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Manon Barbeau - L'Itinéraire

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AUTOCHTONESCAPTER L’ESPOIRZOOm CAmELOTAnnie RainvilleDE mAfALDAAU PETIT PRINCEVolume XX , n˚ 2Montréal, 15 janvier 2013www.itineraire.ca3 $<strong>Manon</strong> <strong>Barbeau</strong>TRANSmETTRElA PAROLE


mICHAEL APPLEbAUmMaire de MontréalLes sans abri ont besoin de nous.Depuis déjà trop longtemps, l’impactet les conséquences de l’itinérance sontparticulièrement aigus dans la métropole. Lescoûts croissants des logements rendent de plusen plus difficile l’accès à un toit aux personnesappauvries. La présence dans la rue et dans lesrefuges de nombreuses personnes en situation dedétresse nous rappelle quotidiennement que nousdevons les aider afin qu’elles puissent retrouverleur dignité en jouant un rôle à leur mesure dansnotre communauté.C’est pourquoi Montréal a besoin plus quejamais de la Stratégie de partenariats de luttecontre l’itinérance (SPLI). Ce programme definancement fédéral, unanimement apprécié,alloue 7,8 M $ par année pour réaliser des projetsimmobiliers et offrir des services aux personnessans abri à Montréal. En fait, nous aurionsbesoin de beaucoup plus. Malgré le dévouementet la créativité de nombreux organismescommunautaires qui font un travail remarquablesur le terrain, l’état des personnes en situationd’itinérance continue de s’aggraver à Montréal.Grâce à la SPLI, une cinquantaine d’organismescommunautaires peuvent rejoindre plus de25 000 personnes itinérantes chaque année. Jen’ose imaginer les conséquences de la disparitiond’un tel financement sur la situation déjà trèsfragile de personnes dont les besoins sont criantset nous interpellent tous.Au nom de tous les Montréalais et Montréalaises,je m’engage fermement à exiger du gouvernementfédéral qu’il renouvelle et bonifie la SPLI dansson prochain budget. L’itinérance détruit despersonnes vulnérables et affaiblit la collectivité.Les organismes communautaires de Montréal,et en particulier ceux de l’arrondissement deVille-Marie, doivent pouvoir compter sur unfinancement accru afin de poursuivre leur travailauprès des plus démunis de notre société.UN REER ORDINAIRELE REER DU FONDS30 % D’ÉCONOMIESD’IMPÔT DE PLUSQU’AVEC UN REERORDINAIREUN REER DE 1 000 $380$* 380$* 380$* 380$*+300$ +300$Économiesd’impôt avec unREER ordinaireÉconomiesd’impôt avec leREER du Fonds*Basé sur un taux marginal moyen de 38 %FAITES LE CALCUL AUplus30pourcent.comCe placement est effectué au moyen d’un prospectus qui contient des informations détaillées importantes au sujet des actions du Fonds de solidarité FTQ. On peut se procurer un exemplaire du prospectus aux bureaux du Fonds ou sur son siteInternet. Il est recommandé aux investisseurs de lire le prospectus avant de prendre une décision d’investissement.


Faites la rencontre d’hommes et de femmes qui, par leur engagement citoyen, ont marqué l’histoire socialede Montréal et du quartier Centre-Sud. Découvrez des personnes qui ont contribué au mieux-être collectifet faites connaissance avec des citoyens impliqués dans la société d’aujourd’hui.L’EXPOSITION SE POURSUIT JUSQU’AU 24 FÉVRIER 2013.2050, rue AmherstBerri-UQAM514 528-8444ecomusee.qc.caIllustrations : Jacquie Jeanes


zooM cAMelotannie rainvilleDE mAfALDA AUPETIT PRINCEARNAUD bARbETÉlégante et coiffée d’un béret gris en flanelle, Annie Rainville apparaît dans la salle derédaction. Elle ne fait pas de politique, mais cumule plusieurs mandats à L’Itinéraire. Partagéeentre son poste à la distribution et la vente du magazine, elle trouve quand même le temps d’offrirde petites gourmandises faites maison pendant les heures de bureau. La démarche assurée, ellem’interpelle : «Ah, c’est donc toi, celui qui ne mange jamais mes biscuits, qui va écrire monhistoire!» avec son humour quelque peu grinçant mais sympathique.Installée confortablement à la table d’un petitcafé, elle semble finalement fébrile. Un momentd’observation, une minute de questionnementet la voilà prête à se livrer. Fille unique d’unefamille équilibrée, comme elle la qualifie,elle se remémore ses moments de joie, cetteadolescence insouciante passée à Ste-Agathedans les Laurentides. Ses amis la surnommaientMafalda, selon le personnage du dessinateurQuino. À la fois espiègle, lucide et enjouée,Mafalda est restée tatouée dans son cœur et surson bras gauche. Annie, elle, s’en est allée.À 18 ans, elle s’installe à Montréal. Elledevient psycho-éducatrice après un parcoursuniversitaire et professionnel chaotique. «Unequête inachevée», avoue-t-elle. Un métierqu’elle aime, mais qui lui semble difficile sur leplan émotionnel. À 24 ans, elle se marie. «Uneépreuve dès le premier jour et ça a duré dix ans!J’ai subi l’emprise psychologique de mon mari,c’était épuisant», assure-t-elle. Un premiersilence, lourd, pesant. De cette relation d’amourdifficile est né son petit prince, Aïdan. «Petitfeu», en celte.Alors qu’il avait trois ans, le couple se sépare.«J’avais toujours l’impression de marcher sur desœufs, de ne jamais être à la hauteur des espérancesde mon mari. Une fois séparée, je me suis reposée»,explique-t-elle. Du repos à la dépression, il n’y aqu’un pas. La sienne a duré six longues années.Repliée sur elle-même, effrayée par le jugementdes autres, elle s’enfonce malgré le soutien, jusqu’àprésent indéfectible, de sa mère. Chaque soufflede vie est dédié à son fils, «Petit feu», qu’elle nevoit que trop peu. Elle me raconte combien ilest incandescent, vif, étincelant, changeant et dequelle manière il réchauffe son cœur.LA VIE NE RéSERVE qUE DU bONIl y a quelques mois, la vie la sollicite. Annietrouve un emploi à L’Itinéraire et brise sonisolement. Affectée à la distribution desmagazines depuis quelques mois, elle désire enfaire plus pour ce journal «qui fait du bien»,dit-elle. La voilà sur la rue Pie-IX à l’anglede la rue Ontario. Heureuse d’apprendre lemétier de camelot, elle estime que ce travail luidonne beaucoup plus que ce qu’elle a demandé.«J’ai retrouvé une confiance en moi que j’avaiscomplètement perdue. Être camelot, c’est allervers les gens, leur parler, des gestes qui étaientencore impensables pour moi il y a quelquesmois!», m’explique-t-elle, avec ce grandsourire qui ne l’a quasiment pas quittée depuisle début de l’entrevue.Néanmoins, elle sait qu’en ce début d’année,elle devra mener un nouveau combat. Elle estprête à se battre pour voir son fils plus souvent.«Je sais que la vie me réserve quelque chose debon, que mon fils va me revenir», dit-elle, leregard mêlé d’espoir et de crainte. Elle estimele rôle du papa d’Aïdan, et revendique avecdouceur l’importance pour son petit princed’avoir la présence de sa mère à ses côtés. Enattendant, le Petit Prince a rejoint Mafaldasur le bras d’Annie. Un bon présage pour cettefemme qui voit aujourd’hui la vie comme unmoment de poésie.Photos : olivieR lAuzonL’ItInéraIre15 janvier 20135


SOmmAIREZOOm CAmELOTANNIE RAINVILLE – De MafaLDa au petIt prInceDOSSIER SPéCIALAUTOCHTONES – capter L’espoIrACTUALITé & CULTURELIRE POUR RêVER mIEUXP5P8P15Le magazine L’Itinéraire a été crééen 1992 par Pierrette Desrosiers,Denise English, François Thiviergeet Michèle Wilson. À cetteépoque, il était destiné aux gensen difficulté et offert gratuitementdans les services d’aide et lesmaisons de chambres. Depuismai 1994, L’Itinéraire est vendurégulièrement dans la rue. Cettepublication est produite et rédigéepar des journalistes professionnelset une cinquantaine de personnesvivant ou ayant connu l’itinérance,dans le but de leur venir en aideet de permettre leur réinsertionsociale et professionnelle.RéDACTION ET ADmINISTRATION2103, ste-catherine estMontréal (Qc) h2K 2h9LE CAfé L’ITINéRAIRE2101, rue ste-catherine estTéLéPHONE : 514 597-0238TéLéCOPIEUR : 514 597-1544SITE :www.itineRAiRe.cALE mAGAZINE L’ITINéRAIREéditeur : serge lareaultRédacteur en chef : Jérôme savarySuperviseure de la rédaction : Marie-liseRousseauAdjointe à la rédaction : soraya elbekkaliCommis à la rédaction : Josée louise tremblayStagiaires à la rédaction : vanessa hébert etAnne-Michèle c.-vermetteCoordonatrice à la conception visuelle :catherine JoannetteStagiaire en infographie : Morgane MorelPhoto de la une : Anne Marie PietteRévision : hélène fillion, hélène Pâquet, sophiedesjardins, louise-Marie dion, catherine flintoff,nadine boccalini et Marie-françoise lalandeRévision des épreuves: Michèle deteix, christineRoy et Anaïs GeoffrionDesign et infographie du site Internet :vortex solutionGRANDE ENTREVUEmANON bARbEAU – transMettre La paroLeDéVELOPPEmENT SOCIALITINéRANCE AUTOCHTONE –Des Bancs De parc aux Bancs D’écoLeINfO RAPSIm : La tour Des canaDIensLES COULISSES DE L’ITINéRAIRECHRONIqUE DE RUE :sortIr guérI De Mon hôpItaL éMotIfP18P24P27P41LES CAmELOTS SONT DESTRAVAILLEURS AUTONOmES.50% DU PRIX DE VENTE DUmAGAZINE LEUR REVIENT.La direction de L’Itinéraire tient à rappeler qu’elle n’est pasresponsable des gestes des vendeurs dans la rue. si cesderniers vous proposent tout autre produit que le journalou sollicitent des dons, ils ne le font pas pour L’Itinéraire. sivous avez des commentaires sur les propos tenus par lesvendeurs ou sur leur comportement, communiquez sanshésiter avec sylvie gamache, directrice générale adjointe parcourriel à sylvie.gamache@itineraire.ca ou par téléphone au514 597-0238 poste 222.CONSEILLÈRES PUbLICITAIRESRenée larivière : 514 461-7119renee.lariviere@itineraire.caJosée Poirier : 514 273-5002josee.poirier@itineraire.caLE CONSEIL D’ADmINISTRATIONPrésident : stephan MorencyVice-présidente : catherine isabelleTrésorier : françois Rousseau-clairSecrétaire : Gabriel bissonnetteConseiller, directeur général : serge lareaultReprésentant des camelots : Jean-Marie tisonConseiller : claude lyrette, Jean-Guy deslauriers,Micheline Rioux lemieux et yvon brousseauL’ADmINISTRATIONDirecteur général : serge lareaultDirectrice générale adjointe : sylvie GamacheTechnicienne comptable : duffay RomanoAdjoint aux communications et financement :shawn bourdagesAdjointe aux communications, publicités etrelations de presse : fanny GeoffrionAdjointe aux communications et partenariats :Maude bouchardGESTION DE L’ImPRESSONedition sur mesure - tvA Publications514 848-7000Directrice du développement des affaires :Patricia dionne poste 5831Coordonnatrice de production :Audrey Messier-M. poste 2249ImPRImEUR: ImPRImERIE SOLISCOl’itinéRAiRe est MeMbRe de :l’itinéRAiRe est APPuyé finAncièReMent PAR :convention de la poste publication no 40910015,no d’enregistrement 10764. Retourner toutecorrespondance ne pouvant être livrée au canada,au Groupe communautairel’itinéraire, 2103, ste-catherine est,Montréal (Québec) h2K 2h9nous reconnaissons l’aide financière dugouvernement du canada par l’entremise dufonds du canada pour les périodiques (fcP),volet aide aux éditeurs et volet innovation, duministère du Patrimoine canadien pour nosactivités d’édition et de projets internet.ISSN-1481-3572n˚ de charité : 13648 4219 RR0001Québecor est fière de soutenir l’action sociale deL’Itinéraire en contribuant à la production du magazineet en lui procurant des services de télécommunications.Abonnez-vous au WWW.ITINERAIRE.CAou par téléphone au 514 597-0238 poste 231


éditoRiAlJéRÔmE SAVARYRédacteur en chefjerome.savary@itineraire.caLES AUTOCHTONESNE SONT PASCONDAmNéS D’AVANCEAu moment d’écrire ces lignes, la chef de la communauté crie d’Attawapiskat, TheresaSpence, a entrepris une grève de la faim depuis plusieurs jours afin d’attirer l’attentionde Stephen Harper sur les conditions de vie inhumaines subies par les membres desa communauté. Ceci n’est malheureusement pas étonnant, quand on sait que lesAutochtones sont la dernière des préoccupations du premier ministre du Canada.Il y a un an, la communauté d ’Attawapiskat,située sur la côte ouest de la Baie James,en Ontario, était aux prises avec une gravepénurie de logements. Parmi les quelque2000 résidants, des dizaines de personnesdevaient dormir dans des tentes, descabanes en bois non isolées et des roulottesde chantier abandonnées, sans eau potableni électricité. De cela, le gouvernementfédéral n’en a cure.En consacrant notre une à <strong>Manon</strong><strong>Barbeau</strong>, cofondatrice du Wapikonimobile, nous souhaitons maintenirl’espoir, à notre façon, que les jeunes desPremières Nations et les jeunes Inuitsne sont pas tous condamnés d’avanceà vivre des vies indignes de celle d’unêtre humain. Grâce à la vidéo, le projetWapikoni mobile permet à des jeunes denombreuses communautés de partagerleur regard unique sur le monde. Cefaisant, Mme <strong>Barbeau</strong> donne une voix àdes sans-voix.Également dans ce numéro de L’Itinéraire,nous vous avons préparé un dossier surle monde autochtone qui vous permettrade découvrir des hommes, des femmeset des projets représentant autant desources d’espoir. Qu’il s’agisse de lapremière femme élue au poste de GrandChef de la nation Attikamek, du premierchirurgien autochtone au Québec partimarcher à la rencontre des jeunes desPremières Nations, ou d’une jeune auteuresymbolisant la relève littéraire autochtone,chacun d’eux nous rappelle que le mondeautochtone est également dynamique etdéterminé â réussir.Cependant, nous ne pouvons passer soussilence le fait que les communautés desPremières Nations et inuits continuent deprésenter des réalités sociales plus tristes lesunes que les autres. La situation des enfants,qui représentent le futur des PremièresNations et des Inuits, est très préoccupante.En effet, les petits Autochtones ont cinq foisplus de chances d’être pris en charge par laprotection de la jeunesse que les petits nonAutochtones. En 2008, le quotidien La Presseindiquait qu’il y avait ainsi 1400 enfantsautochtones placés annuellement dans lesrégions du Québec.La situation sociale et familiale desAutochtones dans les réserves et dansles villes n’est guère reluisante. L’espoirdans tout ça? À Val-D’Or, en Abitibi,où vivent de nombreux Autochtonesissus des communautés algonquineset cries, la clinique Minowé apporteun peu d’espoir. Mise sur pied par uneffort conjoint du Centre de santé etde services sociaux de la Vallée-del’Or,du Centre jeunesse de l’Abitibi-Témiscamingue et du Centre d’amitiéautochtone de Val-d’Or, la cliniqueMinowé offre aux femmes autochtonesqui sont enceintes et aux enfants demoins de cinq ans les services d’uneinfirmière et d’un travailleur socialdans un milieu culturellement adapté,sans discrimination raciale. Désormais,quand un enfant a un problèmemajeur, le Centre jeunesse passe parl’intermédiaire du Centre d’amitié,qui permet aux familles de participerdavantage à un processus de changementpositif concernant leur enfant. Ens’adressant à la clinique Minowé,plusieurs familles autochtones de Vald’Oront pu éviter une interventiondes services de protection de l’enfance,selon ce qu’on peut lire dans le rapportdu Conseil canadien de la santé rendupublic le 11 décembre dernier.*Au-delà de cette initiative isolée, legouvernement du Québec sembleadopter une nouvelle attitude envers lesreprésentants des Premières Nations,la première ministre du Québecsouhaitant établir des relations pluségalitaires avec eux. Espérons que cetteattitude empreinte d’ouverture et derespect influencera celle de StephenHarper. Le sort de la communauté cried’Attawapiskat et de sa chef TheresaSpence en dépend.* www.conseilcanadiendelasante.ca/tree/Aboriginal_Report_2012_FR_final.pdfFondé par Santé Canada, le Conseil canadien de la santé est un organisme autonome, à but non lucratif.L’ItInéraIre15 janvier 20137


8L’ItInéraIre15 janvier 2013


dossieR sPéciAlAvec dix nations amérindiennes, une nation inuit et descommunautés dispersées entre les réserves et les villes, la réalité desAutochtones du Québec est complexe. Leur réalité économique,elle, se résume plus simplement : la pauvreté. Mais plutôt qued’énumérer de sombres statistiques détaillant le sort peu enviabledes Autochtones, nous avons choisi de vous présenter des hommeset des femmes inspirants, qui représentent l’espoir de plusieurscommunautés. Des projets constructifs, également, vous feront voir cemonde éloigné sous un jour positif. L’Itinéraire salue ces initiatives.Eva Ottawa, pour l’unitéSORAYA ELbEkkALILe 13 septembre 2006 est gravé dans la mémoire des femmes attikameks. Il s’agit dujour où a été élue la première femme au poste de Grand Chef de la nation attikamek.Eva Ottawa a non seulement remporté une importante majorité des voix (75 %),mais elle a du même coup ravi le titre de première femme à occuper cette fonctiondans toute l’histoire des Premières Nations du Québec et du Labrador. Six ans plustard, la jeune mère de famille a prouvé par son leadership et sa ténacité qu’elle étaità sa place. Rencontre avec une figure inspirante pour toutes les femmes, qu’ellessoient autochtones ou non-autochtones.La voix d’Eva Ottawa est posée etcalme, en ce lundi matin du mois dedécembre, alors que L’Itinéraire réussitenfin à la joindre par téléphone. Lapoliticienne est grandement occupéecar sa nation en crise est divisée. Lasemaine précédant l’entretien, elleassistait à une assemblée généralespéciale à Manawan, sa communautéd’origine. On y discutait des rôles dechacun des élus locaux des trois conseilsde bande (Manawan, Obedjiwanet Wemotaci) dans la poursuite desnégociations avec le gouvernement. LeConseil de la nation Attikamek (CNA),duquel Eva Ottawa est à la tête, a pourmission de représenter l’ensemblede la nation à l’échelle régionale,nationale et internationale, et de fairela promotion des droits et des intérêtsdes Attikameks sur les plans social,économique et culturel. Certains élusnégocient en remettant en question lerôle du CNA. La grande chef a lancé,de nouveau, un appel à l’unité.Cette unité est essentielle pour qu’Eva Ottawapuisse atteindre le but qu’elle s’est fixée pendantson mandat : terminer les négociations (voirencadré) avec les deux paliers de gouvernement.Il s’agit d’un défi important compte tenu dufait que la nation attikamek tente d’obtenirune entente avec le gouvernement québécoisdepuis plus de 30 ans. «Ma rencontre avec lenouveau gouvernement de Pauline Marois melaisse confiante. Il y a une belle ouverture. Cegouvernement veut prioriser les négociations,on est sur la bonne voie», explique-t-elle.Au niveau du gouvernement fédéral,l’enthousiasme est-il partagé? «C’est unpeu plus dur, avoue-t-elle, avec un légerrire. Il y a eu beaucoup de coupures deservices, notamment en santé.» Mais lorsde la rencontre avec la première ministrequébécoise, début décembre, celle-ci lui aassuré son appui auprès du gouvernementfédéral. «Elle a dit que son gouvernementallait intervenir auprès du gouvernementfédéral afin que la négociation territorialeglobale soit plus efficace. Madame Maroisa également ajouté qu’elle superviseraitpersonnellement le processus, en maintenantun lien étroit avec la grande chef de la nationattikamek», peut-on lire sur le site Internetdu spécialiste de la gouvernance autochtone,Éric Cardinal.Au niveau interne, Eva Ottawa tented’impliquer le plus de gens possible dela nation dans les différents processuspolitiques. «Les gens répondent à l’appel»,confie-t-elle. Jeunes, vieux, hommes etfemmes, Eva croit qu’il faut que tousmettent la main à la pâte. Une fortemajorité des 6 000 Attikameks ont moinsde 30 ans. Eva Ottawa a le désir d’intéresserces jeunes et les outils pour le faire. Ellea entrepris des études en sociologie àl’Université Laval pour développer desplans d’action permettant de réduire lesproblèmes liés notamment au suicide, à ladrogue et au décrochage scolaire. Plus tard,lors de sa participation à une commissionsur la constitution attikamek, qu’elle trouveardue, de son propre aveu, elle se rendcompte qu’un bagage en droit lui faciliteraitla tâche pour comprendre les conceptsjuridiques et les termes techniques contenusdans ce document. Elle entreprend alors undeuxième baccalauréat dans ce domaine.Rassembleuse, battante, infatigable,Eva Ottawa est à l’image de sa nation.Peut-être, notamment grâce à elle, lesAttikameks verront-ils enfin l’ensemblede leurs droits reconnus.L’ItInéraIre15 janvier 20139


dossieR sPéciAlRevendiquons!Les revendications des autochtones ontgénéralement trois objectifs : obtenirplus d’autonomie, obtenir de plus grandsterritoires et sauvegarder leur identité etleur culture. En 1973, le Canada a identifiédeux grandes formes de revendications :les revendications territoriales globales etles revendications particulières.Les revendications territoriales sontfondées sur le principe du maintiendes droits et des titres autochtones quin’ont pas été couverts dans les traités ouautres actes juridiques. Il s’agit donc dedéterminer de façon claire, pour tous lesCanadiens, à l’aide de traités modernes,le droit sur les terres et les ressources.Les revendications globales se rapportentà des traités historiques et à la façon dontle gouvernement a géré les fonds et autresbiens des Premières Nations, en respectou non avec les dispositions de ces traités.Généralement, ces revendications se fontau niveau fédéral, les gouvernements desprovinces étant rarement touchés.evA ottAwA loRs de lA ReMise de lA MédAille du Jubilé de lA Reine élizAbeth ii à RideAuhAll, le 15 noveMbRe 2012, en PRésence de l’honoRAble céline heRvieux-PAyette et dudiPloMAte RAyMond chRétien.cRédit : buReAu de céline heRvieux PAyetteInnu MeshkenuPour l’amour et la viefRANCIS HALINEn 2007, une dépression majeure incite Stanley Vollant à marcher. «Marcher,c’est une thérapie pour moi. C’est aussi fort que de prendre des antidépresseurs»,lance celui qui a été le premier chirurgien autochtone au Québec. L’homme veutsentir les caresses du soleil et du vent sur ses joues. Aujourd’hui, sa marche de5 000 km s’appelle Innu Meshkenu. Elle invite les jeunes à rêver, à préserver leursanté mentale, physique et spirituelle, à se réapproprier la connaissance des aînéset à rebâtir des ponts entre les communautés autochtone et non-autochtone. Récitd’un être libre.Stanley Vollant a vu neiger. Maisaujourd’hui, sa quête l’enthousiasme.«Quand on marche, on voit les arbresun à un. On peut même les identifier.La marche permet d’être en fusionavec la nature», insiste-t-il. Pour lui,sa démarche est l’élément le plusimportant de son pèlerinage. Il déploreque plusieurs itinérants autochtones deMontréal soient pauvres matériellementet spirituellement. Il regrette que leurmarche soit sans but.plusieurs itinérantsautochtones sontmalheureusement pauvresmatériellement et spirituellement.La marche qu’ils fontest une marche sans but.-stanley vollantSelon lui, la société est en partieresponsable de ce mal. Elle en demandetrop. L’individualisme, le matérialismeet le culte de la performance créent desgens déprimés et psychotiques. Certainesbanlieues ont l’esprit communautaire,10L’ItInéraIre15 janvier 2013


dossieR sPéciAlmais d’autres sont devenues des usines àrobots voués à produire et à performer.«Les gens se demandent pourquoi il y aautant de maladies mentales. Je crois quec’est parce que la société est complètementcrackpot! On s’éloigne trop du cœur et denos racines que sont la nature et la terre»,résume-t-il.LANGAGE DE LA fORêTSelon lui, les Premières Nations doiventrenouer avec leurs traditions ancestrales.Généreux, l’homme nous raconte uneanecdote personnelle. À 15 ans, il serend avec son grand-père à la Baie James.À l’époque, la Grande Rivière n’est pasharnachée. La pêche est miraculeuse.Stanley et son grand-père rencontrent alorsun jeune de son âge accompagné lui aussi deson grand-père. Malheureusement, le jeuneinnu Stanley est incapable d’échanger avecl’autre jeune d’origine cri, car ils ne parlentpas la même langue. Pourtant, les aînés,eux, se mettent à parler abondammentdans une langue qui lui est inconnue, «lelangage de la forêt», un dialecte millénaire.Soulignons que selon l’UNESCO, sirien n’est fait, la moitié des 6 000 languesparlées aujourd’hui disparaîtront.Lorsqu’il marche comme lorsqu’iltravaille, Stanley Vollant veut nonseulement valoriser la culture oubliéedes Premières Nations, mais remettre lespendules à l’heure. Selon lui, il faut à toutprix savoir qu’il y a au Canada 55 nationsautochtones, dont 11 au Québec. Il estdonc impossible de parler d’une seulenation autochtone! «Souvent, on parledes autochtones comme d’une seulenation, d’un seul bloc homogène… c’estabsurde, c’est comme dire aux Européensque les Français ou les Allemands, c’est lamême affaire que les Grecs. Si on disaitça, c’est sûr que la chicane pognerait»,d’ajouter le coloré chirurgien.Les gens se demandentpourquoi il y a autant demaladies mentales. c’estparce que la société estcomplètement crackpot.-stanley vollantATTAqUER LES TRADITIONSÀ Oujé-Bougoumou, un village de720 habitants situé à 720 km de Montréal,le conseil de bande a condamné lespratiques spirituelles ancestrales. «Fairebrûler de la sauge, du cèdre ou du tabacest formellement interdit sur le territoiremaintenant. C’est considéré comme dela sorcellerie parce que les pentecôtistesont pris possession du conseil de bande»,confie-t-il, la voix chevrotante. Lapréservation des traditions des PremièresNations est loin d’être acquise.Photo : couRtoisie innu MeshKenu«Je Me suis PeRdu dAns MA vie, MAis JAMAis GéoGRAPhiQueMent.»- stAnley vollAnt, PReMieR chiRuRGien Autochtone Au QuébecL’ItInéraIre15 janvier 201311


dossieR sPéciAlUn outil ludiquede rapprochement culturelSORAYA ELbEkkALIDave Laveau fait partie de la nation huronne-wendat de Wendake, près de Québec.Directeur général de Tourisme Autochtone Québec depuis plus de deux ans, il estconscient d’être un nouveau venu au sein d’une pratique vieille de plusieurs siècles.«Les Autochtones sont un des premiers peuples à avoir fait du tourisme en gardanten vie leur culture, en assumant leur identité, en se démarquant et en partageanttout ça avec les nations voisines», explique-t-il. Depuis lors, le tourisme autochtonea su se développer, loin du folklore, jusqu’à devenir aujourd’hui un outil puissant derapprochement culturel.Autochtone n’est pas synonyme detraditions ancestrales. Pour certains desentrepreneurs chapeautés par l’organisme,le tourisme a un visage résolument«moderne»! Par exemple, certains touristesvisitant la communauté très urbained’Essipit, près des Escoumins, peuventêtre surpris du peu de mise en valeur de laculture autochtone, avance Dave Laveau.Les Québécois représentaient58 % de l’achalandagetouristique en 2010.une donnée encourageante,inimaginable il y a dix ans, quilaisse à croire qu’il y a unecuriosité accrueet une plusgrande ouverture desQuébécois envers lespeuples autochtones.folklorisation du patrimoine autochtone,nous exigeons de chaque entrepreneur queson produit reflète réellement la vie de sacommunauté. La règle d’or, c’est d’êtresoi-même», précise Dave Laveau. Pourd’autres communautés semi-éloignées ouéloignées, la chasse et la trappe n’ont riende folklorique puisqu’elles font encorepartie de leur mode de vie.Et l’offre séduit. Européens, Américains etQuébécois profitent des services offertspar les 154 entreprises que regroupentTourisme Autochtone Québec. Le secteurest en pleine expansion. «On a plus dedemande que d’offre», précise DaveLaveau, et les Québécois sont de plusen plus nombreux à répondre à l’appel.Ils représentaient en 2010, 58 % del’achalandage touristique des entreprisesautochtones. Une donnée encourageante,inimaginable il y a dix ans, qui laisse àcroire qu’il y a une curiosité accrue etune plus grande ouverture des Québécoisenvers les peuples autochtones.Pour Dave Laveau, le tourisme demeurela façon la plus ludique et la plus subtilede s’approcher, d’échanger, de découvriret de redécouvrir la culture des Premièresnations. Il note les retombées financièresimportantes de ces entreprises dans leursmilieux respectifs (3 000 emplois en2010 et 169 millions de dollars d’impactéconomique), mais préfère insister surles retombées sociales, plus difficilementquantifiables. «Dans l’expression“activité socio-économique” l’ordre desdeux mots est très important, soulignet-ilen riant. Sur le terrain, ça permet auxemployés des entreprises de se former, des’intégrer et de partager leur culture».«C’est une communauté touristiquementtrès en santé. On y retrouve des pourvoiries,des condos et chalets magnifiques, et onpeut y faire de l’observation de baleines.Leur tourisme représente bien le mode devie de la communauté Essipit en 2012.»Le tourisme a aujourd’hui autant devisages qu’il existe de façons différentesde vivre dans les 55 communautésautochtones présentes sur le territoirequébécois. Le mot d’ordre de l’organismeque préside Dave Laveau pourraitêtre authenticité. «Comme dans touteindustrie, il peut y avoir la tentation devouloir d’abord répondre à la demande.Mais pour éviter de tomber dans unePhoto : touRisMeAutochtone QuébecdAve lAveAu est diRecteuR GénéRAl de touRisMe Autochtone Québec.12L’ItInéraIre15 janvier 2013


dossieR sPéciAlSOPHIE CHARTIERTiraillés entre le désir de conserver leur culture et de la faire découvrir à un pluslarge public, les écrivains autochtones font souvent face à un dilemme. Vaut-il mieuxécrire pour un circuit autochtone plus restreint ou pour le lectorat «blanc»? La relèvelittéraire des Premières Nations doit souvent composer avec des publics multiples.Naomi Fontaine, jeune auteure innue de25 ans, a fait paraître un premier romanen avril 2011. L’œuvre intitulée Kuessipan,qui signifie «À toi» en innu-aimun,a été publiée par la maison d’éditionmontréalaise Mémoire d’encrier. Selonelle, le sentiment de fierté identitairecaractérise le mieux la relève artistiqueautochtone. «Il y a un grand désir dese présenter comme peuple distinct desQuébécois», explique la jeune auteure.Naomi habite Québec depuis qu’elle asept ans. Elle a donc connu les réalitésde la vie à l’intérieur et à l’extérieur desréserves. Elle a voulu écrire Kuessipanpour montrer les facettes positives despeuples autochtones, moins représentéesdans les médias. «J’étais dans une optiqueoù j’écrivais pour les Blancs, pour lesQuébécois, se rappelle Naomi Fontaine.Éventuellement, je me suis rendu compteque c’était peut-être pour moi quej’écrivais ce livre.»«Pour les auteurs, ça demeure trèsimportant d’avoir des lecteurs dans leurpropre communauté», affirme MaurizioGatti, titulaire d’un post-doctorat sur lesujet et auteur des ouvrages Littératureamérindienne du Québec : écrits de languefrançaise et Être écrivain amérindien auQuébec : indianité et création littéraire. «Lesauteurs essaient souvent de prendre part àdes événements qui ont lieu à la fois dansleur communauté et à Montréal pour faireconnaître leurs écrits», ajoute le chercheur.La littératureautochtone s’affirmedevant lequel se trouvent les auteursautochtones est bien réel. C’est l’une desraisons qui ont mené à la création de cepetit salon du livre en marge du circuitlittéraire plus officiel. Les auteursn’ont que les grands salons et les foiresculturelles grand public vers lesquels setourner, et la présence autochtone y estsouvent diluée. À son avis, les auteurs etchercheurs ont besoin d’une plateformede diffusion centrée sur les œuvres desPremières Nations. Il remarque d’ailleursque les visiteurs de Kwahiatonhk! sontmajoritairement québécois. «L’intérêt esttimide, mais grandissant», affirme-t-il.Naomi Fontaine ne voit pas le Salon dulivre des Premières Nations comme unefaçon d’isoler les auteurs amérindiens.«L’événement démontre que la littératureautochtone grandit et qu’elle existe,affirme-t-elle. On peut parler de littératureau sens large, continue l’auteure. Moi, jecrois faire partie de la littérature innue.»Pour Louis-Karl Picard-Sioui, lareconnaissance des auteurs et des artistesautochtones passe par l’éducation. «Dansles cégeps et les universités, les facultés delittérature offrent des nombreux cours surla littérature française classique, argumentele créateur. Il pourrait y en avoir au moins unsur les œuvres autochtones.» Aussi longtempsque les œuvres littéraires des PremièresNations ne seront pas étudiées, l’artautochtone sera considéré comme marginal.Quelques œuvres d’auteurs autochtonesà découvrir- Kuessipan – à toi, Naomi Fontainte, Mémoire d’encrier, 2011.- N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures, Natasha Kanapé Fontaine, Mémoire d’encrier, 2012.- De la paix en jachère, Louis-Karl Picard-Sioui, Éditions Hannenorak, 2012.- Bâtons à message / Tshissinuatshitakana, Joséphine Bacon, Mémoire d’encrier, 2009.- Béante, Marie-Andrée Gill, Éditions La Peuplade, 2012.- Ourse bleue, Virginia Pésémapéo Bordeleau, La Pleine Lune, 2007.Photo : eliAs dJeMilUN RéSEAU EN PARALLÈLELe deuxième Salon du livre des PremièresNations, le Kwahiatonhk!, a eu lieu ennovembre dernier à Wendake, près deQuébec. Louis-Karl Picard-Sioui, écrivainwendat, est co-organisateur de l’événement.Selon l’auteur, ardent revendicateur desdroits des Premières Nations, le dilemmeMAuRizio GAtti, titulAiRe d’un Post-doctoRAtsuR lA littéRAtuRe Autochtone et AuteuR.louis-KARl PicARd sioui,AuteuRL’ItInéraIre15 janvier 201313


dossieR sPéciAlJeunesse autochtoneAu-delà des chiffres, des solutionsmARIE-mICHÈLE SIOUILes statistiques sur les Autochtones laissent souvent transparaître le dur sort réservéaux Premiers Peuples et les conditions de vie difficiles qui prévalent dans certainesdes réserves où ils ont été confinés. Mais au-delà des chiffres, il y a des visages, desvies, un héritage et une culture à comprendre. Nous vous présentons trois projetsporteurs de solutions pour le futur de ces communautés.«Les étudiants entrent ici les yeux au sol,le dos courbé», remarque Julie Vincent,qui dirige un centre d’éducation destinéaux Autochtones âgés de 16 ans et plus.«Après quelques semaines, leurs épaules seredressent, ils sourient; ils sont mieux et onle voit dans leurs yeux.»L’observation de la directrice du Centrede formation de la main-d’œuvre(CDFM) de Wendake, au nord deQuébec, dépeint une réalité qui semblerépandue : s’ils apprennent trop souventà la dure, les Autochtones font preuved’une grande résilience et tiennent àfaire profiter leurs communautés desapprentissages qu’ils acquièrent.Les données sont là : des enfants de9 à 12 ans déjà bien initiés à la drogueet l’alcool. La violence qui déchire lescommunautés, le taux de décrochageeffarant… Les chiffres illustrent ladétresse, la pauvreté, la misère. Mais pasla résilience.Quand elle a ouvert le CDFM, JulieVincent craignait que son école «vide lesréserves». Près de 20 ans plus tard, elleconstate que les étudiants qui entrent dansles salles de cours de son institution — quiont des antécédents de consommation dedrogue ou d’alcool, et ont souffert d’abuset de violence dans la majorité des cas —en ressortent quelques temps plus tard«portés par l’espoir». «Ils disent qu’ilsveulent retourner dans leur communautéet faire profiter leurs pairs de leursapprentissages», lance Mme Vincent,visiblement fière du CDFM, qui permetaux étudiants de terminer leurs étudessecondaires ou de suivre des formationstechniques, notamment.À Val-d’Or, Édith Cloutier dirige uncentre d’amitié autochtone. Ce lieu derassemblement hors-réserve,dans les villes,est un espace démocratique d’affirmationidentitaire des autochtones, imaginé par lesPremiers Peuples vers 1950. Du ventre dela maman jusqu’aux années de la retraite,les centres d’amitié — il en existe 122 auCanada — offrent une gamme de serviceset d’activités, mais surtout de l’entraideet un lieu de connexion culturelle pourles Autochtones des villes. Ici aussi, lesenfants débarquent avec un «pack-sac trèslourd», observe Mme Cloutier. Le centred’amitié de Val-d’Or a lancé la clinique desoins Minowé il y a deux ans, et celle-citravaille de pair avec le Centre jeunesse dela région afin de diminuer le nombre designalements à la Direction de la protectionde la jeunesse (DPJ). «On amène desservices culturellement adaptés, note MmeCloutier. Quand les Autochtones sontles premiers décideurs de leur destin, çadonne inévitablement des résultats pourla communauté dans son ensemble», ditcelle dont le Centre emploie environ 60 %d’Autochtones.De son côté, Julie-Christine Cotton,candidate au doctorat en psychoéducationà l’Université de Sherbrooke, s’est d’abordattelée à décrire la consommation depsychotropes des enfants de 9 à 12 ansdes communautés innues du Québec.Le constat a été frappant. «Les parentsautochtones ont trouvé les résultatsinquiétants, honteux même», se rappelle-telle.Mais l’étudiante a voulu aller au-delàdes chiffres. Elle a adapté un programmede prévention et de développement auxréalités des jeunes Innus, et le ton a changé.«L’accueil est vraiment meilleur depuisqu’on parle de solutions», remarque-t-elle.La vie n’est pas rose dans les communautés,et la motivation n’est pas toujours aurendez-vous, observe Mme Cotton. Maisl’esprit communautaire est là. Reste àvoir si l’impact des gestes de ceux quiredonnent au suivant finira par fairementir les chiffres.14L’ItInéraIre15 janvier 2013


ActuAlité & cultuReLIRE POUR RêVER mIEUXfRANCIS HALINAu Québec, la moitié de la population active a encore de la difficulté à lire ou àécrire. L’«analphabétisme fonctionnel», la difficulté à utiliser l’information dansla vie quotidienne, frappe toujours de plein fouet. Avec ses témoignages choc, lewebdocumentaire Les maux illisibles, réalisé par Simon Trépanier, en collaborationavec l’Office national du film du Canada et le quotidien Le Devoir, est une œuvrecoup de poing.14 heures, Villeray. Le Bistro L’enchanteurest plein. Sur la banquette, Simon est ravide me présenter Diane et Sylvie. Leursliens d’amitié sautent aux yeux. Elles nousparlent de leur contribution au projet etde leur expérience en alphabétisation.Au début, Diane était timide. «J’étaisrenfermée en dedans, je ne parlais pas»,confie-t-elle. Devant moi, elle est pourtantsouriante et elle parle… beaucoup! Sylviem’avoue qu’elle bégayait, mais qu’à force detravailler, elle a regagné confiance en elle.«J’ai appris à m’exprimer», ajoute-t-elle,pimpante d’énergie.L’école a été conçue par etpour du monde qui vient demilieux favorisés.- simon trépanier, réalisateur du webdocumentaireLes maux illisiblesbESOINS PRImAIRESL’école primaire? Sylvie ne l’a pas vraimentfréquentée, car elle était trop tannante.Diane? Elle y est restée une seule journée!Dans les deux cas, on ne les encourageaitpas. Mais attention. Le réalisateurrappelle que l’analphabétisme ne touchepas seulement ceux qui ne sont pas allésà la petite école. De fait, la majorité desanalphabètes y sont allés. Le témoignagede Mathieu, dans le film, est éloquent ence sens. À l’âge de 16 ans, ce dernier a lâchél’école. Et il ne sait toujours pas lire…«L’école a été conçue par et pour dumonde qui vient de milieux favorisés»,résume le réalisateur du webdocumentaireavec verve. C’est là qu’interviennentles organismes communautaires enalphabétisation. Ils font le travail que lasociété n’a pas fait, ou n’a pas voulu faire.La nouvelle famille de Diane, c’est leCentre d’alphabétisation de Villeray, LaJarnigoine. «Quand t’as besoin de parler,ils t’écoutent. Ils te donnent des conseils»,témoigne-t-elle. Sylvie n’hésite pas à direque le Groupe d’alphabétisation populaireLettre en mains, dans Rosemont, est sadeuxième maison. Sans cette aide, ni l’uneni l’autre n’aurait pu s’en sortir.LA PRISON DES AUTRESÊtre analphabète au quotidien, c’est avoirtoujours besoin des autres. Or, on ne peutcompter sur l’aide des autres uniquement.Diane doit faire l’épicerie avec satravailleuse sociale ou avec ses enfants.Avec le temps, une routine s’installe. Elleachète toujours les mêmes produits, car ellea de la difficulté à lire les étiquettes. «Tu tesens comme si tu étais enfermée. Tu te sensfixée, comme si tu portais une bannièreavec écrit dessus que t’es rien», déploreSylvie, excédée.Être analphabète, c’est aussi se sentirenfermé à l’intérieur de soi-même, être sapropre prison. Même écouter de la musiquepeut être vécu comme une mauvaiseexpérience. «C’est très rare que j’écoute dela musique avec un baladeur, car le son mefatigue dans la tête, partage Sylvie. Ça medonne de la rage. Ça vient me chercher, carje n’entends pas ce qu’il y a alentour. Il memanque de quoi». Pour paraphraser lepoète Gaston Miron, c’est comme si ledélire grêlait dans les espaces de sa tête.Ces femmes n’ont pas eu la vie facile, maiselles ont aujourd’hui de grands rêves.Diane, celui d’être fleuriste; Sylvie, d’êtreune scientifique. «Les médias pensent quela sagesse vient des intellectuels, mais lasagesse vient aussi des personnes qui ontpris le temps de se bâtir elles-mêmes»,affirme Simon Trépanier. Que dirait alorsSylvie à quelqu’un qui voudrait s’en sortir?«Je lui dirais de mettre son orgueil de côté,de foncer et d’aller dans un organismed’alphabétisation».Photos : JoAnnie lAfRenièReL’ItInéraIre15 janvier 201315


ActuAlité & cultuReL’ART DERAYONNERAUX qUATRECOINS DUmONDEANNE mICHÈLE C.-VERmETTEPhoto : Michel PinAultCéline Dion, le Cirque du Soleil, Robert Lepage, Les 7 doigts de la main et La La LaHuman Steps sont des noms connus partout dans le monde. Depuis les années 1 980, lescompagnies artistiques québécoises font office d’ambassadeurs à l’étranger grâce à leursproductions culturelles à saveur unique.Le besoin d’exporter son art est crucialpour la seule province francophone duCanada. Afin de survivre, les compagniesdoivent joindre un plus grand public.«ll est nécessaire d’exporter, puisqu’onest 8 millions d’habitants, dont unepart assez mince achète des billets despectacles», explique Nassib El-Husseini,directeur général de la troupeLes 7 doigts de la main.La compagnie de cirque ad’ailleurs de la difficulté à êtreprésente partout au Québec,puisqu’il manque de sallesspécialisées pour les accueillir.Voilà pourquoi elle compenseen présentant ses productionsà l’extérieur du pays.Par ailleurs, le Québec possède un statutparticulier en raison de sa culture, à chevalentre l’Amérique du Nord et l’Europe.Et cela suscite un grand intérêt dansles pays étrangers. «Pour cette raison,nos créations sont vraiment uniques.On porte une signature facilementreconnaissable dans le monde entier», faitvaloir Simon Brault, directeur général del’École nationale de théâtre, président deCulture Montréal et vice-président duConseil des Arts du Canada.Les artistes sont souvent les meilleursambassadeurs pour nous représenter etpour donner au reste du monde une imageconcrète de ce que nous sommes;ils ont un rôle très puissant.- simon brault, directeur général de l’école nationale de théâtre,président de culture Montréal et vice-président du conseil des Arts du canadaC’est d’autant plus vrai que lescompagnies artistiques québécoisessont habituées à se déplacer, analyseAnne-Laure Mathieu, directrice descommunications chez CINAR, unorganisme qui fait la promotion etla commercialisation des arts de lascène du Québec à l’international. «Çafacilite les choses pour les acheteursétrangers. C’est l’une des raisons pourlesquelles ils ont envie de faire affaireavec nous».Montréal possède une expertise danstoutes les disciplines artistiques (danse,design, musique, théâtre, cirque, etc.)et est reconnue pour cette diversité. Saréputation internationale luiassure une place de choix auxyeux des étrangers. «Ce quiest remarquable au Québecest que lorsqu’on présenteun spectacle de danse oude théâtre, du premier audernier acteur, il y a unehomogénéité dans la qualitédes performances. À l’inverse,dans bien d’autres pays, il y aun ou deux bons acteurs et plusieursautres qui sont plus faibles», constateSimon Brault.16L’ItInéraIre15 janvier 2013


ActuAlité & cultuReiMAGe tiRée du sPectAcle Le compLexe des genres,PRésenté loRs de lA soiRée d’ouveRtuRe de cinARs.Le cirque est l’une des grandes forces de la productionculturelle québécoise. Nassib El-Husseini considère queMontréal possède l’une des meilleures écoles de cirque quisoient. Elle est même la plus importante en Amérique. Desartistes de partout dans le monde viennent étudier à l’Écolenationale de cirque. Plusieurs d’entre eux sont ainsi intégrésaux troupes québécoises.Seule ombre au tableau pour les créateurs québécois : lessubventions. En 2008, le gouvernement fédéral a procédé àplusieurs compressions dans les subventions pour le domaineartistique. Le gouvernement provincial a compensé enfournissant l’équivalent des montants retranchés. Toutefois,même si les créateurs s’en tirent plutôt bien avec les moyensqu’ils ont, ils estiment qu’il manque encore de fonds, et cemême si leur art, moteur économique puissant, fait brillerla province dans le monde entier. «Les artistes sont souventles meilleurs ambassadeurs pour nous représenter et donnerau reste du monde une image concrète de ce que noussommes; ils ont un rôle très puissant», estime Simon Brault.Anne-Laure Mathieu le confirme en rappelant que la premièrecarte de visite d’une nation est sans contredit sa culture.Photo: lionel MontAGnieRnuMéRo de bARRe Russe PRésenté dAns séquence 8, cRéAtionde lA tRouPe les 7 doiGts de lA MAin.L’ItInéraIre15 janvier 201317


GRAnde entRevue<strong>Manon</strong> <strong>Barbeau</strong>TRANSmETTRELA PAROLETEXTE : mARIE-LISE ROUSSEAUPhotos : Anne MARie Piette18L’ItInéraIre15 janvier 2013


GRAnde entRevue<strong>Manon</strong> <strong>Barbeau</strong>a commencé sacarrière de cinéasteen prenant ellemêmela parole entant que personnemarginalisée. puis,elle l’a donnéeaux exclus en lesplaçant devant sacaméra. Depuis2004, elle a prêtécette même caméraà des centaines dejeunes autochtonesdu Québec, qui s’enservent pour faireentendre leur voixavec le projet duWapikoni mobile.cette passation dela parole s’inscritdans la suite logiqued’un parcourscréatif que l’artistea entièrementconsacré à la familledes marginaux.En entrant dans le nouveau bureau du Wapikoni mobile, situé dans une anciennebâtisse industrielle du Mile-Ex, j’aperçois <strong>Manon</strong> <strong>Barbeau</strong>, vêtue d’un chandail rougeet d’un pantalon bouffant, debout avec d’autres employés, formant un cercle au milieudu vaste local lumineux. Au menu de cette réunion du début de décembre : le budgetde l’organisme pour 2013 et divers suivis relatifs au déroulement des formations et àl’état des roulottes. Lorsque <strong>Manon</strong> <strong>Barbeau</strong> vient s’asseoir ensuite dans la salle deréunion pour notre entrevue, elle prend une grande respiration. «C’est une périodetrès occupée de l’année», dit-elle avec une pointe de fatigue dans la voix.Abandonnée en bas âge par ses parents,artistes signataires du Refus global – sonpère est le peintre Marcel <strong>Barbeau</strong> – <strong>Manon</strong><strong>Barbeau</strong> a été élevée par sa tante et sononcle, ce qui était rare à l’époque. «Il m’estresté ce sentiment d’être marginalisée. J’ainaturellement développé un intérêt pourles exclus», raconte-t-elle, le regard vif. En1998, la cinéaste sefait connaître avecle documentaireLes enfants duRefus global (1998),qui témoigne desrépercussions de cemouvement socialsur la progénituredes artistes, mettant notamment en scènele touchant témoignage de son jeune frère,de qui elle a été séparée pendant 20 ans.Depuis, chacun de ses documentairesdonne la parole aux écorchés de la société,qu’ils soient de jeunes squeegees itinérantsde Québec dans L’armée de l’ombre (1999)ou des prisonniers dans L’amour en pen(2004). <strong>Manon</strong> <strong>Barbeau</strong> se nourrit desmarginaux, dont elle admire la liberté et larésilience. «J’aime comment ils traversentleurs épreuves envers et contre tous, entransformant leurs blessures en création»,dit-elle, les yeux brillants et le sourire large,qu’elle gardera tout au long de l’heure denotre rencontre.Les gens préfèrent conserverleurs préjugés parce que çajustifie qu’on ne s’occupe pasdes autochtones et qu’on leslaisse se suicider dans leur coin.DES SqUEEGEES AU WAPIkONIDepuis quelques années, <strong>Manon</strong> <strong>Barbeau</strong> amis son cinéma de côté pour se consacrer àcelui des jeunes autochtones. En 2004, ellea fondé le Wapikoni mobile avec le Conseilde la nation atikamekw.Le Wapikoni est une roulotte-studio quisillonne les communautés autochtonesdu Québec pour donner une chance auxjeunes vivant l’exclusion et la marginalitéd’apprendre à s’exprimer par la vidéo. «Ilsont un talent pour l’image, souligne-t-elle.Probablement à cause de la tradition oraleautochtone, qui est très imagée».Au-delà de la formation technique, lesjeunes qui participent au Wapikoni mobile,provenant d’une vingtaine de communautésautochtones du Québec, apprennent «lesrudiments d’une intégration professionnelle(ne serait-ce qu’arriver à l’heure), le travail enéquipe, la maîtrise d’outils technologiques,l’effort nécessaire pour aller au bout d’unprocessus, celui decommencer un film,de douter, d’allerjusqu’au bout, deprésenter ce filmdevant toute leurcommunauté…»,- <strong>Manon</strong> barbeau énumère <strong>Manon</strong><strong>Barbeau</strong>, soulignantà quel point les jeunes qui entrent auWapikoni en ressortent grandis.La cofondatrice de l’organisme parle avecfierté des réussites des jeunes formés parle studio ambulant : le rappeur Samian,porte-parole du Wapikoni, en est l’exemplele plus connu. Elle parle aussi de ShanoukNewashish, qui travaille maintenant auservice d’audiovisuel du Centre d’amitiéautochtone de La Tuque; d’AbrahamCôté, qui enseigne l’audiovisuel enparascolaire dans une école secondaire desa communauté et de Réal Junior Leblanc,qui obtenait récemment un contrat pourscénariser un documentaire.Deux jours après notre rencontre, lacinéaste devenue gestionnaire se rendaità New York afin de recevoir, au nom duWapikoni mobile, le Prix d’honneur dufestival Plural+ décerné par l’ONU pour«l’ensemble de ses activités auprès de lajeunesse des Premières Nations et la qualitéde son travail».Avec l’expansion de l’organisme cesdernières années (création d’une deuxièmeroulotte, établissement de partenariatsà l’étranger, formations données auxjeunes autochtones d’Amérique du Sud),<strong>Manon</strong> <strong>Barbeau</strong> passe de moins en moinsde temps sur le terrain avec les jeunes.L’ItInéraIre15 janvier 201319


GRAnde entRevue«Heureusement qu’il y a Skype pourmaintenir le lien avec chacune des équipeset pouvoir parler avec les jeunes de leursfilms», dit-elle. D’autant plus qu’il est ardude se rendre dans certaines communautéséloignées : «Pour aller à Matimékosh (prèsde Schefferville), il n’y a plus de route. Ilfaut prendre un train toute la nuit».À LA RENCONTRE DES PREmIÈRESNATIONSWapikoni veut dire fleur, en langueattikamek. C’était aussi le prénomd’une jeune de 20 ans de la communautéde Wemocati, du Saguenay Lac-Saint-Jean. <strong>Manon</strong> <strong>Barbeau</strong> travaillait avecelle et un groupe de jeunes à l’écritured’un scénario intitulé La fin du mépris…et un soir, la voiture de la Wapikoni estentrée de plein fouet dans un camionforestier mal garé. La collision a été fatale.Il est difficile de croire que la cinéaste neconnaissait pratiquement pas les PremièresNations du Québec avant de rencontrer lajeune Wapikoni et son groupe. Mais elles’est toujours sentie attirée par ces culturesqui respirent à l’intérieur même de nosfrontières. «Je me souviens d’une fois oùj’allais faire du kayak sur la Côte-Nord,se remémore-t-elle. On passait devantdes communautés et j’étais fascinée par cemonde coupé du nôtre. Je ne comprenais paspourquoi, mais j’avais le goût de créer desliens avec eux».Aujourd’hui, <strong>Manon</strong> <strong>Barbeau</strong> est on ne peutplus attachée à ces communautés. «On prendconscience de leur valeur», s’enthousiasmet-elle,mentionnant une rencontre positiveentre Pauline Marois et 40 chefs desPremières Nations qui avait eu lieu la veillede notre entretien. «Les gens préfèrentconserver leurs préjugés parce que ça justifiequ’on ne s’occupe pas des Autochtones etQuand je reviens à mes projets, je trouveque ça a moins de sens que le Wapikoni.c’est plus nourrissant de donner auxjeunes des outils pour créer.- <strong>Manon</strong> barbeauqu’on les laisse se suicider dans leur coin»,dit-elle, tranchante. Les films réalisés parles jeunes du Wapikoni mobile viennentprouver le contraire. «On voit qu’ils ont deschoses à dire, qu’ils ont un talent artistiqueet qu’ils ne correspondent pas aux préjugés.Leurs films sont des ambassadeurs positifsd’eux-mêmes», émet la cinéaste.Est-ce que la création de ses propres filmsmanque à <strong>Manon</strong> <strong>Barbeau</strong>? «Quand jereviens à mes projets, je trouve que ça amoins de sens que le Wapikoni, répondelle.C’est plus nourrissant de donner auxjeunes les outils pour créer».Peut-être est-ce parce que <strong>Manon</strong><strong>Barbeau</strong> a grandi dans une famille éclatéequ’aujourd’hui, la famille est sacrée pourelle. La mère de la cinéaste Anaïs <strong>Barbeau</strong>-Lavalette en a fondé une qui grandit de jouren jour au sein du Wapikoni mobile, dontles jeunes ont réalisé plus de 500 films à cejour. Mais n’allez surtout pas la surnommer«la Mère Teresa des enfants perdus» commed’autres l’ont fait. «Il y a un côtémisérabiliste à ça, commente-t-elle.Au contraire, je trouve que ces jeunesont beaucoup de force et ils m’apportentbeaucoup personnellement».Après quelques réflexions à voix hautesur les maux de notre société, à dénoncerceux qui mettent l’humain en deuxièmeplan derrière l’économie et à partagerl’inspiration qu’elle tire des gens de la rue,qui vivent des situations très difficiles, maisempreintes de liberté, en dehors des normesimposées par la société, <strong>Manon</strong> <strong>Barbeau</strong> seretourne sur sa chaise en regardant au loinet lance : «Coudonc, je suis bien émotiveaujourd’hui». Il y a encore beaucoup de travailà faire pour donner une place digne de ce nomaux trop nombreux exclus. <strong>Manon</strong> <strong>Barbeau</strong> achoisi son combat avec le Wapikoni mobile,sa deuxième famille.wapikoni : Patrimoineculturel autochtone«On s’est aperçu en regardant les films desjeunes qu’on est en train de constituer unpatrimoine culturel unique au monde.»Ce constat, <strong>Manon</strong> <strong>Barbeau</strong> et l’équipede Wapikoni mobile l’ont fait il y a à peineun an. Légendes, rituels ancestraux,chants et danses traditionnelles… Lesquelque 500 films réalisés par les jeunesdes communautés autochtones du Québecrecensent un patrimoine très vaste,documentant le passé traditionnel etla réalité contemporaine des PremièresNations.20L’ItInéraIre15 janvier 2013


UN REPAS COMPLETEST OFFERT À 5 $.Le Groupe L’Itinéraire a développé depuis quelques années leconcept des cartes-repas qui permet aux donateurs de poserun geste concret dans la vie d’une personne chaque jour.L’Itinéraire, par le biais du Café L’itinéraire, offre la possibilitéà des personnes à revenus modestes de se nourrir à peu defrais et avec dignité.La carte-repas solidaire est aussi échangeable auprès desorganismes Comité social Centre-Sud, MultiCaf,Resto Plateau et Chic Resto Pop.Faites un don en remplissant le coupon en page 30ou au www.itineraire.caParce qu’il est inconcevable qu’aujourd’hui, à Montréal, desmilliers de personnes souffrent de la faim. Comme moi, avantqu’il ne soit trop tard, offrez des carte-repas aux plus démunis.En plus d’un repas chaud et complet, ils briseront leurisolement et trouveront le réconfort d’une aide psychosociale.Un projet de L’Itinéraire appuyé par L’œuvreLéger, Moisson Montréal et la Fondation TirelireEmmanuel Bilodeau,porte-parole des cartes-repasUN P’TIT 5 $ QUI FAIT DU BIENitineraire.ca


BéginNous sommes Nombreux à croireque les eNtreprises coopérativesbâtisseNt uN moNde meilleur.Caisse populairedu Mont-RoyalCoopérer pour créer l’avenir


Photo : Jean-François hamelinSur leSpaS dud r JulienJérôme savary marche sur les traces du D r Julien, et ce,pour une troisième saison. À chaque numéro de L’Itinéraire,les nombreuses rencontres du journaliste avec le créateurde la pédiatrie sociale, des enfants et des personnes del’entourage de cet homme exceptionnel vous permettent dedécouvrir son univers.Julie DesharnaisDIRECTRICE DEUX fOIS PLUTÔT qU’UNEJéRÔmE SAVARYSon pas énergique et volontaire le laisse présager; sa voix vive et assurée le confirme :Julie Desharnais assume son rôle avec aisance. Directrice à la fois du centre depédiatrie sociale en communauté (CPSC) de Hochelaga-Maisonneuve et de celui deCôte-des-Neiges, «la personne idéale à ce poste», selon le D r Julien, bénéficie de laconfiance totale du fameux pédiatre social. Le capitaine du bateau, c’est elle.Pour Gilles Julien, la cohésionexceptionnelle de ses deux équipes depédiatrie sociale est due en bonne partieau leadership de cette travailleuse socialede formation, qui visite encore les famillesà l’occasion afin de garder contact avecde dures réalités. «Julie est quelqu’unde très précieux dans une organisation,dit-il. Elle est appréciée de tous et apportebeaucoup de cohésion dans notre équipemultidisciplinaire. En situation de crise,elle est parfaite pour guider son équipe. Jecompte beaucoup sur elle.»PARCOURS DéCIDéMadame Desharnais ne serait peut-êtrepas à la tête de deux centres de pédiatriesociale si, lorsqu’elle avait 20 ans, elle nes’était pas retrouvée aux premières logesde la «misère humaine», selon ses mots.Préposée à l’accueil au Centre local desanté communautaire (CLSC) du centreville,elle y a rencontré une clientèletrès marginalisée : prostitution, maladiementale, itinérance... «C’était un peusurréaliste pour une jeune femme de 20ans», souligne-t-elle avec le recul. Là-bas,elle rencontre également des médecinset des travailleurs sociaux dévoués.Cette expérience la motivera à devenirtravailleuse sociale.Elle œuvre ensuite comme travailleusesociale en milieu scolaire dans le quartierHochelaga-Maisonneuve, ce qui l’amèneen 1999 à rencontrer le D r Julien, qui suitnotamment les élèves de l’école Saint-Clément. En 2007, Julie Desharnais vients’ajouter à l’équipe du célèbre pédiatre.«Avant même qu’elle embarque avec nous,je connaissais ses qualités remarquables detravailleuse sociale, indique-t-il. Et elleavait de l’ambition.»La journée où elle va recevoirson diplôme, je serai aussifière d’elle que de mes enfantsqui ont fini leur cégep.- Julie desharnais,au sujet d’une jeunefemme suivie par le dr Julien depuis sa naissanceJulie Desharnais maîtrise aujourd’huitoutes les subtilités de la «méthode Julien».Elle connaît les changements profondsque peut déclencher cette façon uniqued’intervenir auprès des enfants. «Chaquejour, nous constatons que nous intervenonsdans la bonne direction : les enfantsvont mieux, ils se sentent en confianceavec nous.» Les enfants vulnérables deHochelaga-Maisonneuve et de Côte-des-Neiges finissent par retrouver foi en leurspropres moyens.Comme Valérie, par exemple, que leD r Julien suit depuis sa naissance. Âgéede 20 ans, elle s’apprête à vivre une grandevictoire alors que sa vie se résumaitjusqu’alors à des traumatismes et deséchecs. «Quand j’apprends qu’en avril ellecommencera des cours de cuisine qu’ellea hâte de réussir, notre travail prend toutson sens, souligne Mme Desharnais.Pourtant, c’était loin d’être gagné, carson histoire personnelle est vraimentheavy.» La réussite de ces jeunes adultesque l’équipe suit depuis leurs premiers pasdans la vie tient particulièrement à cœurà cette femme déterminée, âgée de 41 anset mère de trois enfants. «La journée oùValérie recevra son diplôme, je serai aussifière d’elle que de mes enfants qui ont finileur cégep.»L’approche du D r Julien favorise de façonextraordinaire la résilience que l’onconstate chez ces enfants vulnérables,selon la directrice. «Avant de rencontrer leD r Julien, je n’avais jamais vu de médecinregarder un enfant dans les yeux et prendrele temps de lui demander “C’est quoi tonrêve?” Sa façon d’intervenir est unique.»Julie deshARnAis, diRectRice des cPscde hochelAGA-MAisonneuve etde côte-des-neiGesPhoto : Michel GAuthieRL’ItInéraIre15 janvier 201323


déveloPPeMent sociAlItinérance autochtoneDES bANCS DE PARC AUXbANCS D’éCOLEVANESSA HébERTArpentant les rues montréalaises, la caravane d’Exeko transforme les bancs deparcs en bancs d’école, les lieux publics en salle de projection et les rues en théâtrede création. Bibliothèque mobile, cinéma sur roues, philosophes voyageurs etdessinateurs de rue, l’organisme propose une aide alternative aux itinérantsautochtones : la créativité comme moyen d’intervention.C’est à la jonction des rues Saint-Laurentet Ontario que je vois s’arrêter unecaravane blanche aux dessins rouges.Les portes s’ouvrent et trois jeunesfemmes en sortent. La codirectrice etcofondatrice, Nadia Duguay, me serrevigoureusement la main, tout sourire.Plus réservée, Sonia Conchon se tienten retrait et me salue timidement.C’est sa première fois à bord en tantque bénévole. Alexandra Pronovost,médiatrice de la soirée, m’accueille à sontour chaleureusement. Après quelqueséchanges concernant le déroulement denotre virée, je m’assois dans le véhicule.J’attache ma ceinture et on démarre.on a tout à apprendre descommunautés autochtones.au lieu de pointer du doigt,on devrait tendre l’oreille.- nadia duguay,codirectrice et cofondatrice d’exekonAdiA duGuAy, cofondAtRice et codiRectRiced’exeKo distRibuAnt des cRAyons et des cAlePins.«Premier arrêt, Atwater», dit Nadia ense penchant vers moi alors qu’Alexandraprend le volant. L’enregistreuse dirigéevers mes interlocutrices et un calepin surmes genoux, qui tressautent à chaquenid de poule, j’en apprends plus sur lamission d’Exeko. «Nous sommes unecaravane de médiation intellectuelle»,explique Nadia. La caravane d’Exekosuit souvent celle de la Ka’washse, unautre organisme destiné aux itinérantsautochtones, qui leur fournit desdenrées alimentaires, des condoms etautres articles de première nécessité.Les deux organismes se complètentet travaillent main dans la main. «Ondonne de la nourriture pour l’âme etde la nourriture pour le ventre», ditAlexandra en souriant.24L’ItInéraIre15 janvier 2013


déveloPPeMent sociAlÀ l’angle des rues Saint-Denis etSainte-Catherine, Nadia demande àAlexandra de stationner la caravane.Le premier arrêt ne sera pas Atwater.Perplexe, je regarde Sonia qui merenvoie le regard interrogatif. Arméed’une barre tendre, d’une bouteilled’eau et de sa bonne humeur, Nadiasort du véhicule. Elle revient et medonne pour seule réponse : «On ouvreles portes!» La caravane ouvre sesportes pour tous les individus qui sontdans le besoin, autochtones ou non.«Notre objectif c’est l’inclusion. On nesera pas exclusif dans la façon dont onagit», précise Nadia. Un gaillard nousregarde avec curiosité. Il se présente :«Moi c’est Sean Michael Lawry Smyth,dit-il fièrement. C’est la première foisque je peux dire mon nom au completsans que cela ne soit pour la police».seAn MichAel lAwRy sMith, Jeune Autochtoned’une coMMunAuté de l’ouest du cAnAdA, PosePouR lA Photo. celA fAisAit lonGteMPs Qu’il envoulAit une PouR lA MontReR à ses AMis.Venant de l’ouest du Canada, Sean Michaelnous raconte qu’il est membre d’unecommunauté des Premières Nations. Ilreste vague concernant sa situation dansla rue, mais Nadia m’assure que c’est labonne approche. «On jase avec eux d’autressujets que de leurs problèmes parce queça leur permet de réfléchir à autre chose»,explique la codirectrice du projet. Avoir latête ailleurs, c’est un peu comme sortir unpied de la rue. Alexandra me raconte uneanecdote à ce sujet : «Une femme inuitenous a dit qu’elle ne boirait pas ce soir,qu’elle préférait lire son livre». L’évasionde la réalité de la rue est nécessaire et lalittérature est un excellent moyen pour lefaire tout en remplaçant les substancesillicites. «Nous, on offre des services desanté intellectuelle», lance Nadia. PourSébastien, jeune du Nouveau-Brunswickque je rencontre au cours de la soirée,c’est aussi une bonne façon de s’occuper.«Je restais assis pendant des heures àne rien faire. J’ai commencé à lire pourpasser le temps».La caravane repart et nous arrivons enfinà Atwater. Le parc, reconnu pour êtretrès fréquenté par des itinérants inuits,est presque désert. «Il y a un hôpital quireçoit les Inuits juste à côté du parc, maisil n’y a aucune activité prévue pour eux,déplore Nadia. Alors ils se retrouventici à flâner et cela ne règle pas leursproblèmes». Le véhicule s’immobiliseet, très vite, une petite fille et sa mèreapprochent. Lucy, jeune Inuite, regardetimidement l’équipe. Elle sait qu’ils ontune panoplie de crayons pour qu’ellelaisse aller son imagination et un sourirese dessine sur son visage. Elle choisitdes craies. Alexandra s’agenouille avec elleet lui demande de lui montrer commentécrire des mots en inuktitut. «C’est de lamédiation inversée», me chuchote Nadia.la missiond’exekoLa caravane itinérante d’Exekoest un des nombreux projetsd’idAction, un organisme dontla mission est l’intégrationdes jeunes de 15 à 35 ans quisont marginalisés ou à risquede l’être. Depuis six ans, cetorganisme a mis sur pied plusde 150 projets rejoignant1000 participants. Malgréla diversité de médiationauxquels l’organisme faitappel, ses objectifs restentles mêmes : transmettre desconnaissances, conscientiserson groupe cible aux différentsenjeux sociaux auxquels ils fontface, les initier à des actionsréfléchies et contribuer à uneaction de solidarité sociale.«Nous sommes tous capables deréfléchir, de porter un jugementsur le monde qui nous entoure,d’être acteurs du changementsocial. Il faut seulement enavoir les moyens», préciseNadia Duguay, cofondatrice duprojet de la caravane itinérante.L’ItInéraIre15 janvier 201325


déveloPPeMent sociAllucy et AlexAndRAécRivent, PAR teRRe,des Mots en inuKtituKPRès du PARc AtwAteR.Au lieu que ce soit nous les uniquesprofesseurs, on leur demande de nousapprendre quelque chose». Une approcheque la cofondatrice aimerait bien que leQuébec adopte envers les autochtones.«On a tout à apprendre des communautésautochtones. Au lieu de pointer du doigt,on devrait tendre l’oreille».Après avoir gribouillé sur letrottoir, nous remontons dans lavoiture et retournons en directionde la rue Sainte-Catherine. Je leurdemande pourquoi avoir ciblé lesautochtones itinérants. «C’est àcause de la double exclusion quipèse sur eux, m’explique Nadia. Ilsvivent une exclusion sociale parce qu’ilssont dans la rue et un rejet des gens dela rue parce qu’ils sont autochtones».Elle raconte que l’itinérance chez lespeuples autochtones est un phénomènecourant à Montréal. «Ils partent de leurcommunauté avec de l’espoir dans leursbagages et lorsqu’ils arrivent ici, ils fontface aux préjugés des employeurs, deceux qui louent des appartements et deplein d’autres gens».Alexandra s’arrête quelque part prèsd’un banc où sont assis deux hommeset l’équipe se tourne vers moi en metendant barres tendres, bouteillesd’eau et calepins. C’est à moi de jouer.Moi c’est sean Michael Lawry smyth,dit-il fièrement. c’est la première foisque je peux dire mon nom au completsans que cela ne soit pour la police- sean Michael lawry smyth, jeune autochtone itinérantÉtonnée par ma timidité, je tends auxdeux hommes les objets que j’ai enmain et leur lance : «Si vous voulez,on a une bibliothèque…» Curieux, ilsme suivent et trouvent, chacun leurtour, un petit trésor littéraire qu’ilsempruntent. «Vous avez des livres depsychologie? demande Mario, l’und’eux. Vous savez, j’aime la psychologieparce que ça donne envie de connaîtrel’autre». Les larmes aux yeux, Marioraconte quelques bribes de son histoire,mais parle surtout de sa passion pour lapsychologie. Avant de partir, il regardela camionnette et s’affole : «Si on ne serevoit pas, comment pourrais-je vousremettre le livre? Vous en avez besoinsi vous voulez aider d’autrespersonnes comme vous m’avezaidé!» Nadia et Alexandra luienvoient la main en le rassurant:«Ne t’inquiète pas, on repassesouvent».«Pourquoi vous me parlez? C’estbien gentil. Vous m’aidez». Cesparoles sont souvent adressées à l’équiped’Exeko qui s’arrête chaque fois qu’ellevoie une personne sans logis. Le projetpilote Exeko continuera de rouler jusqu’enautomne 2013. L’équipe souhaite trouverdes partenaires financiers pour continuerd’apporter une touche de couleur dans legris du béton.Photos : cAtheRine GAutieR26L’ItInéraIre15 janvier 2013


LA TOUR DES CANADIENS 1PIERRE GAUDREAUcoordonnateur du RAPsiMAu début novembre, les investisseurs se sont rués pour acheter les condos de la Tourdes Canadiens qui seront construits… avenue des Canadiens. Une liste d’attente de500 clients a été constituée pour les étages supplémentaires qui seront mis en vente.En plus d’être à coté du Centre Bell, pour une somme de 500 000 à plus d’un millionde dollars, les acheteurs auront aussi une vue sur le fleuve ou la montagne…Comme le disait Pietro Esposito au journalLa Presse : «Je ne sais pas ce que je feraide mon condo dans trois ans, une fois laconstruction terminée. Sa valeur devraitavoir augmenté, je verrai alors…» 2Année après année, les ressources d’aidealimentaire accueilent plus de monde : despersonnes condamnées à la pauvreté quereprésente l’aide sociale, mais aussi de plusen plus de salariés, d’étudiants…PENDANT CE TEmPS DANS LA RUE…La même semaine où les acheteursmanifestaient avec frénésie leur intérêt pourcet énième projet de condos au centre-ville,les refuges destinés aux hommes sansabriont connu un taux d’occupation de101 %. Régulièrement, les ressources pourfemmes sans-abri doivent refuser l’accueilà des femmes faute de place, totalisant desmilliers de refus par an, un nombre enhausse constante depuis cinq ans.Cette croissance de la détresse humaine quereprésente l’accroissement de l’itinérance sevit de pair avec une croissance de la richesse.Certes, l’itinérance n’est pas qu’unequestion de pauvreté, mais la persistance etl’aggravation de celle-ci l’alimentent.Les tours des Canadiens se multiplient et lesjoueurs sont nombreux au jeu réel, et nonvirtuel, de Monopoly. Les terrains et lesmaisons de chambres disparaissent. Quandla game est finie, il y en a qui ne rentrentpas à la maison.Le développement limité aux gens quiont de l’argent ne se produit pas qu’àMontréal, c’est aussi le sort de Laval, desquartiers Dix30 ou des autres bonnesterres de Terrebonne ou St-Hilaire.Pendant que les portefeuilles des unsgrossissent, le nombre de gens qui n’ontplus rien… grossit lui aussi.À qUAND UN mEILLEUR PARTAGE?Quand on parle de revoir la tarte de larichesse, pour le peu qu’on en parle, onsort toutes sortes d’arguments. GéraldTremblay livrait dans son testamentpolitique un appel à la création de larichesse pour pouvoir la partager. C’estaussi le discours de bien des partis, de biendes gouvernements.Le problème est que la richesse existe. Cescondos trouvent preneurs. Cette richesse,elle est le fruit de salaires exagérés derecteurs et de médecins spécialistes.De salaires et de bonus de cadresd’entreprises, dont le revenu augmentequand leurs effectifs diminuent. Elle estaussi le fruit de la spéculation que biendes gens font sur leurs immeubles ou avecleurs portefeuilles d’actions.En octobre, le gouvernement du Québeca parlé de taxer et imposer davantagecette richesse. Bien que trop timides,ces propositions ont rencontré une forteopposition à droite comme à gauche, et legouvernement a, trop rapidement, reculé.Pourtant, on ne parlait d’empêcherpersonne de manger, on parlait de prendreune part un peu plus importante desrevenus de ceux qui en ont d’importants.On parlait d’imposer davantage unepartie des gains en capital sur desactions, sur des immeubles autres quela résidence principale.SûREmENT PAS AVEC LES REER!Noël est passé. La saison des Régimesenregistrés d’épargne-retraite (REER)va revenir. Les gens qui ont des sous vontpouvoir les sortir de leur Compte d’épargnelibre d’impôt (CELI), pour les placer dansun REER. Ottawa et Québec se priverontainsi de milliards de dollars en revenusd’impôt en seulement un an.Toute cette logique laisse de côté une partimportante de la population qui n’a rien àplacer dans un REER, à moins de s’endetterencore plus pour le faire. Cela laisse ausside côté une part importante qui ne peutbénéficier de programmes sociaux, qui sontinsuffisants parce que l’État manque desous à cause de toutes les gammicks fiscales.1Texte d’une intervention faite à la Soirée Rouge de Fin Novembre de l’ATSA2La Presse, Page Maison 6, 3 nov. 2012L’ItInéraIre15 janvier 201327


RéseAu solidAiRe / nouvellessurl’itinéraireetsespartenaires/ET LES GAGNANTS SONT…!mARIE-LISE ROUSSEAUComme le veut la tradition, le concours des journalistes de rue, qui récompense lesmeilleurs textes de camelots publiés dans L’Itinéraire, a eu lieu pour une neuvièmeédition lors du souper de Noël de l’organisme au Lion d’Or, le 10 décembre. Le jury,composé de l’écrivaine Monique Proulx, du comédien et rappeur de Loco LocassSébastien Ricard, et du chef d’antenne à TVA Pierre Bruneau, a salué la qualité destextes de la cuvée 2012 de L’Itinéraire.Et le prix Alcatraz du meilleur mot decamelot est remis à… Pierre Saint-Amour, pour son texte Hannibal Lecteur,que la romancière et scénariste MoniqueProulx a décrit comme «un vrai texted’écrivain, au verbe savant, à l’humourdélicieux, sur les "joies" de vendreL’Itinéraire par un jour de canicule à desbadauds qui n’en ont rien à cirer…»Jean-Marie Tison s’est quant à luimérité le prix Jean-Pierre-Lizotte de lachronique de rue de l’année. Son papier,Digne dingue dope, est une dénonciationpercutante des préjugés perpétuésenvers les personnes qui bénéficient del’aide sociale. «Sujet pertinent... styleclair. Si la perception est plus forteque la réalité, cette description nousramène durement aux faits!», a soulignéPierre Bruneau.Photos : olivieR lAuzon et véRoniQue leblAncLe dernier, mais non le moindre : lechevronné journaliste de rue Jean-MarcBoiteau a remporté le prix Claude-Brûlé dela meilleure entrevue, pour son article Desaînés pris en otage, pour lequel il avait réussià obtenir une entrevue avec l’ex-ministre desAînés du gouvernement libéral, MargueriteBlais. «Article nourri, style vif, source depremière qualité : excellent topo», a déclaréSébastien Ricard à propos de la démarchejournalistique de Jean-Marc Boiteau.UNE SOIRéE INCLUSIVE«Lorsque je constate la diversité des gensreprésentés ici ce soir, chacun membre de lacommunauté de L’itinéraire, c’est le modèlede société que je souhaite», a souligné SergeLareault, directeur général et éditeur dumagazine dans son discours ouvrant cettesoirée de Noël. Un modèle où tous sontégaux, peu importe les revenus ou le statutsocial de chacun. Plus unie et solide quejamais, la famille élargie de l’organisme apartagé un excellent repas — fourni par lerestaurant Au petit extra — et de nombreuxéclats de rire durant cette soirée.Au programme de la soirée : des prix dereconnaissance pour chaque camelot,félicitant autant les «gros bras», les camelotsqui déchargent régulièrement le camion delivraison contenant des boîtes remplies dumagazine que vous tenez entre vos mains,que les «survivors», ceux qui ont surmontédes épreuves particulièrement difficiles aucours de l’année.Après le concours des journalistes de rue,le tant attendu talent show a débuté! MichelDumont, Cécile Crevier, Sylvie Gamache,Serge Simard, Richard Larochelle, CindyTremblay, Genaro Ccopa Rondon, SergeTrudel, Alain Charpentier, NormanRickert et Josée Louise Tremblay ont fouléles planches du Lion d’Or pour offrir desperformances toutes hautes en couleurs.Alain Charpentier, camelot et chroniqueurde rue, a remporté le grand prix de ce talentshow avec une interprétation théâtrale etpoignante de textes de Plume Latraverse.PHOTO 1 : (de G. à d.) JeAn-MARie tison (GAGnAnt du PRix JeAn-PieRRe-lizotte), lindA PelletieR, PieRRe sAint-AMouR,JeRoMe sAvARy, QuAPRyce bAsQue, cylvie GinGRAs, MARie-lise RousseAu, MoniQue PRoulx et soRAyA elbeKKAliPHOTO 2 : (de G. à d.) JeAn-MARc boiteAu (GAGnAnt du PRix clAude-bRulé), AlAin chARPentieR, JeRoMe sAvARy, Micheline Rioux leMieux,lisA Goyette, Josée louise tReMblAy, MoniQue PRoulx, soRAyA elbeKKAli et MARie-lise RousseAu28L’ItInéraIre15 janvier 2013


nouvellessurl’itinéraireetsespartenaires/RéseAu solidAiReun GRos MeRci à nos Musiciens delA soiRée, le GRouPe les soulieRsde l’hoMMe sAns Pied, coMPosé deMAthieu vAllièRes (bAtteRie), fRAnçoisJouvet (bAsse) et yAnnicK Anctil (clAvieR)PLUS DE PHOTOS À VOIR SUR NOTRE PAGE fACEbOOkL’ItInéraIre15 janvier 201329


«L’Itinéraire m’a permis de retrouver un nouveau souffle, de reprendrema vie en main. Merci de nous aider à aller encore plus loin dans lalutte contre l’isolement et la pauvreté!- Jean-Guy Deslauriers, camelot«AIDEZ L’ITINÉRAIRE : DONS ♦ CARTES-REPAS ♦ ABONNEMENTDONJe fais un don de : $CARTES-REPAS 1J’offre cartes-repas à 5$ chacune = $ABONNEMENT AU MAGAZINEJe m’abonne pour une période de :12 mois, 24 numéros (124,18 $ avec taxes) $6 mois, 12 numéros (62,09 $ avec taxes) $Nom ou N o de camelot (s’il y a lieu) :IDENTIFICATION Mme M.Nom : Prénom :Nom de l’entreprise (Don corporatif) :Adresse :Ville :Province : Code postal :Téléphone : ( ) -Courriel :MODE DE PAIEMENTVisa, MasterCardChèque au nom du Groupe communautaire L’ItinéraireTOTAL DE MA CONTRIBUTION : $ 2Notes1 Les cartes sont distribuées par L’Itinéraire, mais si vous voulez lesrecevoir pour les donner dans la rue, cochez ici et nous vous lesenverrons avec le Guide du bénévole. Cochez ici2 Vous recevrez votre reçu d’impôt début janvier suivant votre don.N o de la carte : l___l___l___l___l___l___l___l___l___l___l___l___l___l___l___l___l___lExpiration /(Mois) (Année) Signature du titulaire de la cartePostez ce formulaire de don et votre chèque au Groupe communautaire L’Itinéraire :2103, Sainte-Catherine Est, 3 e étage, Montréal (Québec) H2K 2H9.Pour toutes questions, contactez-nous au 514-597-0238 poste 231.Dons et abonnement disponibles en ligne au www.itineraire.ca


nouvellessurl’itinéraireetsespartenaires/RéseAu solidAiRelA GREAT-WEST, lA LONDON LIfEet CANADA-VIE luttent contRe ledécRochAGe scolAiRe«Au Québec, un élève sur quatre quitte l’école secondaire sansdiplôme. À Verdun, où le niveau de pauvreté est particulièrementélevé, cette proportion se rapproche davantage d’un élève sur deux»,soutient Marc Edwards, président du conseil d’administration deToujours Ensemble.Les organismes Passeport pour ma réussite et Toujours ensemble ontannoncé le 14 novembre dernier l’octroi d’un don de 100 000 $ parla Great-West, la London Life et Canada-Vie pour développer, dansl’arrondissement de Verdun, un programme qui a fait ses preuves etvise à réduire le taux de décrochage scolaire au sein des collectivitésà faible revenu du Québec. Le don a permis la construction denouveaux locaux pour administrer le programme «Passeport pour maréussite Québec», dont l’ouverture a eu lieu cet automne.«Cet appui nous permet de poursuivre notre action auprès desjeunes de Verdun afin de les aider à surmonter les obstacles àl’éducation et à rester sur la bonne voie pour décrocher leurdiplôme», indique M. Edwards.Fondé en 2001, Passeport pour ma réussite est un organismepancanadien qui a vu le jour dans le quartier sensible de RegentPark à Toronto. Partout au Canada, Passeport pour ma réussiteest administré comme un programme par des organismespartenaires. À Verdun, c’est l’organisme Toujours ensemble quien assure la mise en œuvre.Le programme s’attaque aux obstacles à l’éducation en offrantun soutien communautaire aux élèves en difficulté. Basé dansla communauté, le programme fournit différentes formesde soutien intégré : du tutorat, de l’aide alimentaire, desbourses d’accès aux études postsecondaires, du mentorat, del’orientation de carrière ainsi qu’une coordination du suivi desjeunes, qui se situe entre l’école et les parents. Les résultats ontété probants à Regent Park où le taux de décrochage a diminuéde 70 % chez les participants et où l’accès aux études supérieuresa augmenté de 300 %. Le concept s’est ensuite répandu dansdouze collectivités au Canada.Partenaire local du programme, Toujours ensemble soutientles jeunes confrontés à des difficultés scolaires, familiales ousociales en leur offrant des activités éducatives et récréativespropices au développement de leur potentiel. Établi depuis1986, l’organisme accueille plus de 300 jeunes qui viennentparticiper à ses activités.PieRRe côté de PAssePoRt PouR MA Réussite Québec, PAul MAhon delA GReAt-west, lA london life et cAnAdA-vie, dAvid huGhes de PAthwAysto educAtion cAnAdA, et MARK edwARds de touJouRs enseMble.L’ItInéraIre15 janvier 201331


RéseAu solidAiRe / nouvellessurl’itinéraireetsespartenaires/lA SDSVm : PReMieR couRtieRen vAleuRs sociAlesDepuis maintenant quatre ans, Damien Silès et son équipe arpentent les rues deMontréal à la recherche de nouveaux partenariats financiers ou techniques pourlutter contre l’itinérance et la pauvreté au profit de l’arrondissement Ville-Marie.Leur travail : courtier en valeur sociale.l’itinérance. En organisant des journées debénévolat dans un organisme ciblé, la sociétésouhaite impliquer ces professionnels dansun projet de responsabilité sociale.C’est en mai 2008, lors du Foruméconomique et social, qu’a vu le jour la Sociétéde développement social de Ville-Marie(SDSVM), premier organisme en son genreen Amérique du Nord. Depuis, elle contribuede façon concrète à résoudre diversesproblématiques sociales en itinérance enimpliquant financièrement et humainementbon nombre d’entreprises du «Québec inc.».L’idée est de proposer à ces compagnies etinstitutions des programmes «clé en main»en responsabilité sociale permettant delutter contre l’itinérance au centre-villede Montréal. En offrant gratuitementleurs services de conseillers tout au longde ces projets, la SDSVM s’assure queles programmes soient faciles à mettre enœuvre tout en favorisant leur pérennisation.La SDSVM propose essentiellement troistypes de projet distinct aux entreprises :employabilité, donation et bénévolat.DONSL’organisme propose aux entreprisesde participer à des projets de donationprivée en recherchant les organismes àbut non lucratif (OBNL) correspondantle mieux à leurs valeurs corporatives afinque leurs dons matériels et financierssoient significatifs.béNéVOLATAvec ce volet, la SDSVM tente desensibiliser les entreprises aux réalitésvécues par les personnes aux prises avecDES RéSULTATS CONCRETSEn 2011, la SDSVM a réalisé plus de150 contrats de travail pour des personnesen réinsertion avec de nombreusesentreprises (Eidos, GDI, RCIEnvironnement, concert de U2, WarnerGames, Xerox, Quartier des spectacles,etc.) et elle a remis l’équivalent de104 000 $ en dons financiers, techniqueset humains à des refuges et centres de jourde petite et moyenne taille.Photo : sdsvMEmPLOYAbILITéLa SDSVM met en place des contratsde maillage entre l’entreprise privée,qui offre des opportunités de travail,et des organismes communautaires del’arrondissement Ville-Marie, qui proposentdes candidatures issues de leur programmede réinsertion. Ces contrats permettentbien souvent aux personnes embauchéesd’acquérir une première expérienceprofessionnelle. La SDSVM s’assureégalement que tout au long du projet, desintervenants sociaux accompagnent de façonsoutenue ces personnes afin d’augmenter leschances de réussite du projet et de rassurerles employeurs.éQuiPe de bénévoles du cAbinet de RelAtions PubliQues nAtionAl à lA Mission st-MichAel.La SDSVM étant toujours à la recherche de nouvelles opportunités de maillageavec l’entreprise privée au profit de personnes défavorisées du centre-ville de Montréal,vous pouvez les joindre en tout temps à cette adresse : info@sdsvm.ca.Visitez également leur page Facebook, Twitter (@courtiersocial)ainsi que leur site internet (www.sdsvm.ca) pour être tenu informé de leurs derniers projets à valeur sociale.32L’ItInéraIre15 janvier 2013


Finie la guignolée.Il faudra quand même mangerle reste de l’année.


Bonneet heureuseannéeCarole POIRIER• Députée d’Hochelaga-Maisonneuve• Première vice-présidentede l’Assemblée nationaleCirconscription2065, avenue Jeanne-d’ArcBureau 102Montréal (Québec)H1W 3Z4Téléphone : 514 873-9309cpoirier@assnat.qc.cawww.carolepoirier.orgUne Centrale au servicedes personnes,en mouvementavec son tempscsq.qc.netfacebook.com/lacsqtwitter.com/csq_centrale1213-47Annoncez-vous dAns L’ItInéraIreet AffICHEZ VOS VALEURS CITOYENNES.contactez-nous au 514 597-0238 ou par courrielà publicite@itineraire.ca


ILL ECONOmOUchroniqueur de rueles coulisses de l’itinéRAiRe/ chroniquederue/fRIENDSHIPThe earliest friends I made in my life were those in my elementary school called GuyDrummond and others living near me on Hutchison Street in Outremont. Costa was oneof my good friends at school, and who was in my class as well. Billy and Tommy lived rightnext to me on Hutchison Street and we would play hockey and hide and seek in the backlane. They were vital to me at that time, but now they’re just a memory.When I lived in Greece for two years,I made other Greek friends, withwhom I hung around in the districtof Nea Phildelphia, in Athens. Onthe weekends, we went near DekeliasStreet, the busiest commercial area toeat souvlaki with Philip. Sometimes,we would be invited to a friend’s housenext door or a relative to watch TV,since we didn’t have one. That’s howwe managed our life during that time.When I was about 12 years old, Ireturned to Montreal and was reunitedwith my family and it felt great. Thefollowing morning, I was introducedto two young guys that lived nearby.We were new to the area and we wereslowly getting to know people and thesurrounding district.Later the same year, when I attendedMalcolm Campbell High School, Imade other better friends. One of myfirst good friends that I kept in touchwith on the phone during that year wasDavid Woo, who was a good student. Imet others as time went by during thatschool year.By 1983, I started to get closer withone of the Greek families on my street.I would go to their house often, since Iwas a close friend with their son George.I remember his mother enjoying mycompany and saying I was a good guy.His two older sisters had told him I wasa nice guy and they were used to mecoming over. Sometimes I played streethockey with him and other neighbourson the corner of Saint Real and McDuffand it was fun. We also watched moviesat his house on the weekends and it wasgreat. Thank God for people like Georgewho stood up for me during some roughtimes in high school and others whomade my stay there more pleasant.In 1986, some of my high school friendswent to the same college as I, includingGeorge. I continued going to his house andalso studied there. After being in collegefor a while, I met people of differentnationalities, especially Italian, that I keptin touch with. During that time, I becamemore outgoing than I was in high school.We normally watched movies on Tuesdays,because it was cheaper. We partied at beerbashes and hung on Ste. Catherine Street,sometimes going shopping. Some of thiscontinued until the early 1990s. Nowmany of them are married and some haverelocated and I rarely see them.I’ve kept a few of my old friends and madesome new ones, who I hang around with.When I trained at the gym, I usuallywent with my old friend Carl and it wasmore fun. Now, I usually go alone, butsometimes I chat with other people. I stillsee Carl often and we have coffee together.These past few years, I’ve made some of mynew friends at church and at work and I seethem often. We’re bonding more and thatfacilitates my life.It was always important for me to havegood friends and share the same ideas.In the future, I want to be surrounded bygood and reliable friends, who will give meadvice and support.L’ItInéraIre15 janvier 201335


les coulisses de l’itinéRAiRe/ motsdecamelots/Why Do You Writefor the Magazine?CARL fESTEkJIANcamelot, métro AtwaterI have built a solid and reliable customer baseafter many years of selling the magazine. Iam very proud and happy about it.You are more likely to buy the magazinewhen you know I wrote an article inside.It helps you become more familiar aboutmy life experiences. It takes time to createreal friends; real friends that care aboutyou. My writing helps me become closerto you because the writing creates a bond.It gives me more self-confidence and selfsatisfactionand makes my life more fun.When you buy my magazine, especiallywhen my article is inside, at the end of theday I feel happy and feel that I accomplishedsomething important. Although I might betired from my day, I enjoy working withyou. It really works on my social skills, it’sfun to talk to you and communicate. Itimproves my people skills. I become moretalkative. You are a nice crowd. I like whenyou ask, ‘Where were you?’ when I wasn’t atmy spot. I like that you care about me. It’snot easy; I have to be perseverant, driven,and ambitious. To keep you coming backto me, I try to be always on time, and becourteous, respectful and honest.After many years of writing in themagazine, I have become a better writer.It is something positive. In addition, youhave told me that you found my articlesinteresting, and that makes me feel betterabout myself and my writing. I appreciatewhen you say you liked what I wrote. Also,I have made new friends. We’ve becomegood friends by selling the magazine.countries I WouldLike to VisitDANIEL GRADYcamelot angle saint-laurent/des Pinset de la Gauchetière/MansfieldI’d like to visit many countries in theworld. Ireland and Scotland would be myfirst choices, because they have bagpipes,different kinds of whiskeys and the taps ofGuinness and Kilkenny beer. If you go toIreland, they will tell you they make the bestwhiskey, and if you go to Scotland they willalso tell you they make the best whiskey.They are very rich societies I believe to befilled with love and understanding. Theyalso have beautiful churches there whereyou can really feel the presence of God.Ireland is also known for The Legend ofDanny Boy. This song is played on thebagpipes at the Saint Patrick’s Day paradein Ireland and across North America.Ireland and Scotland have been friends formany years, but Ireland and England havenot. England believes in Jesus Christ, butnot in the Blessed Virgin Mary.Another country I would like to visitwould be France. France is known for itsfine wine. The French are known to drinka lot of cognac and brandy. France is alsofamous for its bars and cafes.France had a hard time when it wasinvaded by Germany in the SecondWorld War, but Canada stood by andsaved the country from being taken over.I think France would be a great placeto visit and they say the French womenthere are out of this world!With all these countries to visit: what agreat world we live in! And maybe if I goto Ireland or Scotland or France, I can sayI’ve seen a different way of life, somethingtotally different from here.36L’ItInéraIre15 janvier 2013


les coulisses de l’itinéRAiRe/ motsdecamelots/pourquoi j’écrisdans L’ItinéraireCéCILE CREVIERcamelot, métro fabre et participanteà un programme d’employabilitéau café L’ItinéraireJ’aime écrire dans le journal pour me faireconnaître et donner mes opinions sur cequi se passe autour de moi. Je veux faireréfléchir les gens, qu’ils pensent plus loinque le bout de leur nez, qu’ils cessent dejuger, au premier abord, les personnes qu’ils rencontrent. Ce n’est pasparce que quelqu’un est itinérant ou qu’il reçoit de l’aide sociale qu’ilne vaut rien, qu’il ne mérite pas d’être aidé et accompagné dans soncheminement. Si on donne la chance à un itinérant, il peut évolueret s’en sortir. Pour cela, il faut continuer de financer les organismescommunautaires, essentiels au bien-être des laissés-pour-compte.J’aime mieux travailler à L’Itinéraire plutôt que de rester à la maisonà manger des chips devant la télévision. Je ne gagne pas une fortune,mais mon salaire est propre et je suis fière de ce que je fais. Quandje reçois mon chèque, je sais que je l’ai gagné honnêtement et ça meredonne confiance en moi. Si je peux, par mes écrits dans le journal,contribuer à diffuser les idées d’une partie de la population tropsouvent délaissée, je dirai : «Mission accomplie!»Vivre sanstélévision niinternetbENOIT CHARTIERcamelot, métro Radisson et iGA,métro frontenacJ’ai l’impression de ne pas être de monépoque, mais par contre, j’écoute la radioet je lis des livres et les journaux gratuits dumatin. J’entends et je prête surtout attentionaux propos de mes clients et des gens de la ruequi discutent des évènements de l’actualité. Par exemple, s’il y a eu 40 mortsdans un attentat… une fois rendu dans la rue, ce sont plutôt 400 morts dontil est question. Le même phénomène se retrouve dans différents journaux età la télévision, surtout en ce qui a trait aux nouvelles internationales. Qu’est-cequi pousse ainsi les gens à l’exagération? Je ne suis pas certain de la réponse,mais j’ai une théorie. C’est comme le jeu du téléphone arabe où on chuchoteune phrase à l’oreille du premier élève et, à la fin de la classe, la phrase a perdutout son sens. C’est comme ça et on n’y peut rien, mais l’information s’entrouve donc faussée. Toute bonne information, à part le sensationnalisme,se doit d’être claire, objective, nette et précise, et sans préjugé. Cependant,ce phénomène existe depuis toujours. Anciennement, en politique ou dansn’importe quel domaine, on avait coutume de dire : «Parles-en en bien,parles-en en mal, mais parles-en.» Pour ma part, j’essaie d’écrire des textes leplus objectivement possible, mais quelquefois je choque ou je rallie les gens,selon la virulence ou l’émotion véhiculée par mes propos.Bon hiver à tous mes lecteurs et restez informés!Que nousréserve 2013?RICHARD T.camelot, métro Place-des-ArtsL’année 2012 en fut une difficile pourmoi, surtout en ce qui a trait à la vente dumagazine. Je me lève tous les matins avant6 heures pour être à mon poste au métro,dès 7 heures. Pourtant, l’année dernière,j’avais vraiment de la difficulté à écoulermes magazines et peu de personnes me gratifiaient d’un sourire. Çane coûte pas cher, un sourire, et ça met du baume au cœur. J’espèredonc que, cette année, mes ventes vont augmenter et je m’engage àêtre toujours fidèle au poste, avec ma bonne humeur. Vous ne pouvezpas savoir à quel point c’est gratifiant de jaser avec mes clients, de leursouhaiter une bonne journée et même parfois de les informer. Je suisaussi une grande oreille et je prends le temps d’écouter ma clientèle.Je l’aime ma clientèle! Heureusement, certains me le rendent bien etm’encouragent régulièrement à continuer. Ils me disent tout le temps«Ne lâche pas Richard» et c’est ce qui me fait persévérer.À tous mes lecteurs et lectrices, je souhaite donc une excellente année2013.papillonmARIOcamelotIl y a plusieurs années, on avaitdécidé de faire une randonnée sur unemontagne. On était un groupe de sixpersonnes, je marchais loin de mescompagnons, un peu en retard sureux… Je me rappelle d’un oiseau qui sepromenait d’un arbre à l’autre commes’il me suivait, en gazouillant…J’étais essoufflé, car en montant les pentes, je fumais des cigarettes.Après un grand effort, j’ai rattrapé mes collègues. J’étais l’avantdernierdu groupe quand j’ai entendu la voix de mon amie derrièremoi crier : «Oh! Un papillon mort!» Alors, je me suis retourné enlui demandant de me passer le papillon, car curieux comme j’étais,je voulais le voir.Elle a déposé le papillon sur la paume de ma main. Il avait l’air mort,évidemment, et moi pour faire une blague, j’ai lancé le papillon enl’air en disant : «Mais non, il n’est pas mort!» Et le papillon a prisson envol à ma grande surprise et est parti dans le ciel!Quand je suis découragé, je pense à cette histoire et ça me donnedu courage. Peut-être existe-il une force quelconque qui essaie denous protéger?Je vous souhaite à tous un bel hiver.L’ItInéraIre15 janvier 201337


les coulisses de l’itinéRAiRe/ motsdecamelots/et la lumière fut!CYLVIE GINGRASchroniqueuse de rueJe suis tellement myope que sans lunettes,ce n’est pas une canne blanche dont j’aibesoin, mais d’un chien Mira. De plus,je suis presbyte et astigmate. Mais, enfin,j’ai mes nouvelles lunettes, et deux pairesplutôt qu’une. Ça me fait drôle d’êtrecapable de lire le nom des rues ainsi queles adresses : et la lumière fut!J’ai fait affaire avec Philippe Rochette, le bonhomme à lunettes, l’opticienbien connu des organismes communautaires. Étant sur le «mal-êtresocial» depuis quelques mois seulement, je n’étais pas admissible pourqu’on me paie mes lunettes. J’ai payé de ma poche et je n’aurais pas pu sij’avais fait affaire avec un bureau d’opticien régulier.Être pauvre, c’est être dépouillé de sa dignité et je le sens quand, parexemple, je dois payer en plusieurs versements ce que je veux m’offrir.Avec le bonhomme à lunettes, le fait d’être sur le «mal-être social» joueen notre faveur parce qu’on peut s’offrir des lunettes pour seulement 20 $.Merci le bonhomme à lunettes, car maintenant, je vois plus loin que lebout de mon nez.www.bonhommealunettes.orgpaix dans moncœurune meilleureannée 2013RéAL SENéCALcamelot, rue ontarioAprès une année de corruption, d’électionset de problèmes environnementaux, il esttemps d’envisager une année 2013 positive.Pour ma part, je me souhaite de vendrele plus de journaux possible, d’avoir desconversations enrichissantes avec mesclients et de rencontrer de nouvellespersonnes. J’espère conserver assez de santé, malgré mes 71 ans,pour pouvoir me rendre quotidiennement à mon point de vente.En ce qui concerne la société en général, j’aimerais que les inégalitéssociales s’estompent et que les gens vivent heureux, sans trop deproblèmes financiers. Je voudrais également que cessent toutesles guerres dans le monde ainsi que l’exploitation des enfants. N’ya-t-il rien de plus triste qu’un enfant qui souffre de la faim et quiest obligé de se prostituer pour manger? Vous me trouvez peut-êtrenaïf, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’un jour, nous auronsune société juste et équitable pour tous.À tous mes lecteurs et lectrices, je souhaite une année pleine deprojets constructifs et valorisants.Les «rochelaga-Maisonneuve»SERGE DUmONTcamelot à l’angle des rues saint-denis etMarie-Anne (Renaud-bray)Chers lecteurs,Je vous donne enfin de mes nouvelles.Mes amis, vous avez réussi à me redonnerde la paix dans mon cœur par votre trèsgrande générosité tant matérielle quespirituelle. Je vois beaucoup de personnes passer devant le magasinet elles ont l’air à l’aise financièrement. Elles n’ont pas l’air perduesou seules. Cela fait beaucoup pour moi. En moyenne, les gens sontgentils, ils pensent aux pauvres.Merci beaucoup et à bientôt!Il était une foiskATTY D’AmOURSex-camelotIl y a environ trois ans, j’étais dans uncrackhouse. Au moment où je fais ma puff,pas le temps de ramasser ma roche, j’aipogné tout un rush : les policiers étaientlà. Ils me disent : «Lève tes bras en l’air.»Je réponds : «Non, non, non, non! J’aitrop peur que tu me tires.» Moi pis monrush, pis mon casque de hockey, pis mes palpitations au cœur, on ditau policier : «Si ça court, tire, si ça tire, cours.» Là, tout le monde étaitsur un rush. Rochelaga-Maisonneuve, dorénavant, ne prendra plus deroches. En conclusion de cette histoire vécue, on était tous assis dehorsavec les menottes dans le dos et ça a duré deux heures. Ils nous prenaientmême en photo, c’était humiliant. On s’en est quand mêmebien sortis. Alors, selon mon expérience, ne retournez jamais dans uncrackhouse et lâchez le crack. Je vous souhaite de vous en sortir. Bonnejournée et gardez le sourire!mICHEL DESJARDINScamelot devant le magasin la cordée (rue sainte-catherine est)Moi qui suis bien plus à l’aise devant La Cordée, à raconter des blagues à mes clients, qu’avec une plume, je tiens à vous direque j’apprécie beaucoup votre fidélité et votre endurance à m’encourager à ne pas me décourager, et ce, depuis si longtempsJe tiens à vous souhaiter à tous une bonne et heureuse année 2013!38L’ItInéraIre15 janvier 2013


les coulisses de l’itinéRAiRe/ motsdecamelots/À quand desexemples pour lajeunesse?RéAL LAmbERTcamelot, angles Mont-Royal/Papineau,de lanaudière/laurier et de lanaudière/de lorimierQuand j’étais adolescent, dans les années1960, il y avait des artistes qui chantaientavec cœur et savaient communiquer leursétats d’âme. Il y avait Gilbert Bécaud etJacques Brel, de même que Guy Béart.«Jeunesse d’aujourd’hui» au Québec a faitconnaître Pierre Lalonde, Michel Louvain,de même que Donald Lautrec.Au hockey, il y avait aussi des garscomme Jean Béliveau, Maurice Richard,Henri Richard et Guy Lafleur : ils nousapportaient une fierté d’être Québécois,car ils étaient travaillants et disciplinéset savaient quoi faire pour gagner desmatches. Aujourd’hui, je ne retrouve pascela. Est-ce que la ligue nationale et le showbusiness, dû aux avancées techniques et à lamontée du prix des billets et des salaires,n’ont pas su garder la camaraderie quianimait le spectacle d’autrefois?Aussi, la télévision nous apportait de bonsmoments et nous montrait le beau côtédes Québécois et leur sens de l’humour.Nous avions des acteurs comme OlivierGuimond, Fernand Gignac et GillesLatulippe. Nous avions aussi des émissionsqui représentaient le folklore canadien.Aujourd’hui, la téléréalité et les grossesproductions américaines nous ont envahiset le voyeurisme et la violence avec beaucoupd’effets spéciaux ont remplacé cela. Deplus, il y a beaucoup de commerciaux pourvendre des produits souvent non nécessaireset de piètre qualité. Quand verrons-nousun changement des producteurs pour queles idoles retrouvent leur noblesse et soientdes exemples pour la jeunesse?Ça m’énerve!LINDA PELLETIERRéceptionniste à L’ItinéraireQuand je prends la peine de chercher unmot dans le dictionnaire et qu’il ne s’ytrouve pas, ça m’énerve!Pourquoi plusieurs auteurs contemporainsse sentent-ils obligés d’employer des motsrarissimes qu’on est forcé de chercher dansle dictionnaire? Ils étalent leur culture àgrandes couches de peinture et ça m’énerve!Pourquoi faut-il que ça nous pique toujoursà des endroits qu’on ne peut atteindre avecnos ongles? Ça m’énerve!Les gens qui disent si j’aurais, qui semarissent, qui tusent, qui marchent à pied,qui connaissent des amis qui se couchentà minuit le soir, ça m’énerve!Ceux qui les reprennent m’énerventencore plus, d’autant plus que j’en faispartie! Ça m’énerve!Quand le voisin d’au-dessus marche sur destalons autour de minuit le soir, alors quej’aimerais bien dormir et me lever avantmidi le jour, ça m’énerve!Les personnes qui marchent en se traînantles pieds comme s’ils traînaient un sac deciment sur les épaules, ça m’énerve!Je déteste les pubs en général, mais ce quime tanne encore plus, c’est quand passetoujours la même pub, alors que le rabaisdu produit qu’on annonce est périmé. Çam’énerve!Les gens qui sapent en mangeant, ça m’énerve!Quand mon interlocuteur a sans arrêt uneobjection à chacune de mes phrases, ouimais, oui mais, ça m’énerve!Quand je rencontre quelqu’un sur le trottoiret que je me déplace vers la droite pourlaisser passer la personne, que celle-ci faitde même, alors je m’enligne vers la gaucheainsi fait l’autre, voulez-vous danser? Çam’énerve!Et vous, qu’est-ce qui vous énerve?L’ItInéraIre15 janvier 201339


geP_4C_FalfAu lieu d’accumuler inutilement des points pour un malaxeur,vous pourriez assurer la sécurité d’un défenseur des droitshumains. La carte VISA Desjardins Amnistie internationale. La seule carte qui sert de vrais intérêts.Demandez cette carte via amnistie.ca/visaAICAN001-Itineraire_PP_4C_F.indd 112-11-06 3:14 PM


fRANCk LAmbERTchroniqueur de rueles coulisses de l’itinéRAiRe /chroniquederue/SORTIR GUéRI DE mONHÔPITAL émOTIfJ’ai horreur de ça quand je suis dans un état lamentable. La débarque est dure àsupporter dans cette situation. Je mords la poussière. J’en ai tellement marre que j’aiseulement envie de tout laisser tomber malgré mes efforts. Je déteste me retrouverau fond du tunnel sans voir la lumière au bout. Il m’est difficile de gérer le tout sanstomber dans l’abîme du désespoir. La tentation de l’autodestruction est très présente ettrès néfaste quand elle gagne. Et pourtant, c’est une situation qu’on retrouve partoutdans notre société, peu importe les couches sociales. J’ignore la réaction des autrespersonnes sur ce sujet épineux. Leur manière de s’en sortir diffère de la mienne. Pourma part, je veux parler de ma santé mentale, qui me joue souvent des tours pénibles.C’est l’histoire de ma vie depuis longtemps.En effet, mon moral et ma santé mentalefluctuent souvent et rapidement. Et c’estdifficile à supporter quand mon étatmorose perdure. J’ai un suivi médical avecmédication. J’en suis rendu à un point oùc’est nécessaire pour mon équilibre mental.Mon passé familial pèse très lourd. Eneffet, je réalise qu’il n’y avait pas d’échangesdans mon enfance. Je n’avais pas appris àcommuniquer quand j’étais jeune. C’étaitpresque la loi de l’omerta. Je n’avais pasla chance de m’exprimer ouvertement,car l’atmosphère n’était pas propice audialogue. Par conséquent, j’ai certainesdifficultés à être à l’aise avec les gens et àentamer des conversations constructives.Je fais aussi le constat que je refoulais messentiments et mes émotions. Je suis quandmême sain d’esprit malgré mes lacunesémotives et mentales. Je commence à enêtre conscient et je tente de corriger le tirau fur et à mesure que je développe mamaturité affective. Je dois être prêt afind’effectuer les changements qui s’imposent.Mes expériences de travail m’ont aussigrandement affecté. Notamment, j’avaisbeaucoup de difficulté à travailler enéquipe, à savoir comment bien mecomporter avec mes collègues et à avoirune certaine retenue avec les gens.Je manquais d’expérience et j’étaisinconscient. Ce qui m’a amené à êtreen conflit avec certaines personnes. Jene pensais pas encore que ma conditionmentale avait un lien avec tout cela. J’aidonc eu des périodes de questionnementset de dépression. La perte de mesemplois m’a aussi grandement affectéau point que je devais me débattre poursurvivre. L’insécurité financière quien a découlé m’a poussé à une pénibleinstabilité affective et mentale. Je doutaisbeaucoup de mon avenir.Ce sont le reculet mes expériences qui me permettentde comprendre aujourd’hui ce que j’étaisalors et comment je suis actuellement.L’ItInéraIre15 janvier 201341


les coulisses de l’itinéRAiRe/ chroniquederue/Mon insécurité et mon manque deconfiance sont tellement ancrés en moi queje doute souvent de mes capacités et de mesqualités. C’est particulièrement évidentlors de mes entrevues d’embauche. Je suissi habitué à être dans un état de morosité etde doute que je ne réussis pas à me mettreen valeur. Je me dévalorise en dévoilantdavantage mes faiblesses que mes qualités.Je suis souvent sur la défensive et je reçoisrégulièrement des commentaires négatifs.Je doute de mes qualités, même lorsque lesgens me disent que j’ai du talent ou qu’ilsremarquent mes bons côtés. Il m’arrive deressentir que je suis le dernier à y croire.Je commence à peine à reconnaître que j’aides forces en moi. Actuellement, je n’osepas passer des entrevues d’emploi, car je mesens encore d’humeur instable et ma santémentale est fragile. J’ai encore beaucoup desable dépressif dans ma bouche émotive.En 1993, je suis retourné aux études carj’avais mieux ciblé le domaine dans lequelje voulais étudier. J’étais motivé et décidé.J’avais choisi un champ d’études qui meconvenait. J’ai eu des hauts et des basdurant cette période scolaire. J’ai eu autantde bonnes périodes où tout allait bien quede mauvaises, où j’ai dû ramer quand j’étaisincertain de pouvoir payer mon loyer.Je me souviens très bien du mois d’août1995 quand je n’avais plus d’emploi audébut de ma session d’études. J’ai tentéde me raccrocher à mes cours malgréle mal à l’âme. J’ai aussi été victimed’un vol qualifié chez moi durant monsommeil. J’ai eu peur d’y laisser la vie.Je suis chanceux de m’en être sortiavec seulement des bleus aux yeux. J’aipoursuivi mon parcours scolaire parla suite avec les conséquences de monimpuissance et de mes difficultés dansmes relations avec les autres. J’ai obtenumon diplôme en 2001. Une fierté pourmoi à l’époque!Je dois aussi reconnaître que j’ai eu de bonsmoments dans ma vie. Comme trouverun nouvel emploi, recevoir de bonnesnouvelles ou me sentir fier de mes bonscoups. Ma vie est ainsi faite. Le côté positifest relativement présent. Je vis ainsi despériodes heureuses où je saute de joie. Enquoi cela peut-il m’affecter quand les gensme regardent d’un drôle d’air quand je suisjoyeux? Je ne m’en fais aucunement. Ils sontpeut-être jaloux de mon sourire, qui sait? Jene suis pas dans leur tête.Je conclus de tout cela que je déteste avoirdes périodes noires dans ma vie. Je n’essaiepas toujours de comprendre les motifs deces moments pénibles. Mais je sais queje passerai au travers en prenant le tempset les moyens pour remonter la penteémotive. Je choisis de vivre dans ma proprepeau. Je fais donc bien de me préoccuperde ma santé mentale et de tenter dem’améliorer au quotidien. Je dois pour celame détacher des problèmes des autres touten me concentrant sur ma situation. Jeprends les dispositions nécessaires quandje suis dans une période sombre de mavie. Même si je suis une montagne russeémotionnelle, je me dois d’utiliser monénergie créative pour faire disparaître monmarasme négatif. Je garde l’esprit ouvertafin de changer les choses que je peuxdans mon environnement immédiat. Etla vie se chargera d’aplanir les difficultés.Je dois d’abord prendre soin de moi et dema santé mentale, tout en puisant dansles ressources utiles à mon mieux-êtredans ma vie actuelle. Je commence àmieux me connaître et à investir dans monrétablissement. J’ai hâte au moment où mesidées noires et mon état dépressif serontderrière moi. Je veux devenir heureux dansma vie. Je prends actuellement les moyensnécessaires pour que mon rêve devienneréalité. Et j’ai les ressources pour le faire ;je les saisis à pleines mains. Que la forcesoit avec moi! Je suis le Jedi qui terrassera leDarth Vader obscur. Je suis aussi le boxeurqui refuse de raccrocher ses gants malgréses blessures intérieures. Je suis passédes soins intensifs à la salle de réveil. Jesortirai de mon hôpital émotif afin de jouirpleinement de ma vie. C’est en pratiquantque je vais m’améliorer. Et en rencontrantles bonnes personnes sur ma route. Monchemin de croix est long et fastidieuxmais je serai vainqueur. Hourra pour unavenir meilleur!42L’ItInéraIre15 janvier 2013


T-SHIRTS À L’EffIGIEDE PAbLO ESCObARPresque deux décennies après la mort du baron de la drogue,le Colombien Pablo Escobar, son fils aîné est aujourd’hui partià la conquête du marché mexicain avec une ligne de vêtementsà l’effigie de son père. Les t-shirts tendance de SebastianMarroquin se vendent comme des petits pains dans les Étatsmexicains les plus touchés par la sanglante guerre contre letrafic de drogues.Au Mexique, la violence liée aux drogues a fait environ 60 000 mortsau cours des six dernières années. Les analystes préviennent que lapopularité de la ligne de vêtements «Escobar-Henao» ne fera toutsimplement que renforcer la fascination, déjà bien présente chezles jeunes Mexicains, pour les symboles liés au monde des cartels,tels les feuilles de marijuana et les AK-47.Les t-shirts arborent des photos du patron du cartel de Medellin,qui inonda le monde de cocaïne avant d’être abattu en 1993. Leurprix oscille entre 65 et 95 dollars, ce qui représente une petitefortune pour un pays où la moitié de la population vit sous le seuilde pauvreté.(Source : Reuters)1UN THéâTREPOLONAIS bRAqUELES PROJECTEURSSUR LES SANS-AbRIUn nouveau théâtre polonais offre aux sans-abri et aux chômeursde Varsovie — ainsi qu’à quelques vendeurs du journal de rue localWSPAK — la chance de se retrouver sous les feux de la rampe.Le programme offert aux sans-abri et aux vendeurs de journaux derue à Varsovie a été lancé par Gregory Bands, un étudiant de l’Écoledes hautes études en sciences sociales. Afin de finaliser la mise enscène de la pièce (dont la ligne directrice est celle des relations entreles sans-abri), des ateliers ont été organisés.Les participants auront l’opportunité de s’exprimer, de se libérerd’émotions refoulées et d’apprendre de nouvelles méthodes pourfaire face à leur situation. Il est communément admis que jouer lacomédie «offre une coupure avec le quotidien» et «donne la possibilitéde transmettre une certaine part de vérité à propos de sa propre vie».Marzena Kaminska, une psychologue travaillant dans un centred’accueil pour sans-abri à Varsovie, estime que le projet pourra aussiaider à mettre fin aux stéréotypes profondément ancrés dans la sociétésur l’itinérance et offrir aux participants une espèce de catharsis quileur permettra de voir leur situation d’un nouvel œil.(Source : WSPAK)les coulisses de l’itinéRAiRe/globe-trottoir/TexTes lus dans l’un des journaux de rue membresde l’InTernaTIonal neTwork of sTreeT PaPers (InsP)AU mALAWI, L’EXPLOITATION DESTRAVAILLEURS DU TAbAC PEUT êTRE éVITéEÀ ce jour, des familles entières d’ouvriers sont impitoyablement exploitées par des propriétaires de plantations de tabac dans les villes deLilongwe, Mchinji et Mzimba au Malawi. Depuis 1995, une loi sur le travail qui pourrait protéger les travailleurs contre les abus qu’ilssubissent a été retardée à plusieurs reprises par le parlement.L’une des ouvrières, Dolophina Manguluza, affirme qu’ils n’ont pasaccès aux médicaments, à l’eau potable, au logement, au transport,au congé maternité ou encore à la gratification de décès. «Ce n’estpas une exagération quand nous disons que nous n’avons rien. Il n’ya absolument pas de nourriture dans la maison, nos enfants sonttoujours tout nus et ont souvent l’estomac vide». Elle ajoute qu’avecun manque d’agents de santé qualifiés, de nombreuses femmes etenfants meurent de complications survenues durant l’accouchement.Sans la législation nécessaire, les travailleurs restent impuissantset à la merci des propriétaires de plantations. Comme le souligneManguluza: «Nous continuons à vivre dans un donjon de pauvretéet pour tout le travail que nous faisons, nous ne recevons rien».(Source: The Big Issue Malawi)<strong>L'Itinéraire</strong> est membre du International Network of Street Papers (Réseau International des Journaux de Rue - INSP).Le réseau apporte son soutien à plus de 120 journaux de rue dans 40 pays sur six continents. Plus de 200 000 sans-abriont vu leur vie changer grâce à la vente de journaux de rue. Le contenu de ces pages nous a été relayé par nos collègues àtravers le monde. Pour en savoir plus, visitez www.street-papers.org.23L’ItInéraIre15 Janvier 201343


les coulisses de l’itinéRAiRe/ chroniqueéconomique/GILLES L. bOURqUEcoordonnateur auxéditions vie économique (eve)LES SUbVENTIONS AUXéNERGIES fOSSILES :UNE SITUATION INTOLéRAbLEGILLES bOURqUEDepuis le début de leur exploitation, les énergies fossiles ont, à un moment ou à unautre, profité de l’aide publique. Mais depuis quelques années, avec un accès de plusen plus difficile aux nouvelles sources d’approvisionnement, on voit certains paysproducteurs de pétrole admettre l’idée que le développement de l’industrie impliqueune aide fiscale généreuse pour éviter la perte graduelle de compétitivité de cesressources par rapport aux énergies propres.Le Canada fait partie de ces pays. Lesdépenses fiscales du pays en faveur desénergies fossiles sont principalementréalisées par le fédéral et les provincesproductrices. Pour 2008 seulement,elles représentaient un montant de2,84 milliards de dollars. La part la plusimportante provient du gouvernementfédéral (1,4 milliard de dollars), pour desdépenses liées principalement au soutiende l’industrie des sables bitumineux del’Alberta. Puisque le Québec représente23 % de la population canadienne, onpeut donc conclure que les Québécoisont contribué, en 2008, à hauteur de320 millions de dollars à ces dépensesfiscales. Dans la mesure où on prévoitmultiplier par deux la production pétrolièredérivée des sables bitumineux d’ici 2020,les spécialistes prévoient que le coût de cesdépenses fiscales doublera d’ici cette date.On peut donc estimer que la contributiondes Québécois atteindra 640 millions dedollars en 2020. Si l’on fait l’hypothèsed’une croissance linéaire de ces subventions,le coût fiscal total s’élèverait à plus de5 milliards de dollars pour les Québécoispour l’ensemble de la période 2008-2020.Mais les pays producteurs ne sont pas lesseuls à soutenir fiscalement l’utilisationdes énergies fossiles. En France, on estimeque, chaque année, les soutiens publicsliés à la consommation d’énergies fossilesreprésentent jusqu’à 33 milliards d’euros!Récemment, dans le cadre de la politiquede réduction des dépenses du nouveaugouvernement socialiste, des associationsde protection de l’environnement et plusde 50 économistes proposaient justementde revoir à la baisse ces dépenses. Il fautsavoir que la Commission européenneelle-même encourage les États membresde l’Union européenne à abandonnerces subventions.Au niveau international, les énergies salesseraient, dans certains pays, davantagesoutenues financièrement que les énergiesrenouvelables. Selon les chiffres del’Agence internationale de l’énergie (AIE),ce serait près de 500 milliards de dollarsqui auraient été dépensés pour soutenir lesénergies fossiles dans le monde en 2010,principalement dans les pays de l’Est etdu Sud, contre moins de 66 milliards dedollars pour les énergies renouvelables. Ilfaut cependant préciser que les subventionsà la production d’énergies fossiles (commecelles mentionnées plus haut pour lessables bitumineux) représentaient un totalde 100 milliards de dollars, le reste étantplutôt des subventions à la consommation(pour les populations les plus pauvres).Mais seulement une fraction de cesdernières subventions iraient réellementaux plus pauvres. L’AIE note que latendance des dépenses fiscales en faveurdes énergies fossiles serait à la baisse. Cene serait pas étranger au fait que, lors dela Conférence des parties à la Conventionsur la diversité biologique à Nagoya en2010, la suppression des subventionsnéfastes était une priorité pour luttercontre l’érosion de la biodiversité. Lesefforts de la communauté internationaleet des organisations de la société civileauraient donc des résultats. Mais pas auCanada semble-t-il!44L’ItInéraIre15 janvier 2013


les coulisses de l’itinéRAiRePhoto : Alex PAillonsalut <strong>Manon</strong>MAnon GRAvel,cAMelot à l’itinéRAiRe, estdécédée le 5 noveMbRe 2012.(Photo : PieRRe-luc dAoust)Le 5 novembre 2012, <strong>Manon</strong> Gravel est décédée à l’âge de 51 ans. La belle <strong>Manon</strong>, toujours coquette, vendaitL’Itinéraire depuis les tout débuts. Ces derniers temps, <strong>Manon</strong> rencontrait ses clients dans le quartier Centre-Sud, plus précisément devant le Pharmaprix situé à l’angle des rues Champlain et Ontario. <strong>Manon</strong> ne l’a paseu facile dans sa vie, comme en témoigne le camelot Gabriel Bissonnette dans cette page. Native de Joliette,<strong>Manon</strong> était maman d’une jeune femme de 30 ans et grand-mère de deux petits enfants.comme une guerrière(La rédaction)L’indomptable et infatigable <strong>Manon</strong> Gravel. Je connaissais <strong>Manon</strong> depuis 20 ans. Cette battante, qui sefaisait battre plus souvent qu’à son tour par ses amis de cœur, se relevait toujours pour se battre cette fois-cicontre sa maladie mentale. Notre grande malade ne baissait jamais les bras contre les préjugés face à samaladie et ses problèmes de consommation. Cette héroïne, qui échouait souvent dans ses tentatives d’arrêterde consommer, ne lâchait pourtant jamais. À chaque fois qu’elle tombait, elle se relevait et ça, à tout coup.Elle reprenait toujours là où elle avait laissé. Sa vie était un combat de tous les jours. Ce que je me rappelle decette femme, c’est qu’elle était une femme généreuse et joyeuse qui aimait la douceur… mais qui recevait dela violence! Une grande qualité de cette femme vaillante était la débrouillardise : elle était capable de se sortirde toutes ses difficultés, peu importe les problèmes qui se présentaient devant elle. <strong>Manon</strong> était courageuse.Fonceuse jusqu’à la dernière seconde de sa vie comme une guerrière sur un champ de bataille.(Gabriel Bissonnette)L’ItInéraIre15 janvier 201345


sudoKu2 8 7 66 3 58 17 3 9 14 8 7 35 91 9 6 32 1 4 646NIVEAU DE DIffICULTé : mOYENPlacez un chiffre de 1 à 9 dans chaque casevide. Chaque ligne, chaque colonne et chaqueboite 3x3 délimitée par un trait plus épaisdoivent contenir tous les chiffres de 1 à 9.Chaque chiffre apparaît donc une seule foisdans une ligne, dans un colonne et dans uneboite 3x3.Jeu réalisé par ludipressesolidARité dAns le MétRoL’ItInéraIre15 janvier 2013notre LogICIEL DE suDokus estmaintenant disPonible.10 000 sudokus inédits de 4 niveaux parnotre expert, Fabien savary. en venteexclusivement sur notre site.www.les-mordus.Cominfo@les-mordus.comLes deux font la paireaux stations de métro Place St-Henri et LaSalle que Diane Gariépy et Gaëtan Vaillancourtvendent L’Itinéraire. «On travaille ensembleC’estparce que c’est plus le fun», raconte Gaëtan enlançant un regard à Diane. Pour elle, c’est aussi une question desécurité. «C’est rassurant d’avoir un homme avec soi lorsqu’unpassant est menaçant», lance-t-elle. Vendant L’Itinéraireensemble depuis près de sept mois, ils confirment qu’un c’estbien, mais deux c’est mieux.La complicité qui s’est établie entre les deux camelots s’étendaux employés de la STM. Témoins du quotidien du métro, ils4 6 5 8 7 9 2 3 13 7 2 1 4 5 6 9 81 9 8 6 2 3 4 5 75 4 9 3 1 2 8 7 66 1 3 7 5 8 9 2 42 8 7 9 6 4 3 1 57 3 4 5 9 6 1 8 29 2 1 4 8 7 5 6 38 5 6 2 3 1 7 4 91 9 8 6 2 3 4 5 73 7 2 1 4 5 6 9 84 6 5 8 7 9 2 3 18 5 6 2 3 1 7 4 99 2 1 4 8 7 5 6 37 3 4 5 9 6 1 8 22 8 7 9 6 4 3 1 56 1 3 7 5 8 9 2 45 4 9 3 1 2 8 7 6voient fréquemment les petits méfaits de certains utilisateurs.Il y a deux semaines, Diane et Gaëtan ont vu un travailleurde la STM éprouver des problèmes avec des individus quisautaient par-dessus les tourniquets pour ne pas avoir â payerleur passage. Solidaires desemployés de la station, ilssont allés raconter l’incidentà un garde de sécurité. «Lespersonnes en question ont étéretrouvées», assure Gaëtan.(vAnessA hébeRt)98 7 314 639 15

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