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Eraritjaritjaka - Théâtre Vidy Lausanne

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Season 2012-2013<strong>Eraritjaritjaka</strong>musée des phrasesDe/ By/ Von Heiner GoebbelsDeutschlandfunk (FR)21.04.2004<strong>Eraritjaritjaka</strong><strong>Eraritjaritjaka</strong>Le musicien et metteur en scèneallemand Heiner Goebbels, jamaisà court de surprises, nous interpelleet nous intrigue cette fois-ci à l’oréemême de son univers magique.Comment s’en tirer à la caisselorsqu’une œuvre a pour titre « <strong>Eraritjaritjaka</strong>» ? Un mot plus facile àdire qu’à écrire, mais qu’il faut avoirdéchiffré correctement avant des’aventurer à le prononcer. Cet adjectifde la langue aranda, celle desaborigènes australiens, est le titrede la dernière création de HeinerGoebbels. Sa pièce de six minutespour quatuor à cordes évoque unétat « tout empli de l’aspiration àquelque chose qui s’est perdu ». Lanouvelle production du Théâtre <strong>Vidy</strong><strong>Lausanne</strong> réussit pourtant à combler,en une heure et demie, tousles désirs du spectateur. Une foisde plus, c’est cette infatigable officinedu théâtre contemporain qui,sous l’égide de son directeur RenéGonzalez, donne sur les rives du Lémanle coup d’envoi d’une tournéemondiale. Par la mystérieuse alchimiedu lieu, la beauté du paysagealpin semble se transformer en unebeauté artistique raffinée. Le spectacles’inscrit tout d’abord dansl’ambiance stricte, conventionnelle,d’une soirée de concert. Mais lespièces pour quatuor à cordes deChostakovitch, Ravel et autres s’interrompentbien vite. Un hommeen complet gris fait exactement ceque l’on ne devrait pas faire, il s’immiscedans la musique avec desmots, il parle sur la musique. Et cequ’il dit, ce n’est pas rien ; il jettedes bribes de philosophie dans lessilences et sur les notes, il dit salutte pour comprendre le monde etcomprendre l’homme. Jouer unepartition, réfléchir sur le cours deschoses, ces deux activités sont légitimes,mais faut-il vraiment qu’ellesse fassent ensemble ? Pourtant, pasun rappel à l’ordre, car la confrontationdes disciplines est voulue, c’estla bataille des arts pour une formenouvelle d’interaction – la culturede l’archet contre celle des mots.Le ton est donné. Les esprits chagrinsvoient le sol noir disparaîtresous leurs pieds, la blancheur durien se déploie, blancheur, aussi,du grésillement de la bande vierge.L’acteur tient un discours mordantsur la toute-puissance du chef d’orchestre,le quatuor fait silence, unefaçade de maison, blanche elle aussi,se déroule en fond de scène. Al’avant-scène, un caméraman vientchercher l’acteur pour l’emmeneravec lui, exit le fauteur de troubles,mais à peine en sommes-nousdébarrassés que le revoici, plusgrand que nature : les images dela caméra disparue sont projetéessur la façade. Nous voyons l’acteurAndré Wilms traverser à grands pasle foyer du théâtre, rouler en taxidans <strong>Lausanne</strong>, acheter un journal,entrer dans son petit appartement.Là, le grand ordonnateur de l’âmeuniverselle redevient simple citoyen,un homme ordinaire qui coupe desoignons, se prépare une omelette,regarde le journal télévisé. HeinerGoebbels agrège les textes choisisd’Elias Canetti, prix Nobel de littérature1981, en un instantané, sorte deportrait de l’artiste en homme vieillissant.Par la description minutieusequ’il en fait, le loup solitaire accroîtencore sa solitude. Et puis voici toutà coup les musiciens installés danssa bibliothèque. Comment est-cepossible ? Le Quatuor Mondriaand’Amsterdam – trois hommes et unefemme – n’a pas quitté la scène, ilest resté avec nous pour accompagner,d’une chevauchée à travers lerépertoire pour quatuor à cordes duXXe siècle, le vagabondage hors dutemps du philosophe. Ils nous ontbien eus, Heiner Goebbels, maîtrede l’illusion, et Klaus Grünberg, lescénographe et créateur lumière quil’accompagne depuis des années.Ce qui nous semblait très éloignéétait en réalité tout proche. Le cinéma,ce n’était que du théâtre surgrand écran. L’ébahissement est là,et le rire libérateur. Ebahissementdevant les chausse-trappes qui sedissimulent sous une surface lisse,devant tant de musique au théâtre,tant d’insolence dans le sérieux,ébahissement devant le sublimeau cœur de la banalité, les chosessimples racontées de manièrecompliquée, et les choses compliquéessi simples à décrypter, tantelles sont génialement dites. HeinerGoebbels, dans ce spectacle,a réfréné ses élans de musicien ; iln’en apparaît que plus brillammentcomme un artiste total de la scènethéâtrale.Joachim Johannsen

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