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L'APPROChE PLURALISTE DU DROIT : - Droits de l'Homme et ...

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L’APPROChE<strong>PLURALISTE</strong> <strong>DU</strong> <strong>DROIT</strong> :UN ENjEU CENTRAL POURUNE GOUVERNANCE LÉGITIMELes enjeux <strong>de</strong> la gouvernance sont profondément liés à ceux <strong>de</strong>la globalisation. Ils <strong>de</strong>vraient inciter, selon Christophe Eberhard,à une réinvention pluraliste <strong>de</strong> nos cadres juridiques hérités <strong>de</strong>l’histoire européenne, <strong>et</strong> à une approche pluraliste <strong>de</strong> la juridicitéqui fait intervenir d’autres acteurs que l’État.christoph eberhardChristoph Eberhard est chercheur <strong>et</strong> professeur en théorie <strong>et</strong> anthropologiedu droit aux Facultés universitaires Saint-Louis à Bruxelles <strong>et</strong> à l’Académieeuropéenne <strong>de</strong> théorie du droit. Titulaire <strong>de</strong> la chaire « Droit, gouvernance<strong>et</strong> développement durable » <strong>de</strong> la FPH <strong>et</strong> chercheur du proj<strong>et</strong> « Courage »<strong>de</strong> la Fondation Bernheim, il travaille <strong>de</strong>puis <strong>de</strong> nombreuses années surla question du droit dans une perspective interculturelle <strong>et</strong> sur <strong>de</strong>s alternativesresponsables à la globalisation.Serions-nous en train <strong>de</strong> nous acheminer vers un « plurivers 1 », unmon<strong>de</strong> qui ne soit marqué ni par une globalisation impérialiste <strong>et</strong> uniformisante,ni par l’éclatement en un archipel planétaire, voire par unchoc <strong>de</strong>s civilisations ? Reconnaître que nous vivons dans un mon<strong>de</strong>pluraliste, entre unité <strong>et</strong> diversité, est une vision qui fait son chemindans la pensée <strong>et</strong> l’action politique <strong>et</strong> juridique. Si elle est prom<strong>et</strong>teuse,elle présente aussi <strong>de</strong> sérieux défis, dont l’un <strong>de</strong>s principaux rési<strong>de</strong>dans une approche pluraliste du droit 2 .Globalisation <strong>et</strong> réinvention<strong>de</strong> nos cadres juridiques classiquesTout en reconnaissant l’importance <strong>de</strong> ce qui nous lie – avec le dangerhomogénéisant que peut comporter la vision du « village global »<strong>et</strong> <strong>de</strong>s approches uniquement économiques, financières <strong>et</strong> néolibéralesque cela implique –, les analyses en termes <strong>de</strong> globalisation sont1 I Voir Christopheberhard, « Del’univers au plurivers.Fatalité, utopie,alternative ? », inAnne-Marie Dillens(dir.), La Mondialisation: utopie, fatalité,alternatives ?, Bruxelles,Publications <strong>de</strong>sFacultés universitairesSaint-Louis, 2008.2 I Compris au sensanthropologiquenon pas uniquementcomme « droit étatique», mais comme« juridicité », commece qui m<strong>et</strong> en forme<strong>et</strong> m<strong>et</strong> <strong>de</strong>s formesaux sociétés pourleur reproduction<strong>et</strong> la résolution <strong>de</strong>leurs conflits.87


chroniques <strong>de</strong> la gouvernance 2009-20109211 I Étienne le Roy,Le Jeu <strong>de</strong>s lois.Une anthropologie« dynamique » dudroit, LGDJ, 1999.12 I Voir, par exemple,Étienne Le Roy, LesAfricains <strong>et</strong> l’institution<strong>de</strong> la justice, Dalloz,2004 ; Étienne LeRoy, Alain Karsenty<strong>et</strong> Alain Bertrand(dir.), La Sécurisationfoncière en Afrique.Pour une gestion viable<strong>de</strong>s ressourcesrenouvelables,Karthala, 1996.13 I Pour allerplus loin dans lestravaux <strong>de</strong> Christopheberhard, voir le siteIntern<strong>et</strong> http://www.dhdi.org, ainsique les ouvragessuivants : Christopheberhard (dir.),Droit, gouvernance <strong>et</strong>développement durable,Karthala, coll.« Cahiers d’anthropologiedu droit », 2005 ;Christoph eberhard,Le Droit au miroir <strong>de</strong>scultures. Pour uneautre mondialisation,LGDJ, 2006 ;Christoph eberhard(dir.), Enjeux fonciers<strong>et</strong> environnementaux.Dialogues afro-indiens,Pondichéry, Éditions<strong>de</strong> l’Institut français<strong>de</strong> Pondichéry, 2008;Christoph eberhard(dir.), Traduire nosresponsabilités planétaires.Recomposer nospaysages juridiques,Bruxelles, Bruylant,2008.ses <strong>de</strong>scendants laïcisés, c’est l’un qui prime. Et à l’instar du mon<strong>de</strong>qui est créé <strong>et</strong> régulé par l’extérieur par <strong>de</strong>s lois universelles, le droitest avant tout pensé dans nos sociétés occi<strong>de</strong>ntales comme soumissionà <strong>de</strong>s normes générales <strong>et</strong> impersonnelles préexistantes à tout conflit.Nous partageons avec l’Islam la représentation que le droit vient enquelque sorte d’en haut <strong>et</strong> que nous <strong>de</strong>vons nous y soum<strong>et</strong>tre. Au fil<strong>de</strong>s années, d’autres archétypes se sont rajoutés à c<strong>et</strong>te théorie, telscelui <strong>de</strong> l’articulation caractérisant l’In<strong>de</strong> <strong>et</strong> celui <strong>de</strong> la rationalisationcaractérisant plus particulièrement l’évolution mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong>s sociétésocci<strong>de</strong>ntales 11 . Mais ce sont les trois premiers qui ont permis <strong>de</strong>s’émanciper d’une vision unitaire du droit.Pour Étienne Le Roy, les travaux <strong>de</strong> Michel Alliot ont fourni unebase pour tenter <strong>de</strong> relever le défi majeur <strong>de</strong> ne pas tomber dans lepiège <strong>de</strong> penser le pluralisme juridique <strong>de</strong> manière unitaire. Toutcomme Jacques Van<strong>de</strong>rlin<strong>de</strong>n, un <strong>de</strong>s auteurs influents <strong>de</strong> la penséefrancophone sur le pluralisme juridique 12 , Étienne Le Roy s’est attaquéau présupposé selon lequel il y aurait partout <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong>droit semblables au système occi<strong>de</strong>ntal. C<strong>et</strong>te démarche comparativeanthropologique a ainsi démontré que la juridicité était fondamentalementplurielle. Loin <strong>de</strong> se réduire uniquement à un droit imposé parl’État (correspondant à l’archétype <strong>de</strong> soumission), le droit repose auminimum sur trois fon<strong>de</strong>ments qu’on peut rapprocher <strong>de</strong>s trois archétypesdégagés par Michel Alliot : les normes générales <strong>et</strong> impersonnelles(NGI) liées à un ordonnancement imposé <strong>de</strong> la réalité sociale,les modèles <strong>de</strong> conduite <strong>et</strong> <strong>de</strong> comportement (MCC) liés à un ordrenégocié, <strong>et</strong> les habitus ou systèmes <strong>de</strong> dispositions durables (SDD)liés à un ordre accepté. Toutes les sociétés semblent connaître d’unemanière ou d’une autre ces trois pieds du droit tout en les articulantdifféremment. Le droit serait donc « tripo<strong>de</strong> ».C<strong>et</strong>te approche – qui ne peut se comprendre que dans le cadred’une approche dynamique du droit telle que la m<strong>et</strong>tent en lumièreles citations <strong>de</strong> Michel Alliot <strong>et</strong> <strong>de</strong> Benoît Frydman ci-<strong>de</strong>ssus – a émergé<strong>de</strong> la confrontation à <strong>de</strong> nombreux terrains, plus particulièrementsous l’angle <strong>de</strong>s transferts <strong>de</strong> modèles juridiques dans les ex-coloniesfrançaises <strong>et</strong> <strong>de</strong>s questions foncières <strong>et</strong> environnementales dans le cadre<strong>de</strong> politiques publiques <strong>de</strong> développement. Sa pertinence est aussi<strong>de</strong> plus en plus attestée pour comprendre <strong>et</strong> abor<strong>de</strong>r les recompositionscontemporaines <strong>de</strong> nos paysages juridiques <strong>et</strong> politiques. Nousn’en sommes qu’aux balbutiements d’une réinvention <strong>de</strong>s gouvernancescontemporaines, mais comprendre le pluralisme juridique s’avèreun enjeu majeur si l’on veut pouvoir m<strong>et</strong>tre en œuvre <strong>de</strong>s démarchesvéritablement participatives <strong>de</strong> notre vivre ensemble 13 .n

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