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(I.) et Mouloungui (C.), Des soignants sans blouse ni tunique demain

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I. DEVOS, Cadre de santé, CH TourcoingCl. MOULOUNGUI, MCF, LABRIIIsabelle Devos <strong>et</strong> Clotaire <strong>Mouloungui</strong><strong>Des</strong> <strong>soignants</strong> <strong>sans</strong> <strong>blouse</strong> <strong>ni</strong> tu<strong>ni</strong>que <strong>demain</strong> ?Introduction ......................................................................................... 2I. – Les objections aux tenues de travail des hospitaliers .................... 4A. – Les objections juridiques des <strong>soignants</strong> .................................... 41. – Une suspension de la liberté vestimentaire............................. 42. – L’exclusion de l’expression religieuse pour une laïcitévestimentaire ........................................................................................... 63. – La stigmatisation vestimentaire des subordonnés .................. 8B. – Les objections économiques des hôpitaux................................. 91. – Le coût d’achat <strong>et</strong> d’entr<strong>et</strong>ien des u<strong>ni</strong>formes ....................... 102. – Le temps d’habillage <strong>et</strong> les cotisations sociales.................... 11II. – Les intérêts des tenues de travail des hospitaliers ...................... 12A. – La dimension protectrice des tenues de travail ....................... 121. – La lutte contre les infections nosocomiales.......................... 122. – L’hygiène <strong>et</strong> la sécurité des personnels ................................ 15B. – Les côtés psychosociologiques des u<strong>ni</strong>formes ......................... 171. – L’identification des acteurs de santé .................................... 172. – La confiance des <strong>soignants</strong> <strong>et</strong> des patients ........................... 183. – L’identité <strong>et</strong> l’image des personnels de santé ....................... 20Conclusion ......................................................................................... 22


Texte de Clotaire <strong>Mouloungui</strong> <strong>et</strong> de Devos.doc ?IntroductionEn vue d’un meilleur management des hôpitaux, des cadres de santédiplômés prennent progressivement la place des surveillantes naguère forméessur le tas, dans l’établissement même. Ces cadres nouveaux possèdent unedouble compétence paramédicale <strong>et</strong> gestionnaire. Parmi les tâches qui leursont dévolues, il y a la dispo<strong>ni</strong>bilité des produits <strong>et</strong> des dispositifs médicaux, laconfection des emplois du temps des <strong>soignants</strong> <strong>et</strong> la surveillance de leurprésentation physique. À ce propos, ils vérifient que les ongles sont courts <strong>et</strong><strong>sans</strong> ver<strong>ni</strong>s ; que les mains <strong>et</strong> poign<strong>et</strong>s ne comportent pas de bijoux ; que lescheveux longs sont attachés ; que les chaussures sont fermées <strong>et</strong> que la tenuevestimentaire est irréprochable. Par exemple, l’on attend des infirmièresqu’elles ôtent les pulls parfois conservés sous leur tenue de travail. Pourtant,peu savent pourquoi ce contrôle <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te tenue. La même ignorance règne <strong>sans</strong>doute dans les structures où se porte aussi un u<strong>ni</strong>forme. Logiquement, toutmanager devrait connaître les tenants <strong>et</strong> les aboutissants des u<strong>ni</strong>formes dont ilsurveille le port. Il y ferait plus commodément adhérer son équipe.L’une des justifications premières des u<strong>ni</strong>formes semble être qu’ilseffacent les différences qu’introduiraient les goûts vestimentaires ou larichesse de chacun. À l’origine d’ailleurs, la jeune femme devenait infirmièrepour échapper aux travaux des champs ou au travail à l’usine. Enconséquence de quoi c<strong>et</strong>te paysanne troquait ses haillons contre de beauxvêtements. L’hôpital four<strong>ni</strong>ssant aussi bien les tenues de ville que les tenuesde travail. Depuis les années 1970, l’on a abandonné la four<strong>ni</strong>turepaternaliste des vêtements de ville. Dès lors, la persistante distribution de latenue de travail ne pourrait-elle pas disparaître à son tour ? Le cas échéant, lafaçon de servir du personnel s’en ressentirait-elle ? C’est la question del’intérêt des <strong>blouse</strong>s <strong>et</strong> tu<strong>ni</strong>ques-pantalons des <strong>soignants</strong>. On observera que lesadmi<strong>ni</strong>stratifs hospitaliers, particulièrement les directeurs, sont habillés encostume <strong>et</strong> cravate. Les cadres admi<strong>ni</strong>stratives portent couramment untailleur, <strong>et</strong> les secrétaires des services centraux de l’hôpital conservent leurstenues civiles. En revanche, les secrétaires des u<strong>ni</strong>tés de soins revêtent soit une<strong>blouse</strong>, soit une tu<strong>ni</strong>que-pantalon (ou pyjama). Comme, respectivement, lesmédecins <strong>et</strong> les paramédicaux que sont les infirmières, les kinésithérapeutes,les ma<strong>ni</strong>pulateurs radio, les diététiciens, <strong>et</strong>c.L’imaginaire populaire associe volontiers le monde médical au vêtementblanc. Une couleur quasi-exclusive dans la période allant d’environ 1920 à1970. Or, comme chacun sait, selon les civilisations, les couleurs ont unesig<strong>ni</strong>fication différente. En France, le blanc est lié à la pur<strong>et</strong>é, à ladispo<strong>ni</strong>bilité, à la sagesse, voire même à la réussite sociale. En eff<strong>et</strong>, « le blancest le signe majeur de la distance aux travaux manuels (agriculture,- 2 -


Texte de Clotaire <strong>Mouloungui</strong> <strong>et</strong> de Devos.doc ?industrie) » (Cf. Pierr<strong>et</strong>te LHEZ). C’est la traditionnelle distinction entre les« cols blancs » (ingé<strong>ni</strong>eurs <strong>et</strong> admi<strong>ni</strong>stratifs) <strong>et</strong> les bleus ou salop<strong>et</strong>tes (lesmanuels). Autrefois, l’ouvrier m<strong>et</strong>tait sa chemise blanche seulement ledimanche (pour se rendre à l’église). Néanmoins, d’autres couleurs sont(ré)apparues à l’hôpital. Déjà, dans les années 1960, la couleur vert pâle (Blocopératoire) ; ou dans les années 1980, le bleu (Réa<strong>ni</strong>mation). Or c<strong>et</strong>te couleurbleue symbolise plutôt le travail manuel, l’artisanat. Comment interpréter cesévolutions ? Précisons que chaque établissement de santé jouit d’une certaineliberté quant aux tenues choisies pour ses agents. Cela doit-il pour autantempêcher une réflexion d’ensemble sur l’habillement des professionnels desanté ?Au fond, c<strong>et</strong>te question des tenues de travail déborde la stricte gestiondes ressources humaines. Car la Direction des affaires générales <strong>et</strong> juridiquespeut avoir à s’inquiéter de leur légalité, quand un soignant fait preuved’hostilité à l’u<strong>ni</strong>forme ou de fantaisie vestimentaire. Un deuxième type decontentieux, disciplinaire ou pénal, se conçoit au regard des risques decontamination imputables à une tenue non-conforme. C’est précisément ledomaine du directeur de la Qualité, en lutte contre les infections nosocomialesau moyen des meilleures tenues possibles. Sa préférence allant surtout aux« usage u<strong>ni</strong>que » (les UU) en non tissé, au détriment des vêtements enpolyester, en coton, ou en polyester-coton. Alors, la Direction financière doitse demander si finalement leur coût demeure raisonnable pour l’établissementde santé. Pour sa part, le Directeur de la Commu<strong>ni</strong>cation se préoccupe del’image de marque de l’hôpital <strong>et</strong> de la commu<strong>ni</strong>cation non verbale permisespar les <strong>blouse</strong>s blanches. Quant au Directeur des ressources humaines, il luiappartient de penser au ressenti des personnels vis-à-vis de leur tenue d<strong>et</strong>ravail. Sachant que celle-ci peut apparaître comme indifférente, commesource de fierté ou, au contraire, comme obj<strong>et</strong> de gêne.À l’issue d’enquêtes, sous forme de questionnaires <strong>et</strong> d’entr<strong>et</strong>iens surces points, vient de paraître « Tenues de travail <strong>et</strong> management desorga<strong>ni</strong>sations. La fin des <strong>blouse</strong>s blanches <strong>et</strong> autres ? » (1). Un livre quiinspire le présent bilan sur les u<strong>ni</strong>formes des <strong>soignants</strong>. En gros, il s’agit dediscerner leurs bienfaits <strong>et</strong> leurs inconvé<strong>ni</strong>ents. Cependant, l’étude ne perm<strong>et</strong>pas de trancher défi<strong>ni</strong>tivement en faveur ou en défaveur d’une péren<strong>ni</strong>té desu<strong>ni</strong>formes. Car plusieurs des éléments en jeu se comprendraient dans les deuxcôtés de la balance. Il n’en reste pas moins que notre exposé adopterésolument c<strong>et</strong>te revue des objections <strong>et</strong> des intérêts des tenues hospitalières.1 ) Clotaire MOULOUNGUI <strong>et</strong> Isabelle DEVOS, L’Harmattan, collec. L’esprit économique, 2006, 212 p.- 3 -


Texte de Clotaire <strong>Mouloungui</strong> <strong>et</strong> de Devos.doc ?règlement (les décr<strong>et</strong>s <strong>et</strong> les arrêtés, voire les circulaires). Tantôt, elle estlimitée par respect de la décence : l’individu usera de sa liberté en s’abstenantde gêner la vue de ses voisins. Ainsi, une salariée avait été valablementlicenciée pour être venue dans son entreprise avec un chemisier transparentqui montrait clairement ses seins. Ceux-ci n’étaient pas cachés par unsoutien-gorge (Cassation sociale, 22 juill. 1986). Toujours est-il qu’ailleurs,soit en vue d’un eff<strong>et</strong> comique, soit par recherche de confort, un autre salariés’était présenté en bermuda sur son lieu de travail. Or il était soumis au portd’une <strong>blouse</strong>. Méritait-il alors le renvoi ? Si oui, la cause de son licenciementdevait-il être le port d’une tenue différente de celle exigée ou plutôt le soupçonde nudité sous la <strong>blouse</strong> ? La situation est à craindre dans les établissementsde santé, puisque le port de la <strong>blouse</strong> est plutôt général. En toutes hypothèses,le récalcitrant n’a pu obte<strong>ni</strong>r sa réintégration dans l’entreprise. Le Conseild’Etat qui, lui, se prononce sur les agissements <strong>et</strong> comportementsprofessionnels des agents publics a également déjà jugé que constitue unefaute disciplinaire le fait de ne pas respecter la correction de la tenuevestimentaire (Cf. CE 16 janv. 1953).Tantôt, la liberté vestimentaire est carrément suspendue. C’est le cas dela tenue à endosser obligatoirement. La suspension suppose alors deuxconditions cumulatives. Il faut à la fois la poursuite d’un but légitime <strong>et</strong> unu<strong>ni</strong>forme adapté au but ainsi poursuivi. Naturellement, en pratique, iln’existera pas de substitut plus approprié pour atteindre ce résultat. Commenous le développons plus bas, à l’hôpital, le but poursuivi peut êtrel’identification des <strong>soignants</strong> ; ou la recherche de l’hygiène <strong>et</strong> de la sécurité ;voire la lutte contre les infections nosocomiales. Dès lors, adm<strong>et</strong>tons pourl’heure que l’u<strong>ni</strong>forme se défend. Cependant, peut-on lui apporter une touchepersonnelle, en plus ou en moins ? Car des infirmières rêvent de marquer leurfémi<strong>ni</strong>té au moyen d’esthétiques mais discr<strong>et</strong>s accessoires sur la <strong>blouse</strong>.Mieux, il y a quelques décen<strong>ni</strong>es, le maquillage a fait son apparition àl’hôpital ; les bijoux également, portés aux oreilles <strong>et</strong> au cou. La raison dec<strong>et</strong>te évolution est de « sexuer » la tenue (u<strong>ni</strong>sexe) en vigueur. Tout aucontraire, Léo<strong>ni</strong>e Chaptal (une figure du paramédical) soutenait que lesbijoux étaient « déplacés sur la personne de l’infirmière ». Mais elles’exprimait dans l’entre-deux-guerres. Désormais, les <strong>soignants</strong> doivent aiderles patients de longs séjours (gériatriques ou non) à rester beaux. Or,comment une telle volonté soucieuse du look d’autrui serait-elle crédible si lesinfirmières se négligeaient ; si elles ne prenaient pas soin d’elles-mêmes ! Iln’en reste pas moins que le souci de Chaptal était compréhensible : évitertoute connotation séductrice ou érotique. Une connotation a priori absente duport d’un voile islamique par l’infirmière.- 5 -


VOIX SOUS LES ETOILESLundi 12 juill<strong>et</strong>Site de l’Esplanade21h30Philippe LAVIL& l’Orchestre TacinelliNé en Marti<strong>ni</strong>que en 1947, Philippe Lavil débarque enmétropole en 1960 pour poursuivre ses études. Jusquelà baigné par la musique des Caraïbes, il découvre lerock <strong>et</strong> est i<strong>ni</strong>tié à la chanson par son professeurd'anglais qui n'est autre que Graeme Allwright. Lejeune homme s'achète une guitare <strong>et</strong> songe à deve<strong>ni</strong>rchanteur.Parallèlement à ses études, il enregistre un premier 45tours en 69, intitulé "A la califourchon".L'année suivante, sur une musique de Billy Bridge,sort un autre 45 tours, "Avec les filles, je ne sais pas".Suivent plusieurs simples <strong>et</strong> albums.C’est finalement en 1982 qu’il rencontre un énorme succès avec le titre écrit avec Didier Barbelivien "Iltape sur des bambous". 1,5 million d'exemplaires vendus. Début 83, un album est commercialisé, sur lequelon r<strong>et</strong>rouve des chansons plus anciennes <strong>et</strong> ses der<strong>ni</strong>ers tubes. En 85 : nouveau tube, "Elle préfère l'amouren mer", signé par Didier Barbelivien. En 86, Philippe Lavil sort un album intitulé "Nonchalances"."Ell<strong>et</strong>ricote des pulls pour personne" ainsi que "la Femme qui dit jamais je t'aime" sont les deux simples extraitsde ce disque. La culture <strong>et</strong> la musique antillaises restent très présentes dans l'oeuvre de l’artiste. En 87, ilsort un titre en duo avec Jocelyne Beroard, la chanteuse du groupe Kassav, "Kolé Séré", énorme tube,chanté pour moitié en créole. En 89, suite au décès de son père, Philippe Lavil commence à vouloirexprimer des idées <strong>et</strong> des sentiments qui lui sont propres. En 90, il écrit des chansons pour l’album "DeBr<strong>et</strong>agne ou d'ailleurs". "Si Marianne était black" rencontre un joli succès. Après l’album "Y'a plusd'hiver", lancé en 92, il revisite, en 94, ses anciennes chansons, en ajoutant quelques inédits signés BorisBergman <strong>et</strong> Pierre Grill<strong>et</strong> <strong>et</strong> enregistre "Lavil déménage". En 97, sort "Ailleurs, c'est toujours l'idéal" <strong>et</strong> en99 "Admirablement de passage". Après trois ans d’absence, il revient sur le devant de la scène avec unalbum de treize titres, "R<strong>et</strong>our à la case créole". Contrastant avec son registre habituel, il renoue là avec sesracines antillaises. Les chansons sont écrites essentiellement par Elisab<strong>et</strong>h Anaïs <strong>et</strong> les musiques parDomi<strong>ni</strong>que Fillon, Michel Héron <strong>et</strong> Philippe Lavil lui-même. L'ensemble des morceaux est très homogène<strong>et</strong> constitue un joli disque un brin nostalgique. 2007 : sortie du nouvel album « Calypso ». Le calypso estune musique de carnaval à deux temps issue des Antilles (Tri<strong>ni</strong>dad <strong>et</strong> Tobago). A la fois chanson à texte <strong>et</strong>rythme caractéristique, son influence est perceptible dans le shuffle, le ska à la fin des années 1950, <strong>et</strong> lasoca dans les années 70. Le calypso fut enregistré dès 1914 par Victor <strong>et</strong> Decca. Parmi ses représentantsillustres au fil des ans, on remarque Attila the Hun, Wilmoth Houdi<strong>ni</strong>, Lord Invader, Lord Kitchener,Mighty Sparrow, Spoiler, Duke, <strong>et</strong> Shorty. Il fut entendu pour la première fois, en grande diffusion, enAmérique du Nord, interprété par des artistes des États-U<strong>ni</strong>s comme les Andrews Sisters (dont la versionde « Rum and Coca Cola », plagiée de la composition de Lord Invader, se vendit à un milliond'exemplaires en 1945), Robert Mitchum <strong>et</strong> Harry Belafonte. Le calypso a également été intégré au mondedu jazz par des artistes comme Sonny Rollins ou Miles Davis.Tradition séculaire, le Calypso a recouvert de multiples habits. Au fil du temps, l’instrumentation, lescadences harmo<strong>ni</strong>ques, les gabarits des strophes, <strong>et</strong> même le langage ont varié. Comme le reggae ou le soncubain, le Calypso est le miroir de la société antillaise, sa pulsation vitale <strong>et</strong> son âme.Service Commu<strong>ni</strong>cation 04 94 32 97 37commu<strong>ni</strong>cation@sanarysurmer.comwww.sanarysurmer.com6


Texte de Clotaire <strong>Mouloungui</strong> <strong>et</strong> de Devos.doc ?psychiatrique dans lequel elle effectuait son stage d’application. L’arrêtéd’exclusion pris par la directrice l’a été sur la base de l’arrêté (en date du 19janvier 1988) du mi<strong>ni</strong>stre de la santé. Ce texte relatif aux études conduisant audiplôme d'Etat d'infirmier précise en son article 3 que « le directeur de l'écoleou du centre de formation prononce, après avis du conseil tech<strong>ni</strong>que,l'exclusion d'un élève pour inaptitudes théoriques ou pratiques au cours de lascolarité ».L’arrêté de la directrice de l’IFSI a été annulé par le tribunaladmi<strong>ni</strong>stratif de Bordeaux. L’explication est simple : les élèves (désormaisétudiantes) infirmières font l’obj<strong>et</strong> de deux types de contrôles. L’un estu<strong>ni</strong>versitaire ; l’autre disciplinaire. D’un point de vue u<strong>ni</strong>versitaire, il s’agit desavoir si l’élève a les aptitudes théoriques <strong>et</strong> pratiques nécessaires au métier.D’un point de vue disciplinaire, il faut sanctionner le comportement de l’élève,notamment ses fautes professionnelles. De toute évidence, porter un vêtementsusceptible d’impressionner (de perturber) des malades relève de la discipline.Comme chacune de ces deux procédures de contrôle est spécialisée, exclusive,la décision curieusement fondée sur une inaptitude de l’élève ne pouvaitqu’être annulée.Cela étant, comment les choses se seraient-elles passées si l’IFSI avaitplutôt basé sa décision sur la faute professionnelle (la discipline) ? En clair, l<strong>et</strong>ribunal pouvait-il adm<strong>et</strong>tre le foulard islamique de l’étudiante infirmière ? D<strong>et</strong>oute évidence, perturber volontairement des malades mentaux est loin d’êtrecompréhensible de la part d’une professionnelle de santé. Donc le principe delaïcité pouvait être sévèrement entendu : faute professionnelle. Toutefois (<strong>et</strong>malgré le risque d’anachro<strong>ni</strong>sme de notre part) comment justifier les hôpitaux<strong>et</strong> cli<strong>ni</strong>ques qui, pendant si longtemps, ont paradoxalement obligé lesinfirmières à se couvrir la tête au moyen de coiffes distribuées à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong> ? Endéfi<strong>ni</strong>tive, l’infirmière musulmane sera restée à la mode officielle d’antan.Plus encore, le calot opératoire (la toque chirurgicale) s’utilise régulièrement.Et le procédé avait été admis (toléré) par l’IFSI bordelais pendant les coursthéoriques de la musulmane (Cf. Sud-Ouest, 21 octobre 1994 <strong>et</strong> 4 novembre1994).Dans un contentieux postérieur (l’affaire Christine Ebrahimian), unefonctionnaire, contrôleur du travail, a continué de porter son voile islamiquemalgré l’interdiction reçue de sa hiérarchie. Or, « le principe de laïcité del'État <strong>et</strong> celui de neutralité des services publics font obstacle à ce que lesagents publics disposent, dans l'exercice de leurs fonctions, du droitd'extérioriser leurs croyances religieuses par leur tenue vestimentaire » (T.A.Paris, 17 oct. 2002). Les jurisconsultes explicitent le sens <strong>et</strong> les rapports de lareligion <strong>et</strong> de la laïcité. Pour Marie-France VERDIER, « la laïcité est uneobligation pour l'Etat <strong>et</strong> les services publics afin de mieux garantir les libertésde tous, dont la liberté religieuse. Son corollaire, la neutralité, s'impose- 7 -


Texte de Clotaire <strong>Mouloungui</strong> <strong>et</strong> de Devos.doc ?comme obligation au service public <strong>et</strong> à ses agents pour la plus grande libertédes usagers ». Et dans ses conclusions sur l’affaire Kherouaa (C.E., 2 nov.1992) le commissaire du gouvernement D. KESSLER a insisté sur une idée. Àsavoir que « la laïcité n'apparaît plus comme un principe qui justifiel'interdiction de toute ma<strong>ni</strong>festation religieuse. [Ainsi] L'enseignement est laïcnon parce qu'il interdit l'expression des différentes fois mais au contraireparce qu'il les tolère toutes ».Remarquons néanmoins que de tous les pays (quarante-six) soumis à laconvention européenne des droits de l’homme <strong>et</strong> des libertés fondamentales,seules la Turquie <strong>et</strong> la France pourchassent fébrilement le voile dans leursservices publics. Sans doute ces deux Etats pouvaient-ils craindre leurcondamnation à Strasbourg par la Cour européenne des droits de l’homme(CEDH). Ici, le droit de l’homme violé étant la liberté religieuse <strong>et</strong>, plusexactement, le droit de ma<strong>ni</strong>fester sa religion. En fin de compte, leur crainteétait vaine, à croire un arrêt de c<strong>et</strong>te juridiction (novembre 2005) sur laquestion. À l’inverse, comme une cli<strong>ni</strong>que privée n’a pas les mêmes impératifsde laïcité, ses soignantes pourraient conserver leur voile. D’autant que latenue qui leur est imposée humilie certainement.3. – La stigmatisation vestimentaire des subordonnésDans l’esprit du public, le soignant s’occupe d’autrui <strong>sans</strong> s’arrêter à larichesse <strong>et</strong> aux grades. Donc, qu’il tienne à marquer des caractéristiqueshiérarchiques dans la tenue de travail de son équipe ne peut que surprendre.Effectivement, la question se pose de savoir si les professionnels de santédoivent arborer une même tenue de travail. Pendant des décen<strong>ni</strong>es, les tenueshospitalières ont servi à une distinction entre spécialités. De même qu’àl’intérieur de chacune de ces spécialités. Par exemple : les tu<strong>ni</strong>ques de bloc ;les tu<strong>ni</strong>ques de secteur stérile ; les tu<strong>ni</strong>ques de réa<strong>ni</strong>mation. Celles-ci sont decouleur u<strong>ni</strong>e (verte ou bleue). La distinction par rapport aux personnels desservices de médecine (en blanc) se fait sur c<strong>et</strong>te base. Traditionnellement, auCHU de Marseille, les tenues intégrales, réservées à la zone opératoire, nebénéficiaient qu’aux seules « disciplines chirurgicales considérées commenobles : l’orthopédie <strong>et</strong> la chirurgie cardiovasculaire » (Cf. LEVASSEUR <strong>et</strong>BILWEIS). Dans les autres disciplines chirurgicales, le chirurgien portait unpantalon blanc, une casaque stérile sur le torse nu <strong>et</strong> des bottes de toile.Faut-il s’étonner ou se plaindre de la classification vestimentaire despersonnels ? Au fond, toutes les orga<strong>ni</strong>sations s’articulent sur une hiérarchie.Dans l’armée <strong>et</strong> les forces de sécurité, les moins gradés ont intérêt àreconnaître les personnes situées hiérarchiquement au dessus d’elles. Car ilfaut les saluer en claquant des talons <strong>et</strong> en portant la main droite ouverte à latempe. À l’hôpital, la base de la pyramide hiérarchique se compose desinfirmières, des aides-soignantes <strong>et</strong> des agents des services hospitaliers. Selon- 8 -


Texte de Clotaire <strong>Mouloungui</strong> <strong>et</strong> de Devos.doc ?des auteurs, la <strong>blouse</strong> est un marqueur du pouvoir médical. Et une personneexerce un pouvoir sur une seconde si elle parvient à la faire agir ou penserd’une certaine façon, alors que celle-ci n’entendait pas agir ou penser de lasorte. Peu importe les raisons d’ordonner (pour l’une) <strong>et</strong> d’obéir (pourl’autre). La <strong>blouse</strong> est si importante pour le médecin qu’elle lui sert devêtement d’apparat aux réu<strong>ni</strong>ons de direction (Cf. Joël AUTRET). Pour ainsidire, « si l’u<strong>ni</strong>forme peut intimider certains (ce sont parfois les stigmatesd’une profession), il en attire d’autres qui y voient prestige <strong>et</strong> sécurité »(LHEZ).Les <strong>soignants</strong> <strong>et</strong> autres personnels de bas <strong>ni</strong>veau vivent parfoistristement le port de leur u<strong>ni</strong>forme. Car ils le ressentent comme unestigmatisation au moyen du vêtement. En eff<strong>et</strong>, « c’est pour les professionsdominées comme les AS [aides soignantes], s’exposer à se voir renvoyer enpermanence sa propre image en négatif <strong>et</strong> assumer au quotidien unesubordination inscrite dans la hiérarchie, ne serait-ce que par différenciationdes tenues de travail […] » (Cf. Anne-Marie ARBORIO). À ce suj<strong>et</strong>, lesusagers réclament parfois (odieusement) le cadre de santé ou une infirmière,pour une information que pourtant une AS pourrait <strong>et</strong> voudrait donner. Vivrec<strong>et</strong>te frustration se rapproche de l’irrespect de la dig<strong>ni</strong>té de la personnehumaine. Par ailleurs, un chirurgien évoque le stress des infirmières à la vued’une tenue de supérieur. Néanmoins, l’anonymat vestimentaire des chefs neserait-il pas traître ? Le soignant de rang subalterne ne pourrait plus sereprendre à temps. Mais selon toute apparence, le souci d’égalité <strong>et</strong>d’intégration commande l’u<strong>ni</strong>fication des u<strong>ni</strong>formes dans les serviceshospitaliers.C’est dans c<strong>et</strong> ordre d’idées qu’il a été demandé aux <strong>soignants</strong> s’ilspréféreraient une tenue identique (s’ils en avaient le choix). Étant entenduque le pas a été franchi dans la police. Mais seule une p<strong>et</strong>ite minorité estfavorable à la similitude. Une explication possible est que la tu<strong>ni</strong>que-pantalonopère alors une confusion entre les infirmières <strong>et</strong> les aides soignantes. <strong>Des</strong>dépassements de pouvoir s’en trouvent facilitées. De fait, en se substituant auxinfirmières débordées, les aides-<strong>soignants</strong> disposent d’un peu de pouvoir. Cerisque d’usurpation de fonctions s’ajoute aux objections que des gestionnaireshospitaliers développent contre les tenues de travail.B. – Les objections économiques des hôpitauxLes dirigeants d’un hôpital pourraient songer à supprimer les tenues d<strong>et</strong>ravail, compte tenu de leur coût. D’abord, à cause des dépenses directescomme l’achat <strong>et</strong> l’entr<strong>et</strong>ien. Ensuite, il y a le temps d’habillage ou dedéshabillage <strong>et</strong> éventuellement des cotisations de sécurité sociale.- 9 -


Texte de Clotaire <strong>Mouloungui</strong> <strong>et</strong> de Devos.doc ?1. – Le coût d’achat <strong>et</strong> d’entr<strong>et</strong>ien des u<strong>ni</strong>formesEn général, le nouveau soignant se présente à la blanchisserie pour sontrousseau vestimentaire. Il dé<strong>ni</strong>che sa taille dans le stock dispo<strong>ni</strong>ble, lequelcomprend aussi bien des vêtements neufs que des vêtements usagés. Lesu<strong>ni</strong>formes d’occasion sont ceux qu’utilisaient déjà des personnes désormaisextérieures à l’hôpital : r<strong>et</strong>raités, mutés, démissionnaires, <strong>et</strong>c. Autrement dit,le nouvel agent n’a pas forcément une tenue neuve, dont le prix est de 9 horstaxes. Toutefois, chacun doit disposer d’au moins une tenue par jour ouvrable(du lundi au vendredi). Leur achat a lieu auprès de différents four<strong>ni</strong>sseurs. Ils’agit de marchés publics, avec leurs contraintes juridiques ; notamment lesappels d’offres. L’achat de ces u<strong>ni</strong>formes est un investissement épisodique.Comme déjà dit, l’hôpital ne renouvelle pas l’ensemble des u<strong>ni</strong>formes en uneannée. La reconstitution progressive des stocks est facilitée par l’identité del’u<strong>ni</strong>forme pour les deux sexes <strong>et</strong> par l’u<strong>ni</strong>cité de son coloris. Notons que leschaussures ne sont pas directement four<strong>ni</strong>es par l’employeur : une prime estdestinée à c<strong>et</strong>te acquisition. Mais la somme offerte ne perm<strong>et</strong> que pé<strong>ni</strong>blementd’acquérir des chaussures conformes aux recommandations d’hygiène <strong>et</strong> desécurité.Dès lors, les <strong>soignants</strong> doivent-ils contribuer aux dépenses nécessitéespar leurs tenues de travail ? Aussi bien le grand public que les hospitaliersinterviewés se montrent hostiles à une participation financière des <strong>soignants</strong>.Les textes vont aussi dans ce sens. Mais le site Intern<strong>et</strong> de la Gendarmerienationale surprend à propos de l’évolution vestimentaire dans ce corps. Eneff<strong>et</strong>, lit-on, « c<strong>et</strong>te nouvelle tenue de service sera mise en place dans le cadred’une première dotation à titre gratuit ». Le propos donne à penser que, par lasuite, les gendarmes devront eux-mêmes payer leur u<strong>ni</strong>forme. Il est vrai quepresque tous les fonctionnaires (professeurs, bibliothécaires, attachésadmi<strong>ni</strong>stratifs, <strong>et</strong>c.) financent eux-mêmes leur tenue de travail. La crainte des<strong>soignants</strong> est finalement qu’ils doivent payer un jour. À moins que dessponsors entrent alors en jeu. Par exemple, dans la série américaine« Urgences », l’u<strong>ni</strong>forme des <strong>soignants</strong> comporte le logo d’une sociétécommerciale. Alors, l’hôpital ne se chargerait plus que de l’entr<strong>et</strong>ien.C<strong>et</strong> entr<strong>et</strong>ien est assuré par des blanchisseries dont la qualité prévientles risques infectieux (liés au linge). En vérité, pour se préserver des infectionsnosocomiales, il faut investir dans le « circuit linge ». Le linge propre <strong>et</strong> lelinge sale ne doivent jamais se toucher, se croiser. Pour mieux dire, « lesexigences, notamment normatives, applicables aux blanchisseries sontvalables aussi bien pour un circuit complètement interne à l’établissement quedans les cas de circuit commercial extérieur à l’établissement » (2). <strong>Des</strong>2) « Fonction linge <strong>et</strong> hygiène dans les établissements de soins, HYGIENES-2003, volume XI, n°4, p : 341- 10 -


Texte de Clotaire <strong>Mouloungui</strong> <strong>et</strong> de Devos.doc ?hôpitaux peuvent se grouper pour une blanchisserie commune. De la sorte, ilsréalisent des économies d’échelle. Encore que même un hôpital autarcique neconsacre qu’un demi-euro (1/2 ) au n<strong>et</strong>toyage d’une <strong>blouse</strong>. Sa dépenseincompressible concerne essentiellement le temps d’habillage.2. – Le temps d’habillage <strong>et</strong> les cotisations socialesEn matière d’u<strong>ni</strong>formes, certaines dépenses ne sautent pas aux yeux.D’une part, celles relatives au temps d’habillage <strong>et</strong> de déshabillage. D’autrepart, les dépenses que supposent les cotisations de sécurité sociale (pourfour<strong>ni</strong>ture d’un avantage en nature aux salariés). S’agissant des unes, il fautdire que des minutes sont nécessaires pour se vêtir. Ce temps est plus ou moinslong selon la tenue vestimentaire en cause : juste passer une <strong>blouse</strong> ou, aucontraire, se changer de la tête au pied. Le temps ainsi utilisé doit-il êtreregardé comme temps de travail ? L’hésitation vient de ce que le soignantn’effectuera pas alors les tâches pour lesquelles il aura été recruté.Néanmoins, il aura dû partir de chez lui en avance afin de disposer du tempsnécessaire à son habillage.Serait-il consécutivement possible d’exiger du personnel qu’il arrive autravail déjà changé, déjà prêt ? L’employeur prétendrait préserver l’intimitécorporelle de chacun, puisque les <strong>soignants</strong> n’auraient plus à se dénuder enpublic (se dénuder pour enfiler l’u<strong>ni</strong>forme). Certes, des vestiaires distinctspeuvent (<strong>et</strong> doivent) être prévus pour les hommes <strong>et</strong> pour les femmes. Iln’empêche que la gêne <strong>et</strong> la pudeur subsiste même avec des collègues demême sexe. Toutefois, deux objections apparaissent contre l’u<strong>ni</strong>forme portédepuis chez soi. Premièrement, la lutte contre les infections nosocomiales nes’accommoderait pas de la sortie des <strong>blouse</strong>s hors de l’hôpital. En second lieu,les hospitaliers se dénonceraient alors comme tels. Même s’il n’y a <strong>ni</strong> honte,<strong>ni</strong> danger, à être un hospitalier.En réalité, la question est réglée depuis le 4 janvier 2002, par le décr<strong>et</strong>relatif au temps de travail <strong>et</strong> à l'orga<strong>ni</strong>sation du travail dans les établissementsde santé. L’alinéa 3 de son article 5 énonce : « lorsque le port d'une tenue d<strong>et</strong>ravail est rendu obligatoire par le chef d'établissement après avis du comitéd'hygiène, de sécurité <strong>et</strong> des conditions de travail [CHSCT], le tempsd'habillage <strong>et</strong> de déshabillage est considéré comme temps de travail effectif ».A contrario, le temps d’habillage <strong>et</strong> de déshabillage n’est pas à comptersystématiquement comme temps de travail. Si l’on adm<strong>et</strong> que le temps c’est del’argent, l’hôpital en perd donc à cause du temps nécessaire au port des tenuesde travail.Pour reve<strong>ni</strong>r aux cotisations sociales patronales, l’idée est qu’elles secalculent sur la base des avantages patrimo<strong>ni</strong>aux procurés aux salariés. Sil’u<strong>ni</strong>forme est un avantage pour le salarié, il doit être regardé comme l’un deséléments à r<strong>et</strong>e<strong>ni</strong>r dans le calcul des cotisations patronales. Pour leur part, les- 11 -


Texte de Clotaire <strong>Mouloungui</strong> <strong>et</strong> de Devos.doc ?salariés mentionneront c<strong>et</strong> avantage en nature dans leur déclaration derevenus. En général, les juges optent pour la qualification d’avantage ennature si les vêtements four<strong>ni</strong>s sont d'usage courant. L’avantage étant que lespersonnels économisent l’achat de vêtements. Ils font aussi l’économie dun<strong>et</strong>toyage. Mais l’un <strong>et</strong> l’autre intérêt ne profitent pas à un médecinhospitalier. Pourquoi ? Parce qu’il conserve ses vêtements civils en dessous dela <strong>blouse</strong>.Une tenue de travail qui n’est pas considérée comme un avantage ennature, est classée soit dans les frais professionnels, soit dans les fraisd’entreprise. Quelle différence ? Les frais d’entreprise ou frais d’exploitationsont exonérés de cotisations. Mais à certaines conditions. D’abord, l’u<strong>ni</strong>formedoit textuellement relever de l’hygiène ou de la sécurité. Ce sera donc unéquipement de protection. Ensuite, ces tenues professionnelles doiventdemeurer propriété de l’entreprise, <strong>et</strong> y être entreposées. La der<strong>ni</strong>èrequalification juridique possible des tenues est celle de frais professionnels.Alors, l’u<strong>ni</strong>forme sera spécifique à l'emploi occupé ; ou bien son utilisations’expliquera par le côté anormalement salissant des travaux effectués. C<strong>et</strong>tequalification juridique ne présente pas d’intérêt pour l’employeur, car ilpaiera les cotisations, comme pour un avantage en nature. Mais le salarié, luin’est pas regardé comme bénéficiaire d’un avantage en nature soumis àl’impôt. Pour terminer, notons que les contrôles fiscaux <strong>et</strong> sociaux remontentjusqu’à trois années en arrière. Le redressement contre l’établissement desanté peut donc être financièrement lourd. Or un tel risque est-il justifié ?II. – Les intérêts des tenues de travail des hospitaliersLes défenseurs des tenues de travail trouvent en faveur de celles-cidivers arguments. En premier lieu, la protection des personnes. Outre c<strong>et</strong>tedimension, il y a des intérêts qualifiables de psychosociologiques.A. – La dimension protectrice des tenues de travailLes tenues de travail se voient assigner un rôle dans la lutte contre lesinfections nosocomiales des patients. Envers les <strong>soignants</strong> eux-mêmes, ellessont censées assurer hygiène <strong>et</strong> sécurité.1. – La lutte contre les infections nosocomialesUne commu<strong>ni</strong>cation d’un colloque du 20 janvier 2004 sur le thème« Infections nosocomiales : quelle surveillance pour une meilleureprévention ? » édifie le lecteur. Elle soutient que « la méconnaissance durisque infectieux <strong>et</strong> notamment des voies de transmission des élémentspathogènes conduit souvent à sous-estimer le rôle protecteur du vêtement.Pour bien apprécier le lien entre les infections <strong>et</strong> la tenue, un rappel d’hygiènehospitalière est indispensable » (Cf. Domi<strong>ni</strong>que GUILLOTON). Les infections- 12 -


Texte de Clotaire <strong>Mouloungui</strong> <strong>et</strong> de Devos.doc ?nosocomiales, ces infections que les malades contractent à l’hôpital, nedisposent pas de défi<strong>ni</strong>tion légale. Alors que l’occasion lui en fût donnée parle vote de la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades, le Parlement s’enest volontairement abstenu (à la demande du mi<strong>ni</strong>stre). Les parlementaires ontnéanmoins prévu la quasi-automaticité de l’indem<strong>ni</strong>sation de la victime d’unepareille infection. Il appartient à l’hôpital voulant échapper au paiement deprouver que celle-ci lui est imputée à tort. Par huma<strong>ni</strong>sme (crainte decontaminations mortifères) ou par calcul (coût d’indem<strong>ni</strong>sation des victimes),les établissements de santé pourchassent aussi bien les agents pathogènes queleurs causes <strong>et</strong> voies de transmission.C’est à partir de la mise en place des CLIN dans les hôpitaux <strong>et</strong> lescli<strong>ni</strong>ques que les efforts hygié<strong>ni</strong>stes à l’égard des vêtements des <strong>soignants</strong> ontsurtout été déployés. Les CLIN sont les comités de lutte contre les infectionsnosocomiales. L’action de ces comités est notamment renforcée par desCentres (interrégionaux) de Coordination de Lutte contre les InfectionsNosocomiales (C-CLIN). Pour le moment, les préco<strong>ni</strong>sations vestimentairessont essentiellement venues du C-CLIN du Sud-Est <strong>et</strong> du C-CLIN du Sud-Ouest. Par exemple, en 1998, ce der<strong>ni</strong>er a publié des « recommandations pourune tenue vestimentaire adaptée des personnels <strong>soignants</strong> en milieuhospitalier ». Au <strong>ni</strong>veau national il y a « 100 recommandations pour lasurveillance <strong>et</strong> la prévention des infections nosocomiales ». Larecommandation 29 de ce document envisage la tenue vestimentaire en cestermes : « Le CLIN, en collaboration avec la médecine du travail, étudie latenue vestimentaire des personnels hospitaliers. Il fait toute proposition auxservices chargés de l'achat sur la qualité <strong>et</strong> la quantité des vêtements d<strong>et</strong>ravail, ainsi que sur celles des masques, gants <strong>et</strong> coiffures utilisés lors dessoins <strong>et</strong> notamment au bloc opératoire. L'utilisation de tenues à manchescourtes favorise l'observance du lavage des mains. Le port de sur-chaussuresn'a pas fait la preuve de son efficacité pour la prévention des infectionsnosocomiales. <strong>Des</strong> recommandations sont établies pour la circulation despersonnels vêtus de tenues spécifiques aux secteurs à haut risque ».Selon les risques envisagés, deux sortes de tenues sont prévues : un<strong>et</strong>enue de base <strong>et</strong>, éventuellement, une tenue spécifique. La tenue de base estcelle que le soignant se m<strong>et</strong> à la place de sa tenue de ville dans les secteurs à« risque bas » de l’hôpital. Elle protège contre les contaminations consécutivesaux soins effectués. Le soignant s’en revêt à son arrivée dans l’établissementde santé, <strong>et</strong> la quitte au moment d’en partir. Il doit aussi l’enlever pour aller àla caf<strong>et</strong>eria. Les tenues spécifiques s’utilisent dans les zones à « risquemodéré » <strong>et</strong>, plus encore, dans les secteurs de « haut risque ». Dans une zoneà risque modéré (laquelle fait souvent l’obj<strong>et</strong> d’un isolement septique), latu<strong>ni</strong>que doit forcément être entrée dans le pantalon. Les tissus utilisés sont desnon tissés, même s’il subsiste du polyester/coton à l’hôpital. La sur<strong>blouse</strong> se- 13 -


Texte de Clotaire <strong>Mouloungui</strong> <strong>et</strong> de Devos.doc ?change en même temps que l’équipe de relève. Le tablier, à usage u<strong>ni</strong>que, doit(naturellement) être j<strong>et</strong>é après usage. Il y a une pratique identique pour lesmasques ; même quand leur utilisation a été fugace. Enfin, en zone de hautrisque, c’est-à-dire en zone péri-opératoire ou dans le bloc opératoire, lesprécautions sont plus drastiques.Plusieurs personnes sont responsables du respect des recommandationsdes CLIN. D’abord, le directeur de l’hôpital, pour la mise à disposition desmoyens. Ensuite, le chef de la blanchisserie, pour la qualité <strong>et</strong>l’approvisionnement. Puis, chaque cadre de santé, pour le respect des bonnespratiques. Les infirmières hygié<strong>ni</strong>stes <strong>et</strong> les hôtelières participent même àl’élaboration de ces bonnes pratiques. Bien entendu, tous les autrespersonnels, notamment les <strong>soignants</strong>, se soucient des règles d’hygiènevestimentaire à observer. Or nous avons demandé aux <strong>soignants</strong> s’ilsconservaient des vêtements de ville sous leur <strong>blouse</strong>. La réponse a été oui à75%, <strong>et</strong> non à 25%. Le sens (caché) de c<strong>et</strong>te question était le suivant : peut-onconcilier vêtements personnels <strong>et</strong> hygiène hospitalière, alors que le port del’u<strong>ni</strong>forme est censé jouer le rôle de barrière microbienne ? Il est vrai quecelui-ci n’est pas toujours agréable à porter directement (sur la peau). Deplus, comme il accélère la transpiration, d’inesthétiques auréoles indélébilesfi<strong>ni</strong>ssent par se former sous les aisselles. D’où l’intérêt de porter un tee-shirtpersonnel en dessous.Tout au long des entr<strong>et</strong>iens, les <strong>soignants</strong> ont milité pour la péren<strong>ni</strong>té deleur u<strong>ni</strong>forme car il est lavé à l’hôpital même. Ce qui préserverait leursfamilles d’une contamination éventuelle. En réalité, ce sont les <strong>soignants</strong> euxmêmesqui lavent (chez eux) leurs tee-shirts <strong>et</strong> gil<strong>et</strong>s utilisés à l’hôpital. Laquestion iro<strong>ni</strong>que est alors : les microorga<strong>ni</strong>smes pathogènes sont-ils arrêtéspar les <strong>blouse</strong>s <strong>et</strong> tu<strong>ni</strong>ques, <strong>et</strong> n’arrivent donc pas aux tee-shirts ? En outre, àla question de savoir s’ils travaillent avec la <strong>blouse</strong> ouverte, 33% du panel arépondu oui. Il est entendu que la <strong>blouse</strong> n’est portée que par les médecins <strong>et</strong>quelques paramédicaux. Or, une <strong>blouse</strong> ouverte paraît contraire au rôlehygié<strong>ni</strong>ste qui lui est conféré. L’attitude réfractaire (<strong>blouse</strong> ouverte) s’avèreencore plus intolérable quand l’intéressé n’a pas « l’excuse » d’être unmédecin.Et pourtant, la question se pose de savoir comment réagir en cas denégligence dans le port des tenues. Par exemple, pour ve<strong>ni</strong>r à bout d’uneleucémie, le malade (cancéreux) est installé dans une chambre stérile. <strong>Des</strong>trictes mesures d’asepsie sont alors appliquées. <strong>Des</strong> tenues particulières sontexigées afin d’y éviter des micro-orga<strong>ni</strong>smes dangereux. Dans ces conditions,que décider si l’un des professionnels viole ces règles d’hygiènevestimentaire ? De même, comment traiter le soignant qui déambule dans lescouloirs de l’hôpital <strong>sans</strong> s’être préalablement débarrasser de la tenue qu’ilportait dans une zone hautement pathogène ? En plus de l’indem<strong>ni</strong>sation (<strong>et</strong>- 14 -


Texte de Clotaire <strong>Mouloungui</strong> <strong>et</strong> de Devos.doc ?des sanctions disciplinaires), le patient peut songer à une action pénale :prison <strong>et</strong>/ou amende contre le soignant. Il parlerait de violation ma<strong>ni</strong>festementdélibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée parla loi ou le règlement (Code pénal, art. 223-1). En pratique, c’est plutôtl’employeur qui a le plus de chance de subir ce texte ; pour défaut de mesuresd’hygiène ou de sécurité.2. – L’hygiène <strong>et</strong> la sécurité des personnelsLes professions (para)médicales s’avèrent parfois dangereuses du faitdes contaminations par piqûre, par contact ou par inhalation. En outre, lesmatériels <strong>et</strong> produits utilisés peuvent se révéler coupants, écrasants, corrosifs,<strong>et</strong>c. Bien sûr, l’hôpital se préoccupe de la bonne santé <strong>et</strong> de la sécurité despersonnels. Il y parvient au moyen de dispositifs collectifs ou au moyend’équipements <strong>et</strong> u<strong>ni</strong>formes individuels. Par exemple, pour protéger leursmuqueuses de l’infection, les <strong>soignants</strong> reçoivent des masques enserrant lenez, la bouche <strong>et</strong> le menton. Quand, leurs mains doivent entrer en contactdirect avec les patients, des gants leur sont four<strong>ni</strong>s.<strong>Des</strong> règlements (c’est-à-dire des décr<strong>et</strong>s ou des arrêtés, voire descirculaires) envisagent une dizaine de risques contre lesquels l’employeurprotège le salarié en lui four<strong>ni</strong>ssant des vêtements spéciaux. Pour s’informersur ses obligations, l’employeur consulte le Code du travail où ces règlementsont été incorporés. Il a intérêt à travailler en synergie avec la médecine dutravail <strong>et</strong>/ou avec l’inspection du travail. En suivant l’ordre du Code dutravail, le premier risque identifié concerne les agents cancérigènes (art. 231-56-3-III, R. 231-56-5, R. 231-56-6, R. 231-56-8). Puis viennent les agentsbiologiques (art. R. 231-62-2 <strong>et</strong> R. 231-62-3). Sont ensuite visés les travauxinsalubres ou salissants (art. 233-1) ; puis, le happement par les machines surlesquelles l’agent travaillerait (art. R. 233-12). Le Code songe enfin à laprotection du salarié contre les intempéries (art. 332-9). Hors du Code dutravail, d’autres risques sont pris en compte. Par ordre chronologique destextes, il y a : le risque électrique (3) ; l’oxyde d’éthylène (4) ; l’atmosphèrehyperbare (5). Mais les textes précisent rarement la composition exacte desvêtements four<strong>ni</strong>ssant la protection maximale.En principe, le Code du travail ne s’applique pas aux fonctionnaires <strong>et</strong>aux établissements publics. Néanmoins, le Conseil d’Etat (<strong>et</strong> ses juridictionssubalternes) s’inspire parfois des règles contenues dans tout code françaispour en sortir un principe général (du droit) à étendre au secteur public. Envérité, les dispositions hygié<strong>ni</strong>stes <strong>et</strong> sécuritaires du Code du travail3) Décr<strong>et</strong> du 8 janvier 1965, art. 177 ; décr<strong>et</strong> du 14 novembre 1986, art. 46, 50, 51.4) Circulaire du 7 décembre 1979.5) Décr<strong>et</strong> du 28 mars 1990, art. 25 <strong>et</strong> 26.- 15 -


Texte de Clotaire <strong>Mouloungui</strong> <strong>et</strong> de Devos.doc ?s’appliquent au secteur public aussi. Du reste, une directive communautairedu 12 juin 1989 impulse une profonde évolution en exigeant l'amélioration dela sécurité <strong>et</strong> de la santé des européens au travail. C<strong>et</strong>te directive donne auConseil d’Etat une base de référence plus forte qu’un principe. Car les textescommunautaires priment les principes <strong>et</strong> textes nationaux. Finalement, laresponsabilité de tout employeur est engagée en cas d’absence oud’insuffisance des mesures nécessaires.Mais la plupart des patients <strong>et</strong> des <strong>soignants</strong> circulent dans des zones derisques bas. C’est sûrement parce qu’ils s’imaginent en risque bas que lesmédecins de ville <strong>et</strong> les infirmières libérales négligent souvent la <strong>blouse</strong>. Audemeurant, celle-ci ne protège pas davantage qu’une soutane, qu’unegandoura, qu’un sari, <strong>et</strong>c. Mais quand un risque existe vraiment, cesprofessionnels m<strong>et</strong>tent volontiers des gants. À vrai dire, les infirmièreshospitalières ne passent pas leur journée les mains dans des gants protecteurs.Quelques unes bravent même l’obligation ponctuelle d’en revêtir.L’explication est que les gants diminueraient leur sensibilité, <strong>et</strong> donc leurcapacité à vite repérer les veines, pour les injections. D’un autre côté, lecancer n’est pas contagieux. Pourtant, les <strong>soignants</strong> qui s’en occupent dansles services de soins palliatifs ont une <strong>blouse</strong> (protectrice !?).Les <strong>soignants</strong> consentent aux mesures de sécurité par l’intermédiaire duCHSCT dans lequel ils ont des représentants. Bien entendu, ces mesures nedoivent pas entraîner de charges financières pour eux. S’il faut une tenue d<strong>et</strong>ravail protectrice, <strong>et</strong> que l’employeur l’a donnée, il revient au salarié de s’envêtir. Sous peine de sanctions disciplinaires. Parfois, le manager d’un servicese trouvera aux prises avec un employé qui, tout en connaissant son obligationvestimentaire, la violera. Pour justifier c<strong>et</strong>te insubordination une infirmièrepourrait répondre que la broche lui perm<strong>et</strong> de ma<strong>ni</strong>fester sa fémi<strong>ni</strong>té ; ou quele pin’s apporte un élément de gaîté aux enfants malades ; <strong>et</strong>c. Assurément,une certaine tolérance profitera à la puéricultrice qui porterait un nez declown pour faire oublier aux p<strong>et</strong>its patients leurs souffrances ouappréhensions. En revanche, aucune négociation ne saurait être envisagéeavec l’agent qui transgresserait des règles de sécurité corporelle (6). Ledirecteur de l’hôpital peut prononcer des sanctions plus sévères quel’avertissement <strong>et</strong> le blâme. Mais alors, après consultation de la commissionadmi<strong>ni</strong>strative paritaire (réu<strong>ni</strong>e en Conseil de discipline). Ces sanctions vontdu gel de la note admi<strong>ni</strong>strative à la révocation <strong>sans</strong> droit à r<strong>et</strong>raite, enpassant par la rétrogradation d’échelon, la suspension pour deux ans <strong>et</strong> larévocation avec droit à r<strong>et</strong>raite (ou mise à la r<strong>et</strong>raite d’office). Le soignant a6 ) Le cadre de proximité formalisera l’entr<strong>et</strong>ien par écrit. Et l’agent en faute contresignera ce rapportd’incident pour attester qu’il sait désormais comment se comporter. De la sorte, un bilan ou des sanctionsfutures seront possibles sur des bases claires.- 16 -


Texte de Clotaire <strong>Mouloungui</strong> <strong>et</strong> de Devos.doc ?donc tout intérêt à porter sa tenue de travail. Surtout qu’il peut y trouver desbons côtés.B. – Les côtés psychosociologiques des u<strong>ni</strong>formesLe premier intérêt psychosociologique de la <strong>blouse</strong> est certainementl’identification des personnels. Un second élément s’y ajoute : la confiancedes acteurs de l’établissement de santé. Enfin, les <strong>blouse</strong>s sont parfois vécuescomme conditions <strong>et</strong> conséquences de l’identité ou de l’image des <strong>soignants</strong>.1. – L’identification des acteurs de santéUn établissement de santé est une vraie ruche où se bousculent descentaines de personnes. Comment faire pour accéder au bon interlocuteur ?La <strong>blouse</strong> (comme la tu<strong>ni</strong>que-pantalon) aide le patient à trouver son soignant.L’u<strong>ni</strong>forme hospitalier favorise par ailleurs l’identification des professionnelsde santé entre eux. Par exemple, en cas de plan rouge, les tenues facilitent lacoordination des opérations. Même s’il est vrai que le préf<strong>et</strong> ou sonreprésentant les coordonne en tenue civile ordinaire. En tous cas, il fautpouvoir distinguer les secouristes des victimes. Un souci identique se r<strong>et</strong>rouvedans un hôpital où existe un « pool volant » d’infirmiers. Ces der<strong>ni</strong>ersremplacent au pied levé des <strong>soignants</strong> absents. Grâce à la tenue commune, les<strong>soignants</strong> se repèrent <strong>et</strong> s’intègrent plus aisément.Mais hors contexte, il est difficile de certifier à quelle professioncorrespond un u<strong>ni</strong>forme donné. Près de 56% des patients questionnés ontrépondu ne pas être totalement sûrs d’identifier le professionnel de santéporteur d’un type donné de <strong>blouse</strong>. Du reste, pourquoi le patient devrait-il êtrecapable de cibler le professionnel idoine ? Sachant qu’il existe un risque deconfusion à l’envers. En eff<strong>et</strong>, quand il y a rupture de stock, une catégorieprofessionnelle s’habille comme la catégorie voisine. Dès lors, un individuhospitalisé (qui est discipliné) pourrait se trouver piégé : il désespérera parexemple de ne voir passer d’aides soignantes. Mais, celles-ci se serontexceptionnellement habillées en infirmières ! Par ailleurs, les <strong>soignants</strong> d’uneéquipe ignorent parfois comment s’habillent leurs coéquipières. Normal,puisque chacune possède des tenues disparates reçues le long des années.Notons que le trousseau vestimentaire tout entier n’est pas changé lorsqu’estadopté un nouvel u<strong>ni</strong>forme. Une incohérence due au souci d’économie.La possibilité de reconnaissance visuelle des <strong>soignants</strong> tranquillise lepatient <strong>et</strong> ses visiteurs. Ils n’ont pas à se torturer avec les questions « qui estqui » ou « qui est quoi ». Certes, un médecin témoigne qu’il se présente à sesinterlocuteurs. Mais ce geste de civilité manque souvent de la part de sescollègues. Aussi des accessoires distinctifs sont-ils indispensables pour lerepérage des <strong>soignants</strong> : casqu<strong>et</strong>te, badge, brassard, <strong>et</strong>c. La confusion blesseincontestablement le soignant pris pour celui qu’il ne sera jamais. Par- 17 -


Texte de Clotaire <strong>Mouloungui</strong> <strong>et</strong> de Devos.doc ?exemple, un infirmier relate qu’on l’appelle fréquemment docteur ou M. lepharmacien, ou encore M. le kiné, lorsqu’il procède à la tournée des maladesavec son docteur [qui est une dame]. Pourtant, il porte une tu<strong>ni</strong>que-pantalonde paramédical (<strong>et</strong> non pas une <strong>blouse</strong> de médecin). Peut-être la méprisevient-elle du préjugé que l’homme ne saurait être simplement un infirmier. Ilest à c<strong>et</strong> égard symptomatique qu’une des aides-soignantes interrogés penseque si les hommes avaient une tenue différente « on donnerait un plus àl’homme. Tu le m<strong>et</strong>trais au dessus de la femme. Instinctivement ».En tous cas, les <strong>soignants</strong> interviewés estiment que grâce à l’u<strong>ni</strong>forme,chacun étant identifié ou identifiable, il ne peut y avoir d’usurpation defonctions. En outre, il est plus facile de se plaindre du type de soignant qui amanqué à son devoir. C<strong>et</strong>te préoccupation démocratique justifie le port actueld’un badge ou d’une plaque identitaire par les fonctionnaires civils en contactavec le public. La confiance réciproque y gagne probablement.2. – La confiance des <strong>soignants</strong> <strong>et</strong> des patientsLa littérature paramédicale révèle que les élèves infirmières portent un<strong>et</strong>u<strong>ni</strong>que-pantalon semblable à celle du personnel de l’hôpital les accueillant enstage pratique. Ce qui les sécuriserait. Apparemment, un u<strong>ni</strong>forme donneconfiance même à un paramédical chevronné. Car la tenue de travail « peutcacher l’insuffisance <strong>et</strong> perm<strong>et</strong> de tromper » (Cf. Pierr<strong>et</strong>te LHEZ). À laquestion de savoir si leur u<strong>ni</strong>forme les aide à maîtriser leurs émotions, les<strong>soignants</strong> répondent oui à 54%, <strong>et</strong> non à 40%. Autrement dit, tous lesprofessionnels de santé n’y puisent pas leur confiance. Pour affirmer quel’u<strong>ni</strong>forme aide, un chirurgien soutient qu’« une IDE [infirmière], dès qu’ellese déguise en IDE, […] a pris le cerveau d’une IDE. Et une aide soignante,elle a pris le cerveau d’une aide soignante. J’ai connu des IDE qui chez ellesn’avaient plus aucun réflexe quand leur enfant était malade. Et ces mêmesIDE, une heure après, elles faisaient des choses très justes pour le malade[étranger à leur famille] ».Mais est-ce dans la <strong>blouse</strong> que le soignant puise sa confiance ? Envérité, la gestion des émotions doit peu à l’u<strong>ni</strong>forme. Au mieux, celui-ci agitcomme en matière de magie. Le magicien se convainc d’avoir des pouvoirsparce que les gens ont foi en lui. Le port de la <strong>blouse</strong> peut aussi être comparéau rite catholique du port d’une chasuble avant la messe. De fait, ledéguisement au moyen de la <strong>blouse</strong> blanche produit une métamorphose. Il estentendu que « la distinction entre déguisement ludique <strong>et</strong> métamorphosed’origine cérémo<strong>ni</strong>elle n’est jamais très n<strong>et</strong>te. Car, […] le jeu ne peut êtr<strong>et</strong>otalement séparé de son attache symbolique […]. Le joueur, ‘’pris au jeu’’,fi<strong>ni</strong>t par se confondre avec son rôle, il y a une part de jeu, de feinte ou decomédie dans tout cérémo<strong>ni</strong>al » (Cf. Encyclopédie HACHETTE). Néanmoins,le geste rituel diffère du geste tech<strong>ni</strong>que. Dans un rite, en eff<strong>et</strong>, « les- 18 -


Texte de Clotaire <strong>Mouloungui</strong> <strong>et</strong> de Devos.doc ?conduites, les paroles ou les ma<strong>ni</strong>pulations d’obj<strong>et</strong>s ne reposent pas sur unsavoir empirique ou sur un raisonnement scientifique, mais sur unecroyance » (Cf. Encyclopédie Hach<strong>et</strong>te). Or, le port hospitalier de la <strong>blouse</strong> seveut tech<strong>ni</strong>que, hygié<strong>ni</strong>ste, sécuritaire, <strong>et</strong>c.Pour dé<strong>ni</strong>er à la <strong>blouse</strong> ses eff<strong>et</strong>s prétendus, il est possible de soute<strong>ni</strong>rque la confiance résulte plutôt de stratégies. La principale étant de seconvaincre que pour être prêt professionnellement, il suffit de s’exercer surdes cas de plus en plus complexes. C’est un pari raisonnable de réussir avecses moyens présents (Cf. Jean Garneau). De même, pour avoir un certaindétachement dans les situations délicates d’implication personnelle, lesoignant se répète que le malade n’est pas son proche.Bien sûr, la <strong>blouse</strong> n’a aucunement été inventée pour gêner lesmalades. Toutefois, elle produit des eff<strong>et</strong>s adventices malheureux. Parexemple, « l’eff<strong>et</strong> <strong>blouse</strong> blanche » : le stress dû à la présence du soignant. Sicelui-ci enlève sa tenue <strong>et</strong> se r<strong>et</strong>rouve en civil, la situation devient moinsprotocolaire <strong>et</strong> le patient se sent plus à l’aise. Un médecin raconte que « lemédecin qui arrive <strong>sans</strong> <strong>blouse</strong> a déjà un contact avec le malade un peu moinsstressant […]. Parce que la <strong>blouse</strong> ça fait grand docteur ». Aussi les échanges<strong>sans</strong> contact physique avec le patient devraient-ils pouvoir se faire <strong>sans</strong>tu<strong>ni</strong>que-pantalon. Une raison supplémentaire d’hostilité contre la <strong>blouse</strong>blanche est que les enfants fi<strong>ni</strong>ssent par confondre la <strong>blouse</strong> avec lasouffrance physique <strong>et</strong>/ou psychologique. En l’apercevant, ils se figurentqu’ils devront bientôt avaler des produits indigestes ou subir une piqûre.Même des grandes personnes s’affolent à sa vue. La preuve est que lesrésultats de la mesure de la pression artérielle sont faussés par la simpleprésence du professionnel de santé. D’où la vente d’appareils d’auto-mesureaux patients. Par ailleurs, la <strong>blouse</strong> a un eff<strong>et</strong> sexuel sur certains hommes.Bien entendu, leur fantasme sexuel disparaîtrait si disparaissait la <strong>blouse</strong>.À l’inverse, la <strong>blouse</strong> rassurerait certains patients. Pour commencer, leconcept d’autosuggestion veut que le patient ait une part (psychologique) danssa guérison : il doit y croire ; lutter. On pense ici à l’eff<strong>et</strong> (plus ou moinsrelatif) du placebo <strong>et</strong> de la méthode Coué. Or, comment se sentirait le patientdont le soignant aurait des bask<strong>et</strong>s, une <strong>blouse</strong> à l’envers, une barbe de troisjours <strong>et</strong> des ongles sales ? Il pa<strong>ni</strong>querait certainement : le professionnel desanté ne lui inspirerait pas confiance. En revanche, la <strong>blouse</strong> symbolise lapropr<strong>et</strong>é, l’hygiène <strong>et</strong> la bonne santé recherchée ; elle représente le savoirmédical. Les soins intimes en seraient même facilités. Son porteur n’étantpoint un fantaisiste déguisé, mais un professionnel compétent ! Un problèmesubsiste en vérité, au-delà de l’usurpation des fonctions : les patients mal àl’aise avec leur corps. Car alors, tout juste la <strong>blouse</strong> aide-t-elle à faire accepterles soins. Surtout si la culture religieuse de l’intéressé exacerbe la pudeur. Latenue des <strong>soignants</strong> se place alors sous le patronage d’autres concepts.- 19 -


Texte de Clotaire <strong>Mouloungui</strong> <strong>et</strong> de Devos.doc ?3. – L’identité <strong>et</strong> l’image des personnels de santéL’identité est le jeu de miroir entre un individu <strong>et</strong> un groupe ; l’unreflète l’autre. Selon c<strong>et</strong>te théorie de l’identité, un policier ou une infirmièrereprésenterait sa profession tout entière. L’habillement u<strong>ni</strong>forme participeraità ce phénomène. Madame LHEZ le concède ; avec réserve. Selon elle, « signedistinctif d’un groupe social ou professionnel, l’u<strong>ni</strong>forme marque bienl’appartenance à ce même groupe. S’il peut deve<strong>ni</strong>r instrument de cohésion, ilpeut tout autant être un agent de déstructuration, <strong>et</strong> c’est le cas pour le groupehospitalier ». Les médecins sont fiers de leur <strong>blouse</strong> <strong>et</strong> la gardent fidèlement.Au contraire, chez les paramédicaux, quand survient un problème d’identité,la tenue de travail change. Ce qui serait une erreur, « une négation totale desvaleurs du passé » (LHEZ).On doit à l’Autrichien Erik Erickson d’avoir imposé la notiond’identité. Son ouvrage « Enfance <strong>et</strong> société » (édité en 1950) a connu unsuccès planétaire après sa réédition en 1963. Il s’agissait d’une recherche surles indiens DAKOTA <strong>et</strong> YUROK dont l’auteur constatait le « déracinement »<strong>et</strong> la « crise d’identité » face à l’intrusion de la société moderne dans leursréserves. Dans les années 1970, les Black Panthers s’approprieront la notion,pour une prise en considération de leur spécificité. <strong>Des</strong> conséquencesparticulières devaient en être tirées, notamment pour un accès aux droits.D’où la mise en place gouvernementale d’une réparatrice discriminationpositive (7). C’est ici l’Amérique communautaire (ou communautariste)dénoncée par les penseurs <strong>et</strong>/ou les politiques Français. Pourtant, la fibreidentitaire a conquis la France (8).Dorénavant, le monde paramédical discute de son identité. Toutefois, lesauteurs ayant écrit sur c<strong>et</strong>te identité professionnelle ne donnent pas de rôle àl’u<strong>ni</strong>forme. À l’inverse, les <strong>soignants</strong> interrogés (<strong>et</strong> le grand public) font unlien constant entre tenue de travail <strong>et</strong> identité professionnelle. Quand on leurdemande s’ils en sont fiers, une moitié seulement des <strong>soignants</strong> répond queoui. Ainsi, dit une infirmière, « j’aime bien ; c’est strict, ça fait sérieux ». Demême, dit une kiné, « Je suis fière parce que j’aime mon métier, donc je suisfière de mon métier. Oui ». En réalité, sa fierté ne se démentirait pas envaquant <strong>sans</strong> u<strong>ni</strong>forme. La même observation vaudrait pour l’un des médecinsinterrogés. Voici son témoignage : « Fier, car c’est un élément d’identificationpar rapport au patient, <strong>et</strong>, au bout du compte, ce qui nous fait vibrer dansnotre métier c’est quelque part d’être reconnu. Point ! C’est pas pluscompliqué que ça : reconnu pour le service qu’on a rendu […] ».7 ) D’autres minorités ont par la suite revendiqué la reconnaissance de leur identité particulière : les gays,les hispanophones, les cajuns, les amérindiens, <strong>et</strong>c. (Cf. BRUBAKER).8 ) L’identité est en eff<strong>et</strong> devenue une notion cardinale en sciences sociales (Cf. Catherine HALPERN).Elle est traitée dans les études relatives à la religion, à l’immigration, au nationalisme, aux professions, <strong>et</strong>c.- 20 -


Texte de Clotaire <strong>Mouloungui</strong> <strong>et</strong> de Devos.doc ?Presque hostile, une infirmière dit : « je m’en fous ; c’est nécessaire ».Sa réaction se fonde en particulier sur le peu d’effort esthétique <strong>et</strong> sur lacoupe décoll<strong>et</strong>ée de la tu<strong>ni</strong>que-pantalon. À son tour, un médecin fonde sonabsence de fierté sur l’absence d’intérêt de c<strong>et</strong> u<strong>ni</strong>forme. D’ailleurs, un cadrede santé rappelle que « l’habit ne fait pas le moine ». Même s’il ajoute aussitôtque « t’as quand même c<strong>et</strong>te représentation : t’as l’image du soignant qui estquand même bien acceptée ». Le chirurgien interviewé ne modifie pas sondiscours. Il proclame : « la <strong>blouse</strong>, pour moi, n’est rien du tout. C’est pasparce qu’un mec a la tenue qu’il a la fonction. Et pour les autres professionsc’est la même chose ». Pire, les futures infirmières considèrent l’u<strong>ni</strong>forme <strong>et</strong>son image avec légèr<strong>et</strong>é. Elles participent <strong>sans</strong> vergogne à la perpétuation ducliché de l’infirmière femme-sexy. Les affiches des « zinzins » (soirées d’IFSI)en témoignent tristement. Sans compter les obj<strong>et</strong>s vendus à l’occasion. Parexemple, les briqu<strong>et</strong>s <strong>et</strong> les épingl<strong>et</strong>tes à l’effigie de BETTY BOOP e<strong>ni</strong>nfirmière sexy.Depuis quelques temps, les chercheurs en sciences sociales envisagentd’abandonner ce concept trop galvaudé d’identité (9). Leur solution seréclamerait avec vraisemblance de la révolution française de 1789. Celle-ci asupprimé les communautés, les congrégations religieuses <strong>et</strong> les corporationsdes métiers de façon que tous les citoyens n’appartiennent qu’à une seule <strong>et</strong>même communauté : la nation française. Hélas, certains l’ont parfois oublié,pour le malheur d’autres (10). Du coup, prôner l’identité dans son corpsprofessionnel revient quasiment à une croisade, à un repli sectaire ou à unnombrilisme.Il n’empêche que l’on détecte une sig<strong>ni</strong>fication soit symbolique, soitévénementiel, soit professionnelle dans les costumes. La tenue de travail des<strong>soignants</strong> a-t-elle (une) valeur de symbole ? Un symbole ambitionne de fairevoir l’invisible ; il donne accès à des valeurs abstraites. Ses composantes <strong>et</strong> saportée sont exclusives afin d’éviter toute confusion. Par exemple, le signe decroix ma<strong>ni</strong>feste l’appartenance à la communauté chrétienne. Alors, l’on9 ) À l’expression classique « crise d’identité » se sont par exemple rajoutés la « recomposition desidentités » ou les « identités plurielles ». Certains auteurs parlent iro<strong>ni</strong>quement « d’identités abusives » (Cf. A.GROSSER), tandis que d’autres reprochent carrément une « hystérie identitaire » (Cf. E. DUPIN).10 ) Par exemple, le régime du maréchal Pétain enflamma les identités professionnelles en suscitant lesordres de médecins, d’avocats, de sages-femmes ; les éclaireurs, la milice, le compagnonnage, <strong>et</strong>c. Cesstructures étaient censées aider à rem<strong>et</strong>tre la France au travail. D’un autre côté, avec la fête des mèresnotamment, ce régime de Vichy marquait l’identité familiale de chacun. À c<strong>et</strong>te sombre époque, obéissant àleur « identité nationale », les « patriotes » devaient dénoncer ceux qui n’avaient plus ou pas c<strong>et</strong>te identité :Juifs, Tziganes, Noirs, Commu<strong>ni</strong>stes, Résistants. Aujourd’hui, c’est essentiellement dans le parti politique« Front national » que le concept d’identité française est défendu. Ailleurs, la quête d’une identité religieusepar les musulmans vire quelquefois vers l’intégrisme. De même, l’identité guadeloupéenne, corse, basque, oubr<strong>et</strong>onne implique parfois des destructions matérielles (par explosion). Enfin, la notion d’identité porte sapart de responsabilité dans les génocides du Rwanda <strong>et</strong> de l’ex-Yougoslavie. Comme le souligne CatherineHALPERN, « au <strong>ni</strong>veau collectif, les identités favorisent parfois des politiques réifiantes servies par despropos réactionnaires <strong>et</strong> mortifères ».- 21 -


Texte de Clotaire <strong>Mouloungui</strong> <strong>et</strong> de Devos.doc ?hésitera à supposer que le porteur d’un pendentif cruciforme soit unmusulman ; il sera probablement un catholique. À c<strong>et</strong> égard, des sensibilitésreligieuses contraires ont conduit à diverses tenues pour les infirmières deFrance. Il y a eu une vision catholique, une vision laïque (franc-maçonne) <strong>et</strong>une vision protestante du costume. Le recul des religions (<strong>et</strong>/ou la laïcité)empêche dorénavant de discerner dans un soignant l’adepte d’une religionparticulière.Mais la <strong>blouse</strong> blanche n’est pas exclusive aux <strong>soignants</strong>. On larencontre chez les bouchers, les chimistes, les ingé<strong>ni</strong>eurs. Il n’y a donc pasd’exclusivité. De plus, elle ne perm<strong>et</strong> pas une distinction n<strong>et</strong>te entre lesambulanciers <strong>et</strong> les médecins, voire les infirmiers. L’idée d’une identité(para)médicale souffre par ailleurs de la diversité des tenues des personnels. Ils’avère impossible de s’identifier clairement. Pire, pour des économies, lesgestionnaires ont adopté une même tenue pour les hommes <strong>et</strong> les femmes. Ons’oriente même vers un coloris u<strong>ni</strong>que des costumes. Pourquoi ? Parce qu<strong>et</strong>rop de couleurs obligent à disposer de stocks de rechange dans chacune descouleurs. Enfin, si l’admi<strong>ni</strong>stration n’a pas encore décidé du remplacementd’une tenue détériorée, le soignant doit se résigner. Dans ces conditions,trouver un écho identitaire dans c<strong>et</strong> u<strong>ni</strong>forme si ma<strong>ni</strong>festement subi apparaîtdouteux.Pour relativiser l’absence d’exclusivité, l’on pourrait songer auxdrapeaux des Etats. Car selon qu’on les dispose dans le sens vertical ou dansle sens horizontal, le bleu/blanc/rouge sig<strong>ni</strong>fie la France plutôt que les Pays-Bas, <strong>et</strong> vice versa. En outre, les maillots symbolisant les équipes sportives sontparfois très proches. Aussi peut-il arriver à l’arbitre de demander à l’équipequi accueille (ou à celle que le tirage au sort désigne) de se trouver desmaillots différents. De fait, un symbole commande des attitudes ; notammentle respect. Comme en présence d’une couronne ou d’un sceptre. Si les tenuesdes hospitaliers visaient un pareil eff<strong>et</strong>, <strong>sans</strong> doute les directeurs <strong>et</strong> les cadresadmi<strong>ni</strong>stratifs en auraient-ils également.ConclusionLes raisons d’existence ou de maintien des tenues hospitalières neconvainquent qu’à peine. Surtout que de solides objections leur sontopposables. En conséquence, un gestionnaire risque de s’imaginer commeétant de son devoir de les rem<strong>et</strong>tre en cause. Mais alors, il ma<strong>ni</strong>festerait so<strong>ni</strong>gnorance des ressorts qui gouvernent les hommes. Car les acteurs du mondede la santé tiennent aux <strong>blouse</strong>s <strong>et</strong> tu<strong>ni</strong>ques-pantalons. Les patients, pourl’identification du bon interlocuteur. Les <strong>soignants</strong>, parce qu’ils attribuent àces tenues des potentialités aidant à affronter la souffrance <strong>et</strong> la maladie. Enrésumé, l’u<strong>ni</strong>forme hospitalier survit parce qu’il est un élément de la culture- 22 -


Texte de Clotaire <strong>Mouloungui</strong> <strong>et</strong> de Devos.doc ?hospitalière. Son éventuelle inutilité objective cède devant son réel poidssubjectif. Ainsi, l’on dépasse la vision purement comptable des questions desanté. Car bien des valeurs répugnent à la quantification financière. Tout nepeut se tarifer ; tout ne se monnaie pas. Bref, pendant longtemps encore, lescadres de santé continueront à faire observer l’obligation de la tenuevestimentaire adéquate dans les équipes soignantes.- 23 -

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