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Anastasie sévit en Suisse - Edito + Klartext

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EsommaireACTUALITÉboîte postaleEChère lectrice,cher lecteur,+Photos Keystone / Tamedia-Edipresse / DR6> A quelle sauce seront mangés les employés d’Edipresse après la prise de contrôletotal par Tamedia? L’interview de Martin Kall, directeur général du groupe alémanique.10> La c<strong>en</strong>sure existe, je l’ai r<strong>en</strong>contrée. Des éditeurs de livres (sur notrephoto Estelle Gitta des Editions Eclectica) et des journalistes témoign<strong>en</strong>t.actualité6 „Tamedia ne rev<strong>en</strong>dra ri<strong>en</strong> à Hersant”L’interview du PDG Martin Kall, après l’absorption d’Edipresse.8 La converg<strong>en</strong>ce démarre <strong>en</strong> demi-teinteLes couacs de la nouvelle <strong>en</strong>tité radio-TV.10 La c<strong>en</strong>sure existe <strong>en</strong> <strong>Suisse</strong>, je l’ai r<strong>en</strong>contréeEditeurs, essayistes et journalistes, ils sont confrontés à la c<strong>en</strong>sure.14 „Notre société est plombée par la peur”Le regard du fondateur du satirique „Vigousse”.18 Le trio de la Rue de la Truite„Le Courrier” expérim<strong>en</strong>te une nouvelle formule de direction.L’AIR DU LARGE22 Le sacre d’Al JazeeraRetour sur les raisons du succès de la chaîne qatarie.26 La Libye vue du VénézuelaL’information très partisane de la chaîne TeleSUR.28 Il <strong>en</strong>quête, pistolet à la ceinturePortrait de Paul Huebl, journaliste américain... et détective.33 Spiegel OnlineInformation de qualité gratuite sur Internet? C’est possible.SERVICES34 N’oubliez pas de protéger vos sources!Sous écoute, les médias jou<strong>en</strong>t à l’autruche.36 Dans la toile des manipulateursLe phénomène des „spin doctors” surfe sur les médias <strong>en</strong> crise.37 L’av<strong>en</strong>ir de la presse dans la guerre des tranchéesLes critiques fus<strong>en</strong>t contre des études de l’Ofcom.@L’Association éditrice EDITO etla Fondation KLARTEXT sontheureuses de vous prés<strong>en</strong>ter,pour la première fois, un cahiercommun. Ainsi que cela a déjàété annoncé, deux magazinesde médias, le plus jeune et leplus anci<strong>en</strong>, mett<strong>en</strong>t leursforces <strong>en</strong> commun. La nouvelleformule EDITO+KLARTEXTs’impose ainsi comme le plusgrand magazine de médias de<strong>Suisse</strong>. Elle allie la compét<strong>en</strong>cejournalistique et le savoir-faireprofessionnel.L’équipe rédactionnelleest formée des signatures quiont distillé jusqu’ici, au fil desnuméros, les informations etanalyses cont<strong>en</strong>ues dans lesdeux revues respectives.Il s’agit de Hel<strong>en</strong> Brügger,Bettina Büsser, ChristianCampiche et Philipp Cu<strong>en</strong>i.Le graphisme a été légèrem<strong>en</strong>tadapté, confirmant cetteconfiance. Des élém<strong>en</strong>tsoptiques et de cont<strong>en</strong>u propresaux deux cahiers ont étéfondus de telle manière àconcilier le meilleur de chaqueformule.Les éditeurs d’EDITO+KLARTEXT seront sout<strong>en</strong>uspar les trois associations dejournalistes impressum, le SSMet Syndicom, transc<strong>en</strong>dant lafrontière des langues. Larédaction se répartit <strong>en</strong> deuxcahiers distincts, l’un <strong>en</strong>langue française, l’autre <strong>en</strong>langue allemande, unestructure qui <strong>en</strong>richit le débat.EDITO+KLARTEXT offr<strong>en</strong>taux acteurs de la scènemédiatique une tribune quisera <strong>en</strong>t<strong>en</strong>due. Les éditeursvous remerci<strong>en</strong>t pour votresouti<strong>en</strong> et vous souhait<strong>en</strong>tune agréable lecture.Association éditrice EDITOFondation KLARTEXTVotre avis nous intéresse. Ecrivez àredaction@edito-online.chBonjour! Grüezi!L’équipe rédactionnelle d’EDITO+KLARTEXTtransc<strong>en</strong>de la barrière des langues et de rösti.Elle <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d offrir aux acteurs de la scène médiatiqueune tribune des deux côtés de la Sarine.La nouvelle formule EDITO+KLARTEXT s’impose<strong>en</strong> effet comme le plus grand magazine demédias de <strong>Suisse</strong>.EPublicitéle trait de stephffLa nouvelle rédaction EDITO+KLARTEXT (de gauche à droite):Hel<strong>en</strong> Brügger, Christian Campiche, Bettina Büsser, Philipp Cu<strong>en</strong>i.«Kein<strong>en</strong> Standpunkt hat nur, wer schwebt.»Aus dem Artikel: «Das Märch<strong>en</strong> der Objektivität» von Ronnie Grobweiterles<strong>en</strong> ... www.medi<strong>en</strong>woche.chDas neue digitale Medi<strong>en</strong>magazin der Schweiz17Photo Christian Roth2011-medi<strong>en</strong>woche-ins-191x39.indd 1 18.02.11 16:304 EDITO+KLARTEXT 02 | 2011 02 | 2011 EDITO+KLARTEXT 5


EACTUALITÉRadio-TVACTUALITÉradio-tvELa converg<strong>en</strong>cedémarre <strong>en</strong> demi-teinteDepuis plus d’une année, la radio et la télévision suisses romandes form<strong>en</strong>tune seule <strong>en</strong>tité. Depuis 2011, une partie des journalistes des rédactions thématiquestravaill<strong>en</strong>t <strong>en</strong>semble – non sans quelques couacs. Par Hel<strong>en</strong> BrüggerZ<strong>en</strong>dali jette l’eponge.L’affaire a fait les gros titres.Lorsqu’<strong>en</strong> automne dernier,Michel Z<strong>en</strong>dali, animateur etproducteur de l’émission „Tardpour bar” a jeté l’éponge, il a invoquéla converg<strong>en</strong>ce pour expliquer sadémission. Dans sa déclaration à „L’Illustré”,il a exprimé son scepticisme à l’égarddu processus: „En matière de culture, l’idéequi préside à cette ‚converg<strong>en</strong>ce’ est qu’onproduira une meilleure soupe <strong>en</strong> mettanttous les collaborateurs dans le même grandbouillon. Eh bi<strong>en</strong>, moi, je suis convaincudu contraire.”La direction de la Radio Télévision<strong>Suisse</strong> (RTS) a réagi sans att<strong>en</strong>dre. Elle a externaliséle mandat de conception et deproduction de l’émission qui a été confié àPoint Prod, une société privée fondée pard’anci<strong>en</strong>s collaborateurs de la télévision,où Edipresse – soit Tamedia – déti<strong>en</strong>t 30pour c<strong>en</strong>t des parts.Photo KeystoneCette décision a provoqué un chocchez les journalistes et les producteurs, quiont adressé une lettre de protestation à ladirection, dénonçant le fait que celle-ci„préfère externaliser son principal r<strong>en</strong>dezvousculturel télévisuel au lieu d’utiliser lescompét<strong>en</strong>ces de ses propres collaborateurs”.Tout <strong>en</strong> précisant qu’ils ne sont pas opposésau principe d’externalisation de certainesémissions de télévision, ils dis<strong>en</strong>t ne pascompr<strong>en</strong>dre pourquoi „la nouvelle rédactionthématique culturelle est d’<strong>en</strong>trée dejeu écartée de la création de cette nouvelleformule de magazine culturel”.Dans sa réponse, la direction indiqueque la nouvelle émission sera réalisée <strong>en</strong>coproduction, mais que sa responsabilitééditoriale revi<strong>en</strong>dra <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t à la RTS.Interrogé par EDITO/<strong>Klartext</strong>, le directeurGilles Marchand ajoute que, si la questiondu timing paraît discutable, la direction at<strong>en</strong>u pour sa part à proposer une solutionde rechange dans les plus brefs délais.Eric Burnand, membre de la „communautédes producteurs” de la télévision,ne se satisfait pas de cette explication. Carla formule de coproduction n’est pas nouvelle<strong>en</strong> effet, „mais c’est la première foisqu’un magazine hebdomadaire de cetteimportance est externalisé”. La responsabilitééditoriale doit rester à la RTS, selon lui,„c’est un point crucial auquel les producteursaccorderont la plus grande att<strong>en</strong>tion”.Autonomie <strong>en</strong> danger? L’affaire „Tardpour bar” est le seul cas de conflit sérieux relevéà ce jour dans le processus de converg<strong>en</strong>cede la RTS. Ce n’est pas l’externalisation<strong>en</strong> soi qui dérange, affirme Laur<strong>en</strong>ce Bisang,collaboratrice de la radio et membrede la „communauté des producteurs”, „maisle fait que les décisions soi<strong>en</strong>t prises sansnous consulter est un mauvais signe pour laconverg<strong>en</strong>ce”. Les producteurs s’inquièt<strong>en</strong>tpour leur autonomie. Ils redout<strong>en</strong>t que lesnouvelles rédactions ne soi<strong>en</strong>t restreintesdans leur créativité, tout comme dans leursbudgets.Le directeur de la RTS affirme que cescraintes sont infondées. La nouvelle formuleest au contraire c<strong>en</strong>sée apporter davantaged’autonomie, <strong>en</strong> particulier aux collaborateursde la radio, car les quatre chaînes travaillerontde manière plus indép<strong>en</strong>dante lesunes des autres, assure Gilles Marchand.Mais ce discours ne convainc pas toutle monde. Les collaborateurs de la radio etde la télévision interrogés ne croi<strong>en</strong>t pas auxvertus des grands rapprochem<strong>en</strong>ts. Seulesles petites équipes soudées parvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t àfaire preuve de créativité et d’efficacité et àpermettre aux différ<strong>en</strong>tes s<strong>en</strong>sibilités des’exprimer, estime le producteur radio MarcGiouse. Or <strong>en</strong> fin de compte, „c’est bi<strong>en</strong> làce qui fait le succès du Service public”.Les avantages de la converg<strong>en</strong>ce n’apparaiss<strong>en</strong>tpas clairem<strong>en</strong>t à ce jour, observ<strong>en</strong>tde nombreux collaborateurs. „On nouspromet moins de cadres sur le papier etnous nous retrouvons avec davantage dechefs <strong>en</strong> réalité”, car personne ne sait vraim<strong>en</strong>tqui est responsable de quoi. „Pourquoisupprimer des formules qui march<strong>en</strong>tpour les remplacer par des mégastructures,imposées depuis <strong>en</strong> haut?”, demande Laur<strong>en</strong>ceBisang, „pourquoi ne pas laisser laconverg<strong>en</strong>ce s’instaurer depuis la base?”Ces questions ne manqu<strong>en</strong>t pas d’interpellerles collaborateurs des services d’information.Laur<strong>en</strong>ce Bolomey, porte-parolede la „communauté de l’info”, dit être préoccupéesurtout pour la qualité et la diver-sité des points de vue. Le même <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>est souv<strong>en</strong>t diffusé par les deux médias,lors des votations ou des élections parexemple. Or, la converg<strong>en</strong>ce ne devrait pasaboutir à ce g<strong>en</strong>re de raccourcis simplistes,sous prétexte que les interlocuteurs étantles mêmes, leurs réponses seront forcém<strong>en</strong>tles mêmes. „La diversité comm<strong>en</strong>cepar la façon de poser les questions”, affirmeLaur<strong>en</strong>ce Bolomey.„Gris technocrate”. En bref, la converg<strong>en</strong>cesoulève <strong>en</strong> <strong>Suisse</strong> romande beaucoupde doutes quant à son utilité. C’est le casdepuis le début, mais le camp des sceptiquest<strong>en</strong>d à gagner du terrain. L’image dela converg<strong>en</strong>ce dans sa première phased’exist<strong>en</strong>ce n’est „ni noire ni blanche, maisgrise”, témoigne un collaborateur, qui précise:„gris technocrate”. Valérie Perrin dusyndicat SSM à Lausanne critique „le flou,l’incohér<strong>en</strong>ce des décisions qui sont prises,souv<strong>en</strong>t contraires au bon s<strong>en</strong>s”. Selon Laur<strong>en</strong>ceBolomey, le processus de converg<strong>en</strong>cede la RTS <strong>en</strong> <strong>Suisse</strong> romande se situePublicitéMehr Sport.quelque part <strong>en</strong>tre les modèles tessinois etsuisse alémanique. Si le processus s’instaureavec une grande rapidité au Tessin, <strong>en</strong> <strong>Suisse</strong>alémanique, les responsables frein<strong>en</strong>t prudemm<strong>en</strong>tà chaque carrefour pour observerles deux côtés de la voie. „Chez nousl’évolution se fait par à-coups. Les accélérationsaltern<strong>en</strong>t avec les freinages secs et cetteconduite irrégulière dép<strong>en</strong>se beaucoup decarburant, celui malheureusem<strong>en</strong>t des employés<strong>en</strong> l’occurr<strong>en</strong>ce”, déplore Laur<strong>en</strong>ceBolomey.Or le but final du chauffeur est toutsauf évid<strong>en</strong>t. Tandis qu’à la télévision onobserve une attitude plutôt réservée, les critiquesvont bon train du côté de la radio. Ilest vrai qu’elle doit faire face à des changem<strong>en</strong>tsplus importants. „Nos structuressont systématiquem<strong>en</strong>t remplacées parcelles de la télévision”, constate Laur<strong>en</strong>ceBisang.Aussi, l’impression qui domine chezde nombreux collaborateurs est celle d’assisterà un processus de fusion plutôt qu’àune converg<strong>en</strong>ce. Ils ont le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t deMit d<strong>en</strong> Blick Sport-Apps bist du immer auf der Siegerstrasse! 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Dans son comm<strong>en</strong>tairepublié sur le site intranet de la RTS, ilnote que la radio et la télévision publiquesont contribué de manière décisive à façonnerl’id<strong>en</strong>tité de cette région linguistique.„Ce terme de ,romande’, la RSR et la TSR nel’ont pas seulem<strong>en</strong>t porté, elles l’ont mérité.La RSR et la TSR fédérai<strong>en</strong>t des g<strong>en</strong>s, laRTS unit des marques.”Un ancrage régional que balaye GillesMarchand. „Les g<strong>en</strong>s se fédèr<strong>en</strong>t autourde projets et de programmes, c’est-à-dired’émissions. La TSR et la RSR étai<strong>en</strong>t des<strong>en</strong>treprises, tout comme l’est la RTS aujourd’hui.”Il confirme ainsi noir sur blancque les désignations TSR et RSR apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>tdéfinitivem<strong>en</strong>t au passé.8 EDITO+KLARTEXT 02 | 2011 02 | 2011 EDITO+KLARTEXT 9


EACTUALITÉdossiertraduis<strong>en</strong>t pas mon opinion. Mais je le faisquand même. ”Martial Leiter, dessinateur depresse: „Les chiffres ont la parole.”„La c<strong>en</strong>sure est finalem<strong>en</strong>t le reflet d’uneépoque. Un sein nu ne fait plus frémir unprocureur. Dans les années septante, la majoritédes journalistes gagnai<strong>en</strong>t peu, étai<strong>en</strong>tdu côté des gagne-petit. La situation a beaucoupchangé. Ceux qui donn<strong>en</strong>t la températurefont partie du même milieu, où ce quicompte, c’est la carrière. Le débat s’est déplacé.Même le mot c<strong>en</strong>sure fait rire, on voitdes ciseaux, c’est presque sympathique.Freins verbaux. Aujourd’hui, on est dansla psychologie et la manipulation. Il y a despsychologues derrière tous les parcomètres.Quoi que l’on fasse, on est récupéré par desblouses blanches. Des gardes-chiourmes. Untiers des journalistes bifurqu<strong>en</strong>t dans lacommunication d’<strong>en</strong>treprise, <strong>en</strong> dev<strong>en</strong>antleur porte-parole. Les véritables débatsn’exist<strong>en</strong>t plus, les g<strong>en</strong>s ne sort<strong>en</strong>t plus dubois… pour autant qu’il y <strong>en</strong> ait <strong>en</strong>core! Onassiste à des parties d’échecs <strong>en</strong>nuyeuses. Lecourage procède d’une pathologie caractérielle.Les pamphlétaires sont des forc<strong>en</strong>és,auxquels on recommande un psy. Le typ<strong>en</strong>ormal qui veut s’exprimer se la coince. Lesommet de la philosophie est de valoriser lesMichel-Ange de la cuisine.Un acte kamikaze qui se banaliseEn <strong>Suisse</strong>, la c<strong>en</strong>sure a pris le masque de l’autoc<strong>en</strong>sure. Et personne n’ose vraim<strong>en</strong>t se l’avouer.Par Suzanne PerretParler de c<strong>en</strong>sure dans un Etatdémocratique ne va sans doutepas de soi. Tant d’<strong>en</strong>jeux s’affront<strong>en</strong>tqu’on devrait parfoisl’assimiler à un acte kamikaze.Bi<strong>en</strong> sûr la restriction à la liberté de communiquera ses raisons d’être. Tout n’estpas dicible. Mais jusqu’où?Rappelons utilem<strong>en</strong>t que qui dit c<strong>en</strong>suredit liberté d’expression (de p<strong>en</strong>sée,d’opinion ou d’information, c’est selon). Cesconcepts, dev<strong>en</strong>us synonymes à l’usage, relèv<strong>en</strong>tdes droits fondam<strong>en</strong>taux, principaleAujourd’hui, p<strong>en</strong>ser différemm<strong>en</strong>test assimilé à une idéologie, terme dev<strong>en</strong>utabou. La mode n’est pas à l’impertin<strong>en</strong>cemais à la pertin<strong>en</strong>ce, à l’abstin<strong>en</strong>ce, etc. Lesmots <strong>en</strong> „<strong>en</strong>” ou „an” plais<strong>en</strong>t <strong>en</strong> <strong>Suisse</strong> romande,surtout aux Vaudois. Ils sont dessortes de freins verbaux qui ral<strong>en</strong>tiss<strong>en</strong>t laphrase, <strong>en</strong> permettant de s’<strong>en</strong> méfierd’avance. Ce qui relève du débat d’idéess’inscrit dans un monde de dommages etsurtout… d’intérêts économiques, où seulsles chiffres ont la parole. C’est ce qu’on appelle,la nouvelle c<strong>en</strong>sure’. ”Ian Hamel, journaliste:„Ne touchez pas au banques!”„Beaucoup de journalistes viv<strong>en</strong>t <strong>en</strong><strong>Suisse</strong> dans l’illusion que la presse est libre,sous prétexte que, de temps <strong>en</strong> temps, onleur laisse la liberté de critiquer un hommepolitique. C’est oublier que le vrai pouvoirn’est pas au Conseil fédéral ou au Parlem<strong>en</strong>t,mais chez les décideurs économiques. Enparticulier dans les banques. Et là, il ne fautpas y toucher. Dans mon livre „Et si la<strong>Suisse</strong> ne servait plus à ri<strong>en</strong>?”, je rappelleque certains journalistes économiques sontrémunérés par des établissem<strong>en</strong>ts financiers.L’un d’<strong>en</strong>tre eux m’a confié qu’il luiétait arrivé de percevoir 4500 francs pourtrois jours de travail! Comm<strong>en</strong>t imaginer,dans ces conditions, que ces rédacteurspuiss<strong>en</strong>t se permettre la moindre critique?caractéristique d’un Etat démocratique. Al’époque romaine, dès le V e siècle avantJ.-C., si l’ordre public relevait de l’édile, lac<strong>en</strong>sure était sous la responsabilité du c<strong>en</strong>seur,magistrat à la fois chargé du rec<strong>en</strong>sem<strong>en</strong>tde la population (le c<strong>en</strong>s) et subséquemm<strong>en</strong>tde veiller aux bonnes mœurs.Il s’agissait seulem<strong>en</strong>t d’un devoir de protection.Le Code Napoléon. Si la liberté d’expressionest à la base du droit de p<strong>en</strong>ser etde communiquer ses idées, elle concernaitD’autant que ces „larbins” n’ont souv<strong>en</strong>tqu’une ambition: se faire recruter par unebanque, dont ils ont loué p<strong>en</strong>dant tantd’années les mérites. Je me souvi<strong>en</strong>s d’unrédacteur qui a même osé féliciter unebanque qui lic<strong>en</strong>ciait son personnel!Lors de la sortie de mon livre, j’ai reçusix demandes d’interviews de publicationssuisses, qui ont toutes été annulées le mêmejour. Faut-il s’<strong>en</strong> étonner? Non, dans la mesureoù il n’existe plus qu’un seul groupe depresse <strong>en</strong> <strong>Suisse</strong> romande. Et qu’un seul responsable,lié au pouvoir économique, peutdonner l’ordre à tous les rédacteurs de boycotterun ouvrage. Je considère plutôt celacomme un signe d’extrême faiblesse. ”Suzanne Perret est journaliste indép<strong>en</strong>dante.R<strong>en</strong>dez-vous au Salon du livreV<strong>en</strong>dredi 29 avril, Palexpo G<strong>en</strong>ève,17h–18h: Grand Café Littéraire„La c<strong>en</strong>sure <strong>en</strong> <strong>Suisse</strong>, mythe ouréalité?” Modérateur: Gérald Morin,producteur de films et rédacteur <strong>en</strong>chef du magazine „Culture Enjeu”.Interv<strong>en</strong>ants: Christian Campicheet Richard Aschinger, journalistes,coauteurs de l’ouvrage „Infopopcorn – Enquête au cœur desmédias suisses” (Eclectica);ThierryBarrigue, dessinateur humoristique,directeur du journal satirique„Vigousse”; Nicolas Capt, avocat.à l’origine la liberté de la presse contre lac<strong>en</strong>sure. Plusieurs fois ces principes ont dûêtre réactivés, le grand balancier de l’Histoireagitant des gouvernants qui les ignorai<strong>en</strong>tparfois superbem<strong>en</strong>t. Le Code Napoléona mis un frein brutal aux libertéspubliques, joyeux héritage de la Révolutionfrançaise, <strong>en</strong> corsetant à la fois… les femmeset la liberté d’expression.D’un point de vue strictem<strong>en</strong>t juridique,la liberté de la presse est <strong>en</strong> <strong>Suisse</strong>définie par des lois (CP, CC, CO, etc.), qu’ellessoi<strong>en</strong>t restrictives ou incitatives. C’est la li-berté, pour un propriétaire de journal ouun éditeur, de publier ou de taire ce qui luisemble opportun. Cep<strong>en</strong>dant cette libertéest limitée, afin d’éviter les dérapages, telsl’incitation à la haine et au meurtre. Lesautres droits fondam<strong>en</strong>taux le sont aussi.Ils ne sont donc pas absolus.Si leur ess<strong>en</strong>ce est inviolable, il exist<strong>en</strong>éanmoins dans un Etat de droit des restrictionsà leur application: elles doiv<strong>en</strong>têtre fondées sur une base légale, être proportionnéesau but visé et justifiées par unintérêt public. Cette disposition offre dansla pratique un certain pouvoir d’appréciationau juge, quant à l’exam<strong>en</strong> de la proportionnalitéde l’ingér<strong>en</strong>ce.Pour une célèbre <strong>en</strong>cyclopédie <strong>en</strong>ligne, „le concept de liberté fondam<strong>en</strong>tale(ou droit fondam<strong>en</strong>tal) est réc<strong>en</strong>t, par conséqu<strong>en</strong>til n’y a pas unanimité sur ses limites etmême sa définition”. Les mesures de c<strong>en</strong>surepourrai<strong>en</strong>t donc toujours être reconsidérées.Dessin Martial LeiterLa presse pourrait r<strong>en</strong>aître de ses c<strong>en</strong>dres – si le journaliste le veut.Comme une maladie honteuse. Si la<strong>Suisse</strong> a inscrit la liberté d’expression danssa Constitution, maints exemples ontprouvé qu’elle n’était parfois qu’un vœupieux et la c<strong>en</strong>sure le bras armé. Oui, la c<strong>en</strong>suredans les médias existe dans notre pays.Non seulem<strong>en</strong>t de la part des empereurs dela presse <strong>en</strong>vers ceux dont on escamote laparole, productivité de l’<strong>en</strong>treprise oblige,mais, plus grave, chez ceux-là même donton att<strong>en</strong>drait qu’ils s’exprim<strong>en</strong>t, et quis’automutil<strong>en</strong>t. La c<strong>en</strong>sure a donc pris lemasque de l’autoc<strong>en</strong>sure.Car les journalistes eux-mêmes, pourménager la chèvre et le chou, leur job, lamanne des annonceurs et autres <strong>en</strong>jeux économico-politico-juridico-culturels,se l’impos<strong>en</strong>ttacitem<strong>en</strong>t. Et personne n’ose vraim<strong>en</strong>tse l’avouer, comme s’il s’agissait d’unemaladie honteuse. Nous ne sommes évidemm<strong>en</strong>tpas à l’échelle d’une police d’Etat,de celles qui fleuriss<strong>en</strong>t sous les dictatures,mais toutes proportions gardées, les voix semusèl<strong>en</strong>t d’elles-mêmes sans parfois mêmes’<strong>en</strong> r<strong>en</strong>dre compte. Triste constat.La c<strong>en</strong>sure, bi<strong>en</strong>tôt un combat d’arrière-garde?Peut-être si l’on considère lesmultiples canaux d’information qui s’exprim<strong>en</strong>tet s’<strong>en</strong>g<strong>en</strong>dr<strong>en</strong>t à tout va, sans étatd’âme, se jouant des frontières, autant moraleset techniques qu’économiques et politiques,comme le Chat Botté dans sonroyaume. Le lecteur ira là où il peut s’abreuver.N’ayant plus ri<strong>en</strong> à v<strong>en</strong>dre, les magnatsde la presse papier n’auront plus qu’à se rhabiller(!) et compr<strong>en</strong>dront un peu tard que lanécessité perman<strong>en</strong>te chez les humains decompr<strong>en</strong>dre le monde se fera sans eux, grâceavant tout à la nouvelle donne technologique.Mais pour ce, il faudra <strong>en</strong>core trouver comm<strong>en</strong>tcontinuer d’alim<strong>en</strong>ter le flux informatique.Le débat vi<strong>en</strong>t de comm<strong>en</strong>cer brutalem<strong>en</strong>tsur les rives du Japon.Délestée du poids du papier, subséquemm<strong>en</strong>tde problématiques écologiqueset économiques, la „presse”, qui n’<strong>en</strong> n’auraplus que le nom, pourra r<strong>en</strong>aître de sesc<strong>en</strong>dres, se conc<strong>en</strong>trant sur les véritables<strong>en</strong>jeux restés trop longtemps tapis dansl’ombre, relançant un débat démocratiquedev<strong>en</strong>u sous le joug de l’économie aseptiséet même inexistant. Une utopie qui risquede ne plus l’être. Mais il reste que le métierd’informer (de réfléchir et d’<strong>en</strong>quêter) a unprix, que les consommateurs d’infos ne voudrontplus payer. La gratuité de l’informationélectronique, comme le sacerdoce universeldes blogs à tout va, risque de mettre<strong>en</strong> péril à la fois le statut et plus <strong>en</strong>core l’exist<strong>en</strong>cemême du journaliste.Or il reste une question plus grave:que devi<strong>en</strong>dra la liberté d’ (de s’)informersi journalistes et citoy<strong>en</strong>s s’<strong>en</strong>dorm<strong>en</strong>t? Lespremiers parce qu’autoc<strong>en</strong>surés depuis troplongtemps et découragés de subir la loi duplus fort, les autres parce qu’avachis devantleur écran plasma ou comblés par ce qu’ilsauront glâné de-ci de-là sur le Web, n’aurontplus la force de p<strong>en</strong>ser?Suzanne Perret est journaliste indép<strong>en</strong>dante.12 EDITO+KLARTEXT 02 | 2011 02 | 2011 EDITO+KLARTEXT 13


EACTUALITÉdossierACTUALITÉeditoôohEDITOôoHE„Quelquechose est<strong>en</strong> train dechanger”Le saxophoniste de jazz Gilad Atzmonti<strong>en</strong>t un blog où il dénonce la politiquede son pays d’origine, Israël.Propos recueillis par Silvia CattoriEDITO: Etes-vous de ceux qui continu<strong>en</strong>t à lire les journaux?Gilad Atzmon: Non, depuis de nombreuses années je n’achèteplus les journaux. Je m’intéresse au Moy<strong>en</strong>-Ori<strong>en</strong>t, mais les médias„grand public” ont très peu à offrir à ce sujet. Dans la pressebritannique – ou même dans les médias anglophones d’expressionorale – le seul expert est probablem<strong>en</strong>t Robert Fisk. Si je veuxsavoir ce qui se passe au Moy<strong>en</strong>-Ori<strong>en</strong>t, je vais sur des sites webcomme „Counterpunch”, „Information Clearing House”, „VeteransToday”, „R<strong>en</strong>se.com”, „Uprooted Palestinian”, „Palestine Telegraph”,„Palestine Chronicle”, „Dissid<strong>en</strong>t Voice”, „Uruknet” etautres. Nos sites web et nos blogs fourniss<strong>en</strong>t une bi<strong>en</strong> meilleureinformation que les médias traditionnels. Nous sommes dev<strong>en</strong>usla principale source d’information. Je vois le grand nombre de g<strong>en</strong>squi visit<strong>en</strong>t mon site (1). S’il y a, par exemple, une crise à Gaza, ilsveul<strong>en</strong>t voir ce que Gordon Duff, Ramzy Baroud, Alan Hart, IsraelShamir, Alex Cockburn, Ali Abunimah ou Gilad Atzmon ont à direà ce sujet. Je n’ai aucun respect pour les médias traditionnels. S’ilsveul<strong>en</strong>t survivre, ils ont intérêt à changer rapidem<strong>en</strong>t, sinon ilssont finis.D’une façon générale, traiter de la question israélo-palestini<strong>en</strong>n<strong>en</strong>’est pas une chose facile. La crainte d’être accusé d’antisémitisme,incite-t-elle à s’autoc<strong>en</strong>surer?Je vais être très honnête avec vous. Les médias occid<strong>en</strong>taux ontcomplètem<strong>en</strong>t démérité. Ils n’ont pas réussi à compr<strong>en</strong>dre que laPalestine n’est pas si loin de notre „paradis occid<strong>en</strong>tal”. Ils n’ontpas réussi à voir que nous sommes tous des Palestini<strong>en</strong>s. Mais ceque l’on voit maint<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> Egypte, <strong>en</strong> Libye, à Bahreïn, au Yém<strong>en</strong>est comme un avertissem<strong>en</strong>t à nous tous.On voit les mêmes mécanismes de c<strong>en</strong>sure et de contrôle del’information à l’œuvre dans les nouveaux médias alternatifs.Atzmon: „Les sites web sont dev<strong>en</strong>us la principale source.”Celui dont le point de vue est susceptible de heurter l’ag<strong>en</strong>da desbailleurs de fonds est c<strong>en</strong>suré. N’est-ce pas regrettable?Je suppose que c’est normal. Vous devez vous rappeler que toutdiscours est <strong>en</strong> pratique un <strong>en</strong>semble de limites. Cela peut expliquerpourquoi l’artiste est bi<strong>en</strong> plus efficace que les marxistes parexemple. Alors que le marxiste est là pour maint<strong>en</strong>ir les limites,l’artiste est là pour prés<strong>en</strong>ter une réalité alternative. Mon choix estévidemm<strong>en</strong>t clair, je suis un artiste.La presse <strong>en</strong> Israël est-elle plus libre que notre propre presse?La presse israéli<strong>en</strong>ne n’est pas libre mais, assez curieusem<strong>en</strong>t, elleest <strong>en</strong>core plus ouverte que notre presse occid<strong>en</strong>tale. En dépit dela c<strong>en</strong>sure, elle est ouverte à la discussion sur les questions juiveset plus critique sur l’Etat d’Israël que ne le sont le „Guardian”, le„New York Times” ou le „Socialist Worker”.En dépit de la dureté de votre critique contre Israël, ni le quotidi<strong>en</strong>israéli<strong>en</strong> „Haaretz” (2) ni la chaîne Arte ne vous ont c<strong>en</strong>suré. Est-cele musici<strong>en</strong> de jazz accompli ou l’opposant israéli<strong>en</strong> qui attire leurintérêt? Est-ce le signe que quelque chose a changé?Les deux je suppose. Je suis intéressant pour eux de différ<strong>en</strong>tes manières.Je leur offre une occasion de dire ce qu’ils p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t exactem<strong>en</strong>t,là où ils n’ont pas le courage de le dire eux-mêmes. „The TideHas Changed” (Le v<strong>en</strong>t a tourné) est le titre de mon nouvel album (3).Quelque chose d’important est effectivem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> train de changer.Silvia Cattori est journaliste indép<strong>en</strong>dante.1) www.gilad.co.uk2) www.haaretz.com/week<strong>en</strong>d/magazine/haunted-by-ghosts-1.319263Arte TV, http://www.gilad.co.uk/storage/Gilad%20Atzmon%20German%20press_Arte.pdf3) Gilad Atzmon: The Tide Has Changed. World Village, 2010Photo DREle s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de Christophe gallazLa c<strong>en</strong>sure, l’autoc<strong>en</strong>sureet le caquelonLa c<strong>en</strong>sure et l’autoc<strong>en</strong>sure. Il n’est pas exclu que ce problème soitconsubstantiel à la <strong>Suisse</strong>. Il est même possible que la c<strong>en</strong>sure etl’autoc<strong>en</strong>sure soi<strong>en</strong>t subrepticem<strong>en</strong>t caractéristiques de notrepays. En principe, bi<strong>en</strong> sûr, la parole et la liberté de la presse sonttrès librem<strong>en</strong>t exercées chez nous, qui les avons placées sous lesauspices d’un appareil démocratique raffiné. Mais dans l’ordre de lapsyché collective, les choses sont évidemm<strong>en</strong>t plus compliquées.Je perçois <strong>en</strong> effet l’Helvétie non seulem<strong>en</strong>t comme le résultatd’une <strong>en</strong>t<strong>en</strong>te historique <strong>en</strong>tre des protagonistes régionaux trèsdiffér<strong>en</strong>ts, mais aussi, pour chacun d’<strong>en</strong>tre eux, comme un processusd’automutilation perman<strong>en</strong>te. Pour que des Romands, desAlémaniques, des Romanches et des Tessinois coexist<strong>en</strong>t surun territoire commun, ils dur<strong>en</strong>t et doiv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core refouler leursspécificités respectives, réelles ou symboliques. Sans quoi l’édificecommun ne résisterait pas.Harmonie confédérale. Cette simple circonstance suffit à produireune autoc<strong>en</strong>sure diffuse dans les esprits, y compris chez lesprofessionnels (comme les journalistes) dont la parole est pourtantle matériau. En <strong>Suisse</strong> chacun s’autocontrôle nécessairem<strong>en</strong>t.Rappelons-nous le vote du 6 décembre 1992 sur l’<strong>en</strong>trée de la<strong>Suisse</strong> dans l’Espace économique europé<strong>en</strong>. D’abord il suscita chezles comm<strong>en</strong>tateurs romands une détestation carabinée des Alémaniquescoupables de leur avoir imposé leur vote <strong>en</strong> s<strong>en</strong>s inverse,puis tout r<strong>en</strong>tra bi<strong>en</strong>tôt dans l’ordre de l’harmonie confédérale.A quoi s’ajoute, au sein de notre petite nation sommée d’êtreperformante pour survivre, l’obligation d’un concours intégral àcet objectif général. L’obligation d’une non-désobéissance. Il fautque tous les citoy<strong>en</strong>s s’y mett<strong>en</strong>t, et qu’ils le fass<strong>en</strong>t d’un mêmemouvem<strong>en</strong>t. Pas d’écart concevable! Autrem<strong>en</strong>t dit chaque <strong>Suisse</strong>est placé dans le devoir sacré d’épier ses compatriotes, sans quoilui-même n’est pas un <strong>Suisse</strong> digne de l’être.Un peuple de geôliers. Ce schéma paradoxal est persistant. Il futlumineusem<strong>en</strong>t formulé par Friedrich Dürr<strong>en</strong>matt à l’occasion de sondernier discours public, <strong>en</strong> décembre1992, qu’il prononça dans lecadre d’un éloge au présid<strong>en</strong>t tchèque d’alors Václav Havel. Il y posaqu’<strong>en</strong> <strong>Suisse</strong>, le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de liberté personnelle procède du fait qu<strong>en</strong>ous nous définissons tous comme le geôlier de notre voisin ...La puissance et le rayonnem<strong>en</strong>t de la sphère marchande achèv<strong>en</strong>tde soumettre les troupes journalistiques au désir inavoué de la prud<strong>en</strong>ce.Ainsi faut-il décidém<strong>en</strong>t beaucoup de vaillance intellectuelleet stylistique, aujourd’hui, dans la plupart des rédactions, pourcombattre à la fois le surmoi néolibéral et le surmoi confédéral.Cette situation m’évoque le rituel symptomatique de la fondue sousnos latitudes. L’alliance des saveurs fromagères est admirable, onmange tous <strong>en</strong>semble, on est au sommet du partage et de l’échange,mais sous les appar<strong>en</strong>ces fait gaffe à la loi révérée par tous: si tuperds ton morceau pain le caquelon devi<strong>en</strong>dra ton <strong>en</strong>fer. Oustealors, à moins d’expier ta dissid<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> nous payant la tournée!Christophe Gallazest journaliste, essayiste et écrivain.Par MédiatorNécro. Décédée à Gênes <strong>en</strong> février dernierà l’âge de 87 ans, „Sa Sainteté” Shri MatajiNirmala Devi se réincarne dans les colonnesnécrologiques du „Temps” du 26 mars 2011.Un ex-diplomate suisse y r<strong>en</strong>d un hommageappuyé à l’opul<strong>en</strong>te gourelle de Sahaja Yoga,omettant de signaler qu’<strong>en</strong> 1996, ce mouvem<strong>en</strong>t,qui compte notamm<strong>en</strong>t de nombreuxadeptes <strong>en</strong>tre G<strong>en</strong>ève et Fribourg, avait étédésigné comme une secte dangereuse parla Commission d’<strong>en</strong>quête sur les sectes <strong>en</strong>France. „Le Temps” ferait-il dans le prosélytisme?„Il ne s’agit pas d’une nécro maisd’une annonce payée; le filet pub a étéoublié”, corrige très prosaïquem<strong>en</strong>t le réd<strong>en</strong>chefPierre Veya. Lequel ne précise pas sil’erreur a été signalée aux lecteurs.Ecce Homo. Le quatrième pouvoir pr<strong>en</strong>dShri Mataji: pub oul’eau et les journalistes sont nombreux à quitterle navire, pour se recycler dans les cou-Fathi Derder litnécro? (En haut)lisses du pouvoir – politique cette fois – <strong>en</strong>Nietzsche. (Au milieu)tant que conseillers <strong>en</strong> communication. Mais Roland Schatzce rôle d’émin<strong>en</strong>ce grise paraît trop terne àcontroversé. (En bas)certaines stars des médias, qui préfèr<strong>en</strong>trester sous le feu des projecteurs et m<strong>en</strong>erleur propre campagne. Après l’épisodeFilippo Leut<strong>en</strong>egger qui avait lâché sonpupitre de l’émission „Ar<strong>en</strong>a” pour un siègeradical au Conseil national, voici une autrevedette du petit écran, Fathi Derder, qui brûlede faire son <strong>en</strong>trée <strong>en</strong> politique. L’anci<strong>en</strong>rédacteur <strong>en</strong> chef de „La Télé” se rêve déjàconseiller national sous les couleurs radicales.En bon disciple de Nietzsche, „un inspirateurmonstre” dont il loue „la passion s<strong>en</strong>suelle et l’<strong>en</strong>vie de vivre”(„L’Hebdo” 13.1.2010), il ne doute pas de son instinct et de son tal<strong>en</strong>t àflairer la vraie grandeur. „Tout mon génie est dans mes narines” avaitproclamé le p<strong>en</strong>seur allemand dans „Ecce Homo”. Une s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ce parmid’autres que l’on imagine bi<strong>en</strong> dans la bouche de son admirateur. Dureste, que lit-on sous la plume de Nietzsche un peu plus loin dans lemême ouvrage? „Ce n’est qu’à partir de moi qu’il y aura sur terre unegrande politique”… Nos élus à Berne n’ont plus qu’à bi<strong>en</strong> se t<strong>en</strong>ir!Partiaux. Pr<strong>en</strong>dre la SSR pour cible, c’est la mode <strong>en</strong> ce mom<strong>en</strong>t etla „Weltwoche”, l’organe du parti UDC acquis aux idéaux blochéri<strong>en</strong>s,ne s’<strong>en</strong> prive pas. L’hebdomadaire accuse la radio et la télévisionalémaniques de partialité, <strong>en</strong> se basant sur une <strong>en</strong>quête m<strong>en</strong>ée parla société Media T<strong>en</strong>or International, basée à Rapperswil. Le hic c’estque les études réalisées par Media T<strong>en</strong>or ont souv<strong>en</strong>t joué un rôlecontroversé dans les discussions relatives à la redevance et à laqualité des médias de Service public <strong>en</strong> Allemagne. Ses méthodessont critiquées et d’anci<strong>en</strong>s employés ont même affirmé avoir étécontraints de manipuler les résultats. Mais c’est sans compter lesindélicatesses du patron de l’<strong>en</strong>treprise, Roland Schatz, qui ont faitplus d’une fois les gros titres de la presse. En 2010, le Ministère publicallemand a inculpé Schatz pour abus de confiance et faillite frauduleuse,ainsi que l’a rapporté l’„Aargauer Zeitung” du 24 février. Lessyndicats ont aussi quelques raisons de le t<strong>en</strong>ir à l’œil. En 2008 déjà,le magazine de comedia m<strong>en</strong>tionnait plusieurs faits problématiquesconcernant la société appart<strong>en</strong>ant à Schatz. Il était question dedumping salarial, de retard de plusieurs mois dans le paiem<strong>en</strong>t dessalaires, de contrats de travail et de fiches de salaire peu clairs. Or cesaffaires remont<strong>en</strong>t à l’époque où l’<strong>en</strong>treprise était <strong>en</strong>core domiciliéeau Tessin.Photo DR16 EDITO+KLARTEXT 02 | 2011 02 | 2011 EDITO+KLARTEXT 17


EACTUALITÉ„Le Courrier”Le trio de la Rue de la Truite„Le Courrier” expérim<strong>en</strong>te une nouvelle formule de direction,avec un triumvirat à sa tête. Par Hel<strong>en</strong> BrüggerNouvelle rédaction <strong>en</strong> chef,nouvelle mise <strong>en</strong> page, c’estune règle qui vaut aussipour „Le Courrier”. A cettediffér<strong>en</strong>ce près que le quotidi<strong>en</strong>indép<strong>en</strong>dant g<strong>en</strong>evois n’est plusdirigé par une personne mais par un trio,composé de Rachad Armanios, de B<strong>en</strong>itoPerez et de Samuel Schell<strong>en</strong>berg. Les troiscorédacteurs <strong>en</strong> chef se dis<strong>en</strong>t convaincusque ce partage de responsabilités est propiceà r<strong>en</strong>forcer les valeurs de solidarité etd’humanisme chères à ce journal.Il s’agit de trois personnalités issuesd’horizons politiques différ<strong>en</strong>ts, susceptiblesd’am<strong>en</strong>er une certaine pluralité d’opinions,permettant de refléter la diversité des courantsde gauche et des milieux associatifsqui souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t „Le Courrier”. Ils se dis<strong>en</strong>tfavorables à une hiérarchie plate et n’ontpas l’int<strong>en</strong>tion de s’éterniser dans leur positionde chef. Afin de r<strong>en</strong>forcer le caractèrecollectif de la direction, ils compt<strong>en</strong>t passerla main au bout d’un temps déterminé.Effectifs r<strong>en</strong>forcés. „Le Courrier” s’estaussi doté d’une nouvelle ligne graphique,élaborée par les étudiants de la Haute Ecoled’art et de design de G<strong>en</strong>ève (HEAD). Lejournal se r<strong>en</strong>ouvelle autant sur le plan ducont<strong>en</strong>u que du design, car la formule <strong>en</strong>vigueur depuis fin mars 2011 doit notamm<strong>en</strong>tpermettre plus de discussions. L’idéequi préside à ces changem<strong>en</strong>ts est de fairedu „Courrier” une plateforme de débat incontournablepour les divers courants degauche.Mais le quotidi<strong>en</strong> a aussi r<strong>en</strong>forcé leseffectifs de sa rédaction, notamm<strong>en</strong>t pourla rubrique nationale. Il s’est attaché la collaborationde la „Woch<strong>en</strong>zeitung” (WOZ)et veut privilégier une approche suprarégionaledans le traitem<strong>en</strong>t des dossiers.Cette nouvelle formule est une œuvre collective,mise au point par l’<strong>en</strong>semble de larédaction. La décision de passer à ce modede direction original, a par ailleurs été accueillieavec beaucoup d’<strong>en</strong>thousiasme à laRue de la Truite.Le trio est <strong>en</strong> fonction depuis lemois d’octobre dernier et il a déjà étéconfronté à certaines difficultés qui att<strong>en</strong>d<strong>en</strong>tau tournant les structures autogérées,pour lesquelles le facteur humainjoue un rôle primordial. Le départ del’anci<strong>en</strong> correspondant neuchâtelois du„Courrier” a mis la nouvelle équipe dedirection à l’épreuve. Engagé sur unebase intérimaire, ce collaborateur avaitpostulé pour une place fixe, mais le journallui a préféré une collègue correspondantmieux au profil du poste.Or ce journaliste avait dû quitter„L’Express” <strong>en</strong> 2008 lors d’une grosse vaguede lic<strong>en</strong>ciem<strong>en</strong>ts au sein du groupeHersant et il avait déjà passé un certainnombre de mois au chômage. Il a donc demandéune prolongation de contrat detrois mois, afin de pouvoir bénéficier d’unnouveau délai-cadre. Ce qui lui a égalem<strong>en</strong>tété refusé.Problème inextricable. Il reprochemaint<strong>en</strong>ant à la rédaction <strong>en</strong> chef du „Courrier”de trahir les valeurs du journal. Or letrio se déf<strong>en</strong>d, faisant valoir des raisonséconomiques et juridiques pour expliquersa décision. Selon Rachad Armanios, l’undes corédacteurs <strong>en</strong> chef, la direction auraitété prête à <strong>en</strong>trer <strong>en</strong> matière sur une nouvellecollaboration de trois mois.Mais cette prolongation du contrataurait transformé cet emploi à durée déterminée<strong>en</strong> un emploi à durée indéterminée,assorti de nouvelles obligations de lapart de l’employeur. Cela n’aurait fait quecompliquer la situation sur les plans humain,économique et juridique. L’équipede direction <strong>en</strong> place, qui ne dispose pasd’une grande expéri<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> matière degestion du personnel et qui doit calculerchaque franc, s’est trouvée face à un problèmeinextricable.Les avis sont toutefois partagésdans la rédaction. D’aucuns p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t que„Le Courrier”, <strong>en</strong> sa qualité de journalindép<strong>en</strong>dant qui prét<strong>en</strong>d nager à contrecourant,aurait malgré tout dû oser cegeste.service de presseÖKKService de presse, Peter WerderBahnhofstrasse 9, 7302 LandquartT 058 456 11 15, F 058 456 10 11medi<strong>en</strong>@oekk.chwww.oekk.chUnternehm<strong>en</strong>skommunikation_191x55_d.indd 1 25.03.2009 09:09:34Le bon part<strong>en</strong>aire conduit au succès.William Hewlett aurait très bi<strong>en</strong> pu réussir seul. Tout comme David Packard. Mais c’est <strong>en</strong>semble qu’ilsont connu un succès planétaire. La puissance d’un part<strong>en</strong>ariat fort se traduit aussi dans NZZ-Business-Combi, grâce à qui votre message touche des personnalités avisées, au pouvoir d’achat très élevé.NZZ-BusinessCombiContactez-nous via NZZ-Media Publicitas SA au 044 258 16 98 ou Le-Temps-Media au 022 888 59 00.18 EDITO+KLARTEXT 02 | 2011 02 | 2011 EDITO+KLARTEXT 19


service de pressePour un article de fond <strong>en</strong> pleine forme.Le Service médias d’Helsana vous conseille simplem<strong>en</strong>t et de manière compét<strong>en</strong>te sur tous les sujets concernant la santé.Nous assurons ainsi à votre reportage une base saine et solide. Pour <strong>en</strong> savoir plus: +41 (0)43 340 12 12 ou media.relations@helsana.chDe la difficultéà lancer un journalACTUALITÉLa citéEAprès avoir suscité beaucoup d’att<strong>en</strong>tes, le nouveau journal „La Cité”risque de ne pas aller plus loin que le numéro zéro. Par Sylvie Jeanbourquin71499_Inserat_<strong>Edito</strong>_191x55_f_ZS.indd 14.6.2009 16:12:03 UhrAtel et EOS. Ensemble nous sommes Alpiq.Pour plus d’énergie. Pour de bonnes nouvelles.Bahnhofquai 12CH-4601 Olt<strong>en</strong>T 062 286 71 11F 062 286 76 69HLC_Medi<strong>en</strong>inserat_191x55_fr_090519_v2jsc.indd 1Service de presse AlpiqT 062 286 71 10presse@alpiq.comwww.alpiq.comIndép<strong>en</strong>danceGlaubwürdigkeitDiversitad CreativitàSRG_Ins_191x55mm_5Spr_4c.indd 1FairnessCeMedia AGMarketing & VerkaufMario CecchinGeschäftsleiterCeMedia AGMarketing & VerkaufCeMedia AGCeMedia Marketing Mario Cecchin & Verkauf AGMarketing Geschäftsleiter & VerkaufMario CecchinMario GeschäftsleiterEtzelmattCecchin1GeschäftsleiterPostfach 89Etzelmatt 5430 Wetting<strong>en</strong> 1Etzelmatt Postfach 89 1Postfach 5430 Tel. Wetting<strong>en</strong> 056 89618 33 115430 Fax Wetting<strong>en</strong> 056 618 33 10Tel. Mobil 056 079 618 640 33 64 11 40Tel. Fax Mail 056 cem@cemedia.ch618 33 10 11Mobil Fax Web 079 056 www.cemedia.ch640 618 33 64 10 40Mail Mobil cem@cemedia.ch079 640 64 40Web Mail www.cemedia.chcem@cemedia.chWeb www.cemedia.chService de presse mal connu?EDITO+KLARTEXT vous aide!19.05.2009 11:47:23 UhrToujours à votre disposition.Adressez-vous à notre service de presse:Téléphone +41 41 445 30 60Téléfax +41 41 445 31 44corporate.communications@schindler.comwww.schindler.comSchindler Managem<strong>en</strong>t SAZugerstrasse 136030 Ebikon10.3.2009 18:13:12 Uhr„Un titre qui apparti<strong>en</strong>t à ses lecteurs”: „La Cité” a lancé son numéro zéro.Créer son propre journal, quireflète ses <strong>en</strong>vies et ses aspirations,est le rêve de nombreuxjournalistes. Certainsd’<strong>en</strong>tre eux ne font pas querêver, à l’image de Fabio Lo Verso, ex-rédacteur<strong>en</strong> chef du „Courrier”, qui a lancéà mi-février „La Cité”. Il s’agit d’un journalhumaniste de politique, culture et société,qui doit dev<strong>en</strong>ir bim<strong>en</strong>suel. Sa motivation:„Il n’existe pas dans le marché médiatiqueromand de titre qui soit ni marchand –dont les bénéfices sont redistribués <strong>en</strong> partieaux actionnaires – ni militant.”Selon l’avis de Fabio Lo Verso, certains„vrais” lecteurs de presse écrite éclairéslui ont demandé s’il n’était pas possiblede „créer un journal par le bas, soit un titrequi apparti<strong>en</strong>t à ses lecteurs et qui ne verraitle jour que si un certain nombred’abonnés était assuré”. Ce g<strong>en</strong>re de médiasexiste notamm<strong>en</strong>t dans les pays scandinaves.Après divers sondages, Fabio Lo Versocroit <strong>en</strong> son projet et s’associe à Franck Haldemannpour financer le numéro zéro et lesite internet. Les deux hommes puis<strong>en</strong>t65 000 francs dans leurs économies pourréussir à sortir un numéro zéro de 42 pages.„Notre projet était de montrer de quoi onétait capable pour attirer les abonnés-fondateursmais comme le numéro zéro estdéjà très abouti, beaucoup ont cru malheureusem<strong>en</strong>tque ,La Cité’ n’<strong>en</strong> avait plus besoin”,explique le fondateur.5000 exemplaires v<strong>en</strong>dus. Or „LaCité” continuera son exist<strong>en</strong>ce et n’offrirade numéro 1 que si elle conquiert 5000abonnés-fondateurs qui vers<strong>en</strong>t 200, 500ou 1000 francs. A mi-mars, le nombred’abonnés-fondateurs avoisinait les 750.„ITHAQUE”:Vive le bénévolat!Alors que le chant du cygne serapproche pour „La Cité”, uneassociation a vu le jour pour lancerun nouveau journal papier nommé„ITHAQUE” qui paraîtra quatre foispar année. Le slogan d’„ITHAQUE”:„Pas d’actionnaires. Pas de salariés.Tout le monde rame pour le plaisir.”Selon Guillaume H<strong>en</strong>choz, rédacteur<strong>en</strong> chef, l’association sedonne deux ans pour y arriver.Un abonnem<strong>en</strong>t de souti<strong>en</strong> coûte100 francs et un abonnem<strong>en</strong>tclassique 36 francs. L’av<strong>en</strong>ir dirasi le bénévolat est lucratif pourun journal – pour le métier dejournaliste, c’est plutôt la mort! –et si ça fonctionne longtemps! SJ„Si à la r<strong>en</strong>trée scolaire 2011, on n’a pas atteintun nombre suffisant, on arrête tout. Sion atteint la barre des 2000 abonnés, peutêtret<strong>en</strong>terons-nous l’av<strong>en</strong>ture une année<strong>en</strong> tout cas , ça dép<strong>en</strong>dra de ce que veul<strong>en</strong>tnos lecteurs <strong>en</strong> fonction de ce nouveauparamètre”.La v<strong>en</strong>te <strong>en</strong> kiosque du numéro zérode „La Cité” avait suscité une att<strong>en</strong>te puisque2500 exemplaires au prix de 4,50 francs sesont v<strong>en</strong>dus <strong>en</strong> deux jours et demi dès le 18février. Selon Fabio Lo Verso, Naville a toutefoistardé a remplir à nouveau les prés<strong>en</strong>toirset au final, un peu moins de 5000 exemplairesse sont écoulés pour un tirage de20 000. Fabio Lo Verso a fait aussi une tournée<strong>en</strong> <strong>Suisse</strong> romande à la r<strong>en</strong>contre de seslecteurs. Espérons qu’elle portera ses fruits.Sylvie Jeanbourquin est journalisteindép<strong>en</strong>dante.20 EDITO+KLARTEXT 02 | 2011 02 | 2011 EDITO+KLARTEXT 21Photo DR


EL’AIR DU LARGEmonde arabeLe sacre d’Al JazeeraLa chaîne qatarie Al Jazeera était connue, elle est dev<strong>en</strong>uecélèbre, voire adulée, à l’occasion des événem<strong>en</strong>ts quiont embrasé les pays arabes depuis le début de l’année.Retour sur les raisons de son succès. Par Michel BührerWadah Khanfar estle directeur générald’Al Jazeera. Le premiermars dernier,il livrait une prés<strong>en</strong>tation<strong>en</strong>flammée des révolutions tunisi<strong>en</strong>neet égypti<strong>en</strong>ne dans le cadre de lafameuse confér<strong>en</strong>ce technologique TED,<strong>en</strong> Californie: „Je suis içi pour vous dire quele futur dont nous avons rêvé est finalem<strong>en</strong>tarrivé. Une nouvelle génération, instruite,connectée, inspirée par des valeursuniverselles et une perception globale, acréé une nouvelle réalité pour nous.” (1)Et de décrire comm<strong>en</strong>t, alors qu’AlJazeera était <strong>en</strong>core interdite <strong>en</strong> Tunisie, lachaîne de télévision est dev<strong>en</strong>ue le réceptaclede milliers de messages, photos, vidéosdécrivant la situation sur le terrain.„En Egypte, témoignait de son côté MustafaSuad, directeur de la rédaction arabe d’AlJazeera, lors d’un réc<strong>en</strong>t passage à l’ONUà G<strong>en</strong>ève, les manifestants protégeai<strong>en</strong>tphysiquem<strong>en</strong>t nos journalistes. Lorsqu’ilsse sont fait harceler et battre par la police,les jeunes nous ont <strong>en</strong>voyé des vidéos et destémoignages précis.”Vision panarabe. Cet <strong>en</strong>gouem<strong>en</strong>t pourun média de masse est sans doute unique àcette échelle. Il s’explique bi<strong>en</strong> sûr par ladéfiance <strong>en</strong>core plus grande qu’avai<strong>en</strong>t lesmanifestants <strong>en</strong>vers la majorité de leursmédias nationaux, mais <strong>en</strong>core plus par leschoix politiques et éditoriaux de la chaîneà ses débuts.Lancée <strong>en</strong> 1996, Al Jazeera a rapidem<strong>en</strong>tgagné ses galons <strong>en</strong> proposant professionalismeet panarabisme, le tout basé dansun pays arabe, au Qatar. „C’est la réactivationd’un modèle très anci<strong>en</strong>”, rappelle MohammedEl Oifi, maître de confér<strong>en</strong>ces àl’Institut des Sci<strong>en</strong>ces Politiques à Paris.Spécialiste des opinions publiques et desmédias arabes, notamm<strong>en</strong>t d’Al Jazeera, ildonnait récemm<strong>en</strong>t une confér<strong>en</strong>ce auC<strong>en</strong>tre de formation des journalistes àLausanne (2).„En effet l’apparition de la pressearabe, vers 1810-1820, précède la créationde l’Etat-nation. Vers 1875, des Syro-Libanaisvont s’établir au Caire et à Alexandrieet y fonder des grands journaux, comme‚Al Ahram’, qui existe toujours.” Les indép<strong>en</strong>dancesarabes dans la première moitiédu 20 e siècle vont donner naissance à desmédias nationaux, reflets des nouveauxEtats, à quelques exceptions près.Le présid<strong>en</strong>t égypti<strong>en</strong> Nasser, parexemple, créa <strong>en</strong> 1953 une radio transnationale,„La voix des Arabes”, pour servir savision panarabe. Les médias internationaux<strong>en</strong> arabe qui voi<strong>en</strong>t le jour, eux, éman<strong>en</strong>tdes puissances europé<strong>en</strong>nes, désireuses degarder un pied dans la région. Le plus connudemeure la BBC, dont le service arabe futcréé <strong>en</strong> 1939.„Dès les années 50, une compétitionva se jouer <strong>en</strong>tre les médias arabes, expliqueMohammed El Oifi, ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>trel’Egypte, l’Irak et l’Arabie saoudite.” L’hégémoniede cette dernière sera consacréelorsque son financem<strong>en</strong>t, allié aux compét<strong>en</strong>cesd’une diaspora notamm<strong>en</strong>t libanaise,fera de Londres la capitale des médiaspanarabes avec des journaux comme „AlHayat” et „Asharq al Awsat”.Al Jazeera allait bousculer cet establishm<strong>en</strong>t<strong>en</strong> se créant dans un pays arabe.„De plus, souligne Mohammed El Oifi, elleallait écarter les Libanais, considérés commetrop proches des Saoudi<strong>en</strong>s, au profit desPalestini<strong>en</strong>s et des Maghrébins.” Et lorsquela BBC lic<strong>en</strong>ciera une partie de son service<strong>en</strong> arabe, la TV de Doha récupérera unpersonnel aguerri.Début 2010, selon le sondage annuelréalisé par l’Université du Maryland danssix pays arabes (3), la télévision représ<strong>en</strong>taitla première source d’information pour85 pour c<strong>en</strong>t de l’échantillon (même jusqu’à95 pour c<strong>en</strong>t au Maroc). Al Jazeera était lachaîne arabe la plus regardée pour 39 pourc<strong>en</strong>t des sondés. Mais <strong>en</strong> combinant leschaînes arabes qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong> premier etdeuxième choix, elle saute à 78 pour c<strong>en</strong>tde popularité. Loin derrière arriv<strong>en</strong>t les réseauxégypti<strong>en</strong>s avec 29 pour c<strong>en</strong>t, grâce àleur poids <strong>en</strong> Egypte même. La BBC peutse consoler <strong>en</strong> faisant état d’un sondageréalisé <strong>en</strong> 2010 dans quatre pays (Egypte,Pakistan, K<strong>en</strong>ya et Turquie), qui la placedevant Al Jazeera <strong>en</strong> terme de fidélité.Carrefour des idéologies. „Une desforces d’Al Jazeera, explique MohammedEl Oifi, est d’employer des journalistes originairesde divers pays arabes, d’où unegrande représ<strong>en</strong>tativité et un large carnetd’adresses. De plus, ils connaiss<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> leterrain, ils sont consultés pour les nomsexacts des lieux, voire la prononciation localedes termes, ce qui r<strong>en</strong>force la crédibilitédes cont<strong>en</strong>us.”Mais c’est surtout sur le plan idéologiqueque la chaîne qatarie va bouleverserle paysage médiatique panarabe, <strong>en</strong> intégranttrois pouvoirs: l’islam politique, l<strong>en</strong>ationalisme arabe et le libéralisme. SelonEl Oifi, „les médias saoudi<strong>en</strong>s ont écartél’expression du nationalisme arabe et del’islam politique. Le premier car il est lié àl’idée de république, alors que l’Arabiesaoudite est un royaume; le second car ilm<strong>en</strong>ace les intérêts des Etats-Unis, protecteurdes Saoudi<strong>en</strong>s. Al Jazeera va au contrairerefléter pleinem<strong>en</strong>t ces courants dans sarédaction.”Avec les risques que cela implique.C’est ainsi qu’on a pu voir un prédicateurinflu<strong>en</strong>t comme Sheikh Yusuf al Qaradawi,dans son émission hebdomadaire, distillerPhoto DRUne des forces d’Al Jazeera est d’employer des journalistes originaires de divers pays arabes.des propos antisémites ou appeler à l’assassinatde Mouammar Kadhafi.Teinte militante. „Al Jazeera a ainsiouvert un espace de débat politique transnationalqui a manqué dans le mondearabe”, un débat qui ira à son tour imprégnerles opinions publiques. „Les slogans<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dus durant les révolutions tunisi<strong>en</strong>neet égypti<strong>en</strong>ne, on les <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dait sur Al Jazeeradepuis 1996”, souligne MohammedEl Oifi. Cela explique, <strong>en</strong> partie du moins, lecapital de sympathie et la popularité dontjouit la chaîne dans la population.Elle est toutefois critiquée par desactivistes qui perçoiv<strong>en</strong>t une inégalité detraitem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> fonction des situations,comme l’<strong>en</strong>voi des troupes saoudi<strong>en</strong>nes auBahreïn, ce dont la chaîne se déf<strong>en</strong>d. „EnTunisie, nous étions interdits, rappelleMustafa Suad, chef du départem<strong>en</strong>t arabe.A Bahreïn, notre bureau a été fermé uneannée avant les événem<strong>en</strong>ts. Puis nousavons pu <strong>en</strong>voyer un reporter. En Libye,nous avions deux personnes pour couvrirdes sujets magazines, comme la Liguearabe, qui sont parties au début destroubles. Mais partout nous suivons la situationdepuis le début grâce aux <strong>en</strong>voisdes manifestants et aux nouveaux médias.Nous devons être très prud<strong>en</strong>ts, mais nousavons du personnel très qualifié dans lesréseaux sociaux. Quel que soit le pays, ceque nous appr<strong>en</strong>ons nous le diffusons.”L’id<strong>en</strong>tification joue aussi dans le s<strong>en</strong>sinverse, ce qui donne parfois une teinte militanteaux reportages de la chaîne: les journalistessont souv<strong>en</strong>t des exilés interdits deséjour dans leur pays. Le correspondant auLiban par exemple, n’avait pas pu r<strong>en</strong>trerdans son pays, la Tunisie, depuis 23 ans.„Certains journalistes d’Al Jazeera mèn<strong>en</strong>taussi un combat très personnel”, conclutMohammed El Oifi.2000 pour c<strong>en</strong>t d’augm<strong>en</strong>tation. En2006, Al Jazeera partait à l’assaut du vastemonde <strong>en</strong> lançant sa chaîne <strong>en</strong> anglais. Lesréc<strong>en</strong>ts événem<strong>en</strong>ts lui ont valu une audi<strong>en</strong>cerecord, avec une augm<strong>en</strong>tation defréqu<strong>en</strong>tation de son site de 2000 pour c<strong>en</strong>t<strong>en</strong> quelques semaines, a-t-elle annoncé. Selonson directeur général Wadah Khanfar,60 pour c<strong>en</strong>t de cette augm<strong>en</strong>tation vi<strong>en</strong>tdes Etats-Unis, alors que la chaîne y est pratiquem<strong>en</strong>tboycottée par les diffuseurs.„L’audi<strong>en</strong>ce d’Al Jazeera augm<strong>en</strong>teparce que c’est de la vraie information”,a même affirmé la secrétaire d’Etat HillaryClinton. Une remarque qui doit fairebouillir l’anci<strong>en</strong> secrétaire à la Déf<strong>en</strong>se deGeorge Bush, Donald Rumsfeld, qui déclaraitdurant la guerre d’Irak: „Ils (AlJazeera) t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t de manipuler l’opinionmondiale à leur avantage et à notre désavantage;nous devons tout faire p≠ourque la vérité se sache.”L’étape suivante, pour la chaîne qatariediffusée dans une c<strong>en</strong>taine de pays, estdonc de mettre le pied chez les câblo-opérateursaméricains. Elle a lancé à cet effet unepétition électronique intitulée „DemandezAl Jazeera aux USA”.Michel Bührer est journaliste indép<strong>en</strong>dant.(1) www.ted.com/talks/wadah_khanfar_a_historic_mom<strong>en</strong>t_in_the_arab_world.html(2) www.crfj.ch/son_confer<strong>en</strong>ce/detail.php?ref=59(3) www.sadat.umd.edu/new%20surveys/surveys.htm22 EDITO+KLARTEXT 02 | 2011 02 | 2011 EDITO+KLARTEXT 23


service de presseLa porte ouverte sur AxpoAxpo Holding SA · Service médias · Zollstrasse 62 · Case postale 4025 · 8021 ZurichTél. 0800 44 11 00 · Fax 044 278 41 12 · www.axpo.ch · medi<strong>en</strong>@axpo.chL’information Sicher informiert assuréePrév<strong>en</strong>tion, Assurance, RéadaptationSuvaCommunication d’<strong>en</strong>treprisemedias@suva.ch, www.suva.chTél. 026 350 37 82Fax 026 350 36 23Une boufféed’air fraisAbir Saady est journaliste depuisvingt ans et seule femme membredu Conseil exécutif du syndicatde la presse égypti<strong>en</strong>ne.Elle analyse l’après-Moubarak.Propos recueillis par Aline JaccottetEDITO: Comm<strong>en</strong>t les journalistes égypti<strong>en</strong>s perçoiv<strong>en</strong>t-ilsla révolution?Abir Saady: Ils <strong>en</strong> sont ravis… mais furieux de la manière lam<strong>en</strong>tabledont elle a été traitée par leurs médias respectifs, surtout parceux qui sont proches du pouvoir. La ligne éditoriale, jusqu’à ladernière minute, a été claire: faire comme si de ri<strong>en</strong> n’était. Etquand les éditeurs ont compris que Moubarak allait perdre lapartie, ils ont tout d’un coup retourné leur veste <strong>en</strong> faisant l’apologiede la révolution. Ces manœuvres ont décrédibilisé tous lesjournalistes des rédactions, pas seulem<strong>en</strong>t les responsables. Envirant leurs chefs, ils espèr<strong>en</strong>t rétablir leur réputation. Difficile,puisque nombre des éditeurs fraîchem<strong>en</strong>t nommés sont, eux,proches de l’armée…L’AIR DU LARGEegypteEService de presse Sägereistrasse 20, 8152 Glattbrugg, tél. 043 211 83 48prisca.hugu<strong>en</strong>in@hotelplan.com, www.hotelplan-suisse.chInserat_EDITO_191x55_Aug09_f.indd 1 27.04.10 16:16Votre lignede télécommunication 058 221 98 04Swisscom SA, Corporate Communications, Media Relations, 3050 BerneFax 058 221 81 53 – www.swisscom.ch – media@swisscom.comA quoi ressemble actuellem<strong>en</strong>t le paysage médiatique égypti<strong>en</strong>?P<strong>en</strong>dant tr<strong>en</strong>te ans, toute la structure de la presse a été étroitem<strong>en</strong>tsurveillée par le pouvoir. Nous avions des publications gouvernem<strong>en</strong>tales,des médias appart<strong>en</strong>ant aux partis politiques et unepresse dite „indép<strong>en</strong>dante”. La quasi-totalité des éditeurs était fidèleau parti de Hosni Moubarak et les médias étai<strong>en</strong>t contrôléspar le Conseil consultatif, situé bi<strong>en</strong> sûr dans le même bâtim<strong>en</strong>tque le Parti national-démocratique de Hosni Moubarak. La révolution,qui a eu lieu il y a quatre mois seulem<strong>en</strong>t, a tout fait voler<strong>en</strong> éclats. Le monde des médias doit donc se redéfinir <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t.Maint<strong>en</strong>ant que le régime Moubarak est tombé, quelle estla priorité du syndicat de la presse?Former les journalistes! L’Egypte peut se targuer d’excell<strong>en</strong>ts professionnelsqui connaiss<strong>en</strong>t très bi<strong>en</strong> leur terrain, mais qui n’ontjamais eu le temps de se former correctem<strong>en</strong>t. Ils ont des lacunesabyssales <strong>en</strong> matière de déontologie et de technologies de l’information.Par ailleurs, les managers, dans les journaux, doiv<strong>en</strong>tappr<strong>en</strong>dre à mieux gérer les budgets et les équipes. Tout doitêtre revu, car produire un journalisme de qualité est une conditioness<strong>en</strong>tielle à la démocratie.Les journalistes égypti<strong>en</strong>s jouiss<strong>en</strong>t-ils désormais de leur pleineliberté d’expression?Photo DRAbir Saady: „Beaucoup de lois peuv<strong>en</strong>t nous <strong>en</strong>voyer<strong>en</strong> prison.”Hélas non, beaucoup de lois peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core nous <strong>en</strong>voyer <strong>en</strong> prison,et beaucoup de nos collègues y sont <strong>en</strong>core. Mais le plus grosproblème, c’est la m<strong>en</strong>talité que nous avons développée: le cerveaudes journalistes lui-même doit faire sa révolution, et c’est bi<strong>en</strong>normal. Imaginez que p<strong>en</strong>dant des déc<strong>en</strong>nies, nous avons dûappr<strong>en</strong>dre à nous conformer strictem<strong>en</strong>t aux lois de la c<strong>en</strong>sure,quelle que soit la qualité de l’information! Les lois aussi doiv<strong>en</strong>tchanger. D’ailleurs, nous sommes <strong>en</strong> train de nous battre pourabolir tout ce qui restreint notre liberté, et pour faire passer une loiobligeant les officiels égypti<strong>en</strong>s à répondre clairem<strong>en</strong>t à nos questions.Enfin, nous organisons un festival sur la liberté d’expressionle 3 mai, à l’occasion de la Fête du travail, histoire de s<strong>en</strong>sibiliserles Egypti<strong>en</strong>s à la question cruciale de la liberté d’expression. Cetteliberté n’advi<strong>en</strong>dra pas <strong>en</strong> un jour, mais nous sommes sur le bonchemin.Aline Jaccottet est journaliste indép<strong>en</strong>dante.24 EDITO+KLARTEXT 02 | 2011 02 | 2011 EDITO+KLARTEXT 25


EL’AIR DU LARGEVEnEzuElaLibye, l’information3007 Bernà s<strong>en</strong>s unique de TeleSURLa chaîne d’information <strong>en</strong> continu TeleSUR, basée à Caracas, livre une information très partisanedu conflit liby<strong>en</strong>, <strong>en</strong> faveur du „Guide”. Par Julie PacorelTripoli est très calme. (…) Nousnous att<strong>en</strong>dions, d’après ceque les ag<strong>en</strong>ces internationalesont dépeint, à une situation dequasi-guerre civile, or ce qu<strong>en</strong>ous voyons c’est une fête dans le c<strong>en</strong>tre dela capitale.”Dès son arrivée <strong>en</strong> Libye le 23 février,le correspondant de la chaîne sud-américaineTeleSUR (nomé TeleSUD <strong>en</strong> espagnol)marque la différ<strong>en</strong>ce. Tandis que les médiasinternationaux évoqu<strong>en</strong>t des c<strong>en</strong>taines,voire des milliers de personnes tuées parles tirs de l’armée sur les manifestants aurégime du „Guide”, Jordán Rodríguez relaiele décompte officiel de 300 morts (contre640 selon la Fédération internationale desDroits de l’Homme). „Il s’agit d’hommesqui ont voulu attaquer des bases militaires,donc bi<strong>en</strong> sûr l’armée a dû riposter”, insiste-t-il.Concurr<strong>en</strong>te à CNN. Quelques joursplus tôt, le présid<strong>en</strong>t vénézuéli<strong>en</strong> HugoChávez avait réaffirmé son amitié au ColonelKadhafi. Alors que la chaîne d’information<strong>en</strong> continu avait sout<strong>en</strong>u sansnuance les révoltes populaires <strong>en</strong> Tunisieet <strong>en</strong> Egypte, elle semble clairem<strong>en</strong>t sepositionner du côté du régime <strong>en</strong> placedans le cas liby<strong>en</strong>.PublicitéSaal des Radio Studios BernSchwarztorstrasse 21Vom Bahnhof Tram 9 (Richtung Wabern), Haltestelle MonbijouDepuis la gare, tram nº 9 (direction Wabern), arrêt MonbijouDatum DateCette ant<strong>en</strong>ne basée à Caracas et dontle capital de base apparti<strong>en</strong>t à 51 pour c<strong>en</strong>tau Vénézuela et à d’autres pays d’Amériquedu Sud comme l’Arg<strong>en</strong>tine (20 pour c<strong>en</strong>t)se veut une concurr<strong>en</strong>te à CNN. Elle est reconnuepour le sérieux de son travail journalistique,et assure être indép<strong>en</strong>dante dupouvoir <strong>en</strong> place, bi<strong>en</strong> que sa naissance <strong>en</strong>2005 ait eu lieu à l’initiative du présid<strong>en</strong>tChávez lui-même.„Ce qui intéresse TeleSUR, c’est lavérité. Ce n’est pas de savoir si telle ou telleinformation sert un gouvernem<strong>en</strong>t ou unautre”, assure Patricia Villegas, la présid<strong>en</strong>tecolombi<strong>en</strong>ne de la chaîne, épouse duministre vénézuéli<strong>en</strong> de la Sci<strong>en</strong>ce, la Technologieet de l’Industrie.Lorsqu’un second <strong>en</strong>voyé spécial deTeleSUR, Reed Lindsay, comm<strong>en</strong>ce finfévrier à évoquer <strong>en</strong> direct de B<strong>en</strong>ghazi des„crimes contre l’Humanité” commis par lerégime liby<strong>en</strong> sur son propre peuple, lachaîne ne semble plus du tout <strong>en</strong> phaseavec le gouvernem<strong>en</strong>t socialiste vénézuéli<strong>en</strong>qui estime que la Libye est victimed’une „farce mondiale”.Reed Lindsay est-il allé trop loin? Depuisle 14 mars, il n’est plus apparu à l’ant<strong>en</strong>neet ses tweets ont cessé, alors qu’ilavait l’habitude d’<strong>en</strong> poster plusieurs foispar jour. La chaîne n’a plus recouru à ses27. Mai 2011, 9.30 – 16.30 hLe 27 mai 2011, 9h30 – 16h30Sprach<strong>en</strong> Languesservices, il serait aujourd’hui <strong>en</strong> Egypte,assure sa présid<strong>en</strong>te.Dès le début des bombardem<strong>en</strong>ts dela coalition internationale <strong>en</strong> Libye, HugoChávez, qui avait proposé l’<strong>en</strong>voi d’unecommission de paix, a fustigé „le cynismede l’Empire (ndlr: les Etats-Unis)” qui selonlui „ont provoqué un conflit pour s’emparerdu pétrole liby<strong>en</strong>”.„Visites guidées”. TeleSUR s’est d<strong>en</strong>ouveau alignée sur le leader de la gauchesud-américaine, employant même son vocabulaire.Ainsi les prés<strong>en</strong>tateurs de journauxtélévisés qualifi<strong>en</strong>t systématiquem<strong>en</strong>tde„troupes impérialistes” la coalition,et ne relai<strong>en</strong>t que l’opinion des pro-Kadhafi.Jordán Rodríguez, l’<strong>en</strong>voyé spécialstar de la chaîne à Tripoli, ne quitte que rarem<strong>en</strong>tla place verte, où se réuniss<strong>en</strong>t lespartisans du dictateur, et participe à toutesles confér<strong>en</strong>ces de presse et „visites guidées”organisées par le gouvernem<strong>en</strong>t liby<strong>en</strong>.Le 28 mars, alors que les troupes rebellespr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t la route de Syrte, bastion dela famille Kadhafi, il déplorait „une aggravationde la situation”, alors que les troupesrebelles „aidées par l’Empire” avançai<strong>en</strong>t.Simultanübersetzung ins Französische und DeutscheInterprétation simultanée vers le français et l’allemandSSM, Schweizer Syndikat Medi<strong>en</strong>schaff<strong>en</strong>der /Syndicat suisse des mass médiasBirm<strong>en</strong>sdorferstrasse 65, 8004 Zürich, Tel. 044 202 77 51www.ssm-site.ch, claudine.traber@ssm-site.chJulie Pacorel est journaliste indép<strong>en</strong>danteà Caracas.syndicom, Gewerkschaft Medi<strong>en</strong> und Kommunikation /Syndicat des médias et de la communicationMonbijoustrasse 33, Postfach 6336, 3001 Bern, Tel. 058 817 18 18www.syndicom.ch, stephanie.vonarburg@syndicom.chRéservez dès maint<strong>en</strong>ant le prochain EDITO+KLARTEXTimpressum grâce à un – die abonnem<strong>en</strong>t Schweizer Journalistinn<strong>en</strong> annuel de 65 francs. / les journalistes suissesGrand-Places 14a, Postfach, 1701 Freiburg, Tel. 026 347 15 00www.impressum.ch,www.edito-online.ch/abonnem<strong>en</strong>tsbeatrice.gurzeler@impressum.chabo@edito-online.chAbonnez-vous à EDITO+KLARTEXT!EQui fait l’info?Qui montre-t-on?Les trois associations de journalistes impressum, syndicom et SSM organis<strong>en</strong>t <strong>en</strong>semble lors de„l’année du jubilé de l’égalité” une journée de médias bilingue consacrée au thèmeMedia et g<strong>en</strong>re.Qui fait l’info?Qui montre-t-on?V<strong>en</strong>dredi, le 27 mai 2011 | 9h30–16h30 | Berne | CHF 50.–/150.–pour: Journalistes (hommes et femmes) ainsi que les personnes qui s’intéress<strong>en</strong>t aux médiasProgrammeBig boss et starlettes. Sylvie Durrer, directrice du Bureau fédéral de l’égalité <strong>en</strong>tre femmes et hommesLa qualité grâce à la diversité? Dominique von Burg, Présid<strong>en</strong>t du Conseil suisse de presse,rédacteur „Tribune de G<strong>en</strong>êve”Hard news ou soft news? Table ronde avec Christine Maier (rédactrice <strong>en</strong> chef Club à SRF),Karin Müller (rédactrice <strong>en</strong> chef Radio 24), Silvia Ricci Lemp<strong>en</strong> (journaliste et écrivaine),Sylvie Durrer et Dominique von Burg.Animation: Catherine Cossy, correspondante „Le Temps” à ZurichSlam poésie, Susi Stühlinger, Interv<strong>en</strong>tion musicale, La GaleLes femmes derrière les news. Martina Leonarz, Institut für Publizistikwiss<strong>en</strong>schaft und Medi<strong>en</strong>forschung,Université de ZurichLes femmes sont-elles les plus mauvaises journalistes? Arthur Rutishauser, membre de la rédaction<strong>en</strong> chef du „Tages -Anzeiger”Tagung am Freitag 27. Mai 2011 in BernDe chroniqueuse locale à rédactrice <strong>en</strong> chef. Table ronde avec Priscilla Imbod<strong>en</strong> (Radio Berne),Laur<strong>en</strong>ce Bézaguet („Tribune de G<strong>en</strong>êve”), Catherine Duttweiler (rédactrice <strong>en</strong> chef „Bieler Tagblatt”),Martina Leonarz et Arthur Rutishauser. Animation: Susanne Brunner (Radio DRS)Confér<strong>en</strong>ce le v<strong>en</strong>dredi, 27 mai 2011, BerneDétails et inscription sous : www.syndicom.ch, www.ssm-site.ch, www.impressum.chimpressumDie Schweizer Journalistinn<strong>en</strong> | giornalisti svizzeriLes journalistes suisses26 EDITO+KLARTEXT 02 | 2011 02 | 2011 EDITO+KLARTEXT 27


EL’AIR DU LARGEEtats-UnisIl <strong>en</strong>quête, pistoletà la ceinturePaul Huebl est un journaliste américain qui sort du lot par le simple faitqu’il exerce aussi la profession de détective. Par Jacques Secretanmoins de se faire tirer dessus. En tout cas si vous choisissez d’êtrearmé, il faut savoir bi<strong>en</strong> cacher votre arme. Pour ma part, il estclair qu’à l’étranger, je respecte les lois <strong>en</strong> vigueur et il y a peu depays où j’ai le droit d’être armé.Est-ce que pour vous, la caméra est une arme ?Certainem<strong>en</strong>t. Je considère que c’est une arme puissante, pourexposer ou rétablir la vérité! J’ai toujours une caméra avec moi, telleune de ces petites HD qui permett<strong>en</strong>t de réaliser une interview oude capter un événem<strong>en</strong>t sur le champ. Ma petite „Flip Camera” m’aainsi permis de filmer une ag<strong>en</strong>te de sécurité de l’aéroport de LosAngeles, au mom<strong>en</strong>t où elle m’a agressé physiquem<strong>en</strong>t. J’ai transféréce petit docum<strong>en</strong>t sur mon site web www.crimefil<strong>en</strong>ews.com,et plus de 200 000 personnes l’ont visionné.Est-ce que vous disposez d’une carte de presse spécifique ?Outre mes lic<strong>en</strong>ces de détective privé, valables <strong>en</strong> Californie et<strong>en</strong> Arizona, j’ai toute une série de cartes de presse reconnues.Aux Etats-Unis, n’importe qui a un droit absolu de couvrir unévénem<strong>en</strong>t et de diffuser ce qu’il veut sans que les autoritésn’ai<strong>en</strong>t leur mot à dire. Chez nous, les journalistes prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t lesaccréditations du ou des médias pour lesquels ils travaill<strong>en</strong>t,mais <strong>en</strong> tout cas je ne paierai jamais le moindre dollar pour unecarte de presse! Je dispose notamm<strong>en</strong>t d’une carte de l’IRE (InvestigativeReporters and <strong>Edito</strong>rs), mais la plupart du temps jeprés<strong>en</strong>te ma carte de l’une des chaînes de télévision avec lesquellesje collabore, et au besoin le gouvernem<strong>en</strong>t ou les autoritésconcernées me délivr<strong>en</strong>t l’accréditation requise, commepour le FIFDH (Festival international du film sur les droits humains)auquel j’ai récemm<strong>en</strong>t assisté à G<strong>en</strong>ève.Au cours des deux dernières années, lors de mesdéplacem<strong>en</strong>ts aux Etats-Unis, j’ai fait équipe avecun „freelance” qui exerce à la fois le métier de reporter-journalisteet celui d’<strong>en</strong>quêteur privé. Agé d’unesoixantaine d’années, ce confrère a été p<strong>en</strong>dant plusde dix ans policier à Chicago, avant de s’établir à son compte, dansle sud des Etats-Unis.Depuis près de tr<strong>en</strong>te ans, il est un collaborateur régulierde toutes les grandes chaînes de télévision. Armé à la fois d’unpistolet et d’une caméra, Paul Huebl collabore avec moi dansun but précis: retourner l’opinion publique <strong>en</strong> faveur d’unecondamnée à mort âgée aujourd’hui de 47 ans, dont il a réalisél’innoc<strong>en</strong>ce dès la première interview qu’il a réalisée d’elle, il y aplus de vingt-et-un ans.EDITO: Paul, j’aimerais compr<strong>en</strong>dre comm<strong>en</strong>t un anci<strong>en</strong> policierpeut dev<strong>en</strong>ir un journaliste à succès, aux Etats-Unis ?Paul Huebl: Je n’étais pas destiné à dev<strong>en</strong>ir reporter, et n’ai passuivi de filière spécifique <strong>en</strong> ce s<strong>en</strong>s. Peu après mon établissem<strong>en</strong>tà Pho<strong>en</strong>ix, Arizona, <strong>en</strong> 1980, j’ai assez vite été connu <strong>en</strong> tant quedétective privé, et un peu par hasard, deux jeunes reporters de télévisionm’ont demandé de leur fournir des informations qu’ils nepouvai<strong>en</strong>t pas obt<strong>en</strong>ir. L’un d’eux occupe aujourd’hui une fonctionde direction à CNN, et il lui arrive <strong>en</strong>core de faire appel à moi. J’ai surtoutfonctionné comme fournisseur d’informations, les sujets surlesquels j’<strong>en</strong>quête étant <strong>en</strong> général prés<strong>en</strong>tés par des personnes plusphotogéniques que moi. Le plus souv<strong>en</strong>t, j’inclus mes recherchespour les médias dans le cadre du travail que j’effectue le plus souv<strong>en</strong>tpour des bureaux d’avocats, ou plus rarem<strong>en</strong>t des <strong>en</strong>treprises.S’il arrive souv<strong>en</strong>t, aux Etats-Unis, de voir d’anci<strong>en</strong>s policierscollaborer avec des journalistes, est-il courant de fonctionner avecune double casquette de détective et de journaliste?Ma situation est sans doute peu courante, pour ne pas dire unique.Ma formation de policier m’a donné les premières bases de solidesconnaissances <strong>en</strong> matière de droit et de justice criminelle. Par lasuite, j’ai acquis les techniques de l’interview journalistique,jusqu’à dev<strong>en</strong>ir l’un des formateurs le plus souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>gagés pourformer les jeunes reporters de télévision. Ma participation activeà différ<strong>en</strong>tes associations de rédacteurs et de journalistes d’investigation,par ailleurs, m’a aussi grandem<strong>en</strong>t aidé à améliorermes capacités <strong>en</strong> tant que détective privé. Ces dernières annéestoutefois, les médias traditionnels n’ayant plus du tout autantd’arg<strong>en</strong>t à disposition qu’auparavant, je n’ai plus guère l’occasionde travailler <strong>en</strong> tant que reporter-journaliste que sur de grossesaffaires criminelles, comme par exemple la tuerie de Tucson <strong>en</strong>janvier 2011.„La caméra est unearme pour exposerla vérité. J’ai toujoursune caméra avec moi.”Le port d’armes, c’est une pratique courante pour un journaliste?En Californie, 20 pour c<strong>en</strong>t des g<strong>en</strong>s sont armés. Et <strong>en</strong> Arizona,deux fois plus. La Cour suprême des Etats-Unis vi<strong>en</strong>t de confirmerà deux reprises le droit constitutionnel pour un citoy<strong>en</strong>d’être armé. En tant que policier, j’ai été formé à porter une arme<strong>en</strong> tout temps, inclus <strong>en</strong> dehors des heures de travail. Et j’ai gardécette même pratique <strong>en</strong> tant que détective privé. Le pistolet medonne une chance lorsque survi<strong>en</strong>t l’imp<strong>en</strong>sable, comme <strong>en</strong>1987 lorsqu’un homme m’a tiré dessus, <strong>en</strong> Arizona, et que laballe m’a effleuré le sommet du crâne. J’ai pu répliquer immédiatem<strong>en</strong>t,ce qui m’a sauvé la vie. C’est la seule fois où j’ai euà faire usage de mon arme. Par contre, <strong>en</strong> situation délicate, j’aidû à plusieurs reprises sortir mon pistolet. Mais att<strong>en</strong>tion: <strong>en</strong>situation normale, l’arme que je porte n’est absolum<strong>en</strong>t pasvisible. Je ne vois donc pas de contradiction à exercer mon métierde journaliste dans ces con ditions. Cela dit, les journalistesne sont <strong>en</strong> général pas formés à l’usage d’une arme à feu, et <strong>en</strong>situation de conflit, il est vrai qu’un journaliste non armé risquePhoto Jacques SecretanPaul Huebl: „Le pistolet me donne une chancelorsque survi<strong>en</strong>t l’imp<strong>en</strong>sable.”En quoi votre statut de détective vous a-t-il aidé, dans votre activitéde journaliste ?Le meilleur exemple, et le plus important, reste mon interview deDebra Milke, réalisé le 4 décembre 1989 à la demande d’unproducteur de télévision. Aucun journaliste n’avait pu obt<strong>en</strong>ird’information directe, concernant cette femme qui était soupçonnéede meurtre et dét<strong>en</strong>ue à la prison du comté, à Pho<strong>en</strong>ix. Avecma lic<strong>en</strong>ce de détective privé, j’ai été le seul à pouvoir accéder à lasalle de visite de la prison, où j’ai pu interviewer Debra à l’aided’un micro caché, une pratique parfaitem<strong>en</strong>t légale <strong>en</strong> Arizona.Cette interview, captée par plus d’un million de téléspectateurs,fut au nombre des cinq „top news” de l’année. Il se trouve quevingt-et-un ans plus tard, la chance d’avoir pu effectuer cette interviewpourrait sauver la vie de cette femme, et peut-être mêmelui r<strong>en</strong>dre la liberté. Lorsque je l’interrogeai, Debra Milke dém<strong>en</strong>titcatégoriquem<strong>en</strong>t avoir avoué quoi que ce soit à l’inspecteur depolice qui l’avait interrogée quelques heures plus tôt. Or deuxjours après mon interview, dans un rapport rédigé après coup,l’inspecteur de police affirma que cette femme lui avait fait desaveux. A l’époque, l’avocat de Debra ne voulut pas me citer commetémoin à son procès, et le jury la déclara coupable d’avoir organiséun complot pour faire assassiner son fils qui avait quatre ans. C<strong>en</strong>’est qu’<strong>en</strong> janvier 2010 que j’ai <strong>en</strong>fin été cité à comparaître, aucours d’une procédure d’appel que d’autres avocats sont parv<strong>en</strong>usà obt<strong>en</strong>ir, dont l’aboutissem<strong>en</strong>t est att<strong>en</strong>du pour cette année2011. Entre-temps, à de nombreuses reprises, j’ai eu à répéter messouv<strong>en</strong>irs de cette interview, pour des associations de droits del’homme des Etats-Unis et d’Europe, Debra Milke étant originairede Berlin, où elle est née <strong>en</strong> mars 1964. Jamais je n’aurais pu imaginer,au mom<strong>en</strong>t où je réalisai cette interview exclusive, l’importancevitale qu’elle pourrait représ<strong>en</strong>ter, plus de vingt ans plustard.Jacques Secretan est journaliste indép<strong>en</strong>dant et l’auteur d’„Une mèreinnoc<strong>en</strong>te condamnée à mort aux Etats-Unis”, Editions Favre, 2011.28 EDITO+KLARTEXT 02 | 2011 02 | 2011 EDITO+KLARTEXT 29


KEYSTONE präs<strong>en</strong>tiertAusstellung | 13. Mai bis 5. Juni 2011Papiersaal, Sihlcity ZürichMo–Fr 12–20 Uhr | Sa–So 12–18 Uhr | www.keystone.chWorld Press Photo of the Year 2010 | Jodi Bieber, Südafrika, für Time MagazineBibi Aisha, junge Afghanin, verstümmelt als Strafe weg<strong>en</strong> Flucht aus Haus von EhemannVeranstalter Sponsor<strong>en</strong> Medi<strong>en</strong>partnerEla TERRE A LA UNEUne économie verte,sinon ri<strong>en</strong>Alors, après Fukushima, on se réveille? Même à droite, beaucoupveul<strong>en</strong>t soudain dire adieu au nucléaire. En mêmetemps, l’ONU sort son Plan „Vers une économie verte”, inspirépar un expert de la Deutsche Bank. Pour quitter une„économie brune” inefficace et injuste, basée sur la puanteurdes hydrocarbures, des investissem<strong>en</strong>ts verts valantdeux pour c<strong>en</strong>t du PIB mondial régleront nos défis majeurs<strong>en</strong> deux générations: climat, pauvreté, faim, emploi, assainissem<strong>en</strong>t,énergie (www.unep.org).Cette feuille de route veut transformer dix secteurs clés: agriculture,bâtim<strong>en</strong>t, offre énergétique, pêche, foresterie, industrie,tourisme, transports, déchets, eau. Pour 1300 milliardsde dollars par an – nettem<strong>en</strong>t moins que les dép<strong>en</strong>ses d’armem<strong>en</strong>t.Or aujourd’hui, près de deux pour c<strong>en</strong>t du PIB mondialserv<strong>en</strong>t à subv<strong>en</strong>tionner les énergies fossiles, l’agro-industriepolluante, la surpêche et autres activités non durables.La transition vers les énergies r<strong>en</strong>ouvelables, le recyclage,l’agriculture écologique, les emplois verts et les échanges deproximité produira plus de croissance et moins de conflits,affirme le plan.Mais on avait dit tout ça, <strong>en</strong> 1972–73! Rappelez-vous: le Clubde Rome, la première crise pétrolière… Si les industriels s’yétai<strong>en</strong>t attelés, chacun aurait aujourd’hui autant de chauffageset voitures solaires que d’ordinateurs et i-phones.Pourquoi diable ces quarante ans perdus, ou presque? Lapresse est largem<strong>en</strong>t responsable, par omission, de cette nonassistanceà planète <strong>en</strong> danger. Bi<strong>en</strong> sûr, des reportages courageuxont asticoté çà et là l’économie brune, mais 90 pourc<strong>en</strong>t de l’information (pub comprise) pouss<strong>en</strong>t aujourd’hui<strong>en</strong>core dans le s<strong>en</strong>s inverse: surconsommez, circulez…Au lieu de foncer tête baissée sur les autoroutes d’une actuéphémère, les médias devrai<strong>en</strong>t anticiper les bouchons et lesvoies nouvelles. Qui d’autre peut le faire <strong>en</strong> temps utile? Ce nesont pas les marchés qui inciteront les gouvernem<strong>en</strong>ts à dev<strong>en</strong>irles „activistes” souhaités par l’ONU (cadre réglem<strong>en</strong>taire,taxation, marchés publics <strong>en</strong>courageant l’économie verte).Les médias, <strong>en</strong> li<strong>en</strong> avec leur public, doiv<strong>en</strong>t être un moteurde la transition. La stimulant, l’observant, la critiquant.C’est un plan gagnant. Aussi pour prév<strong>en</strong>ir une dérive g<strong>en</strong>reKhmers Verts.Daniel Wermus, journalistePublicitéVosobjectifssont lesnôtresbachmann medi<strong>en</strong> ag est spécialisée dansle conseil, la production et la communica tionmédiatiques. Nous vous aidons à mettre àjour vos publications et votre organisation.Nous réalisons vos idées – d’une manièredigne de confiance et professionnelle.www.bachmannmedi<strong>en</strong>.chbachmannmedi<strong>en</strong>solution by concept30 EDITO+KLARTEXT 02 | 2011 02 | 2011 EDITO+KLARTEXT 31


L’AIR DU LARGEALLEMAGNEESpiegel Online,un exemple à suivre …Proposer gratuitem<strong>en</strong>t sur la Toile de l’information de qualité produite par desjournalistes expérim<strong>en</strong>tés et payés correctem<strong>en</strong>t est possible. Par Frédéric TherinFaites <strong>en</strong> sorte que votre produit ne tombe pas dans l’oubli.Avec les magazines Ringier, l’att<strong>en</strong>tion de plus de 2 millions de consommatrices et consommateurs se porte sur votre produit,et cela dans le meilleur <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t que vous puissiez lui offrir <strong>en</strong> <strong>Suisse</strong>. Pour plus d’informations sur nos prestationspublicitaires, consultez www.go4media.ch ou appelez notre départem<strong>en</strong>t de v<strong>en</strong>te d’annonces au numéro 044 259 60 55.Votre marque mérite la plus grande att<strong>en</strong>tionLes sites d’information sur la Toilecherch<strong>en</strong>t tous LA recette pourêtre r<strong>en</strong>table. Certains t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>tde trouver d’hypothétiquesannonceurs alors que d’autresessay<strong>en</strong>t de faire payer leurs services auxinternautes qui ont pris l’habitude de surfergratuitem<strong>en</strong>t. Une plateforme parvi<strong>en</strong>ttoutefois à gagner de l’arg<strong>en</strong>t chaque annéedepuis 2005. La crise, pourtant sanglantepour le net, n’a même pas plongé ses comptesdans le rouge. Son nom: Spiegel Online …Le célèbre hebdomadaire allemand apris tous les risques pour se lancer sur leWeb. Ses dirigeants ont inauguré leur site <strong>en</strong>1994 après six mois de tests réservés auxutilisateurs de CompuServe qui était àl’époque un des plus importants fournisseursde services <strong>en</strong> ligne. Au mom<strong>en</strong>t del’explosion de la bulle internet <strong>en</strong> 2001, ilsont fait le pari d’investir massivem<strong>en</strong>t dansune rédaction composée d’excell<strong>en</strong>ts journalistesqui s’étai<strong>en</strong>t pour beaucoup retrouvéssur le marché du travail <strong>en</strong> raison desnombreux lic<strong>en</strong>ciem<strong>en</strong>ts dans la presse.Très flexibles. Spiegel Online – SPONpour les „intimes” – emploie aujourd’hui àson siège de Hambourg une c<strong>en</strong>taine depersonnes auxquelles il faut ajouter les dixreporters qui travaill<strong>en</strong>t dans son bureauberlinois. Son réseau de correspondantscompr<strong>en</strong>d, lui, deux personnes aux Etats-Unis ainsi que trois journalistes basés àLondres, New Dehli et Beyrouth.Ces professionnels, qui sont pour laplupart très expérim<strong>en</strong>tés, sont égalem<strong>en</strong>ttrès flexibles. Ils peuv<strong>en</strong>t ainsi un jour faireun simple travail de desk <strong>en</strong> relisant la copiede leurs confrères avant de partir le l<strong>en</strong>demain<strong>en</strong> grand reportage à l’étranger. Le sitetourne 7 jours sur 7 et 365 jours par an. Lespremiers rédacteurs arriv<strong>en</strong>t au bureau à 6„SPON”: Quatre millions de visiteurspar semaine.heures du matin et les derniers repart<strong>en</strong>tchez eux à minuit. En cas de crise, une listed’urg<strong>en</strong>ce permet de faire v<strong>en</strong>ir une vingtainede journalistes <strong>en</strong> moins d’une heure.Mais la grande force de ce site réside dans larichesse de son offre rédactionnelle.Chaque jour, 100 à 120 articles exclusifssont mis <strong>en</strong> ligne. De lourds investissem<strong>en</strong>tsont égalem<strong>en</strong>t été dégagés pourprofiter des nouvelles technologies offertespar la Toile afin d’offrir aux internautesbi<strong>en</strong> plus que de simples articles à lire surleur ordinateur, leur tablette tactile ou leursmartphone. Les amateurs de rock et devariété peuv<strong>en</strong>t ainsi écouter les albumsqui ont fait l’objet d’une critique musicalesur le site. Les mordus de jolies berlineset de bolides survitaminés peuv<strong>en</strong>t, eux,notamm<strong>en</strong>t écouter le vrombissem<strong>en</strong>t dumoteur, le son du clignotant et du klaxonainsi que le bruissem<strong>en</strong>t de l’essuie-glacedes voitures qui sont testées par les journalistesautomobiles du SPON.Certains projets ambitieux représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>tégalem<strong>en</strong>t des r<strong>en</strong>dez-vous att<strong>en</strong>dusdes internautes. Dans la série baptiséeKM42, pour kilomètre 42, les lecteurs ontpu suivre les péripéties de la traversée <strong>en</strong>camping-car de l’Europe et des Etats-Unisd’un journaliste qui se r<strong>en</strong>dait parfois dansdes destinations conseillées par ses „fans”.Spiegel Online a égalem<strong>en</strong>t profité de l’explosiondes réseaux sociaux <strong>en</strong> ouvrant uncompte sur Facebook qui compte déjà125 000 „amis” ainsi qu’un Tweet qui estsuivi par 250 000 personnes. Les non-germanophonesn’ont pas été oubliés puisqueune version allégée du site est proposée<strong>en</strong> anglais depuis 2004. Elle compr<strong>en</strong>d la traductiondes meilleures <strong>en</strong>quêtes publiées laveille ou l’avant-veille sur le site <strong>en</strong> allemand.„Elites citadines”. Ce lourd travail et lesinvestissem<strong>en</strong>ts conséqu<strong>en</strong>ts qu’ils induis<strong>en</strong>tport<strong>en</strong>t aujourd’hui leurs fruits.Chaque semaine, SPON attire 4,31 millionsde visiteurs uniques, un chiffre plus dedeux fois supérieur à celui du Figaro.fr quiest le premier site d’information <strong>en</strong> France.Le tabloïd „Bild” a certes récemm<strong>en</strong>t volé letitre de plus importante plateforme d’actualitésur la Toile <strong>en</strong> Allemagne avec 5,93millions de fidèles m<strong>en</strong>suels.Mais Spiegel Online continue d’attirerà lui les cli<strong>en</strong>ts les plus „hauts de gamme”.Les <strong>en</strong>quêtes montr<strong>en</strong>t ainsi que 17,5 pourc<strong>en</strong>t des „décideurs” surf<strong>en</strong>t régulièrem<strong>en</strong>tsur ses pages, loin devant Bild.de (13,2 pourc<strong>en</strong>t). L’écart reste, lui aussi, important pourles „élites citadines” et la „jeunesse universitaire”.Ce lectorat de qualité attire fort logiquem<strong>en</strong>tles publicitaires et leurs annonceursqui financ<strong>en</strong>t la totalité du budget defonctionnem<strong>en</strong>t du SPON qui avoisine 20millions d’euros par an.Comme quoi, proposer gratuitem<strong>en</strong>tsur la Toile de l’information de qualité produitepar des journalistes expérim<strong>en</strong>tés etpayés correctem<strong>en</strong>t est possible.Frédéric Therin est journaliste indép<strong>en</strong>dantà Munich.32 EDITO+KLARTEXT 02 | 2011 02 | 2011 EDITO+KLARTEXT 33


ESERVICESESPIONNAGEPublicitéIllustration Patrick NaterN’oubliez pas deprotéger vos sources!En reportage dans les pays à risques, la grande majorité des journalistes n’imagine même pasque leurs ordinateurs et leurs téléphones portables peuv<strong>en</strong>t être espionnés. Par Ian HamelLes journalistes se dout<strong>en</strong>t-ils qu’ils peuv<strong>en</strong>t mettre <strong>en</strong> danger les correspondants?Pourquoi le régime irani<strong>en</strong>,qui peut couper l’accès à tousles réseaux sociaux, laisse-t-ilTwitter fonctionner? Tout simplem<strong>en</strong>tpour savoir quellessont les sources d’information <strong>en</strong> Iran desinternautes et des journalistes, tranquillem<strong>en</strong>tinstallés derrière leurs bureaux <strong>en</strong>Europe ou <strong>en</strong> Amérique. Autre question:Les journalistes qui communiqu<strong>en</strong>t avecleurs contacts à Téhéran ou à Ispahan sedout<strong>en</strong>t-ils seulem<strong>en</strong>t qu’ils peuv<strong>en</strong>tmettre <strong>en</strong> danger de mort leurs correspondantsvivant dans la République des mollahs?Pour y répondre, le Club suisse de lapresse organisait le 12 mars avec Reporterssans frontières (RSF) une journée sur l’anonymatdes communications, la sécurité desdonnées et la protection des sources. Un„Workshop” imaginé par Stéphane Kochd’intellig<strong>en</strong>tzia.net.Micros dans l’hôtel. Avec les révolutionsqui éclat<strong>en</strong>t dans le monde musulman,une foule de journalistes s’est précipitée<strong>en</strong> Egypte, <strong>en</strong> Libye, <strong>en</strong> Tunisie ou auYém<strong>en</strong>, sans même se demander comm<strong>en</strong>tœuvrai<strong>en</strong>t ces régimes répressifs. Or, lesmoy<strong>en</strong>s d’écoutes sont à la portée de n’importequelle dictature. Il n’est pas difficilede planquer des micros dans les hôtelsfréqu<strong>en</strong>tés par les rédacteurs, d’<strong>en</strong>registrerleurs conversations sur les téléphones fixes,portables et même satellitaires. „Le fournisseurd’accès, surtout s’il est lié au gouvernem<strong>en</strong>t,peut révéler à ce dernier les mots depasse, les noms d’utilisateurs”, rappelle l’undes interv<strong>en</strong>ants à cette journée mondialecontre la cyber-c<strong>en</strong>sure. En clair, l’<strong>en</strong>voyéspécial, travaillant sans filet, pr<strong>en</strong>d descontacts, <strong>en</strong>registre des interviews, réaliseun reportage, et revi<strong>en</strong>t tranquillem<strong>en</strong>tchez lui. Il ne se doute même pas que sescorrespondants dans le pays peuv<strong>en</strong>t, aprèssa v<strong>en</strong>ue, être arrêtés, emprisonnés, peutêtretorturés, et même tués.Accès Internet sécurisé. A l’aide d’unpetit film, Frédéric Auclair de la sociétéSatorys montre qu’il suffit d’une minutepour installer un logiciel espion sur un natelp<strong>en</strong>dant que son propriétaire s’abs<strong>en</strong>teun court instant. Ensuite, on peut écoutertoutes ses conversations, lire tous ses SMS,le localiser géographiquem<strong>en</strong>t. Et que p<strong>en</strong>serdu journaliste qui laisse son ordinateurallumé dans sa chambre p<strong>en</strong>dant qu’il estdesc<strong>en</strong>du boire un verre avec ses collèguesau bar de l’hôtel? Un membre des servicesde sécurité <strong>en</strong> profite pour introduire uneclé USB dans son ordinateur et lui pompetout son carnet d’adresses. „Nous mettonsgratuitem<strong>en</strong>t à la disposition des journalisteset des ONG un accès Internet suissesécurisé disponible partout dans le monde”,propose Marco Ricca, PDG de Satorys, unesociété qui fournit des services de protectioncontre les attaques informatiques.Très peu de journalistes ont réponduà cette journée organisée par Reporterssans frontières. Cela signifie-t-il qu’ilspr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t déjà toutes les précautionsnécessaires lorsqu’ils sont <strong>en</strong> déplacem<strong>en</strong>t,à comm<strong>en</strong>cer par crypter leurs téléphoneset leurs ordinateurs? On peut <strong>en</strong> douter.Ian Hamel est journaliste et écrivain,auteur de „Et si la <strong>Suisse</strong> ne servait plus à ri<strong>en</strong>?”,chez Larousse.Etranspar<strong>en</strong>cesUn pays si calme …Laissez l’Etat filtrer à sa guise le flux d’infos offertsà ceux que les juges europé<strong>en</strong>s appell<strong>en</strong>t les „chi<strong>en</strong>sde garde” de la démocratie et vous verrez ce qu’ilreste de cette dernière. Mais ne croyez pas pourautant qu’une législation sur la transpar<strong>en</strong>ce est unoreiller de paresse pour les médias. Un journalistede „La Liberté” <strong>en</strong> a récemm<strong>en</strong>t fait l’expéri<strong>en</strong>ce. Il adû se battre mais vi<strong>en</strong>t d’obt<strong>en</strong>ir devant le Tribunaladministratif fédéral (TAF) une belle victoire, désormaisdéfinitive.La transpar<strong>en</strong>ce, au s<strong>en</strong>s de la loi fédérale du mêm<strong>en</strong>om de 2004, c’est le droit de consulter des docum<strong>en</strong>tsofficiels et d’obt<strong>en</strong>ir des r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>tssur leur cont<strong>en</strong>u. Sauf exceptions. En l’espèce,le journaliste <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dait obt<strong>en</strong>ir du Départem<strong>en</strong>tfédéral de justice et police (DFJP) les conv<strong>en</strong>tions dedépart de deux proches collaborateurs du Conseillerfédéral Christoph Blocher négociées au mom<strong>en</strong>t deleur r<strong>en</strong>voi par la nouvelle cheffe du départem<strong>en</strong>t.Compte t<strong>en</strong>u d’une part d’un contexte politiquet<strong>en</strong>du, d’autre part des appels réguliers de l’UDCpour des économies à tout va dans l’administration,on pouvait se dire que la demande d’accès ne pouvaitqu’être honorée.La vérité, c’est que le journaliste aura dû att<strong>en</strong>dreplus de deux ans avant obt<strong>en</strong>ir gain de cause. LeDFJP a fait l’obstiné, sans discernem<strong>en</strong>t et malgréun avis contraire du Préposé à la protection desdonnées. Ceci alors même que les fonctionnairesconcernés ne s’opposai<strong>en</strong>t pas à la divulgation.Mais le TAF a dit ce qui relève du bon s<strong>en</strong>s: non,des conv<strong>en</strong>tions de départ purem<strong>en</strong>t financières nesont pas des données s<strong>en</strong>sibles, oui, il y avait unintérêt légitime du public à obt<strong>en</strong>ir les informations.Dans ce pays si calme et si respectueux des droitsdes uns et des autres, faire reconnaître que la nonréélectionde Blocher correspondait à un contextepolitique particulier et justifiait la communicationdes données demande du temps et de l’énergie.Merci au journaliste d’avoir combattu jusqu’au bout.Avec une nouvelle jurisprud<strong>en</strong>ce à la clé.Alexandre Curchodest avocat au barreaualexandre.curchod@mylawyer.chDes questions sur lagestion de l’énergie?Schneider Electric (<strong>Suisse</strong>) SARelations Médiasfrank.sp<strong>en</strong>na@ch.schneider-electric.comT 079 671 57 49schneider-electric.ch34 EDITO+KLARTEXT 02 | 2011 02 | 2011 EDITO+KLARTEXT 35


ESERVICESDéCODAGEDans la toile des manipulateursLe phénomène des „spin doctors” surfe comme une marée noiresur les médias <strong>en</strong> crise. Par Enrico MorresiGuerre des tranchéessur le front politiqueSERVICESEtudes de l’OfcomELes révoltes populaires qui secou<strong>en</strong>tl’Afrique du Nord –quels sont les motivations dérriereses mouvem<strong>en</strong>ts? La soifde liberté d’expression et dedémocratie? La faim et la recherche d’unemploi? Ou, plus profondém<strong>en</strong>t, des changem<strong>en</strong>tsdémographiques comme la chutedes mariages <strong>en</strong>tre membres d’une mêmefamille et la baisse du taux de féconditéainsi que la progression du niveau d’instruction(cf. Y. Courbage/E. Todd, „Le r<strong>en</strong>dez-vousdes civilisations”, Seuil, 2007)?Ou bi<strong>en</strong> les „spin doctors” de la CIA qui, <strong>en</strong>automne 2008, convoquèr<strong>en</strong>t à Washingtondes opposants égypti<strong>en</strong>s avec lesquelsils discutèr<strong>en</strong>t d’une révolution démocratiquedevant éclater <strong>en</strong> 2011 (Marcello Foa,„Corriere del Ticino”, 22.2.2011)?Je reste sceptique face à cette dernièrehypothèse. Dans le cas prés<strong>en</strong>t, MarcelloFoa, spécialiste reconnu du monde du„spin” („Gli stregoni della notizia”, Guerini &Associati, 2006), exagère peut-être, se laissant<strong>en</strong>traîner par son interprétation préféréeet faisant d’un seul phénomène l’explicationprincipale de ce soulèvem<strong>en</strong>t populaire.„Wait and see”, donc, sans tomberdans l’illusion que le dernier à parler déti<strong>en</strong>tla vérité.Ce qui est certain <strong>en</strong> revanche, c’estl’exist<strong>en</strong>ce discrète d’un autre type de „spin”,de manipulation de la vérité, tous les joursservice de presseet dans tous les médias, au service d’intérêtsprivés considérables.La dénonciation de ce phénomèn<strong>en</strong>’est pas nouvelle: on <strong>en</strong> a parlé à Bâle <strong>en</strong>2007, lors d’une journée d’étude organiséepar l’association pour un journalisme dequalité (Qualität im Journalismus). On <strong>en</strong> areparlé lors d’une confér<strong>en</strong>ce à l’Universitéde Hambourg <strong>en</strong> février 2011 (Journalismusund PR zwisch<strong>en</strong> Kooperation und Konfrontation).Quoi de neuf? La nouveauté, c’estque ce phénomène déborde de toutes partset s’ét<strong>en</strong>d comme la marée noire dans leGolfe du Mexique, dans des médias quiconnaiss<strong>en</strong>t de sérieuses difficultés économiqueset sont de ce fait pour la plupartimpuissants à résister à la pression.Relations publiques. Bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, les„spin doctors” de l’économie privée dém<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t,ils ne font que des relations publiqueset n’ont d’autre objectif que d’aiderles journalistes. Nous devrions les remercierpour l’aide qu’ils nous octroi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>nous suggérant les idées qui nous permett<strong>en</strong>tde compr<strong>en</strong>dre „correctem<strong>en</strong>t” lesproblèmes. Nous dirons donc, comme nousle murmur<strong>en</strong>t les représ<strong>en</strong>tants d’Alpiq,que les c<strong>en</strong>trales nucléaires seront dépassées,mais pas tout de suite, dans 30 ansseulem<strong>en</strong>t. Il faut donc, <strong>en</strong> att<strong>en</strong>dant, fairele pont (voilà le mot-clé!) et poursuivre l’exploitationde Beznau ou de Mühlebergjusqu’à ce que les sources d’énergie r<strong>en</strong>ouvelablesoi<strong>en</strong>t plus répandues et moinscoûteuses.Nous dirons donc que les OGM deMonsanto ou Syng<strong>en</strong>ta résoudront le problèmede la faim dans le monde. Que les bonus„excessifs” (sur ce terme tout le mondeest d’accord!) versés aux dirigeants d’UBS etd’autres banques sont nécessaires pourmaint<strong>en</strong>ir le niveau de compétitivité. Que leprix élevé que nous payons pour les médicam<strong>en</strong>tsde Novartis ne serv<strong>en</strong>t pas (non, pasdu tout!) à offrir un salaire de quelques dizainesde millions à M. Vasella mais à financerla recherche sci<strong>en</strong>tifique. Tout cela est leproduit du „spin” au niveau macro, mais il ya égalem<strong>en</strong>t un niveau meso et même un niveaumicro où la manipulation discrète dupublic ne r<strong>en</strong>contre aucun obstacle.Aucun obstacle? Bi<strong>en</strong> sûr, car dans lesmédias la double pression des économies(de temps et d’arg<strong>en</strong>t) empêche l’investigation,la vérification, le travail bi<strong>en</strong> fait. Lacrise si bi<strong>en</strong> docum<strong>en</strong>tée dans le livre deAschinger et Campiche (lire <strong>en</strong> page 38)prive le journalisme de ses déf<strong>en</strong>ses naturelles.La dénonciation de cette dérive estau moins aussi indisp<strong>en</strong>sable que celle des„spin doctors” de la politique.Enrico Morresi est journaliste et présid<strong>en</strong>t duConseil de fondation du Conseil suisse de la presse.Qui, de l’œuf ou de la poule, était bio <strong>en</strong> premier?Nous répondons à toutes vos questions sur le thème du bio au 061 385 96 10,par courriel bio@bio-suisse.ch ou sur www.bio-suisse.chBourgeon bio. Le goût du vrai.L’Ofcom publie six études sur l’av<strong>en</strong>ir de la presse. Les critiques fus<strong>en</strong>t. Par Hel<strong>en</strong> BrüggerChaque fois que le résultatd’une étude déplaît, on luireproche d’être peu sci<strong>en</strong>tifique”,soupire MatthiasRamsauer, vice-directeur del’Office fédéral de la communication (Ofcom).C’est <strong>en</strong>core le cas cette fois-ci. L’Ofcoma mandaté six études sur l’av<strong>en</strong>ir de lapresse et, à peine ont-elles été publiées,que les attaques ont fusé. L’association deséditeurs suisses alémaniques critique <strong>en</strong>particulier le caractère peu nuancé et peuétayé des rapports, les jugeant remplis depréjugés. „Presse <strong>Suisse</strong>” estime <strong>en</strong> outrequ’ils prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t des insuffisances sur leplan sci<strong>en</strong>tifique.Pourquoi tant d’agitation? C’est qu’ily a de l’arg<strong>en</strong>t <strong>en</strong> jeu, voire beaucoup d’arg<strong>en</strong>t.Une <strong>en</strong>veloppe de 50 millions de francsest mise à disposition de la Poste, pour luipermettre de diminuer les tarifs de distributiondes journaux et des magazines. Parcette mesure d’aide indirecte, l’Etat veutfavoriser la pluralité d’opinions et la diversitéde l’information, nécessaires au bonfonctionnem<strong>en</strong>t de la démocratie.Ce modèle d’<strong>en</strong>couragem<strong>en</strong>t n’estpas <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t satisfaisant, même si lespires vices du système ont pu être corrigésdans la nouvelle loi sur la Poste – pour neciter qu’un exemple: 40 pour c<strong>en</strong>t dessubv<strong>en</strong>tions allai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core aux grandséditeurs il y a dix ans.Postulat Fehr. Mais ce dispositif nemanque pas de susciter la controverse aujourd’hui<strong>en</strong>core. Le public et les associationsde journalistes ont notamm<strong>en</strong>t réagiil y a quelques semaines, lorsque la Poste abrusquem<strong>en</strong>t décidé de priver „Le Courrier”et la „Woch<strong>en</strong>zeitung” de ces tarifspréfér<strong>en</strong>tiels. Face à la grogne générale, legéant jaune a finalem<strong>en</strong>t dû faire volte-face.Mais rev<strong>en</strong>ons-<strong>en</strong> à ces fameusesétudes, commandées par l’Ofcom pour répondreà un postulat du conseiller nationalPS Hans-Jürg Fehr. Son objectif était de mesurerles effets de la conc<strong>en</strong>tration de lapresse et d’obt<strong>en</strong>ir un état des lieux surl’évolution de la scène médiatique suissequi soit basé sur des données sci<strong>en</strong>tifiques.Selon le vœu de Fehr, les résultats de l’<strong>en</strong>quêtedevai<strong>en</strong>t permettre de mettre fin auxsempiternelles „guerres de tranchées” opposantdeux fronts irréductibles, les partisansd’une aide directe et les t<strong>en</strong>ants dusystème d’aide indirecte.Il y a quelques années, la Commissiondes institutions politiques du Conseilnational (CIP-N) avait élaboré une propositionpour un modèle d’<strong>en</strong>couragem<strong>en</strong>t direct,permettant de développer et de consoliderdes „espaces d’expression publiqueconformes à la démocratie”. Il s’agissait degarantir l’exist<strong>en</strong>ce de médias locaux, régionauxet nationaux de qualité, assurantune information libre et diversifiée, nécessaireau bon fonctionnem<strong>en</strong>t de la démocratiedirecte.Le projet a été <strong>en</strong>terré par les chambresfédérales, notamm<strong>en</strong>t parce que les grandséditeurs ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t absolum<strong>en</strong>t à empêcherl’instauration d’un système d’aide directe,quitte à s’opposer à certains petits éditeurs,membres de leur association. Ils s’avanc<strong>en</strong>t<strong>en</strong> terrain glissant, car ces mesures d’<strong>en</strong>couragem<strong>en</strong>tdirect sont assorties d’exig<strong>en</strong>cesde contrôle, qu’ils ont dû accepter depuislongtemps dans le domaine des médiasélectroniques. L’Etat <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d s’assurer queles médias subv<strong>en</strong>tionnés se conform<strong>en</strong>t àses att<strong>en</strong>tes <strong>en</strong> termes de qualité et de Servicepublic. L’un des rapports de l’Ofcom vapourtant assez loin dans le s<strong>en</strong>s des éditeurs,<strong>en</strong> proposant qu’ils fix<strong>en</strong>t eux-mêmesles modalités du mandat de prestation, toutcomme les exig<strong>en</strong>ces de qualité.Mais les éditeurs ne l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t pasde cette oreille. D’autant moins que lesétudes de l’Ofcom mett<strong>en</strong>t le doigt sur certainspoints litigieux, concernant l’évolutiondes conditions de travail dans le domainedes médias. Elles point<strong>en</strong>t une certaineforme de „viol<strong>en</strong>ce structurelle” quis’exerce sur les collaborateurs des rédactions– notamm<strong>en</strong>t online – ne leur permettantplus d’accomplir leurs tâches demanière indép<strong>en</strong>dante.Elles dénonc<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t un affaiblissem<strong>en</strong>tde la qualité et un appauvrissem<strong>en</strong>tdu paysage médiatique. Or, les mesuresd’aide indirecte ne suffirai<strong>en</strong>t pas àelles seules à inverser la t<strong>en</strong>dance. Lesétudes préconis<strong>en</strong>t dans les grandes lignes,le recours à de nouvelles mesures d’aidedirecte, ou un changem<strong>en</strong>t complet dusystème, de manière à privilégier l’aidedirecte. Cela suffit à susciter une levée debouclier chez les éditeurs, qui contest<strong>en</strong>tvivem<strong>en</strong>t ces conclusions.La suite de l’histoire? „Il y a trois scénariospossibles”, selon le vice-directeur del’Ofcom. „Soit on choisit le statu quo”, soit„on corrige les défauts les plus criants dusystème d’aide indirecte dans l’ordonnanceaccompagnant la nouvelle loi sur la Poste”.Les bases légales manqu<strong>en</strong>t <strong>en</strong> effet pourmettre <strong>en</strong> œuvre la plupart des mesuresd’aide directe proposées dans ces rapports– pour allouer une aide aux nouveaux magazinesweb indép<strong>en</strong>dants par exemple.Reste <strong>en</strong>core une troisième voie, quiconsisterait à élaborer de nouvelles baseslégales, soit un article constitutionnel compr<strong>en</strong>antun „mandat de prestation généralpour les médias”, à savoir une loi sur lapresse, comme proposée <strong>en</strong> son temps parla CIP-N. Mais le climat politique est-il plusfavorable à une réglem<strong>en</strong>tation de la sphèremédiatique que dix ans auparavant? „Pourfaire <strong>en</strong>trer l’article sur la radio et la télévisiondans la Constitution, il a aussi fallus’y repr<strong>en</strong>dre à plusieurs fois”, sourit MatthiasRamsauer.36 EDITO+KLARTEXT 02 | 2011 02 | 2011 EDITO+KLARTEXT 37


ESERVICESlivresInfo popcornRichard AschingerChristian CampicheINFO POPCORNEnquêteau coeur des médias suissesTout va pour le mieuxLes journaux se meur<strong>en</strong>t. Des c<strong>en</strong>taines dejournalistes perd<strong>en</strong>t leur emploi. Mais quecache réellem<strong>en</strong>t cette situation sansdans précéd<strong>en</strong>t la qui presse n’épargne pas non plus suisse, les c’estmédias audiovisuels? La crise du modèlebasé sur la publicité n’explique pas à elleseule pourquoi certains groupes disparaiss<strong>en</strong>tconnu! et d’autres émerg<strong>en</strong>t Ne jusqu’à sommes-bi<strong>en</strong>ét<strong>en</strong>dre leurs t<strong>en</strong>tacules sur l’<strong>en</strong>semble Christian Campiche, journalisted’un pays.et écrivain, a collaboré à plusieursjournaux (Bilan, L’Agefi, LeEn <strong>Suisse</strong>, les journaux gratuits font la loi Journal de G<strong>en</strong>ève, La Liberté). Ilnous pas l’un des pays oùet l’emprise de Tamedia ne semble plus dirige actuellem<strong>en</strong>t la revueconnaître de limite après le rachat d’un EDITO, le magazine des médias.autre géant, Edipresse. Pour la premièrefois, un groupe contrôle l’information dela diffusion Zurich à G<strong>en</strong>ève, sans que de l’opinion journauxRichard Aschinger, journaliste, apublique ne bouge le petit doigt. collaboré à plusieurs journauxParallèlem<strong>en</strong>t, les médias perd<strong>en</strong>t le goût (Tages Anzeiger, Der Bund). Il ade l’analyse. Soumis au tout économique, obt<strong>en</strong>u le Prix Berner Zeitung dupar ils habitant gliss<strong>en</strong>t hors de la réalité, fabriquant est du la journalisme plus local <strong>en</strong> 2006.rêve ou relatant du fait divers anxiogène.Comm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> est-on arrivé à une situationgrande? qui comporte des Oui, dangers pour la mais… démocratie?Deux journalistes d’investigationLedisposant d’une longue expéri<strong>en</strong>ce professionnelle,l’un alémanique, l’autredébat romand, est démont<strong>en</strong>t ouvert. le mécanisme d’un Face-àface,deux camps: le pré-5système d’information qui réduit lecitoy<strong>en</strong> à un simple consommateur.sid<strong>en</strong>t des éditeurs, Hans-Peter Lebrum<strong>en</strong>t, et deuxjournalistes, Christian Campiche et Richard Aschinger.Un optimiste contre deux pessimistes? Non, si l’on <strong>en</strong>croit les chiffres et les histoires. Celles que racont<strong>en</strong>t lesauteurs du livre „Info popcorn” ne sont ni optimistes nipessimistes. Elles sont simplem<strong>en</strong>t vraies et donn<strong>en</strong>t lachair de poule. Cet ouvrage a le mérite de remonter à dixou vingt ans pour nous parler des erreurs commises etdes occasions manquées. Autre mérite: il s’intéresse avecla même int<strong>en</strong>sité inquiète aux paysages médiatiques de<strong>Suisse</strong> allemande et de <strong>Suisse</strong> romande, pour les compareret <strong>en</strong> tirer des conclusions. Un „instant book”, dans les<strong>en</strong>s où les choses pourrai<strong>en</strong>t changer d’ici une année oudeux, <strong>en</strong> raison de la rapidité avec laquelle le marché (héoui, le marché!) de la presse change <strong>en</strong> <strong>Suisse</strong>. Un livre quirévèle que même les hérauts de la qualité, „Le Temps” etla „NZZ”, se port<strong>en</strong>t mal, ils touss<strong>en</strong>t et ont peut-être déjàla grippe A! A lire et de quoi s’inquiéter. Enrico MorresiINFO POPCORN Enquête au coeur des médias suissesChristian CampicheRichard AschingerInfo popcornEnquête au coeur des médias suissesSpin Doctorsde BerneL’auteure de ce livre, publié <strong>en</strong>allemand <strong>en</strong> 2007, mène depuisplusieurs années une campagnevigoureuse contre l’adoption parle Conseil fédéral de techniquesoccultes de persuasion lors descampagnes référ<strong>en</strong>daires et desvotations populaires. Une grandepartie du cont<strong>en</strong>u de cet ouvrageétait déjà connue, <strong>en</strong> particuliergrâce aux recherches de l’Université de Lugano <strong>en</strong>couragées parStephan Russ-Mohl. Suite à l’expéri<strong>en</strong>ce américaine (et, surtout,l’épouvantable manipulation de la réalité opérée par l’administrationBush durant la deuxième guerre contre l’Irak), ce dernieravait été s<strong>en</strong>sibilisé égalem<strong>en</strong>t aux réalités helvétiques, plus modestesmais non moins insidieuses. Le Conseil fédéral et l’administrationn’hésit<strong>en</strong>t plus à adopter des techniques de persuasionutilisées par les lobbies économiques et les groupes de pression.Le gouvernem<strong>en</strong>t fédéral peut-il vraim<strong>en</strong>t tout se permettre sanscompromettre le fonctionnem<strong>en</strong>t de la démocratie directe?, interrogeà juste titre cet ouvrage. Malheureusem<strong>en</strong>t, la force desargum<strong>en</strong>ts est affaiblie par le mélange continu <strong>en</strong>tre les faitset les opinions personnelles de l’auteure. Et comme les faitsqu’expose Judith Barb<strong>en</strong> ont égalem<strong>en</strong>t été dénoncés à plusieursreprises dans des confér<strong>en</strong>ces et des publications, nous aurionssouhaité lire moins de polémique et plus d’approfondissem<strong>en</strong>texpliquant les raisons de ce phénomène. Enrico Morresi„Info popcorn – Enquête au cœur des médias suisses”, parChristian Campiche et Richard Aschinger,Editions Eclectica, 2010.„Spin Doctors du palais fédéral. Comm<strong>en</strong>t la manipulation et lapropagande compromett<strong>en</strong>t la démocratie directe”, par Judith Barb<strong>en</strong>,X<strong>en</strong>ia, 2010.Ihr Spot auf CanalPoste, kombiniertmit Disp<strong>en</strong>ser: jetzt 5% Rabatt.SubjectivitéDans un essai de jeunesse,Jürg<strong>en</strong> Habermas t<strong>en</strong>ait pouracquis l’échec de la t<strong>en</strong>tative decréer une sphère publique raisonnableet critique lancée àl’époque des Lumières, à causede l’arrivée de la communicationde masse. Le philosophe attribuaittoutefois aux journalistes lapossibilité de saisir les exig<strong>en</strong>cesde la société civile au moins <strong>en</strong>cas d’urg<strong>en</strong>ce. Dans les publicationsplus réc<strong>en</strong>tes, le problème<strong>en</strong> débat est de savoir si le journalisme peut <strong>en</strong>core s’émanciperde la colonisation qui le cloue à la logique des mass-media. CyrilLemieux, sociologue, auteur <strong>en</strong> 2000 d’un essai remarquable(„Mauvaise presse”, Métaillé, Paris), rev<strong>en</strong>dique cette possibilitédans un volume collectif qui décrit les mom<strong>en</strong>ts importantsd’autonomie professionnelle dans les médias français actuels. Lejournaliste est sujet aux logiques de production industrielle desmédias, certes, mais, contrairem<strong>en</strong>t à d’autres professions, il possèdeun certain nombre de référ<strong>en</strong>ces externes à l’<strong>en</strong>treprise.„Si nous cherchons le fondem<strong>en</strong>t pratique de l’autonomie journalistique,c’est dans la pluralité grammaticale des règles qu’ilsont à respecter.” Il s’agit des „règles de la grammaire naturelle(notamm<strong>en</strong>t dans leur relation avec des sources) et de la grammairepublique (notamm<strong>en</strong>t dans leur relation avec le public)”grâce auxquelles „le journalisme pourrait s’exercer <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t[même] dans des formes de vie contraintes”. Un essai collectifstimulant et <strong>en</strong>courageant, surtout pour ceux qui s’occup<strong>en</strong>t dedéontologie professionnelle. Enrico Morresi„La subjectivité journalistique”, sous la direction de Cyril Lemieux,Editions de l’Ecole des Hautes Etudes <strong>en</strong> Sci<strong>en</strong>ces Sociales, Paris, 2010.PubliPoste – Profis werb<strong>en</strong> in Poststell<strong>en</strong>Wirklich einleucht<strong>en</strong>d:CanalPosteWäre es nicht schön, w<strong>en</strong>n Ihre Botschaft in der täglich<strong>en</strong> Flut von Information<strong>en</strong> ein<strong>en</strong>besonder<strong>en</strong> Platz einnähme? Bei PubliPoste geht das. Auf CanalPoste präs<strong>en</strong>tiert sichIhr Spot nämlich in optimaler Umgebung und bester Qualität – und bleibt gemäss neu<strong>en</strong>Studi<strong>en</strong> überdurchschnittlich gut in Erinnerung. Werb<strong>en</strong> Sie dort, wo das ganze Land,jung und alt, täglich ein und aus geht: in Ihrer Poststelle.Für mehr Information<strong>en</strong>: 058 338 38 38 oder www.post.ch/publiposte38 EDITO+KLARTEXT 02 | 2011


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