies de fretLa Maniema Union est une entreprise privée installée à Kindu. À sa tête se trouve <strong>le</strong> chefd’état-major des forces terrestres, <strong>le</strong> général Gabriel Amisi, éga<strong>le</strong>ment connu sous <strong>le</strong> nom deTango Fort. Il s’agit d’un ancien officier de la RCD qui a rejoint l’armée congolaise en juil<strong>le</strong>t2003. 96 La Maniema Union possède des ba<strong>le</strong>inières 97 , des camions et des avions de fret 98 .Bien qu’officiel<strong>le</strong>ment il s’agisse d’une compagnie de fret 99 , il est de notoriété publique qu’el<strong>le</strong>achète éga<strong>le</strong>ment des minerais et constitue un acteur majeur dans <strong>le</strong> transport de minerais deKalima à Goma, acheminant la cassitérite de Kalima à Kindu par la route, puis ensuite paravion jusqu’à Goma. 100Agefreco a été fondée à Bukavu en 1998 et affrète des vols entre Bukavu et plusieurs autresvil<strong>le</strong>s du Maniema pour transporter des cargaisons et des passagers. El<strong>le</strong> a été mentionnée par<strong>le</strong> groupe d’experts de l’ONU dans <strong>le</strong>s <strong>rapport</strong>s concernant la RDC en 2007 et 2008 pour avoirtransporté des minerais de Namoya à Bukavu. Durant <strong>le</strong>s recherches sur <strong>le</strong> terrain, il a été <strong>rapport</strong>équ’Agefreco acheminait des minerais depuis Kalima, Kama et Bikenge.Compagnies minièresLes compagnies minières constituent l’un des autres acteurs majeurs du commerce de minerais dans<strong>le</strong> Maniema. Certaines ont restreint <strong>le</strong>ur activité à la commercialisation des minerais extraits demanière artisana<strong>le</strong> sur <strong>le</strong>urs propres concessions. La Sominki a été la première à appliquer cetteméthode après l’effondrement de l’exploitation industriel<strong>le</strong> et son remplacement par une exploitationentièrement artisana<strong>le</strong> qui a suivi <strong>le</strong>s chutes successives du prix de l’étain en 1987 et 1991. 101La société Sakima, entreprise publique chargée des concessions de cassitérite de l’ancienneSominki, applique une politique de tolérance vis-à-vis des creuseurs de Kalima et l’exploitationartisana<strong>le</strong> des minerais est désormais devenue un fait accompli. La Sakima n’a pas l’intention derenverser la situation parce qu’el<strong>le</strong> n’a pas <strong>le</strong>s capacités nécessaires pour faire redémarrer uneexploitation industriel<strong>le</strong> et que des milliers de creuseurs dépendent de l’exploitation artisana<strong>le</strong>pour survivre. La compagnie n’est pas impliquée dans <strong>le</strong> processus de commercialisation desminerais, mais el<strong>le</strong> facture 0,15 dollar <strong>le</strong> kilogramme de cassitérite aux négociants qui l’achètentdirectement dans ses dépôts. 102La Généra<strong>le</strong> des mines au Congo (Gémico) est l’une des autres compagnies travaillant dans<strong>le</strong> secteur minier du Maniema. El<strong>le</strong> a été fondée par M. Aaron Shabani Asumani, un hommed’affaires originaire de la province. M. Shabani s’est présenté aux é<strong>le</strong>ctions pour <strong>le</strong> poste degouverneur de la province en juin 2010 et il compte parmi <strong>le</strong>s fondateurs du Mouvementde libération du Congo de Jean-Pierre Bemba. 103 Au second semestre de 2006, la Sakima aamodié plusieurs permis d’exploitation à la Gémico dans <strong>le</strong>s territoires de Lubutu (Tshamakaet Ntufia), de Punia (Saulia, Ona-Kasese et Bilu Kamabea) et de Pangi (Kampene), afin d’yrelancer l’activité minière. 104Cet arrangement a cependant rapidement été contesté par une autre compagnie, la Central AfricanResources (CAR), une filia<strong>le</strong> de Kivu Resources, qui a été créée en janvier 2007 et est éga<strong>le</strong>mentpropriétaire des sociétés Mining Processing Congo (MPC) et Metal Processing Association(MPA). 105 La CAR a signé un contrat pour reprendre la direction des concessions de cassitéritede la Sakima en 2003. Lorsque cette dernière a commencé à céder des permis d’exploitation àd’autres compagnies, la CAR a affirmé qu’el<strong>le</strong> n’y était pas autorisée à cause de <strong>le</strong>ur contrat. LaSakima a réfuté cet argument, jugeant que la CAR n’avait pas honoré ses engagements et avaitéchoué à relancer toute activité minière sur <strong>le</strong> terrain. 106 Le ministère des Mines et la Commissionde revisitation des contrats miniers ont soutenu la Sakima. 107Ces accords passés entre la Gémico et la Sakima ont très vite provoqué des conflits avec <strong>le</strong>smineurs artisanaux, à qui <strong>le</strong>s autorités loca<strong>le</strong>s interdisaient d’exploiter et de commercialiserla cassitérite, entravant encore davantage <strong>le</strong>s activités de la Gémico. 108 De plus, la compagnieétait déçue de l’état de détérioration avancé dans <strong>le</strong>quel se trouvaient <strong>le</strong>s infrastructures sur <strong>le</strong>sconcessions de l’ex-Sominki. Tout développement immédiat d’une exploitation industrialisée,tel que l’avait souhaité la Gémico, s’est révélé impossib<strong>le</strong>. Les investisseurs mécontents se sontretirés et la compagnie a décidé de concentrer son activité uniquement sur la commercialisationdes minerais. 10994 IPIS, Comptoirs 2008, tab<strong>le</strong>au disponib<strong>le</strong> sur : http://www.ipisresearch.be/mining-sites-kivus.php ; Gregory MTHEMBU-SALTER (2009),op.cit. ; entretien avec <strong>le</strong> directeur de Sakima, Feruzi Mukonde, en juin 2010 ; recherches sur <strong>le</strong> terrain par nos partenaires de l’IPIS dans<strong>le</strong> Maniema.95 CEEC, Statistiques généra<strong>le</strong>s sur la production et la commercialisation des substances minéra<strong>le</strong>s précieuses et semi-précieuses au Maniema,2007-200996 STEARNS Jason, The art of Mai-Mai negotiating, 8 février 2010 : http://congosiasa.blogspot.com/2010/02/art-of-mai-mai-negotiating.html97 Radio Okapi, Kindu: voyage inaugural du bateau MV/Ma<strong>le</strong>la vers Ubundu, 19 décembre 2008.98 En 2005, par exemp<strong>le</strong>, un avion Victoria Air Antonov 12 allant de Goma à Kindu s’est écrasé aux environs de Bita<strong>le</strong>. Il aurait été affrété parla Maniema Union. Voir Amnesty International, République démocratique du Congo : <strong>le</strong>s flux d’armes à destination de l’est, juil<strong>le</strong>t 2005, p. 64.99 Dynamique debout Maniema, Acteurs de Développement au Maniema, octobre 2008100 Entretien avec <strong>le</strong>s observateurs des ONG à Kindu, en juin 2010 ; un exemp<strong>le</strong> bien documenté est présenté dans cet artic<strong>le</strong> : Kindu : saisiede 2 tonnes de cassitérite, Radio Okapi, 17 janvier 2008.101 MTHEMBU-SALTER Gregory (2009), op.cit.102 Entretien avec <strong>le</strong> directeur de la Sakima, Feruzi Mukonde, en juin 2010.103 IPIS, Culprits or scapegoats? (2009), op.cit. p. 12.104 Ministère des Mines de la RDC, Commission de revisitation des contrats miniers, Rapport des travaux, novembre 2007, p.172.105 MPC est un important comptoir de cassitérite et de coltan basé à Goma qui possède un comptoir à Kigali et une fonderie d’étain à Gisenyi.D’après Global Witness, ce site n’est plus entièrement opérationnel. Kivu Resources, Fact Sheet, septembre 2007 ; Global Witness, Face àun fusil, que peut-on faire ?, juil<strong>le</strong>t 2009.106 MTHEMBU-SALTER Gregory (2009), op.cit.107 Ministère des Mines de la RDC et Commission de revisitation des contrats miniers (2009), op. cit. pp. 184 – 187.108 Africa Mining Intelligence, Étain : opération vil<strong>le</strong> morte contre Gémico, 6 juin 2007.109 Entretien avec Maniema Libertés à Kindu, en juil<strong>le</strong>t 2010.


38 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu39En imposant des tarifs fixes pour <strong>le</strong>s minerais sur <strong>le</strong>s marchés locaux, jugés trop bas par <strong>le</strong>s mineursartisanaux, la Gémico a davantage perdu <strong>le</strong> soutien de la population loca<strong>le</strong>. 110 Début 2009, <strong>le</strong>s Nationsunies ont signalé que <strong>le</strong>s Maï-Maï de la branche Simba forçaient <strong>le</strong>s employés de la compagnie minièreà partir parce qu’ils voulaient ouvrir <strong>le</strong>ur propre entreprise de minerais à Lubutu. 111En sus de ses activités d’exploration et d’exploitation, la Gémico possède aussi son propre comptoirà Goma. Traxys S.A., par exemp<strong>le</strong>, semb<strong>le</strong> avoir acheté de la cassitérite à la compagnie. 112 Lesstatistiques du CEEC montrent que la Gémico a exporté 60 348 kilogrammes de cassitérite duManiema en 2007 et 149 000 kilogrammes 113 entre janvier et avril 2009, après quoi el<strong>le</strong> a cesséses activités dans la province, à la suite d’attaques rebel<strong>le</strong>s. 114Un autre conflit ayant entravé l’exploitation industriel<strong>le</strong> de minerais dans la province du Maniemaa impliqué la compagnie La Quinta Resources. Cette entreprise minière canadienne, présenteen RDC depuis 2006, exploite deux concessions dans <strong>le</strong> Maniema. Le projet de Kampene,qui s’étend sur 49 kilomètres carrés, lui est amodié par l’Association minière du Kivu S.P.R.L.(AMIKI). Il est constitué d’un permis d’exploration et d’un permis minier limité à l’exploitationet la commercialisation des minerais de la concession, qui contient notamment de l’or et de lacassitérite. 115L’autre projet de La Quinta au Maniema est composé d’un ensemb<strong>le</strong> de 32 permis d’exploration,couvrant une surface de 7 010 kilomètres carrés. La concession est située entre deux projets de laBanro Corporation, Lugushwa et Namoya, dans la ceinture d’or de Twangiza - Namoya, et s’étendsur quelques 120 kilomètres vers l’ouest. BelgikaOr exploitait la région avant la décolonisation,principa<strong>le</strong>ment pour son or alluvial, mais el<strong>le</strong> reste largement inexplorée. Actuel<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong>spermis d’exploration sont détenus par la société congolaise Wa Ba<strong>le</strong>ngela Kasai-InvestmentsCongo S.P.R.L. (WBK), qui a signé un protoco<strong>le</strong> d’accord avec La Quinta en août 2006 afinde former une joint-venture pour explorer la région. 116 L’accord a cependant été contesté par laBanro Corporation, car sa filia<strong>le</strong> congolaise, la Banro Congo Mining S.A.R.L., avait soumis unedemande pour ces mêmes propriétés en 2003. WBK revendique néanmoins la priorité d’obtentionpour ce permis, en invoquant <strong>le</strong> fait qu’el<strong>le</strong> avait rempli une demande de ZER (zones exclusives derecherche) lorsque l’ancien Code minier était en vigueur. La Banro a contesté cette revendication. 117WBK et La Quinta ont signé des accords formels après que la première de ces sociétés a reçu <strong>le</strong>spermis d’exploration signés du gouvernement congolais en mars 2008. 118 Dès fin 2008, cependant,la WBK a demandé à ce que la joint-venture soit rompue parce que La Quinta n’était pas enmesure d’assurer ses obligations financières. La compagnie minière canadienne a expliqué qu’el<strong>le</strong>manquait de moyens financiers en raison de la crise économique mondia<strong>le</strong> et que <strong>le</strong>s incertitudessur la situation politique du pays la dissuadaient d’investir. 119110 Ibid.111 Source écrite confidentiel<strong>le</strong> de l’ONU.112 IPIS, Culprits or scapegoats (2009), op. cit.113 Un document de l’OCC, Exportation 2009, mentionne <strong>le</strong> chiffre de 147 254 kg.114 CEEC, Statistiques généra<strong>le</strong>s 2007-2009, op. cit.115 http://www.laquintaresources.com/project_kampene.php116 http://www.laquintaresources.com/project_south_maniema.php117 Ce conflit a été expliqué dans <strong>le</strong> communiqué de presse de la Banro : Banro Responds To Statements Regarding Status Of Properties AppliedFor, 21 mars 2007 ; Le point de vue de La Quinta sur ce conflit peut être consulté dans <strong>le</strong> document suivant : Marketwire, La QuintaResources Corporation: WBK Commences Court Action Against Banro sprl in Democratic Republic of Congo, 2 février 2007.118 Marketwire, La Quinta Signs Final Agreements for the Acquisition of 7,010 Sq Km in Maniema South Kivu Gold Belt-DRC, 23 avril 2008.119 Mining Weekly, Canadian junior walks away from DRC JV, 18 novembre 2008 ; Marketwire, La Quinta Works to Re-Negotiate Terms of CongoJoint Venture, Directors Bodika, Morton and Gee Resign, 4 novembre 2008 ; Marketwire, La Quinta Receives Termination Notice for Congo JointVenture, 18 novembre 2008.La Banro Corporation est une importante compagnie minière du Maniema. Au milieu des années1990, el<strong>le</strong> s’est investie financièrement dans la société Sominki, puis a racheté au cours des annéessuivantes <strong>le</strong>s parts d’un autre actionnaire et négocié un nouveau marché avec <strong>le</strong> gouvernementcongolais. En février 1997, el<strong>le</strong> détenait 93 % des parts de la Sominki. Pendant la guerre, cettedernière a été remplacée par la Sakima et la compagnie Banro a fini par entrer en conflit avec <strong>le</strong>gouvernement, puis avec <strong>le</strong>s rebel<strong>le</strong>s de la RCD, concernant <strong>le</strong>s concessions de l’ancienne Sominki.Le 18 avril 2002, Kinshasa et la Banro Corporation ont résolu <strong>le</strong>ur différend en signant un accord.La compagnie a ainsi obtenu <strong>le</strong>s droits sur 35 des anciennes concessions de la Sakima, notammentcel<strong>le</strong>s de la ceinture d’or de Twangiza-Namoya, tandis que <strong>le</strong>s concessions de cassitérite restaiententre <strong>le</strong>s mains de la société Sakima, devenue une entreprise publique à part entière. 120La concession de Namoya se situe dans la partie nord du territoire de Kabambare, dans la provincedu Maniema. C’est la propriété de la Namoya Mining S.A.R.L., une filia<strong>le</strong> de la Banro. Il s’agitd’un permis d’exploitation sur une zone de 174 kilomètres carrés. La concession abrite cinqgisements : Mwendamboko, Muviringu, Kakula, Namoya Summit et <strong>le</strong> Filon B. Aucune activitéminière officiel<strong>le</strong> ne se dérou<strong>le</strong> actuel<strong>le</strong>ment à Namoya, mais des milliers de creuseurs y exploitentl’or alluvial et primaire illéga<strong>le</strong>ment. 121En 2006, une ONG loca<strong>le</strong> a affirmé que la Banro exploitait déjà l’or de sa concession de Namoyade manière industriel<strong>le</strong> et qu’el<strong>le</strong> exportait l’or brut directement à Dar-Es-Salaam. 122 La Banro estprésente à Namoya depuis décembre 2004 mais a démenti ces accusations et a déclaré n’en avoirpas encore terminé la phase d’exploration. 123La présence de la compagnie sur ses concessions de Namoya a rapidement suscité <strong>le</strong> mécontentementlocal, lorsque <strong>le</strong>s autorités provincia<strong>le</strong>s se sont mises à expulser <strong>le</strong>s mineurs artisanaux des minesd’or. Les mineurs ont revendiqué <strong>le</strong> fait qu’ils avaient obtenu des permis d’exploitation de la partdes autorités loca<strong>le</strong>s et provincia<strong>le</strong>s. Mais la Division des mines du Maniema a déclaré que cespermis n’étaient plus valab<strong>le</strong>s étant donné que <strong>le</strong> ministère des Mines à Kinshasa avait cédé à lafirme <strong>le</strong>s droits sur la concession de Namoya. 124Vue d’ensemb<strong>le</strong> des voies de transport 125Lubutu :Les diamants sont principa<strong>le</strong>ment transportés par la route jusqu’à Kisangani, car <strong>le</strong>s comptoirs ysont bien installés et la route est en bon état. L’or semb<strong>le</strong> lui aussi être acheminé principa<strong>le</strong>mentvers Kisangani, mais <strong>le</strong> coltan et la cassitérite sont transportés par avion à Goma. Il semb<strong>le</strong>raitqu’une grande partie des minerais exploités dans <strong>le</strong> groupement de Musafiri soit acheminée versla vil<strong>le</strong> voisine de Punia.Punia :La production de diamants y a été largement abandonnée. Cel<strong>le</strong> qui reste (limitée) est transportéeà Lubutu et à Kindu, puis de Kindu à Kinshasa. La cassitérite et <strong>le</strong> coltan provenant des minesréparties autour du centre de Punia et de Kasese sont acheminés par avion à Goma, tandis quel’or est envoyé à Bukavu.120 JOHNSON D., TEGERA A., Digging deeper: How the DR Congo’s mining policy is failing the country, Po<strong>le</strong> Institute, décembre 2005, p. 35.121 SENET, Preliminary assessment NI 43-101 technical report, Namoya Gold Project, Maniema Province, Democratic Republic of Congo, <strong>rapport</strong>commandé par la Banro Corporation, 17 août 2007, p. 57.122 Maniema Libertés (2006), op. cit.123 JOHNSON D., TEGERA A., (2005), op. cit. p. 37.124 Radio Okapi, Maniema : Les exploitants artisanaux des mines d’or de Kabambare expulsés de <strong>le</strong>urs concessions au profit de la firme BANRO, 25août 2005.125 Entretiens avec plusieurs organisations de la société civi<strong>le</strong>, la Division des mines de la province du Maniema et <strong>le</strong> SAESSCAM en juin 2010 ;Maniema Libertés (2006), op. cit.


40 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu41Kailo :La cassitérite et la wolframite provenant de la zone autour du centre de Kailo sont emmenéespar la route jusqu’à Kindu, en passant par la vil<strong>le</strong> principa<strong>le</strong> de la zone. Les minerais de Kumba-Basoko et de Zamba-Zamba, dans l’est du territoire de Kailo, sont transportés à Kalima en raisonde sa proximité. Le minerai d’or du bassin fluvial de l’Ulindi, à la frontière entre <strong>le</strong>s territoires deKailo et de Punia, passe éga<strong>le</strong>ment par Kalima.Pangi :Les minerais qui arrivent à Kindu en provenance de Kailo et de Kalima sont ensuite transportéspar avion vers Goma. De Kalima, <strong>le</strong>s minerais sont acheminés par la route jusqu’à Kindu (environ50 %) 126 et par avion de Kinkungwa à Bukavu et, dans une moindre mesure, à Goma. Lesnégociants de Kalima sont principa<strong>le</strong>ment d’origine Bashi (du Sud-Kivu) et Nande (Nord-Kivu).La présence Bashi est plus importante, c’est pourquoi <strong>le</strong> nombre de rotations entre Kalima etBukavu est plus important. 127Les minerais provenant de Kama et Kampene sont acheminés directement par avion vers <strong>le</strong>sprovinces du Kivu. Ces deux zones minières produisent principa<strong>le</strong>ment de l’or, qui est transportéen priorité à Bukavu.Kasongo :Bikenge bordant Kama, dans <strong>le</strong> territoire de Pangi, <strong>le</strong> commerce de minerais y est par conséquentorienté vers Kama. Sa production d’or est évacuée via des pistes aériennes situées à Kamaet Lusenge, vers <strong>le</strong> territoire de Shabunda du Sud-Kivu. Mais la piste de Kama a été ferméetemporairement à cause d’un boycott de certains acteurs économiques, qui a suivi la décision dugouverneur du Maniema d’interdire l’accès à la piste de Lusenge aux négociants de Bikenge. 128Kabambare :La production d’or de Salamabila est transportée par avion jusqu’à Bukavu. Le coltan, la cassitériteet l’or du secteur de Bahombo seraient apparemment acheminés par la route jusqu’à Kabeya, dans<strong>le</strong> secteur de Babuyu. De là, ils partent avec la cassitérite et l’or produits à Babuyu par la route, àdestination de Fizi et d’Uvira.2.4 Présence de groupes armés et violations des droits de l’hommeD’un point de vue sécuritaire, <strong>le</strong> Maniema est calme comparé aux provinces des Kivu. Danstrois territoires cependant (Lubutu, Punia et Kabambare), des incursions de groupes armésont été signalées, ainsi que des extorsions et des confrontations armées, en particulier dans <strong>le</strong>ssecteurs orientaux, près de la frontière kivutienne. En outre, des conflits liés à la terre opposent <strong>le</strong>scommunautés dans d’autres territoires, comme ceux de Pangi et Kailo par exemp<strong>le</strong>. 129 Bien que lasituation généra<strong>le</strong> soit plutôt paisib<strong>le</strong> et en dépit de l’existence de zones minières où il semb<strong>le</strong>raitqu’il n’y ait aucune présence militaire, <strong>le</strong>s ressources naturel<strong>le</strong>s représentent tout de même unfacteur de motivation pour <strong>le</strong>s groupes armés dans <strong>le</strong> Maniema.Les paragraphes suivants présentent quelques cas illustrant l’implication de groupes armés,rebel<strong>le</strong>s et des FARDC dans <strong>le</strong> secteur minier du Maniema. Il ne s’agit pas d’une liste exhaustivedes zones minières militarisées de la province, mais d’un ensemb<strong>le</strong> d’exemp<strong>le</strong>s notab<strong>le</strong>s quiéclaireront <strong>le</strong> problème. 130126 Entretien avec <strong>le</strong> directeur de la Sakima, Feruzi Mukonde, en juin 2010.127 Entretien avec un expert local, en juin 2010.128 Le Potentiel, Maniema - Les populations de Kama et Wakabango se regardent en chiens de faïence, 8 mars 2010.129 IPIS, <strong>rapport</strong> non publié commandé par <strong>le</strong> Programme des Nations unies pour l’environnement, 2010.130 IPIS, <strong>rapport</strong> non publié commandé par <strong>le</strong> Programme des Nations unies pour l’environnement, 2010.KaseseLa vil<strong>le</strong> de Kasese se situe dans <strong>le</strong> centre du secteur de Babira Bakwame, dans <strong>le</strong> territoire dePunia, un secteur devenu bien connu pour sa production de cassitérite. Kasese était autrefois unimportant producteur de riz et d’hui<strong>le</strong> de palme, mais ses activités agrico<strong>le</strong>s ont cessé, remplacéespar l’exploitation minière artisana<strong>le</strong>. 131 À l’heure actuel<strong>le</strong>, toute la nourriture doit être importéedes provinces du Kivu. Cependant, <strong>le</strong> secteur ne pouvant être atteint qu’à pied ou par avion,l’approvisionnement se fait entièrement par voie aérienne.Le problème de l’accès aux ressources naturel<strong>le</strong>s de Kasese est un facteur d’alimentation majeur desconflits locaux et de nombreux incidents sécuritaires. Les conflits locaux proviennent de tensionsethniques entre <strong>le</strong>s BaKwame et <strong>le</strong>s BaBira. Les BaKwame constituent un groupe minoritaire bienreprésenté dans <strong>le</strong>s six groupements du secteur, y compris la vil<strong>le</strong> de Kasese, où ils sont majoritaires.Ils sont considérés comme <strong>le</strong>s détenteurs coutumiers des titres de propriété de la terre alors que <strong>le</strong>sBaBira sont perçus comme de nouveaux arrivants, mais constituent dans <strong>le</strong>s faits la populationmajoritaire du secteur dans son ensemb<strong>le</strong>. Ils occupent aussi une place prépondérante au sein dupouvoir administratif et ont par conséquent plus d’influence sur la distribution des titres miniers.C’est un motif de frustration important pour <strong>le</strong>s BaKwame, qui <strong>le</strong> perçoivent comme une violationde <strong>le</strong>urs droits coutumiers. Cette discorde pourrait être instrumentalisée par <strong>le</strong>s factions armées.Il faut souligner que la présence de groupes armés se manifeste uniquement sous forme d’incursions,puisqu’il n’existe aucune base armée dans <strong>le</strong> secteur de Babira Bakwame. Les Maï-Maï du groupeSimba, qui viennent du territoire de Walika<strong>le</strong> (à ne pas confondre avec <strong>le</strong>s Simba du généralMando, qui opèrent dans <strong>le</strong> territoire de Lubutu), sont attirés par <strong>le</strong>s ressources naturel<strong>le</strong>s deKasese et affrontent tous <strong>le</strong>s quelques mois <strong>le</strong>s FARDC. En juil<strong>le</strong>t 2010, par exemp<strong>le</strong>, ces dernièresont affronté <strong>le</strong>s Maï-Maï du groupe Simba sur <strong>le</strong>s sites de Pumuzika et d’Ujumo, à l’ouest deKasese, lorsque <strong>le</strong>s rebel<strong>le</strong>s ont tenté d’en prendre <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong>. 132Les FARDC, censées protéger la population et aider à consolider la stabilité, font bien souventexactement <strong>le</strong> contraire. Depuis <strong>le</strong>s opérations militaires de Kimia II, la présence des FARDC esten augmentation et <strong>le</strong>s soldats essaient souvent de prendre <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> des mines et de pil<strong>le</strong>r lapopulation loca<strong>le</strong>. En mai 2010 par exemp<strong>le</strong>, des membres des FARDC, sous <strong>le</strong> commandementd’un certain Éric Malonga, ont volé 400 kilogrammes de cassitérite à la mine de MwameMokota. 133 On <strong>rapport</strong>e même que certains éléments de la 7 e région militaire (Maniema) et dela 10 e région militaire (Sud-Kivu) des FARDC se sont affrontés pour <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> de sites miniers.Outre <strong>le</strong>s extorsions pratiquées par <strong>le</strong>s FARDC, il semb<strong>le</strong>rait que d’autres services publics, tels quela PNC, la DGM, l’ANR etc. harcè<strong>le</strong>nt et extorquent <strong>le</strong>s civils dans la vil<strong>le</strong> minière de Kasese. 134Kasese subit aussi des incursions régulières de la coalition des FDLR et des Maï-Maï du groupeCheka depuis <strong>le</strong>s opérations de Kimia II. Le secteur de Babira Bakwame, dans <strong>le</strong> territoire dePunia, est victime d’une augmentation des incursions des FDLR, en coalition avec <strong>le</strong>s Cheka duterritoire de Walika<strong>le</strong>, dans <strong>le</strong> Nord-Kivu. 135 À Kasese, cette alliance rebel<strong>le</strong> limite ses activités aupillage des stocks de minerais, que l’on trouve sur presque tous <strong>le</strong>s sites miniers. 136 En février, <strong>le</strong>s131 Les deux guerres successives du Congo ont eu un effet dévastateur sur <strong>le</strong> secteur agrico<strong>le</strong> du Maniema. L’insécurité dans <strong>le</strong>s campagnesa poussé <strong>le</strong>s populations vers <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s, ce qui a représenté une grosse perte de main-d’œuvre. Cette tendance s’est aggravée lorsque<strong>le</strong>s gens se sont tournés vers l’exploitation minière dans l’espoir de faire des profits rapides. L’insécurité et <strong>le</strong> mauvais état des routesempêchaient <strong>le</strong>s agriculteurs restés dans la région d’atteindre <strong>le</strong>s marchés. En outre, il y avait un manque d’équipements agrico<strong>le</strong>sadaptés, à cause des vols ou parce que <strong>le</strong>s agriculteurs <strong>le</strong>s laissaient derrière eux lorsqu’ils fuyaient. La plupart de ces observations sonttoujours valab<strong>le</strong>s aujourd’hui. De plus, dans <strong>le</strong>s zones où l’activité minière est en p<strong>le</strong>ine expansion, et comme la richesse des gisementsattire des immigrants, la demande en nourriture (et en produits agrico<strong>le</strong>s plus généra<strong>le</strong>ment) augmente, provoquant une pénurie et uneaugmentation des prix. (Source : IPIS, <strong>rapport</strong> non publié commandé par <strong>le</strong> Programme des Nations unies pour l’environnement, 2010).132 Source écrite confidentiel<strong>le</strong> de l’ONU.133 Radio Okapi, Des soldats des FARDC pil<strong>le</strong>nt la carrière de Mwame à Kasese, 20 mai 2010.134 Source écrite confidentiel<strong>le</strong> de l’ONU.135 Ibid.136 Selon une source de l’ONU, <strong>le</strong>s travail<strong>le</strong>urs stockent <strong>le</strong>s minerais car ils préfèrent <strong>le</strong>s transporter en gros chargements jusqu’aux pistesaériennes en passant par la forêt.


42 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu43rebel<strong>le</strong>s ont pillé la mine D 25 dans la zone de Nkumwa, brûlant un grand nombre de huttes, tuantdeux soldats, volant près d’une tonne de cassitérite et prenant 50 civils en otage pour porter <strong>le</strong>urbutin. 137 Une incursion des FDLR au début du mois de mai dans la mine de Ka<strong>le</strong>nda s’est quantà el<strong>le</strong> soldée par la prise en otage de 450 civils et <strong>le</strong> vol d’environ deux tonnes de cassitérite. 138Le parc national de la MaikoLa partie sud-ouest du parc national de la Maiko, qui s’étend dans <strong>le</strong> Maniema, la ProvinceOrienta<strong>le</strong> et <strong>le</strong> Nord-Kivu, se trouve dans <strong>le</strong> territoire de Lubutu.Dans ce territoire, <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> des sites miniers à l’intérieur et autour du parc fait l’objetd’affrontements vio<strong>le</strong>nts entre <strong>le</strong>s FARDC et certaines factions rebel<strong>le</strong>s armées, comme cel<strong>le</strong> desSimba du général Mando, des FDLR et des Maï-Maï. Les conditions de sécurité et <strong>le</strong> respect desdroits de l’homme se sont détériorés de manière significative depuis décembre 2009, suite à uneaugmentation de la présence des FARDC sur <strong>le</strong> territoire.Les rebel<strong>le</strong>s Simba sont présents dans <strong>le</strong> parc de la Maiko depuis plus de 40 ans. Le passage du tempsa estompé <strong>le</strong>urs motivations politiques et il semb<strong>le</strong> désormais que l’exploitation des ressourcesnaturel<strong>le</strong>s du parc constitue la seu<strong>le</strong> raison de <strong>le</strong>ur présence dans la région. Apparemment, <strong>le</strong>sSimba contrô<strong>le</strong>nt l’accès aux mines d’or, de diamants, de coltan et de cassitérite du parc de laMaiko et font payer des taxes illéga<strong>le</strong>s aux creuseurs. Au cours d’une visite sur <strong>le</strong> terrain effectuéepar l’IPIS en octobre 2009, <strong>le</strong>s autorités provincia<strong>le</strong>s ont déclaré qu’en raison de l’iso<strong>le</strong>mentgéographique des zones du parc où <strong>le</strong>s rebel<strong>le</strong>s sévissent, el<strong>le</strong>s considéraient <strong>le</strong>s Simba comme undanger environnemental plus qu’humanitaire.Depuis, la situation a évolué de façon spectaculaire, après que des combats vio<strong>le</strong>nts ont eu lieuentre <strong>le</strong>s FARDC et <strong>le</strong>s rebel<strong>le</strong>s Simba en décembre 2009. Les conditions de sécurité se sontparticulièrement détériorées entre Bitu<strong>le</strong> et Osso, dans <strong>le</strong>s villages longeant la route entre Lubutuet Walika<strong>le</strong> (Obogena, Amisi, Salibollo, Munge<strong>le</strong> Kingombe et Kapuluma). La population danscette zone, à l’est de la col<strong>le</strong>ctivité de Bitu<strong>le</strong>, serait apparemment en majeure partie du côté desSimba, <strong>le</strong> chef de la rébellion, <strong>le</strong> général Mando, étant originaire de Munge<strong>le</strong>. 139 Dans cette région,<strong>le</strong> 104 e bataillon de la 10 e brigade de la 9 e région militaire de Kisangani des FARDC 140 s’estmontré vio<strong>le</strong>nt envers la population, qu’il accusait d’avoir coopéré avec <strong>le</strong>s rebel<strong>le</strong>s. Selon <strong>le</strong>sautorités loca<strong>le</strong>s, entre 8 000 et 10 000 civils ont été déplacés. 141 50 % de ces déplacés internesont fui à Walika<strong>le</strong>, 20 % dans la vil<strong>le</strong> de Lubutu et 30 % dans la forêt. 142Il a été signalé que <strong>le</strong>s Simba sont en train de former une alliance avec <strong>le</strong>s FDLR et <strong>le</strong>s Maï-Maï dugroupe Cheka, basés dans <strong>le</strong> territoire de Walika<strong>le</strong>, qui souhaitent éga<strong>le</strong>ment profiter des richessesminéra<strong>le</strong>s de Lubutu. Il faut noter que l’implication de la coalition FDLR/ Maï-Maï du groupeCheka dans <strong>le</strong> secteur minier de Bitu<strong>le</strong> n’est pas du même ordre que <strong>le</strong>urs activités de pillageà Kasese. Dans <strong>le</strong> secteur de Bitu<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s rebel<strong>le</strong>s tentent de contrô<strong>le</strong>r des mines, bien qu’ils nedisposent d’aucune base sur place. Leur présence a été signalée en particulier près de la frontièreavec Walika<strong>le</strong>, dans <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctivités de Batike, Mandimba et Batikamvanga. 143Les FDLRLes opérations militaires de Kimia II, dans <strong>le</strong>s provinces du Kivu, ont forcé <strong>le</strong>s rebel<strong>le</strong>s des FDLRà se déplacer vers l’ouest. Depuis juil<strong>le</strong>t 2009, l’afflux des FDLR au Maniema a augmenté de137 Radio Okapi, Kindu: 2 militaires FARDC tués, 50 personnes déportées, bilan d’une attaque des FDLR à Nkumwa, 10 février 2010.138 Radio Okapi, Retour au calme à la cité minière de Ka<strong>le</strong>nda, 9 mai 2010.139 Source écrite confidentiel<strong>le</strong> de l’ONU.140 GRAADE, Rapport Circonstancié de monitoring sur la situation humanitaire et des droits humains dans <strong>le</strong>s localités de Osso et Munge<strong>le</strong> enterritoire de Lubutu, Province de Maniema/RDC, 19 janvier 2010.141 Source écrite confidentiel<strong>le</strong> de l’ONU, avril 2010142 GRAADE (2010), op. cit.143 Source écrite confidentiel<strong>le</strong> de l’ONU.manière significative et <strong>le</strong>ur présence a été signalée dans <strong>le</strong>s territoires de Lubutu, Punia, Pangi etKabambare.Les activités des FDLR à Lubutu et dans <strong>le</strong> territoire de Punia ont été traitées ci-dessus. À Kabambare,où <strong>le</strong>s FDLR sont présentes depuis longtemps, el<strong>le</strong>s possèdent un bataillon composé d’environ 400 à500 combattants qui opère <strong>le</strong> long de l’axe Kabeya-Kasanga, dans <strong>le</strong> secteur de Babuyu, parallè<strong>le</strong> àla frontière avec <strong>le</strong> territoire de Fizi, dans <strong>le</strong> Sud-Kivu. 144 Apparemment, il s’agit de la seu<strong>le</strong> unité desFDLR au Maniema, avec une base permanente dans la province el<strong>le</strong>-même. Installés dans <strong>le</strong>s collinesentourant Kasanga, <strong>le</strong>s rebel<strong>le</strong>s lancent des incursions tous <strong>le</strong>s mois dans la zone qui s’étend au sud,de Kimano II à Kasanga, volant des minerais, du poisson ainsi que d’autres denrées alimentaires. Lapopulation est souvent prise en otage pour porter <strong>le</strong> butin jusqu’au repère des rebel<strong>le</strong>s. 145 On signa<strong>le</strong>aussi une activité des FDLR dans la réserve de Luama, un domaine de chasse du secteur de Babuyu,dans <strong>le</strong>quel el<strong>le</strong>s chassent et exploitent <strong>le</strong>s minerais. 146Depuis décembre 2009, une diminution des mouvements des FDLR a pu être observée dans <strong>le</strong>territoire de Kabambare, entraînant une amélioration des conditions de sécurité. C’est peut-êtrela conséquence de l’installation de soldats des FARDC à Wamaza, Salamabila et dans la vil<strong>le</strong>principa<strong>le</strong> de Kabambare. Il a même été <strong>rapport</strong>é que <strong>le</strong>s FDLR avaient abandonné <strong>le</strong>urs basesdans <strong>le</strong> secteur de Babuyu. 147 De récentes observations sur <strong>le</strong> terrain ont cependant permis deconstater des incursions des FDLR dans cette zone. 1482.5 ConclusionLe sous-sol du Maniema renferme d’importants gisements de minerais. Bien que l’exploitationindustriel<strong>le</strong> ait disparu au début des années 90, <strong>le</strong>s mineurs artisanaux ont maintenu la productionminière de la province ces dernières années. Le Maniema fournit notamment des quantitésconsidérab<strong>le</strong>s de cassitérite à Goma et à Bukavu.Le Maniema lui-même, cependant, ne bénéficie pas assez de ses richesses minières. En raison dumauvais état des infrastructures de transport, la majorité de sa production minière est exportéepar avion vers <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s frontalières des Kivu, depuis des pistes d’envol dispersées dans toute laprovince. En conséquence, cette dernière n’abrite que quelques comptoirs et un grand nombre denégociants vendent <strong>le</strong>urs minerais directement aux comptoirs de Goma et Bukavu.Plusieurs compagnies minières sont ou ont été présentes dans la province, mais l’exploitationindustrialisée des minerais n’a pas repris, en dépit des nombreux permis d’exploration qui ont étédélivrés aux compagnies. Plusieurs raisons peuvent expliquer cet échec des compagnies minières àfaire redémarrer l’exploitation industrialisée : problèmes financiers, manque d’investissements decapitaux, conflits avec <strong>le</strong>s mineurs locaux et avec <strong>le</strong>s autres compagnies minières, <strong>le</strong> tout s’ajoutantà un contexte d’insécurité. Certaines se sont reconverties dans la commercialisation des mineraisexploités par <strong>le</strong>s mineurs artisanaux sur <strong>le</strong>urs concessions.Le problème des rebel<strong>le</strong>s et des unités de l’armée qui tirent profit de l’exploitation minière est unphénomène très répandu dans l’est de la RDC. Comparées à la situation des Kivu, <strong>le</strong>s provincesvoisines, <strong>le</strong>s conditions de sécurité du Maniema sont en général plutôt calmes et une grandepartie des zones minières n’est marquée par aucune présence militaire. La plupart des mineraisproduits dans la province, comme ceux de Kalima par exemp<strong>le</strong>, pourraient donc être qualifiés de« minerais propres ».144 Source écrite confidentiel<strong>le</strong> de l’ONU.145 Entretien avec la MONUC à Kindu, en juin 2010.146 Entretien avec la Division de l’environnement du Maniema, en octobre 2009.147 Source écrite confidentiel<strong>le</strong> de l’ONU.148 Entretien avec la MONUC à Kindu, en juin 2010.


44 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu45Il existe cependant des zones d’exploitation minière qui subissent la présence de forces armées,des incursions régulières de la part de groupes armés et des extorsions des unités de l’armée etdes autorités civi<strong>le</strong>s. Ce chapitre a mis en avant plusieurs cas de violations des droits de l’hommecommises par des éléments appartenant aux FARDC à cause de <strong>le</strong>ur implication dans <strong>le</strong> secteurminier de la province (pour davantage d’exemp<strong>le</strong>s, se reporter à la carte numérique accompagnant<strong>le</strong> chapitre). Une réforme complète du système sécuritaire est donc absolument nécessaire pourrestaurer la sécurité dans <strong>le</strong> secteur minier du Maniema et lui permettre de se développer.Mais cela seul ne sera pas suffisant. Il faudra combiner cette solution avec un processus durab<strong>le</strong>de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) afin de convaincre <strong>le</strong>s groupes rebel<strong>le</strong>s,comme <strong>le</strong>s Rahiya Mutomboki et <strong>le</strong>s Simba, de se démobiliser. Ces processus de DDR devraientse concentrer sur <strong>le</strong>s anciens combattants auto-démobilisés, comme <strong>le</strong>s ex-rebel<strong>le</strong>s Maï-Maï dugénéral Kalonda Pamphilé, dans l’est du territoire de Kailo. À ce jour, dans l’arrière-pays de l’est,ces processus n’ont pas vraiment été complétés.Le principal obstac<strong>le</strong> qui empêche <strong>le</strong> Maniema d’expurger son secteur minier et de générer desrevenus pour la province demeure cependant <strong>le</strong> mauvais état de ses infrastructures de transport.Une réhabilitation des routes et de la voie ferrée dans la province permettrait de désenclaver <strong>le</strong>szones minières isolées du Maniema et aiderait Kindu à jouer un rô<strong>le</strong> plus central dans <strong>le</strong> secteurminier de la province. Rétablir la ligne de chemin de fer vers <strong>le</strong> Katanga et <strong>le</strong>s grands axes detransport vers <strong>le</strong>s Kivu ferait diminuer <strong>le</strong> besoin de recourir au transport aérien, qui est trèsonéreux, ainsi que <strong>le</strong>s prix des minerais et ferait aussi augmenter la part de revenus de la province.


46 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu47L AFRICAN REPUBLICBomu ReserveBas-Ue<strong>le</strong>AketiBasokoumaIsangiOpalational ParkRD CongoBomu Hunting ÉquateurDomainBili-Uere Hunting DomainManiemaSud-KivuBandunduKinshasaKasaï OrientalBas CongoKasaï OccidentalAngoBanaliaTshopoBafwasendeKisanganiEpi ReserveNiangaraIsiroBas-Ue<strong>le</strong>Maika-Penge Hunting DomainAzande AérodromeHunting DomainDunguPokoRunguWatsaBafwasendeBafwabalingaWambaBomiliMakaAvakubiNia-NiaEpuluBeniButemboGomaGaramba National ParkCassitériteGangala-na Bodio Hunting DomainWolframiteMondo-Missa Hunting DomainFaradjeAruHaut-Ue<strong>le</strong>IturiMambasaRéserve de faune à okapisBuniaMambasaBafwanduoTeturiLwembaBigbuluBiakatoGroupement de BakaikoKeniaBellaNdongaElongaOpiengeBalobeLuberoIrumuKomandaUbunduParc national de la MaikoLac EdouardLubutuNord-KivuLubutuRéserve de Lomami-LualabaPuniaSud-est de la Province Orienta<strong>le</strong>Sud-est de la Province Orienta<strong>le</strong>PuniaProvince Orienta<strong>le</strong>Nord-KivuNgayuNgayuRivière IturiManiemaChef-lieu de provinceChef-lieu de district/Vil<strong>le</strong>Chef-lieu de territoireChef-lieu de col<strong>le</strong>ctivitéChef-lieu de groupementLocalitéVillageAéroport internationalAutreKatangaRoute asphaltéeRivière Rivière IturiIturiManguredjipaLuberoWalika<strong>le</strong>RutshuruRutshuruWalika<strong>le</strong>MasisiMasisiSUDANAéroport national de première classeZones minièresPisteLake KivuRivière IturiBeniParc nationalRéserve de chasseRéserve naturel<strong>le</strong> protégéeLacÉTATDistrictProvinceTerritoireCheminVoie ferréeColtanCours d'eaukm0 2550 100RWANDAAriwaraMahagiDjuguLac AlbertOUGANDATANZANIECarte établie par l'IPIS (Sources: IPIS, Référentiel géographique South Kivucommun, Musée royal de l'Afrique centra<strong>le</strong>)OrDiamantChapitre 3 : Territoires de Bafwasende et Mambasa(Filip Hilgert et Rachel Perks)3.1 Les minerais des territoires de Bafwasende et MambasaLa Province Orienta<strong>le</strong> s’étend sur 503 239 kilomètres carrés et représente 22 % du territoirenational. Sa population s’élève à 6,6 millions d’habitants (soit 12 % de la population tota<strong>le</strong>), avecune moyenne de 4,7 personnes par foyer. La capita<strong>le</strong> administrative est Kisangani et la provincecomporte quatre districts (Bas-Ue<strong>le</strong>, Haut-Ue<strong>le</strong>, Tshopo, Ituri). Environ 75,5 % de la populationvit dans la pauvreté, avec un revenu mensuel de 25 dollars américains par foyer. L’agricultureconstitue <strong>le</strong> principal moyen de subsistance pour 84 % de la population (manioc, plantain et riz)et la province a une tradition de culture du café, du cacao et de l’hui<strong>le</strong> de palme. L’é<strong>le</strong>vage et lapêche constituent éga<strong>le</strong>ment des activités importantes. 149Les minerais jouent eux aussi un rô<strong>le</strong> économique important pour une grande part de lapopulation de la province, bien qu’à un niveau largement informel. D’un point de vue historique,l’exploitation minière à grande échel<strong>le</strong> a joué un rô<strong>le</strong> primordial dans l’économie de la partie estde la Province Orienta<strong>le</strong>, mais aujourd’hui, cette exploitation est principa<strong>le</strong>ment artisana<strong>le</strong> et sefait à petite échel<strong>le</strong>.Ce chapitre ne traite pas de toutes <strong>le</strong>s mines à travers <strong>le</strong> territoire de la province 150 , mais seconcentre plutôt sur cel<strong>le</strong>s qui se trouvent dans <strong>le</strong>s zones <strong>le</strong>s moins connues, qui bordent <strong>le</strong> Nord-Kivu, c’est-à-dire la partie sud du territoire de Bafwasende (district de Tshopo) et <strong>le</strong> territoirede Mambasa (district de l’Ituri). Ces arrière-pays approvisionnent principa<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>smarchandes de Butembo, Beni et Bunia. Les minerais <strong>le</strong>s plus exploités dans ces zones sont l’or,<strong>le</strong>s diamants, la cassitérite, <strong>le</strong> coltan et la wolframite.DiamantsLes diamants, bien qu’ils représentent une importante source de revenus pour <strong>le</strong> pays, ne serontpas traités en détail ici. En dépit des avancées réalisées grâce au processus de Kimber<strong>le</strong>y, desquantités considérab<strong>le</strong>s de diamants continuent d’être exportées illéga<strong>le</strong>ment depuis la province.La production et <strong>le</strong>s exportations ont néanmoins chuté de façon spectaculaire entre 2008 et 2009,à la fois en termes de va<strong>le</strong>ur et de volume, à cause des répercussions de la crise financière mondia<strong>le</strong>sur <strong>le</strong> secteur 151 . Les chiffres du CEEC pour <strong>le</strong>s cinq premiers mois de 2010 révè<strong>le</strong>nt une nouvel<strong>le</strong>baisse de la production par <strong>rapport</strong> à la même période pour l’année 2009, mais une hausse de32 % de la va<strong>le</strong>ur 152 . Dans la Province Orienta<strong>le</strong>, la crise a entraîné un abandon de la majorité dessites d’exploitation de diamants, la faillite de la plupart des négociants en diamants et de vastesmouvements de reconversion des anciens exploitants dans <strong>le</strong> secteur de l’or.OrSelon <strong>le</strong> <strong>rapport</strong> d’activité 2009 de la direction du CEEC pour la Province Orienta<strong>le</strong>, 86,829kilogrammes d’or (soit 2 134 547 USD) ont été achetés et « scellés » dans la province 153 . Par149 Programme des Nations unies pour <strong>le</strong> développement (2009), Province Orienta<strong>le</strong>. Profil Résumé, op. cit.150 Voir carte de l’IPIS sur <strong>le</strong>s ressources naturel<strong>le</strong>s de la Province Orienta<strong>le</strong> et <strong>le</strong> <strong>rapport</strong> qui l’accompagne de Steven Spittaels et FilipHilgert, Cartographie des motivations derrière <strong>le</strong>s conflits : Province Orienta<strong>le</strong> (RDC), mars 2010, disponib<strong>le</strong> sur http://www.ipisresearch.be/mapping_orienta<strong>le</strong>.php151 Selon la direction provincia<strong>le</strong> du C.E.E.C., Synthèse du <strong>rapport</strong> d’activités 2009, de 244 160,44 carats (soit 16 864 069 USD) en 2008 à96 666,94 (soit 4 927 901 USD) en 2009, qui représente une baisse de 60,41 % de la production et de 70,78 % de la va<strong>le</strong>ur.152 36 666,57 carats (soit 2 159 026 USD) de janvier à mai 2010 / 40 176,52 carats (soit 1 634 730 USD) de janvier à mai 2009. Plus de 38 % dela production provient de la zone située juste au nord de Kisangani (col<strong>le</strong>ctivité de Lubuya Bera) et 25 % du territoire de Bafwasende.153 Le <strong>rapport</strong> d’activité 2009 de la Division des mines de la province ne mentionne que 62,79389 kg (soit 1 556 441,24 USD).


50 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu51recueillies sur <strong>le</strong> groupement de Bakaiko, au sud de la réserve, en raison de son iso<strong>le</strong>ment (entrecinq et douze jours de marche) et de la présence des FARDC. L’équipe n’a pas été autorisée àvisiter <strong>le</strong>s sites d’exploitation semi-industriel<strong>le</strong> de la rivière Ituri.Une grande majorité des sites étudiés sont des mines d’or. Dans <strong>le</strong> territoire de Mambasa, <strong>le</strong>smines de coltan et de diamants qui ont pu être identifiées étaient fermées et seu<strong>le</strong> une mine decassitérite a pu être identifiée. Comme cette dernière se trouve dans <strong>le</strong> groupement de Bakaiko,aucune information valab<strong>le</strong> n’a pu être obtenue à son sujet.Dans <strong>le</strong> sud du territoire de Bafwasende, sur <strong>le</strong>s vingt-trois mines de la zone géographiqueactuel<strong>le</strong>ment occupée par <strong>le</strong>s Maï-Maï du major Luc, quatre sont des mines de cassitérite (deuxd’entre el<strong>le</strong>s contenant aussi de la wolframite), trois sont des mines d’or et de wolframite et sixsont des mines de coltan. Il n’est cependant pas clair, d’après <strong>le</strong>s entretiens, que <strong>le</strong> coltan ou lawolframite soient vraiment exploités à l’heure actuel<strong>le</strong>. Il y a au moins deux mines de diamants,à l’ouest d’Opienge, qui semb<strong>le</strong>nt être encore en activité 166 .Les mines figurent sur la carte et sont distinguées par groupes d’importance.Exploitation artisana<strong>le</strong> : production et estimationsSur <strong>le</strong>s trente-quatre mines du territoire de Bafwasende incluses dans la phase de recherche sur<strong>le</strong> terrain, vingt-trois sont situées dans des zones instab<strong>le</strong>s où <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> FARDC et Maï-Maï dumajor Luc rend toute vérification du recensement extrêmement diffici<strong>le</strong>. D’après <strong>le</strong>s registres desopérateurs miniers de ces vingt-trois sites, 5 000 mineurs environ y travaillaient en 2008.<strong>Pour</strong> <strong>le</strong>s mines étudiées dans <strong>le</strong> territoire de Mambasa, la population tota<strong>le</strong> des mineurs artisanauxdes 112 mines pour <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s ce type d’information était disponib<strong>le</strong> est estimée à 4 622personnes 167 , un chiffre relativement peu é<strong>le</strong>vé étant donné <strong>le</strong> nombre total de sites concernés.Diverses parties prenantes loca<strong>le</strong>s ont indiqué que <strong>le</strong>s sites <strong>le</strong>s plus productifs se trouvaient dans<strong>le</strong> groupement de Bakaiko, dans <strong>le</strong> sud du territoire, pour <strong>le</strong>quel aucun chiffre n’est disponib<strong>le</strong>.Le site <strong>le</strong> plus vaste que l’équipe ait pu visiter est celui de Maka 168 , dont <strong>le</strong> nombre de mineursartisanaux est estimé à 400.Dans la partie sud du territoire de Bafwasende, <strong>le</strong>s 13 mines d’or de Marc Ndjoka (voir cidessous),l’entrepreneur <strong>le</strong> plus important du secteur, produisent d’après lui approximativement1 kilogramme par semaine. Les quelques autres mines d’or étudiées produisent quant à el<strong>le</strong>s entre11 et 145 grammes par semaine.Dans <strong>le</strong> territoire de Mambasa, sur <strong>le</strong>s 35 mines qui ont été étudiées en détail, seul un tiers déclareproduire plus de 10 grammes par jour. C’est un chiffre particulièrement peu é<strong>le</strong>vé comparé auxsites de l’OKIMO, dans la partie nord-est de la Province Orienta<strong>le</strong>, où un mineur artisanal extraiten moyenne entre 1 et 1,5 gramme par jour. Il faut cependant garder à l’esprit que la tail<strong>le</strong>moyenne des sites miniers du territoire de Mambasa est très petite.3.3 Analyse généra<strong>le</strong> du commerce de mineraisContrairement aux deux chapitres précédents, qui se focalisaient exclusivement sur <strong>le</strong>s opérateurséconomiques et <strong>le</strong>s voies commercia<strong>le</strong>s, cette section propose éga<strong>le</strong>ment une vue d’ensemb<strong>le</strong> desautres dynamiques autour des mines, notamment en ce qui concerne <strong>le</strong>s questions relatives à lagouvernance des sites miniers, à <strong>le</strong>ur organisation interne et aux échanges commerciaux qui s’ydérou<strong>le</strong>nt au niveau micro-économique.Titres de propriété et permisEn Province Orienta<strong>le</strong>, tous <strong>le</strong>s sites d’exploitation minière artisana<strong>le</strong> sont gérés par ce quel’on appel<strong>le</strong> un administrateur de foyer minier (AFM). Le rô<strong>le</strong> de l’AFM est antérieur au Codeminier de 2002, dans <strong>le</strong>quel il n’apparaît pas 169 . L’AFM soumet une déclaration d’ouverture(d’un chantier d’exploitation artisana<strong>le</strong>) pour une zone spécifique à la Division provincia<strong>le</strong> desmines, qui l’autorise, par la signature du document, à exploiter ladite zone. 170 Cette « déclarationd’ouverture » est mentionnée dans <strong>le</strong> Code minier 171 et spécifiée dans <strong>le</strong> Règ<strong>le</strong>ment minier de2003 172 , mais dans ces textes el<strong>le</strong> se <strong>rapport</strong>e au détenteur d’un titre minier officiel, octroyépar <strong>le</strong> Cadastre minier (CaMi). Ces permis d’exploitation artisana<strong>le</strong> provinciaux ne sont doncpas reconnus par <strong>le</strong> CaMi et ce dernier ne consulte pas la Division provincia<strong>le</strong> des mines avantd’octroyer des concessions pour l’exploitation industriel<strong>le</strong>. 173 En général, <strong>le</strong>s permis délivrés par <strong>le</strong>CaMi concernent d’ail<strong>le</strong>urs des zones où des mineurs artisanaux travail<strong>le</strong>nt déjà, sous la directiond’un AFM en possession d’une déclaration d’ouverture.Cet administrateur est considéré comme <strong>le</strong> propriétaire du ou des sites et agit comme tel. Il établit<strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s et impose des taxes aux mineurs, fournisseurs et négociants. Il dispose de son propreservice de sécurité (non armé) 174 ainsi que d’un service de « douane » 175 .L’AFM <strong>le</strong> plus important de la région d’Opienge (territoire de Bafwasende) est Marc NdjokaKabase<strong>le</strong>, dont la compagnie NDJOKAM (Société Ndjoka agro-minière) est « propriétaire » dela plupart 176 des sites de la région depuis 1983. Bien que natif de la région, il a été victime demanœuvres d’intimidation de la part des forces Maï-Maï et a fui la région en 2008 lorsque <strong>le</strong>sFARDC ont repris <strong>le</strong>urs opérations militaires contre <strong>le</strong>s Maï-Maï du major Luc 177 .Comme cela a été mentionné, c’est <strong>le</strong> CaMi à Kinshasa qui octroie <strong>le</strong>s seuls permis miniers légaux,conformément au Code minier de 2002, ces derniers donnant au propriétaire d’une concession<strong>le</strong> droit exclusif d’explorer (PR, permis de recherche) et par la suite d’exploiter <strong>le</strong>s ressources(PE, permis d’exploitation). Dans la zone étudiée ici, <strong>le</strong> CaMi a accordé des permis à plusieursopérateurs de petite, moyenne et grande amp<strong>le</strong>ur. Une distinction se fait entre <strong>le</strong>s compagniescotées en bourse à l’international et <strong>le</strong>s compagnies privées. Ces premières n’emploient pas demineurs artisanaux et n’achètent pas de minerais auprès d’eux mais respectent <strong>le</strong>s pratiquesstandards généra<strong>le</strong>ment acceptées au niveau international, en ce qui concerne <strong>le</strong>s domaines dela santé, de la sûreté et de l’environnement. Quant aux dernières, el<strong>le</strong>s gèrent généra<strong>le</strong>ment desexploitations de petite ou moyenne amp<strong>le</strong>ur, emploient souvent des mineurs artisanaux et nerespectent pas <strong>le</strong>s standards mentionnés ci-dessus.166 Il existe bien d’autres mines de diamants sur <strong>le</strong> territoire de Bafwasende, qui représente 25 % de la production de diamants de la province(CEEC, janvier-mai 2010), mais la plupart sont situées dans la partie nord du territoire, dont Bomili est l’un des centres <strong>le</strong>s plus importants.167 Le bureau minier isolé du district de l’Ituri donne une estimation d’environ 10 000 travail<strong>le</strong>urs pour 45 foyers miniers ou regroupementsminiers dans son Rapport annuel exercice 2009.168 D’un point de vue administratif, Maka se situe dans <strong>le</strong> territoire de Wamba, à quelques kilomètres seu<strong>le</strong>ment du territoire de Mambasa,mais pour l’administration minière, <strong>le</strong> site est rattaché au poste minier de Nia-Nia. Néanmoins, <strong>le</strong> site est éga<strong>le</strong>ment visité par <strong>le</strong>sfonctionnaires de l’antenne minière de Wamba.169 Voir aussi Division des mines de la Province Orienta<strong>le</strong>, Rapport annuel 2009, p. 24.170 El<strong>le</strong> est parfois signée, bien qu’illéga<strong>le</strong>ment, par <strong>le</strong> directeur du bureau minier ou de l’antenne minière.171 Artic<strong>le</strong> 218.172 Artic<strong>le</strong> 484.173 Entretien avec <strong>le</strong>s fonctionnaires de la Division provincia<strong>le</strong> des mines, à Kisangani, en juil<strong>le</strong>t 2010. Voir aussi Partnership Africa Canada(PAC), Diamonds and Human Security. Annual Review 2009, p. 12 et DE KONING Ruben (2009), op. cit. p. 14.174 Appelé « BD » (brigade disciplinaire).175 Ces personnes perçoivent une taxe d’entrée sur <strong>le</strong> site (et parfois même de sortie).176 Quelques 22 en tout, sur un vaste territoire s’étendant dans la forêt autour d’Elonga, à l’est d’Opienge.177 Entretien avec Marc Ndjoka Kabase<strong>le</strong> à Bafwasende, en juin 2010.


52 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu53Il ne semb<strong>le</strong> pas y avoir de permis d’exploitation en vigueur dans <strong>le</strong> territoire de Bafwasendeà l’heure actuel<strong>le</strong> 178 , mais d’importantes surfaces du territoire sont couvertes par des permisd’exploration. À notre connaissance, aucune des compagnies détenant ces permis ne travail<strong>le</strong>sur place, à cause des conditions d’insécurité régnant dans la région. L’une d’el<strong>le</strong>s cependant, laSOMINDO (Société minière de Ndonga), qui a un permis d’exploration pour la cassitérite et lawolframite depuis février 2007, aurait apparemment exploité – illéga<strong>le</strong>ment – sa concession par<strong>le</strong> passé 179 . La région est désormais occupée par <strong>le</strong>s Mai-Maï du major Luc, avec qui la compagnieest en train de négocier un accès (voir ci-dessous).Dans <strong>le</strong> territoire de Mambasa, deux compagnies cotées en bourse à l’échel<strong>le</strong> mondia<strong>le</strong> détiennentdes permis d’exploration et d’exploitation. La première est la compagnie canadienne KiloGoldmines Ltd., dédiée à l’exploration et à l’exploitation de l’or, cotée à la Bourse de Toronto.La compagnie a son siège à Toronto et des bureaux à Kinshasa, Lubumbashi, Beni et Isiro. El<strong>le</strong>détient des permis d’exploitation pour l’or et <strong>le</strong>s diamants pour son projet de Somituri (Sociétéminière de l’Ituri). Ses concessions couvrent la plupart des sites d’exploitation artisana<strong>le</strong> à l’ouestde la Réserve de faune à okapis, <strong>le</strong> long de l’axe Nia-Nia - Isiro. El<strong>le</strong> en est actuel<strong>le</strong>ment à la phasede foration et de carottage 180 .La Kilo Goldmines Ltd. détient éga<strong>le</strong>ment plusieurs permis d’exploration pour deux autresprojets dans <strong>le</strong> territoire de Mambasa. Le projet KGL-ERW 181 s’étend, assez bizarrement, presqueentièrement dans la Réserve de faune à okapis, du côté de sa bordure sud-est, et chevauche larivière Ituri. Quant au projet KGL-MASTERS, il implique 11 permis d’exploration pour deszones contiguës, accordés à l’origine à la société congolaise Masters S.P.R.L., puis transférés à laKGL Masters S.P.R.L. 182 Ces concessions sont situées dans <strong>le</strong>s territoires de Mambasa, d’Irumu etde Djugu dans la Province Orienta<strong>le</strong> et dans <strong>le</strong> territoire de Beni dans <strong>le</strong> Nord-Kivu. La partie quis’étend dans <strong>le</strong> territoire de Mambasa, sur l’axe Mambasa-Beni, entre Lwemba et Bella, empiètesur plusieurs sites miniers artisanaux et sur la concession forestière d’ENRA 183 .Une autre compagnie cotée en bourse à l’échel<strong>le</strong> mondia<strong>le</strong> détient des permis d’exploration dans<strong>le</strong> territoire de Mambasa : la canadienne Loncor Resources 184 . Ses permis remplissent <strong>le</strong>s espaceslaissés libres par <strong>le</strong>s concessions de la Somituri de Kilo Goldmines, à la bordure ouest du territoirede Mambasa, <strong>le</strong> long de la rivière Ngayu.La Masters S.P.R.L., compagnie congolaise basée à Lubumbashi et déjà mentionnée ci-dessus, ael<strong>le</strong> aussi signé, en juin 2010, un accord de joint-venture avec la compagnie suisse AURIS AG,transférant à cette dernière ses permis d’exploration pour <strong>le</strong> groupement de Bakaiko, au sud dela Réserve de faune à okapis en bordure du Nord-Kivu, une zone certes isolée mais réputée pourêtre très productive. 185Outre ses compagnies cotées en bourse à l’échel<strong>le</strong> mondia<strong>le</strong>, il y a aussi la compagnie russe LaConmet, qui s’est enregistrée (à nouveau) à Kampala en décembre 2006 et qui détient 16 permis178 D’après <strong>le</strong> CaMi, deux permis d’exploitation pour des zones proches de la frontière avec <strong>le</strong> territoire de Mambasa, au nord-est deBafwanduo, présentent un statut « actif » mais étaient arrivés à expiration en décembre 2007.179 Entretien avec des dignitaires de la région d’Opienge, en juin 2010.180 Voir aussi http://www.kilogold.net/properties/KGL-somituri.cfm.181 Voir aussi http://www.kilogold.net/properties/KGL-ERW.cfm. La zone située dans <strong>le</strong> territoire de Mambasa ne figure pas sur la carte.182 Voir aussi http://www.kilogold.net/properties/KGL-masters.cfm. À ce jour, seuls cinq de ces permis ont été officiel<strong>le</strong>ment enregistrés aunom de la KGL Masters S.P.R.L. selon <strong>le</strong>s données du CaMi pour <strong>le</strong> 27 juil<strong>le</strong>t 2010. Voir aussi : Kilo Goldmines Ltd., Consolidated financialstatements for the six months ended March 31, 2010, p. 9.183 La Kilo et l’ENRA en ont toutes deux connaissance. La compagnie Kilo a écrit à l’ENRA <strong>le</strong> 21 janvier 2008, en mettant <strong>le</strong> ministère desMines, <strong>le</strong> ministère de l’Environnement et <strong>le</strong> Cadastre minier en copie, pour étudier <strong>le</strong>s possibilités d’une cohabitation, mais l’ENRA n’apas répondu.184 Loncor agit par <strong>le</strong> biais d’une convention d’option signée avec la société Rio Tinto Exploration RDC Orienta<strong>le</strong> S.P.R.L. pour <strong>le</strong>s droitsexclusifs de l’or à Ngayu. Voir http://www.loncor.com/s/Ngayu.asp.185 La compagnie AURIS AG a été fondée en juil<strong>le</strong>t 2009. El<strong>le</strong> est en train de finaliser son dossier pour être cotée à la Bourse de Francfort. Voirhttp://www.aurisag.ch/ (consulté la dernière fois <strong>le</strong> 10 septembre 2010).d’exploitation de l’or dans la province, dont la majorité pour des zones situées sur la rivièreIturi, dans <strong>le</strong> territoire de Mambasa. Il n’est pas clair si ces permis sont valides à l’heure actuel<strong>le</strong>: d’après <strong>le</strong>s informations du CaMi, ils présentent un statut « actif » mais ils auraient expiré fin2007 ou début 2008. Plusieurs sources ont confirmé que <strong>le</strong>s sites concernés sont en effet actifs etque des travail<strong>le</strong>urs y exploitent la rivière avec des dragues, mais La Conmet n’a jamais fournià l’administration aucune donnée sur sa production ou ses exportations. Un fonctionnaire hautplacé a révélé que <strong>le</strong>s sites sont gardés par <strong>le</strong>s FARDC et que la compagnie a <strong>le</strong> soutien d’un anciendirecteur de la Division provincia<strong>le</strong> des mines et d’un ancien secrétaire général aux Mines. 186 I<strong>le</strong>st de notoriété publique que, pendant la deuxième guerre du Congo, La Conmet a transportédu coltan des territoires de Beni et Lubero (Nord-Kivu) via l’Ouganda et <strong>le</strong>s Émirats arabes unisjusqu’au Kazakhstan. 187 La compagnie a alors été représentée et gérée par Va<strong>le</strong>ntina Piskounovaet son mari, Anatoly Piskounov. Lors du deuxième enregistrement de la compagnie, en 2006, cemême Anatoly Piskounov a été cité comme représentant dans <strong>le</strong>s registres, aux côtés d’un certainYuriy Nevedomskyy.À l’époque, Va<strong>le</strong>ntina Piskounova s’était déjà intéressée à l’or et passait un partenariat avec l’IturiGold Mining Company (IGMC), pour laquel<strong>le</strong> el<strong>le</strong> agissait en tant que directrice 188 . D’après laCommission judiciaire d’enquête ougandaise de novembre 2002, l’IGMC détenait 1 % des partsde La Conmet. 189 Au moment de la rédaction de ce <strong>rapport</strong>, l’IGMC cette dernière détenait encore21 permis d’exploitation, la plupart dans <strong>le</strong> territoire de Mambasa et plusieurs sur la rivière Ituri.Seize de ces permis sont « en cours de déchéance pour non paiement ». Les autres ont un statutactif mais semb<strong>le</strong>nt avoir expiré en décembre 2007. La compagnie exploite toujours au moinstrois de ses concessions à l’aide de dragues 190 .La Gold Dragon Ressources RDC constitue aussi un cas intéressant. Cette compagnie chinoisea obtenu <strong>le</strong> 29 avril 2010 deux permis d’exploration sur la rivière Ituri, au sud-est de Nia-Nia,pour des zones chevauchant la frontière entre <strong>le</strong>s territoires de Mambasa et de Bafwasende. Enmai, <strong>le</strong> directeur de la Division provincia<strong>le</strong> des mines a essayé de <strong>le</strong>ur rendre visite, mais l’accèslui a été barré par <strong>le</strong>s FARDC gardant <strong>le</strong>s sites. Ces mêmes soldats lui ont dit qu’en réalité, <strong>le</strong>schinois n’exploraient pas <strong>le</strong>s sites mais <strong>le</strong>s exploitaient. Ils bénéficieraient du soutien d’un ancienvice-ministre des Mines et d’un « docteur » de l’entourage présidentiel 191 .Selon la Division des mines, une autre compagnie détenant des permis d’exploration pratique el<strong>le</strong>aussi l’exploitation des ressources : la Golden Val<strong>le</strong>y Services Ltd. (GAC S.P.R.L.). Aucune autreinformation n’a pu être obtenue sur cette société.Le rô<strong>le</strong> des agences gouvernementa<strong>le</strong>sLe nombre d’agences et de services gouvernementaux divers qui visitent <strong>le</strong>s sites miniers duterritoire de Mambasa est écrasant par <strong>rapport</strong> à celui du territoire de Bafwasende. Ceci s’expliqueen grande partie du fait de la relative stabilité du premier de ces territoires comparé au second.En dépit de ces différences, cependant, il est intéressant de noter que <strong>le</strong>s défis que doivent re<strong>le</strong>ver<strong>le</strong>s acteurs du secteur minier, gouvernementaux et non gouvernementaux, dans ces deux régions,sont exactement <strong>le</strong>s mêmes. Il semb<strong>le</strong>rait qu’une présence plus importante du gouvernement ne186 Entretien en juil<strong>le</strong>t 2010.187 La Conmet a été citée dans <strong>le</strong> <strong>rapport</strong> d’octobre 2002 du groupe d’experts de l’ONU sur l’exploitation illéga<strong>le</strong> des ressources naturel<strong>le</strong>s enRDC (paragraphes 109-111 ; voir aussi : IPIS, The Political Economy of Resource Trafficking in the Democratic Republic of Congo, septembre2003, p. 21) et par la Commission judiciaire d’enquête de l’Ouganda de novembre 2002. Le groupe d’experts avait obtenu un documentaccordant à La Conmet une « exonération tota<strong>le</strong> » pour « toutes <strong>le</strong>s activités impliquant l’exploitation dans <strong>le</strong> territoire de Beni-Lubero »,signé <strong>le</strong> 5 janvier 2000 à Kampala par Mbusa Nyamwisi, alors commissaire général du RCD-Kisangani. Le document identifiait SalimSa<strong>le</strong>h, frère du président ougandais Museveni, comme véritab<strong>le</strong> propriétaire de La Conmet.188 IPIS (2003), op. cit. p. 21.189 Republic of Uganda. Judicial Commission of Inquiry into Al<strong>le</strong>gations into Il<strong>le</strong>gal Exploitation of Natural Resources and Other Forms ofWealth in the DRC 2001 Final Report (May 2001 – November 2002), p. 187.190 Voir <strong>le</strong> Rapport annuel exercice 2009 du Bureau minier isolé du district de l’Ituri, p. 9.191 Entretien avec un fonctionnaire haut placé, en juil<strong>le</strong>t 2010.


54 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu55soit pas nécessairement synonyme d’une gestion plus responsab<strong>le</strong>, efficace et transparente dusecteur. Le niveau des taxes, qu’el<strong>le</strong>s soient léga<strong>le</strong>s ou non, est beaucoup plus é<strong>le</strong>vé dans <strong>le</strong>szones étudiées du territoire de Mambasa que dans cel<strong>le</strong>s du Bafwasende, tout comme <strong>le</strong> nombred’agents qui y est présent. <strong>Pour</strong>tant, <strong>le</strong>s auteurs n’ont pas pu constater de différence significativeen termes de gestion globa<strong>le</strong> du secteur lors des entretiens sur <strong>le</strong> terrain et des visites des sites. Laprésence d’agences gouvernementa<strong>le</strong>s n’améliore quasiment en rien <strong>le</strong> respect des rég<strong>le</strong>mentationset des règ<strong>le</strong>s officiel<strong>le</strong>s du secteur minier artisanal (ENCADRÉ 5). Généra<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong>s seu<strong>le</strong>s à êtreappliquées sont cel<strong>le</strong>s qui concernent la hiérarchie de la direction des sites et <strong>le</strong>s frais à payer.Cela signifie qu’une multitude d’acteurs affirment détenir un rô<strong>le</strong> et des responsabilités légitimes,avec <strong>le</strong>s émoluments qui vont avec, alors qu’ils ne font en réalité presque rien pour remplir <strong>le</strong>ursobligations une fois l’argent touché.ENCADRÉ 5Règ<strong>le</strong>mentations et règ<strong>le</strong>s officiel<strong>le</strong>s du secteur minier artisanalL’exploitation minière artisana<strong>le</strong> et à petite échel<strong>le</strong> et <strong>le</strong> commerce qui en décou<strong>le</strong> sont reconnus par<strong>le</strong> Code minier de 2002 et par <strong>le</strong> Règ<strong>le</strong>ment minier de 2003 comme des activités léga<strong>le</strong>s, des artic<strong>le</strong>sdéterminant <strong>le</strong>s acteurs, <strong>le</strong>s pratiques et <strong>le</strong>s emplacements autorisés dans <strong>le</strong> domaine. Néanmoins,la connaissance, la compréhension et <strong>le</strong> respect de ces dispositions léga<strong>le</strong>s sont quasi nuls. Lesdispositions du Code minier sont développées dans <strong>le</strong> « Code de conduite de l’exploitant artisanal »,inclus dans l’annexe V du Règ<strong>le</strong>ment minier.Dans certaines zones, <strong>le</strong> Code de conduite est remplacé par un « Statut de foyer minier et règ<strong>le</strong>mentd’ordre intérieur » local. Ces deux documents présentent dans <strong>le</strong>s grandes lignes <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s que<strong>le</strong>s autorités loca<strong>le</strong>s ont décidées de faire appliquer au secteur minier artisanal et peuvent inclurenotamment des dispositions détaillées sur <strong>le</strong> comportement des mineurs et la gestion du site.Le rô<strong>le</strong> des coopératives et des associationsLorsqu’un groupe de mineurs artisanaux souhaite exploiter une zone d’exploitation artisana<strong>le</strong>,il doit d’abord former une coopérative minière 192 . Cette coopérative doit être enregistrée en tantqu’association sans but lucratif (ASBL), l’approbation fina<strong>le</strong> revenant à la Division provincia<strong>le</strong>des mines.Aucune coopérative ou association n’a été trouvée dans <strong>le</strong> territoire de Bafwasende et seu<strong>le</strong>s troismines du territoire de Mambasa affirment avoir des associations pour <strong>le</strong>s mineurs artisanauxsur <strong>le</strong>ur site. Cependant, certains groupes de représentants miniers sont présents dans la vil<strong>le</strong> deMambasa (15), de Nia-Nia (10) et <strong>le</strong> long de l’axe Nia-Nia - Isiro (14), ce qui laisse supposer unmeil<strong>le</strong>ur niveau de compréhension des intérêts des travail<strong>le</strong>urs et des négociants. Cela pourraitéga<strong>le</strong>ment être <strong>le</strong> résultat de conditions de stabilité socia<strong>le</strong> plus grandes dans ces zones, comparées àcel<strong>le</strong>s étudiées dans <strong>le</strong> territoire de Bafwasende. Il est néanmoins peu probab<strong>le</strong> que ces associations,basées principa<strong>le</strong>ment dans <strong>le</strong>s grandes vil<strong>le</strong>s, fassent des visites assez sérieuses des sites pour êtrecapab<strong>le</strong>s de représenter correctement <strong>le</strong>s intérêts et <strong>le</strong>s revendications des travail<strong>le</strong>urs qu’el<strong>le</strong>sreprésentent.Il faut en outre observer une certaine prudence dans l’évaluation du niveau de représentationlégitime des mineurs artisanaux par <strong>le</strong>s associations et <strong>le</strong>s coopératives qui sont en grande partiegérées par <strong>le</strong>s négociants et des intermédiaires. Cela se traduit rarement par une améliorationdes services et de meil<strong>le</strong>ures conditions de travail pour <strong>le</strong>s mineurs eux-mêmes, contrairementà certaines zones du nord de la Province Orienta<strong>le</strong> et du Sud-Katanga, où il existe une culture192 Voir <strong>le</strong>s Règ<strong>le</strong>mentations minières de 2003, artic<strong>le</strong>s 234-237.des coopératives et des associations plus établie 193 . En règ<strong>le</strong> généra<strong>le</strong>, ce n’est qu’une fois que<strong>le</strong>s mineurs artisanaux peuvent s’organiser et représenter <strong>le</strong>urs intérêts de manière indépendantequ’une véritab<strong>le</strong> amélioration se fait sentir.Routes commercia<strong>le</strong>s : <strong>le</strong> détour par KisanganiLe rô<strong>le</strong> de Kisangani, essentiel pour <strong>le</strong> commerce de diamants dans la province, l’est beaucoupmoins dans <strong>le</strong> commerce des autres minerais. En raison de l’absence quasi-tota<strong>le</strong> de comptoirspour l’or, la cassitérite et <strong>le</strong> coltan à Kisangani, la vil<strong>le</strong> a énormément de difficultés à capter <strong>le</strong>sdynamiques commercia<strong>le</strong>s. Les données provenant des agences gouvernementa<strong>le</strong>s des vil<strong>le</strong>s où <strong>le</strong>séchanges commerciaux pour ces minerais ont lieu, comme Butembo, Bunia et, dans une moindremesure, Goma, sont en revanche révélatrices. Des entretiens menés sur <strong>le</strong> terrain par <strong>le</strong>s auteurset <strong>le</strong>s <strong>rapport</strong>s du CEEC mettent au jour une augmentation du transit de cassitérite depuis <strong>le</strong>territoire de Lubutu, la province du Maniema et <strong>le</strong> territoire de Walika<strong>le</strong>, dans la province duNord-Kivu, qui passe par Kisangani avant d’atteindre Beni, Butembo et Goma.Il est important de comprendre <strong>le</strong>s dynamiques qui expliquent cette augmentation du transfertde minerais depuis Lubutu et Walika<strong>le</strong>. Les négociants prétendent qu’avec l’ouverture de la routereliant Kisangani à Beni et Butembo, <strong>le</strong> coût du transport pour ces minerais est beaucoup moinsé<strong>le</strong>vé que par avion, au départ de Walika<strong>le</strong>, Lubutu ou Kisangani et à destination directe deButembo ou de Goma, et qu’ils cherchent donc <strong>le</strong> moyen de transport <strong>le</strong> plus économique pour<strong>le</strong>urs produits 194 .Mais ce choix d’itinéraire pourrait tout aussi bien être l’élément révélateur d’une tentative des négociantspour éviter <strong>le</strong> durcissement de la traçabilité dans <strong>le</strong> secteur. Depuis 2009, lorsque <strong>le</strong>s questions sur <strong>le</strong>sliens entre conflits et exploitation des ressources ont commencé à se poser d’une façon de plus en pluspressante, <strong>le</strong> commerce de minerais a été menacé d’un réel risque d’embargo. Comme l’ont soulignécertaines sources, <strong>le</strong> temps que <strong>le</strong>s minerais atteignent Kisangani, ils ont été blanchis 195 . Une partie dela cassitérite en transit à Kisangani est par exemp<strong>le</strong> déclarée comme venant de Lubutu alors qu’el<strong>le</strong>est en réalité produite dans <strong>le</strong>s mines de Walika<strong>le</strong> 196 . Le CEEC de Butembo admet qu’un tel détour estbien utilisé et déclare éga<strong>le</strong>ment avoir lancé des enquêtes sur ce phénomène et établi des contrô<strong>le</strong>s devéhicu<strong>le</strong>s depuis mai 2009 197 . En juil<strong>le</strong>t de la même année, il signalait que la cassitérite en provenancede Walika<strong>le</strong> et transitant par Kisangani était devenue « chose courante » 198 .À part Kisangani, il existe deux autres axes majeurs du commerce de minerais dans la provincepour <strong>le</strong>s zones concernées par cette recherche. Le premier remonte vers Bunia, puis se déploieau bout d’un moment en une série de couloirs partant vers l’est, au nord de la vil<strong>le</strong>, <strong>le</strong> long desfrontières poreuses avec l’Ouganda et <strong>le</strong> Soudan. Cette route commercia<strong>le</strong>, très empruntée pour<strong>le</strong> transit de l’or, est décrite en détail dans de précédents <strong>rapport</strong>s rédigés par des organisationsinternationa<strong>le</strong>s et n’a pas été <strong>le</strong> principal objet de cette mission de terrain 199 .Le deuxième de ces grands axes est constitué d’une multitude de routes secondaires traversant lapartie sud de la province à destination de Butembo, via Beni, et dans certains cas, de Goma. L’accenta été mis sur cet ensemb<strong>le</strong> de routes commercia<strong>le</strong>s, étant donné <strong>le</strong> manque de documentationdisponib<strong>le</strong> pour cette partie de la province.193 L’Organisation internationa<strong>le</strong> du travail a produit un travail remarquab<strong>le</strong> sur ce sujet dans <strong>le</strong> Sud-Katanga de 2006 à 2008. La PactInc., à Kolwezi, se sert de ce travail et dirige de nouveaux travaux sur <strong>le</strong>s coopératives dont l’accès est réservé aux mineurs artisanauxuniquement, dans une tentative d’équilibrer <strong>le</strong>s dynamiques de pouvoir avec <strong>le</strong>s négociants.194 Entretiens sur <strong>le</strong> terrain, juin et juil<strong>le</strong>t 2010.195 Entretien avec des opérateurs économiques à Kisangani, en juin et juil<strong>le</strong>t 2010.196 Entretiens sur <strong>le</strong> terrain, juin 2010.197 CEEC de Butembo, Rapport statistique 2009, p. 4.198 Ibid., p. 8.199 Voir <strong>le</strong>s <strong>rapport</strong>s « Trading for Peace » (DFID/USAID/COMESA), de l’International Crisis Group et de Human Rights Watch pour <strong>le</strong> districtde l’Ituri depuis 2004.


56 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu57Routes commercia<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong> territoire de BafwasendeLes difficultés d’accès à Opienge et l’absence réel<strong>le</strong> de représentation gouvernementa<strong>le</strong> audelàd’Opienge et de Balobe n’ont pas vraiment permis de tirer de conclusions substantiel<strong>le</strong>ssur <strong>le</strong>s routes et <strong>le</strong>s dynamiques commercia<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong> territoire. La plupart des représentantsgouvernementaux ne sont plus en poste à Opienge et préfèrent rester à Bafwasende centre. Cetteabsence de l’autorité gouvernementa<strong>le</strong> dans la vil<strong>le</strong> est en grande partie due aux longues périodesd’insécurité qu’a connues cette zone du territoire (ENCADRÉ 6).ENCADRÉ 6Conditions d’insécurité à Opienge et dans <strong>le</strong> parc national de la MaikoLe parc national de la Maiko et <strong>le</strong>s zones s’étendant au nord, vers <strong>le</strong> centre urbain d’Opienge, ont une histoiremouvementée. Depuis près d’un demi-sièc<strong>le</strong>, la région a été constamment occupée par des mouvementsmilitaires successifs en raison de la richesse de ses ressources (minéra<strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>ment, mais aussi enivoire et en viande de brousse). La rébellion mu<strong>le</strong>liste des Maï-Maï du groupe Simba s’est installée dans larégion en 1964, exploitant <strong>le</strong>s minerais et <strong>le</strong>s échangeant contre des armes.La création du parc national de la Maiko en 1970 a conduit à une augmentation de la demande dela part de la communauté loca<strong>le</strong> pour <strong>le</strong> droit de gouverner et d’utiliser <strong>le</strong>s ressources du parc. Leprocessus de marginalisation socia<strong>le</strong> et politique de la région, qui avait commencé avant la guerrecivi<strong>le</strong> et s’est accentué au cours des années marquées par <strong>le</strong>s affrontements militaires, a eu un impactdésastreux sur la population. L’idée est aussi largement partagée que cette marginalisation a engendréun sentiment de soutien très fort de la communauté envers <strong>le</strong>s mouvements maï-maï, perçus comme<strong>le</strong>s « fils légitimes » de la région et par conséquent, comme <strong>le</strong>s propriétaires de ses ressources.Les Maï-Maï du groupe Kumu, en particulier, se sont regroupés à l’origine pour former un mouvementde protection des intérêts locaux contre <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> et l’exploitation des ressources loca<strong>le</strong>s d’abord par<strong>le</strong> gouvernement (lorsque <strong>le</strong> parc a été créé), puis plus tard, pendant la deuxième guerre du Congo,par <strong>le</strong>s troupes ougandaises et rwandaises qui chassaient et exploitaient <strong>le</strong>s minerais illéga<strong>le</strong>ment àl’intérieur du parc 200 .Les processus successifs d’intégration dans l’armée dans la région ont en<strong>le</strong>vé toute illusionaux combattants Maï-Maï prêts à quitter la brousse 201 . Plusieurs mouvements maï-maï et <strong>le</strong>urscommandants ont participé au processus de démobilisation, désarmement et réhabilitation (DDR) de2003-2004. Assurés de conserver <strong>le</strong>ur rang et <strong>le</strong>ur grade dans des unités intégrées dans l’armée, ilsse sont retrouvés au final dépouillés de <strong>le</strong>urs fonctions militaires et complètement désarmés. Ce nonrespect des termes initiaux de la négociation qui a touché certains mouvements maï-maï a fourni aumajor Luc Yabili, l’un des derniers <strong>le</strong>aders Maï-Maï qui n’avait pas participé au processus DDR, ainsiqu’à ses troupes, un motif supplémentaire de rester dans la brousse 202 .Comme dans toute situation d’insécurité durab<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s moyens d’existence des populations loca<strong>le</strong>s sonttrès précaires. Les offensives militaires successives ont poussé <strong>le</strong>s populations soit à se retrancherencore plus loin dans <strong>le</strong>s forêts, soit à s’établir dans <strong>le</strong>s zones urbaines. Étant donné que l’agricultureconstitue <strong>le</strong> nerf de l’économie pour ces groupes, <strong>le</strong>s famil<strong>le</strong>s ont du mal à subvenir à <strong>le</strong>urs besoins.Des jeunes frustrés et désenchantés se tournent vers l’exploitation minière illéga<strong>le</strong> et <strong>le</strong> braconnagepour subsister. La colère de la population loca<strong>le</strong> est encore accentuée par l’exploitation que font <strong>le</strong>smilitaires et <strong>le</strong>s fonctionnaires du parc des ressources qu’ils prétendent, devant la population, devoirêtre protégées. C’est pourquoi <strong>le</strong> problème de l’accès aux ressources naturel<strong>le</strong>s de cette partie duterritoire, et de l’utilisation de ces dernières, n’est pas seu<strong>le</strong>ment lié aux conflits armés mais aussi àde graves tensions politiques et socia<strong>le</strong>s.Il est à noter que jusqu’en 2007 au moins, la piste aérienne de 800 mètres d’Opienge étaitutilisée par de petits appareils pour transporter des minerais hors de la région, avec un à deuxvols commerciaux par semaine en provenance du Nord-Kivu (Beni et Butembo) 203 . La piste estdésormais inutilisab<strong>le</strong>.Trois routes commercia<strong>le</strong>s ont été mises en évidence grâce aux recherches des auteurs. La première,vers l’est, passe dans <strong>le</strong> parc national de la Maiko ou en longe sa bordure nord pour aboutir aucentre d’exportation principal de Butembo. Cette route concerne surtout <strong>le</strong>s mines des zonessous contrô<strong>le</strong> maï-maï, qui constituent la majorité des mines étudiés dans cette recherche. Il fauten moyenne dix jours de marche pour atteindre Manguredjipa, dans la province du Nord-Kivu,une vil<strong>le</strong> centra<strong>le</strong> pour <strong>le</strong> commerce de minerais, citée par toutes <strong>le</strong>s parties prenantes comme unpoint de transit de l’or provenant de la partie sud et de la partie est du territoire de Mambasa 204 .De là, <strong>le</strong>s minerais doivent encore franchir 99 kilomètres en camion ou en moto pour atteindreButembo.Une autre route commercia<strong>le</strong> dessert <strong>le</strong>s mines d’or des zones actuel<strong>le</strong>ment sous contrô<strong>le</strong> desFARDC. Sur <strong>le</strong>s trente-quatre sites miniers étudiés au cours de cette recherche, six utilisaient laroute nationa<strong>le</strong> réhabilitée entre Kisangani et Mambasa : ils y accédaient par Bafwabalinga ouBafwanduo pour transporter <strong>le</strong>urs minerais à Bunia ou Butembo. Ces sites sont situés entre uneheure et trois jours de marche de la route nationa<strong>le</strong>, au sud et au nord-est de la vil<strong>le</strong> de Bafwasende.La troisième route concerne Lubutu, dans la province du Maniema, non loin de la bordure ouestdu parc. Cette route semb<strong>le</strong> desservir <strong>le</strong>s mines situées dans <strong>le</strong>s parties centra<strong>le</strong> et ouest du parc etdont l’exploitation minière est historiquement liée aux Maï-Maï du groupe Simba, dès la créationdu mouvement en 1964 205 . Les minerais transitent ensuite par <strong>le</strong> nord jusqu’à Kisangani afind’atteindre Butembo, ou parfois même Goma.Sur <strong>le</strong>s trente-quatre sites étudiés, un seul transportait sa production directement à Kisangani. Ils’agit d’une mine de cassitérite installée dans une zone actuel<strong>le</strong>ment sous contrô<strong>le</strong> maï-maï et quiappartient à la SOMINDO, dont <strong>le</strong>s entrepôts se trouvent à Kisangani.Routes commercia<strong>le</strong>s du territoire de MambasaL’or est <strong>le</strong> principal minerai exploité dans cette partie de la province et cette exploitation est engénéral artisana<strong>le</strong>. Il y a entre dix et quinze opérations de dragage semi-mécanisées <strong>le</strong> long de larivière Ituri, pour <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s compagnies ont des permis du CaMi. Comme mentionné plushaut dans ce <strong>rapport</strong>, ces firmes ne fournissent pas d’informations sur <strong>le</strong>urs activités, il n’existedonc aucune statistique sur <strong>le</strong>urs échanges commerciaux. Les négociants de Mambasa affirmentqu’el<strong>le</strong>s préfèrent vendre <strong>le</strong>ur production aux comptoirs de Bunia ou Butembo en raison de <strong>le</strong>ursniveaux de production plus é<strong>le</strong>vés 206 .Le reste des activités d’exploitation aurifère est réparti entre de très nombreux petits chantiersdans la partie ouest du territoire, <strong>le</strong> long de l’axe s’étendant au nord de Nia-Nia jusqu’à Wambaet Isiro, ainsi que dans la forêt au sud et sud-est de la Réserve de faune à okapis.Dans la plupart des trente-cinq sites pour <strong>le</strong>squels ce type d’information a pu être obtenu, seul200 L. Wande, La militarisation du territoire de Bafwasende et <strong>le</strong> pillage des ressources naturel<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong> Parc national de Maiko (Province Orienta<strong>le</strong>,RDC), juil<strong>le</strong>t 2009, p. 15.201 Communiqué confidentiel des dirigeants Maï-Maï de Lubutu au GoDRC, janvier 2010.202 Le major Luc qui se proclame désormais « général de brigade » s’est rendu à Kisangani en juin 2007 pour un brassage, mais aurait en faitété humilié et torturé par des officiers des FARDC, avant de regagner sa base de Balobe.203 Rapport de la mission inter-agences d’évaluation des besoins humanitaires des retournés à Opienge, Territoire de Bafwasende enProvince Orienta<strong>le</strong>, 11-13 juil<strong>le</strong>t 2007.204 Voir section consacrée au territoire de Mambasa ci-dessous.205 WANDE, Léonard (2009), op. cit., p. 13.206 Entretiens sur <strong>le</strong> terrain, juin 2010.


60 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu613.4 Présence de groupes armés et violations des droits de l’hommeL’implication des soldats des FARDC dans <strong>le</strong> secteur minier et <strong>le</strong>s chaînes logistiques est une tendanceincontestab<strong>le</strong>. Il faut cependant établir ici une distinction claire entre <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> « institutionnel »des mines par <strong>le</strong>s FARDC et <strong>le</strong> pouvoir et l’influence qu’exercent <strong>le</strong>s soldats des FARDC pour <strong>le</strong>urprofit personnel. Cette distinction est importante à la lumière de l’attention portée actuel<strong>le</strong>menten RDC au problème des « minerais de conflit ». C’est la différence qui existe entre des économiesde guerre pouvant potentiel<strong>le</strong>ment être utilisées par des groupes armés pour financer l’effort deguerre et ce qui semb<strong>le</strong> être, dans <strong>le</strong> cas présent, des économies souterraines avec des soldatsutilisant <strong>le</strong>ur pouvoir, <strong>le</strong>ur influence et <strong>le</strong>urs vastes réseaux pour consolider et conserver des basesde pouvoir hors du contrô<strong>le</strong> de l’État. Une économie souterraine est « faci<strong>le</strong>ment détournée par<strong>le</strong>s combattants, directement ou par <strong>le</strong> biais d’une coopération étroite avec des entrepreneurscriminels. Par conséquent, <strong>le</strong>s économies souterraines se transforment souvent en économies decombat, tout en fournissant un revenu aux élites criminel<strong>le</strong>s et aux structures mafieuses 217 ».Des informations, qui ont été confirmées par la mission sur <strong>le</strong> terrain, révè<strong>le</strong>nt que <strong>le</strong>s soldats desFARDC sont impliqués dans <strong>le</strong>s secteurs miniers des territoires de Bafwasende et de Mambasa.Leurs activités semb<strong>le</strong>nt extrêmement bien organisées par <strong>le</strong>urs officiers supérieurs et reproduisent<strong>le</strong>s mêmes schémas que l’économie marchande zaïroise d’avant-guerre, qui a été criminalisée plustard, pendant <strong>le</strong>s guerres du Congo. En effet, « <strong>le</strong> développement de réseaux commerciaux nonofficiels ne décou<strong>le</strong> pas seu<strong>le</strong>ment des conflits récents mais doit être analysé en prenant en comptela nature même de l’État zaïrois d’avant-guerre […] ces anciens réseaux locaux parallè<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>séconomies de guerre actuel<strong>le</strong>s étant intimement liés, il est extrêmement diffici<strong>le</strong> de distinguer cesréseaux « criminalisés » […] de la situation d’avant-guerre 218 . »L’autre tendance qui a été observée est l’application d’un système de taxation illégal, de la part desFARDC et de la police nationa<strong>le</strong> congolaise (PNC), souvent sous la pression de <strong>le</strong>urs supérieurs.Cette pratique reflète, dans ses motivations et son application, cel<strong>le</strong> des agents du gouvernementqui perçoivent des taxes illéga<strong>le</strong>s, et sera traitée plus en détail ci-après.Opienge, dans <strong>le</strong> territoire de BafwasendeComme nous l’avons déjà fait remarquer, <strong>le</strong>s informations provenant de la région d’Opienge sontrares. En raison de la dynamique des conflits dans cette zone, <strong>le</strong>s informations, particulièrementcel<strong>le</strong>s concernant <strong>le</strong>s Maï-Maï des groupes Kumu et Simba, devront être vérifiées, puisque <strong>le</strong>séquipes de recherche sur <strong>le</strong> terrain n’ont pas pu avoir accès à la majorité des espaces s’étendantau sud et à l’est d’Opienge. Les données fournies par <strong>le</strong>s parties prenantes n’ont donc pas puêtre confirmées.Les difficultés rencontrées par l’équipe de recherche pour accéder aux mines, même cel<strong>le</strong>s souscontrô<strong>le</strong> des FARDC, sont peut-être révélatrices d’une implication illéga<strong>le</strong> des soldats et de <strong>le</strong>ursofficiers sur ces sites. Bien sûr, l’observation faite ci-dessus concernant <strong>le</strong>s systèmes d’économiesouterraine a fait l’objet de recherches et a été discutée lors des entretiens menés sur <strong>le</strong> terraindans la partie sud du territoire de Bafwasende. Il existe des preuves claires que <strong>le</strong>s soldats desFARDC tirent profit de l’exploitation et du commerce de minerais, en se servant des opérationsmilitaires pour entrer dans la région. Les troupes, déployées par <strong>le</strong>s FARDC dans la région pourdes opérations militaires, imposent rapidement <strong>le</strong>ur présence et <strong>le</strong>ur pouvoir dans <strong>le</strong>s mines 219 .Le 908e bataillon, sous <strong>le</strong>s ordres du colonel Alain Ilunga et basé dans la vil<strong>le</strong> de Bafwasende,contrô<strong>le</strong> toute la partie est de la zone d’opérations de Bafwasende. 220 . D’après certainesallégations, <strong>le</strong>s soldats de ce bataillon des FARDC auraient recruté, souvent sous la menace, desjeunes des villages environnants pour travail<strong>le</strong>r à la mine. Ces derniers seraient éga<strong>le</strong>ment obligésd’accomplir des tâches ardues, comme <strong>le</strong> transport des marchandises depuis et jusqu’à la mine.Récemment, il a été <strong>rapport</strong>é que « des exactions systématiques et généralisées de la part desFARDC continuent d’être signalées <strong>le</strong> long de l’axe Bafwanduo-Elonga (908 e bataillon) » 221 . Ces« exactions » incluent <strong>le</strong> travail forcé, l’extorsion, la taxation illéga<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s arrestations arbitraires,<strong>le</strong>s vio<strong>le</strong>nces sexuel<strong>le</strong>s, et mêmes des mains coupées pour présomption de complicité avec <strong>le</strong>s Maï-Maï. D’après <strong>le</strong>s informations disponib<strong>le</strong>s, <strong>le</strong> 908 e bataillon serait impliqué non seu<strong>le</strong>ment dans <strong>le</strong>trafic de minerais mais aussi dans celui de viande de brousse et d’ivoire.Il est important de sou<strong>le</strong>ver, dans <strong>le</strong> cadre de ce <strong>rapport</strong>, la question de cette tendance à l’usurpationmilitaire dans <strong>le</strong>s zones d’exploitation minière, puisque l’on pense que <strong>le</strong>s ressources naturel<strong>le</strong>sconstituent la raison des affrontements continus qui opposent <strong>le</strong>s FARDC et <strong>le</strong>s Maï-Maï àl’intérieur et autour du parc, même si <strong>le</strong> dialogue social et politique est perçu comme <strong>le</strong> seul moyenréel de rétablir la paix dans la région 222 . Plusieurs entretiens laissent entendre que <strong>le</strong>s FARDC neveu<strong>le</strong>nt pas trouver de solution de partage du pouvoir en raison des schémas commerciaux établis,et ont donc adopté une approche militaire très dure afin de maintenir <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> sur la région.De plus, <strong>le</strong> conflit prolongé dans la région d’Opienge attire des fonds destinés aux opérationsmilitaires, ce qui potentiel<strong>le</strong>ment offre des opportunités de détournement pour la hiérarchie de la9e région militaire. D’après <strong>le</strong>s mêmes sources, <strong>le</strong>s autorités politiques pourraient être complices.En mai 2010, une tentative de la part d’un dignitaire local agissant au nom de la SOMINDO pourentamer <strong>le</strong> dialogue avec <strong>le</strong>s Maï-Maï près de Balobe indique l’importance des intérêts miniersdans la région et pourrait suggérer que <strong>le</strong>s acteurs locaux traditionnels et du monde des affairesne pensent pas que <strong>le</strong>s solutions militaires vont suffire à el<strong>le</strong>s seu<strong>le</strong>s à résoudre ce conflit prolongé.Néanmoins, tous <strong>le</strong>s bataillons opérant dans la région ne font pas l’objet d’accusations aussi gravesde violations des droits de l’homme. Le 103 e bataillon, sous <strong>le</strong>s ordres du major Mbenza Pepeet qui contrô<strong>le</strong> actuel<strong>le</strong>ment l’axe Bafwabalinga-Opienge-Balobe, ferait d’après <strong>le</strong>s informationsdisponib<strong>le</strong>s un véritab<strong>le</strong> travail de reconstruction et de stabilisation de la région. 223 Depuis sondéploiement, <strong>le</strong>s conditions de sécurité et <strong>le</strong>s relations avec la population loca<strong>le</strong> <strong>le</strong> long de l’axeBafwabalinga-Opienge se sont améliorées.Peu d’informations filtrent à l’extérieur concernant <strong>le</strong> comportement des Maï-Maï dans <strong>le</strong>s zonesqui sont sous <strong>le</strong>ur contrô<strong>le</strong>. Apparemment, <strong>le</strong>s mineurs artisanaux seraient autorisés à extraire<strong>le</strong>s minerais, contre <strong>le</strong> paiement de « taxes » au major Luc. Les Maï-Maï seraient éga<strong>le</strong>mentimpliqués dans <strong>le</strong> trafic d’ivoire et de viande de brousse. Aucune preuve n’a été trouvée pour venirconfirmer <strong>le</strong>s rumeurs selon <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s <strong>le</strong> major Luc remettrait de l’or, des diamants et de l’ivoire àdes politiciens au niveau local et national qui, en retour, lui fourniraient des armes. Ces rumeurssemb<strong>le</strong>nt être propagées par <strong>le</strong>s militaires 224 . Bien que la possibilité que des négociants de Beni etde Butembo, ou que des FARDC du Nord-Kivu, fournissent des armes aux Maï-Maï en échangede minerais ait été évoquée durant ces recherches, il semb<strong>le</strong>rait qu’une grande partie de ces armesait été prise aux FARDC. 225 . Les rumeurs sur une collaboration entre <strong>le</strong>s Maï-Maï du groupeKumu et <strong>le</strong>s FDLR semb<strong>le</strong>nt éga<strong>le</strong>ment sans fondement 226 . En revanche, une collaboration avec<strong>le</strong>s Maï-Maï du groupe Simba de Lubutu et ceux du groupe Oninga du Nord-Kivu paraît tout àfait plausib<strong>le</strong>. 227 .217 Transforming War Economies: Chal<strong>le</strong>nges for Peacemaking and Peacebuilding, Wilton Park, Rapport, p. 13.218 VLASSENROOT K., ROMKEMA H., The Emergence of a New Order? Resources and War in Eastern Congo, dans <strong>le</strong> Journal of HumanitarianAssistance, octobre 2002. http://jha.ac/artic<strong>le</strong>s/a111.htm219 Les paragraphes suivants concernant <strong>le</strong> comportement des FARDC sont basés sur des entretiens sur <strong>le</strong> terrain menés en juin et juil<strong>le</strong>t2010.220 Y compris Bafwasende centre, Bafwanduo, Avakubi, Bigbulu et, jusqu’à ce qu’il en ait été repoussé récemment par <strong>le</strong>s Maï-Maï du majorLuc, <strong>le</strong>s zones plus au sud, vers Ndonga et Elonga.221 Rapport confidentiel.222 Entretiens sur <strong>le</strong> terrain, juin 2010.223 Entretiens sur <strong>le</strong> terrain, juin 2010.224 Cf. AFP, Combats dans <strong>le</strong> nord-est de la RDC: plus de 30 tués depuis fin mai (armée), 22 juin 2008.225 « Neuf mitrail<strong>le</strong>uses prises au 908e Bn ».226 Il existe plusieurs <strong>rapport</strong>s de la MONUC sur des Maï-Maï affrontant <strong>le</strong>s FDLR afin de <strong>le</strong>s garder à l’écart de <strong>le</strong>ur terre nata<strong>le</strong>.227 Rapport confidentiel de l’ONU.


62 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu63Territoire de MambasaD’après <strong>le</strong>s informations recueillies, dans la plupart des sites miniers étudiés du territoire, <strong>le</strong>sFARDC et la police nationa<strong>le</strong> congolaise (PNC) sont présentes de façon ponctuel<strong>le</strong>.Comme cela a été dit dans l’introduction de ce chapitre, la conclusion la plus frappante pouvantêtre tirée des recherches sur <strong>le</strong> terrain concerne <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> des soldats des FARDC dans <strong>le</strong>s routes et<strong>le</strong>s systèmes d’échanges commerciaux de minerais, ainsi que dans la perception de taxes illéga<strong>le</strong>s.<strong>Pour</strong> <strong>le</strong> territoire de Mambasa, ces pratiques touchent l’ensemb<strong>le</strong> du secteur aurifère.Sur <strong>le</strong> terrain, on a tenté de reconstituer certains de ces schémas d’échanges commerciaux ainsique certains comportements qui caractérisent la région 228 :Un soldat vend un chargement de charbon de bois à Komanda 229 puis achète des biens deconsommation courante, comme des cigarettes, de la bière, de la viande de brousse et de lamarijuana. Il <strong>le</strong>s transporte ensuite jusqu’à un site minier reculé. Les mineurs artisanaux sontobligés d’acheter auprès de ces soldats, puisque ces derniers s’assurent que quasiment aucun autrefournisseur de produits de base n’arrive jusqu’à ces sites. Les marchandises sont vendues auxmineurs pour presque <strong>le</strong> doub<strong>le</strong> de ce qu’el<strong>le</strong>s va<strong>le</strong>nt en vil<strong>le</strong>, mais la transaction ne se fait pasnécessairement avec de l’argent. Le troc de biens de consommation contre de l’or est une pratiquetrès répandue, l’or étant perçu comme une devise bien plus stab<strong>le</strong> que la liquidité.Cet or est ensuite amené sur <strong>le</strong> marché à Bunia, Mambasa ou Butembo. À Mambasa, cependant,la vente ne représente pas beaucoup de profits, la vil<strong>le</strong> est donc souvent délaissée pour Bunia ouButembo. Généra<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s commandants prennent un pourcentage sur la vente. Le fait de payer<strong>le</strong>s commandants est un aspect important de la dynamique des échanges commerciaux pour <strong>le</strong>ssoldats, s’ils veu<strong>le</strong>nt rester en poste dans <strong>le</strong>s zones minières rentab<strong>le</strong>s de la province.Les militaires pratiquent éga<strong>le</strong>ment la fourniture de services de protection aux sites miniers et lataxation illéga<strong>le</strong>. Il s’agit des deux pratiques <strong>le</strong> plus souvent citées lors des recherches effectuéessur <strong>le</strong> terrain. La plupart des personnes interrogées ont donné <strong>le</strong> récit de soldats des FARDCqui s’établissent dans une mine d’or pour un ou deux mois, vivent aux crochets de l’AFM,vendent <strong>le</strong>urs marchandises et exigent un paiement d’au moins 10 grammes pour <strong>le</strong>urs services deprotection 230 . La majorité des parties prenantes interrogées ont raconté <strong>le</strong>s visites ponctuel<strong>le</strong>s et<strong>le</strong>s contrô<strong>le</strong>s des sites effectués par l’armée et la police, qui se soldaient par un paiement uniquetel que décrit ci-dessus. Cette taxe militaire, appelée mabonza au niveau local, est apparemmentdestinée aux commandants et perçue par de simp<strong>le</strong>s soldats.Les vols et <strong>le</strong>s vio<strong>le</strong>nces ne sont pas rares sur <strong>le</strong>s sites miniers, bien qu’il existe peu d’opportunitésde <strong>rapport</strong>er de tels incidents, <strong>le</strong>s victimes craignant <strong>le</strong>s représail<strong>le</strong>s. Il n’y a donc que très peu de<strong>rapport</strong>s écrits sur <strong>le</strong>s vio<strong>le</strong>nces perpétrées dans <strong>le</strong>s mines. Maka, <strong>le</strong> site <strong>le</strong> plus important de larégion, a par exemp<strong>le</strong> été entièrement pillé en août 2009. Un document confidentiel de l’ONUdécrit l’incident comme suit : « D’après nos informations, <strong>le</strong>s 23 et 24 août, un groupe d’hommesen uniforme a pillé la mine d’or du village de Maka (entre Nia-Nia et Wamba). Les 5 000 personnesprésentes sur <strong>le</strong> site ont fui dans la forêt. Les comptoirs d’or et de diamants semb<strong>le</strong>nt éga<strong>le</strong>mentavoir été complètement pillés et <strong>le</strong>s hommes ont volé une somme d’environ 30 000 dollars ainsi quedes lots de matières précieuses. Le commandant de la 9 e région militaire a promis d’entreprendreune enquête ». La population de Maka a identifié ces « hommes en uniforme » comme des membresdes FARDC d’Isiro. L’AFM du site en question a avoué que depuis l’attaque, il envoie fréquemmentdes unités (crédits de téléphone portab<strong>le</strong>) à un officier non spécifié du quartier général de la 9 erégion militaire à Kisangani afin d’éviter tout nouveau pillage. Des troupes du « Régiment spécial» basé à Isiro passeraient régulièrement sur <strong>le</strong> site pour y vendre des cigarettes et de la marijuana.Lorsque notre équipe était sur <strong>le</strong> site, el<strong>le</strong> y a découvert un homme ayant été sévèrement battu par<strong>le</strong>s FARDC. Un soldat des FARDC lui avait vendu de la marijuana et un autre l’avait alors arrêtépour possession de cette même marchandise. Ces soldats avaient été envoyés par <strong>le</strong>ur commandant,<strong>le</strong> major John Kapenga 231 , pour une mission de deux semaines sur trois sites miniers afin « d’arrêter<strong>le</strong>s militaires incontrôlés présents dans <strong>le</strong>s carrières ». Dès 2005, bien avant que <strong>le</strong> major Kapengane soit nommé commandant du Régiment spécial d’Isiro, <strong>le</strong>s sites de l’ouest de Mambasa étaient «en partie sous l’influence des autorités militaires d’Isiro », qui y percevaient des sommes d’argentliquide ou des « rations militaires » 232 . Le Régiment spécial reçoit ses instructions directement duquartier général de la 9e région militaire à Kisangani.La situation dans <strong>le</strong> groupement de Bakaiko, une zone qui s’étend au sud de la Réserve defaune à okapis et qui borde <strong>le</strong> Nord-Kivu, mériterait éga<strong>le</strong>ment de faire l’objet de recherchessupplémentaires, afin de corroborer <strong>le</strong>s informations recueillies au cours de cette recherche. Larégion étant très isolée et peu sûre, <strong>le</strong>s informations ont été obtenues auprès de parties prenantesayant des contacts dans ce groupement. D’après ces sources, <strong>le</strong>s FARDC ont une présencesignificative sur la plupart des sites d’exploitation minière de la zone. Fin 2009, <strong>le</strong> chef du posted’encadrement administratif de Bella, sous la compétence duquel tombe cette zone, a été <strong>le</strong> premierfonctionnaire à partir en mission là-bas. Il l’a décrite comme « un monde à part », où la présencedes FARDC se fait lourdement sentir dans la plupart des activités économiques et commercia<strong>le</strong>s.Comme dans la partie sud du territoire de Bafwasende, il n’y a aucune liquidité en circulation,tout se troque contre des minerais. Les parties prenantes interrogées affirment que <strong>le</strong>s FARDC dugroupement de Bakaiko viennent du Nord-Kivu (Butembo, Beni et Mangina ont été mentionnées)ou, pour <strong>le</strong>s sites plus proches de la vil<strong>le</strong> de Mambasa, de l’Ituri (Mambasa et Irumu). Une source afait référence à des affrontements entre <strong>le</strong>s FARDC du Nord-Kivu et d’autres troupes des FARDCde la Province Orienta<strong>le</strong> (Ituri) pour <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> des zones minières productives 233 .D’autres entretiens avec <strong>le</strong>s parties intéressées au cours des recherches sur <strong>le</strong> terrain ont confirmé <strong>le</strong>sentiment de frustration ressenti par tous <strong>le</strong>s acteurs du secteur minier vis-à-vis du comportementagressif et des techniques d’intimidation aussi bien des militaires que des autres acteurs du secteurpublic de la sécurité comme la PNC, et de l’impunité dont ils bénéficient et par conséquent, de laquasi impossibilité pour <strong>le</strong>s autorités civi<strong>le</strong>s et coutumières de faire punir ces violations. Il fautcependant noter que ces autorités jouent el<strong>le</strong>s-mêmes un rô<strong>le</strong> dans l’exacerbation de cette situation.Bien souvent, el<strong>le</strong>s accueil<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>s mineurs artisanaux dans <strong>le</strong>ur région afin de pouvoir percevoir<strong>le</strong>s taxes et <strong>le</strong>s frais liés à <strong>le</strong>ur installation, mais ne font presque rien pour mettre en place dessystèmes de gouvernance appropriés pour protéger ces mineurs et établir des mesures de sécuritéau niveau local. Ce n’est qu’une fois que l’armée et la police commencent à col<strong>le</strong>cter des taxeset à imposer <strong>le</strong>ur présence dans <strong>le</strong>s autres domaines du commerce que ces acteurs commencent às’inquiéter des problèmes de gouvernance.3.5 ConclusionLa partie sud de la Province Orienta<strong>le</strong> échappe pour une grande part au contrô<strong>le</strong> officiel desautorités provincia<strong>le</strong>s et des agences de contrô<strong>le</strong> minières. Sa production est dans l’ensemb<strong>le</strong>vendue dans <strong>le</strong> Nord-Kivu. Les chiffres pour l’or sont <strong>le</strong>s plus frappants : en moyenne, 67 % del’or acheté par <strong>le</strong>s négociants de Butembo en 2009 (et au premier semestre 2010) provenaient dela Province Orienta<strong>le</strong>. Cela a des implications pour <strong>le</strong>s revenus fiscaux perçus par <strong>le</strong> gouvernementau niveau provincial, qui pourraient encore s’accentuer à l’avenir, avec l’application du processusde décentralisation en RDC.231 Le major Kapenga était auparavant en poste à Opienge. Peu avant janvier 2009, il a été rappelé à Kisangani pour consultation avec <strong>le</strong>général Kifwa. Il aurait été impliqué dans la disparition de munitions à des fins de braconnage. À la suite de son rappel, en janvier 2009, ila été pris en otage, ainsi que douze autres membres des FARDC, par <strong>le</strong> major Luc à Balobe, selon un <strong>rapport</strong> sur la sécurité de OCHA pourla Province Orienta<strong>le</strong>, 1er novembre – 1er décembre 2008.232 HART T., AVELING C., Rapport de mission de monitoring de l’état de conservation de la Réserve de faune à okapis, République démocratiquedu Congo (RDC), 12 – 23 mai, 2006, UNESCO, mai 2006, p. 13.233 Entretiens sur <strong>le</strong> terrain, en juin 2010.228 Entretiens sur <strong>le</strong> terrain, juin 2010.229 Une vil<strong>le</strong> située à 70 km au sud-ouest de Bunia.230 Entretiens menés sur <strong>le</strong> terrain par <strong>le</strong>s auteurs et <strong>le</strong>urs partenaires locaux, en juin et juil<strong>le</strong>t 2010.


64 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu65L’or est <strong>le</strong> minerai <strong>le</strong> plus exploité dans <strong>le</strong>s zones étudiées mais la production, artisana<strong>le</strong> du moins,est sans aucun conteste moins importante que dans <strong>le</strong> territoire de Djugu par exemp<strong>le</strong>, <strong>le</strong> plusproductif du district de l’Ituri. Il se pourrait que la production des opérations semi-industrialiséesde la rivière Ituri, dans <strong>le</strong> territoire de Mambasa, soit beaucoup plus é<strong>le</strong>vée, mais el<strong>le</strong> est inconnue.Des zones réputées être très productives dans <strong>le</strong> sud du territoire de Bafwasende (au nord du parcnational de la Maiko) et celui de Mambasa (groupement de Bakaiko) n’ont pu être atteintes àcause de la présence des FARDC et/ou de <strong>le</strong>ur iso<strong>le</strong>ment géographique.En ce qui concerne <strong>le</strong>s droits miniers et la gestion des sites, <strong>le</strong> système appliqué dans la province,où <strong>le</strong>s administrateurs de foyer minier (AFM) dirigent <strong>le</strong>s sites d’exploitation artisana<strong>le</strong> (systèmepréexistant au Code minier de 2002), pose problème.Les AFM exercent une autorité tota<strong>le</strong> sur <strong>le</strong>s mineurs et nombre d’entre eux utilisent <strong>le</strong>ur autoritépour exploiter <strong>le</strong>s creuseurs à un degré plus important qu’ail<strong>le</strong>urs en RDC. Ils imposent <strong>le</strong>urspropres taxes, tout en détenant pour la plupart un monopo<strong>le</strong> sur <strong>le</strong>s échanges commerciaux sursite (imposant souvent un système de troc) et n’observent en général pas <strong>le</strong>s rég<strong>le</strong>mentations enmatière de santé, de sûreté et d’environnement.Les permis accordés aux AFM par la Division provincia<strong>le</strong> des mines représentent une source derevenus considérab<strong>le</strong> pour la province, mais ne sont pas reconnus par <strong>le</strong> gouvernement central.Cela provoque des conflits lorsque <strong>le</strong>s compagnies détenant des titres exclusifs légaux délivrés par<strong>le</strong> Cadastre minier arrivent dans <strong>le</strong>s zones couvertes par des permis provinciaux.Des compagnies transparentes et cotées en bourse à l’échel<strong>le</strong> mondia<strong>le</strong>, tel<strong>le</strong>s que la Kilo GoldminesLtd., ont commencé <strong>le</strong>urs activités d’exploration dans <strong>le</strong> territoire de Mambasa. Mais d’unautre côté, un certain nombre de compagnies privées plus douteuses, ayant <strong>le</strong> soutien de hautsfonctionnaires congolais, ont des opérations d’exploitation semi-industrialisée sur la rivière Ituri,gardées par <strong>le</strong>s militaires, et ne déclarent aucune production ni exportation. Cela s’apparente detrès près à un véritab<strong>le</strong> pillage et exige une restauration urgente de l’autorité de l’État.Quant aux routes commercia<strong>le</strong>s menant au Nord-Kivu, ce qui mérite <strong>le</strong> plus d’être mentionnéici est l’augmentation des quantités de cassitérite transportées depuis Walika<strong>le</strong> (Nord-Kivu) et laprovince du Maniema à Butembo et Goma via la capita<strong>le</strong> de la Province Orienta<strong>le</strong>, Kisangani.Cet itinéraire détourné devra être pris en compte dans <strong>le</strong> cadre de toute tentative de régu<strong>le</strong>r <strong>le</strong>commerce de minerais dans l’est de la RDC, d’autant plus maintenant que <strong>le</strong> président Kabila asuspendu <strong>le</strong>s activités minières dans <strong>le</strong>s Kivu.Dans la partie sud des territoires de Bafwasende et Mambasa, <strong>le</strong>s soldats des FARDC sont présentssur <strong>le</strong>s sites miniers et impliqués dans <strong>le</strong> commerce de minerais. Une pratique courante, bienqu’irrégulière dans <strong>le</strong> temps, consiste pour eux à imposer <strong>le</strong> commerce de biens courants, comme<strong>le</strong>s cigarettes et la marijuana, en échange d’or autour des sites. Ces échanges semb<strong>le</strong>nt être trèsstructurés par <strong>le</strong>s officiers supérieurs de ces soldats.Dans la région d’Opienge, dans <strong>le</strong> sud du territoire de Bafwasende, <strong>le</strong>s FARDC se servent desopérations militaires contre <strong>le</strong>s Maï-Maï du groupe Kumu pour pouvoir pénétrer dans <strong>le</strong>s zonesminières. Ce phénomène entraîne des violations systématiques et généralisées des droits del’homme contre la population loca<strong>le</strong>. Les Maï-Maï de la branche Kumu semb<strong>le</strong>nt éga<strong>le</strong>ment êtreimpliqués dans l’exploitation et <strong>le</strong> commerce de minerais dans <strong>le</strong>s zones qu’ils contrô<strong>le</strong>nt.Le territoire de Mambasa n’est pas une zone d’opération militaire, mais <strong>le</strong>s soldats des FARDCapparaissent régulièrement sur <strong>le</strong>s sites d’exploitation artisana<strong>le</strong>, aussi bien pour échanger desbiens contre de l’or que pour percevoir illéga<strong>le</strong>ment des taxes. Certains soldats sont employéspar des compagnies privées pour garder <strong>le</strong>urs sites d’exploitation semi-industrialisée, ainsi quecela a été mentionné plus haut dans ce chapitre. Des comportements prédateurs, des manœuvresd’intimidation et <strong>le</strong> recours à la vio<strong>le</strong>nce de la part des soldats et de la police sont signalés.Conclusion généra<strong>le</strong> et recommandationsENCADRÉ 8Résumé des recommandationsSi <strong>le</strong> gouvernement congolais, en coopération avec <strong>le</strong>s gouvernements provinciaux et avec <strong>le</strong> soutiendes donateurs internationaux, parvenait à sécuriser l’arrière-pays relativement calme et à l’ouvrirau commerce, cela aurait des effets positifs sur <strong>le</strong>s affaires, ferait augmenter <strong>le</strong>s revenus de l’État,serait bénéfique à la population loca<strong>le</strong> et pourrait très bien, par la même occasion, servir de projetexpérimental pour <strong>le</strong>s processus de vérification préalab<strong>le</strong>.Il est clair, d’après <strong>le</strong>s informations exposées ci-dessus, que la région de l’arrière-pays n’a rien àenvier aux Kivu en termes de production minéra<strong>le</strong>. Les zones entourant <strong>le</strong> Nord et <strong>le</strong> Sud-Kivuconstituent d’importants fournisseurs de minerais pour <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s marchandes des deux provinceset il semb<strong>le</strong> que chacune des trois régions étudiées dans ce <strong>rapport</strong> ait sa propre « spécialité ».Le Maniema produit une majeure partie de la cassitérite arrivant à Bukavu et à Goma ; <strong>le</strong> Nord-Katanga est <strong>le</strong> plus important fournisseur de coltan pour Bukavu, voire la zone minière la plusimportante pour ce minerai dans tout l’est de la RDC, et enfin <strong>le</strong>s territoires de Bafwasende etde Mambasa produisent une quantité considérab<strong>le</strong> d’or. Le minerai d’or produit dans l’ensemb<strong>le</strong>de la Province Orienta<strong>le</strong> constitue la majorité de l’or commercialisé dans la vil<strong>le</strong> de Butembo,au Nord-Kivu, bien qu’il fail<strong>le</strong> admettre que la production des territoires de Bafwasende et deMambasa – au moins en ce qui concerne l’exploitation artisana<strong>le</strong> 234 - est nettement inférieureà cel<strong>le</strong> du territoire de Djugu, par exemp<strong>le</strong>. Il faut noter en outre que <strong>le</strong> Maniema et <strong>le</strong> Nord-Katanga disposent d’un fort potentiel pour la production de minerai aurifère.Cette région étant <strong>le</strong> fournisseur des deux provinces du Kivu, <strong>le</strong>s principaux bénéficiaires ducommerce des minerais qui en proviennent sont <strong>le</strong>s négociants installés dans ces provinces. Ceciest particulièrement vrai pour <strong>le</strong> Maniema où, à cause de la déréliction des infrastructures detransport, <strong>le</strong>s minerais sont majoritairement transportés directement par avion vers <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>sfrontalières des Kivu, depuis des pistes aériennes dispersées dans l’ensemb<strong>le</strong> de la province.La réhabilitation des infrastructures de transport devrait être l’une des priorités des donateurs etdes investissements de l’État dans <strong>le</strong>s trois régions de l’arrière-pays du Kivu. Cela permettrait dedévelopper <strong>le</strong> secteur minier en stimulant <strong>le</strong>s échanges commerciaux légaux et <strong>le</strong>s investissementssérieux. Cependant, plusieurs obstac<strong>le</strong>s devront être surmontés, notamment l’insécurité, <strong>le</strong>sproblèmes logistiques et la maintenance des infrastructures réparées. L’enjeu est donc beaucoupplus important que <strong>le</strong> simp<strong>le</strong> fait de construire une route.Le gouvernement congolais devrait mettre au point une stratégie pour ouvrir l’arrière-pays. Cettestratégie devrait s’attaquer à trois problèmes majeurs : <strong>le</strong>s infrastructures, la transparence desadministrations et la sécurité (voir ci-dessus). Ouvrir l’arrière-pays profitera à la population loca<strong>le</strong> deplusieurs autres manières. Comme l’illustre <strong>le</strong> cas de Kongolo, l’arrière-pays des Kivu est en généralune région isolée qui a besoin d’échanges commerciaux et de concurrence commercia<strong>le</strong> pour pouvoirbénéficier de la fourniture (importation) de biens de consommation et de nourriture abordab<strong>le</strong>s.Plustard, <strong>le</strong>s mêmes arguments pourraient être avancés en ce qui concerne la fourniture d’énergie.Seul un petit nombre de comptoirs sont présents dans la province du Maniema, c’est pourquoiune grande partie des négociants vend ses minerais directement aux comptoirs de Goma et de234 La production des opérations minières semi-industriel<strong>le</strong>s de la rivière Ituri, dans <strong>le</strong> territoire de Mambasa, pourrait être bien plusimportante, mais n’est pas connue.


66 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu67Bukavu. Ceci constitue l’un des obstac<strong>le</strong>s majeurs à la transparence du commerce dans l’arrièrepayset à la génération de revenus pour <strong>le</strong>s caisses de la province.D’autres comptoirs devraient établir des bureaux dans <strong>le</strong>s zones de l’arrière-pays, idéa<strong>le</strong>mentéquipés de concasseurs afin d’augmenter la va<strong>le</strong>ur de <strong>le</strong>ur produit.Des mesures pourraient être prises pour inciter <strong>le</strong>s comptoirs à venir s’instal<strong>le</strong>r dans la région.<strong>Pour</strong> <strong>le</strong>s récompenser de <strong>le</strong>urs performances (en matière de transparence, de professionnalisation,de traitement des minerais, etc.) el<strong>le</strong>s pourraient par exemp<strong>le</strong> bénéficier de matériel ou desoutien technique. De tel<strong>le</strong>s mesures requerraient l’implication de nombreuses parties prenantes,notamment <strong>le</strong> gouvernement de la RDC, <strong>le</strong>s donateurs internationaux, <strong>le</strong>s négociants en métauxinternationaux et <strong>le</strong>s fédérations commercia<strong>le</strong>s congolaises. Donner des droits d’achat exclusifsaux comptoirs pourrait <strong>le</strong>ur donner un intérêt à venir s’instal<strong>le</strong>r dans l’arrière-pays des Kivu. Il estcependant peu probab<strong>le</strong> que de tel<strong>le</strong>s mesures créeront un environnement d’échanges commerciauxdurab<strong>le</strong>s, puisque c’est <strong>le</strong> comptoir lui-même qui génère <strong>le</strong> soutien (et qu’il peut <strong>le</strong> faire sans avoirà trop se préoccuper de questions socia<strong>le</strong>s ou autres critères).Les négociants de Butembo et de Bunia comptent parmi <strong>le</strong>s principaux bénéficiaires du commercede l’or provenant des territoires de Bafwasende et de Mambasa. Néanmoins, dans plusieurszones du territoire de Mambasa, des exploitants semi-industriels de minerai d’or et <strong>le</strong>urs soutienspolitiques et administratifs semb<strong>le</strong>nt éga<strong>le</strong>ment faire d’importants profits.En raison de récents développements, la situation dans <strong>le</strong> Nord-Katanga est différente. Là-bas,un seul comptoir encaisse <strong>le</strong>s profits du commerce du coltan et dans une moindre mesure, de lacassitérite, produits loca<strong>le</strong>ment. L’installation de ce comptoir, soutenu par Lubumbashi, a permisde passer outre <strong>le</strong>s négociants opérant depuis <strong>le</strong>s Kivu.Les mesures prises unilatéra<strong>le</strong>ment par <strong>le</strong> gouvernement katangais (qu’el<strong>le</strong>s outrepassent sescompétences ou non) laissent supposer que donner plus de responsabilités aux provinces(notamment une part plus grande dans la taxation des échanges de minerais) pourrait <strong>le</strong>s inciter àmieux gérer <strong>le</strong> commerce et à lutter contre <strong>le</strong>s abus. Comme cela pourrait entraîner une concurrenceavec <strong>le</strong> gouvernement national ou <strong>le</strong>s autres provinces, il serait nécessaire d’établir un système decoordination entre ces différentes parties prenantes. En outre, il faudrait qu’il y ait un partage desinformations et une comparaison des données plus importants entre <strong>le</strong>s services d’État travaillantsur <strong>le</strong> secteur minier des différentes provinces et régions. La possibilité de créer des structuresofficiel<strong>le</strong>s de coordination entre <strong>le</strong>s provinces (par exemp<strong>le</strong> entre <strong>le</strong> Katanga et <strong>le</strong> Sud-Kivu pour<strong>le</strong> coltan ou entre <strong>le</strong> Maniema et <strong>le</strong> Nord-Kivu pour la cassitérite) devrait être examinée.À la lumière de ces considérations, il faudrait garder à l’esprit <strong>le</strong>s prochaines phases du processus(retardé) de décentralisation en RDC car la Constitution congolaise stipu<strong>le</strong> qu’une fois ladécentralisation en place, <strong>le</strong>s provinces garderont 40 % des revenus qu’el<strong>le</strong>s auront générés aulieu de toucher des « rétrocessions » de Kinshasa (il faut cependant noter que ladite dispositionpourrait être changée). De plus, il est prévu que <strong>le</strong>s onze provinces du pays soient subdivisées envingt-six nouvel<strong>le</strong>s provinces <strong>le</strong> long des frontières des districts actuels (ceci est particulièrementimportant pour <strong>le</strong> district du Tanganyika dans <strong>le</strong> Nord-Katanga). Ces deux mesures devraientcertainement motiver <strong>le</strong>s politiciens et fonctionnaires locaux à prendre contrô<strong>le</strong> sur « <strong>le</strong>ur » zonede production minéra<strong>le</strong> congolaise. Naturel<strong>le</strong>ment, il reste à voir quel<strong>le</strong> part des revenus fiscauxde la province reviendrait aux territoires et aux secteurs.L’opposition loca<strong>le</strong> aux mesures drastiques prises par <strong>le</strong> gouvernement provincial katangais estla preuve qu’el<strong>le</strong>s l’ont été sans consultation. Augmenter <strong>le</strong>s responsabilités des provinces devraitdonc impliquer l’inclusion de toutes <strong>le</strong>s parties prenantes au niveau provincial. Des exemp<strong>le</strong>sde ce type de forums existent déjà, bien que sous forme naissante, dans <strong>le</strong>s Kivu et dans l’Ituri.Dans <strong>le</strong> Sud-Kivu, un groupe tripartite, réunissant <strong>le</strong> gouvernement provincial, la société civi<strong>le</strong>et <strong>le</strong>s représentants des négociants, a organisé un atelier de trois jours début 2010. À Goma, unetab<strong>le</strong> ronde organisée en mars 2010 a donné naissance à un groupe de lobbying/réf<strong>le</strong>xion auquelparticipent des représentants de la communauté loca<strong>le</strong>. En Ituri, <strong>le</strong> Cadre de concertation de lasociété civi<strong>le</strong> de l’Ituri sur <strong>le</strong>s industries extractives existe depuis 2007 et a organisé un large paneld’activités. Des mécanismes similaires devraient être créés dans l’arrière-pays kivutien, où ils sontnécessaires pour garantir un soutien global des politiques et des réformes.Officiel<strong>le</strong>ment, aucune exploitation industriel<strong>le</strong> n’a lieu dans <strong>le</strong>s trois régions qui ont été étudiéesdans ce <strong>rapport</strong>. Dans <strong>le</strong> Maniema, certaines des compagnies minières ayant échoué à faireredémarrer l’exploitation industriel<strong>le</strong> se sont tournées vers la commercialisation des mineraisexploités de façon artisana<strong>le</strong> sur <strong>le</strong>urs concessions.Mise à part <strong>le</strong>s opérateurs économiques, des membres de groupes armés et de l’armée nationa<strong>le</strong>font éga<strong>le</strong>ment partie des acteurs qui dégagent un revenu de l’activité minière généralisée dansl’arrière-pays de l’est de la RDC. Ce phénomène existe dans chacune des trois régions étudiéeset il est similaire aux pratiques observées dans <strong>le</strong>s Kivu, en cela que ce sont généra<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>spopulations loca<strong>le</strong>s qui sont <strong>le</strong> plus touchées par <strong>le</strong>s extorsions armées et autres exactions.En dépit des graves violations des droits de l’homme commises dans <strong>le</strong> cadre de l’activité minière à lafois par <strong>le</strong>s groupes armés et <strong>le</strong>s FARDC, il faut souligner que <strong>le</strong> problème de la sécurité dans l’arrièrepaysn’est pas aussi comp<strong>le</strong>xe que dans <strong>le</strong>s Kivu, où plusieurs conflits sous-jacents constituent desmoteurs plus importants du comportement des groupes armés. Dans l’arrière-pays au contraire,aucun de ces groupes ne revendique un réel agenda politique ou des griefs insurmontab<strong>le</strong>s.Dans <strong>le</strong>s provinces du Kivu, <strong>le</strong> conflit armé ne pourra pas être résolu en rég<strong>le</strong>mentant <strong>le</strong> commercede minerais et un réel développement du secteur minier est probab<strong>le</strong>ment impossib<strong>le</strong> tant que lasituation de conflit persistera. De ce fait, il serait peut-être plus sensé de commencer par développer<strong>le</strong> secteur minier de l’arrière-pays, où il sera plus aisé de rétablir l’autorité de l’État.Dans <strong>le</strong> Nord-Katanga, <strong>le</strong>s FDLR ont effectué un nombre limité de raids sur <strong>le</strong>s sites d’exploitationartisana<strong>le</strong>, tandis que <strong>le</strong>s FARDC montrent un comportement prédateur sur plusieurs des sitesplus importants, notamment dans <strong>le</strong> territoire de Nyunzu.Dans <strong>le</strong> Maniema, la situation est plutôt calme concernant la sécurité et une grande partie deszones minières de la province ne subit aucune présence militaire. Ce n’est cependant pas <strong>le</strong> cas detoutes : certaines subissent des incursions régulières de groupes armés ainsi que des extorsions dela part de factions armées et des autorités civi<strong>le</strong>s.Le calme relatif qui règne dans la majeure partie de l’arrière-pays offre une réel<strong>le</strong> opportunité pourla mise en place d’efforts de vérification préalab<strong>le</strong>, puisque la plupart des sites miniers se trouventhors des zones de conflit. Ces efforts, tels que définis par l’Organisation de coopération et dedéveloppement économiques (OCDE) et la législation américaine, exigent des compagnies qu’el<strong>le</strong>sdéclarent si des minerais provenant des zones de conflits et pouvant avoir contribué au financementde groupes armés sont inclus dans <strong>le</strong>urs chaînes d’approvisionnement. Ceci, à son tour, requiertla mise en place d’un mécanisme permettant de distinguer <strong>le</strong>s minerais « propres » des « sa<strong>le</strong>s ».Dans un premier temps, cette distinction doit être clairement définie, notamment en prenantnettement position sur la façon de gérer <strong>le</strong> problème des violations des droits de l’hommeperpétrées par <strong>le</strong>s soldats de l’armée congolaise. Ensuite, trois étapes doivent être mises en place :• Une certification à la source serait probab<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> moyen <strong>le</strong> plus fiab<strong>le</strong> d’identifier <strong>le</strong>s mineraisnon touchés par <strong>le</strong>s conflits. La mise en place d’un système comp<strong>le</strong>t de certification constituecependant un processus long. De ce fait, il faudrait commencer par des îlots de transparence.


70 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu71Annexe: Prix du coltan et de la cassitériteA. Prix du marché mondial (USD)B. Prix d’exportationLe fait que <strong>le</strong>s prix de la cassitérite ont proportionnel<strong>le</strong>ment beaucoup plus diminué en 2009 estéga<strong>le</strong>ment très clair lorsque l’on observe <strong>le</strong>s prix moyens d’exportation de ces minerais en RDC.USD/kgÉvolution du prix du coltan7060504030Prix mensuelPrix moyens d’exportation par an2007 USD/kg 2008 USD/kg 2009 USD/kg (6 premiersmois)Cassitérite 3,05 9,95 6,64Coltan 9,37 17,66 15,80Source : CEEC, direction technique, Division des matières semi-précieuses20100Janvier 2008Avril 2008Juil<strong>le</strong>t 2008Octobre 2008Janvier 2009Avril 2009Juil<strong>le</strong>t 2009Octobre 2009Janvier 2010Avril 2010Juil<strong>le</strong>t 2010MoisLes prix sont exprimés en dollars courantsSource : www.asianmetal.comÉvolution du prix de la cassitérite30,0025,00USD/kg20,0015,0010,00Prix moyen5,000,00Janvier 2008Avril 2008Juil<strong>le</strong>t 2008Octobre 2008Janvier 2009Avril 2009Juil<strong>le</strong>t 2009Octobre 2009Janvier 2010Avril 2010MoisLes prix sont exprimés en dollars courants, prix au comptantSource : London Metal Exchange (Bourse des métaux de Londres)Alors que <strong>le</strong> prix de l’étain a diminué de moitié fin 2008 et début 2009 (lorsque la crise financièremondia<strong>le</strong> a frappé) et commence seu<strong>le</strong>ment à remonter la pente, <strong>le</strong> prix du coltan est resté plusstab<strong>le</strong> et monte en flèche depuis début 2010. 235235 Le coltan n’étant pas enregistré à la LME, <strong>le</strong> graphique vient d’Asian Metal, une société d’information fournissant des données fiab<strong>le</strong>ssur <strong>le</strong>s prix des métaux. Asian Metal propose des chiffres mensuels minimums et maximums pour <strong>le</strong> coltan, au lieu de prix moyens.La période couverte va de janvier 2008 à juil<strong>le</strong>t 2010, afin de fournir <strong>le</strong>s chiffres <strong>le</strong>s plus récents tout en incluant quand même la crisemondia<strong>le</strong> de 2008, ce qui permet une bonne analyse de l’évolution des prix.


72 International A<strong>le</strong>rt


International A<strong>le</strong>rt.346 Clapham Road, London SW9 9AP, United KingdomTel +44 (0)20 7627 6800, Fax +44 (0)20 7627 6900, Email general@international-a<strong>le</strong>rt.orgwww.international-a<strong>le</strong>rt.orgISBN 978-1-906677-72-5

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