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L'espace pluriel au fil des collections - accueil

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ESPACEPLURIELAU FIL DESCOLLECTIONSDU MUSÉEDOSSIER PÉDAGOGIQUE ENSEIGNANTSSÉRIE À LA CROISÉE DES CHEMINS


« L’espace dans tous les sens…Qui tourneboule parfois nos sens »Tel est le thème de ce documentqui a pour vocation de présenterquelques pistes et éclairagesrelatifs à une inéluctable notion.Initialement impulsé parl’exposition « Mise en espace »organisée <strong>au</strong> Centre culturel Alban Minvilleen décembre-janvier derniers,ce dossier élargit son étudeà <strong>des</strong> pièces maîtresses du fonds <strong>des</strong> Abattoirset étend le propos à <strong>des</strong> moments-clés de l’histoire de l’art...Evelyne GoupyChargée de mission DAACAuprès du Service Educatif


SOMMAIREPRÉAMBULE.………………………………………………………………………………….. 2REMARQUES CONNEXES…………………………………………………………. 2DÉFINITIONS..……………………………………………………………………….. 3MUSARDER DANS LES COLLECTIONS : QUELLES ESPÈCES D’ESPACES ? ....... 6ESPACE BIDIMENSIONNEL :…………………..............…………………………. 6LIEU D’INSCRIPTION DU GESTE ............................................................. 6Mise en rése<strong>au</strong> : l’influence du Zen………………………………… 9Témoignages : Gutaï / Georges Mathieu……………………........... 12SURFACE DE REPRESENTATION...…………………………………......... 14Effets de profondeur.........………………………………………........ 14Les systèmes perspectifs occident<strong>au</strong>x …………………………….. 17Mise en rése<strong>au</strong> : les machines à <strong>des</strong>siner (Renaissance) ... 18La photographie ………………………………………..................….. 20Petit précis de photographie …………………………………. 25LA QUESTION DE L’ECART ……………………………………........…….. 29Réminiscence, mémoire, rêverie..................................................... 29Cartographie.................................................................................... 31Un panorama à contre-courant : Jan Dibbets.................................. 32DU PLAN AU RELIEF........................................................................................... 33ESPACE TRIDIMENSIONNEL............................................................................. 37LIEU DE REPRÉSENTATION.................................................................... 37DISPOSITIF ET ESPACE DE PRÉSENTATION........................................ 41Mise en situation.............................................................................. 41Mise en scène.................................................................................. 42Tradition du cadre................................................................... 42Tradition de la vitrine.............................................................. 43Tradition du socle................................................................... 44Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


2PRÉAMBULEFORME, ESPACE, COULEUR, MATIÈRE, LUMIERE et TEMPS sont <strong>des</strong> notions quis’entrelacent continuellement dans les pratiques plastiques où le CORPS participeintrinsèquement de la conduite créatrice. C’est en s’appuyant plus spécifiquement sur une deces composantes que s’articule le propos de ce dossier.Programmes du collège, Arts plastiques, (Bulletin officiel spécial n° 6 du 28 août 2008)Traditionnellement, les arts plastiques sont considérés comme les arts de l’espace et de la forme. Cesdonnées sont inséparables dans une dialectique du plein et du vide, de l’intérieur et de l’extérieur. Laforme se déploie dans l’espace et en même temps, elle le génère.Différentes qualités de l’espace nous affectent en fonction de son échelle et de ses mesures, l’espacehabitable, l’espace miniaturisé, la vaste étendue naturelle ou urbaine, le monument.Les œuvres modernes et contemporaines ici retenues - issues <strong>des</strong> fonds du muséeet du Frac, enrichis <strong>des</strong> donations Anthony Denney et Daniel Cordier (cette dernièreappartenant <strong>au</strong> centre Georges Pompidou) - offrent <strong>des</strong> caractéristiques assez remarquablespour être utilisées comme points d’appui. Leur présence récurrente <strong>au</strong> sein d’expositionspermet d’envisager un contact direct avec le public scolaire, de loin préférable <strong>au</strong>x vaguesévocations spatiales fournies par <strong>des</strong> reprographies.Cycle 1 : La sensibilité, l’imagination, la création (BO n° 5, 11 avril 2007, hors-série) 1Les références culturelles ne sont pas données comme modèles à atteindre ou à admirer. Ellespermettent l’ouverture à <strong>des</strong> sensibilités différentes et posent les bases d’une culture commune.Guidé par le maître, l’enfant découvre les liens entre inventions <strong>des</strong> artistes et propositions <strong>des</strong>élèves. Il se familiarise avec <strong>des</strong> œuvres qu’on lui fait découvrir dans <strong>des</strong> contextes différents. Il enperçoit <strong>des</strong> aspects divers et en distingue certaines particularités. Il acquiert ainsi un début de culturevisuelle. Les œuvres et les artistes proposés viennent en appui d’une expérience créativeconcrètement vécue.Ces pages proposent <strong>des</strong> pistes à explorer avec les élèves, tant du premier que dusecond degré. Les questions soulevées par la notion d’espace sont multiples : cesdifférentes entrées justifient le décloisonnement <strong>des</strong> champs d’activité et la variété lespratiques en classe. Convoquant <strong>au</strong>ssi bien le <strong>des</strong>sin, la peinture et les compositionsplastiques que l’utilisation de l’outil informatique, elles conduisent <strong>au</strong>ssi à faire l’expériencede la muséographie, de l’installation, de la vidéo, etc. La distinction espace réel / espacefiguré entend, quant à elle, introduire une réflexion relative à la présentation et à lareprésentation, <strong>au</strong> corps agissant, <strong>au</strong> corps spect’actant, à l’écart, à l’illusion, à l’imaginaire,à l’architecture…Jean-Yves Bosseur 2 nous rappelle que le terme d’espace peut être « appréhendéselon deux princip<strong>au</strong>x axes, l’un concernant la surface inhérente à l’œuvre, l’<strong>au</strong>tre soustendantune réflexion sur l’espace environnant et conduisant à la quête de nouve<strong>au</strong>x lieux12Pour le premier degré, il sera systématiquement fait référence <strong>au</strong>x programmes antérieurs à2008 car plus précis dans leurs contenusIn Vocabulaire <strong>des</strong> arts plastiques du XX e siècle, Minerve, 1998, pp. 83 - 90Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


3d’<strong>accueil</strong> pour les projets plastiques ». Il revient sur les relations entre regard et espace del’œuvre mettant en jeu « une <strong>au</strong>tre dimension qui suppose une distance plus ou moinsgrande vis-à-vis de ce qui est proposé <strong>au</strong> regard, voire une transgression du caractèrefrontal de la perception conventionnelle de l’œuvre ». L’<strong>au</strong>teur remarque <strong>au</strong>ssi que « penserl’espace <strong>au</strong>-delà de la surface bidimensionnelle du plan pictural devient un thème de plus enplus présent dans l’art du XX e siècle […] » concourant à l’éclatement <strong>des</strong> catégoriesplastiques. « Dès lors, de nombreux artistes se préoccupent de rendre l’espacephysiquement parcourable ou habitable […], le projet plastique devient alors inséparable del’espace pour lequel il a été conçu ».DÉFINITIONSDans son Vocabulaire d’esthétique 3 , Etienne Souri<strong>au</strong> donne les définitions suivantes :Espace : Étendue où <strong>des</strong> points distincts peuvent exister simultanément, constituant lecadre où se situent les corps matériels et les phénomènes physiques.- L’espace de l’existence matérielle réelle :C’est là que les œuvres ont leur place en tant qu’objets matériels. Parmi les œuvresqui s’adressent à la vue, certaines ont un statut spatial tridimensionnel évident, carelles présentent <strong>au</strong>x yeux <strong>des</strong> volumes fixes ou en mouvement. Il existe ainsi unespace de l’architecture, par exemple.Si d’<strong>au</strong>tres offrent à la vue <strong>des</strong> surfaces, elles appartiennent à <strong>des</strong> objets qui ont uneépaisseur.L’espace où se trouve l’œuvre est <strong>au</strong>ssi, bien évidemment, celui de l’artiste, celui où iltravaille, celui de son corps et de ses mouvements. […]L’espace de l’œuvre et de l’artiste est <strong>au</strong>ssi l’espace spectatoriel. Ceci renvoie à laquestion du point de vue (fixe ou mobile)- L’espace diégétique :A côté de cet espace réel, il f<strong>au</strong>t évoquer celui de l’univers de l’œuvre, pour lesœuvres représentatives. Ici se situent <strong>des</strong> endroits montrés qui peuvent occuper uneportion plus ou moins importante dans l’œuvre. Le point de vue et le cadragedéterminent un point de coïncidence entre l’emplacement physique du spectateur etun point de l’espace d’où la scène représentée est supposée être vue. L’artisteprocède par « découpe » du réel et oriente ainsi le regard du visiteur.Programmes Arts plastiques, Collège, cycle centralImages, œuvre et fiction / Images, œuvre et réalité - Les élèves de cinquième et quatrième sefamiliarisent avec les images et leur diversité. Ils élaborent matériellement <strong>des</strong> images, découvrent lesmodalités de leur réception et de leur diffusion. Ils poursuivent à cette occasion l’étude <strong>des</strong> dispositifset <strong>des</strong> co<strong>des</strong> de représentation.En quatrième, ces dispositifs ont pour objectif de capter, d’enregistrer, de représenter et de produirede la réalité.Le Dictionnaire historique de la langue française (Éd. Le Robert) apporte les précisionssuivantes :3Vocabulaire d’esthétique, Etienne Souri<strong>au</strong>, PUF, 1990, pp. 685 - 686Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


4Espace : n. m. Est un emprunt du XII e siècle <strong>au</strong> latin spacium « champs de course,arène», puis « espace libre, étendue, distance » et <strong>au</strong>ssi « laps de temps, durée ».- Espace, indifféremment masculin ou féminin en ancien et en moyen français, s'estintroduit avec une valeur temporelle, la plus fréquente avant le XVI e siècle (dansl'espace d'un mois).- Espace reprend ensuite (vers 1200) le sens de « surface déterminée, étendue » puis,en ne considérant qu'une seule dimension (1314), celui de « distance, intervalle ».Espace a eu <strong>au</strong>ssi un sens figuré : « écart, différence ».- Le mot se dit ensuite (milieu du XVI e siècle, Du Bellay) pour « étendue <strong>des</strong> airs » etpour « volume déterminé ».- C'est <strong>au</strong> XVII e siècle qu'il devient un terme scientifique (1647, Descartes) avec lavaleur de « milieu dans lequel ont lieu les phénomènes observés », désignant engéométrie le milieu abstrait <strong>des</strong> phénomènes étudiés (1691).- Par extension du sens « étendues <strong>des</strong> airs », il est employé pour désigner l'espacecéleste (1662, Pascal), acception sortie d'usage <strong>au</strong> <strong>pluriel</strong> (Les espaces), d'où, <strong>au</strong>figuré (XVIII e siècle), espaces imaginaires « rêve, utopie » et l'expression se perdredans les espaces imaginaires : « se créer <strong>des</strong> idées chimériques » (avant 1778).- Une valeur récente correspond à « moment, cadre » (un espace de dialogue).- Espace « étendue » est employé dans quelques expressions du XX e siècle : espacevital « territoire revendiqué comme indispensable », espace aérien (vers 1960),espace vert, « lieu planté (parc, jardin) dans une ville ». Le mot est à la mode pour «lieu aménagé » (pour <strong>des</strong> manifestations, <strong>des</strong> spectacles, ...)- Par extension du sens d'« espace céleste », il désigne <strong>au</strong>ssi <strong>au</strong> XX e siècle le milieuextra-terrestre (la conquête de l'espace).- En physique, dans la théorie de la relativité, espace-temps (XX e siècle) se dit dumilieu à quatre dimensions où quatre variables sont considérées comme nécessairespour déterminer un phénomène.En Arts plastiques, l’ouvrage Comment savoir si c'est de l'art ou pas ? (Fabrice Wate<strong>au</strong>, Éd.Belin) indique qu’il existe plusieurs types d'espaces :Espace en deux dimensions ou bidimensionnel. On parle de l'espace littéral de la feuillede papier ou d'espace plan. C’est l'espace physique (réel) offert par le support brut. Cetespace limité possède <strong>des</strong> dimensions et une matérialité propres. Sur ce support, il estpossible de donner l’illusion de la tridimensionnalité (espace suggéré) donc dereprésenter quelque chose en volume. <strong>L'espace</strong> suggéré est donc la profondeurreprésentée sur un support plan (papier, carton, toile...) par différents moyens (comme laperspective, la succession <strong>des</strong> plans). Il peut également donner l'illusion que cesvolumes (<strong>des</strong> corps ou <strong>des</strong> objets) se trouvent à différents endroits dans cet espacesuggéré.Espace en trois dimensions ou tridimensionnel. <strong>L'espace</strong> en trois dimensions estphysiquement bien réel et les sculpteurs sont confrontés <strong>au</strong>x rapports de leurs œuvresavec cet espace. Il en est de même pour les architectes.Au sens général, l'espace est une étendue indéfinie, un milieu sans borne qui contient <strong>des</strong>étendues finies, superficielles ou limitées.Du coup, apparaissent de nouvelles interrogations :Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


5Qu’entend-on par « étendues finies » ? Qu’est-ce qu’un « lieu », sinon une portion absorbéedans l’espace et y occupant un rôle subordonné – qui, selon Newton, serait « un morce<strong>au</strong>d’espace » commensurable ? Quelle distinction inst<strong>au</strong>rer alors avec le mot « site » ?Selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales 4 ,Lieu :- Portion déterminée de l'espace par sa situation dans un ensemble, par la chose quis'y trouve ou l'événement qui s'y produit- Endroit où l'on se trouve- Le substantif, dans quelques expressions, est coordonné à un mot évoquant une idéede temps : Tu as bien choisi le lieu et le moment (Cl<strong>au</strong>del).- Endroit où s'est déroulé un événement : Être, se rendre sur les lieux ; les lieux ducrime.- Lieu commun : Idée générale que l'on utilise pour étayer un sujet, une démonstration.Idée couramment reçue.- Lieu public : Lieu ouvert librement <strong>au</strong> publicSite :- Paysage considéré du point de vue de l'aspect, du pittoresque, de l'esthétique. Sitealpestre, classé, grandiose, imposant, majestueux, pittoresque, plaisant, riant,touristique ; conservation <strong>des</strong> sites.- En peinture : Disposition « naturelle » <strong>des</strong> éléments d'un paysage utilisés par lepeintre. Nulle individualité chez la plupart de ces peintres, une même et unique visiond'un site arrangé suivant la prédilection du public (cf. Huysmans, Art moderne, 1883,p. 161). Jusqu'<strong>au</strong>x impressionnistes nous retrouverons leur vision [<strong>des</strong> paysagisteshollandais] dans la manière de choisir et arranger le site (Hourticq, Histoire de l’art,1914, p. 358).- Configuration du lieu ou du terrain où s'élèvent une ville, un village, une station, unmonument, où est construite une route ; manière dont l'objet géographique s'inscritdans le lieu qu'il occupe par rapport à son environnement immédiat.Le dictionnaire historique de la langue française (Éd. Le Robert) précise :Site : n. m. attesté vers 1303, est issu du latin situs « position, situation », spécialementen parlant d'une ville, et « situation prolongée », d'où « état d'abandon, jachère », <strong>au</strong>ssi «moisissure, rouille », « saleté corporelle ».- Site est d'abord dit pour « place, emplacement ». Il n'est réattesté qu'en 1347, puis en1512, spécialisé depuis le XVII e siècle (1660, d'Aubigné, texte posthume, « site d'uneplace de guerre ») <strong>au</strong> sens de « configuration d'un lieu, du terrain, où s'élève une ville,manière dont elle est située <strong>au</strong> point de vue de son utilisation par l'homme ».- Par ailleurs, le français de la Renaissance a emprunté à l'italien sito le sens de «partie de pays considéré du point de vue pittoresque, de l'esthétique », valeuremployée depuis le XVI e siècle (1580, Montaigne) pour parler de la dispositiongénérale <strong>des</strong> éléments d'un paysage.- Au XX e siècle le sens classique de « disposition esthétique d'un paysage » a étéréactivé, par exemple dans protection <strong>des</strong> sites, site classé. Par ailleurs, sitearchéologique désigne tout lieu où s'effectuent <strong>des</strong> fouilles.- Par emprunt à l'anglo-américain site, le mot s'applique <strong>au</strong>x adresses du rése<strong>au</strong>Internet où l'on peut obtenir <strong>des</strong> informations4http://www.cnrtl.fr/Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


6MUSARDER DANS LES COLLECTIONS :QUELLES ESPÈCES D’ESPACES ?« Tout art ouvre, pour ne pas dire fomente, l’espace <strong>au</strong>tour de lui. Pierre Francastel disaitqu’un Mondrian géométrise l’espace <strong>au</strong>tour de lui (1984). Charles Boule<strong>au</strong>, avec son idée decharpente, signalait le poids du cadre sur la composition (1961). Toutefois ces lignes decomposition se réfèrent <strong>au</strong> cadre mais, loin de s’y arrêter, elles continuent <strong>au</strong>-delà,construisant pas à pas les alentours de l’œuvre. Et jusqu’où ira-t-il, ce rayonnement <strong>des</strong>lignes de l’œuvre, si l’on n’y prend garde ? Jusqu’à l’espace entier, rouvert, réinventé, recréépar l’œuvre. Alors « plastique » risque de cesser d’être une qualité de l’espace pour devenirune action de l’art. » Jean-P<strong>au</strong>l Galibert 5ESPACE BIDIMENSIONNEL :1. LIEU D’INSCRIPTION DU GESTEIl est évident qu’on traite ici de la surface d’un subjectile à investir – à savoir, l’espaced’un support plan. Espace littéral sur lequel les modalités de réalisation et d’élaborationlaissent <strong>des</strong> traces…Le corps du peintre en action (l’indice du geste, le témoignage de son énergie) se manifeste,entre <strong>au</strong>tres, dans les trav<strong>au</strong>x émanant de l’abstraction et de l’art-action. On citera doncprioritairement le groupe d'avant-garde japonais Gutaï (1955-1972) ainsi que les peinturesde plasticiens européens et américains ayant fait l'expérience de la culture japonaise durantles années 1960. L’énumération suivante révèle les influences réciproques d'artistesd'origine et de culture hétérogènes : Toshimitsu Imaï, Akira Kanayama, MasatoshiMasanobu, Shozo Shimamoto, Kazuo Shiraga, Serpan, Sam Francis, Hans Hartung, P<strong>au</strong>lJenkins, Georges Mathieu, etc.Ici s’affirme également l'importance <strong>des</strong> grands formats, la volonté d’occuper totalement oupartiellement une surface.Du point <strong>au</strong> plan, en passant par la ligne et l’étendue, on y trouve <strong>des</strong> éclaboussures, <strong>des</strong>délimitations, <strong>des</strong> superpositions, <strong>des</strong> aplats, <strong>des</strong> réserves, <strong>des</strong> reliefs…Pistes pédagogiques :Des propositions telles « occuper le territoire », « envahir l’espace » ou « champ debataille », peuvent conduire les élèves à interroger cette surface à couvrir.5Jean-P<strong>au</strong>l Galibert, "L’art plastique l’espace.", EspacesTemps.net, Il paraît, 25.05.2009Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


7Kazuo SHIRAGAPeinture1959Huile sur papier marouflé sur toile77 x 108 cmKazuo SHIRAGAGenten (Ciel noir)1990Huile sur toile218,5 x 291 cmShozo SHIMAMOTOPeinture1960Techniques mixtes sur cartonmarouflé sur toile110 x 89 cmToshimitsu IMAIPeinturemars 1958Huile sur toile45,5 x 55 cmSam FRANCISRed and yellow1953Huile sur toile100 x 52 cmP<strong>au</strong>l JENKINSOsceola1957Huile sur toile199 x 93,4 cmHans HARTUNGComposition 1967 A 691967Pastel sur papier collé sur bois100 x 72,5 cmMasatoshi MASANOBUPeinture1959Huile sur toile116 x 73 cmLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


8Akira KANAYAMAPeinture1959Huile sur toilediffusée parvoiture téléguidée contrôlée parordinateur142,5 x 108,5 cmSERPANSooadjaaij1956Huile sur toile65 x 81 cmGeorges MATHIEUMort d'Ascelin de Rochester24 juin 1956Huile sur toile122 x 198 cmArts visuelsCycle 1 : La sensibilité, l’imagination, la créationExpérimenter divers outils, supports, médiums pour rechercher l’adaptation du geste <strong>au</strong>x contraintesmatérielles ; ces expériences sont organisées comme <strong>des</strong> jeux et <strong>des</strong> investigations libres chez lesplus jeunes.Les élèves abordent le <strong>des</strong>sin dans <strong>des</strong> situations variées (<strong>au</strong> sol, sur table, sur plan incliné, enextérieur, dans la cour ou lors de sorties, etc.)Cycle 2 :L’élève enchaîne <strong>des</strong> opérations pour chercher à produire <strong>des</strong> effets. Les activités proposées visent àpréciser <strong>des</strong> principes d’organisation et de composition : répétition, alternance, superposition,orientation, concentration, dispersion, équilibre, etc.Cycle 3L’élève aiguise sa perception, améliore l’acuité de son regard en prenant le temps d’observer etd’enregistrer le monde qui l’entoure. Le désir de représenter, lié <strong>au</strong> souci de la ressemblance, l’incite àmaîtriser les modalités (matérielles et opératoires) qu’il met en œuvre et qui progressivement tendentà se complexifier.Il joue sur <strong>des</strong> paramètres déjà rencontrés et repérés <strong>au</strong> cours <strong>des</strong> cycles antérieurs :- le support : il est possible d’expérimenter d’<strong>au</strong>tres supports comme la toile, le bois ou le sol de lacour ;- le geste : impliquant le corps entier, le bras ou seulement le poignet, guidé ou non à l’aide d’uninstrumentLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


9Si c’est sur le « CORPS à l’œuvre » qu’il est opportun de faire travailler les plus jeunesélèves, il reste essentiel d’aborder, avec les plus grands, la POSTURE de l’artiste. Onne peut, en effet, faire l’impasse sur la remise en question de l’objet artistiquetraditionnel. Dans les années d’après deuxième-guerre mondiale, l’art s’imposecomme une réponse politique <strong>au</strong> désastre - époque où il paraît essentiel, dans lalignée de Dada et du Futurisme en leur temps, de déclarer l’art « événement total »,fusion d’éléments - de sorte que la vie devienne art, que l’action soit l’œuvre,contestation de dogmes esthétiques visant l’éveil, le désir de se trouver en prisedirecte avec le réel.Le « traditionnel » objet artistique ne prend plus, alors, que statut de traces d’actes.Mise en rése<strong>au</strong> : Mise en rése<strong>au</strong> : Mise en rése<strong>au</strong> : Mise en rése<strong>au</strong>La créativité artistique issue de l'influence du Zen,Michel Batlle 6« Lancer un pont entre l'Orient et l'Occident : un vieux rêve présent dans be<strong>au</strong>coupd'esprits curieux ou dynamiques pour <strong>des</strong> conquêtes (de Christophe Colomb à PearlHarbour), du commerce ou <strong>des</strong> échanges plus spirituels.Le XVIlI e siècle s'extasiait sur <strong>des</strong> céramiques orientales jusqu'à les reproduire dans sesmanufactures (les fameux décors " <strong>au</strong> chinois ") et plus près de nous les impressionnistes nejaponisaient-ils pas ?Tout comme l'Art Nègre avait influencé les artistes cubistes, les philosophies orientales – ettout particulièrement le bouddhisme zen - marquèrent à leur tour la peinture nord-américainede l'après-guerre.Curieux de différences, de mon<strong>des</strong> nouve<strong>au</strong>x, de perceptions <strong>au</strong>tres, ils furent <strong>des</strong> dizainesà écarter les paravents nippons et chinois. Certains firent le voyage, les <strong>au</strong>tres lurent Lao-Tseu ou Suzuki.Cette rencontre avec de nouve<strong>au</strong>x concepts philosophiques et une vision nouvelle du mondeallaient modifier fondamentalement l'espace du table<strong>au</strong> peint qui perpétuait les règles et lesarcanes de la Renaissance.Nourrie de la densité de Cézanne, Monet ou Matisse, la peinture américaine découvrait unenouvelle dimension : le vide. Un vide pour oublier les paternités européennes mais <strong>au</strong>ssi unvide prémonitoire qui contrebalancerait un trop-plein, celui de la civilisation deconsommation.Marc TobeyPrécurseur en ce domaine, Marc Tobey, né en 1889, est fascinépar la calligraphie qu'il étudiera en 1920 <strong>au</strong>près d'un maître chinois, etc'est en 1934 qu'il effectuera son premier voyage en Chine et <strong>au</strong> Japonoù il séjournera dans un monastère zen. Le pouvoir <strong>des</strong> signes emplittoute son œuvre, devenant une sorte de partition sensible : " Ce qui jadisétait un arbre devint rythme…" Tobey accédant à la synthèse du Jardinde Pierres <strong>des</strong> monastères zen, à la grille <strong>des</strong> compositions de Mondrian.Mais sa volonté sera toujours que, dans la plus petite parcelle du réel,soient contenues toutes les richesses de l'univers. De la prolifération et<strong>des</strong> entrelacs de ses signes <strong>au</strong>x fameux drippings de Jackson Pollock, iln'y a qu'un pas ; le passage, à ce que nous pourrions appeler la "dimension américaine ",c'est à dire une ampleur nouvelle qui met l'œuvre à la dimension du corps, ce dernier étant6Article paru en 1994 dans le n° 67 de la revue ZenLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


10l'échelle et l'outil ; et c'est à ce moment-là que la peinture américaine prend conscience de laréalité physique du lieu où elle est fabriquée : les grands espaces de son territoire et lamonstruosité <strong>des</strong> villes. En cela cette peinture prend de vitesse et de force l'Ecole de Paris.PollockAinsi naissait, avec Pollock, ce que le critique HaroldRosenberg nomma l'action painting, technique picturale dans laquellele geste de l'artiste et le fait même de peindre trouvent leur reflet directdans l'œuvre une fois achevée, cette technique permettant une totaleidentification de l'artiste avec son œuvre. Mais le pouvoir créateur dugeste ne faisait qu'entamer une future et longue carrière, du tachismejusqu'<strong>au</strong> body-art. On cultive dans le Zen l'intuition comme ce quidonne une connaissance soudaine, spontanée, indépendante de toutedémonstration naturelle, elle est la voie inattendue qui se fait entendrejuste <strong>au</strong> moment nécessaire, elle guide.Barnett Newman : " Une seule ligne pour maîtriser le chaos "On peut ainsi dire que les peintures de Franz Kline sont <strong>des</strong> " actespeints " tout comme celles de la plupart <strong>des</strong> peintres tachistes. Pour MarkRothko l'absence de thème devient le thème même de sa peinture, unesorte de présence-absence avec pour obsession le côté insaisissable de laréalité. Contrairement <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres artistes expressionnistes abstraits,Barnett Newman ne disperse pas ses formes. Il plante sans concession laligne verticale, " une seule ligne, dit-il, suffit à maîtriser le chaos. " Il semontre, simple, nu, sans couleur "; vidant l'espace <strong>au</strong> lieu de le remplir.Pour tous ces artistes, la philosophie zen ouvrait de nouvelles perspectives sur la vision dumonde et sur l'homme dans sa chair et dans son âme, devenant sa propre source et le fruitde son acte, n'ayant rien d'un système de pensée contraignante et rigide, mais latransmission de concepts forgés par une expérience millénaire et toujours neuve à la fois,celle de l'éveil. " Ici et maintenant ", cette notion clef met l'importance sur le présent. Ainsiconvient-il d'être complètement présent dans chaque geste. Se concentrer ici et maintenant,telle est la leçon zen. Le sujet étant dans l'objet et le sujet contenant l'objet.Ad Reinhardt : " L'art en tant qu'art "Si Tobey avait ouvert la voie vers le Zen, AdReinhardt allait, à sa suite, en être le symbole le plusfort dans le sens où il devenait le " passeur " vers unart qui allait s'appeler le Minimal art et qu'il nommait "art en tant qu'art ". Engagée dans la philosophie zen,sa peinture est avant tout le lieu d'une expériencemystique, le lieu d'une expérience picturale trèsobjective. Il se donne <strong>des</strong> règles et les suit, il est lemaître et l'élève : " La seule œuvre à réaliser pour unartiste peintre, la seule peinture est la peinture usantde la toile de format identique, le schéma unique, un seul moyen formel, une seule couleurmonochrome, une seule division linéaire dans chaque direction, une seule symétrie, uneseule texture, un seul passage de la brosse à main levée. " Il ira jusqu'<strong>au</strong> bout de sa peintureavec sa série <strong>des</strong> Black paintings qu'il ne cessera de peindre durant les quinze dernièresannées de sa vie, afin de la pousser jusqu'à l'indivisible et l'absolu.Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


11Tàpies : "Suggérer le vide et réveiller le spectateur"Les artistes américains n'étaient pas les seuls àporter leurs regards vers l'Extrême-Orient ; en Europe,<strong>des</strong> peintres tels que Wols, Mathieu, Degottex, YvesKlein, Soulages ou Tàpies participaient à ce mêmeintérêt. Forces concentrées dans l'expression deSoulages où la simplicité tend à l'essentiel, lyrisme dela matière et du signe pour Tàpies : " Quand j'aicommencé à travailler, c'est le Zen qui m'a le plus aidéà m'orienter dans la poésie et l'art contemporains…Dans le Zen, il y a un côté méditatif, mais <strong>au</strong>ssi le chocqui secoue la pensée, qui rend une chose indigeste plutôt que digeste. Il y a <strong>des</strong> momentsoù je suis réellement contemplatif et où je me dissous dans le vide. Mais, <strong>au</strong>ssi, il y a cesmoments où j'essaie, <strong>au</strong>trement, de suggérer le vide et de réveiller ainsi le spectateur en lesecouant ".Mais si le Zen influençait les Occident<strong>au</strong>x, qu'en était-il <strong>des</strong> Japonais ?Pour eux, il était nécessaire de se tourner vers l'Europe ou l'Amérique afin de nourrirleur art de nouvelles informations. Dès 1923, un groupe néo-dadaïste nommé Mavo se fitconnaître par ses actions en public ; dans son manifeste, il disait : " Nous affirmons et nionssans cesse. Nous vivons dans tous les sens du mot de façon absolue ".Ainsi, les Japonais allaient-ils introduire dans l'art leur sens du geste, de la concentration etde l'intuition en <strong>des</strong> actions parfois proches <strong>des</strong> arts marti<strong>au</strong>x, intégrant <strong>des</strong> rituels de leurculture traditionnelle et <strong>des</strong> préceptes du bouddhisme.Au début <strong>des</strong> années cinquante, naît le groupe Gutai constitué <strong>au</strong>tour de YoshiharaJiro ; plus tourné vers la nature, il tente de retrouver l'espace illimité de l'expression artistiquepour l'ouvrir à la vie. « L'art Gutai ne transforme pas la matière, il donne vie à la matière.Faire vivre la matière est un moyen de faire vivre l'esprit. Elever l'esprit c'est faire entrer lamatière dans le champ spirituel supérieur »Il serait fastidieux de citer tous les artistes qui se réclament du Zen. Ce texte voudrait direque la plupart <strong>des</strong> historiens passent sous silence l'influence du Zen sur be<strong>au</strong>coup d'artistes,influence toujours forte <strong>au</strong>jourd'hui car il est une ouverture et une base pour lacompréhension du monde, donc de l'homme. »Vues de l’exposition à Tôkyô, juillet 1956 7ShiragaBoueMurakamiPassageMotonagaStructure polyéthylène et e<strong>au</strong>SatoSac humain7Pour plus d’informations, voir le site http://articide.com.pagesperso-orange.fr/gutai/fr/expo56.htmLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


12Témoignages : Témoignages : Témoignages : TémoignagesSi, dans la lignée de la posture du critique d'art Michel Tapié - qui voulut à touscrins rattacher Gutaï à une certaine abstraction lyrique européenne (Mathieu,Degottex, etc.), les peintures de ce groupe paraissent visuellement proches del’expressionnisme abstrait, il convient de ne pas occulter le propos dynamique,naturaliste, humaniste et révolté <strong>au</strong>quel elles répondaient. Ses membres étaient nonseulement peintres, mais <strong>au</strong>ssi performeurs et activistes. La simple considération del’étymologie du mot conduit à mieux en saisir l’esprit : le terme vient de gu, instrumentet tai, corps, l’adverbe gutaiteki signifie « concret, incarnation »...« L'Univers n'arrête à <strong>au</strong>cun moment de se transformer et nous le subissons.La transformation n'étant <strong>au</strong>tre chose que le renouvellement, il est naturel que nouscherchions à créer <strong>des</strong> phénomènes nouve<strong>au</strong>x ou que nous les découvrions avecétonnement.Gutaï est un groupe d'individus qui s'empare de toutes les techniques et matières possibles,sans se limiter <strong>au</strong>x deux et <strong>au</strong>x trois dimensions ; ils emploient du liquide, du solide, du gazou encore du son, de l'électricité - et, en même temps - pour défricher, en tout lieu, toutes lesformes possibles du be<strong>au</strong> en fraîcheur première.Notre mot de passe est " créons l'étrange ". L'étrange, c'estl'apparition hésitante de quelque chose d'inouï caché <strong>au</strong> fondde l'humanité. Les artistes de Gutaï ne seraient que <strong>des</strong>marte<strong>au</strong>x piqueurs perçant le mur qui empêche cetteapparition de l'inconnu… » Motonaga Sadamasa 8« Tout cela est le fruit d'un travail, réalisé dans l'éclaird'un instant et confronté à la perfection <strong>des</strong> trajectoires, noussupposons l'existence d'un projet, à première vue inconciliableavec l'opération vertigineuse du processus créatif. Une réalité,inexistante il y a encore quelques instants, se dévoile peu àpeu sur la surface violentée, sur cette surface torturée quicommence à devenir peinture.Cette danse syncopée, malgré sa brusquerie et sa rapidité,Kazuo Shiragapeut difficilement être qualifiée de dionysiaque. Même si lerésultat est de nature aléatoire, les mouvements paraissent contrôlés, comme obéissant àune méthode préétablie, à une préfiguration mentale. Ce qui semble indubitable, c'est que lepeintre, accroché à une corde, travaillant avec ses pieds nus la matière visqueuse, dans uneposition relativement instable, est bien "à l'intérieur du table<strong>au</strong>" et de façon irrémédiable.La fatalité recherchée, conséquence de l'emploi d'une technique inhabituelle, exige unerésolution alla prima qui suppose elle-même une capacité de décision instantanée, uneaccélération de l'enchaînement gestuel, une maîtrise infaillible du territoire et uneconnaissance <strong>des</strong> phénomènes déclenchés dans la matière. D'une certaine façon, cetteimmersion inéluctable dans le travail pictural, cette lutte pour donner corps à l'image d'ungigantesque maelström, tient <strong>au</strong>tant de la cérémonie précise que de la pratiquecontradictoire : construction et <strong>des</strong>truction à la fois - consubstantielle à l'esthétiqueexpressionniste abstraite, et l'on vient à se demander si, <strong>au</strong>-delà de cette action, ne subsistepas une ritualisation qui appartient pleinement à une culture spécifique. C'est pourquoi onpeut affirmer que la peinture de Shiraga participe en même temps de deux univers8in Robho N° 5-6, avril 1971Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


13esthétiques très différents : l'expressivité existentielle de l'art occidental et la transcendancepanthéiste de l'art oriental. » Antonio S<strong>au</strong>ra 9P<strong>au</strong>l FachettiMathieuPortraits photographiques, 19 janvier 1952En France : Georges MathieuL’artiste ne s’adonne que tardivement à lapeinture mais, dès ses premières toiles, il exprimesa radicalité en écrasant directement la peinturesortie du tube sur le support.Fortement opposé à l’abstraction géométrique quirègne en maître en France <strong>au</strong> sortir de la guerre,Georges Mathieu organise, à partir de 1947, unesérie de manifestations visant à promouvoir ce qu’ilnomme l’« abstraction lyrique », style laissant librecours <strong>au</strong> geste de l’artiste, qui, pour se mettre plusencore en danger, peint souvent en public.Dès 1950, il expose <strong>au</strong>x États-Unis et <strong>au</strong> Japon.A partir de 1954, il crée une multitude de table<strong>au</strong>x,le plus souvent lors de happenings minutés devantun public, qui mettent en valeur la rapidité et laspontanéité de son geste 10 . Ainsi, en 1956, <strong>au</strong>Théâtre Sarah Bernhardt à Paris, Mathieu crée-t-il,devant près de deux mille spectateurs, un table<strong>au</strong> de 4 x 12 mètres en n’utilisant pas moinsde huit cents tubes de peinture.Pour un documentaire intitulé Georges Mathieu ou la fureur d'être, il est <strong>fil</strong>mé <strong>au</strong> travail parFrédéric Rossif.Une grande rétrospective - assurant sa reconnaissance officielle - lui est consacrée en 1963<strong>au</strong> Musée d'Art moderne de la Ville de Paris.9Traduit du catalan par Edmond Raillard - In Catalogue Kazuo Shiraga : 4 juin-26 septembre 1993,Centre régional d'art contemporain Midi-Pyrénées, Labège ; Musée d'art moderne, réfectoire <strong>des</strong> Jacobins, Villede Toulouse, ARPAP, 199310Pour de plus amples informations, consulter l’ouvrage de Georges Mathieu : Le Privilège d'être, 1967,réédité en 2006, éditions ComplicitésLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


142. SURFACE DE REPRÉSENTATIONCycle 3 :Les différentes catégories d’images et leurs procédés de fabricationLes notions de ressemblance, de vraisemblance, d’illusion, d’impression, de sensation, de fictionpeuvent être introduites.Le table<strong>au</strong> se définit comme un espace plan sur lequel le peintre sait, par diversmoyens, donner l’illusion de la profondeur (donc celle d’un espace tridimensionnel).Les artistes ont constamment cherché <strong>des</strong> procédés pour créer cet effet. Les peintres de laRenaissance, par exemple, ont mis <strong>au</strong> point la perspective conique qui, admise à l’unanimitéen Occident, n’a commencé à être remise en c<strong>au</strong>se qu’à la fin du XIX e siècle. De nos jours,le grand public considère encore ce système de représentation comme la méthode la plus« évidente » pour suggérer l’éloignement ou le volume...Par conséquent, cette activité mimétique - dont la caractéristique est de reproduire leréel, interroge la relation de l'image (eidôlon [εἴδωλον]) à son modèle. L'origine picturale duconcept de mimêsis, tel qu'il a été élaboré par Platon, pose la question <strong>des</strong> ressemblanceset <strong>des</strong> écarts avec un référent. La définition du table<strong>au</strong> comme « fenêtre ouverte », qu'ontrouve <strong>au</strong> Livre I du Della Pittura d'Alberti, est, à cet égard, exemplaire, notamment en raison<strong>des</strong> contresens qu'elle n'a cessé de susciter. Chez Alberti, cette fenêtre encadre unereprésentation narrative, elle n'ouvre pas sur la nature mais sur l'histoire : « Je trace d'abordsur la surface à peindre un quadrilatère de la grandeur que je veux, et qui est pour moi unefenêtre ouverte par laquelle on puisse regarder l'histoire (historia) » 11 ; dans la versionitalienne de son traité, Alberti emploie le mot storia qui, comme historia, correspond <strong>au</strong>muthos d'Aristote. Mais cette définition s'accorde mal avec celle que l'on rencontre à d'<strong>au</strong>tresendroits du texte où la représentation picturale est caractérisée par sa fonction monstrative,c'est-à-dire sa fonction d'image : « En effet, puisque la peinture s'efforce de représenter leschoses visibles, notons de quelle façon les choses se présentent à la vue » 12Ces idées de « fenêtre », de représentation <strong>des</strong> « choses » et de perspectivetrouvent un écho retentissant dans la pratique photographique. Il n’est, à ce titre, pas anodinque Jean-Marc Bustamante intitule « table<strong>au</strong>x » certains de ses tirages.La diversité <strong>des</strong> œuvres bidimensionnelles du fonds muséal favorise le repérage denombreux co<strong>des</strong> constituant la base de contenus enseignables.Effet de profondeur dans les œuvres graphiques et picturales : divers co<strong>des</strong>De nombreuses productions induisent une sensation d’avancée/recul ou deproximité/éloignement sans avoir recours <strong>au</strong> système perspectif. Pour mieux les discerner,les différents procédés mentionnés ci-<strong>des</strong>sous ont été isolés alors que chaque œuvreprocède par combinaison...Arts plastiques,Programme de 3 eLe <strong>des</strong>sin et la peinture créent <strong>des</strong> espaces qui se déploient dans la bidimensionnalité, inventent <strong>des</strong>équivalents plastiques et suggèrent les dimensions spatiales par leur structuration de la surface et parleurs qualités matérielles. La question de l’espace et de sa représentation n’est pas nouvelle pour lesélèves de troisième. Ils l’ont abordée dans leurs différentes productions depuis la classe de sixième.Au nive<strong>au</strong> de la troisième, cette question sera approfondie.1112Alberti, Della Pittura, Livre I, trad. française : J.-L. Scheffer, Macula, 1992, p. 115Ibid., II, p. 145Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


15Etagement <strong>des</strong> plans :« Plus c’est placé h<strong>au</strong>t sur le support,plus c’est supposé se trouver loin »Jean DUBUFFETLe Havre, 1901 - Paris, 1985Trois personnages dans un paysage de montagne1924-1925huile sur toile89,5 x 66, cmSuperposition partielle :« Un élément cache en partiece qui se trouve derrière lui »Philippe HORTALAToulouse, 1960 - 1998Tuteurs1995Acrylique sur toile116 x 89 cmDiminution progressive de la taille<strong>des</strong> éléments et <strong>des</strong> intervallesParties plus ou moins détaillées« Plus c’est grand, plus c’est proche »« Plus c’est loin,plus les intervalles semblent diminuer »« Plus c’est près, plus c’est précis »Francesco BONAMIFlorence, 1955Indian <strong>fil</strong>es o il sogno di Scipione1985Huile sur toile160 x 189 cmChangement d’orientationUn simple traitement rythmique reposant sur <strong>des</strong>alternances d’axes obliques nous plonge dans unespace rempli de volumes accolés. Des figuresangulaires apparemment saillantes ou en creuxaniment l’arrière-plan.Zeljko KIPKECakouec (Yougoslavie), 1953Es wähle sich wer wählen kann1990Huile sur toile151 x 136 cmLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


16Ombre/lumièreLes valeurs claires agissent par rapport <strong>au</strong>x valeurssombres. Elles « ressortent »Michel CUREPierrefiche (Aveyron), 1958Sans titre1993Technique mixte sur papier marouflé sur toile210 x 280 cmContraste ch<strong>au</strong>d/froidEn règle générale, les tons froids « reculent »,tandis que les tons ch<strong>au</strong>ds « avancent ».Rémi BLANCHARDNantes, 1958 - Paris, 1993Cerf constat n°31981Huile sur bois160,5 x 205 cmEmboîtements, lignes rayonnantesEmboîtements de cadres successifs et lignesconvergentes donnent une impression de relief.Jordi CANUDASVich (Espagne), 1963Sans titre1990Gouache et pastel sur papier25 x 32,5 cmCadres et ouverturesLa subtilité de diverses valeurs de gris réparties <strong>au</strong> <strong>fil</strong><strong>des</strong> cadres et ouvertures, le jeu <strong>des</strong> ban<strong>des</strong>horizontales juxtaposées dans la partie centrale del’œuvre et la variation de la taille <strong>des</strong> touchesprovoquent une indubitable sensation de profondeurliée à la succession de multiples plans.Maria-Elena VIEIRA DA SILVA1908, Lisbonne (Portugal) - 1992, Paris (France)Sans titreSous-titre : Tempête1976Lithographie28,5 x 24,7 cm, 36/99Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


17Les systèmes perspectifs occident<strong>au</strong>x :On appelle perspective l’ensemble <strong>des</strong> règles de représentation <strong>des</strong> objets et <strong>des</strong>êtres donnant l’illusion de leur volume et de leur éloignement sur une surface plane. Cettereprésentation se veut coïncider avec la perception visuelle qu'en <strong>au</strong>rait un observateur enun point donné. D'intuition, de moyen technique, la perspective devient progressivementrigueur mathématique.On distingue notamment :la perspective atmosphérique qui consiste à marquer la profondeur de planssuccessifs en leur donnant progressivement (du proche <strong>au</strong> lointain) la couleur del'atmosphère, du ciel ;la perspective axonométrique dont les lignes de fuite sont parallèles (perspectiveutilisée en architecture ou en <strong>des</strong>sin industriel et dans l'art oriental) ;la perspective conique dont les lignes de fuite convergent en un point situé sur laligne d'horizon. Les premiers traités de perspective s'inspirent de la perspectivegéométrique inventée par Brunelleschi, théorisée par Alberti et relayés, notamment,par celui de Piero della Francesca (De prospectiva pingendi, vers 1490).Pour <strong>des</strong>siner les habitats ci-contre, François Malbreil a eu recours à laperspective axonométrique. Pour chaque représentation, un point de vuedifférent est adopté.François MALBREILVersailles (Yvelines), 1953Vit et travaille à Toulouse (H<strong>au</strong>te-Garonne)Trois Paysages1989Encre sur papier29 x 21 cmLe collectif Art & Language a adopté une perspective de type conique, avec un point de fuiteunique :ART & LANGUAGEGroupe fondé en mai 1968 à CoventryIndex (Incident dans un musée Francisco Sabaté)1986Acrylique sur toile173,5 x 270,2 cmLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


18L'impression de réalisme fournie par ce type de représentation est très importante :lorsque nous regardons une photographie ou un table<strong>au</strong> exécuté selon les lois de laperspective conique, nous avons le sentiment que "c'est ce que nous voyons". Or lesperspectives spatiales formalisées depuis la Renaissance présentent certainescaractéristiques venant contrarier cette acception :• vision monoculaire ;• projection d'une partie de l'espace sur une surface, le « table<strong>au</strong> » ;• immobilité du peintre, de la scène, du spectateur• œil du peintre n'ayant <strong>au</strong>cune limitation d'angle de vision, bien qu'il voie « devant » ;• œil du spectateur censé être situé <strong>au</strong> même endroit que l'œil du peintre• point de fuite représentant le point le plus éloigné : l’infini devient donc « visible »Arts plastiques,Programme de 3 eLes situations permettent <strong>au</strong>x élèves d'expérimenter et de réaliser <strong>des</strong> productions en rapport avecl’espace. Ils sont amenés à élaborer <strong>des</strong> trav<strong>au</strong>x bidimensionnels suggérant un espace par <strong>des</strong>moyens graphiques et pictur<strong>au</strong>xMise en rése<strong>au</strong> : Mise en rése<strong>au</strong> : Mise en rése<strong>au</strong> : Mise en rése<strong>au</strong>Etymologiquement, le mot latin perspectiva possède une double signification : « vueclaire » et « vue traversante ». Si le premier sens se rattache <strong>au</strong> grec optikê et comporte <strong>des</strong>connotations dérivées comme reconnaître, deviner, discerner ou prévoir, le second apparaîtplus problématique et mystérieux : comment peut-on voir clairement lorsque l’on voit àtravers quelque chose ? Inversement, si l’on regarde un objet ou un corps à travers un <strong>au</strong>tre,on ne voit pas ce à travers quoi on voit. Toujours quelque chose dans la perspectiveéchappe à la vue. Ce déf<strong>au</strong>t, qui empêche la clôture du dispositif, est précisément ce quiconstitue la perspective en objet épistémologique mouvant et lui permet de passer d’unchamp à un <strong>au</strong>tre.A la Renaissance, deux perspectives se succèdent : la première repose sur laphysique et la physiologie de la vision, tandis que la seconde définit la structure de lareprésentation. On peut alors se demander comment elles s’articulent l’une l’<strong>au</strong>tre, ce quirevient à élucider le rapport entre voir et représenter. Ce rapport n’est pas logique ou naturel :il découle du fait, énoncé par Alberti, que le peintre « a affaire avec ce qui se voit » 13 . Levocabulaire et les formalités de la vision se trouvent convoqués dans l’atelier <strong>des</strong> artistes ; ilsen sortiront intensément transformés.Les « machines à <strong>des</strong>siner » de la Renaissance 14 :La tavoletta de Brunelleschi (1415)Filippo Brunelleschi, qui était surtout architecte, ne cherchait peut-être qu'un procédépratique pour représenter un bâtiment sur un plan. Mais la portée de son invention, telle quenous pouvons la décrire <strong>au</strong>jourd'hui, déborde ces intentions. Hubert Damisch 15 parle demoment in<strong>au</strong>gural de la perspective : cette expérience serait le moment d'un « stade du13Ce qui ne va pas de soi : toute une tradition liant <strong>au</strong> contraire la peinture à l’imaginaire ou àl’invisible.14Cf. l’ouvrage de Philippe COMAR, La perspective en jeu : les <strong>des</strong>sous de l’image, Ed.Découverte Gallimard-sciences, Paris 199215Hubert DAMISCH, L'origine de la perspective, Flammarion, 1987, p. 107Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


19miroir » de la peinture, le moment où le sujet, se délestant de ses désirs, s'implique commeorigine.Le dispositif est assez simple :- sur un petit panne<strong>au</strong> qu'on peut tenir à la main, Brunelleschi a peint le baptistère deSan Giovanni tel qu'on le voyait à partir de l'intérieur du portail central de lacathédrale de Florence, avec tout son environnement. Petit détail : une partie dupanne<strong>au</strong> était argentée pour que le ciel puisse s'y refléter. Seul l'espace urbain étaitreprésenté en perspective.- il perce un trou dans le panne<strong>au</strong>, de sorte que l'œil de l'observateur puisse se placerderrière.- de l'<strong>au</strong>tre main, il tient un miroir.- en regardant, de derrière le panne<strong>au</strong>, la surface du miroir, un effet d'illusion seproduit.N'importe quel florentin de l'époque, habitué à regarder le baptistère depuis cet angle de vuele reconnaissait.Cette expérience est le prototype, le modèle, de la perspective artificielle. N'importe qui peutvérifier qu'à partir du table<strong>au</strong>, il est possible de désigner le lieu d'où il a été peint.Homme regardant l’image peinte sur la tavoletta. Expérience de Brunelleschi décrite par Antonio di Tucci Manetti dans saVita de Filippo Brunelleschi, rédigée vers 1475, un demi-siècle après l'événement.Le voile intersecteur d’Alberti« Il f<strong>au</strong>t ainsi s’appliquer à ce tracé <strong>des</strong> contourset pour l’obtenir parfaitement, je crois qu’on ne peut rientrouver de plus pratique que ce voile que j’ai l’habitudeavec mes amis d’appeler « intersecteur » et dont lepremier j’ai inventé l’usage. Il est ainsi fait : c’est un voilede <strong>fil</strong>s très fin, tissé lâche, teint d’une couleurquelconque, divisé <strong>au</strong> moyen de <strong>fil</strong>s plus épais en <strong>au</strong>tantde ban<strong>des</strong> de carrés qu’on voudra et tendu sur un cadre.Je le place entre le corps à représenter et l’œil, de façonque la pyramide visuelle pénètre à travers les jours du voile. Cette intersection du voile offrede nombreux avantages, d’abord parce qu’elle présente toujours les mêmes surfacesimmobiles puisque, après avoir placé tes repères, tu retrouves <strong>au</strong>ssitôt la même pointe depyramide qu’<strong>au</strong>paravant, ce qui est très difficile à obtenir sans l’intersecteur. Et sache qu’ilest impossible de reproduire exactement une chose par la peinture si elle ne conserve pasconstamment les mêmes faces pour celui qui peint [...]. Sache encore que si tu modifies ladistance et la position du centre, la chose vue elle-même semblera modifiée. C’est pourquoice voile dont j’ai parlé rendra ce service non négligeable de maintenir une chose toujoursidentique <strong>au</strong> regard. Un <strong>au</strong>tre avantage est que la place <strong>des</strong> contours et les limites <strong>des</strong>surfaces peuvent facilement être assignées à <strong>des</strong> lieux très précis sur le table<strong>au</strong> àLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


20peindre. » 16 Ce dispositif matérialise particulièrement bien l' "interception " du regard par letable<strong>au</strong>.Les fenêtres de DürerL’instruction pour la mesure d’Albrecht Dürer, en 1525, important traité de géométriepratique, reprend les idées de « voile intersecteur » et de « fenêtre ouverte » pour laconstruction de « tables à perspectives ». Le perspectographe fut inventé par Dürer (1471-1528), on l’appelle <strong>au</strong>ssi « fenêtre de Dürer » : en effet, cet instrument, composé d’un cadreen bois et d’une vitre quadrillée, est semblable à une fenêtre. Le peintre place ce cadredevant la scène qu’il veut représenter et regarde ce sujet à travers un « œilleton » (bâton sefinissant par un cercle de bois à travers lequel le peintre regarde en fermant un œil). Savision est donc monoculaire.En observant où les « lignes » du modèle coupent celle du quadrillage sur la vitre, le peintren’a plus qu’à reporter ce qu’il voit sur une feuille quadrillée.Albrecht Dürer, Underweysung der Messung mit dem Zirkel und Richtscheyt. Nuremberg, 1535.Ci-<strong>des</strong>sus, l’artiste reproduit un vase en perspective directement sur la fenêtreCi-<strong>des</strong>sous, il ne trace plus à même la plaque mais s'aide d'une grille lui permettant de reporterdirectement ce qu’il voit sur une feuille quadrillée à l’identique.Albrecht Dürer, Underweysung der Messung mit dem Zirkel und Richtscheyt. Nuremberg, 1535.La photographieLes images qui découlent de ce procédé technique offrent l’occasion de mesurer lesincidences propres <strong>au</strong> cadrage et <strong>au</strong> point de vue retenus :Cycle 3 :Les différentes catégories d’images et leurs procédés de fabricationLors de la prise de vues, l’élève joue sur le cadrage, le point de vue, le caché et le montré, le flou et lenet, le proche et le lointain...16Alberti, Della Pittura, Livre I, trad. française : J.-L. Scheffer, Macula, 1992Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


21Reconnaissance et dénomination <strong>des</strong> différents points de vue :PlongéeLe sujet est plus bas,on en voit donc le <strong>des</strong>susSophie CALLEParis, 1953Les tombes, Orphan1990Tirage argentique noir et blanc58 x 38,6 cmH<strong>au</strong>teur <strong>des</strong> yeuxSujet situé à h<strong>au</strong>teur duregardRalph GIBSONLos Angeles, 1939Sans titreAutre titre : Femme à la cigarette extrait de "Days at sea"1974Tirage noir et blanc21 x 31,3 cm (hors marge)Contre-plongéeLe sujet est plus h<strong>au</strong>t, on envoit donc le <strong>des</strong>sousRené SULTRAMaria BARTHELEMYHors ligne - Melk1991Photographie couleur4 lés de 300 x 105 cmLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


22Reconnaissance et dénomination <strong>des</strong> différents cadragesJean-Marc BUSTAMANTEToulouse, 1952Table<strong>au</strong> n°241981Tirage photographique103 x 130 cmPland’ensembleValeurinformative :<strong>des</strong>cription ducontexte généraloù se situe lascèneJean DIEUZAIDEH<strong>au</strong>te-Garonne, 1921 –2003Sardaigne Oliena19561/1Photographie noir et blancmontée sur papier Arches28,8 x 38,9 cm hors marge :Plan généralPrésentationd’une scène :situer le sujetdans sonenvironnementFrancisco ARTIGASParis, 1950Sans titreAutre titre : Travail d'atelierTirage noir et blanc28,2 x 38,1 cm hors margePlan moyenSujet présentéavec sonentourageimmédiatBernard FAUCONApt, 1950L'enfant <strong>au</strong> canif1983-1985Tirage Fresson30,7 x 30,4 cm hors margePlanrapprochéEn attirantl’attention, cecadrage place lespectateur dansune relationd’implication plusou moins forteavec la scène oule personnageLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


23Dieter APPELLTNiemegk (Allemagne), 1935Schichtung(Superposition)de la série : « Traces demémoire »1979Tirage de 1988Epreuve <strong>au</strong>x sels d'argent30 x 40 cmGros planLa transformationradicale de ladistance crée unrapportd’intimité : lespectateur« touche del’œil » <strong>des</strong>éléments que laproxémie luiinterditd’habitudeDidier de NAYER1949Vit et travaille à ParisDessin, Poitiers1986Tirage noir et blanc23,5 x 34,2 cmTrès grosplanL’objet est pointéavec une grandeforce indicative.Le détail estgrossi, le horschampignoré.Cette focalisationisole etfragmentel’espace. Ellepeut parfoisaboutir à uneimage luecomme abstraite.ChampLes vues ci-après sont « tronquées » par rapport à notre champ visuel ordinaire, ellesse présentent sous forme de portions d’espace, enregistrées par un unique « œil »(l’objectif), il convient donc ici de rappeler les termes de champ et de hors-champ.Beatrix Von CONTA1949, République fédérale d'AllemagneSans titrede la série Turandotjanvier 1992Photographie mise en couleur <strong>au</strong>x albumines19,1 x 15,4 cm (hors marge)BRASSAÏHongrie, 1899 - Paris, 1984Graffiti, La Magie, "Démon", Belleville, Parisde la série : Série VIII : "La Magie"1955Epreuve <strong>au</strong>x sels d'argent contrecollée sur bois38,5 x 29,5 cmLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


24Joachim MOGARRAMasdenverge (Espagne), 1954Le Pont-Neuf enveloppé1984Photographie noir et blanc80 x 80 cm (hors marge)John BATHO1939, Beuzeville (France)L'étang, l'e<strong>au</strong> verte et bleue1983Photographie Cibachrome28,7 x 42,9 cm (hors marge)MINOT & GORMEZANOPierre Minot, né le 8 janvier 1948 à Lyon,Gilbert Gormezane, né en 1945, FranceRacines I, 1211 janvier 1985Photographie : Tirage noir et blanc50 x 46,7 cmPierre de FENOYL1945, France - 1987, Casteln<strong>au</strong>-de-Montmiral (France)05.02.84. 13h.1984Photographie : Tirage noir et blanc31,1 x 47,6 cm (hors marge)La photographie de Cl<strong>au</strong>de Batho s’avère trompeuse : de facture assez picturale, elleuse du flou quel que soit l’endroit où le regard se pose. La référence <strong>au</strong>x Nymphéas deMonet est évidente.Seule la surface de l’e<strong>au</strong> est visible, le spectateur est donc confronté à une vue en plongée,unissant éléments liquide, végétal et aérien. L’effet de profondeur tient à la diminutionprogressive de la taille <strong>des</strong> nénuphars (« plus on monte, plus c’est petit »). Cette imagepermet <strong>au</strong>ssi d’évoquer le contre-champ, dans la mesure où la surface de l’e<strong>au</strong> réfléchit leciel.Les effets de valeursOn pourra, par ailleurs, attirer l’attention <strong>des</strong> élèves sur l’utilisation <strong>des</strong> valeurs de grisdans les photographies en N/B : non seulement <strong>des</strong> écarts s’imposent entre « tirages durs »(très contrastés) et « tirages doux » mais certains photographes jouent <strong>au</strong>ssi volontiers, pouraccentuer l’idée d’éloignement, <strong>des</strong> effets de brume (cf. MINOT & GORMEZANO, Racines I,12) - ce que Léonard de Vinci <strong>au</strong>rait appelé sfumato dans ses œuvres picturales.Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


25La compositionLa composition fermée (cf. Beatrix von CONTA, Sans titre de la série « Turandot »)confère à l’ensemble une atmosphère mystérieuse ou inquiétante. Cette ambiance est, parailleurs (comme dans la photographie de Pierre de FENOYL), relayée par la lumière intensequi baigne certaines parties spécifiques du tirage. Les nuées, les reflets, les détails allant ens’estompant ou, encore, le net et le flou (la distance focale) contribuent également à produireun effet. Les productions présentent alors une dimension quasi « surnaturelle » qui pose laquestion de l’écart entre image et réalité. Cette remarque interroge, du coup, le statutd’enregistrement objectif qu’on attribue d’ordinaire à cette technique.La composition adoptée ci-<strong>des</strong>sous par L<strong>au</strong>rent Millet interpelle tout particulièrementl’attention du spectateur. Reprenant la thématique conventionnelle de la vue à travers uneouverture, la masse sombre et compacte du cerne noir qui double le cadre de l’imageinst<strong>au</strong>re un espace de passage, de transition, qui se lit <strong>au</strong>ssi bien comme fermeture / limite /frontière que comme ouverture vers un <strong>au</strong>-delà. La ligne oblique partant de l’angle supérieurg<strong>au</strong>che vient dynamiser cette mise en abyme.L<strong>au</strong>rent MILLET1968, FranceSans titre, de la série « Portuaires »1992Photographie : Tirage noir et blanc28 x 28 cm (hors marge)Cycle 3La perception de l’environnement et sa représentationLes pratiques diversifiées permettent à l’élève d’affiner la perception de son environnement,en particulier dans sa dimension paysagère et architecturale, l’aidant à mieux comprendre ladémarche géographique, également fondée sur l’approche du paysage. L’élève doitapprendre à mieux percevoir les limites, les oppositions entre formes et fonds, les relationset les proportions.Petit précis de photographie : Petit précis de photographieLe nombre important de photographies appartenant <strong>au</strong> fonds du musée <strong>au</strong>torisequelques éclaircissements 17 sur cette technique mise <strong>au</strong> point <strong>au</strong> XIX e siècle.La chambre noire :Les visiteurs du physicien italien Giambattista Della Porta (1535 ? - 1615) <strong>au</strong>raientété effrayés en voyant sur un mur l'image de petits personnages se déplaçant la tête en bas.Pris de panique, ils se seraient précipités hors de la pièce. Della Porta fut accusé <strong>des</strong>orcellerie alors qu’il souhaitait juste divertir ses invités en leur faisant découvrir le principede la camera obscura.17Source : WikipediaLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


26Celle-ci peut produire un effet spectaculaire, bien que son procédé soit simple :quand la lumière pénètre par un trou minuscule dans une boîte ou une pièce obscure, uneimage renversée de l'extérieur est projetée sur la paroi opposée à l’orifice. Ce que les invitésde Della Porta avaient vu n'était rien de plus que <strong>des</strong> acteurs qui jouaient dans la piècevoisine.Ce qu'on appelle chambre noire constitue l'ancêtre de l'appareil photo moderne. Ellen’avait rien d’une nouve<strong>au</strong>té <strong>au</strong> XVI e siècle : Aristote (384 - 322 av. J.-C.) avait déjà observéce phénomène, Alhazen, un savant arabe du X e siècle, en avait donné une <strong>des</strong>criptiondétaillée et les carnets du célèbre Léonard de Vinci, <strong>au</strong> XV e siècle, en portaient <strong>au</strong>ssimention. Au XVI e siècle, la netteté de l'image fut améliorée avec l'introduction de lentilles.De nombreux artistes ont utilisé cet accessoire de façon à rendre avec plus d'exactitude laperspective et l'échelle. Pourtant, malgré de multiples tentatives, il fallut attendre le XIX esiècle pour obtenir une image permanente.Le phénomène physique permettant de créer ces images était notoire mais il restaitune étape importante à franchir : comment faire en sorte que cette vision fugitive créée par lalumière dans la chambre noire se transforme en une image véritable, stable et durable, àl’instar d’un <strong>des</strong>sin ou d’une peinture ? Comment fixer cette apparition ?Photographein : les tâtonnements chimiquesLittéralement « écrire avec la lumière » : encore fallait-il trouver un support chimiquecapable de figer l’instant, de garder trace de cette empreinte lumineuse…Au début du XIX e siècle, Joseph Nicéphore Niépce (1765-1833) réussit à obtenir et àconserver une image due à l'action de la lumière. Dès 1812, il parvint à obtenir enlithographie <strong>des</strong> négatifs (grâce <strong>au</strong> chlorure d'argent) et <strong>des</strong> positifs (avec du bitume deJudée) mais ces images n’étaient pas stables. Il utilisait pour cela du sel d'argent placé <strong>au</strong>fond d'une chambre noire, mais ce dernier continuait de noircir après l'exposition et l'imagefinissait par disparaître.Niépce se rendit compte qu’il était important d'interrompre l'action du produit après unepériode d'exposition à la lumière. Après avoir tenté divers produits - éclaircissant à la lumière<strong>au</strong> lieu de noircir – se posait le même problème de stabilité, il s'intéressa à différents aci<strong>des</strong>qui agiraient sur une plaque de métal ou de calcaire et seraient lavés ensuite. Mais l'acide neréagit pas à la lumière. Il comprit, grâce à cette expérience, que l'action de la lumière n'avaitpas besoin d'être visible immédiatement mais se révèlerait peut-être par la suite. Il tentad'utiliser la résine de Gaïac (sensible <strong>au</strong>x ultra-violets, qui perd sa solubilité dans l'alcool etdont le procédé peut donc être interrompu). Possible en plein soleil, l'opération fut un échecen chambre noire car les ultraviolets (inconnus de Niépce) y étaient <strong>fil</strong>trés.L'expérience suivante eut lieu en 1822 : uneplaque de métal enduite de bitume fut exposéeplusieurs heures, puis rincée <strong>au</strong> solvant, puisrongée par l'acide <strong>au</strong>x endroits où le bitume étaitdissous. Le résultat fut concluant et permit decréer <strong>des</strong> supports métalliques pour l'imprimerie.Niépce constata néanmoins que les dégradésn’étaient pas satisfaisants. Des hachurespouvaient rendre ce dégradé en imprimerie maislimitaient l’utilisation de l'image à <strong>des</strong> gravures.Entre la fixation du négatif et la premièrephotographie stable, de nombreux essais furent nécessaires ; certains sont parvenus jusqu'ànous. La vue de sa propriété de Saint-Loup-de-Varennes (Saône-et-Loire) estmajoritairement reconnue comme la première photographie en raison de sa stabilité et parcequ'il s'agit de la première image connue prise d'après nature avec une chambre noire ; elleLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


27date de 1826. Niépce y plaça une plaque d'étain recouverte de bitume et installa sonappareil face à une fenêtre de sa propriété. Il l'exposa ainsi pendant huit heures. Cela formal’image floue d'un bâtiment, d'un arbre et d'une grange.Les dégradés et la précision que Niépce souhaitait ne s’avérèrent réellementsatisfaisants qu'après un nouve<strong>au</strong> changement de support et d'activateur. En 1828, il utilis<strong>au</strong>ne plaque d'argent et de la vapeur d'iode, le résultat fut enfin à la h<strong>au</strong>teur de sesespérances. Le temps d'exposition nécessitait plusieurs heures à plusieurs jours.Voulant affiner sa méthode, Niépce s'associa, en 1829, à un entrepreneur dynamiquenommé Louis Jacques Mandé Daguerre (1787-1851). Celui-ci accomplit <strong>des</strong> progrèsimportants dans les années qui suivirent la mort de Niépce en 1833. Il utilisa les vapeursd'iode comme agent sensibilisateur sur une plaque de cuivre recouverte d'une couched'argent polie. La réaction entre l’iode et l’argent produit de l’iodure d’argent, une substancese révélant être plus sensible à la lumière que le bitume. Par hasard, il découvrit que si uneplaque exposée était traitée <strong>au</strong>x vapeurs de mercure, l'image latente apparaissait nettement.À partir de ce moment-là, le temps de pose se réduisit considérablement. Plus tard,Daguerre se rendit compte qu'en trempant la plaque dans une solution saline, il pouvaitempêcher l'image de noircir avec le temps.Arago présenta cette découverte à l'Académie <strong>des</strong> sciences en 1839 et Daguerre lacommercialisa sous le nom de « daguerréotype ». L'État français l'acquit contre une renteviagère, puis en fit « don <strong>au</strong> monde ».Cependant toutes ces images ne pouvaient être produites qu'en un seul exemplaire àla fois, leur qualité était aléatoire et elles nécessitaient <strong>des</strong> temps d'exposition de plusieursdizaines de minutes, ce qui rendait très difficile la réalisation de portraits, par exemple.Vers le multipleWilliam Henry Fox Talbot (1800-1877) mena <strong>des</strong> recherches parallèles à celles deNiépce et de Daguerre à partir de 1833. En 1840, il mit <strong>au</strong> point le « calotype », procédénégatif-positif <strong>au</strong>torisant la diffusion multiple <strong>des</strong> images. Suivirent d'<strong>au</strong>tres recherches qui,petit à petit, permirent d'améliorer la qualité <strong>des</strong> images, la sensibilité à la lumière <strong>des</strong>surfaces sensibles et de simplifier la procédure de prise de vue. Talbot installait une feuillede papier enduite de chlorure d'argent dans sa chambre noire. Il obtenait ainsi un négatifqu'il cirait pour le rendre transparent. Il le plaçait ensuite sur une <strong>au</strong>tre feuille imprégnée, puisl'exposait à la lumière du jour, créant ainsi une image positive.Si, <strong>au</strong> départ, le procédé de Talbot apparut comme be<strong>au</strong>coup moins populaire quecelui de Daguerre et de qualité inférieure, il avait néanmoins de l'avenir. Il permettait deproduire plusieurs exemplaires d'une image à partir d'un seul négatif ; de plus, le papiercoûtait moins cher et il était plus facile à manipuler que le fragile daguerréotype. Malgré sonsuccès initial, la daguerréotypie n'eut <strong>au</strong>cun débouché alors que la technique de Talbot serttoujours de base à la photographie moderne usant de pellicules.Les premiers clichés, réalisés sur <strong>des</strong> plaques de verre, relativement encombrantes, lour<strong>des</strong>et fragiles, furent remplacées, en 1884, par <strong>des</strong> surfaces sensibles souples. Le <strong>fil</strong>m encelluloïd, permettant de stocker plusieurs images dans le magasin de l'appareilphotographique, supplanta la plaque de verre. La diminution de la taille <strong>des</strong> appareils facilitala pratique de la prise de vue en (presque) tous lieux et toutes circonstances, ouvrant la voieà la photographie de voyage et de reportage. Le procédé de la miniaturisation de l'appareilpermit de réaliser <strong>des</strong> clichés moyennant différents types de prise de vue.Tous les procédés photographiques actuels « par image argentique » ne sont que<strong>des</strong> perfectionnements de ces inventions (soit du matériel de prises de vue, soit <strong>des</strong> surfacesphotosensibles).Avec le XXI e siècle, la photographie est entrée dans l'ère numérique. L'évolution actuellesemble condamner la technique argentique à ne subsister que sous forme d'expressionpurement artistique pratiquée par quelques rares amateurs.Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


28Les implications : ce qu’en dit Walter Benjamin (extraits) 18La véritable victime de la photographie ne fut pas la peinture de paysage mais leportrait en miniature. Les choses se développèrent si rapidement que, dès 1840, la plupart<strong>des</strong> innombrables miniaturistes embrassèrent la profession de photographe, d'abordaccessoirement, puis à plein temps. C'est moins à leurs qualités d'artistes qu'à leurscapacités d'artisans qu'on doit la h<strong>au</strong>te qualité de la production photographique d'alors.Finalement, les commerçants se pressèrent de partout pour accéder à l'état de photographe,et bientôt se répandit la retouche sur négatif. Ce fut le temps où les albums dephotographies commencèrent à se remplir.Renoncer à la figure humaine représentait pour la photographie l'objectif le plus irréalisable.Il est significatif que le débat se soit le plus souvent figé <strong>au</strong>tour d'une esthétique de"la photographie comme art", alors qu'on n'accordait par exemple pas la moindre attention <strong>au</strong>fait social nettement plus consistant de "l'art comme photographie". Pourtant, les effets de lareproduction photographique <strong>des</strong> œuvres sont d'une toute <strong>au</strong>tre importance pour la fonctionde l'art que la réalisation d'une photographie plus ou moins artistique dans laquellel'événement se transforme en "prise" photographique. Mais oublions le "shooting". Que l'onse tourne vers la photographie comme art ou vers l'art comme photographie, l'accent sedéplace sensiblement. Chacun a pu faire l'observation selon laquelle une représentation, enparticulier une sculpture, ou mieux encore un édifice, se laissent mieux appréhender enphoto qu'en réalité. La tentation est grande de repousser cela comme un déclin du sensartistique, une démission de nos contemporains. Mais ceux-ci doivent constater combien,avec l'apprentissage <strong>des</strong> techniques de reproduction, s'est modifiée la perception <strong>des</strong>gran<strong>des</strong> œuvres. On ne les perçoit plus comme la création d'un individu : elles sontdevenues <strong>des</strong> productions collectives, si puissantes que pour les assimiler, il f<strong>au</strong>t d'abord lesrapetisser. En fin de compte, les procédés de reproduction sont <strong>des</strong> techniques de réductionqui confèrent un certain degré de maîtrise à <strong>des</strong> œuvres qui, sans cela, deviendraientinutilisables.Si la photographie s'affranchit du contexte que fournissent un Sander, une GermaineKrull ou un Blossfeldt, si elle s'émancipe <strong>des</strong> intérêts physiognomoniques, politiques ouscientifiques, alors elle devient "créatrice". L'affaire de l'objectif devient le "panorama" ;l'éditorialiste marron de la photographie entre en scène. " L'esprit, surmontant la mécanique,interprète ses résultats exacts comme <strong>des</strong> métaphores de la vie. " Plus la crise actuelle del'ordre social s'étend, plus ses moments singuliers s'entrechoquent avec raideur dans unantagonisme total, plus la création - dont le caractère fondamental est la variabilité, lacontradiction le père et la contrefaçon la mère - devient un fétiche dont les traits ne doiventl'existence qu'<strong>au</strong> remplacement <strong>des</strong> éclairages à la mode. " Le monde est be<strong>au</strong> " - telle estsa devise. En elle se dissimule la posture d'une photographie qui peut installer n'importequelle boîte de conserve dans l'espace, mais pas saisir les rapports humains dans lesquelselle pénètre, et qui annonce, y compris dans ses sujets les plus chimériques, leurcommercialisation plutôt que leur connaissance. Mais puisque le vrai visage de cettecréation photographique est la publicité ou l'association, son véritable rival est le dévoilementou la construction.« La situation, dit Brecht, se complique du fait que, moins que jamais, une simple"reproduction de la réalité" n'explique quoique ce soit de la réalité. Une photographie <strong>des</strong>usines Krupp ou AEG n'apporte à peu près rien sur ces institutions. La véritable réalité estrevenue à la dimension fonctionnelle. La réification <strong>des</strong> rapports humains, c'est-à-dire parexemple l'usine elle-même, ne les représente plus. Il y a donc bel et bien "quelque chose àconstruire", quelque chose d' "artificiel", de "fabriqué". »18Walter BENJAMIN, "Petite histoire de la photographie", Œuvres II, traduction française parM<strong>au</strong>rice de Gandillac, revue par Pierre Rusch, Paris, Gallimard, Folio Essais, 2000, pp. 295 - 321Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


293. LA QUESTION DE L’ECARTRéminiscence, mémoire, rêverieBon nombre d’<strong>au</strong>tres œuvres proposent <strong>des</strong> transcriptions fort éloignées de toutsouci de ressemblance sans pour <strong>au</strong>tant remettre en question l’illusion de tridimensionnalité.Cette rupture avec le naturalisme repose sur la simplification, l’utilisation de couleurs« <strong>au</strong>tonomes », sur l’ordonnancement improbable <strong>des</strong> éléments représentés. On pointeraque cet écart ne relève pas uniquement de pratiques liées <strong>au</strong> <strong>des</strong>sin ou à la peinture, mais<strong>au</strong>ssi de la prise de vue photographique (une fois de plus, la question de l’objectivité liée àce medium se trouve mise à mal).CollègeChamp <strong>des</strong> pratiques bidimensionnelles, graphiques et picturalesLe <strong>des</strong>sinEn arts plastiques, le <strong>des</strong>sin est une activité fondamentale qui permet <strong>au</strong>ssi d’élaborer un projet, devisualiser <strong>des</strong> formes et un espace possibles.La peintureLa peinture est couleur et matière. Comme étendue et substance, la couleur introduit à <strong>des</strong> notionsd’épaisseur, d’opacité et de translucidité, de peint et de non-peint.Elle constitue un matéri<strong>au</strong> physique par lequel on peut représenter un monde.Des artistes tel Danilo Sartoni y mettent à distance couleurs et formes pourdéconstruire/reconstruire la représentation : c’est armé, non pas d’un Leica, mais d’unechambre 18 x 24 à dos Polaroïd que cet artiste entreprend de fixer son environnement, en lerevisitant, en le retravaillant. Il en accentue et en révèle non pas l’instant décisif, maisl’atmosphère particulière. Pour Danilo Sartoni, les formes, les volumes et surtout les couleurs,doivent participer pleinement à l’élaboration de l’image, se répondre et vibrer à l’unisson.Paradoxalement, <strong>au</strong>cune <strong>des</strong> couleurs présentes n’est l’exacte réplique de celles du monderéel. Toutes sont transformées. En effet, le « dépouillement du Polaroïd », permettechniquement de jouer avec les émulsions en dénaturant et bousculant la chromatique.Louis CANE1943, Be<strong>au</strong>lieu-sur-Mer (France)Paysage de la petite Afrique1987E<strong>au</strong>-forte53,6 x 44,2 cm (hors marge)Danilo SARTONI1954, Ravenne (Italie)Sans titreSous-titre : Paysage avec fente1985Photographie Polaroïd27,9 x 22,9 cmLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


30Hervé CRÉPET1949, Montbrison (France)Sans titremars 1986Photographie Cibachrome40 x 40 cm (hors marge)La photographie d’Hervé Crépet présente <strong>des</strong>caractéristiques étonnantes qui piquent notre curiosité. Onpointera le résultat empreint d’une picturalité manifeste, bienque cette image n’ait fait l’objet d’<strong>au</strong>cune retouche, pas plusqu’elle n’a nécessité de <strong>fil</strong>tre <strong>au</strong> moment de la prise de vue. Parailleurs, elle est porteuse de singulières étrangetés.La simplicité du dispositif laisse pantois : il ne s’agit plus dephotographier un arbre, mais sa trace, en clair, de s’intéresser,par un angle de vue frontal, à l’ombre portée qui se déploie surdeux plans différents (l’axe horizontal du trottoir et l’axe verticaldu mur) générant ainsi une « cassure » incongrue dans lasilhouette sombre qui s’y manifeste. La profondeur de champest limitée par un écran dont la surface partiellement décrépiedevient le terrain de jeu d’entrelacs entre fond (texture & graffiti)et forme (ombre du ramage).Lycée, classe de PremièreFiguration et imageCe point du programme est à aborder sous l'angle de la question de la distance de l'image à sonréférent.AESParis-Be<strong>au</strong>bourgDe la série“ The Witnesses of the Future :Islamic Project ”(Les témoins du futur : projetislamique)1996-1997Installation photographiqueImpression nova jet sur toile95 x 137,4 cmQuelques décennies après le réalisme socialiste,le groupe AES réinvente l’art de la manipulation d'imagesdans une série de photographies retouchées. Sa cible : ladictature de la propagande.Grâce à l'outil informatique, le collectif poursuit la traditiondu photomontage - inventé par les constructivistes <strong>au</strong>début du XX e siècle.Le centre Georges Pompidou est transfiguré : la façadede Be<strong>au</strong>bourg - couverte de tapis orient<strong>au</strong>x - revêt uneallure m<strong>au</strong>resque dans sa partie inférieure… Cettetransformation suscite la surprise : le spectateur estconduit à identifier un lieu familier sans le reconnaître toutà fait. Pourtant, on s'y croirait ! Les impressionnantstrucages photographiques réalisés avec Photoshopforment <strong>au</strong>tant d'éclatantes "cartes postales" reflétant unnouvel état du monde. Le spectateur y trouve contrastes,oppositions, confrontations, engendrant le trouble.L'association d'éléments hétérogènes le conduit àremettre en question la fiabilité <strong>des</strong> photographies, à s'interroger sur la valeur intrinsèque<strong>des</strong> images et sur la manière répandue de les appréhender sans recul. Un <strong>des</strong> élémentsrécurrents de cette série est fondé sur la recherche de la perfection de l’image, que legroupe atteint, par ailleurs, en ayant recours à différents instruments linguistiques liés <strong>au</strong>xlangages de la communication, de la publicité et <strong>des</strong> jeux vidéo. Une façon de faire passer,en maniant ironie et dérision, le f<strong>au</strong>x pour le vrai, d'exposer, en les poussant parfois àl'extrême, les théories alarmistes d'un politologue américain ayant prédit, en 1993, un "clash<strong>des</strong> civilisations".Cependant, cette perfection finit par susciter le malaise : Quelle c<strong>au</strong>se Arzamasova,Evsovitch et Svyatski servent-ils ? Propagande ? Manipulation ? Que penser de ces imagesaprès les attentats du 11 septembre 2001 ?Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


31Pour eux, la question est de " savoir si l'image du monde futur sera encore eurocentriste ousi les <strong>au</strong>tres cultures <strong>au</strong>ront <strong>des</strong> droits similaires dans un espace multiculturel global ".L'utilisation de l'image de synthèse - et de ses "collages" quasiment indécelables - débusqueles préjugés que le public porte sur le monde. Le but <strong>des</strong> artistes est d'en dénoncerl'absurdité, de déconstruire la logique de peur sur laquelle sont édifiés nombre de jeuxgéopolitiques et toute mécanique de propagande. Il s'agit de mettre <strong>au</strong> jour les constructionspsychologiques qui déterminent notre perception <strong>des</strong> images et le sens que nous leuraccordons.CartographieL’œuvre suivante dévoile une relation de contiguïté qui produit <strong>des</strong> effets de rése<strong>au</strong>xentre support et surface. Elle recèle et trace <strong>des</strong> lieux (ici le territoire de Condrieu). À unsubjectile porteur d’informations géographiques (une carte, donc, une vue en plongée totale,portant mention <strong>des</strong> chemins et axes routiers mais <strong>au</strong>cune indication <strong>des</strong> courbes de nive<strong>au</strong>),se superposent <strong>des</strong> zones colorées, déclinées dans les trois couleurs primaires. Ces formesne figurent rien : est-ce pour <strong>au</strong>tant un travail abstrait ? Il n’offre pas de silhouettesidentifiables mais <strong>des</strong> témoignages gestuels.Or, ce geste constitue un non-geste : il ne traduit pas un état du corps, mais dresse un état<strong>des</strong> lieux de la peinture. Il propose <strong>des</strong> étalements, <strong>des</strong> affleurements, <strong>des</strong> absences, <strong>des</strong>discontinuités, <strong>des</strong> alternances, <strong>des</strong> découpes, <strong>des</strong> suspensions, <strong>des</strong> lignes de force et uncadre.Jean-Marc CHEVALLIER1945, Paris (France)Marelle-paysage de CondrieuSous-titre : Un serpent d'e<strong>au</strong>1985Lithographie, 17/2080,6 x 121,4 cmLa peinture de Chevallier s’apparente à celle de certains artistes de Supports-Surfaces qui opéraient par déconstruction. Elle remet en c<strong>au</strong>se l’immense machineriedonnant lieu à l’illusionnisme, elle dénonce le système de représentation tout en créant uncertain paysage qui délimite divers espaces, une marge de dépassement, un vide entre lacouleur et le cadre. Des climats, <strong>des</strong> flux, <strong>des</strong> flui<strong>des</strong> s’étalent et se retirent ; il y a du graindans telle zone, <strong>des</strong> aplats dans d’<strong>au</strong>tres, <strong>des</strong> tracés obliques ailleurs. Ces masses enpartance dérivent en suivant, étonnamment, le relief escarpé de cette région viticole, commesi une vision frontale du terrain venait se substituer à la rigueur géographique du plan surlaquelle elle s’inscrit.Rappelons juste qu’en cartographie, les hachures ont longtemps servi à indiquer les reliefssur les cartes d'État-Major ou <strong>au</strong>tres, imprimées en taille-douce. Leur usage, codifié <strong>au</strong> <strong>fil</strong><strong>des</strong> années, permettait de lire facilement une carte : les hachures étaient parallèles,disposées dans le sens de la plus forte pente et d'une épaisseur proportionnelle àl'inclinaison du versant.Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


32Passage d’une réalité tridimensionnelle à une production bidimensionnelle : Unpanorama à contre-courantJan Dibbets est une figure majeure de la scène artistique contemporaine. Après <strong>des</strong>étu<strong>des</strong> artistiques, ce célèbre photographe commença à réaliser <strong>des</strong> trav<strong>au</strong>x conceptuels enmilieu naturel. Dès 1969, ses Perspectives corrigées lui permirent d’accéder à unereconnaissance internationale.A travers un usage très personnel de la photographie, son travail trouve son objet à la foisdans l’expérience de la perception et dans la réinterprétation <strong>des</strong> données de la perspectivetelles que l’histoire de l’art occidental nous les a léguées. Le paysage, le travail sur le motif,la représentation, le cadrage, la question du point de vue : tels sont les grands axes de sadémarche.Jan DIBBETSUntitled, Sous-titre : Rhododendrons, 1975Montage de 5 photographies couleur, 10,8 x 49,8 cm (hors marge)En juxtaposant plusieurs plans photographiques d’un unique motif, il offre ici uneimage panoramique dont l’horizon s’est absenté. L’éloignement du spectateur le conduit,dans un premier temps, à croire que cette bande représente une haie, vue frontalement. Or,en scrutant l’œuvre <strong>au</strong> plus près, l’initial sentiment de continuité est bien vite anéanti. Cetteimage séquentielle résulte d’une remise en c<strong>au</strong>se de la pratique conventionnelle dupanorama 19 . Jan Dibbets inverse ici les positions : ce qui est <strong>au</strong> centre, ce n’est plus l’œilmais le massif végétal, les prises de vue résultent de son propre déplacement giratoire<strong>au</strong>tour du rhododendron. La présentation plane <strong>des</strong> photographies accentue le déni duvolume. Il s’agit, en quelque sorte, d’une « mise à plat ».Lycée, classe de premièreFiguration et constructionToute image est perçue dans un espace d'énonciation : la page, le texte, le mur, la rue, etc. L'imagecontient elle-même <strong>des</strong> espaces : espace littéral, espace suggéré (le point de vue, le cadrage, lesreprésentations spatiales), etc.19En effet, le panorama, cette « vue d’ensemble », induit l’idée de circularité : elle résulte dumouvement du spectateur qui, placé <strong>au</strong> centre d’une scène ou d’un paysage, en découvre la totalitépar une rotation sur lui-même.Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


33DU PLAN AU RELIEFLa différence de h<strong>au</strong>teur entre deux points conduit à parler de relief : le plan dusupport bidimensionnel se voit remis en question, malmené ou enrichi. Si, pour certainsartistes, il s’agit de passer de la représentation à la présentation, pour d’<strong>au</strong>tres, il convient <strong>des</strong>’inscrire dans la continuité de l’histoire de l’art... De nombreux accidents (creux etrenflements) rompent avec la planéité de la surface et inst<strong>au</strong>rent jeux d’ombre et de lumièreou de textures.Lucio FONTANAConcetto spaziale attese1+1-111XY1962Emulsion sur toile lacérée92 x 73 cm<strong>L'espace</strong>, le temps, l'énergie sont <strong>au</strong> centre <strong>des</strong>préoccupations de Lucio Fontana. À partir de 1949, avec sesConcepts spati<strong>au</strong>x, il renouvelle radicalement la méthode deconception et d'exécution d'un table<strong>au</strong>. La surface de la toile nesert plus à déposer <strong>des</strong> couleurs : c'est un espace monochromequ'il f<strong>au</strong>t faire exister en tant que tel et les seules actionspermises ne sont plus additives mais, pour ainsi dire,soustractives : perforation puis lacération. <strong>L'espace</strong> naît d'ungeste créateur qui lui donne son énergie et le met en mouvement.C'est de cette manière que Fontana a contribué après la guerre<strong>au</strong>x courants de l'Art informel (surgissement de la forme à partirdu chaos) et de l'Abstraction lyrique. Il a étendu sa notion deconcept spatial à la sculpture (sphères fendues : Conceptspatial/Nature, 1959, Berlin N. G.) et a conçu, vers la fin de sa vie,<strong>des</strong> table<strong>au</strong>x sur deux plans, le premier découpé dans unmatéri<strong>au</strong> rigide et le second étant une toile perforée (Conceptspatial/Petit Théâtre, 1965, Milan, fondation Fontana). 20François ROUANEclatements, collage,blanc, noir et rose1967Papiers découpés et collés110 x 79 cmFrançois Rouan est de ceux qui ont regardé Matisse. Lespapiers découpés <strong>des</strong> années 65-67 en témoignent d’abord : touta commencé avec ces trav<strong>au</strong>x sur papier, colorés, découpés,entrecroisés, retournés ou tressés. Mais déjà la découpe ne sertpas seulement à quantifier la couleur. Elle devient pour Rouan unoutil - ou mieux un modèle – pour arracher le plan moderniste à latentation du lisse, de la pureté simplificatrice et minimaliste.Des premiers papiers <strong>au</strong>x toiles tressées de plus en pluscomplexes <strong>des</strong> années 69-70, tressées <strong>des</strong>sus/<strong>des</strong>sous,dedans/dehors, à trois ou quatre trames, la peinture a fait surface,littéralement. Le champ du table<strong>au</strong> se fend et s’ouvre pourproduire une épaisseur de sillons et de plis, pour laisser passerdu corps.Aujourd’hui, le travail de peinture de François Rouanreconduit ces mêmes procédures de tressage, toujours pourouvrir le plan du table<strong>au</strong> à plus de corporéité, pour affirmer laréalité d’une rugosité, pour faire surgir la présence de corps et defigures non immédiatement identifiables en tant que tels, maisempreints dans la substance même du table<strong>au</strong>. 2120Source : Encyclopédie LarousseLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


34Antoni TAPIESLit et couverture1983Huile, vernis, couverture sur toile221 x 270,5 x 3,5 cm« Antoni Tàpies a forgé son œuvredans la matière et le temps », remarqueYoussef Ishaghpour, essayiste et <strong>au</strong>teurd’Antoni Tàpies : Œuvres, écrits, entretiens.«Ce qui le caractérise, c’est d’avoir renoncé<strong>au</strong>x matéri<strong>au</strong>x traditionnels de la peinture»,explique Daniel Abadie, historien de l’art etancien directeur de la Galerie nationale duJeu de P<strong>au</strong>me à Paris. « Tàpies a introduitdans la peinture <strong>des</strong> éléments multiplesallant de la paille <strong>au</strong>x vieux draps. Tout étaitmélangé et il est l’un <strong>des</strong> grandsintroducteurs de la matière dans lapeinture.»«L’artiste doit tout inventer, il doit se lancerà corps perdu dans l’inconnu, rejetant toutpréjugé, y compris l’étude <strong>des</strong> techniques etl’emploi <strong>des</strong> matéri<strong>au</strong>x considérés commetraditionnels», écrivait d’ailleurs l’artistedans La pratique de l’art.«Il a été le précurseur d’un retour du réel dans la peinture » précise Daniel Abadie.L’univers du corps, du quotidien, c’est ce qu’Antoni Tàpies mettait sur ses toiles, une priseen charge complète de l’existence. «Tout ce qui avait été rejeté par le grand art, Tàpiesl’intégrait. Y compris le temps», souligne Youssef Ishaghpour. En mettant le quotidien dansses œuvres, il y mettait la finitude, l’éphémère.Dans Lit et couverture, nous sommes en présence d’un titre qui conforte l’image ;pourtant, seul un plan frontal - une matière colorée- se dresse comme un mur : un signesuggère le lit, associé à un objet résiduel quotidien - <strong>des</strong> portions de couverture. Associationinsolite de matéri<strong>au</strong>x, de taches colorées, de graffiti, de vernis évoquant le sang séché et qui,par leur expressivité, soulignent l’inquiétude douloureuse qui sourd de la toile. A la poïétiquede recouvrement du table<strong>au</strong> correspond un regard, une esthétique de l’objet fossile. C’est unregard qui convoque le corps dans son bas-fond, sa trivialité, sa réalité perceptivequotidienne, sans hiérarchie et avec confusion <strong>des</strong> sens : la vue devient toucher, le toucherdevient vue, le <strong>des</strong>sus passe en <strong>des</strong>sous.Robert MORRISWall Hanging1969 - 1970Feutre découpé250 x 372 x 30 cmUne large pièce rectangulaire defeutre industrielle appartenant à la série<strong>des</strong> Felt Pieces est fendue dans le sensde la longueur de cinq coups de lame derasoir parallèles. Les entailles s’arrêtentune vingtaine de centimètres avant lesbords et créent six ban<strong>des</strong> retenuesensemble <strong>des</strong> deux côtés. Si la premièreétape de la réalisation, effectuée à plat,sur le sol, reste dans les limites formellesde l’art minimal – lignes et plans - lapièce, une fois fixée <strong>au</strong> mur, révèletoutes les possibilités de déformationoffertes par la souplesse du matéri<strong>au</strong> :entrainées par leur poids, les ban<strong>des</strong> sedétachent de leur plan d’origine,21Présentation de l’exposition « François Rouan : la découpe comme modèle », musée Matisse,3 juillet - 18 septembre 2011Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


35s’infléchissent vers le bas et ouvrent dans la pièce de larges béances selon uneconfiguration qui échappe à l’artiste et évolue avec le temps ou en fonction de l’humidité.L’inertie propre <strong>au</strong> feutre dont Morris apprécie la sensualité et les associationsanatomiques avec la pe<strong>au</strong> ou la viande, produit <strong>des</strong> formes aisément transformables etrelevant de la catégorie de l’Anti Form créée par l’artiste en réaction à la suprématie de lagéométrie dans l’art minimal.Selon lui, en effet, « l’œuvre objectale n’est pas fondée – comme on a pu le croire – sur unemorphologie particulière, géométrique et contraignante, ou sur un éventail de matéri<strong>au</strong>xspécifiques et privilégiés. Des masses informes sont potentiellement <strong>au</strong>ssi utilisables que<strong>des</strong> cubes parfaits et <strong>des</strong> chiffons peuvent avoir <strong>au</strong>tant de valeur que <strong>des</strong> barres en acierinoxydable. »D’où le recours <strong>au</strong> feutre, matéri<strong>au</strong> déjà employé par Beuys, et la création de formesinspirées par les œuvres molles de Claes Oldenburg. Il en résulte <strong>des</strong> œuvres simples etprovisoires, dont l’artiste ne maitrise pas toute l’évolution : à leur origine, une idée. Leurapparence finale résulte de l’état d’entropie atteint par le processus. 22Eugène LEROYNu1964-1965Huile sur toile116 x 52 cmTrès influencé par Rembrandt, Eugène Leroy se distingue par laplace prééminente qu’il accorde à la matière, à la lumière et à la figure.Ses empâtements conséquents donnent naissance à une épaisseurformelle de la couche picturale, trace manifeste de la bataille livrée parl’artiste pour faire surgir la figure. Le table<strong>au</strong> devient le lieu d’unevéritable sédimentation de matière, résultat d’une multitude de touches,de grattages et de retouches.La singularité de l’œuvre de Leroy implique que le spectateur prenne dutemps et du recul avant de discerner la figure enfouie <strong>au</strong> cœur dumagma de matière. Il y a, <strong>au</strong> plus profond de cet amas de couleurs, uneréalité physique et charnelle, habitée par la figure humaine et le corps.Eugène Leroy ensevelit ses motifs sous <strong>des</strong> couches de pigments ;l’occultation semble, à y regarder de près, complète. Mais, l’artistes’arrête alors que le sujet resurgit, qu’il y a à nouve<strong>au</strong> révélation, que legeste redevient lisible et sensible.Ce peintre est un représentant <strong>des</strong> tendances informelles,expressionnistes et matiéristes du XX e siècle. Décédé en 2000, il est<strong>au</strong>jourd'hui devenu « classique » après avoir été longtemps ignoré, sontravail constitue désormais une référence concernant la virtuosité dans lemaniement de la pâte et de la couleur.Depuis longtemps, Pierre Soulages décline une œuvre <strong>au</strong> noir paradoxalementlumineuse : « Le sens d’une peinture, dit-il, ce n’est pas sa matérialité. C’est sa réalité. ».Traversée par <strong>des</strong> lignes raclées d’un coup sec qui viennent en perturber l’impeccableplanéité, <strong>des</strong> jeux de moirures et de brillances en animent la surface. Dans ses dernièresœuvres, le noir en est même venu à recouvrir entièrement ses toiles. Mais la couleur noire,explique-t-il, « n’existe jamais dans l’absolu », son intensité change en fonction <strong>des</strong>dimensions du support, de sa forme et de sa texture ; le medium appliqué en épaisseur esttravaillé avec une spatule de peintre en bâtiment, un coute<strong>au</strong>, de grosses brosses ou tout<strong>au</strong>tre outil de sa fabrication, seule la matière va servir de support à la lumière ; plus lapeinture est simplifiée et plus le noir va prendre de force. Soulages parle d’Outre-noir.22Notice de Guitemie Maldonado in Catalogue 5O espèces d’espaces, Œuvres du CentreGeorges Pompidou, Musée national d'art moderne, Centre Georges Pompidou-Ircam, 1998Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


36Pierre SOULAGESPeinture 30.3.841984Huile sur toile222 x 157 cmCette œuvre joue sur le seul rythme généré par lavariation de quatre rectangles et la répétition de lignes.L’artiste a « peigné » la matière plus qu’il ne l’a peinte. Avecson outil, il a effectué de grands gestes horizont<strong>au</strong>x qu’il aarrêtés avec exactitude <strong>au</strong>x bords de la toile ou à la frontièrede lignes verticales préalablement tracées <strong>au</strong> crayon. Lesdifférentes profondeurs <strong>des</strong> sillons sont sources devariations infinies. La lumière semble prendre un malinplaisir tant à glisser sur les surfaces qu’à accrocher lesbords accidentés <strong>des</strong> stries. Le visiteur se retrouve basculéd’un espace à un <strong>au</strong>tre, incité à adapter son regard <strong>au</strong>xvariations du rapport noir-lumière créateur de multiples effets.Cette démarche marque une orientation dans laquelle lereflet devient partie intégrante de l’œuvre – alors qu’on leconsidère d’ordinaire comme un phénomène parasitant lavision. Le peintre s’attache alors à faire observer que si lalumière semble provenir du table<strong>au</strong>, c’est que l’espace de latoile est <strong>au</strong>-devant, ce qui est la marque d’unbouleversement essentiel <strong>des</strong> conceptions classiques de lapeinture. D’<strong>au</strong>tant que, dès lors, le regardeur est inclus danscet espace. En fonction de ses déplacements, ce quiconstituait une ligne claire sur une surface sombre peuts’inverser et devenir une ligne sombre sur une surface claire. Les peintures de Soulages «suivent » en quelque sorte le spectateur, elles intériorisent son positionnement.PierreBETTENCOURTL'Immensité1967Matières diversessur contre-plaqué311 x 163 x 10 cmEn 1953, après un séjour à Saint-Michel-de-Chaillol avecDubuffet, Bettencourt compose ses premiers h<strong>au</strong>ts-reliefs oùinterviennent, sur <strong>des</strong> fonds peints, <strong>des</strong> matéri<strong>au</strong>x non conventionnels(fragments d'ardoise, grains de café, coquilles d'œuf…) qui donnent<strong>au</strong>x figures leur texture singulière.Essentiellement thanato-érotiques, ses oeuvres s’apparentent<strong>au</strong> domaine de l'art brut. Elles expriment le caractère mystérieux etsacré de la vie en même temps qu'elles dévoilent avec une innocentecrudité les fantasmes de l'artiste. Des divinités barbares, <strong>des</strong> femmesnues, <strong>des</strong> figures inquiétantes et <strong>des</strong> têtes monumentales paraissentpuiser leur source dans les siècles passés et les peuples lointains. Onpeut parler à ce propos d'érotisme et de cru<strong>au</strong>té sans que cela ne soitmorbide. Il existe <strong>au</strong> sein de son travail un humour étrange quiconfirme la force de sa quête. L'œuvre plastique s'appuie sur une sortede voyance profonde et sur une illumination mystique qui reconduisentle monde vers une virginité idéale où paradoxalement le sexe sedresse comme un pilier ou un pal. En émane un érotisme spirituelomniprésent, tenant tant du rêve que du c<strong>au</strong>chemar. Bettencourt yexprime les déchirures de tout être <strong>au</strong> prise avec la tyrannie du sexe.Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


37ESPACE TRIDIMENSIONNEL :1. LIEU DE REPRÉSENTATIONLe lieu figuré peut prendre la forme de représentations tridimensionnelles, en lienavec le paysage et l'architecture. On peut ici évoquer <strong>des</strong> « petits théâtres de l’intime ».Les mythologies personnelles irriguent les œuvres suivantes : ces mises en scène posent,entre <strong>au</strong>tres, les questions d’échelle et de fiction.CollègeChamp <strong>des</strong> pratiques tridimensionnelles, sculpturales et architecturalesLa sculpture, le modelage, l’assemblage [sculpture par retrait (taille directe), modelage, moulage, ouajout de matière et matéri<strong>au</strong>x (assemblage)], constituent les pratiques les plus usuelles de lasculpture. L’élève, par le travail du volume, pourra expérimenter le plein et le vide, la multiplicité <strong>des</strong>points de vue, la mise en espace et l’échelle.TINOUn monde étrange et fascinant, 1984Plomb, peinture, moquette et bois30 x 52,5 x 31,5 cmUn « tapis » de jeu, un champ de bataille pour êtres patibulaires en modèle réduit,une plate-forme ludique pour enfants, telles sont les premières impressions qui se dégagentde l’univers de Tino.Un rectangle de moquette <strong>accueil</strong>le, telle une scène théâtrale, <strong>des</strong> silhouettes, soit rabattuessoit érigées. Le cadre en bois évoque celui d’un table<strong>au</strong>, posé à plat, en attente d’unpossible accrochage et où certaines figures impatientes se seraient dressées. Espace limité,territoire miniature habité par <strong>des</strong> personnages, anim<strong>au</strong>x et végét<strong>au</strong>x <strong>au</strong>x formes simplifiées.Nous restons ici entre bi- et tridimensionnalité.La scène conçue par Buddy se présente tout <strong>au</strong>trement : bien que l’ensemble occupeune surface plus restreinte, chaque élément est en volume. Le « décor » se veut réaliste,usant de couleurs et de textures évoquant le sol terreux, la roche, la végétation et <strong>des</strong>vestiges de clôture. Là s’arrête la vraisemblance ; cette parcelle miniaturisée n’échappe pasLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


38Buddy DI ROSAM<strong>au</strong>vaise rencontre1984Résine polyester42 x 42 x 32 cmà <strong>des</strong> incongruités : une espèce d’hybride gisant <strong>au</strong>sol figure un monstre barrant le passage à un drôlede véhicule dont le conducteur, uniformément j<strong>au</strong>ne,est doté d’un nez semblable à une corne de narvalou proportionnel à l’allongement de celui dePinocchio… Le tout fait fi de tout souci deproportions.Richard Di Rosa s'approprie l’universenfantin pour y insérer et y développer son espaceimaginaire. Il affirme ainsi le double caractère <strong>des</strong>on œuvre, tout à la fois bricolage artisanal (culturepopulaire) et objet artistique (culture savante) dontla confrontation fait vaciller les conventions.Acteur de la Figuration libre, il donne unenouvelle vigueur <strong>au</strong> plaisir de raconter <strong>des</strong> histoires,d'abattre les barrières culturelles.« Mon bestiaire est libre, ces anim<strong>au</strong>x grimaçantssont mes démons intérieurs mais <strong>au</strong>ssi <strong>des</strong> échosde représentations enfantines, ils nous parlent denous. »Cycle 3Les compositions plastiques mettent en œuvre <strong>des</strong> principes d’organisation et d’agencementexplicites. Les notions d’équilibre, d’espace, de profondeur, de plan, de proportion, d’échelle, demouvement, de contraste et de lumière sont abordées.Pierrick SORINLe visualiseur personnel d'imagesmentales. (Démonstration d'unemachine à lire les rêves)2004Théâtre Optique200 x 115 x 220 cmPierrick Sorin est vidéaste. Il réalise <strong>des</strong>courts-métrages et <strong>des</strong> dispositifs visuels danslesquels il se moque, sur un mode burlesque, del'existence humaine et de la création artistique.Fervent pratiquant de l'<strong>au</strong>to<strong>fil</strong>mage, il est souventl'unique acteur <strong>des</strong> histoires qu'il invente. Il s’inscritdans la lignée de Méliès : dès 1995, il crée de petits“théâtres optiques”, mélanges d'ingénieuxbricolages et de technologies nouvelles, qui luipermettent d'apparaître comme par magie, dansl'espace, sous forme de petit hologramme, parmi devrais objets.Cette pratique de l'<strong>au</strong>to<strong>fil</strong>mage lui permet d’exprimerla profonde lassitude d'un être dont la vie semblen'être remplie que par l'accumulation d'actesmanqués, par la répétition de gestes dérisoires etparfois pervers. Ces dispositifs « magiques », s’ilsprésentent une incontestable dimension ludique etséduisante, constituent <strong>au</strong>ssi une redoutable critiquede nos mo<strong>des</strong> de vie ordinaires, bien <strong>au</strong>-delà durire...En mars 2009, dans le cadre d’une programmation conjointe avec la cinémathèque de laville, une grande rétrospective lui a été consacrée <strong>au</strong> Théâtre National de Toulouse.Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


39Charles SIMONDSPicaresque Landscape1976InstallationArgile, sable, sang, os sur structure enbois, plâtre, tissu, métal72,5 x 560 x 465 cmL'artiste new yorkais Charles Simonds,quant à lui, inscrit le monde si particulier de ses"dwellings" dans la mémoire de l'argile : mondeintime dans un monde historique. De minusculeshabitations <strong>au</strong> plan compliqué nous entraînent dansun univers fantastique. Derrière cette apparencenaïve et enfantine, l'artiste joue avec nos angoisseset notre inconscient. Il a imaginé l'histoire d’unecivilisation fictive, intégrant système de croyance etmode de vie. Cependant, le petit peuple lui-mêmebrille par son absence : seuls <strong>des</strong> vestigesarchitectur<strong>au</strong>x centrés « <strong>au</strong>tour de croyance enversla nature, envers la terre-mère » s’offrent <strong>au</strong> regard.Les bâtiments sont composés de minusculesbriques d'argile et <strong>au</strong>tres éléments naturels tels quebrindilles, os et sable. Ces demeures semblentinachevées ou en ruine, abandonnées, s'érodantlentement. Certaines s’ancrent dans un paysageorganique, fantasmagorique, désertique etinhospitalier, entre sud-ouest américain et savane africaine, d’<strong>au</strong>tres sont intégrées àl'architecture particulière <strong>des</strong> Abattoirs, comme <strong>des</strong> hame<strong>au</strong>x suspendus, nichés dans lesrecoins depuis l’exposition qui lui fut consacrée en 2004.Tels <strong>des</strong> archéologues, les visiteurs sont invités à imaginer et reconstituer le mode de vie dece petit peuple invisible.CollègeImages, œuvre et fictionL'imaginaire reste important pour les élèves de cinquième dans leur quotidien et leur approche dumonde. Le rapport <strong>au</strong> réel ou à la fiction mobilise de nombreux questionnements sur les dimensionsindicielle, métaphorique ou symbolique. La pratique est motivée par la mise en œuvre de fictionsrecourant à divers outils, médiums et techniques ne se limitant pas à ceux du <strong>des</strong>sin et de la peinture.Elizabeth CRESEVEUREnsemble de maquettes(24 space propositions)1997-2002Maquettes disposées sur une estrade.Bois, carton, plexiglas et <strong>au</strong>tres matéri<strong>au</strong>x...40 x 220 x 400 cmSorte de carnets de notes, ces maquettestémoignent de l'expérience spéculative du corpsdans l'architecture. Ces propositions d'espacesesquissent une recherche spatiale de positions, demouvements et de perceptions. Cet ensemble offrele canevas d'une histoire possible, dans laquellel'<strong>au</strong>tre pourrait s’immiscer. Elizabeth Creseveurporte ce jeu jusqu'<strong>au</strong> handicap du corps, alorssupposé s'adapter à un habitat impossible. Elleenvisage la détermination réciproque <strong>des</strong> espaceset <strong>des</strong> mouvements, <strong>des</strong> postures. Ces sculpturesinstallationsinvitent le spectateur à imaginer ladimension physique de l'espace, dans un rapportintime <strong>au</strong> monde. " Mon travail entretient un rapportétroit avec l'espace, l'architecture, sur laquelle ils'appuie, par la complémentarité, la modification, laprolongation, l'extension ou la réduction. Aussi,mes installations donnent-elles naissance à <strong>des</strong> espaces tangents créant un lien singulieravec le corps. "Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


40Bertrand LAMARCHEThe weather House2003VidéoprojectionPolystyrène, capsules de plexiglas, moteur,hélice, éclairage, machine à fumer (brumisateur),caméra, système de rétroprojection, DVD,voiture miniature50 x 109,5 x 99,5 cmLes images de pseudo-turbulencesmétéorologiques sont captées par une microcamérainstallée dans la maquette et projetéesdans la salle d'exposition, initialement transforméede façon à restituer l’ambiance d'un salon. Le lieuest plongé dans l’obscurité, sur l'un <strong>des</strong> pans demur figure un écran sur lequel est projetée l’image,renversée, du "cyclone". La tornade se fait, sedéfait. Le phénomène météorologique est restituédans cette salle, en direct - l’hypnotiquedéroulement de ces tourbillons captive le visiteur.Mais notre spectateur est-il vraiment captif ?L’installation de Bertrand Lamarche fonctionnecomme la boîte à double fond d'un prestidigitateur ;s<strong>au</strong>f qu’ici tout est montré, ce qui, paradoxalement,renforce le piège de l’illusion bien que prenant laforme d'une miniaturisation. Cela étant, lespectateur reste "extérieur" à ce qui lui estprésenté. Ce jeu d’échelle trouve son écho dans l'étrange maquette qui génère les imagesdu <strong>fil</strong>m.L'aspect artisanal de l'ensemble se rapproche de l'univers enfantin telle une maquettebricolée dans laquelle contrastent les matéri<strong>au</strong>x (principalement métal et polystyrène), lesteintes, les axes (horizontalité / verticalité), les découpes nettes et les borduresaccidentées… L'objet n'est pas sans évoquer les prototypes didactiques présentés sur leplate<strong>au</strong> de l'émission C'est pas sorcier.La bâtisse principale, circulaire, est "enterrée" dans un terrain comportant l'équivalent de sixcourbes de nive<strong>au</strong>x. La partie supérieure qui émerge (bassin de décantation, large puits ouparcelle de bâtiment industriel ?) produit de la brume.L'entrée de cette singulière construction semble se situer <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> inférieur 6, une voiture -stationnant devant l'accès - nous sert d'indice. C'est d'ailleurs la présence de ce jouetminiaturisé qui précise l'échelle de l'ensemble.Tout d'abord, nous sommes conduits à penser que cette architecture est de type industrielou scientifique. Le corps principal est entouré d'<strong>au</strong>tres éléments qui renforcent l'aspecttechnologique du lieu : un cylindre h<strong>au</strong>t et étroit le jouxte, sans que l'on sache très bien s'ils'agit d'un châte<strong>au</strong> d'e<strong>au</strong> ou d'une cheminée géante. Des mâts s'érigent de part et d'<strong>au</strong>tre,maintenus par <strong>des</strong> <strong>fil</strong>ins, ils soutiennent un disque muni de pales, actionné par un moteur.La <strong>des</strong>tination de cet ensemble architectural nous reste en partie obscure. Nos hypothèsesne cessent d'osciller entre un complexe militaire digne de James Bond, une stationd'épuration High-Tech, une centrale nucléaire ou une station météorologique.L'architecture blanche prend place dans un paysage désolé, blanc lui <strong>au</strong>ssi. Banquise pastrès exquise…Les occupants du lieu sont-ils <strong>des</strong> gardiens ? Ce lieu est-il habitable ou ne s'agit-il que d'uneusine à brouillard - cette brume épaisse censée se répandre à la surface de la colline,s'étalant sur un périmètre dont la forme et la densité varieraient en fonction de la nature <strong>des</strong>vents, de la pression barométrique et du t<strong>au</strong>x d'humidité de l'air – dont on conçoit mal le butultime ?L'artiste précise :"Pièce conçue pour la collection <strong>des</strong> Abattoirs et réalisée avec la participation du centre d’artcontemporain de Castres. Il s’agit de la maquette d’une maison de forme cylindrique creuséedans une colline. Une dalle de verre transparent scinde l’édifice en deux sectionshorizontales distinctes : une partie inférieure, le salon et une partie supérieure, la soufflerie -comprenant une turbine et une machine à brouillard. Ce système est conçu pour créer <strong>des</strong>ambiances météorologiques diverses laissées <strong>au</strong> choix <strong>des</strong> occupants afin qu’ils puissentpar eux-mêmes décider de l’influence du temps sur leur humeur et leur comportement :Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


41temps clair, temps brumeux, cyclones visibles <strong>au</strong> travers de la dalle de verre, plafond dusalon." Bertrand LamarcheUne résidence ? Une habitation ? !Mais qui sont donc les occupants de cette construction, capables de vivre terrés, enterrés ?Quel être humain peut se satisfaire de passer son temps reclus chez lui, sans une seuleouverture donnant sur le paysage environnant, hormis ce "plafond" dont l'horizon se limite <strong>au</strong>ciel ? Qu'est-ce qui le pousse à occuper cet habitat de type semi-troglodytique ?Qui sont ces individus soucieux de "faire la pluie et le be<strong>au</strong> temps" afin de n'en avoir qu'uneunique sensation visuelle virtuelle ?Sommes-nous, une fois de plus, confrontés à l'histoire d'un territoire menacé ou qui <strong>au</strong>raitdéjà subi les affres d'une dévastation quelconque ?Est-ce une utopie ?CollègeImages, œuvre et réalitéLes élèves sont amenés à :- Prendre en compte les points de vue du regardeur et de l’<strong>au</strong>teur, de l’acteur ;- Exploiter la dimension temporelle dans la production2. DISPOSITIF ET ESPACE DE PRÉSENTATIONL’enseignement <strong>des</strong> arts plastiques pose la question de la « présentation », questionqui détermine à la fois la pratique artistique et l’approche culturelle. On s’attachera, dans cechapitre, <strong>au</strong>x problématiques permettant <strong>au</strong>x élèves de découvrir et d’exploiter les dispositifset les stratégies conçus par les artistes pour donner à voir et ressentir leurs œuvres enimpliquant le spectateur.Mise en situationMarie-Françoise POUTAYS1956, Borde<strong>au</strong>x (France)Poupée chinoise - accolade1985Cordage armé de <strong>fil</strong> de fer275 x 280 x 2 cmEn décembre, l’espace du Centre culturel AlbanMinville fut troublé par une œuvre suspendue(susceptible d’oscillations), faisant office de seuil.Stratégiquement positionnée en plein milieu dupassage, le public avait le choix de traverser sonespace ou de le contourner.Cette évocation architecturale se déploie demanière paradoxale : le mou devient rigide, la lignefine se fait porche, l’édifice devient mobile car nonancré <strong>au</strong> sol.L’espace physique réellement investi a be<strong>au</strong> êtreréduit (seule l’épaisseur de la corde en constitue laprofondeur), l’objet intrigue et ne passe guèreinaperçu.Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


42Rolino GASPARI1948, Venise (Italie)Tulipes1991Pâte à modeler278 x 107 x 20 cmLes dimensions atteintes par cette constructionen pâte à modeler confinent <strong>au</strong> monumental.L’empilement de diverses parties non solidariséespose la question de l’équilibre.Les <strong>des</strong>sins et la sculpture de Rolino Gaspari secôtoyaient pour investir l’espace étroit de lacoursive. L’œuvre commence par la ligne, parquelques signes « primitifs » tracés à l’encre ou <strong>au</strong>pastel. La pâte à modeler, appliquée en couchesépaisses sur <strong>des</strong> structures de bois, marquait le lieude sa présence massive.Cependant, l’implantation prescrite par l’artiste, àproximité du mur, n’<strong>au</strong>torise pas de faire le tour decet édifice et interdit de qualifier cette sculpture deronde-bosse. L’aspect linéaire et la couleur sombre<strong>des</strong> formes font écho à ce qui figure dans les deuxcadres qui la jouxtent. Cette construction sembleavoir pris de la consistance, former relief, avoir enflé<strong>au</strong> point de sortir d’un cadre et de se détacher d’unsupport, sans toutefois parvenir encore à une totale<strong>au</strong>tonomie.Mise en scèneProgrammes <strong>des</strong> classes de Terminale :<strong>L'espace</strong> du sensibleCe point du programme est à aborder sous l'angle de la relation de l'œuvre <strong>au</strong> spectateur. Commentréfléchir la mise en situation de l'œuvre dans les espaces de monstration, prendre en compte leséléments techniques classiques, du socle à la cimaise, jusqu'<strong>au</strong>x conditions les plus ouvertes, de laprojection à l'installation ou tous <strong>au</strong>tres dispositifs ? Les conditions de la perception sensible (regard,sensation, lecture, etc.) sont à anticiper dans l'élaboration formelle du projet plastique.Tradition du cadre 23 : un supplément nécessaire ?La plupart <strong>des</strong> photographies, gravures et <strong>des</strong>sins sont systématiquement encadrés.Le rôle de cet encadrement (sobre à notre époque) revêt <strong>des</strong> fonctions essentielles :Assurer la protection de la production en la consolidantDélimiter le champ de l’œuvreLui conférer un aspect « propre » et « fini » afin d’attirer le regard duspectateur.Mais les « bordures », comme on les appelait <strong>au</strong>x XVII e et XVIII e siècles,accompagnant la peinture, en disent be<strong>au</strong>coup sur la valeur accordée à celle-ci, sur l'usageculturel qui lui était traditionnellement réservé. Dans la langue parlée, on parle de « cadre »pour un table<strong>au</strong>. Par ce mot, on entend « bords », « frontières », « débuts », « fins »..., donc« limites spatio-temporelles » de l’œuvre, ce qui renvoie à la question encore plus vaste <strong>des</strong>contextes où elle a pris place <strong>au</strong> <strong>fil</strong> <strong>des</strong> siècles. Plus que l'histoire du goût, c'est l'histoire dela vision <strong>des</strong> œuvres d'art qui est ici en c<strong>au</strong>se.Jean-Cl<strong>au</strong>de Lebensztejn <strong>au</strong>teur, en 1987, d'un article pionnier dans le domaine del'histoire <strong>des</strong> cadres 24 , a pu parler d'une « articulation » entre l'œuvre et le monde extérieur.23Ecouter à ce sujet « Qu'est-ce qu'un cadre ? » par Frédéric Pouill<strong>au</strong>de, maître de conférencesen philosophie, université Paris-Sorbonne, conférence donnée <strong>au</strong> musée d’Orsay, le 25 / 11 / 2011(http://www.museeorsay.fr/index.php?id=634&L=0&tx_ttnews[tt_news]=31884&no_cache=1#tt_news31886)Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


43Articulation provisoire, interchangeable, redéfinie avec le temps. Le cadre isole l'œuvre, laprotège, l'attribue (dans les musées, grâce à l'inscription du cartel), mais l'intègre <strong>au</strong>ssi àl'ensemble d'une collection. Une œuvre conserve rarement son cadre d'origine et fairel'histoire de la manière dont elle a été encadrée s'avère toujours révélateur pour l'historien 25 .La contrainte du cadre engendre naturellement, dès l'origine, le désir de latransgression : mante<strong>au</strong>x qui débordent sur le cadre chez les Flamands, jeux maniéristesensuite, inspirés par les grands cadres peints qui enserrent les « table<strong>au</strong>x rapportés » deMichel-Ange <strong>au</strong> plafond de la chapelle Sixtine. Salviati, dans les fresques du palais Farnèse,peint <strong>des</strong> personnages qui franchissent l'espace architectural dans lequel il les a solidementcampés et l'on ne sait plus si l'on se trouve dans l'espace d'une fresque, d'une tapisserie oud'un table<strong>au</strong>.Aujourd’hui encore, certains artistes n’hésitent pas, dans leur propositions plastiques,à revisiter cet élément, en en proposant <strong>des</strong> renouvellements contemporains plus ou moinshumoristiques ou littér<strong>au</strong>x :Daniel BONNALBl<strong>au</strong>punkt1987Laque et huile sur bois, plaquegravée60 x 40 cmT.B.sur la plaque : Bl<strong>au</strong>punktGérard TITUS-CARMELEnvelopper-Dérober(Enrober / Découvrir <strong>des</strong> angles)1974DiptyqueCrayon graphite, rotin, coton, <strong>fil</strong>s et papier calque sur papier100 x 100 cmTradition de la vitrineDéfini comme un petit meuble vitré dans lequel on expose <strong>des</strong> objets précieux, <strong>des</strong><strong>collections</strong> diverses, etc., ce contenant suppose un contenu raffiné dont la dimension visuellese trouve soulignée, malgré les difficultés liées à la nature de l'objet (petite taille, fragilité) ou<strong>au</strong>x reflets qui ne permettent guère une vision satisfaisante. Ces boîtes transparentes quienferment pour mieux protéger sont immanquablement perçues comme un espace clos quiisole l’espace de l’œuvre de celui du spectateur. L’idée selon laquelle « on ne touche pas »s’impose.On est en droit de s’interroger sur ce qui a conduit les deux artistes ci-<strong>des</strong>sous àplacer leurs réalisations sous vitrine. Cette cage de plexiglas confère à l’ensemble une allured’aquarium bricolé. Cette limite qui ceint, du coup, la volumétrie <strong>des</strong> productions, génère unesensation d’étroitesse. Elle s’éloigne, par ailleurs, grandement de la préciosité qui estd’ordinaire associée à ce mode de présentation.24Voir D. Abadie & S. Lemoine dir., avec une contribution de J.-C. Lebenszteijn, Le Cadre et lesocle dans l'art du XX e siècle, Dijon-Paris, 198725Cf. l’article détaillé d’Adrien GOETZ, « Encadrement <strong>des</strong> œuvres, histoire de l'art occidental »,in Encyclopédie UniversalisLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


44TINOUn monde étrange et fascinant1984SculpturePlomb, peinture, moquette et bois30 x 52,5 x 31,5 cmBuddy DI ROSAM<strong>au</strong>vaise rencontre1984Résine polyester42 x 42 x 32 cmAu sein (sans m<strong>au</strong>vais jeu de mot) de la donation Cordier, un <strong>au</strong>tre exemples’impose :Marcel DUCHAMPPrière de toucherAutre titre : Couverture pour l'édition deluxe du catalogue "le Surréalisme"1947Emboîtage pour le catalogueVelours, caoutchouc, mousse sous verre41,8 x 34,7 x 7,1 cmDimensions de la vitrine en plexiglas : 46 x37 x 9,4 cmCette œuvre témoigne de la proximité deDuchamp avec les Surréalistes dans les années 40.Elle a été conçue pour la couverture du catalogue del'exposition « Le Surréalisme » en 1947, organiséeavec André Breton à la galerie Maeght. Un seinpostiche en mousse est collé sur le carton de lacouverture, tandis qu'<strong>au</strong> dos du catalogue on litl'injonction, contraire à celle que l'on voit habituellement,« prière de toucher ».C’est donc une invitation à dépasser le sens de la vue -sens traditionnellement privilégié dans les artsoccident<strong>au</strong>x - <strong>au</strong> profit du toucher, plus matérialiste.Elle propose une expérience tactile à rapprocher <strong>des</strong>nombreuses recherches <strong>des</strong> surréalistes pour sortir <strong>des</strong>pratiques académiques et <strong>des</strong> idées reçues.Mais, <strong>au</strong>-delà de cette expérience et de la mise envaleur du toucher, elle laisse, toujours dans un espritsurréaliste, entrevoir la dimension érotique qui parcourtle travail de Marcel Duchamp.La valeur vient à l’œuvre de sa non-conformité (<strong>au</strong>xmœurs, <strong>au</strong>x goûts, <strong>au</strong>x comportements, <strong>au</strong>x idéesordinaires.). "Extravaguer", c'est errer hors du chemin(hors <strong>des</strong> "sentiers battus", de la voie rectiligne d'uneraison sans fantaisie) : ici, l’extravagance ne nait pas de la présentation d’un sein decaoutchouc ni même du « prière de toucher » qui l’accompagne et qui va à l’encontre del’impératif mille fois répété sur le mur de tous les musées du monde, mais bien plutôt de labarrière de verre qui empêche précisément qu’on puisse répondre à l’injonction de toucher.Tradition du socle :S’interroger sur la nature <strong>des</strong> liens qui s’établissent entre le socle et l’objet artistiquec’est parler de la relation qui s’inst<strong>au</strong>re entre eux, c’est <strong>au</strong>ssi mettre en évidence la ou lesfonctions du socle dans l’exposition.En muséologie, la perception de l’œuvre et sa réception dépendent de la relation établieavec les objets environnants, c’est dire l’importance à accorder à son emplacement <strong>au</strong> seinLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


45du parcours de l’exposition en tant qu’objet de discours et de toutes les stratégies mises enœuvre pour sa présentation.Le socle a comme fonction principale la mise en exergue de l’objet qu’il présente. Il apour fonction première de servir d’intermédiaire entre l’objet et le sol et par là même de lemettre en valeur. Il peut <strong>au</strong>ssi contribuer à en développer le sens jusqu’à devenir lui-mêmeune partie de l’œuvre. Il travaille à définir une limite, une frontière entre un dedans et undehors puisque qu’il délimite un volume virtuel <strong>au</strong>tour de l’objet en l’isolant de l’espaceenvironnant et du sol. Un espace personnel et sacralisé lui est ainsi conféré, en h<strong>au</strong>teur.« Sur le socle » suppose distinction et importance. Le socle désigne l’objet pour le donner àvoir, à comprendre, sous toutes ses coutures. S’il est très ouvragé et réalisé avec <strong>des</strong>matéri<strong>au</strong>x précieux, cela donne <strong>des</strong> indications sur la valeur que l’on accorde à l’objet qu’ilsupporte. Traditionnellement, le socle, en magnifiant l’objet, montre sa rareté, il reflète <strong>au</strong>ssile pouvoir du commanditaire. Le socle peut donc avoir de nombreuses connotations :symbolique, de pouvoir…Un ensemble de règles, de critères de présentation est défini, comme la h<strong>au</strong>teur - qui,implicitement, détermine le public <strong>au</strong>quel on s’adresse, la ligne graphique - influencée par lamode et le positionnement <strong>des</strong> cartels ; le lieu d’implantation <strong>des</strong> sculptures (<strong>des</strong>tinées à êtreinstallées à l’intérieur <strong>des</strong> bâtiments, mais également à l’extérieur, sur les faça<strong>des</strong>, dans lesjardins) implique <strong>au</strong>ssi une telle réflexion.Les artistes contemporains ne s’y sont pas trompés et sont nombreux à questionnerles stratégies d’exposition de leurs objets : tout <strong>au</strong> long du XX e siècle les artistes ontconstamment remis en question cette question du socle. De Rodin en passant par Duchamp,Brancusi, Bourdelle, Giacometti, Louise Bourgeois, Carl André et, plus radicalement, DanielBuren, le socle a fini par se confondre avec la sculpture elle-même... Les trois artistes ci<strong>des</strong>sousproposent chacun une variante allant du dérisoire à la parodie :Angela BULLOCHMöbius night, sky model - Mark II2003Matéri<strong>au</strong>x divers45 x 110 x 53 cmJean-Marc BUSTAMANTEManège2003Acier zingué, acier peint et verre415 x 478 x 511 cmAnne et Patrick POIRIERHommage <strong>au</strong>x architectes fous1987Aluminium poli260 x 200 x 180 cmINSC. sur la plaque <strong>au</strong> sol : Anne etPatrick Poirier / Hommage / <strong>au</strong>x /Architectes fousProcessus de création et présentation : le cas DupratTel un artiste conceptuel partisan d’un art cosa mentale, Hubert Duprat montredepuis une trentaine d’années un désir constant de recouper les champs, d’initier <strong>des</strong>rapprochements inédits, d’associer connaissances scientifiques, références et savoir-fairetrès divers. Au sein de son atelier-bibliothèque, situé à mi-chemin entre un studiolo et uncabinet d’amateur, il feuillette et compulse, <strong>au</strong> gré de ses humeurs, <strong>des</strong> ouvrages traitant<strong>au</strong>ssi bien de littérature, que d’archéologie, d’histoire, de philosophie, d’optique, de sciencesnaturelles ou encore d’histoire <strong>des</strong> techniques. Artiste dilettante - sympathisant d’unetradition artistique héritée de la Renaissance, il ne cloisonne pas les différentes formesd’investigation et de curiosité. Le monde constitue pour lui un répertoire inépuisabled’images.Ces deux photographies appartiennent à la série « L'Atelier ou la montée <strong>des</strong> images», elles reproduisent la projection, dans l'atelier de l'artiste, d'une portion de l'espaceLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


46extérieur suivant le procédé de la camera obscura décrite par Léonard de Vinci. Un troulaisse pénétrer la lumière : "c’est par ce petit manque que tout arrive". Voilà projeté, sur <strong>des</strong>panne<strong>au</strong>x pertinemment positionnés, le vis-à-vis extérieur de l’atelier. Hubert Duprat noue etdéfait l'ordre strict reliant nature et artifice, il joue sur les ambiguïtés et travaille en termesd’oppositions et de liaisons, donnant la possibilité à l'imaginaire de saisir ses objets et de lesdéplacer de leur réalité vers la contemplation. Ici se mêlent espace intérieur et espaceextérieur, obscurité et clarté, envers et endroit. La capture instantanée d’une apparencemouvante constitue une mise en abyme dont l’image inversée est similaire à ce qui seproduit sur notre rétine.Hubert DUPRAT1957, Nérac (France)Jour et nuit1984Photographie Cibachrome100 x 140 cmHubert DUPRAT1957, Nérac (France)Sans titre1984Photographie Cibachrome95 x 140 cmOn pourrait parler là du témoignage d’une installation - celle-ci ayant été réaliséedans un espace intime dans lequel nul visiteur n’<strong>au</strong>rait été convié à s’introduire. Témoignaged’une expérience solitaire, où le lieu de travail devient la boîte noire dans laquelle la magieopère… In situ. Se pose alors la question du statut à accorder à ces photographies : où estl’œuvre ? La prise de vue permet à l’artiste de garder une trace de son expérience, contribueà en assurer la diffusion.On pointera toute l’ambiguïté qui se déploie <strong>au</strong>tour de cette question du temps. Onpourrait identifier quatre phases : le temps de l’acte créateur (celui de la recherche duprocédé, de la découverte du lieu de projection propice, le choix du moment à privilégier), ledéroulement de cette apparition éphémère, le moment de sa captation (prise de vue) et,enfin, la période de l’exposition publique.Par ailleurs, l’aspect de l’installation originelle, susceptible de changer à la moindrevariation lumineuse… <strong>au</strong>torise à désigner une œuvre évolutive totalement niée par l’aspectinerte de l’image fixe. L’artiste prend donc le risque de la pérennisation <strong>au</strong> détriment de ladimension éphémère : la photographie « immortalise » ce qui est instable et fugace, sur lepoint de disparaître. Or, ce n’est que par cet intermédiaire visuel que l’œuvre peut s’offrir <strong>au</strong>regard du spectateur.Enfin, ce qui est donné à voir <strong>au</strong> public demeure soumis <strong>au</strong>x points de vue dontl’artiste a décidé.Programmes <strong>des</strong> classes de Première :Figuration et constructionCe point du programme est à aborder sous l'angle de la question <strong>des</strong> espaces que détermine l'imageet qui déterminent l'image.Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


47MuséographieLes espaces de présentationLa répartition <strong>des</strong> œuvres <strong>au</strong> sein <strong>des</strong> expositions peut se voir interrogée : quels sontles choix qui prévalent concernant les voisinages, la h<strong>au</strong>teur sur les cimaises, l’emplacementphysique <strong>au</strong> sein d’un espace ?Comment les œuvres se répondent-elles ?Pourquoi intégrer telle ou telle œuvre dans un espace clos, un lieu de passage, unepasserelle, une mezzanine ?En quoi cette disposition (cette « muséographie ») entre-t-elle en résonnance avec l’espacearchitectural bien particulier <strong>des</strong> Abattoirs ?Quels jeux entretient-on avec le public ? Quel rôle lui est alors dévolu ? Frontalité immobile,circulation, aller-retour, pénétration ?Quels effets de surprise ménage-t-on ? Par quelles stratégies ?La salle Picasso : une mise en scène "théâtrale"Rien, à l'entrée du musée, n'indique qu'une œuvre d'une telle envergure (8,30 x 13,25m, soient 110 m²) puisse y être exposée. La découverte globale du ride<strong>au</strong> s'inscrit dans unetemporalité bien articulée.Vue en coupe du dispositif de monstrationDessin B. KINGERMANLa dépouille du Minot<strong>au</strong>reen costume d'Arlequin(Ride<strong>au</strong> de scène pour le 14 juillet de RomainRolland)Mai - juillet 1936Détrempe à la colle protéinique sur toile en cotonécru830 x 1325 cmPeint par Luis FERNANDEZ d'après la gouachede PICASSOLes surprises se manifestent tout d'abord àl'opposé du hall d'<strong>accueil</strong> ; en effet, après avoirparcouru la longueur de la « nef », un premierbalcon - équipé d'un garde-corps transparent -permet de découvrir la salle du sous-sol, révélantdu même coup le ride<strong>au</strong>… mais pas dans sonintégralité : sa partie supérieure reste dissimulée ànotre regard. Notre progression dans l'escaliernous la dévoilera peu à peu, une première haltenous étant offerte à mi-parcours. Plus bas, elle semontrera dans toute sa splendeur, en h<strong>au</strong>t d'unevolée de marches plus larges.Comment - <strong>au</strong> <strong>fil</strong> de ces différents degrés - ne pas retrouver trace <strong>des</strong> divers étagementsdans lesquels se répartissent les spectateurs dans un théâtre traditionnel : paradis, balcon,orchestre ?Un écrin spécialement conçu pour <strong>accueil</strong>lir l'œuvre :Œuvre monumentale, La dépouille de Minot<strong>au</strong>re encostume d'Arlequin, fait l'objet d'une présentationspécifique, en alternance avec d'<strong>au</strong>tres œuvres, enraison de sa fragilité. Quand elle est dérobée à lavue, elle repose sur un pan oblique molletonné(incliné à 26°) permettant <strong>au</strong> support de ne passubir trop de tension.Les architectes ont conçu un vaste espace (243 m²)- quasiment creusé <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> du fleuve (à -11mètres) - qui reproduit les proportions d'une sallede spectacle et permet de jouir à satiété del'immense tenture. Le volume dans lequel elles'insère est partiellement éclairé par un puits delumière naturelle.<strong>L'espace</strong> " scénique " incomberait donc à la salled'exposition, confrontant le visiteur à un nouve<strong>au</strong>rôle : celui d'un potentiel acteur.Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


48Dans le dispositif théâtral classique et dans le théâtre à l'italienne - sa formeaccomplie, l'illusion scénique naît de l'échange qui a lieu entre deux espaces : la scène oùjoue l'acteur, la salle où le public regarde ; fondamentalement, la mise en scène est une miseen espace.Ici, les frontières s'effacent pour laisser place à un passage permanent entre ces deux zones.BalconParadisOrchestreScèneVue de la salle avant accrochage définitif de l'œuvre3. LE LIEU COMME ESPACE À INVESTIRL’œuvre, le lieu et le spectateurInstallationsL’installation se développe à partir <strong>des</strong> années 60. Elle se présente sous une formehybride mise en scène dans un espace pendant un temps qui va de l’éphémère <strong>au</strong> pérenne.Les techniques et les matéri<strong>au</strong>x utilisés sont d’une très grande diversité et empruntent àdifférents domaines artistiques (peinture, sculpture, photographie, vidéo, sons, éclairages…).Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


49Souvent immersive, elle ne sollicite pas uniquement le regard : elle enveloppe le spectateurdans un espace imaginaire, lui propose <strong>des</strong> expériences sensorielles nouvelles et l’engagebien souvent à intervenir.L’installation comme nouve<strong>au</strong> genre artistique joue de la transversalité, établit <strong>des</strong>ponts entre différents langages et élabore de nouvelles stratégies expérimentales pourrepousser les limites du traditionnel domaine <strong>des</strong> arts plastiques en nouant le dialogue avecd’<strong>au</strong>tres disciplines : sciences, technique, musique…« Si l’on cherchait à retracer quelles sont, en art, les sources et les racines profon<strong>des</strong> de ceque l’on recouvre <strong>au</strong>jourd’hui du nom d’installation, il f<strong>au</strong>drait sans doute remonter fort loin.Jusque, par exemple, <strong>au</strong>x crèches et <strong>au</strong>x table<strong>au</strong>x vivants de nos églises qui, sans cesserde « faire table<strong>au</strong> » et tout en continuant à s’offrir <strong>au</strong> spectateur dans le cadre d’une visionfrontale, tendent déjà à sortir du cadre et à pénétrer l’espace environnant. Tout ce qui,ensuite, relève d’une forme de théâtralisation <strong>des</strong> arts plastiques <strong>au</strong>ra contribué, dans lecours du XX e siècle, à la mise en place <strong>des</strong> éléments que l’on retrouve <strong>au</strong> sein de ce que l’onnomme, <strong>au</strong>jourd’hui, une installation. Celle-ci se présente, dans tous les cas, comme unesorte de chambre sensorielle, comme un espace (plus ou moins clos) <strong>au</strong> sein duquel lespectateur pénètre pour faire une expérience esthétique originale. L’étroite mise en relation<strong>des</strong> éléments de l’installation est capitale. Elle ne constituerait, <strong>au</strong>trement qu’une sorte debric-à-brac de matéri<strong>au</strong>x et d’objets divers [...]Confronté à la bidimensionnalité de la peinture et à la tridimensionnalité de la sculpture, lasituation de l’installation est, on le voit, très particulière. Elle se rapproche finalementdavantage de l’architecture (et de ses habitacles) ou du théâtre (envisagé comme cube ouboîte ouverte). Ici se situe ce qu’il f<strong>au</strong>drait appeler le corps de l’installation, celle-ciapparaissant originellement comme une sorte de table<strong>au</strong> qui se prolonge <strong>au</strong>-delà de luimême,ou comme une sculpture devenant environnement, rejoignant la dimension del’habitacle » 26Jordi COLOMERQuelques petites stars1999Installation multimédiaTable en fer, sons, images, objetsprovenant <strong>des</strong> tournages vidéo 1997-1999DVD vidéo, pal, couleur sonoreCD <strong>au</strong>dioDimensions de la table : 300 x 70 cmArtiste catalan vivant à Barcelone, Jordi Colomerconnaît une <strong>au</strong>dience croissante, due en particulier àl’articulation qu’il propose entre vidéo-installation etsculpture. L’art de Colomer joue sur une dilatation dutemps par un échantillonnage <strong>des</strong> recettes duspectaculaire. Son constat n’est pas objectif, mais plutôtonirique et psychologique.Quelques petites stars présente sur une table lesprincip<strong>au</strong>x éléments utilisés par l’artiste dans ses diversprojets (sons, objets, images), à la fois matière première etaccessoire de sa création. A la première approche, unmélange d'attirance et de répulsion nous envahit :attirance pour l'aspect "festif" véhiculé par la vivacité de lacouleur environnante et par les ban<strong>des</strong> scintillantessuspendues ; répulsion vis-à-vis du fouillis d'objetsordinaires encombrant le plate<strong>au</strong> de la table.Cette rencontre initiale superficielle peut faire croire à unecertaine "facilité" du travail de Colomer. Une observationplus scrupuleuse vient vite balayer cette impression etrévèle bientôt une profondeur intarissable, une polysémieinépuisable...Elle pose la question de la place du spectateur : àla fois interpellé et dérangé, il est conduit à l’intérieur del'installation, en devient un <strong>des</strong> constituants…26In Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne, Florence de Mèredieu, Larousse, 2002Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


50Tous ses sens sont sollicités : la vue par l'accumulation, les éclats lumineux et la couleurdominante ; l'ouïe, par l'environnement sonore qui accompagne son parcours et l'odorat (lesémanations de peinture sont encore très sensibles un mois après le montage de l'exposition).Le toucher est largement convoqué par la quantité d'objets entreposés sur la table métallique- incitant largement à soulever, tourner, fouiller, pour aller voir ce qui se cache dans toutesles strates, ce qui s'y dissimule ; quant <strong>au</strong> goût, les boîtes de Vache-qui-rit ou de chocolatKinder y font généreusement référence.Evoquant ride<strong>au</strong> de scène et théâtre, le rouge couvrant sol et mur nous englobe,nous "avale", tel un énorme estomac. Positionnement externe et interne à la fois : ce à quoinous sommes extérieurs, ce dans quoi nous sommes immergés : joli paradoxe…Le spectateur se retrouve "mis en boîte" dans une théâtralité surjouée.Les vidéos, passant en boucle sur un petit moniteur installé sur cette même table, ont poursujets :- Un va-et-vient incessant entre l'intérieur et l'extérieur d'une pièce- Un travelling "artisanal", simulant l'utilisation d'une "caméra à l'ép<strong>au</strong>le"- L'alternance ombre/lumière- Le remplissage et le vidage systématiques- Le vrai et le f<strong>au</strong>x mêlés- Le reflet, le miroir- L'outrancier- D'inutiles tentatives de nettoyage…L'emplacement relativement bas de l'écran induit la posture penchée du corps du spectateur,l'installe en position de voyeur.Les images c<strong>au</strong>sent le vertige, fonctionnent parfois comme un miroir, prennent à partie…La prolifération provoque elle <strong>au</strong>ssi le tournis : elle confine <strong>au</strong> désordre, évoque Leschaises ou Le nouve<strong>au</strong> locataire de Ionesco. Cet encombrement, cette occupation del'espace, conditionnent, <strong>au</strong> final, la disparition de chaque entité. Mais peut-on encoreréellement parler d' "objets" devant <strong>des</strong> simulacres ?Le spectateur est désemparé devant ce joli bric-à-brac qu'on lui expose sur un plate<strong>au</strong>.Cependant, c'est lui, l'homme, qui est c<strong>au</strong>se de cette invasion… Nouve<strong>au</strong> paradoxe.L'ensemble présente un aspect précaire, non achevé, non abouti. Une certaine dérision sefait jour quant <strong>au</strong> titre : qui sont ces "petites stars" ? Serait-ce les ban<strong>des</strong> de papieraluminium suspendues qui scintillent sous les lampes ?A mieux y regarder, il ne fait <strong>au</strong>cun doute que les objets fétiches colonisant l'espace ont tousété utilisés dans les <strong>fil</strong>ms projetés. Alors, les "stars", les "vedettes", ce serait ces simulacres ?Michel BLAZYBouquets de spaghetti - Méduse1999Installation <strong>au</strong> sol : spaghetti, sacs en plastiquebleus, e<strong>au</strong>,Au mur : enduit organique : purée de carotte,purée de pomme de terre, e<strong>au</strong>CD Rom documentaireDimensions variablesLe travail de Michel Blazy tient une place àpart et bien spécifique sur la scène de l’art. Il s’est faitle spécialiste d’œuvres éphémères constituées dematéri<strong>au</strong>x organiques : graines, plantes, moisissuresetc. Ses œuvres poussent, germent, fructifient puispourrissent et moisissent. Comme dans le cycle de lanature ou de la vie. Mais Blazy n’a pas dephilosophie particulière, ni de théorie sur l’écologie.Tout <strong>au</strong> plus peut-être faire justement rentrer de lavie dans l’art. Ce qui le passionne, c’est l’expérience,le développement inattendu.Trois œuvres font partie <strong>des</strong> <strong>collections</strong> ; ellespeuvent exister de façon <strong>au</strong>tonome ou constituer unvéritable environnement. Ces propositions sontconçues comme <strong>des</strong> recettes de cuisine que l’onpeut reproduire à l’envi, en fonction du lieu, que cesoit <strong>au</strong> musée ou à la maison. Ainsi, "le mur qui pèle"est-il constitué d’un enduit à base de purée deLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


51carotte congelée ; <strong>au</strong> sol, <strong>des</strong> poignées de spaghetti sont fixées à l’aide de collethermofusible et humidifiées par <strong>des</strong> poches d’e<strong>au</strong> pour se répandre en corolles ; suspenduedans l’espace, une boule de 10 kg de coton hydrophile laisse germer <strong>des</strong> graines de lentilles.Sylvain GROUT, Yann MAZEASSans titre (Mobilier Baveux)20011 canapé Chesterfield,1 tapis, 1 sellette,1 lit 2 places,1 chevet,1 f<strong>au</strong>teuil Voltaire,1 table basse,1 système d'écoulement de sirop deglucose : bidon de 50 litres percé dedivers robinets reliés à plusieurs tuy<strong>au</strong>xCette installation (initialement créée pour le Centred'Art Contemporain d'Albi) se compose de pièces demobilier suspendues <strong>au</strong> plafond dont suinte une matièrevisqueuse qui imprègne progressivement l'espace. Cettematière baveuse et collante évoque le résidu encorech<strong>au</strong>d et mouvant d'une présence organique qui demeureinvisible. L'écoulement de sirop de glucose dont il s'agit, àla fois séduisant et repoussant, cristallise lespréoccupations cinématographiques et fantasmagoriques<strong>des</strong> artistes. A l'encontre de l'œuvre bien faite, finie,stabilisée, Grout et Mazéas travaillent la fluidité. Ilsconçoivent ici un événement instable et mouvant quis'<strong>au</strong>to-performe. Jouant sur le télescopage mis en scène,entre un intérieur cossu (renversé) et une matièreintrigante qui se répand jour après jour, la pièce faitréférence à l'univers <strong>des</strong> <strong>fil</strong>ms fantastiques (2001,l'Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick, Alien de RidleyScott, les mutations monstrueuses de David Cronenberg -La mouche, Existenz). Nos deux compères reconduisentces esthétiques de la fascination pour engager le visiteur àprendre position et à développer une distance critique àl'égard du statut <strong>des</strong> images. C'est donc à une entreprised'hybridation de la réalité et de la fiction que se livrent iciles artistes pour ouvrir l'œuvre à toutes les projectionspossibles.Littéralement, l’œuvre colle <strong>au</strong> temps et à l’espacede l’exposition, mais <strong>au</strong>ssi <strong>au</strong>x basques du visiteur. Atravers la métaphore du monstre invisible, les artistesremettent en jeu l’un <strong>des</strong> acquis majeurs de l’artcontemporain qui consiste à envisager l’œuvre comme une véritable expérience à partir dela mise en boucle de données matérielles, temporelles et psychologiques. Comme s’ils sesituaient, non dans un processus de <strong>des</strong>truction, de rupture, ni même de référence ou decitation, mais bien dans une dynamique d’amplification et de propagation, tout en y ajoutantà leur façon, la dimension du risque et du péril.Arts plastiques – Lycée, Enseignement de spécialité, série LUn <strong>des</strong> trois champs artistiques à étudier dans l'approche culturelle du programme relative à « l'œuvreet le corps » porte sur la question suivante :Champ <strong>des</strong> activités et <strong>des</strong> productions tridimensionnelles : Espace, mouvement et son dans lasculpture de la seconde moitié du XXème siècle.Dès le début du vingtième siècle, l'histoire de la sculpture présente une large variété qui oscille entreles limites extrêmes du matériel et de l'immatériel. Dans la seconde moitié de ce même siècle, lespratiques <strong>des</strong> environnements et <strong>des</strong> installations, la prise en compte de la nature, la mise enmouvement ou encore l'usage du son confirment la difficulté de définir un genre. À partir de quelquesexemples significatifs, l'étude portera sur les divers phénomènes liés à l'espace, <strong>au</strong> mouvement et <strong>au</strong>son, qui, dans la période indiquée, sollicitèrent diversement le corps et la perception du spectateur.Franck Scurti appartient à une jeune génération d’artistes qui fait appel à l’espaceurbain et élabore ses productions à partir d’une série de propositions plastiques émanantd’une réflexion sur la nature de l’objet dans la société contemporaine. Sa démarche porte surLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


52Franck SCURTICafé Erika2000Installation2 miroirs, 4 coussins, vidéoMini DV, pal, couleur, sonoreDimensions variablesDurée de la vidéo : 3'48''Musique :Pâques de Sergei Rachmaninovl’image, le statut et le fonctionnement d’objetsimmédiatement identifiables, elle prend parfois uneforme ludique. A la lisière de la sphère privée etpublique, la vidéo, le son, la lumière et le mobiliercontribuent à questionner le conditionnement dontnous faisons tous plus ou moins l’objet.Café Erika évoque, dans un dispositif réel decafé, le désastre écologique provoqué par len<strong>au</strong>frage du pétrolier Erika. Usant d’allégorie et denarration, une vidéo se déroule <strong>au</strong> rythmedramatique et à la fois plein d’espoir d’une partitionde Rachmaninov.Partant d’un <strong>des</strong>sin de presse évoquant cettecatastrophe - démarche inhabituelle pour traiter del’actualité - Scurti met en scène la manipulation <strong>des</strong>images par les médias, proposant ainsi <strong>au</strong>spectateur de réfléchir à son statut.L’installation place celui-ci dans la posturequotidienne de confort relatif dans laquelle il baigne devant le J.T. Cependant, le regardeurest déstabilisé par d'incessants décalages : la reconnaissance immédiate de sign<strong>au</strong>x et seshabitu<strong>des</strong> visuelles devenues réflexes sont mises à mal par le dispositif imaginé par l'artiste.Il s'agit alors de questionner les mo<strong>des</strong> ordinaires de production <strong>des</strong> signes, de révéler lesdétournements quotidiens de sens qui l’assaillent, de se montrer subversif. " La techniqued'animation, absolument inappropriée dans le traitement habituel de l'actualité, réfère ici à lamanipulation continuelle <strong>des</strong> images par les médias. "AAA CORP.La Raffinerie20021 silo de stockage pour les graines en métal etplastique,1 presse "Taby", 3 bacs de décantation, 1pompe électrique, 1 pompe rotative "Jappy", 2bidons de stockage, 1 support à <strong>fil</strong>tration enmétal, 1 caisse de rangement en métal, 2sièges de contrôle en suspension, 1 rése<strong>au</strong>d'éclairage <strong>des</strong> postes de travail, 6 réservoirsde stockage, 36 bidons de 5 litres, logos,différent petit matérielVidéo "Do it yourself" sur le montage et lacréation de la raffinerie (durée 20 mn)Affiches "Fiche Technik n°3" / "Do it your self"musiques : Infrabass ; Lloyd Parks ; JamalskyAAA Corp. 09/2002.Depuis plusieurs années, le groupe AAACorp. fonde les bases d’un travail temporaire <strong>au</strong>tourd’une structure mobile à activer qu’ils imposentcomme un lieu de production et de communicationartistique <strong>au</strong>tonome dans l’espace public.Les réflexions menées par AAA Corp. se basent surles relations entre l’art et la mobilité, l’espace privéet l’espace public, la place de l’art dans l’espaceurbain et les interactions entre le public et la créationartistique. Ce travail évolue à l’extérieur, dansl’espace public et sa matière première est ce qui sepasse <strong>au</strong>tour <strong>des</strong> dispositifs mobiles qualifiésd’œuvres «outils».Ce groupement artistique pose la question ducollectif dans une démarche créative. Non pas <strong>des</strong>projets et <strong>des</strong> décisions en commun mais d’uneconvergence de solutions pour l’identité d’un groupe.Conçu et géré comme une entreprise, c’est uneentité qui regroupe <strong>des</strong> individus satellites. Ils ont<strong>des</strong> savoirs faire différents, ils sont en même temps«fabricateurs» <strong>des</strong> œuvres ou dispositifs mobiles etacteurs <strong>des</strong> performances-interventions qu’ellesgénèrent. AAA Corp. est avant tout une structure àactiver, une vision du monde éphémère dans lequelles rapports soci<strong>au</strong>x sont transformés, la notion degroupe dépassant celle de l’artiste.La Raffinerie, à la fois module (ou atelier) industriel et stand bricolé, transforme <strong>des</strong> plantesoléagineuses (ou <strong>des</strong> graines de tournesol et de colza) en huile alimentaire et en carburant.Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


53Cette installation s’oppose dans son harmonie formelle et son pragmatisme pur <strong>au</strong> cyniquelobby pétrolier. Outil de résistance et de contre-pouvoir, il est <strong>au</strong>ssi celui de l’appropriationavec son mode d’emploi "Do it yourself" sous forme de sérigraphies."L’idée est vraiment de transmettre et de diffuser nos savoirs et nos métho<strong>des</strong>. Pour laraffinerie, nous recevons vraiment be<strong>au</strong>coup d’emails de gens, dont certains construisentmaintenant leur propre unité chez eux, sur notre exemple.""Nous nous plaçons sur les failles <strong>des</strong> lois. Notre raffinerie ne peut exister qu’en tant qu’objetd’art", explique Simon. Nous profitons de ce décalage et de la c<strong>au</strong>tion culturelle..."A déf<strong>au</strong>t d’atteindre l’indépendance énergétique, AAA Corp. promeut l’indépendance d’esprit.Alain SECHASJurassic pork II2001 - 2005Ensemble composé :- d'une sculpture (cochon ailé en résine, mobileet lumineux, mis en mouvement par unsystème électromagnétique)- d’un ensemble de 40 <strong>des</strong>sins numérisés- d’une machine à brouillard- d’une sculpture intitulée "Artémiss"- d’une sculpture intitulée "Siegfried"Dimensions variablesEn 2001, Alain Sechas dévoila <strong>au</strong>Consortium de Dijon Jurassic Pork, une grottemoderne plongée dans l'obscurité et envahie parune épaisse brume. A l'intérieur, le public, muni delampes-torches y distinguait, dans un épaisbrouillard, un cochon ailé ainsi qu'un alignement <strong>des</strong>ketchs <strong>des</strong>sinés, disposés sans recherche denarration. Quatre ans après, l'artiste intégrait unespace un peu plus restreint, conçut une véritablehistoire et agrémenta son installation de nouvellesvignettes et de deux imposantes sculptures. Heureuxqui comme Siegfried a fait un be<strong>au</strong> voyage...Enparcourant du regard les affiches murales, nousdécouvrons le périple de cet énergumène qui - toutcomme le héros wagnérien - désire connaître la peur.Après dix ans de laisser-aller, le félin s'enfonceimprudemment dans la forêt tropicale, armé d'unsimple arc à ventouse. Au cours de ses délirantespérégrinations, Siegfried aborde Salvador Dali etJacques Lacan, puis Hermès psychopompe ("celuiqui conduit les âmes"), un ancien basketteur, reconverti à la chasse et à la peinture.Devenant son guide, ce dernier lui fait rencontrer deux étranges « collectionneurs d'objetscultes » : le Comte Zarof - enfermant ses sculptures contemporaines dans un camp militaire- et la Comtesse Porn<strong>au</strong>lt, une féline <strong>au</strong>ssi sexy que névrosée, tenant en laisse son porc «Skato ». Contrariée par la mission de Siegfried, l'aristocrate bretonne n'hésite pas à lancerson armée de cochons de combat à ses trousses. Première grosse frayeur pour notre héros,qui décide de reprendre <strong>des</strong> forces dans la grotte de la « Nymph Academy ». Nouvelle gaffe,puisque très vite il devient l'objet d'une machination orchestrée par <strong>des</strong> oréa<strong>des</strong> shootées <strong>au</strong>crack...Maniant avec dextérité <strong>des</strong> registres fort différents, Alain Séchas parvient à un récitparticulièrement agréable à lire. Parmi les ingrédients : une prose familière, un zeste deromantisme (une quête héroïque se déroulant dans une forêt, avec quelques éléments -comme <strong>des</strong> chaos de rochers - semblant tout droit sortis de toiles du XIX e siècle) et unepincée d'humour grinçant sur les dérives du monde de l'art, <strong>des</strong> reality show...Une expositionspectacle.En maître accompli de l'exposition spectacle, Alain Séchas déploie, <strong>au</strong>tour de sesaffiches, une remarquable scénographie parvenant à nous faire oublier, pendant quelquesinstants, le poids de l'institution. Plongés dans le noir et ne mettant en valeur que ce quenous désirons réellement voir, la magie opère et nous nous remémorons inconsciemment<strong>des</strong> épiso<strong>des</strong> <strong>au</strong>ssi divers que les chasses <strong>au</strong> trésor de notre enfance ou la mystérieuseambiance <strong>des</strong> <strong>fil</strong>ms noirs américains. Au <strong>fil</strong> du parcours, nous nous plaisons à caresser dufaisce<strong>au</strong> de nos torches les trois sculptures posées <strong>au</strong> centre de la pièce. Avec une âmed'enfant, nous nous émerveillons devant le téméraire Siegfried (<strong>au</strong>x allures d'Indiana Jones),puis avec un plaisir grivois, nous effleurons les formes généreuses d'Artémiss. Enfin, nousLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


54nous amusons à éviter le regard aveuglant du cochon ailé, tout en nous rappelant les bienétranges prototypes volants de Léonard de Vinci...Contribuant <strong>au</strong> charme latent de l'installation et faisant corps avec les <strong>des</strong>sins, deuxpièces musicales contemporaines viennent subtilement rythmer notre parcours : l'Hermès deSalvador Sciarrino - joué à la flûte - et Root of an Unfocus de John Cage, un martèlementinterprété <strong>au</strong> piano préparé, et pouvant, par exemple, évoquer une charge de sangliers.A travers cette petite comédie non moraliste, Alain Séchas confronte le spectateur àsa propre image. Tout comme le chat, l'homme n'est pas facile à cerner : lorsqu'il prendconscience qu'il a les mêmes désirs que ses voisins, il souhaite s'échapper de son train-trainquotidien et se lancer à la quête de nouve<strong>au</strong>x horizons. Voyage initiatique qui très souventse fait à ses dépens... A tout à chacun donc, d'être plus clairvoyant que Siegfried qui, dudébut à la fin, ne fait que subir le monde, ne le comprend guère et qui, malgré ses grandsyeux ronds, reste aveugle. En effet, comble de l'ironie, il ne s'aperçoit même pas que l'objetde sa quête - le Jurassic Pork - l'observe inlassablement du centre de la pièce.Interventions in situIn situ est une expression latine qui signifie « sur place ». Ce terme désigne donc unedémarche artistique qui dédie l'œuvre à son site d'<strong>accueil</strong> ou qui tient compte du lieu où elleest installée.Gregoriou THEODOULOSChamps urbains1999-2000Installation mixte43 cubes de ciment, ciment, métalextensible, 17 moniteurs vidéo etprojection diapositive2 VHS, pal, couleur, sonore160 x 600 x 266 cmDurée vidéo EAU : 10'(boucle)Durée vidéo FEU : 10'(boucle)Artiste phare de la scène chypriote, ancré dans laculture grecque, méditerranéenne, Gregoriou Theodoulosproduit <strong>des</strong> installations impressionnantes. Champs urbains,œuvre monumentale, est présentée de façon permanente<strong>au</strong>x Abattoirs depuis 2000.« Le cours de l'histoire démontre que la mémoire est unesource d'énergie inépuisable et ne cesse d'être un ingrédientindispensable à la construction du « nouve<strong>au</strong> » monde sur<strong>des</strong> fondations soli<strong>des</strong>. Ce sont vers ces lois immuables de lanature que je me tourne et non vers l'image de la nature ellemême.Je ne vise pas la découverte d'une forme nouvellemais j'utilise ces formes originelles de même que j'adoptedans mes œuvres la matière originelle ou la matièretechnologique »Cette œuvre tient <strong>au</strong>tant de la fouille archéologique,du travail de la mine, du façonnage plus classique de formespremières, tout comme d'une architecture technologiquecomplexe et secrète. Soit un renfoncement dans le musée,soit un cube de verre et de métal, multipliable à l'infini : unestructure modulaire et modulable - moins neutre qu'il n'yparaît – prend place sous l’escalier donnant accès à la sallePicasso. Cette installation de ciment - entaillée de rayonslumineux – offre l’image projetée sans fin du feu ou de l’e<strong>au</strong>.Des fragments d’incan<strong>des</strong>cence ou de remous seréfléchissent plus ou moins sur les parois adjacentes dans lascansion <strong>des</strong> rayons qui découlent du flux de l’image, dansun système constitué de plans et de volumes qui semblent contraindre les limites d'unvacillement éternellement reconduit sur lui-même. Ainsi, dans un espace d'expositionsingulier, cet agencement de cubes introduit-il une seconde sphère d'énergie : l'imageélectronique continue d'un état en perpétuelle évolution.Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


55Charles SIMONDSDwelling2004ArgileRenouant avec sa démarche initiale, l’artistea conçu <strong>des</strong> sculptures qui, parfois, échappent <strong>au</strong>regard. L’une de celles qu’il avait spécialementproduites pour son exposition en 2004 trouve placesur le toit de l’hémicycle.Dans les années 60, Simonds entretenait un subtildialogue avec les villes, installant les demeures <strong>des</strong>on « Petit Peuple » dans les anfractuositéscitadines du monde entier, récusant le système <strong>des</strong>galeries et du marché de l'art. On en trouve ici unécho, <strong>au</strong> travers d’une réalisation fragile, demeurantà la merci <strong>des</strong> intempéries. Les minuscules muraillesqui la composent semblent avoir été battues par lesvents. Inclinées comme pour affirmer la puissance<strong>des</strong> éléments, leurs fondations semblent s’être fondues dans les plis d'une colline rouge dontle relief accidenté parait conter l'histoire millénaire d'un passé mouvementé.4. REMINISCENCES DU JARDINLe jardin s’inscrit comme une entité découpée dans un territoire, il constitue la formela plus ancienne de ce qu’on pourrait qualifier d’« espace <strong>au</strong>tre » dont la principalecaractéristique est de juxtaposer, en un lieu réel, plusieurs emplacements eux-mêmescontradictoires.L’histoire <strong>des</strong> jardins du début du XX e siècle à nos jours présente une prodigieusediversité. Des courants contrastés se sont enchaînés jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.Depuis les années 1970, l’aménagement <strong>des</strong> promena<strong>des</strong> et <strong>des</strong> parcs publics aaccompagné les mutations urbaines, tandis que le jardin a offert à nombre d’artistes unterrain d’expression personnelle à part entière et que de nouvelles aspirations sociales etécologiques y ont trouvé un laboratoire fertile. Domaine de création particulièrementcomplexe : œuvre ouverte où s’entrecroisent nature et culture, le jardin est une compositiond’espaces mais <strong>au</strong>ssi de temps, tenant davantage du processus que du résultat, façonnée àl’aide du vivant et tissée dans la matière même du monde. 27Arts plastiques – Lycée, Enseignement de spécialité, série LUn <strong>des</strong> trois champs artistiques à étudier dans l'approche culturelle du programme relative à « l'œuvreet le corps » porte sur la question suivante :Champ de l'activité architecturale et du paysage : L'art du jardin, du début du XXème siècle à nosjoursFrançoise QUARDONA la française2001Installation30 paillassons - 400 x 300 cmA la place du traditionnel Bienvenue ouWelcome, le visiteur est d'emblée interpellé par <strong>des</strong>inscriptions issues d’un langage communément usitéque l'on nommerait "mots doux" ou "petits nomsd'oise<strong>au</strong>x" qui viennent chahuter son regard.Françoise Quardon joue de la distorsion. Elle aime laculture populaire, les romans à l'e<strong>au</strong> de rose, le kitchpoétique ; elle les associe avec <strong>des</strong> élémentscontradictoires, de l'ordre du langage ou d'objetsaccolés aboutissant à une signification ambiguë.L’artiste use fréquemment du glissement d'uneimage poétique un peu féerique vers un monde plusacerbe, un univers de l'entre-deux qui perturbe notre27Voir le fascicule L'art du jardin du début du XX e siècle à nos jours, édité par le SCERENLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


56perception première. Ici, comme le titre l’indique, on trouve trace du jardin à la française (oujardin classique) - à l’origine, jardin à ambition esthétique et symbolique culminant <strong>au</strong> XVII esiècle avec la création pour Louis XIV <strong>des</strong> jardins de Versailles et portant à son apogée l'artde corriger la nature pour y imposer la symétrie. Cet arrangement géométrique, ce « parterrede broderies » digne de Le Nôtre, pourrait exprimer le désir d'exalter le triomphe de l'ordresur le désordre, de la culture sur la nature s<strong>au</strong>vage, du réfléchi sur le spontané, si la matièrede chacun de ses modules et les mots qui y figurent n’étaient pas si incongrus....Jacques VIEILLEMara <strong>des</strong> bois2000Fraisiers, T.P.C, grue, arrosage <strong>au</strong>tomatique,ruche de bourdons, lampesLe sculpteur Jacques Vieille croise depuisprès de trente ans les domaines de l’architecture, dupaysage et, plus largement, de la nature et de laculture. Ses matéri<strong>au</strong>x de prédilection sont ceux dela construction, de l’agriculture, du jardinage, qu’ilsélectionne dans les magasins spécialisés.Matéri<strong>au</strong>x qu’il combine avec ceux de nosconstructions culturelles et mentales passées,présentes et à venir. Tel un horticulteur, il greffe ouhybride ces données pour livrer une sculpture quijoue à la fois de l’éphémère et de la permanence.Mara, fraise <strong>au</strong> parfum "<strong>des</strong> bois" issue derecherches agroalimentaires, surexpose son gigantisme tentateur dans une machinerietentaculaire. Le dispositif, suspendu à une grue, comprend <strong>des</strong> lampes pour laphotosynthèse <strong>des</strong> plants, un arrosage goutte à goutte et une fertilisation permanente <strong>des</strong>fleurs grâce à une ruche située sur un mur latéral, d’où proviennent <strong>des</strong> bourdons. La naturecroît contre nature. La nature s’invente. La nature croît en l’art. "Ce n’est pas l’art qui imite lanature, c’est la nature qui imite l’art" (Oscar Wilde).5. PASSERELLES AVEC L’ARCHITECTUREQu’en est-il <strong>des</strong> relations entre architecture et œuvres tridimensionnelles ? Chacuned’elles a, initialement, sa spécificité : si elles se développent en jouant avec l’espace, ellesne poursuivent pas les mêmes objectifs. Tout d’abord, l’architecture a une valeurfonctionnelle. Elle est faite pour être habitée, ce qui n’est a priori pas le cas de l’œuvre. Dece fait, il y a souvent d’importantes différences d’échelle entre ces deux domaines.Cependant, une certaine porosité se fait jour... D’<strong>au</strong>tant plus lorsqu’on traite d’installations oud’environnements.Programmes d’Arts plastiques, Compétences artistiques en fin de troisièmeLes élèves ont acquis une expérience artistique suffisante pour :Réaliser une production artistique qui implique le corps (geste, mouvement, déplacement,positionnement) dans l'espacePrendre en compte le lieu et l'espace comme éléments constitutifs du travail plastiqueIls ont acquis une culture artistique prenant appui pour partie sur l’histoire <strong>des</strong> arts, qui leur permetd’expérimenter de façon sensible l’espace <strong>des</strong> œuvres et l’espace de l’architectureDe nombreux artistes contemporains proposent une expérience de l’espace. Leursœuvres entretiennent un dialogue constant avec l’architecture. On y circule, on s’y attarde,on les investit, on y vit momentanément. Est-ce pour <strong>au</strong>tant de l’architecture ? L’espace ainsigénéré déborde toute fonctionnalité mais se présente cependant comme un potentielhabitacle...Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


57Atelier Van LIESHOUT(Fondé en 1995 par Joep Van Lieshout)Tampa skull1998Bois, fibre de verre peinte, acier220 x 225 x 770 cmUtopie concrète, le projet de l’Atelier vanLieshout a pris la forme, en 2001, d’un quartierd’habitation <strong>au</strong>tonome installé à Rotterdam - alorspromue capitale culturelle européenne. Ce projetquestionne de façon aiguë la fonction de l’œuvred’art, de sa portée économique et sociale sanstoutefois se réfugier dans l’<strong>au</strong>tarcie d’un modèle <strong>des</strong>ociété parallèle.Joep Van Lieshout doit sa notoriété à ses MobileHomes, dont fait partie l’œuvre ci-contre. Cescellules mobiles interrogent les usages et lesconventions qui régissent les actions <strong>des</strong> humainsdans l’espace.On pénètre ici dans quatre pièces en en<strong>fil</strong>ade,complémentaires, définissant une structurehabitacle: <strong>des</strong> toilettes, une salle de bains, unecuisine, un bure<strong>au</strong>, une salle de séjour et unechambre à coucher. Tampa Skull est présentée parl'artiste comme « une unité de vie cl<strong>au</strong>strophobe ».Cette recherche méticuleuse sur l’habitat minimumpermet de nourrir une réflexion sur l’unité delogement. <strong>L'espace</strong> est calculé <strong>au</strong> millimètre prèspour accompagner chaque geste du quotidien. Maisc’est avant tout l’occasion pour les visiteurs deréfléchir sur l’espace habitable. Complet mais surtout compact !La dimension organique de cette œuvre repose sur un impératif de modularité,d’accessibilité et de mobilité répondant <strong>au</strong>x paradoxes de la société contemporaine.Stéphane THIDETSans titre (Le Refuge)2007Bois, plafond de pluie, meubles450 x 560 x 360 cmProduite et présentée en 2007 dans le cadredu Printemps de septembre, l’œuvre intitulée Sanstitre (Le Refuge) propulse le spectateur dans ununivers fictionnel… Imaginez un environnementsombre et hostile - une forêt par exemple, danslequel vous avancez, de nuit, un peu perdu… Auloin, une lumière tremble et vacille. Vous vousapprochez, avec l’espoir de trouver un abri, un lieuoù vous seriez <strong>accueil</strong>li et guidé… Mais en avançant,un bruit d’e<strong>au</strong> se précise… Les contours de lacabane émergent petit à petit de la nuit, le halo d’unplafonnier blafard dégouline de pluie… et, arrivé <strong>au</strong>seuil de l’abri, le « refuge » pourtant ouvert, sansporte ni barrière, se révèle franchementinhospitalier… Battus par une pluie diluvienne, sesmurs, ses meubles et les quelques livres épars nesont plus que surfaces saturées de ce déluge querien ne semble pouvoir arrêter… Ce thème du «refuge », qui correspond <strong>au</strong> besoin fondamental <strong>des</strong>écurité et de bien-être, se heurte ici à un renversement <strong>des</strong> valeurs. L’artiste joue à changerl’ordre <strong>des</strong> choses de manière à voir le monde différemment. Il se plaît, dit-il, à « brouiller lespistes » De cet intérieur se dégage a priori un sentiment de délabrement, de lente<strong>des</strong>truction. La poésie qu’engendre la rencontre fortuite entre une forme archaïqued’architecture (la cabane) et une forme primaire d’évènement (la pluie) suscite uneatmosphère étrange qui se joue du réel, d’où émerge un onirisme poétique mi doux - miLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


58amer, accompagné <strong>des</strong> effluves de bois mouillé et de la sonorité du déluge qui s’abatinterminablement.Rikrit TIRAVANIJADom-Ino1998Bois, vis, gazinière, 5 poufs, 5 tapis de sol, TVavec magnétoscope, table en bois et surtréte<strong>au</strong>x, cube blanc400 x 800 x 400 cmRirkrit Tiravanija installe, en contexted'exposition, <strong>des</strong> espaces de rencontres dontl'existence n'est validée que par la présence <strong>des</strong>visiteurs. Ce travail "sociable" est un véritableprogramme d'expérimentation de la rencontre avecl'<strong>au</strong>tre qui vise <strong>au</strong>ssi la relation du visiteur avecl'œuvre.Les architectures <strong>des</strong> sta<strong>des</strong> deviennentdénuées de sens une fois les manifestationssportives passées. Sans public sur les gradins, ellesne sont que coquilles vi<strong>des</strong>. Les spectateurs répartissur ces degrés forment une masse dontl’individualité est entièrement dirigée par le spectacle<strong>au</strong> centre du terrain.Rirkrit Tiravanija choisit d’installer une réplique duprojet Dom-Ino (1915) de le Corbusier en l’intégrantà une évocation de stade. Il invite les visiteurs àinvestir les deux plateformes de l’habitat - rez-de-ch<strong>au</strong>ssée et 1 er étage. Ainsi, le spectateurdevient-il acteur et créateur de son propre milieu, en interaction avec ses voisins. Il y trouveune caméra vidéo, une chaîne hi-fi-lecteur de CD, un moniteur TV, un réch<strong>au</strong>d à gaz pourcuisiner, <strong>des</strong> coussins, <strong>des</strong> matelas.Joël HUBAUTGod save the clom2001InstallationStructure "Arciteclom" pour disposer/arrangerla collecte d’objets rosesNéons - divers700 x 700 x 240 cmDimensions variablesLe PsyClom-Clom est un re-mix du «Bo-ü -échangeur-changeur» installé <strong>au</strong> CRDC de Nantesen 1995. Le Bo-ü modifié est greffé à un «Site-Clom»Rose, il se présente comme un «Globo-ü Hyper-ClomClom Rose» dit PSYCLOM-CLOM épidémik(C.L.O.M = contre l’ordre moral)Le Psyclom-Clom est dédié à la mémoire <strong>des</strong>éléphants roses (www.mémoire-elephant.com)Cette acquisition fait suite à l’exposition deJoël Hub<strong>au</strong>t <strong>au</strong>x Abattoirs en 2001. Le Psyclom-Clom, vaste construction, offre un univers saturéd’objets roses, en hommage à la ville de Toulouse, àla mixité, <strong>au</strong>x brassages culturels et artistiques maiscontre l’intolérance et les dérives de l’ordre moral.Cette acquisition garde la forme d’une installationavec plancher et cloison (comme un petitappartement) dans lequel l’artiste redistribue lesespaces créés pour l’exposition.Sur l’un <strong>des</strong> murs est présentée la photographie/portrait de groupe du public, prise àl’ouverture de l’exposition. Un plate<strong>au</strong> circulaire recueille quant à lui les objets pouvant êtreprêtés ou cédés par les visiteurs, reprenant par là le principe actif de la participation la pluslarge à ce projet. De même, on retrouve nombre d’éléments produits pour l’exposition(drape<strong>au</strong>x, néons, mobilier, panne<strong>au</strong>x signalétiques, vidéo, son, site Internet 28 , etc.).28Voir le site http://joelhub<strong>au</strong>t.jujuart.com/clom_txt_psyclom.htmlLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


59Mise en rése<strong>au</strong> : Mise en rése<strong>au</strong> : Mise en rése<strong>au</strong> : Mise en rése<strong>au</strong> 29On peut considérer que le Palais Idéal du Facteur Cheval ainsi que les maisons et<strong>au</strong>tres constructions de G<strong>au</strong>di à Barcelone, marquèrent, <strong>au</strong> début du XX e siècle, lecommencement d’une tendance qui s'affirma ensuite dans les projets <strong>des</strong> architectesallemands <strong>des</strong> années 20.La tour Eiffel, une architecture sculpturale ?Depuis la fin du XIX e siècle, les limites entre les sphères architecturale et sculpturales’estompent. La Tour Eiffel, in<strong>au</strong>gurée à Paris lors de l’exposition universelle de1889, en estun bon exemple. Sous quel angle l’envisager de nos jours ? S’agit-il exclusivement d’unouvrage démontrant la virtuosité technique d’un ingénieur ou d’une immense sculpturevisitable ?Les avant-gar<strong>des</strong> russes et alleman<strong>des</strong>Au cours <strong>des</strong> années 1920, plusieurs avant-gar<strong>des</strong> artistiques internationales ontsouhaité inst<strong>au</strong>rer un nouve<strong>au</strong> dialogue entre les arts et ont réfléchi <strong>au</strong>x modalités deréalisation d’une « œuvre d’art totale ». Dans la revue néerlandaise De Stijl, Theo vanDoesburg (1883-1931) appelle de ses vœux une « architecture plastique ». Au mêmemoment, en Union soviétique, Kazimir Malevitch (1878-1935) réalise <strong>des</strong> plâtres intitulésArchitekton, qu’il envisage comme de véritables maquettes de bâtiments. Il déclare en 1924que le suprématisme, mouvement artistique dont il est le fondateur, « déplace son centre degravité vers l’architecture. » Étant donné que ses architekton n’ont jamais donné lieu à laconstruction d’édifices réels, il est tentant de regarder ces œuvres comme <strong>des</strong> sculptures.En Allemagne à la même époque, le B<strong>au</strong>h<strong>au</strong>s dispense un enseignement mettantparticulièrement en avant l’idée d’intégration <strong>des</strong> différents arts à l’architecture. Max Bill, toutà la fois architecte, sculpteur, <strong>des</strong>igner et peintre, y a été élève : son travail en a étéfortement influencé.Les artistes américains <strong>des</strong> années 1960À partir <strong>des</strong> années 1960, plusieurs artistes américains révèlent d’une <strong>au</strong>tre manièrela frontière ténue qui existe entre sculpture et architecture. Ils apparaissent comme <strong>des</strong>sculpteurs abstraits, toutefois leurs œuvres rompent avec la tradition. Elles ne sont parexemple posées sur <strong>au</strong>cun socle. Carl André (né en 1935) joue tout particulièrement avecles limites de la sculpture en réalisant <strong>des</strong> œuvres planes : <strong>des</strong> surfaces carrées poséesdirectement sur le sol, à peine perceptibles pour le spectateur qui peut les percevoir commeun élément architectural. Dan Graham (né en 1942) et Richard Serra (né en 1939) travaillentquant à eux en trois dimensions et leurs œuvres sont tellement intégrées à l’espaceenvironnant que l’on parle parfois d’« installation » plus que de « sculpture ». En effet, lespectateur est invité à investir l’espace de l’œuvre, à y participer physiquement. Leurssculptures ne sont plus <strong>des</strong> objets que l’on peut tenir dans la main et embrasser d’un regard,elles sont <strong>des</strong> espaces à parcourir, <strong>des</strong> espaces quasi-architectur<strong>au</strong>x. La question est <strong>des</strong>avoir quel est leur rapport à la sculpture et comment leurs pratiques marquent nettement lafrontière entre les deux disciplines.Et les architectes ?Michel Ragon sera le premier en 1963 à nommer "Architecture-Sculpture" une <strong>au</strong>tretendance réunie <strong>au</strong>tour du parti-pris de l’organicité <strong>des</strong> formes. La demeure devient lelaboratoire privilégié de ce nouve<strong>au</strong> déploiement formel – favorisé par de nouvellestechniques de construction. André Bloc a pris, à cet égard, une position sans équivoque enfaveur d'un renouvellement <strong>des</strong> formes architecturales par la sculpture.29Sur le dialogue entre l’architecture et la sculpture depuis le XVIII e siècle, consulter lecatalogue de l’exposition ArchiSculpture présentée à la Fondation Beyeler à Bâle en 2005.Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


60PERCEPTION ET INTERPRETATION1. PERSPECTIVES SINGULIERESDes artistes ont travaillé cette question, dans le passé, par le biais <strong>des</strong>anamorphoses 30 . A la Renaissance, les maniéristes se sont passionnés pour ce genreartistique : l’œuvre la plus célèbre demeure celle du peintre allemand Hans Holbein (lesAmbassadeurs), table<strong>au</strong> qui nécessite un effort de positionnement du spectateur pourqu’apparaisse clairement le crâne placé <strong>au</strong> pied <strong>des</strong> deux personnages. En 1642, le pèreEmmanuel Maignan propose, lui, une anamorphose spectaculaire : il peint, dans un couloirdu couvent de la Trinité <strong>des</strong> Monts à Rome, une fresque de près de 20 mètres de long,intitulée Saint François de P<strong>au</strong>le en prières, offrant d’un côté du couloir une sorte de peinture"abstraite" et de l’<strong>au</strong>tre une représentation de St François.Georges ROUSSEToulouse, les abattoirs1996Photographie noir et blanc sur papier Kodak124,5 x 159 cmGeorges Rousse mêle à la fois unearchitecture (comme trace du passé) et une peinturerécente, tout en donnant une illusion de « sculptureimmatérielle ». Son œuvre transforme la perceptiondu spectateur vis-à-vis de l’espace et de la réalité.Nos certitu<strong>des</strong> et habitu<strong>des</strong> perceptives sonttroublées par la réunion dans l'image finale de troisespaces : l'espace réel dans lequel l'artiste estintervenu (les anciens abattoirs), l’espace fictif, icicréé par l’artiste (la forme plane et les lignesblanches) ; <strong>au</strong>xquels se superpose un nouvel espacequi mélange les deux premiers, <strong>au</strong> moment de laprise de vue - et qui n'existe que grâce à laphotographie. La chambre noire, véritable cameraobscura placée en un point focal, restitue l’illusiond’un <strong>au</strong>tre espace dans l’espace préexistant, inventeune <strong>au</strong>tre architecture. Le f<strong>au</strong>x révèle une vériténouvelle, sorte de mathématique poétique qui dépasse le réalisme photographique. C’est unjeu d’illusion <strong>au</strong>quel nous soumet l'artiste. Une forme plane s'inscrit dans la partie droite de laphotographie. Il ne semble pas y avoir de profondeur, le recours à la photographie redoublecette ambiguïté. Il ne s'agit en <strong>au</strong>cun cas, comme on pourrait le supposer à première vue,d'une photo retouchée.Georges Rousse travaille donc en illusionniste puisqu'il propose une visionparticulière et renouvelée d'un lieu existant, par une intervention in situ dont le spectateur estexclu. Le lieu (les abattoirs) a une profondeur réelle et si on avait pu déambuler dans cetespace à l’époque, c'est à une tout <strong>au</strong>tre réalité que nous <strong>au</strong>rions été confrontés.Bref, si on pouvait s'immiscer dans le lieu, l'image serait <strong>au</strong>ssi "décousue" que celleproposée à la sortie de la station de métro Jean J<strong>au</strong>rès par l'œuvre de Varini qui y estintégrée." Ici, j’ai un appareil photo sur un pied, un appareil grand format. C’est un objectif, uneespèce de soufflet et un verre dépoli. Sur le verre dépoli je <strong>des</strong>sine une forme et dansl’espace je reporte la même forme que je vois dans mon appareil photo. Donc, moi je memets derrière l’appareil photo et je guide quelqu’un qui trace <strong>des</strong> points dans l’espace etquand ces points sont alignés exactement avec le <strong>des</strong>sin de l’appareil photo, on trace le trait,puis un <strong>au</strong>tre et encore un <strong>au</strong>tre. Après, à mesure qu’on met la peinture, la forme devient de30Voir Jurgis Baltrušaitis, Anamorphoses ou Th<strong>au</strong>maturgus Opticus, coll. Champs, Flammarion,Paris, 1996Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


61plus en plus définie et on peut encore l’améliorer en grattant un peu ou en repeignant unmorce<strong>au</strong> s’il en manque un bout. "2. LA PERCEPTION PRISE COMME OBJET ESSENTIELLa perception est l’opération psychologique complexe par laquelle le cerve<strong>au</strong>, enorganisant les données sensorielles, se forme une représentation <strong>des</strong> objets extérieurs etprend connaissance du réel.« Nos perceptions du monde physique s'organisent en nous (...) sous forme d'images quireprésentent avec le plus de fidélité possible ce qui se passe <strong>au</strong>tour de nous. Maisperceptions, sensations, ne tombent jamais dans un terrain neutre ; elles engendrentimmédiatement une réaction affective, une émotion, qui varient selon la nature de ce qui lesprovoque, mais <strong>au</strong>ssi selon la nature de celui qui les reçoit. » René Huyghe 31Yayoi KUSAMADots ObsessionAutre titre : Infinity Mirrored Room1998Peinture, miroirs, ballons, adhésifs, hélium600 x 600 x 280 cm1966 est une année charnière pour Kusama :conception <strong>des</strong> premiers lieux fermés –, introductiondu miroir - qui in<strong>au</strong>gure un travail sur la réflexionconstamment présent depuis, sa création passe àl’environnement. Les Mirror Rooms sont les lieuxmatriciels où se disséminent les premiers dots et lamise en abyme de la propre image du visiteur.L’équivoque du mot anglais dot – « pois » ou « point» – prend ici une certaine importance. Le motjaponais mizutama utilisé par l’artiste, traduit par doten anglais, signifie « pois ». Cependant, l’art et lediscours de Kusama demandent de considérer lachose sous ses deux faces, soit comme pois, soitcomme point. D’un côté, on a un objet visuel,graphique, une forme ; de l’<strong>au</strong>tre, on a affaire soit àune ponctuation grammaticale – scansion,suspension, arrêt –, soit à un objet mathématiquedéfini comme sans épaisseur ni surface ni image. Unêtre finalement sans être. Le point engagerait à uneréflexion ontologique parce que, dans l’affirmation «Ma vie est un pois », peut-être f<strong>au</strong>t-il entendre : « Ma vie est un point. » Les dots seraient-ils<strong>des</strong> <strong>au</strong>toportraits ?Un monde clos, étrangement silencieux, saturé de rouge et de pastilles blanches.Des miroirs sur les murs et <strong>des</strong> "molécules" gonflées en suspens dans l'espace intensifientl'absolu obsessionnel de cette effervescence de rondeurs ; cet agencement provoque uneffet baroque de perte de repères, voire de limites. « L’espace enfle et s’amplifie dans <strong>des</strong>proportions d’inexprimable infinité ». Yayoi Kusama décline et combine ici deux de ses idéesfavorites : le reflet infini <strong>des</strong> miroirs et l'obsession <strong>des</strong> pois appliqués sur <strong>des</strong> ballons <strong>au</strong>xformes organiques. Impression renforcée par la couleur rouge, qui renvoie <strong>au</strong> corps, à lacellule, <strong>au</strong> sang, ainsi qu'<strong>au</strong>x premières hallucinations de l’artiste.Le mixage de ces éléments est porté par un geste issu de l'oblitération et de larépétition. "Les pois (j'ai vu mes premiers à l'âge de 10 ans et je continue à en voir encore) /Les pois sont ma marque de fabrique / La vision obsessionnelle / Des milliards de pois /L'<strong>au</strong>to-effacement / L'air en trop (la peur de l'air) / Installations / L'amour pour toujours /L'obsession sexuelle / La vision répétitive / Les points infinis / Notre planète terre est unpois…" (Y.K. 2001)31In Dialogue avec le visible, 1955, p. 313Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


62Le désir de prolifération <strong>des</strong> motifs, ou d' "oblitération", n'est pas une fin en soi, il nese confond pas avec sa propre continuation à l'infini. Au cœur de ce micro-/macro- cosme, levisiteur halluciné par ces pois clairs et bienveillants, f<strong>au</strong>ssement désordonnés, éprouve unesorte d'intimité sensuelle, la relativité de son identité à la fois perdue et démultipliée. Cetenvironnement "cinétique" s'harmonise en un mouvement vivant, pulsionnel. Il relève à lafois d’une chambre de méditation et d’un lieu d’immersion. Le miroir, symbole essentiel dansl’imaginaire traditionnel japonais, présent dès les premiers mythes shintoïstes, emblèmerégalien, n’est pas tant l’instrument d’un narcissisme exacerbé qu’un <strong>des</strong> « dispositifs depotentialisation subjective » (Felix Guattari) mis en œuvre par l’artiste pour donner uneexistence singulière <strong>au</strong> corps, lui conférer une réalité.À l’intérieur de ces folies en miroir, ces lieux d’extase solitaire ou collective, coupant l’individude toute référence <strong>au</strong> monde extérieur, se déroulent <strong>des</strong> expériences extraordinaires,irrationnelles et insolites, sans antécédent, où se mélangent les corps, réels et projetés,superposés, dissous, fractionnés, recomposés, mélangés.Max MOHRBegehbare Paradiesprothese(Prothèse de paradis accessible)1997-1998Installation <strong>au</strong> sol sonore et interactive :structure composée de 11 élémentsassemblés, en bois recouvert de toileorthopédique et intégrant un thérémine (sortede précurseur du synthétiseur portant le nomde son inventeur).195 x 150 x 170 cm« L’espace ne peut que mener <strong>au</strong> paradis... »Entre <strong>des</strong>ign et art contemporain, quand il ne créepas d'étranges objets qui pourraient sortir d'un <strong>fil</strong>mde David Cronenberg, Max Mohr s'installe à présentderrière ses machines pour composer une musiquehouse minimale et s<strong>au</strong>tillante.Ses sculptures présentent un mystérieux ettroublant aspect qui, loin de toute séduction, liel’organique à la technologie. Il réalise ainsid’étranges objets - échappant à l'identification facile– qui, dans ce cas précis, supposent uneexcroissance artificielle du corps : la prothèse.Le visiteur est donc confronté, ici, à un objet mutantévoquant tour à tour l’organe, la pe<strong>au</strong>, le pansement,le vêtement ou le meuble. Son apparence clinique,droit sortie <strong>des</strong> années 1950, ne permet guère, dansun premier temps, d’identifier l’objet comme relevantdu domaine artistique tant il tourne en dérision lavision esthétique du corps. Ses artifices sensuels oupervers alliés à ses pseudo-attributs curatifsengendrent <strong>des</strong> sentiments étranges et forts,relevant tout à la fois <strong>des</strong> craintes inspirées par lesdomaines médical, sexuel et (science-)fictionnel.Pourtant, le titre dont se pare la pièce laisseenvisager un ailleurs agréable, un « paradis »,attisant la curiosité et incitant à aller y regarder deplus près, voire à s’y introduire et à « tâter » cettebête curviligne, douce <strong>au</strong> toucher. Entre attirance et répulsion, le public a tout loisir <strong>des</strong>’insérer dans cette sorte d’isoloir, dans cet « appareil » <strong>des</strong>tiné à reproduire ou remplacerun organe partiellement - ou totalement - altéré ou absent dont la nature échappe à touteidentification formelle. Cette sculpture-refuge qui l’invite en son sein comporte quelqueexcroissance phallique. Cette projection métaphorique d’un organisme à la fois contenant -qui renvoie à l’idée de matrice – et (ré)jouissant - le sex toy n’est pas loin - allie le féminin <strong>au</strong>masculin. Il y a de l’hermaphrodite là-dedans ! Le mythe <strong>des</strong> Androgynes de Platon enfinincarné ceint l’amateur curieux dans la souplesse de sa membrane couleur chair... engeignant - parce qu’en plus, la « chose » émet <strong>des</strong> on<strong>des</strong> qui réagissent à ses moindresmouvements et <strong>au</strong> sujet <strong>des</strong>quelles toute tentative de contrôle du volume sonore restequasiment vaine. Se dissimuler pour mieux voir et entendre, <strong>au</strong> son de vibrations sour<strong>des</strong> oustridentes, c’est le paradis !Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


63L’ESPACE IMAGINAIRE :D’AUTRES MONDES SONT POSSIBLES !Les artistes déploient leur imaginaire, inst<strong>au</strong>rent <strong>des</strong> lieux idé<strong>au</strong>x, utopiques ouc<strong>au</strong>chemar<strong>des</strong>ques. Ils racontent <strong>des</strong> histoires… Laissons-nous porter par leurs espacesfantasmagoriques :CollègeImages, œuvre et fiction / images, œuvre et réalitéLes élèves de cinquième élaborent matériellement <strong>des</strong> images, découvrent les modalités de leurréception.En cinquième, selon le contexte et l’actualité de la situation pédagogique ils sont invités à élaborer<strong>des</strong> dispositifs susceptibles d’aboutir à une mise en image d’univers imaginaires, fictionnelsJérôme BASSERODELes altères de l'espace2005Boules polyester, tiges alu, coques plastiques,photos collées : tirage papier plastifié40 x 23 cmSurface du socle 60 x 60 ; h<strong>au</strong>teur 120 cmDans son titre, Basserode joue surl'orthographe et la signification <strong>des</strong> mots haltères etaltères. Serait-ce un début de piste ? Qu’est-ce qui,ici, est à l'œuvre ? Un espace stellaire s'altérant ?Les mots étant une " réserve de potentialités ",f<strong>au</strong>t-il entendre « altération » dans le sens dedégradation ou plutôt d’altérité, de transformation,de métamorphose ? <strong>L'espace</strong> stellaire est toujoursen évolution et notre connaissance du cosmoségalement.Nos yeux se posent sur une pièce en formed'haltère dont chaque extrémité se compose d’unesphère colorée par collage de papiers imprimés.Chacune d’elle est insérée dans une coque enplastique transparent. Les images colléesreprésentent <strong>des</strong> vues du cosmos. Les deuxglobes sont reliés par une fine tige métallique.Une boule offre une dominante bleue, l’<strong>au</strong>tre, unedominante rose orangé. De façon métaphorique, ne s’agirait-il pas de la terre et de sonatmosphère qui l’isole <strong>des</strong> <strong>au</strong>tres planètes ? A l’<strong>au</strong>tre bout, ne serait-ce pas Saturne ouMars ?Pourquoi ces deux entités entretiennent-elles ce rapport d’extrême proximité, posées debiais sur un socle neutre blanc ?Pourquoi <strong>des</strong> haltères ?Pourquoi cette miniaturisation ?Serait-ce une nouvelle sorte de mappemonde ? Un jouet ?Pourquoi le contenant (cosmos) devient-il soudain contenu, réduit à une échelle dérisoire ?Pourquoi prend-il forme sphérique ? L’espace se résume-t-il à une simple « boule » ? Y a-t-ilplusieurs espaces cosmiques ? Existe-t-il <strong>des</strong> univers parallèles ?S’agit-il d’isolement ou de protection ?Y <strong>au</strong>rait-il un être supérieur qui se complairait à développer ses biceps avec notre propreunivers ? A quelles fins ? Et nous, où sommes-nous, dans tout cela ?Quelque chose ne nous échapperait-il pas ?Je ne sais pourquoi, tout cela fait penser à l’un <strong>des</strong> récits de Bernard Werber…Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


64Jacques MONORYDream tiger1981Sérigraphie et photogravure55 x 95 cm (hors marge)Comme dans un <strong>fil</strong>m, un animal s<strong>au</strong>vage passesur mon balcon !Je suis dans l’appartement, la Seine s’écoulelentement, il fait nuit, les lumières de l’île de laCité scintillent. Je me suis réveillé suite à unc<strong>au</strong>chemar et me voilà rattrapé par mes songes,en version bicolore !Au secours ! Un tigre passe <strong>au</strong> premier plan, jepourrais presque le toucher en tendant le bras, sije n’étais <strong>au</strong>tant tétanisé par la frousse…D’où sort-il ? Depuis quand les f<strong>au</strong>ves sepromènent-ils en liberté <strong>au</strong> sein <strong>des</strong> habitations ?Jusque-là, tout allait bien, nous étions tranquilles,confortablement installés…D’où sort ce prédateur? Qui est-il ?Oh ! Mais comme tout s’étire ! J’y vois flou ! Ça se trouble par endroits. Même le Pont Neufsemble prêt à chavirer !Pourquoi ces fleurs de printemps font-elles leur apparition en cette saison ? Pourquoi cesdeux ban<strong>des</strong> horizontales viennent-elles scinder mon champ visuel ?Et puis, ces mots ! Ces mots qui étiquettent, tentent d’expliquer l’inexplicable…Et ces flèches ? Voilà que tout se superpose et s’embrouille : pourquoi f<strong>au</strong>drait-il maintenantlégender ce que, de mes yeux, je vois ?J’ai mal à la tête !Je crois que je vais retourner <strong>au</strong> lit, sur la pointe <strong>des</strong> pieds, pour ne pas l’alerter…Après tout, ce n’était peut-être qu’un vulgaire chat de gouttière… mutant, certes, mais depuisTchernobyl et Fukushima, on n’est plus à l’abri de rien !Egaré ? Qui ? Lui ou moi ? Qui, de l’un ou de l’<strong>au</strong>tre, rêve ?Un sanglier a bien passé une nuit entière à errer <strong>au</strong> centre-ville de Toulouse, pourquoi untigre ne se serait-il pas échappé du zoo de Vincennes ou du Jardin <strong>des</strong> plantes ? Ah oui, il ya quand-même un détail : comment serait-il arrivé sur mon balcon ?Il f<strong>au</strong>t absolument que je me rendorme...« Un mouton, deux moutons, trois moutons… vers quel drame vous dirigez-vous ? »Christine MOREL1945, Lyon (France)Pushkar1985Photomontage noir et blanc30,1 x 39,5 cmDis-donc, tu louches ? Pourquoi y vois-tu double ?Pushkar, titre de l’œuvre de Christine Morel,désigne avant tout un lieu. C’est une ville duRajasthan en Inde. Cette cité est située sur lesrives d’un lac éponyme. Cet endroit, outre l’intérêtque suscite la présence d’un <strong>des</strong> rares templesvoué à Brahma, fut un point de <strong>des</strong>tinationprivilégié du mouvement hippie <strong>des</strong> années 70 <strong>au</strong>xannées 2000. Voyage lointain par procuration…Sur ce photomontage en noir et blanc, deuximages sont juxtaposées. Bien que présentant unmême site, elles ne sont pas exactement jumelles(donc non superposables), on remarque un point etun angle de vue légèrement décalés. Ces deuxphotos conjointes ne semblent pourtant formerqu’un seul paysage : trompeuse continuité del’horizon, trompeuse continuité de la surface del’e<strong>au</strong>. La répétition <strong>des</strong> formes ainsi que le décalage de la prise de vue confèrent uneimpression d’étrangeté à un panorama qui ne serait constitué que de réitérations.Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


65Cette utopie rejoint-elle les aspirations <strong>des</strong> hippies ?Ne traduirait-elle pas, <strong>au</strong>ssi, les états perceptifs engendrés par la consommationd’hallucinogènes ?Au centre de chacune de ces vues, une forme circulaire blanche attire le regard. Onpourrait croire qu’il s’agit d’un point de mire pour régler une vision stéréoscopique conduisantà une restitution en relief… Si l’appareil nous était fourni…Paysage étrange que personne jamais ne rencontrera …Mais toi, personnage inconnu situé à g<strong>au</strong>che, comment fais-tu pour vivre dans cet endroit quin’existe pas ?Bizarre, vous avez dit « bizarre »…René SULTRA & Maria BARTHÉLÉMYPlanète 1de la série Paysages et panoramiques1996Photographie100 x 100 cmAyant été utilisée comme visuel du cartond’invitation conviant le public à l’in<strong>au</strong>guration del’exposition « Mise en espace », cette photographiepropose une image ou la forme ronde prév<strong>au</strong>t touten s’inscrivant dans un cadre carré. Le cercle dansle carré, ça ne vous rappelle rien ? Non ? Tant pis !La « quadrature du cercle », peut-être ?... Dansl’œil d’un poisson - <strong>au</strong>trement appelé « fish-eye »(pour ceux qui <strong>au</strong>raient, dans une vie antérieure,pratiqué la photographie bidouillée avec moultobjectifs)Et le petit poisson, que regarde-t-il ?Un œil, une pupille, un iris… qui le regarde…Tiens, ça fait encore penser à un livre ! Du moins,à son titre : Ce que nous voyons, ce qui nousregarde, de Didi-Huberman.A moins que ce ne soit une planète, assezsemblable à l’imagerie qui illustre l’histoire du petitPrince de Saint-Exupéry… Si tel est le cas, ellebaigne dans un ciel bleu où se prélassent quelquesnuées ; on dirait… Bon sang ! Mais c’est bien sûr !On dirait la terre…Mais insolite, quand-même ! Tout s’y serait concentré <strong>au</strong>tour d’un unique territoire végétalcirculaire, encore vivant, le seul capable de produire de l’oxygène car irrigué en son sein parun point d’e<strong>au</strong> … Autour, rien. Enfin si, un terrain nu, à perte de vue, pas très fertileapparemment, deux arbres effeuillés et de loin en loin, quelques vestiges d’architecture…Nuages allez-vous arrêter de tourner ? Quand allez-vous cesser votre ronde <strong>au</strong>tour d’unmonde agonisant ? La terre est en danger, seul votre mouvement giratoire et ces zonesconcentriques vertes et bleues semblent vivre encore.Y voir une marque d’espoir ? Oui, peut-être… Quand les poules <strong>au</strong>ront <strong>des</strong> dents ou que lacupidité de certains n’<strong>au</strong>ra pas tout réduit à néant !Sultra et Barthélémy produisent ici une œuvre tout en étirement et rotation. Une imageretravaillée numériquement, manipulée à l'aide de <strong>fil</strong>tres... On est loin de la théorie del'instant décisif. Intrigante et colorée, la représentation déformée s'anime et prend del'indépendance… Au premier coup d’œil, on cherche à identifier ce que l’on voit en lerapprochant d’images connues. De l’observation d’une forme, on passe à la recherche d’unsens, d’un message …Notre duo entrelace différents champs de pensée et de recherche (philosophie, physique,sociologie…). Cette dynamique de réflexion amène les artistes à créer <strong>des</strong> univers ludiqueset colorés, bien éloignés de notre perception visuelle ordinaire.Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


66Dans un deuxième temps, cet univers n’est pas si rieur qu’il y paraissait : état <strong>des</strong> lieux,constat d’états probables, instables et transitoires : nous sommes dans l’œil du cyclone, àquand la chute ?Mais, peut-être pourrait-on se risquer à une <strong>au</strong>tre expérience encore : en admettantque ce visuel serve de support et soit placé à plat sur une table, que se passerait-il si onérigeait un fin cylindre réfléchissant en son centre ? Que verrait-on se produire sur la surfacede ce volume ? Anamorphose ?… Essayons !Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


67MOTS-CLES :Présentation / ReprésentationBidimensionnel / Tridimensionnel,Volume, relief, épaisseur, planEspace réel / Espace représenté / Espace symboliqueFrontière, limite, bord, cadre,Cadrage, champ, hors-champ, contre-champEchelle <strong>des</strong> plans, étagement, profondeur,Perspective conique, perspective cavalière, point de fuite, anamorphoseSurface, étendue,Espaces ouvert, fermé, couvert, passagePlein / Vide, Intérieur / Extérieur,Structure / EnveloppeEquilibre, h<strong>au</strong>teur, Verticalité / Horizontalité,Base, socleEmpilement, superposition, emboîtement,Assemblage, Sculpture, Installation, EnvironnementDimensions, échelle, proportionsLumière, ombreConstruire / DéconstruireOrganiser / DésorganiserEspace et Déplacement du spectateurPrivé / PublicPISTES PEDAGOGIQUES EN ARTS PLASTIQUESSelon Magali Chanteux 32 , dès lors qu'il y a pratique, il y a mise en question del'espace par la gestuelle de l'élève, par sa position dans l'espace, par sa relation avec ce qu'ilest en train de mettre en forme, par le regard porté sur sa production et sur celles de sescamara<strong>des</strong>.C'est en pratiquant que l'élève prend conscience qu'il existe <strong>des</strong> questions, qu'elles appellentla réflexion, qu'elles mobilisent les connaissances et en nécessitent de nouvelles. <strong>L'espace</strong>se pose plutôt comme une question que comme un ensemble de contenus d'enseignementbien inventoriés, listés, nomenclaturés. Il s'agit davantage de quelque chose qui estcontinuellement remis en question dans les pratiques <strong>des</strong> élèves et dans ce qui en résulte(leurs productions), que d'une suite de contenus exposés et expliqués par l'enseignant.<strong>L'espace</strong> comme contenu d'enseignement est abordé, questionné par le biaisd'<strong>au</strong>tres entrées comme la limite, la bordure, le cadre, le plan, l'étendue, l'épaisseur, etc.,32Inspecteur d'académie - inspecteur pédagogique régional, chargée d'une mission d'inspectiongénérale (groupe <strong>des</strong> enseignements artistiques) dans les années 90. À l’instar de Gilbert Pélissier,Magali Chanteux a énormément contribué à mettre en exergue les bases didactiques et les enjeuxd’une discipline scolaire assez récente.Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


68<strong>au</strong>tant de questions que l'enseignant peut travailler avec les jeunes élèves <strong>au</strong> fur et àmesure qu'il les juge abordables et fertiles pour eux.Le professeur procède, tout <strong>au</strong> long de l'année, par petites touches en revenant àchaque fois sur l'espace littéral et l'espace suggéré ainsi que sur les questions de taille et deproportions, de format du support, de lieu d’implantation, etc.Pistes pédagogiques :En classe, les élèves, confrontés à <strong>des</strong> situations-problèmes élaborées par le professeur,expérimenteront <strong>des</strong> réponses susceptibles de mettre en œuvre d’<strong>au</strong>tres procédés que <strong>des</strong>réalisations bidimensionnelles ; l’espace de la classe pourra alors devenir un lieu deréflexion et de création. Comment tenir compte de l’espace dans lequel on travaille ou danslequel on présente ses réalisations lorsque celui-ci en est partie prenante ?Voici quelques propositions possibles à explorer à l’école primaire et/ou <strong>au</strong> collège :- Un petit animal qui veut plus d'espace...- La cour d'école visitée par un géant…- Abri pour petit être frigorifié…- Donner l’impression que ce support n’est pas plat…- Inventer <strong>des</strong> machines à voir le monde <strong>au</strong>trement…- Envahir l’espace…- Construire une production en tenant compte du lieu de son implantation…- Passer d’un <strong>des</strong>sin à sa transcription tridimensionnelle…- Découper le réel pour produire <strong>des</strong> effets...- Le spectateur doit bouger, comment l’y contraindre ?...- Au sein de l’exposition, cet objet est tout petit, pourtant, on ne voit que lui !...L’académie de Nantes propose une carte heuristique téléchargeable permettantd’avoir présents à l’esprit tous les questionnements découlant de la notion d’espace :http://www.pedagogie.acnantes.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?CODE_FICHIER=1255802372081&ID_FICHE=179597Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


69AUTRES DOMAINES : CHAMBRES D’ECHO...« L'époque actuelle serait (...) plutôt l'époque de l'espace. Nous sommes à l'époquedu simultané, nous sommes à l'époque de la juxtaposition, à l'époque du proche et dulointain, du côte à côte, du dispersé. (...)Il y a d'abord les utopies. Les utopies, ce sont les emplacements sans lieu réel. (...) C'est lasociété elle-même perfectionnée ou c'est l'envers de la société, mais, de toute façon, cesutopies sont <strong>des</strong> espaces qui sont fondamentalement, essentiellement, irréels.Il y a également (...) <strong>des</strong> lieux réels, <strong>des</strong> lieux effectifs, <strong>des</strong> lieux qui sont <strong>des</strong>sinés dansl'institution même de la société, et qui sont <strong>des</strong> sortes de contre-emplacements, sortesd'utopies effectivement réalisées dans lesquelles les emplacements réels, tous les <strong>au</strong>tresemplacements réels que l'on peut trouver à l'intérieur de la culture, sont à la fois représentés,contestés et inversés, <strong>des</strong> sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtantils soient effectivement localisables. Ces lieux, parce qu'ils sont absolument <strong>au</strong>tres que tousles emplacements qu'ils reflètent et dont ils parlent, je les appellerais, par opposition <strong>au</strong>xutopies, les hétérotopies. » Michel Fouc<strong>au</strong>lt 33Quels sont les contenus conceptuels engagés par <strong>des</strong> références à l’espace ?Y a-t-il <strong>des</strong> rencontres possibles (ou non) entre les domaines artistique, philosophique etscientifique qui mobilisent cette notion ?En quoi et comment est-elle « <strong>au</strong> travail » dans ces différents secteurs de la culturecontemporaine ?Comment, finalement, est-il possible de penser l’espace ? Dans quelles conditions,théoriques et pratiques ? Et avec quelles répercussions ?L’espace, c’est le doute 34 ...PHILOSOPHIE<strong>L'espace</strong> est avant tout l'étendue géométrique, telle que l'a formalisée Euclide.Descartes, lui, en fait une « substance étendue », <strong>au</strong>x caractéristiques strictementgéométriques, ouvrant le champ à la physique moderne.Kant considère l'espace et le temps comme <strong>des</strong> formes a priori de notre sensibilité,<strong>au</strong>trement dit non pas <strong>des</strong> réalités objectives existant par soi, mais <strong>des</strong> structures de l'esprit,conditions de possibilité de toute expérience.En découlent les interrogations suivantes :Comment se forme en nous la perception de l'espace ?La perception ne nous permet-elle que d'atteindre <strong>des</strong> apparences ?La perception ne nous découvre-t-elle qu'un monde illusoire ?F<strong>au</strong>t-il distinguer le corps de l´espace qui le contient ?Les quatre extraits suivants permettent d’approfondir ces questionnements :Descartes, Principes de la philosophie (1644), II e partie, articles 10 et 11« <strong>L'espace</strong>, ou le lieu intérieur, et le corps qui est compris en cet espace, ne sontdifférents <strong>au</strong>ssi que par notre pensée. Car, en effet, la même étendue en longueur, largeur et33« Des espaces <strong>au</strong>tres » (conférence <strong>au</strong> Cercle d'étu<strong>des</strong> architecturales, 14 mars 1967), inArchitecture, Mouvement, Continuité, n°5, octobre 1984, pp. 46-4934Référence à Georges Pérec, Espèces d’espaces, Galilée, 1974Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


70profondeur qui constitue l'espace constitue le corps ; et la différence qui est entre eux neconsiste qu'en ce que nous attribuons <strong>au</strong> corps une étendue particulière, que nousconcevons changer de place avec lui toutes fois et quantes qu'il est transporté, et que nousen attribuons à l'espace une si générale et si vague, qu'après avoir ôté d'un certain espace lecorps qui l'occupait nous ne pensons pas avoir <strong>au</strong>ssi transporté l'étendue de cet espace, àc<strong>au</strong>se qu'il nous semble que la même étendue y demeure toujours pendant qu'il est demême grandeur et de même figure, et qu'il n'a point changé de situation <strong>au</strong> regard <strong>des</strong> corpsde dehors par lesquels nous le déterminons.Mais il sera aisé de connaître que la même étendue qui constitue la nature du corpsconstitue <strong>au</strong>ssi la nature de l'espace, en sorte qu'ils ne diffèrent entre eux que comme lanature du genre ou de l'espèce diffère de la nature de l'individu, si, pour mieux discernerquelle est la véritable idée que nous avons du corps, nous prenons par exemple une pierreet en ôtons tout ce que nous s<strong>au</strong>rons ne point appartenir à la nature du corps. Ôtons-endonc premièrement la dureté, parce que, si on réduisait cette pierre en poudre, elle n'<strong>au</strong>raitplus de dureté, et ne laisserait pas pour cela d'être un corps ; ôtons-en <strong>au</strong>ssi la couleur,parce que nous avons pu voir quelquefois <strong>des</strong> pierres si transparentes qu'elles n'avaientpoint de couleur ; ôtons-en la pesanteur, parce que nous voyons que le feu, quoiqu'il soit trèsléger, ne laisse pas d'être un corps ; ôtons-en le froid, la chaleur, et toutes les <strong>au</strong>tres qualitésde ce genre, parce que nous ne pensons point qu'elles soient dans la pierre, ou bien quecette pierre change de nature parce qu'elle nous semble tantôt ch<strong>au</strong>de et tantôt froide. Aprèsavoir ainsi examiné cette pierre nous trouverons que la véritable idée qui nous fait concevoirqu'elle est un corps consiste en cela seul que nous apercevons distinctement qu'elle est unesubstance étendue en longueur, largeur et profondeur ; or, cela même est compris en l'idéeque nous avons de l'espace, non seulement de celui qui est plein de corps, mais encore decelui qu'on appelle vide. »Hegel, Cours d'Esthétique III, Aubier, 1997 (Bibliothèque philosophique) pp. 29-30Traduction J.-P. LEFEBVRE & V. VON SCHENCK« Figure, éloignement, contours, modelé, bref, tous les rapports spati<strong>au</strong>x et toutes lesdifférences de la manifestation phénoménale dans l'espace ne sont mis en valeur, enpeinture, que par la couleur, dont le principe plutôt idéel est du même coup capable <strong>au</strong>ssi dereprésenter un contenu lui-même plutôt idéel, et offre un très large éventail de possibilitéspour la multitude et la particularité <strong>des</strong> objets à fixer, grâce à ses contrastes marqués, à sesgradations et transitions infiniment variées, et à ses subtilités dans l'introduction <strong>des</strong> plusfines nuances. Ce que la seule coloration parvient ici à accomplir est à peine croyable. Deuxpersonnes, par exemple, sont quelque chose de complètement différent ; chacune d'entreelles, dans sa conscience de soi tout comme dans son organisme corporel, est pour soi unetotalité spirituelle et corporelle close et achevée, et pourtant, toute cette différence est réduitedans un table<strong>au</strong> à la différence <strong>des</strong> couleurs. Tel coloris s'arrête ici, et tel <strong>au</strong>tre y commence,voilà par quoi tout est produit, la forme, la distance, la mimique, l'expression, ce qu'il y a deplus sensible comme de plus spirituel. [Et, répétons-le,] il ne f<strong>au</strong>t pas considérer cetteréduction comme un pis-aller ou un déf<strong>au</strong>t, bien <strong>au</strong> contraire : la peinture n'est pas « privée »de la troisième dimension, mais la rejette délibérément, pour substituer <strong>au</strong> réel simplementspatial le principe plus élevé et plus riche de la couleur. »Kant, Critique de la Raison pure, 2 e éd., 1787« Le Je pense doit pouvoir accompagner toutes mes représentations ; car, sinon,quelque chose serait représenté en moi qui ne pourrait pas du tout être pensé, ce qui revientà dire que la représentation serait impossible, ou, du moins, qu'elle ne serait rien pour moi.Une telle représentation, qui peut être donnée avant toute pensée (Denken), s'appelleLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


71intuition. Donc tout divers de l'intuition a un rapport nécessaire <strong>au</strong> Je pense dans ce mêmesujet où ce divers se rencontre. Mais cette représentation est un acte de la spontanéité,c'est-à-dire qu'elle ne peut être considérée comme appartenant à la sensibilité. Je l'appellel'aperception pure, pour la distinguer de l'aperception empirique, ou encore l'aperceptionoriginaire, parce qu'elle est cette conscience de soi qui, tout en produisant la représentationJe pense, doit pouvoir accompagner toutes les <strong>au</strong>tres représentations, et qui, une etidentique en toute conscience, ne peut être accompagnée <strong>au</strong>-delà (weiterbegleitet)d'<strong>au</strong>cune. »Alain, Les Passions et la Sagesse, Pléiade, p. 1076« On soutient communément que c'est le toucher qui nous instruit, et par constatationpure et simple, sans <strong>au</strong>cune interprétation. Mais il n'en est rien. Je ne touche pas ce décubique, Non. Je touche successivement <strong>des</strong> arêtes, <strong>des</strong> pointes, <strong>des</strong> plans durs et lisses, etréunissant toutes ces apparences en un seul objet, je juge que cet objet est cubique.Exercez-vous sur d'<strong>au</strong>tres exemples, car cette analyse conduit fort loin, et il importe de bienassurer ses premiers pas. Au surplus, il est assez clair que je ne puis pas constater commeun fait donné à mes sens que ce dé cubique et dur est en même temps blanc de partout, etjamais les faces visibles ne sont colorées de même en même temps. Mais pourtant c'est uncube que je vois, à faces égales, et toutes également blanches, Et je vois cette même choseque je touche, Platon, dans son Théétète, demandait par quel sens je connais l'union <strong>des</strong>perceptions <strong>des</strong> différents sens en un objet.Revenons à ce dé. Je reconnais six taches noires sur une <strong>des</strong> faces, On ne fera pasdifficulté d'admettre que c'est là une opération d'entendement, dont les sens fournissentseulement la matière. Il est clair que, parcourant ces taches noires, et retenant l'ordre et laplace de chacune, je forme enfin, et non sans peine <strong>au</strong> commencement, l'idée qu'elles sontsix, c'est-à-dire deux fois trois, qui font cinq et un. Apercevez-vous la ressemblance entrecette action de compter et cette <strong>au</strong>tre opération par laquelle je reconnais que <strong>des</strong>apparences successives, pour la main et pour l'œil, me font connaître un cube ? Par où ilapparaîtrait que la perception est déjà une fonction d'entendement. »MATHEMATIQUESL’espace euclidien 35En mathématiques, un espace euclidien est un objet algébrique permettant degénéraliser de façon naturelle la géométrie traditionnelle développée par Euclide, dans sesÉléments. Une géométrie de cette nature modélise, en physique classique, le plan ainsi quel'espace qui nous entoure. Un espace euclidien permet également de traiter les dimensionssupérieures ; il est défini par la donnée d'un espace vectoriel sur les nombres réels, dedimension finie, muni d'un produit scalaire, qui permet de mesurer distances et angles.L'existence d'un produit scalaire permet d'obtenir par exemple <strong>des</strong> bases particulièresdites orthonormales, une relation canonique entre l'espace et son dual, ou <strong>des</strong> famillesd'endomorphismes admettant une théorie simple de réduction. Il permet <strong>au</strong>ssi d'obtenir unestructure topologique, ce qui met à disposition les métho<strong>des</strong> d'analyse.Les espaces euclidiens possèdent une longue histoire ainsi que de nombreusesapplications. Les relations entre cet outil et le reste <strong>des</strong> mathématiques sont multiples etvariées, depuis la logique et l'algèbre jusqu'<strong>au</strong>x géométries non euclidiennes.35Source : WikipédiaLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


72GEOGRAPHIEOn regardait <strong>au</strong>trefois l'espace comme le nombre pris sous le rapport de l'étendue.La géométrie, disait-on, s'applique à <strong>des</strong> relations de position qui, traduites en termesnumériques à l'aide d'un dictionnaire de coordonnées, deviennent quantitatives. L'explicationspatiale <strong>au</strong>rait donc un caractère quantitatifCartographie 36La cartographie est l'ensemble <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> et <strong>des</strong> opérations scientifiques ettechniques intervenant dans l'établissement <strong>des</strong> cartes ou plans, à partir <strong>des</strong> résultatsd'observations directes ou de l'exploitation d'une documentation préexistante. Une carte estune représentation géométrique plane, simplifiée et conventionnelle, de tout ou partie de lasurface terrestre, dans un rapport de similitude convenable qu'on appelle l'échelle.Le report de la surface courbe de la Terre sur la surface plane de la carte pose deuxproblèmes difficiles. Le premier est celui de la détermination exacte de la forme et <strong>des</strong>dimensions de la Terre. Le second est celui de la meilleure correspondance possible entreles points de l'ellipsoïde terrestre et ceux du plan.La détermination de la forme et <strong>des</strong> dimensions de la Terre (géoïde) est l'objet de lagéodésie, science à la fois mathématique, astronomique et géophysique. Les opérationsgéodésiques consistent à définir les coordonnées géographiques (latitude et longitude) decertains points caractéristiques de l'espace (points géodésiques) et à y rattacher tous les<strong>au</strong>tres points observés. Les mesures sur le terrain ou sur les photographies aériennes,complétées par celles effectuées par les satellites spécialisés (satellites arpenteurs),permettent de calculer un ellipsoïde de référence qui sert de base <strong>au</strong>x différents systèmesde projections cartographiques.La difficulté <strong>des</strong> projections vient de ce que l'ellipsoïde n'étant pas une surfacedéveloppable, il est impossible de la reporter sur un plan sans la déchirer ou l'altérer. D'où larecherche de systèmes permettant de conserver une <strong>des</strong> propriétés de la surface projetée,sachant que cela se fait <strong>au</strong> détriment <strong>des</strong> <strong>au</strong>tres. On distingue ainsi les projectionsconformes, qui conservent les rapports d'angles entre les directions de l'ellipsoïde et cellesdu plan, et les projections équivalentes, qui conservent les rapports <strong>des</strong> surfaces. D'<strong>au</strong>tres,dites aphylactiques ou quelconques, ne sont ni conformes ni équivalentes. Pour représenterl'ensemble de la Terre, on utilise <strong>des</strong> globes, <strong>des</strong> planisphères ou <strong>des</strong> mappemon<strong>des</strong>, ou<strong>des</strong> projections interrompues (fragmentées, étoilées, polyconiques, polyédriques, etc.).L'échelle d'une carte est le rapport constant qui existe entre les longueurs mesuréessur la carte et les longueurs correspondantes mesurées sur le terrain. Elle doit être choisiesoigneusement en fonction du problème à traiter et de la surface à représenter. L'échelles'exprime normalement par une fraction telle que 1 : 50 000, qui signifie que 1 millimètre surla carte représente 50 000 millimètres (soit 50 m) sur le terrain. Il s'ensuit que l'échelle estd'<strong>au</strong>tant plus grande que le dénominateur de la fraction est plus petit. On utilise <strong>au</strong>ssi <strong>des</strong>échelles graphiques constituées par <strong>des</strong> abaques figurant directement sur la carte.Mappemonde d'ORTELIUS, XVI e siècleLe cartographe Ortelius a d'abord compilé et publié <strong>des</strong>cartes du monde, avant de dresser <strong>des</strong> cartes historiques,à partir de 1565.Son Theatrum orbis terrarum (1570) est considéré commele premier atlas moderne.36Source : Article de Guy BONNEROT et Fernand JOLY in Encyclopédie UniversalisLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


73LITTERATURELa Carte et le Territoire, Michel Houellebecq, Flammarion, 2010Extraits« On a souvent présenté le travail de Jed Martin comme étant issu d'une réflexionfroide, détachée, sur l'état du monde, on en a fait une sorte d'héritier <strong>des</strong> grands artistesconceptuels du siècle précédent.C'est pourtant dans un état de frénésie nerveuse qu'il acheta, dès son retour à Paris, toutesles cartes Michelin qu'il put trouver – un peu plus de cent cinquante. Rapidement, il se renditcompte que les plus intéressantes appartenaient <strong>au</strong>x séries « Michelin Régions », quicouvraient une grande partie de l'Europe, et surtout « Michelin Départements », limitée à laFrance. Tournant le dos à la photographie argentique, qu'il avait jusque-là exclusivementpratiquée, il fit l'acquisition d'un dos Betterlight 6000-HS, qui permettait la capture de fichiers48 bits RGB dans un format de 6000 x 8000 pixels. [...]Pour l'exposition il avait choisi une partie de la carte Michelin de la Creuse, danslaquelle figurait le village de sa grand-mère. Il avait utilisé un axe de prise de vues trèsincliné, à trente degrés de l'horizontale, tout en réglant la bascule <strong>au</strong> maximum afin d'obtenirune très grande profondeur de champ. C'est ensuite qu'il avait introduit le flou de distance etl'effet bleuté à l'horizon, en utilisant <strong>des</strong> calques Photoshop. Au premier plan étaient l'étangdu Breuil et le village de Chatelus-le-Marcheix. Plus loin, les routes qui sinuaient dans laforêt entre les villages de Saint-Gouss<strong>au</strong>d, L<strong>au</strong>rière et Jabreilles-les-Bor<strong>des</strong> apparaissaientcomme un territoire de rêve, féerique et inviolable.Au fond et à g<strong>au</strong>che de l'image, comme émergeant d'une nappe de brume, on distinguaitencore nettement le ruban blanc et rouge de l'<strong>au</strong>toroute A20. »Toute ressemblance avec le travail photographique élaborépar la plasticienne Anouck Durand-Gasselin sur les cartes -avant qu’elle ne procède de la même manière avec les tapis -demeure « fortuite » et intrigante !Pairideieza 6Impression jet d’encre contrecollée sur dibond120 x 160 cm - 2006Espèces d’espaces, Georges Pérec, Galilée, 1974Extrait« J'aimerais qu'il existe <strong>des</strong> lieux stables, immobiles, intangibles, intouchés etpresque intouchables, immuables, enracinés ; <strong>des</strong> lieux qui seraient <strong>des</strong> références, <strong>des</strong>points de départ, <strong>des</strong> sources :Mon pays natal, le berce<strong>au</strong> de ma famille, la maison où je serais né, l'arbre que j'<strong>au</strong>rai vugrandir (que mon père <strong>au</strong>rait planté le jour de ma naissance), le grenier de mon enfanceempli de souvenirs intacts...De tels lieux n'existent pas, et c'est parce qu'ils n'existent pas que l'espace devientquestion, cesse d'être évidence, cesse d'être approprié. <strong>L'espace</strong> est un doute : il me f<strong>au</strong>tsans cesse le marquer, le désigner; il n'est jamais à moi, il ne m'est jamais donné, il f<strong>au</strong>t quej'en fasse la conquête.Mes espaces sont fragiles : le temps va les user, va les détruire : rien ne ressembleraplus à ce qui était, mes souvenirs me trahiront, l'oubli s'in<strong>fil</strong>trera dans ma mémoire, jeregarderai sans les reconnaître quelques photos j<strong>au</strong>nies <strong>au</strong>x bords tout cassés. Il n'y <strong>au</strong>raLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


74plus écrit en lettre de porcelaine blanche collées en arc de cercle sur la glace du petit caféde la rue Coquillière : « Ici, on consulte le Bottin » et « Casse-croûte à toute heure ».<strong>L'espace</strong> fond comme le sable coule entre les doigts. Le temps l'emporte et ne m'enlaisse que <strong>des</strong> lambe<strong>au</strong>x informes :Ecrire : essayer méticuleusement de retenir quelque chose, de faire survivre quelque chose :arracher quelques bribes précises <strong>au</strong> vide qui se creuse, laisser, quelque part, un sillon, unetrace, une marque ou quelques signes. »ESPACE THEÂTRAL« Une division parcourt l'ensemble de l'histoire de l'espace théâtral. Il existe, en effet,contrastant avec les salles de théâtre, <strong>des</strong> espaces non institutionnalisés, mouvants, parfoisde plein air, parfois fermés. Cette opposition met en évidence l'histoire parallèle et entrelacéedu théâtre sédentaire et du théâtre nomade. L'alternative est en effet la suivante : ou lethéâtre s'intègre à <strong>des</strong> éléments architectur<strong>au</strong>x donnés ou, a contrario, il invente un espacequi lui est propre. Un théâtre de tréte<strong>au</strong>x, itinérant, réactivé par la suite sous d'<strong>au</strong>tres formesen théâtre de rues <strong>des</strong>sine une appréhension immédiate du fait théâtral : celui-ci, <strong>au</strong> sein<strong>des</strong> villes ou <strong>des</strong> villages, s'inscrit dans la vie sociale dont il ne s'extrait pas. Si en France, lethéâtre se fonde jusqu'<strong>au</strong> XVIII e siècle sur l'occupation de lieux qui ne lui étaient pas <strong>des</strong>tinés(les parvis <strong>des</strong> églises <strong>au</strong> Moyen Âge, les places, ou, <strong>au</strong> XVII e siècle, l'Hôtel de Bourgogneou <strong>des</strong> Jeux de p<strong>au</strong>mes aménagés), progressivement il devient un lieu conçu par <strong>des</strong>architectes créant un rapport fixe entre la scène et la salle, soucieux d'organiser la réceptionen fonction de critères donnés comme intangibles. À partir de la Renaissance, en effet, lethéâtre à l'Italienne s'impose peu à peu en Europe comme modèle théâtral quasi unique.Dans la salle, l'ordonnancement <strong>des</strong> spectateurs fait écho à la hiérarchie <strong>des</strong> rapportssoci<strong>au</strong>x et un lustre éclairant le public durant toute la représentation en détermine lecaractère mondain : il importe d'être vu. L'évolution <strong>des</strong> architectures théâtrales, <strong>des</strong> théâtresà l'italienne <strong>au</strong>x Maisons de la culture polyvalentes, témoignent de la modification sensibleintervenue : l'espace théâtral ne se donne plus comme un espace unique, mais apparaîtsoumis <strong>au</strong>x besoins esthétiques de chaque création. Néanmoins, l'histoire a priori disjointe<strong>des</strong> théâtres construits et <strong>des</strong> théâtres de tréte<strong>au</strong>x et de rues rappelle avec force qu'il n'estd'espace théâtral que délimité et organisé : <strong>au</strong>ssi improvisés apparaissent-ils, les espacesthéâtr<strong>au</strong>x fonctionnent sur <strong>des</strong> conventions. [...]« Je peux prendre n'importe quel espace vide et l'appeler une scène. Quelqu'un traverse cetespace vide pendant que quelqu'un d'<strong>au</strong>tre l'observe, et c'est suffisant pour que l'actethéâtral soit amorcé. » Cette proposition de Peter Brook dans son ouvrage L'Espace vide(1977) définit la condition sine qua non de l'apparition d'un espace théâtral. Conditionparadoxalement irréductible à l'espace mais tout entière tributaire de la présence corporellede deux individus – l'acteur et le spectateur – et d'un certain type de jeu qui se <strong>des</strong>sine entreeux. Cette fragilité définitionnelle qui trouve écho dans la remise en c<strong>au</strong>se <strong>au</strong> XX e siècle <strong>des</strong>structurations établies témoigne de la valeur du terme adhérant à la réalité non seulementesthétique mais sociale que sait prendre le théâtre.» Olivier Neveux 37CHOREGRAPHIEL'écriture chorégraphique représente l'agencement <strong>des</strong> choix du chorégraphe.- les gestes constituent le vocabulaire gestuel,- l'organisation, la place, l'ordre dans la phrase fondent la syntaxe,37In article « Espace Théâtral », Encyclopédie UniversalisLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


75- le phrasé, le rythme et la musicalité inst<strong>au</strong>rent.la ponctuation, les points, les virgules,les exclamations,- l'organisation, les lignes, trajets et orientations établissent l'écriture spatiale.Cette écriture s'appuie sur les composantes du mouvement dansé (les fondament<strong>au</strong>x) :- l'espace- le temps- le flux- le poids (référence à Rudolf von Laban)Aurélien Bory, Géométrie de caoutchouc, Pièce pour un chapite<strong>au</strong> (création 2011)« J'ai voulu réfléchir à quelque chose qui ne serait pastransposable ailleurs...Le point de départ est le chapite<strong>au</strong> lui-même. J'ai voulu l'envisagerlittéralement, faire une sorte d'étude de cet espace. Au départ il y <strong>au</strong>n lieu provisoire. Non pas une architecture en dur mais un espacemou. Simplement limité par une toile. Un lieu très identifié par saforme. Le lieu de spectacle sans doute le plus connoté. Un lieu quiattire. Un espace conçu pour recevoir be<strong>au</strong>coup de monde. Un lieuqui contient une chose supposée spectaculaire.Dans la continuité de mon questionnement sur l’espace, j’imagine unspectacle, où c’est le lieu lui-même que l’on viendrait voir. Ou plutôtici sa réplique en plus petit, placée alors à l’intérieur. Cette idée estun problème de topologie, cette branche <strong>des</strong> mathématiques appelée <strong>au</strong>ssi géométrie decaoutchouc. La topologie est étymologiquement l’étude d’un lieu. Je propose d’étudierl’espace dans lequel nous nous trouvons. Nous sommes à l’intérieur d’un lieu et nousl’observons de l’extérieur.Nous observons plus précisément sa limite, la toile : tirée par ses câbles comme une grandemarionnette, elle s’affaisse, s’élève dans les airs, supporte et agit sur les corps en scène. Lemouvement <strong>des</strong> acteurs sera alors guidé par les contorsions que cet espace mobileimposera. Tout ce théâtre va s’incarner dans cette surface de plastique, reconnaissable <strong>au</strong>départ et qui prendra <strong>des</strong> formes inconnues ensuite.Cette géométrie de caoutchouc est alors <strong>au</strong>tant celle de l'espace que celle <strong>des</strong> corps, cessacs de pe<strong>au</strong>, ces réceptacles de notre monde intérieur.Cette représentation, placée à l'intérieur de son double, explore la dimension d'objetgigogne : l'idée est de présenter un contenant qui est lui-même contenu, une sorte de miseen abîme qui touche à la notion de vide. Quand on réfléchit à l'espace, la question du videest toujours très présente. Je me suis souvent dit que l'art est peut-être cette activité qui viseà créer du vide pour que le spectateur puisse remplir ce vide avec son imaginaire.Les scènes de Géométrie de caoutchouc se composent de la mise en mouvement duchapite<strong>au</strong> miniature par huit acteurs qui prennent à bras le corps cet espace de caoutchouc,dans toute sa malléabilité. Ils l'accompagnent dans ses élévations et ses affaissements. J'aivoulu travailler sur l'idée du merveilleux, qui est par nature insaisissable, et dont l'espace duchapite<strong>au</strong> est pourtant la promesse...Une analogie se crée entre le corps de ces acteurs et la toile du chapite<strong>au</strong> : il y a uneporosité entre la scénographie et les acteurs. Comme dans tous mes spectacles, à uncertain moment, les objets peuvent devenir <strong>des</strong> acteurs et les acteurs <strong>des</strong> objets. Il existe<strong>des</strong> plis chez l'humain, comme il en existe dans la toile. Ce sont, l'un comme l'<strong>au</strong>tre, <strong>des</strong>endroits fragiles...D'une certaine façon, ce spectacle est une manière d'envisager le chapite<strong>au</strong> commeun espace de modernité, un espace de création contemporaine...J'aime décaler, détourner les attentes... Idéalement, j'aimerais que ce spectacle suscite<strong>au</strong>tant de lectures que de spectateurs présents. J'essaie de laisser une grande place <strong>au</strong>spectateur. Finalement, c'est lui qui finit l'œuvre. L'expérience de l'imaginaire est avant toutune expérience humaine. J'essaie dans mes spectacles que l'imaginaire soit lié à toutes lesLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


76lois physiques qui nous entourent. La scène est l'un <strong>des</strong> seuls domaines de l'art où l'on nepeut pas échapper <strong>au</strong>x lois de la mécanique générale. »CINEMA2001, l’odyssée de l’espace, Stanley Kubrick, 1968Un "<strong>fil</strong>m culte" ? Il s’apparente plutôt à un rituel, à une "expériencenon-verbale", dit Stanley Kubrick. Ce <strong>fil</strong>m lent et déroutant fut, à sonépoque, l'expression cinématographique la plus représentative de la"culture trip" - visant à embarquer le spectateur dans un voyage spirituel,grâce à un véritable cérémonial. 38Sans doute s'agit-il ni plus ni moins d'une quête du cinéma, porteuse durêve de montrer ce que nul être humain ne pouvait (et ne peut, à ce jour)directement contempler.Bien que l’imagerie scientifique ait porté à notre connaissance <strong>des</strong>réalités intouchables dépassant de be<strong>au</strong>coup la nature qui nous entoure,nous ne pouvons en faire l’expérience car nous nous trouvons confrontés à <strong>des</strong> formes dumonde qui échappent à nos sensations directes. Nous condamnant à admirer la be<strong>au</strong>té del’univers par procuration, seules les avancées technologiques démontrent la capacité del’espèce à - presque - parvenir <strong>au</strong>x confins de l’espace et du temps.Il n’y a plus guère de témoins oculaires derrière les télescopes ; Hubble (satellite lancé enorbite <strong>au</strong>tour de la Terre en 1990), par exemple, adresse <strong>au</strong>x ordinateurs <strong>des</strong> informationstraduites en données visuelles dont les couleurs ne sont pas celles <strong>des</strong> objets observés euxmêmes.Leur chromatisme résulte d’une combinaison de différentes captations ou d’unecolorisation artificielle. Se mêle alors à la fascination une frustration profonde : celle de nepouvoir voir par soi-même. Plus que jamais peut-être, la science et les images qui endécoulent nous confrontent à l’illusion et à l'absence.Cette remarque préalable peut constituer un angle d’approche fructueux pourexpliquer le succès de ce <strong>fil</strong>m. Stanley Kubrick a magistralement entrelacé deux aspects -complémentaires et non opposés - du cinéma : d’un côté, le <strong>fil</strong>m comme enregistrementd’une réalité, de l’<strong>au</strong>tre, comme porteur d’une fiction.... En clair, celui qui saisit le réel et celuiqui le compose.La science-fiction se fait « la topographe du manque et de l’inassouvissement, puisque ledésir ne s’achève pas, ne se réalise pas, puisque le désir est l’absence de l’<strong>au</strong>tre. » C’estcette écriture de l’absence qui lie, selon Philippe Fraisse 39 , science-fiction et cinéma.Ce <strong>fil</strong>m oscille entre deux éléments antagonistes : d'un côté, le contrôle absolu ; del'<strong>au</strong>tre, le surgissement de l'imprévu. Il est porteur de ce paradoxe énoncé par P<strong>au</strong>l Valéry :"Deux dangers menacent le monde : l'ordre et le désordre." Il est évident que Kubrickexprime une fois de plus son obsession de la dualité humaine. L'ordre et le désordre, leprévu et l'imprévu, la forme définie et l'infini, constituent la force d’attraction de ce <strong>fil</strong>m.38Michel Chion affirme dans son article sur S. Kubrick que le trip est « un <strong>des</strong> mots-clefs de laculture <strong>des</strong> années soixante. Il désigne alors une sorte de voyage initiatique conduit éventuellement àl’aide d’une drogue « douce » ou « dure » [...], mais tout <strong>au</strong>ssi bien d’une musique. » (Michel Chion,« Stanley Kubrick, l’humain, ni plus ni moins », Cahiers du Cinéma, collection « Auteurs », 2005)39Auteur de Le cinéma <strong>au</strong> bord du monde, une approche de Stanley Kubrick, Collection L’Infini,Gallimard, 2010Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


77Synopsis :A l'<strong>au</strong>be de l'Humanité, dans le désert africain, une tribu de primates subit les ass<strong>au</strong>tsrépétés d'une bande rivale, qui lui dispute un point d'e<strong>au</strong>. La découverte d'un monolithe noirinspire <strong>au</strong> chef <strong>des</strong> singes assiégés un geste inédit et décisif. Brandissant un os, il passe àl'attaque et massacre ses adversaires. Le premier instrument est né.En 2001, quatre millions d'années plus tard, un vaisse<strong>au</strong> spatial évolue en orbite lunaire <strong>au</strong>rythme langoureux du Be<strong>au</strong> Danube Bleu. A son bord, le Dr. Heywood Floyd enquêtesecrètement sur la découverte d'un monolithe noir qui émet d'étranges sign<strong>au</strong>x vers Jupiter.Dix-huit mois plus tard, les astron<strong>au</strong>tes David Bowman et Frank Poole font route vers Jupiterà bord du Discovery. Les deux hommes vaquent sereinement à leurs tâches quotidiennessous le contrôle de HAL 9000, un ordinateur exceptionnel doué d'intelligence et de parole.Cependant, ce dernier commence à donner <strong>des</strong> signes d'inquiétude : à quoi rime cettemission et que risque-t-on de découvrir sur Jupiter ? De ce cerve<strong>au</strong> électronique va surgir lafolie, le meurtre...MUSIQUEL’importance que tient l’espace dans la musique, les dimensions spatiales sonores, laspatialisation <strong>des</strong> h<strong>au</strong>teurs et formes musicales, le mouvement <strong>des</strong> sons, les mouvements<strong>des</strong> interprètes et de l’<strong>au</strong>ditoire, l’influence du phénomène acoustique sur l’interprétation, lafonction d’imaginaire spatial en musique, sont <strong>au</strong>tant de questions qu’on retrouve dans lamusique contemporaine.En 1951, les premiers magnétophones arrivent à la RTF. Jacques Poullin, ingénieurdu son, conçoit différents types d'enregistreurs pour créer <strong>des</strong> effets music<strong>au</strong>x spéci<strong>au</strong>x etdévelopper un système de spatialisation afin de diriger les bruits vers différents h<strong>au</strong>t-parleursà l'intérieur d'une salle de concert. Le premier concert public "spatialisé" a lieu cette mêmeannée à Paris <strong>au</strong> théâtre de l'Empire. Pierre Henry utilise un "Pupitre potentiométrique derelief à quatre can<strong>au</strong>x" ou "potentiomètre d'espace" conçu par Poullin et Schaeffer ; les sonsse projettent dans l'espace "suivant <strong>des</strong> plans ou <strong>des</strong> trajectoires qui s'inscrivent dans lah<strong>au</strong>teur, la largeur et la profondeur". “Tenant en main une bobine, l'opérateur, debout sur lascène, effectue <strong>des</strong> gestes dans un espace matérialisé par de larges cerce<strong>au</strong>x croisés. Cesgestes, agissant sur la balance <strong>des</strong> h<strong>au</strong>t-parleurs, produisent un mouvement analogique duson dans l'espace de la salle" 40 .Au début <strong>des</strong> années 50, John Cage s'interroge également sur les relations entre jeumusical et données spatiales, notamment lors de la réalisation de William Mix en 1952, avecles membres du Project for Music for Magnetic Tape. Deux <strong>au</strong>tres compositionsd'importances seront réalisées par ce collectif entre 1950 et 1953 : Octet d'Earle Brown pour8 ban<strong>des</strong> magnétiques, et Intersection de Morton Feldman.Dès lors, de plus en plus de compositeurs se préoccupent <strong>des</strong> divisionsconventionnellement admises entre arts du temps, de l'espace et du mouvement. La notiond'espace devient une substance primordiale et initiale dans le travail de création, elle faitpartie du langage <strong>des</strong> musiciens. Parmi eux, Pierre Boulez (Répons pour 5 groupesinstrument<strong>au</strong>x), Luc Ferrari, Olivier Messiaen, Léo Küpper, John Chowning, Iannis Xenakis,Karlheinz Stockh<strong>au</strong>sen, Steve Reich, Alvin Lucier.Stockh<strong>au</strong>sen déclare dans les années 50 : "On peut dire qu'à l'avenir la musique deviendraspatiale. Je crois que le mouvement <strong>des</strong> sons dans l'espace sera <strong>au</strong>ssi important que lamélodie, l'harmonie, le rythme, la dynamique, le timbre"40François Bayle : <strong>des</strong>cription du concert de 1951, in "Musiques acousmatiques, propositions...positions," Paris, I.N.A./Buchet-Chastel, 1993Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


78En 1956, il applique les principes de la projection spatiale en répartissant cinq groupes deh<strong>au</strong>ts parleurs respectivement <strong>au</strong>tour et <strong>au</strong>-<strong>des</strong>sus du public. En 1969, il jouera Hymnendans les grottes de Jeita <strong>au</strong> Liban, puis en 1972 sur le site de Persépolis : le cadre, le choix<strong>des</strong> lieux sont d'une importance primordiale dans le processus de mise en espace. En 1970,Stockh<strong>au</strong>sen, accompagné de l'architecte Fritz Bornemann, conçoit un <strong>au</strong>ditorium sphériquede vingt-huit mètres de diamètre pour le planétarium du pavillon allemand de l'expositionuniverselle d'Osaka. Il y voit une architecture idéale de spatialisation du son : le son étaitprojeté dans cinquante-cinq h<strong>au</strong>t-parleurs qui entouraient complètement un public de cinqcent cinquante <strong>au</strong>diteurs.Iannis Xenakis, quant à lui, produit également plusieurs trav<strong>au</strong>x d'importance :Diamorphoses (1957), Concret pH (1958), Orient-Occident musique extraite du <strong>fil</strong>mhomonyme d'Enrico Fulchignoni (1960), Bohor (1962), ainsi que d'<strong>au</strong>tres réalisations mêlantmusique, architecture et spectacle visuel comme les divers Polytopes ou encore le Diatope"La légende d'Eer" pour l'in<strong>au</strong>guration du Centre Georges Pompidou en 1978... Bien queconnu principalement en tant que compositeur, Iannis Xenakis, a un impact particulier surl'histoire de la musique électronique, il développe notamment un système de compositionqu'il nomme musique stochastique où il met en relation la musique et les mathématiques.ARCHITECTURE : CORPS ET ESPACE URBAIN« Le corps en marche dit à qui il appartient. Cela n'a pas échappé à Balzac.Souvenez-vous que, dans sa Théorie de la démarche (1833), il fait l'apologie del'observateur - il fréquente alors <strong>des</strong> savants - et considère que "la démarche est laphysionomie du corps". En marchant, le passant exprime ses humeurs, sa situation sociale,son milieu culturel, ses intentions, etc. Balzac égrène quelques aphorismes éblouissants [...]Ainsi, marcher est bien plus que se mouvoir dans un paysage, parcourir un lieu d'un point àun <strong>au</strong>tre, c'est le faire advenir. La marche est révélatrice d'espaces, cela n'a pas échappé<strong>au</strong>x artistes qui utilisent les lieux comme "matière première" de leurs inspirations, leursinstallations, leurs cheminements créatifs. La marche énonce les lieux, chaque pas épelle unmorce<strong>au</strong> de territoire, chaque itinéraire épouse le phrasé de la ville. Le marcheur est unrévélateur de sens (signification et direction), un diseur d'aventures urbaines. Qu'on nel'encadre pas trop, qu'on ne l'équipe pas d'innombrables prothèses technologiques censéesaméliorer son rythme, baliser sa route, optimiser ses forces ! Non, le marcheur éprouve laville à la mesure de son corps. Cette expérience sensorielle intime irremplaçable atteste sasingularité. » Thierry Paquot 41Thierry Paquot, philosophe de l'urbain, est professeur <strong>des</strong> universités et éditeur de larevue Urbanisme. Ses thèmes de prédilection sont le temps et l'espace, les représentationsde la ville et les utopies. Enseignant curieux, homme de radio et d'édition, il n'hésite pas àentremêler l'histoire, l'urbanisme, la philosophie, la littérature et les sciences pour démontrerqu'il n'existe pas de "corps en soi" mais que nos comportements, nos habitu<strong>des</strong>, notresensibilité elle-même, fonctionnent selon une étonnante correspondance, touteb<strong>au</strong>delairienne, <strong>au</strong> monde extérieur. La violence de ce monde urbain, son aridité, sa noirceur,sa frivolité, sa langueur, son artificialité, comme ses moments de répit et ses gestes pacifiés,affectent profondément, non seulement notre rapport <strong>au</strong> corps mais <strong>au</strong>ssi à notre humanité.Dans l’ouvrage Des corps urbains. Sensibilités entre béton et bitume (2006), il introduit laquestion de la sensibilité en ville, après s’être plongé dans les étu<strong>des</strong> <strong>des</strong> éthologues, <strong>des</strong>historiens, <strong>des</strong> anthropologues et <strong>des</strong> géographes afin de décrire et d’apprécier lastimulation de nos cinq sens (la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat et le goût) dans le contexteurbain. Évidemment cela l’a entraîné à étudier nos gestes, nos muscles, nos manières d’être41Editorial de la revue Urbanisme, n° 359, mars – avril 2008Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


79et à évaluer l’architecture et l’urbanisme eu égard à la proportion et non pas seulementl’échelle. Le corps humain est la mesure élémentaire de notre adhésion à notreenvironnement, qui bien souvent ne s’en préoccupe guère. Chaque jour, parcourant les rues,glissant dans les boy<strong>au</strong>x et les cicatrices bouturées de la ville, les passants ne cessentd'adapter leur corps, de le forcer, de le contraindre. Leurs cinq sens sont soumis à la loi decet "organisme" de béton, de verre et de fer, dans lequel les maigres éléments de naturesont enchâssés (mais non nécessairement sertis) de grilles et de chaînes... Le corps sur lebitume, comme l'arbre dans la ville, se métamorphose pour continuer à vivre, tantôtanesthésié par le bruit, tantôt enflammé par les parfums, tantôt bridé, tantôt libéré... La villen’est pas spontanément hospitalière, l’architecture hésite entre une monumentalité froide etdistante et une fonctionnalité standardisée, les parcs et les jardins publics oublient que ladéambulation répond à <strong>des</strong> humeurs indomptables et que le promeneur ne recherche pas leparcours efficace, mais le détour, la p<strong>au</strong>se, l’à-côté. Avec cet ouvrage, il a pu faire le pointsur les comportements sensibles <strong>des</strong> citadins, découvrir que dorénavant l’ouïe l’emportaitsur la vue, alors même que pour nos ancêtres occident<strong>au</strong>x <strong>des</strong> XV et XVI es siècles, c’étaitl’odorat que la ville affectionnait. Et, du coup, la suggestion d’un urbanisme sensoriel et unearchitecture de l’<strong>accueil</strong>lance advient.Des corps urbains, Sensibilités entre béton et bitume, Editions Autrement,Collection « Le Corps, Plus que jamais », mars 2006Fiche de lecture 42 :Ce tout petit essai est organisé en 5 chapitres thématiques.Le premier, « Dans la rue : urbains trop urbains ! », est un historique de la ville et <strong>des</strong>formes qu’elle prend. La ville de l’antiquité gréco-romaine s’organise en suivant lacosmogonie du peuple qui l’habite mais <strong>au</strong>ssi en fonction <strong>des</strong> considérations pratiques(l’ensoleillement ou la circulation de l’air). La présence <strong>des</strong> hommes donne sa forme à laville : l’agora prend la forme que lui donne la présence <strong>des</strong> hommes rassemblés. A Rome,c’est la législation qui donne son aspect à la ville : la hiérarchie <strong>des</strong> rues copie l’organisationsociale, la propreté est organisée par l’Etat.Au Moyen-âge, les rues suivent le relief, sans ordre apparent. “La rue appartient àceux qui s’y installent”, c’est un espace de violence où le faible ne survit pas. Par contraste,la ville <strong>des</strong> XVII et XVIII es siècles est plutôt basée sur <strong>des</strong> principes de be<strong>au</strong>té, de régularitéet surtout d’habitabilité (trottoirs, éclairage, numérotation...) qui perdurent <strong>au</strong> XIX e . La policey joue un rôle plus important. La rue est <strong>au</strong>ssi un lieu d’exhibition <strong>des</strong> corps : alors que les“promena<strong>des</strong>” se généralisent, la rue reste en même temps un lieu où s’expose le corps <strong>des</strong>p<strong>au</strong>vres qui y trouvent refuge. La rue parisienne, régularisée par H<strong>au</strong>ssmann, devient à lafois un lieu de spectacle et de contrôle.Avec la naissance de l’“urbanisation”, la ville est pensée pour que le corps et l’espritpuissent s’y épanouir. Des artistes tels que Arturo Sorya y Mata ou Ebenezer Howard, créent<strong>des</strong> villes utopiques (la “ville linéaire”, les “cités jardins”) en travaillant be<strong>au</strong>coup sur lacirculation pour apporter une véritable qualité de vie.Après la seconde guerre mondiale, le règne de l’<strong>au</strong>tomobile amène les municipalitésà nier ces principes <strong>au</strong> nom d’une meilleure circulation. Les centres-villes deviennentdangereux pour les piétons et les “tours” collectives voient leurs espaces verts setransformer en parkings. Thierry Paquot donne ensuite son point de vue sur lesaméliorations à apporter à la ville pour l’humaniser : redonner une identité <strong>au</strong>x quartiers,différencier les axes de circulation, etc. Il cite <strong>des</strong> utopistes du XIX e siècle qui voulaientrendre à la rue son rôle de spectacle gratuit pour y attirer les flâneurs. Aujourd’hui, seules lesfêtes urbaines tiennent ce rôle. Elles permettent <strong>au</strong>ssi <strong>au</strong>x piétons, <strong>au</strong>x habitants <strong>des</strong>’approprier la ville : observer, expérimenter ses usages divers, comme le prescrivaitGeorges Pérec, laisser les corps communiquer. L’<strong>au</strong>teur imagine ensuite l’impact <strong>des</strong>42Source : http://clio-cr.clion<strong>au</strong>tes.org/spip.php?article1004Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


80nouvelles technologies sur la présence du corps dans la ville : le téléphone “absentéise” lecorps de celui qui téléphone, certains services offerts par les opérateurs téléphoniquesinciteront le touriste à regarder son écran plutôt que le paysage qui s’offre à lui.Le chapitre 2 « Des pieds et <strong>des</strong> mains : chorégraphie urbaine » étudie les postures<strong>des</strong> mains et <strong>des</strong> pieds comme éléments signifiants du corps dans la ville ; Thierry Paquoten détaille les positions dans les endroits les plus caractéristiques de la ville, ou plutôt de lamétropole : métro, terrasses de cafés, campus universitaires...Dans le chapitre 3 : « Debout, assis, couché : entre béton et bitume », il décrit de lamême façon le sens de chacune de ces positions dans le milieu urbain. Le debout de celuiqui attend, de celle qui marche, du fatigué qui se courbe ; l’assis sur un banc, dans le métroou sur une selle ; le couché qui "sieste" ou qui cuve son vin. L’<strong>au</strong>teur raconte ses heurtsavec un cycliste ou une promeneuse, les rencontres avec ses voisins, s’emporte contre lenouve<strong>au</strong> matériel urbain qui "privilégie l’esthétique contre l’<strong>accueil</strong>lance", en bref il raconte"sa" ville vécue, sa ville rêvée.Le chapitre 4 « Les cinq sens » commence, comme tous les <strong>au</strong>tres, par un peud’étymologie sur le mot-clef du chapitre. Quatre <strong>des</strong> cinq sens sont ensuite décrits dans leurrapport avec l’espace urbain. La perception <strong>au</strong>ditive de la ville a be<strong>au</strong>coup changé depuis lemoyen-âge mais la ville est toujours le lieu <strong>des</strong> bruits qui s’entrechoquent. Aujourd’hui, cesbruits sont étudiés et même cartographiés (p. 66). Viennent ensuite le toucher (ou la peur detoucher), l’odorat - de la puanteur <strong>au</strong>x senteurs rajoutées <strong>des</strong> croissanteries, en passant parle béton parfumé utilisé dans les résidences pour malvoyants. Il termine par la vue : laperception visuelle de la ville a changé depuis la généralisation du verre correcteur et del’éclairage urbain, donnant naissance à une "culture du regard", <strong>des</strong> impressionnistes <strong>au</strong>xphotographes. La ville bouge, sans cesse, donne trop à voir. La lecture du paysage urbainen est d’<strong>au</strong>tant plus difficile. Il reprend ensuite les idées de la sémiologie sur "la ville qui faitsigne" en quelques pages agréables.Dans le dernier chapitre « Marcher : mettre ses pas dans les pas de la ville », l’<strong>au</strong>teurdécrit les différentes façons de marcher dans la vile : la promenade rectiligne, la flânerie quinaît avec la métropole moderne. Il termine par la “dérive”, détournement <strong>des</strong> usages de laville prôné par les situationnistes : la rue espace de gratuité devient un lieu de vie <strong>au</strong>tant quede passage, un lieu d’errance pour jeunes désœuvrés.En conclusion, l’<strong>au</strong>teur voit la ville comme un espace civilisateur, qui donne <strong>des</strong>règles, qui brime la spontanéité mais permet la liberté : un espace de culture. Un lieud’isolement <strong>au</strong>ssi, d’uniformisation, mais un lieu que le corps humain continue à transformerà sa convenance.La bibliographie commentée est intéressante et agréable à lire, sur les différents thèmestraités dans cet essai : la ville, le corps, l’espace public, la rue, les places, les postures, lescinq sens, marcher. Pas de longue liste d’ouvrages mais quelques livres choisis et appréciés.Pour l’enseignant ?L’enseignant n’y trouvera que très peu de géographie <strong>au</strong> sens universitaire du terme :pas de spatialisation, pas de typologie <strong>des</strong> lieux, pas de cartes ni de schémas. Cependant,on pense en lisant ce livre <strong>au</strong>x « parcours sensibles », approches croisées de la villeproposées par divers CAUE.On pourra donc y puiser quelque inspiration pour préparer une sortie sur le terrain, un travailsur le thème de la ville, du quartier, de l’environnement. La bibliographie commentéepermettra d’aller plus loin sur les thèmes de l’utilisation de l’espace urbain, de l’interactionentre l’homme et la ville, du rôle de l’urbanisme dans les problèmes urbains. On y découvrira<strong>au</strong>ssi <strong>des</strong> pistes pour un travail interdisciplinaire : <strong>des</strong> <strong>au</strong>teurs, <strong>des</strong> peintres, <strong>des</strong> architectes,<strong>des</strong> chanteurs...Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


81ASTRONOMIE« Jusqu'<strong>au</strong> début du XIX e siècle, l'astronomie s'est presque exclusivement attachée àl'étude <strong>des</strong> mouvements <strong>des</strong> astres et, dans la dernière période, à la c<strong>au</strong>se de cesmouvements, mais elle ne se préoccupait guère de la nature de ces astres. Lorsque lesprogrès de la physique ont permis d'envisager l'étude à distance <strong>des</strong> propriétés <strong>des</strong> étoiles,puis <strong>des</strong> <strong>au</strong>tres objets de l'astronomie, l'astrophysique est née. Elle a suivi pendant quelquesdécennies une évolution indépendante de la vieille astronomie de position et de lamécanique céleste, puis ces branches se sont réunies ; il conviendrait sans doute de ne plusemployer <strong>au</strong>jourd'hui que le terme d'astronomie, car il n'y a plus guère de différence entreastronomie et astrophysique.À partir du début du XX e siècle, l'astronomie connaît un développement prodigieuxqui est lié <strong>au</strong>x spectaculaires progrès de la physique et <strong>des</strong> instruments d'observation. Lesgrands télescopes ont dominé la scène jusqu'<strong>au</strong>x environs de 1950 ; puis, l'apparition denouve<strong>au</strong>x moyens d'observation, notamment dans le domaine radio, a permis entre 1950 et1970 une moisson de découvertes inattendues qui ont renouvelé notre conception del'Univers. L'exploration directe du système solaire et les satellites astronomiques s'y sontajoutés pour accélérer encore le rythme <strong>des</strong> progrès de notre connaissance de l'Univers,tandis que les ordinateurs <strong>au</strong>torisent <strong>des</strong> analyses et <strong>des</strong> simulations numériques ainsi qu'unraffinement dans le traitement <strong>des</strong> observations dont on ne pouvait rêver <strong>au</strong>paravant. Enfin,on a assisté à l'apparition d'une nouvelle génération d'instruments géants, notamment <strong>des</strong>télescopes optiques de 8 à 10 mètres de diamètre ; cette course <strong>au</strong> gigantisme se poursuit.Mais il n'est pas possible d'envisager l'astronomie sous son seul aspect scientifique,car il n'est probablement pas d'activité humaine qui ait, plus qu'elle, influencé les grandspenseurs. Les découvertes de l'astronomie ont profondément marqué de nombreusesdoctrines philosophiques et religieuses, <strong>au</strong>ssi bien dans les temps anciens qu'à l'époquemoderne. On peut d'ailleurs trouver dans cette influence deux courants opposés. Il estcertain que les découvertes successives de l'astronomie ont singulièrement réduitl'importance de l'homme <strong>au</strong> sein de l'Univers. Pour les Anciens, la Terre était <strong>au</strong> centre detout, et l'homme la plus parfaite <strong>des</strong> créatures. Copernic, <strong>au</strong> XVI e siècle, commença àdétruire cette image en élaborant son système héliocentrique, que les philosophes etsavants de son temps eurent tant de mal à admettre. Puis ce furent les découvertes del'astronomie stellaire qui montrèrent que le Soleil lui-même n'était qu'une étoile quelconquesemblable à <strong>des</strong> milliards d'<strong>au</strong>tres et occupant, dans la Galaxie, une position qui n'a rien deremarquable. Enfin, nous savons maintenant que <strong>des</strong> milliards de galaxies, formées chacunede dizaines de milliards d'étoiles, peuplent l'Univers.Les astronomes d'<strong>au</strong>jourd'hui sont cependant confrontés à un problème majeur :l'abondance <strong>des</strong> données d'observation, dont seule une petite partie est exploitée. Lapuissance <strong>des</strong> instruments présents et futurs est telle que cette situation ne peut que sepérenniser, voire empirer, <strong>au</strong> risque de voir les chercheurs noyés sous une pléthored'informations disparates. Certes, l'informatique et Internet permettent de mettre les données<strong>des</strong> observations et les simulations numériques à la disposition de tout le monde sous laforme d'observatoires virtuels, ce qui peut stimuler la recherche astronomique dans les paysémergents. Mais il f<strong>au</strong>t <strong>des</strong> chercheurs formés et expérimentés pour en tirer profit, et c'est làque se trouvent les besoins. Comme d'<strong>au</strong>tres sciences, l'astronomie nécessite <strong>au</strong>jourd'hui lacoopération bien organisée de nombreux individus très compétents, dont quelques-uns<strong>au</strong>ront les idées originales qui sont le moteur de la recherche. Il f<strong>au</strong>t <strong>au</strong>ssi garder la cultureet l'ouverture d'esprit nécessaires pour fertiliser ces idées par la confrontation avec d'<strong>au</strong>tresdisciplines. S<strong>au</strong>ra-t-on relever ces défis ? » James Lequeux 4343In « Astronomie », Encyclopédie UniversalisLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


82BIOLOGIENous avons cinq sens, qui mettent l'organisme en relation avec son environnement.On appelle organe <strong>des</strong> sens un organe sensible <strong>au</strong>x stimulations en provenance del'environnement, indispensable à la perception du milieu. Chez l’humain :Pe<strong>au</strong> Oreilles Papilles Œil Fosses nasalesToucher Ouïe Goût Vue OdoratDe nombreux récepteurs sensoriels (structure localisée dans un organe <strong>des</strong> sens qui détecteles stimuli) informent l'organisme de son état interne <strong>au</strong>ssi bien que de ce qui se passe dansl'environnement.Pour qu'il y ait sensation (arrivée du message nerveux dans le cortex cérébral) etperception (analyse et reconnaissance d'une sensation avec intervention de la mémoire), lesorganes <strong>des</strong> sens ne suffisent pas. Ils détectent ce qui se passe et produisent un messagenerveux qui sera "décodé" par le système nerveux (ensemble <strong>des</strong> centres nerveux et <strong>des</strong>nerfs).Un message nerveux est une information transmise par les nerfs. Les neurones véhiculent<strong>des</strong> informations d'une zone de l'organisme à une <strong>au</strong>tre sous forme d'impulsions nerveusesde nature électrique (pour simplifier).On distingue les messages nerveux sensitifs - qui circulent d'un organe <strong>des</strong> sens vers uncentre nerveux - et les messages nerveux moteurs qui circulent d'un centre nerveux vers unorgane effecteur (muscle).Les organes sont reliés <strong>au</strong>x centres nerveux grâce à <strong>des</strong> nerfs. On utilise le termeinnervation pour désigner le fait qu'un organe reçoit <strong>des</strong> nerfs. Un nerf est un cordonblanchâtre formé par <strong>des</strong> faisce<strong>au</strong>x de fibres nerveuses, conducteur <strong>des</strong> messages nerveuxet reliant un centre nerveux à un organe.L'encéphale est formé de l'ensemble <strong>des</strong> centres nerveux contenus dans la boîtecrânienne <strong>des</strong> vertébrés : cerve<strong>au</strong> + cervelet + tronc cérébral.Le cerve<strong>au</strong> est la partie de l'encéphale impliquée dans les actions volontaires. Il est divisé endeux parties : les hémisphères cérébr<strong>au</strong>x. Chaque hémisphère contrôle les actions du côtédu corps qui lui est opposé (par exemple l’hémisphère droit contrôle le côté g<strong>au</strong>che ducorps). Il est impliqué dans les mouvements volontaires, dans la mémoire, l’apprentissage etla sensation.La moelle épinière est un centre nerveux qui se trouve dans la colonne vertébrale.Elle s'étend de la base du crâne à la dernière vertèbre lombaire. Au-delà, elle s'amenuise enune extrémité ef<strong>fil</strong>ée. Elle fonctionne par transmission de messages nerveux provenant <strong>des</strong>nerfs sensitifs vers le cerve<strong>au</strong> ou du cerve<strong>au</strong> vers les nerfs moteurs.Le neurone est la cellule spécialisée du système nerveux qui comporte <strong>des</strong> prolongementscaractéristiques : les fibres nerveuses, prolongements fins qui conduisent les messagesnerveux.La transmission du message nerveux d'un neurone à l'<strong>au</strong>tre se fait <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> <strong>des</strong>synapses grâce à <strong>des</strong> messagers chimiques : les neurotransmetteurs ou neuromédiateurs.Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


83INDEX DES ARTISTES CITÉS et ILLUSTRÉSDans les <strong>collections</strong> :AAA Corp, p. 52AES, p. 30APPELLT Dieter, p. 23ART & LANGUAGE, p. 17ARTIGAS Francisco, p. 22BARTHÉLÉMY & SULTRA, pp. 21, 65BASSERODE, p. 63BATHO John, p. 24BETTENCOURT Pierre, p. 36BLANCHARD Rémi, p. 16BLAZY Michel, p. 50BONAMI Francesco, p. 15BONNAL Daniel, p. 43BRASSAÏ, p. 23BULLOCH Angela, p. 45BUSTAMANTE Jean-Marc, pp. 22, 45CALLE Sophie, p. 21CANE Louis, p. 29CANUDAS Jordi, p. 16CHEVALLIER Jean-Marc, p. 31COLOMER Jordi, p. 49CRÉPET Hervé, p. 30CRESEVEUR Elizabeth, p. 39CURE Michel, p. 16De FENOYL Pierre, p. 24De NAYER Didier, p. 23DI ROSA Buddy, pp. 38, 44DIBBETS Jan, p. 32DIEUZAIDE Jean, p. 22DUBUFFET Jean, p. 15DUCHAMP Marcel, p. 44DUPRAT Hubert, p. 46FAUCON Bernard, p. 22FONTANA Lucio, p. 33FRANCIS Sam, p. 7GASPARI Rolino, p. 42GIBSON Ralph, p. 21GROUT / MAZEAS, p. 51HARTUNG Hans, p. 7HORTALA Philippe, p. 15HUBAUT Joël, p. 58IMAI Toshimitsu, p. 7JENKINS P<strong>au</strong>l, p. 7KANAYAMA Akira, p. 8KIPKE Zeljko, p. 15KUSAMA Yayoi, p. 61LAMARCHE Bertrand, p. 40LEROY Eugène, p. 35MALBREIL François, p. 17MASANOBU Masatoshi, p. 7MATHIEU Georges, p. 8, 13MILLET L<strong>au</strong>rent, p. 25MINOT & GORMEZANO, p. 24MOGARRA Joachim, p. 24MOHR Max, p. 62MONORY Jacques, p. 64MOREL Christine, p. 64MORRIS Robert, p. 34PICASSO Pablo, p. 47POIRIER Anne et Patrick, p. 45POUTAYS Marie-Françoise, p. 41QUARDON Françoise, p. 55ROUAN François, p. 33ROUSSE Georges, p. 60SARTONI Danilo, p. 29SCURTI Franck, p. 52SECHAS Alain, p. 53SERPAN, p. 8SHIGARA Kazuo, p. 7, 10, 11SHIMAMOTO Shozo, p. 7SIMONDS Charles, pp. 39, 55SORIN Pierrick, p. 38SOULAGES Pierre, p. 36TAPIES Antoni, pp. 11, 34THEODOULOS Gregoriou, p. 54THIDET Stéphane, p. 57TINO, pp. 37, 44TIRAVANIJA Rikrit, p. 58TITUS-CARMEL Gérard, p. 43Van LIESHOUT Atelier, p. 57VIEILLE Jacques, p. 56VIEIRA DA SILVA Maria-Elena, p. 16Von CONTA Beatrix, p. 23Hors collection :BRUNELLESCHI Filippo, p. 18DURAND-GASSELIN Anouck, p. 73DÜRER Albrecht, p. 20NEWMAN Barnett, p. 10NIEPCE Joseph Nicéphore, p. 26ORTELIUS, p. 72POLLOCK Jakson, p. 10REINHARDT Ad (Adolph), p. 10TOBEY Marc, p. 9Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


83BIBLIOGRAPHIERéférences pour amateurs enthousiastes :OUTILS DIDACTIQUES :Jean-Yves BOSSEUR, Vocabulaire <strong>des</strong> arts plastiques du XX e siècle, Minerve, 1998Etienne SOURIAU, Vocabulaire d’esthétique, PUF, 1990Fabrice WATEAU, Comment savoir si c'est de l'art ou pas ? Éd. Belin, 2000Florence de MEREDIEU, Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne,Larousse, 2002CONNAISSANCE DE L’ENFANT :Jean PIAGET, La représentation de l'espace chez l'enfant, Presses universitaires deFrance, 1977CATALOGUES D’EXPOSITION :50 espèces d’espaces. Œuvres du Centre Georges Pompidou, Editeur : CentreGeorges Pompidou-Ircam, 1998Kazuo Shiraga : 4 juin - 26 septembre 1993, Centre régional d'art contemporain Midi-Pyrénées, Labège ; Musée d'art moderne, réfectoire <strong>des</strong> Jacobins, Ville de Toulouse,ARPAP, 1993ArchiSculpture, Dialogues entre architecture et sculpture du XVIII e siècle à nos jours,Fondation Beyeler, Bâle, édité par Hatje Cantz et Ost<strong>fil</strong>dern, 2004Antoinette LE NORMAND-ROMAIN, La sculpture dans l'espace : Rodin, Brancusi,Giacometti..., Exposition in<strong>au</strong>gurale de la Chapelle du musée Rodin, Musée Rodin,Paris, 2005AUTRESSur la perspective :Daniel ARASSE, Histoires de peintures, chap. 4 : « L'invention de la perspective »,Denoël, 2004.Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


84Erwin PANOFSKY, La Perspective comme forme symbolique et <strong>au</strong>tres essais(Traduction de l’anglais sous la direction de Guy Ballangé), Collection « Le senscommun », Les Editions de Minuit, 1976Pierre FRANCASTEL, Peinture et société. Naissance et <strong>des</strong>truction d’un espaceplastique de la Renaissance <strong>au</strong> cubisme, Paris, Denoël-Gonthier, 1984.Lucien VINCIGUERRA, Archéologie de la perspective : sur Piero della Francesca,Vinci et Dürer, PUF, Paris, 2007Philippe HAMOU (Textes choisis et présentés par), La vision perspective (1435-1740) : l'art et la science du regard, de la Renaissance à l'âge classique, Petitebibliothèque Payot, Paris, 2007Philippe COMAR, La perspective en jeu : les <strong>des</strong>sous de l’image, Ed. DécouverteGallimard-sciences, Paris 1992Hubert DAMISCH, L'origine de la perspective, Flammarion, 1987Leon Battista ALBERTI, Della Pittura, Livre I, trad. française : J.-L. Scheffer, Macula,1992Jurgis BALTRUSAITIS, Anamorphoses ou Th<strong>au</strong>maturgus Opticus, coll. Champs,Flammarion, Paris, 1996Sur la composition :Charles BOULEAU, Charpentes. La géométrie secrète <strong>des</strong> peintres, Seuil, 1963Sur l’espace et sa perception :Milovan STANIC (sous la dir.de), « Art et espace », Revue Ligeia, Dossiers sur l’art,2007Michel FOUCAULT, « Des espaces <strong>au</strong>tres », Dits et Ecrits, 1954 – 1988, vol. IV,Gallimard, 1994Michel GUERIN, L’espace plastique, Bruxelles, La Part de l’Œil, 2008Jacques DERRIDA, La vérité en peinture, Flammarion, 1978Paolo AMALDI, Espaces, éditions de la Villette, Paris, 2007Jean-P<strong>au</strong>l GALIBERT, "L’art plastique l’espace.", EspacesTemps.net, Il paraît,25.05.2009Georg Wilhelm Friedrich HEGEL, Cours d'Esthétique III, trad. Jean-Pierre Lefebvre etVeronika Von Schenk, Aubier, 1997Emmanuel KANT, Critique de la Raison pure, trad. Alain Ren<strong>au</strong>t, Flammarion; 3 eédition revue et corrigée, 2006ALAIN, Les Passions et la Sagesse, La Pléiade, Gallimard, 2002Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


85M<strong>au</strong>rice MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception, Collection Tel,Gallimard, 1976René DESCARTES, Principes de la philosophie, II e partie, articles 10 et 11, Vrin,2009René HUYGHE, Dialogue avec le visible, Flammarion, 1993Giorgio AGAMBEN, L’homme sans contenu, Paris, Circé, 1996Sur la muséographie :Collectif, L’art de l’exposition – Une documentation sur 30 expositions exemplaires duXX e siècle, éd. du Regard, Paris, 1998Daniel ABADIE & Serge LEMOINE dir., avec une contribution de J.-C. LEBENSZTEJN, Le Cadre et le socle dans l'art du XX e siècle, Dijon-Paris, 1987Adrien GOETZ, « Encadrement <strong>des</strong> œuvres, histoire de l'art occidental », inEncyclopédie UniversalisSur le mouvement Gutaï et ses répercussions en Occident :Michel BATLLE, « La créativité artistique issue de l'influence du Zen », Revue Zen, n°67, 1994Georges MATHIEU : Le Privilège d'être, 1967, réédité en 2006, éditions ComplicitésSur le cinéma et Stanley Kubrick en particulier :Michel CHION, « Stanley Kubrick, l’humain, ni plus ni moins », Cahiers du Cinéma,collection « Auteurs », 2005Philippe FRAISSE, Le cinéma <strong>au</strong> bord du monde, une approche de Stanley Kubrick,Collection L’Infini, Gallimard, 2010Sur le théâtre :Peter BROOK, L'Espace vide, Ecrits sur le théâtre, Points Seuil essais, 1977Sur la musique :François BAYLE, Musiques acousmatiques, propositions... positions, Paris, I.N.A. /Buchet-Chastel, 1993Sur la ville :Thierry PAQUOT, Des corps urbains, Sensibilités entre béton et bitume, EditionsAutrement, Collection « Le Corps, Plus que jamais », mars 2006Sur la photographie :Un peu d’intérêt à l’égard de questionnements contemporains concernant laphotographie et son statut conduira à consulter l’excellent entretien réalisé avec BernardLes Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012


86Rouillé sur le site Revoirfoto : http://www.revoirfoto.com/p/index.php?lg=&c=7&pg=30 età consulter ces divers ouvrages :Walter BENJAMIN, "Petite histoire de la photographie", Œuvres II, traductionfrançaise par M<strong>au</strong>rice de Gandillac, revue par Pierre Rusch, Paris, Gallimard, FolioEssais, 2000Pierre-Jean AMAR, La photographie, histoire d’un art, Édisud, 1993Pierre-Jean AMAR, Histoire de la photographie, P.U.F., collection Que sais-je ?, 1997Roland BARTHES, La chambre claire, Gallimard, 1989Walter BENJAMIN, Sur l'art et la photographie (textes traduits par C. Jouanlanne et M.B. de L<strong>au</strong>nay, présentation de C. Jouanlanne), Paris, Carré, 1997Gisèle FREUND, Photographie et société, Réédition, Seuil, coll. Points Histoire N° 15,2001Susan SONTAG, Sur la photographie, trad. Philippe Blanchard, 241 p., Bourgois,2003Sur les jardins :SCEREN, L'art du jardin du début du XX e siècle à nos jours, CNDP, 2011Littérature :Georges PEREC, Espèces d’espaces, Galilée, 1974Michel HOUELLEBECQ, La Carte et le Territoire, Flammarion, 2010Les Abattoirs - Service Educatif – Evelyne GOUPY – 2012

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