Une <strong>statuaire</strong> exceptionnellepar son importance et sa qualitéles plus grands artistes, <strong>de</strong>s parentés stylistiquesfortes enfin, suggèrent que lesplus fameux imagiers français <strong>de</strong> <strong>la</strong> fin duMoyen Âge, Michel Colombe et Antoine LeMoiturier, voire « le maître <strong>de</strong> Biron », ontparticipé au chantier <strong>de</strong> Sainte-Cécile.Que le chœur <strong>de</strong> <strong>la</strong> cathédrale se rattacheà l’art <strong>de</strong> cour français <strong>de</strong> l’époque estégalement attesté par certains motifs : <strong>la</strong>floraison <strong>de</strong>s fleurs <strong>de</strong> lys et <strong>la</strong> présence, ausommet <strong>de</strong>s portes du sanctuaire, <strong>de</strong>Constantin et Charlemagne, figurés làcomme prédécesseurs <strong>de</strong>s rois <strong>de</strong> France.Ces <strong>de</strong>ux personnages, dont <strong>la</strong> présenceconfère un rôle éminent aux souverainsdans le salut <strong>de</strong> leurs sujets et vaut révé-vue intérieure <strong>de</strong> <strong>la</strong> clôture du chœur© Michel EscoubiacLa même thèse montre qu’il existe une certainecorrespondance entre ces manières etles différentes parties que l’on discernedans <strong>la</strong> clôture, à partir <strong>de</strong> détails secondairesqui ne contreviennent pas à sa trèsgran<strong>de</strong> unité (forme <strong>de</strong>s socles <strong>de</strong>s statues,hauteur <strong>de</strong>s dais, par exemple).Quatre parties s’individualisent <strong>de</strong> <strong>la</strong>sorte <strong>de</strong> l’est vers l’ouest : l’absi<strong>de</strong> et <strong>la</strong>travée 14, les travées 13 à 11 (qui comportentbeaucoup d’animaux, réels ou fantastiques,dans <strong>la</strong> décoration végétale), puisles travées 10 à 3, enfin les <strong>de</strong>ux premièrestravées et le jubé. Il semble donc que quatreateliers aient travaillé simultanément auchœur d’Albi, chacun d’eux s’occupant à <strong>la</strong>fois d’un secteur <strong>de</strong> <strong>la</strong> clôture et d’une part<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>statuaire</strong>. Malheureusement, aucundocument écrit ne précise le nom <strong>de</strong>s imagiersqui sont venus à Albi construire etorner le chœur. Toutefois, <strong>la</strong> qualité exceptionnelle<strong>de</strong> <strong>la</strong> majeure partie <strong>de</strong>s statues,<strong>la</strong> personnalité <strong>de</strong> Louis d’Amboise, à <strong>la</strong> foistrès proche conseiller du souverain et prince<strong>de</strong> l’Église, disposant <strong>de</strong> <strong>la</strong> capacité matérielleet politique <strong>de</strong> mobiliser à son serviceclôture du chœur <strong>de</strong> <strong>la</strong> cathédrale, Charlemagne© Michel Escoubiacintérieur du chœur, Sainte-Cécile© Michel Escoubiac
Une <strong>statuaire</strong> exceptionnellepar son importance et sa qualitérence à <strong>la</strong> monarchie, rappellent quel’époque est celle du gallicanisme, où leroi contrôle étroitement l’Église <strong>de</strong> France.Une conservation satisfaisanteLe chœur et sa <strong>statuaire</strong> ont évi<strong>de</strong>mmentsubi les injures du temps et <strong>de</strong>s hommes.Des éléments <strong>de</strong> <strong>la</strong> clôture ont été bûchésou cassés (en particulier les b<strong>la</strong>sons ou lesfleurs <strong>de</strong> lys à <strong>la</strong> Révolution, qui a égalemententraîné <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong>s statues<strong>de</strong> <strong>la</strong> faça<strong>de</strong> extérieure du jubé). Certainesstatues ont été partiellement mutilées.D’autres, mineures et peu nombreuses,ont été remp<strong>la</strong>cées par <strong>de</strong>s œuvres ma<strong>la</strong>droites.La polychromie a pu s’altérer(écailles enlevées, égratignures).Enfin, le chœur a souffert du « vandalismeofficiel. » Au XIX e siècle, son pavement aété repris et remp<strong>la</strong>cé par un damier <strong>de</strong>marbre noir et b<strong>la</strong>nc ; ensuite le niveau dusanctuaire a été abaissé, contre toutelogique.Malgré ces transformations et dégradations,le chœur <strong>de</strong> <strong>la</strong> cathédrale Sainte-Cécileconserve son unité et sa splen<strong>de</strong>ur et <strong>de</strong>meureun chef-d’œuvre <strong>de</strong> l’art f<strong>la</strong>mboyant.Histoire conjuguée <strong>de</strong> l’humanité, <strong>de</strong>l’Alliance, <strong>de</strong> l’Église et du SalutBâti pour <strong>la</strong> gloire et <strong>la</strong> louange <strong>de</strong> Dieu, lechœur, châsse <strong>de</strong> pierre, veut approcher unautre mon<strong>de</strong>. La <strong>statuaire</strong> reprend cetteannonce, <strong>de</strong> manière historique et humanisée.Elle incarne un discours du Salut,montrant que l’Ancienne Alliance s’épanouitdans <strong>la</strong> Nouvelle, dont l’Égliseconstitue <strong>la</strong> manifestation terrestre.On ne sait rien du programme initial <strong>de</strong> <strong>la</strong>faça<strong>de</strong> extérieure du jubé, les statues quile garnissaient ayant disparu sans qu’il enexiste aucun relevé. Adam et Ève ont seuls<strong>sur</strong>vécu à <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction. Au revers <strong>de</strong> <strong>la</strong>porte méridionale du jubé figure <strong>la</strong> Vierge<strong>de</strong> l’Annonciation ; l’archange Gabriel setrouve situé <strong>sur</strong> le pilier médian <strong>de</strong> <strong>la</strong> travéecorrespondant à <strong>la</strong> tribune. L’Annonciationprélu<strong>de</strong> fortement à <strong>la</strong> narrationsacrée qui rappelle dans le tour du chœurles promesses <strong>de</strong> l’Ancien Testament,pour en montrer l’épanouissement dansle sanctuaire.À l’extérieur, une procession <strong>de</strong> personnagesinspirés, messagers <strong>de</strong> Dieu, chemine <strong>de</strong>l’âge <strong>de</strong> <strong>la</strong> Loi vers le temps <strong>de</strong> <strong>la</strong> Grâce. Cesont <strong>de</strong>s prophètes annonçant <strong>la</strong> venue duChrist ou <strong>de</strong>s préfigures <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier ; àcette théorie participent Judith et Esther,comme préfigures <strong>de</strong> Marie.Ces statues tiennent <strong>de</strong>s phy<strong>la</strong>ctèresprésentés <strong>de</strong> manière très variée. Cetterecherche ne vise pas le pittoresque pourvue extérieure<strong>de</strong> <strong>la</strong> clôture du chœur :les grands personnages© Michel Escoubiac